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Chroniques d'Irydaë
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 Ombre diaphane

Althéa Ley Ka'Ori
Althéa Ley Ka'Ori
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Ombre diaphane EmptyDim 3 Déc - 22:09
Irys : 507592
Profession : Guérisseuse du Troisième Cercle
My'trän +3 ~ Suhury (femme)
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Ombre diaphane Tnry


Althéa tira de toutes ses forces sur le tiroir qui refusait résolument de céder sous ses efforts. Au prix où se louait la chambre, elle se serait au moins attendue à ce que les meubles coopèrent ! Mais rien n’y faisait, un récent vernissage avait probablement comblé les rainures qui permettaient au tout de coulisser. Une fois n’est pas coutume, elle doutait qu’employer ses dons lui apporterait quelque réconfort que ce soit ; avec la force donnée par Möchlog, elle en aurait sans doute explosé le bois, ou détaché la poignée (voire pire, fait s’écrouler le meuble entier en considérant son triste état). Dans tous les cas envisagés, le tiroir s’en retrouverait inutilisable, et elle-même se verrait endettée à l’égard du tenancier.
Un coup de pied rageur vint donc ébranler l’ensemble du meuble, et ce simple témoin de son insatisfaction soulagea sa conscience. Elle put se résigner à faire sa toilette sans le savon promis par les quelques Irys remis à l’aubergiste afin de réserver une pièce de sa splendide épave.

L’adepte de Möchlog se détourna donc du tiroir récalcitrant, et se dévêtit complètement. Là, elle prit place dans la baignoire sommaire qui occupait peut-être le quart de la surface habitable de la chambre. De son sac de voyage, elle sortit quelques herbes aux bienfaits divers ; détente, nettoyage et détente derechef. Les extraits naturels ne remplaçaient en rien le savon interdit, mais l’eau la laverait de la crasse du voyage et les plantes de l’odeur pestilentielle de la poussière et de la sueur (des malades qu’elle avait traités, entre autres). Elle défit les multiples tresses qui retenaient ses cheveux et s’immergea complètement dans le liquide déjà moins limpide. Ce dernier dégageait à présent des senteurs de lavande et d’une écorce inidentifiable qui donnait une teinte sombre au fluide. Un fanatique de la gastronomie à tout prix eût pu avancer qu’elle baignait dans une tasse de thé à la grandeur revisitée.

Ses muscles se détendirent quelque peu sous le contact délicat de l’eau. Elle était tiède, mais cette chaleur lui était presque infernale en comparaison du Khoral qui avait hurlé ces dernières semaines en Khurmag. En voyageant vers Darga, elle avait assisté à l’accalmie des vents violents, à la fonte des neiges tenaces et à la gratitude grandissante de son corps maltraité alors que le climat progressivement plus clément ménageait sa température interne.
A bout de souffle, la guérisseuse redressa la tête pour substituer l’air à l’eau dans ses narines. Elle inspira pleinement l’air presque estival pour ses sens, bien que les jours de Décembre s’égrainassent au dehors, et que le chat grignotât sans vergogne ses provisions. Attendez, mais de quoi parle le narrateur ?

    « Dégage de là ! siffla-t-elle d’un ton menaçant. »


Le chat, noir comme la nuit, sursauta d’effroi. Toutefois, il sembla juger le danger moindre puisqu’il entreprit à nouveau de dévorer le biscuit dissimulé dans une de ses poches un peu plus tôt. Furieuse, Althéa sortit d’un seul mouvement de sa baignoire de fortune, entraînant un ruissèlement conséquent sur le parquet. Là, car la chasteté n’a pas de limite raciale, elle s’enveloppa dans un drap avant de s’approcher du filou félin. A son tour, il montra les crocs, et tenta de filer par la fenêtre d’où il s’était faufilé originellement. Althéa lui envoya une onde d’émotions négatives, qui incluait une exténuation intenable et un besoin de paresse imminent. La saleté de chat se fit plus hésitant, plus lent que ce que sa condition ne lui permettait ; la guérisseuse en profita pour se jeter en avant et le saisir au cou comme elle l’avait vu faire sans jamais le faire soi-même. Le portant trop près, elle reçut une patte griffée le long de la joue, ce qui résulta en trois fines estafilades sur sa pommette, desquels le sang perla timidement, mais surtout, en une colère presque démente dans les pupilles de la My’träne. Parce que personne ne la regardait, et qu’elle pouvait faire fî de la bienséance, elle s’adonna à une vengeance des plus puériles en plongeant intégralement le chat dans l’eau de sa baignoire. Elle écouta les pulsations de son cœur, dans un élan de rationalité, pour vérifier qu’il ne meure pas (puisqu’enfin elle avait beau être furax, elle ne voulait pas avoir la mort d’un chat sur la conscience), et ne le sortit de l’eau qu’à l’ultime seconde. De sa main pendait un chat bien plus maigre, aux poils pathétiquement plaqués sur le corps, et les yeux exorbités. Son attitude exprimait une peur panique qui jurait avec sa filouterie passée.

Quelques minutes plus tard, Althéa assaillait sans ambages le tenancier. Elle s’était vêtue comme elle le pouvait avec ce poids dans les mains, qu’elle n’osait lâcher malgré son immobilité. La guérisseuse affichait à présent un calme bouillonnant qui dissimulait avec un succès relatif son irascibilité.

    « Je crains que votre établissement ne laisse à désirer. D’abord un tiroir défectueux, puis votre chat qui s’invite dans ma chambre. J’espérais meilleure tenue d’une auberge si renommée. »


L’auberge n’avait rien de renommée, mais elle espérait un remboursement de sa chambre via la flatterie. Le vieil homme derrière le comptoir ne sembla pas mordre à l’hameçon ; pire, il sélectionna minutieusement les informations révélées pour répondre exclusivement à celles-ci, avec une honnêteté discutable dans son exécution.

    « Ce n’est pas mon chat, mademoiselle.
    - Pardon ?
    - Mon chat ne baigne pas vraiment dans le voyeurisme, expliqua-t-il en appuyant ironiquement sur le verbe baigner alors qu’il examinait la carcasse trempée qui lui était présentée. Celui-ci appartient à la jeune fille de la chambre 7. »


Il l’envoyait donc régler ses comptes sans son soutien. Qu’à cela ne tienne, si son établissement tombait en ruines suite à cette confrontation, il en serait seul responsable ! Althéa soupira d’exaspération, se détourna de l’homme avec un mouvement de cape qui en aurait été presque théâtral si les circonstances avaient été autres, puis elle gravit les marches jusqu’au premier étage. Avec une lenteur calculée, elle frappa à la porte qui affichait un 7 – sa couleur dorée imitait très mal l’or et il semblé avoir tourné autour de sa vis de telle façon qu’il prenait la forme d’une oreille de chat. Sans attendre de réponse (ou sans en entendre une du moins), elle poussa la porte, et jeta le chat à l’intérieur. Celui-ci se reçut sur ses pattes, et fila hors de vue avec un sifflement qui sonnait comme une promesse de vendetta. Sur le pan de la porte se dressait une Althéa au regard sévère et dont la pudeur était davantage préservée par la cape que la tunique enfilée à la va-vite. Peu avaient eu l’occasion de la voir les cheveux lâchés, mais cela lui donnait un air d’autant plus sauvage et effaçait quelque peu la douceur naturelle de son visage. Sa voix était mesurée et froide, presque méprisante :

    « Je vous prierais de veiller sur votre bête si vous la préférez vivante. Je demande d’ailleurs réparation pour atteinte à mon intimité autant qu’à mes vivres, tout cela à cause de votre négligence. »


Dernière édition par Althéa Ley Ka'Ori le Mer 17 Jan - 10:59, édité 4 fois

Eskarina Hellaraxë
Eskarina Hellaraxë
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Ombre diaphane EmptyMar 5 Déc - 22:17
Irys : 322600
Profession : Assassin
Guilde +1 (femme)
Eskarina était épuisée. Elle s'était décidée quelques semaines plus tôt à partir d'Aildor pour se rendre à Darga, la capitale My'trän, dont elle avait déjà entendu parler à plusieurs reprises; et qui avait piqué sa curiosité. Et puis, puisqu'elle avait décidé de partir d'Als'kholyn et de voyager, il fallait bien commencer quelque part. Elle avait donc pris un bateau pour Shüren, puis s'était dirigée à pied vers Darga, et cela faisait plusieurs jours qu'elle aurait du arriver, ce qui la contraria de manière significative. Elle profita tout de même des paysages qui s'offrirent à elle, les plaines verdoyantes et les innombrables cours d'eau qu'elle traversa la séduirent. La nouveauté radicale de ce continent la rendirent euphorique une bonne partie de son voyage. Mais Eskarina déteste avoir tort. Sa mauvaise estimation l'irrita ainsi davantage que la douleur permanente que lui signifiait chaque instant son corps las de cette marche interminable.

Elle parvint finalement dans une ville, toujours pas la capitale cependant. L'animation qui y régnait et la foule qui s'y promenait était idéale pour se dissimuler. Elle chercha donc une auberge et prit presque la première qu'elle trouva - aucun critère de qualité ni de sûreté de venaient contraindre son choix. Le tenancier lui tendit une clé :

"Premier étage. Chambre 7. Savon ? demanda-t-il sans lever la tête de son registre.
-Plus tard peut-être."
Surpris par la voix encore teinté d'une sonorité enfantine d'Eskarina, l'homme leva soudainement la tête et ses yeux s'écarquillèrent encore plus lorsqu'il croisa le regard de la jeune fille. Sans en tenir compte, Eskarina plaqua quelques Irys sur le comptoir, prit la clé de la main de l'aubergiste qui balbutia :

"Si jamais, y en a dans le tiroir de la commode…"

Mais Eskarina était déjà repartie, trop pressée de s'allonger enfin sur un lit pour s'attarder davantage, Tezca sur les talons. Elle nota que l'escalier grinçait. Pas discret. La chambre 7 se situait au milieu du couloir, Esk le traversa telle une somnambule, la fatigue se faisant encore plus forte alors que la promesse du repos se faisait plus proche. Elle introduisit la clé dans serrure, poussa la porte, qui elle aussi grinçait. Décidément, pour la discrétion, on repassera. Mais peu lui importait pour l'instant, elle rentra, et la seule chose qu'elle vit était la seule chose qui comptait à ce moment. Le lit. Esk s'y affala sans prendre le temps d'enlever son manteau, sa besace ou ses bottes. Elle n'avait jamais été aussi bien.

Tezca vit qu'il ne pourrait plus rien tirer de sa maîtresse. Heureusement, la fenêtre était ouverte. Il s'y faufila pour partir chercher quelque chose à se mettre sous la dent. Cela faisait des semaines qu'il se nourrissait exclusivement de mulots, rescapés de l'hiver, et pas bien grassouillets si l'on voulait son avis. Une ville, c'était l'opulence, et il comptait bien trouver à chaparder comme il le faisait lorsqu'ils étaient encore à Aildor. Justement, une fenêtre était ouverte. Le chat rentra dans la pièce. Une jeune femme était en train de se baigner, la tête sous l'eau. Bien. Moins de chances de se faire prendre. Tezca courut jusqu'au sac de provisions bien en évidence sur le sol de la pièce. Mais, alors qu'il venait de croquer dans un biscuit bien mérité, la fille gronda. Il sursauta, la regarda, et vit qu'elle le regardait. Donc c'était à lui qu'elle s'adressait. Bah, elle pouvait bien lui laisser un biscuit non ? Mais la fille sortit du bain et s'approcha de lui d'un air menaçant. Bon, fallait pas trainer. Tezca souffla puis sauta sur le rebord de la fenêtre, prêt à fuir. Mais tout à coup, une vague de fatigue le prit et le retint dans son élan. La fourbe en profita pour le saisir. Ca faisait mal, et Tezca, comprenant qu'il allait passer un sale quart d'heure poussa un miaulement de protestation. C'était qu'un biscuit ! Il la griffa au visage, les yeux dans les yeux. Là, il avait fait une erreur. Le regard de la fille s'assombrit soudainement. Puis tout alla très vite. Elle le plongea dans la baignoire. Brrrrr le contact de l'eau. Il se débattit mais elle le maintint sous la surface. Souffrance. Ses poumons le brûlaient. Il allait mourir. Puis, alors qu'il perdait connaissance, elle le sortit d'un coup sans pour autant le lâcher. La tête lui tournait. Lorsqu'il reprit ses esprits, la fille se tenait devant une porte, qu'elle ouvrit pour le jeter à l'intérieur. Tezca, n'en menait clairement pas large, mais il possédait tout de même une fierté de chat, et hérissa donc une dernière ses poils pour souffler puis se réfugia sous un placard, hors de portée de la cruelle. Mais cette dernière ne se préoccupait déjà plus de lui.

Eskarina, se réveilla en sursaut. Mince, elle n'était pas prête. Mais pourquoi n'avait-elle pas fermé cette fichue porte ? Elle ne pouvait pas se permettre, sous prétexte qu'elle était fatiguée, de faire des erreurs pareilles. Heureusement, personne ne la connaissait ici, et cette pensée la calma un peu. Elle se releva d'un coup, juste à temps pour voir son chat, trempé jusqu'à l'os, tremblant, se réfugier sous sa penderie. Son regard se porta ensuite sur l'intruse. Elle était plus âgée qu'elle, une vingtaine d'année peut-être. Les cheveux ébène, lâchés qui soulignaient le regard de vainqueur arrivant en terrain conquis de la fille eurent le don d'ajouter à l'irritation d'Eskarina, déjà passablement énervée, car il ne faisait pas l'ombre d'un doute qu'elle était responsable de l'état de son chat, et de sa sieste écourtée. Alors, avec une suffisance qui parut tout à fait insupportable à Eskarina, l'inconnue s'exclama théâtralement :

"Je vous prierais de veiller sur votre bête si vous la préférez vivante. Je demande d'ailleurs réparation pour atteinte à mon intimité autant qu'à mes vivres, tout cela à cause de votre négligence.
-Comment avez-vous osé toucher à Tezca ?!, rétorqua du tac au tac Esk, hors d'elle. Et laissez-moi rire ! Il aurait touché à vos vivres ? Il a grignoté quoi ? Un quart de biscuit ? Il aurait violé votre intimité ? C'est un chat ! Madame n'a pas supporté d'être surprise dans son bain parfumé par un vulgaire chat ? Vous m'en voyez navrée, mais n'attendez pas de moi une quelconque réparation, je ne voudrais pas vous faire perdre votre précieux temps. Maintenant, si vous permettez, j'ai payé pour cette chambre, et j'entends bien pouvoir en disposer comme je l'entends. Je vous conseille donc de retourner à votre bain, et fermez la fenêtre de votre chambre si vous ne voulez plus être dérangée." En disant cela, Eskarina avait sorti de sa botte droite une dague et, ayant avancé d'un pas , menaçait ouvertement l'intruse.

Althéa Ley Ka'Ori
Althéa Ley Ka'Ori
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Ombre diaphane EmptyVen 15 Déc - 19:27
Irys : 507592
Profession : Guérisseuse du Troisième Cercle
My'trän +3 ~ Suhury (femme)
En réponse à son intempestivité, la jeune fille au chat noir témoigna d’une irascibilité presque époustouflante. Il fallait s’y attendre, me direz-vous, et Althéa aurait volontiers acclamé sa hargne et sa force d’esprit si sa propre vie n’avait été menacée de la sorte. On lui administra un regard assassin et un discours furieux, qui, s’il avait le mérite d’être bien construit, se complaisait dans l’immaturité. La guérisseuse jugeait son comportement excessif en vue de la courtoisie avec laquelle elle avait su faire entendre son désagrément. Visiblement, elle ne savait pas à qui elle s’adressait ni les efforts réalisés pour s’exprimer avec mesure !
L’affaire se résumait sans doute à un malentendu, que sa frustration précédente à l’encontre de son tiroir et le tempérament de la petite garce avaient amplifié plus que de raison.

Aussi, sans prévenir, dans un élan juvénile de ravissement, Althéa partit d’un éclat de rire comme jamais elle n’en avait délivré l’année passée. La disciple de Möchlog avait pour habitude qu’on s’écrase sous les coups de son acrimonie, car tous semblaient incapables de soutenir son regard sans chaleur. Parfois, il est vrai, on lui avait témoigné quelque hostilité, qui résultait souvent d’une fierté mal placée. Mais le sentiment prenait une couleur différente dans la bouche d’Eskarina. Il y avait là plus de résolution que ce que son âge ne le laissait croire, et dans ses yeux la même fièvre qui animait son propre cœur. Sa curiosité éveillée, elle avait mis de côté la confrontation, plus encline au dialogue. Mais la jeune pérégrine ne semblait pas dans les mêmes dispositions ; elle eut un sursaut de peur en distinguant un scintillement, celui d’une dague qui semblait comme apparue de nulle part.

Portée par l’instinct plus que par la vivacité d’esprit, elle recula prestement, et claqua la porte devant elle. Soucieuse pour sa vie, et plus tant amusée, elle tint la poignée à deux mains pour maintenir le battant dans cette position qui à l’évidence agissait comme le meilleur facteur de sa survie. Un instant, elle en aurait oublié ce qu’il lui avait pris d’ouvrir cette porte de prime abord !
Althéa inspira profondément et recouvra son calme initial. Les deux bêtes sauvages n’étaient pas encore en liberté, mais enfermées bien au chaud dans la chambre. Il y avait du positif dans cette histoire ! Néanmoins, elle se trouvait à présent dans une situation fort contrariante. Elle employa derechef ses dons afin de s’insuffler la force suffisante de résister aux potentielles assauts de la gamine de l’autre côté du battant, s’appliquant tant bien que mal à trouver une… porte de sortie. Par le plumage de Möchlog, avait-elle un don insoupçonné - autre que celui de la guérison - qui la précipitait des situations inextricables ?

    « Je suis lasse des gens dénués de diplomatie, s’indigna-t-elle à voix si basse qu’elle ne parvint peut-être pas de l’autre côté de la porte. On vient poliment faire part d’un tracas, et on se prend une dague dans le ventre ! »


Elle employait tout son poids, aussi risible soit-il, à maintenir la porte résolument fermée. Un bruit de chaises qui raclent se fit entendre à l’étage inférieur, et la guérisseuse se rappela subitement qu’elle se trouvait dans un lieu public, en plein milieu d’un corridor usuellement fréquenté. D’autres clients viendraient bientôt ramper en quête de leur lit après avoir profité de leur supplément cuite dans la salle commune. Il lui fallait éviter à tout prix l’embarras de s’expliquer ou plus simplement éviter d’éveiller les soupçons. Elle avait suffisamment trinqué pendant son séjour à Khurmag en terme d’ennuis, et elle trinquerait bien davantage à l’avenir lorsqu’elle se rendrait en Daënastre ; autant limiter la casse pour l’heure si elle voulait interrompre un tant soit peu ces continuelles complications. A cet effet, il lui fallait trouver un moyen tangible de signer un accord de paix avec la colérique adolescente. Elle s’essaya aux concessions de la façon qui suit :

    « Ecoute, petite teigne. Tu me rappelles quelqu’un que je connais bien, donc je vais te proposer un marché honnête... Tu lâches cette dague et moi je lâche cette poignée. Cela te va ? De toute manière, si tu essaies de me planter, crois-moi que je te rendrai la douleur au centuple, et sans même te toucher. De toute évidence, Möchlog veille sur moi plus sûrement que tes parents ne veillent sur leur fille. »


Une part de ses propos se dotaient sans nul doute d’un sarcasme indécent, mais il lui parut nécessaire d’établir ainsi les bases de leur relation. Avec du recul, elle se rendait à présent compte que sa récente initiation à la magie d’altération était un atout majeur contre un adversaire hors de portée, et cette idée lui conférait plus de confiance que si elle avait été celle à brandir la dague.


Dernière édition par Althéa Ley Ka'Ori le Ven 22 Déc - 23:24, édité 1 fois

Eskarina Hellaraxë
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Ombre diaphane EmptyDim 17 Déc - 10:18
Irys : 322600
Profession : Assassin
Guilde +1 (femme)
Alors qu'il semblait à Eskarina qu'elles se tenaient face à face dans un duel intense -et tout à fait sérieux - de regards , la jeune femme éclata soudainement de rire. Esk fut totalement décontenancée. Elle était tombée sur une folle. Il ne manquait plus que ça. Eskarina arqua un sourcil en signe de profonde incompréhension et son bras qui tenait la dague se relâcha un peu de la tension des dernières secondes - mais pas trop quand même : on ne sait jamais avec les tarés. Son geste amena la lame dans un rayon de soleil couchant qui vint se réfléchir sur le métal et attira le regard de son adversaire : le rire stoppa net. Ah quand même ! C'était quand même un peu vexant pour un assassin de sortir son arme et de se voir rire au nez. Eskarina se savait peu imposante, mais d'habitude, avec une arme, les gens la considéraient au moins comme une menace. La jeune femme commença à trembler et à reculer. Reprenant le contrôle de la situation, Eskarina brandit à nouveau son arme, soulagée de voir que l'autre folle avait au moins un instinct de survie, ce qui permettait à Esk d'avoir l'ascendant. Enfin une situation qu'elle maîtrisait. Non mais ! On n'a pas idée de perturber les gens comme ça !

La fille atteint rapidement la porte qu'elle ouvrit et referma vivement sur elle. Mais Esk ne comptait pas la laisser s'en sortir comme ça. Vu l'état de Tezca, toujours planqué sous l'armoire, ce serait un miracle si le pauvre animal ne sortait pas traumatisé de cette malheureuse rencontre, et, même si elle l'adorait, un chat peureux ne lui était d'absolument aucune utilité. D'ailleurs, un détail la chiffonnait : Tezca avait toujours été d'une grande agilité, qui allait de pair avec une intelligence rare pour un chat. Comment avait-il pu se laisser attraper par cette tortionnaire ? Mais Esk bouillonnait et n'avait pas les idées assez claires pour trouver les bonnes réponses. Elle s'élança à la poursuite de l'inconnue, entendant bien lui faire passer un aussi mauvais quart d'heure que ce qu'elle avait fait subir à son précieux compagnon. Elle atteint la porte en deux bonds, telle une furie. On voyait presque la fumée sortir de ses oreilles - si si. Elle tira d'un coup sur la porte, mais l'autre devait toujours être de l'autre côté pour la tenir, car Esk ne réussit pas à l'ouvrir. Elle tira de toutes ses forces mais rien n'y fit : la porte ne bougea pas d'un pouce, comme si une force surnaturelle empêchait son ouverture. Flûte ! Eskarina lâcha la poignée un instant pour reprendre son souffle et la brillante idée lui vient alors d'arrêter de forcer, si elle tenait pas à payer la réparation d'une porte. Il y eut un long silence durant lequel elles entendirent notamment le raclement des chaises de la salle à manger du rez-de-chaussée. Eskarina soupira. Elle n'allait pas pouvoir régler son compte à cette folle tout de suite. En effet la première règle que lui avait enseigné son maître était la suivante : un assassin, ça tue des gens certes, mais pas en public. Ca apportait trop de complications : il fallait toujours se justifier et puis ça ne rendait en général pas très sympathique. Esk se résolut donc à trouver un compromis avec l'inconnue : il fallait qu'elle élimine temporairement la menace. Elle réfléchissait ainsi à entamer les pourparlers, lorsque l'autre pris la parole. Apparemment, elle avait fait le même calcul qu'Eskarina et demandait une trêve. Cependant, la fin de son discours inquiéta Esk : la jeune femme disait être adepte de Möchlog. La lumière se fit dans son esprit et Eskarina eut envie de se gifler. Mais quelle sotte elle faisait ! Elle n'avait quand même pas passé tous ces jours à Shüren à se documenter sur My'trä pour rien ! Bien-sûr qu'à Suhury elle allait rencontrer des adeptes de l'Architecte qui seraient capables de maîtriser les corps - dont celui de son chat soit dit en passant. Bon, au moins elle avait trouvé une réponse à sa question, réponse qu'elle aurait hélas préférée autre. En effet, après ce rapide raisonnement, Eskarina était tout à fait terrifiée. Elle lâcha la poignée comme si cette dernière l'avait brûlée et s'écarta d'un pas.

A cette prudente - bien qu'inutile - distance de son adversaire, Esk réfléchit à nouveau : l'autre ne savait probablement pas qu'elle n'était pas my'träne, ce qui expliquerait sa peur. Bien. C'était donc un avantage qu'il ne fallait surtout pas perdre, sinon c'en était finit d'elle. Elle devait se calmer. Réprimer l'indicible panique qu'elle sentait monter en elle. Rester de marbre, ne laisser transparaître aucune émotion. Esk ferma les yeux et fit donc le vide dans son esprit, comme elle l'avait appris. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, tout ce qu'on aurait pu y lire était un calme froid. Elle était toujours aussi tendue, prête à réagir au moindre bruit qui proviendrait de derrière la porte. Même si elle savait que c'était tout à fait inutile car si la fille décidait de se servir de ses pouvoirs contre elle, elle serait totalement démunie. Esk fit rapidement le tour des issues : la porte ou la fenêtre, toujours ouverte. Cette dernière était clairement le meilleur des échappatoires. Si elle arrivait à l'atteindre. Esk comprit alors très bien ce que Tezca avait du ressentir, lorsqu'il avait du tenter de s'échapper de la chambre de la magicienne, et l'effroi lorsqu'il avait compris qu'il ne pourrait rien faire. Un nouvel accès de terreur prit Esk, qu'elle refoula bien vite. Elle ne pouvait pas se permettre de laisser la peur la dominer. L'inconnue la sentirait.

Le temps commençait à presser, elle entendait déjà les pas se rapprocher de l'escalier. Prenant une grande inspiration, Eskarina lança d'une voix plus assurée qu'elle ne l'aurait cru :

"Très bien. Je pose ma dague. Laissez-moi la voie libre."

Après quelques instants, Eskarina se rapprocha de la porte et actionna la poignée : la porte s'ouvrit sans difficulté. Esk se retrouva face à l'inconnue. Leur proximité provoquait chez Esk une sensation de malaise, qu'elle espéra correctement dissimuler.

"Ne vous avisez surtout plus de recommencer, gronda-t-elle car sa peur n'avait en rien diminué son animosité, ce chat m'est indispensable."

Si les paroles d'Eskarina laissaient entendre un pacte de non agression, la jeune fille n'avait pas dit son dernier mot. Peu importe ce dont était capable l'autre, son maître lui avait enseigné que la ruse était plus forte que n'importe quelle magie ou technologie, et que la patience était sa meilleure alliée. L'inconnue payerait un jour pour avoir piétiné l'honneur - et peut-être bien la santé mentale - de Tezca.

Althéa Ley Ka'Ori
Althéa Ley Ka'Ori
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Ombre diaphane EmptyMar 19 Déc - 14:30
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Profession : Guérisseuse du Troisième Cercle
My'trän +3 ~ Suhury (femme)
Althéa prit une ultime inspiration avant de libérer la poignée de son emprise. Son corps parut immédiatement soulagé de lâcher prise ; la magie aurait fini par s’épuiser et sa force physique aurait alors été l’unique garante de sa survie. Or s’il s’était considérablement renforcé au cours de ses multiples migrations nomades, son corps n’en demeurait pas moins frêle - elle manquait de puissance là où son endurance était irréprochable. Rien ne lui garantissait qu’elle serait à même de tenir tête à une môme du gabarit d’Eskarina !

La trêve fut donc bienvenue. Néanmoins, lorsque la porte coulissa sur ses gonds, ses muscles se tendirent derechef, non plus d’effort mais de crainte. Restait à présent l’appréhension de recevoir une dague dans l’abdomen, ou pire, de voir l’énergumène lui sauter à la gorge dans l’instant. Pourtant elle n’en fit rien, et nulle lame ne scintilla à nouveau. Avait-elle appris le sens des convenances et acquis quelque civilité dans les dernières minutes qui s’étaient écoulées ? Ou préparait-elle un plan de vengeance plus tordu encore ?

Instinctivement, elle voulut reculer d’un pas mais se retint de justesse. La proximité lui était préférable. De là, elle pouvait aisément se saisir de la gamine, établir un contact qui lui permettrait d’infliger des peines telles que seuls les militaires et les mercenaires pouvaient se targuer d’avoir vécues. Une paix relative semblait s’installer entre les deux partis, en dépit de l’hostilité électrique qui les liait irrémédiablement. Mais elle ne trompait personne. Pour être une soupe-au-lait par nature, Althéa ne doutait pas qu’un tel changement de tempérament cachait ses raisons, ses intérêts dissimulés, quand bien même ne fût-ce que le fruit d’une simple instabilité mentale dénuée de toute logique. Une raison qu’il lui fallait découvrir, au nom de la curiosité qui l’animait.

    « Je ne toucherai pas le chat. »


C’était une concession qu’elle était prête à faire. Après tout, le quart de biscuit volé était déjà compensé par sa pseudo-torture du voleur en question. Elle trouverait un autre bouc émissaire à l’avenir : un enfant trop bruyant ou un patient trop lamentable.
Pour l’heure, une sorte de bataille de regards s’installait durablement entre les deux jeunes femmes, accompagnée d’un silence presque embarrassant pour le citoyen lambda. Aucune ne souhaitait tourner le dos à l’autre, et au-delà de cette peur, Althéa ressentait une profonde insatisfaction. Elle avait échoué à établir son pouvoir. La jeune fille n’avait pas paru plus intimidée que cela de son accès de colère, et cela l’indisposait. Elle se retrouvait confrontée à une enfant qui avait plus d’aplomb que la majeure partie de ses interlocuteurs, cela attisait autant sa répugnance que son admiration. D’ici un mois, elle arpenterait Daënastre, un territoire ennemi peuplé d’infâmies. Celles-ci avaient beau être des erreurs involontaires des Architectes, des êtres incomplets et sans profondeur, elle les sous-estimait pas, et ne doutait pas qu’ils s’opposeraient farouchement au pouvoir my’trän qu’elle incarnerait. Et pourtant, il lui faudrait vaincre, asseoir son autorité, convaincre, persuader, intimider, jusqu’à ce qu’on se prosterne devant ses doléances.

Aussi, une simple adolescente qui entamait tout juste sa puberté ne pouvait pas se dérober à son empire aussi aisément. Il lui fallait ruser, manipuler, trouver comment s’approprier cet être mystérieux. Ses iris ambrées reflétaient une jeune fille caractérisée par sa pâleur, chétive en apparence, mais ne parvenaient pas à lire son âme. La personnalité que lui avait octroyée Khugatsaa lui échappait. Il fallait la mettre à nue, spirituellement parlant évidemment. Et pour cela, il lui fallait prolonger l’échange.
L’esquisse d’une idée lui vint soudain, et pour une fois elle n’était pas chargée de viles intentions.

    « Pourquoi tu y tiens autant ? Au chat, je veux dire. Non, tu sais quoi, tu n’as pas à me répondre. Mais si tu veux je peux lui retirer une part de son traumatisme. »


Cela se lisait dans sa voix ; c’était un échange de bons procédés, et pas seulement une proposition issue d’un altruisme inhérent à sa personnalité. Un altruisme qu’elle était loin de posséder de surcroît. De toute façon, elle aurait mis sa main à couper qu’Eskarina n’aurait guère accepté un acte désintéressé de sa part dans de telles circonstances. Elle était trop maligne pour ne pas trouver ça louche de sa part ! Après une pause mesurée, elle enchaîna donc sur la seconde partie du marché, qui concernait ses intérêts cette fois :

    « En échange de quoi… j’aimerais bien que tu me prêtes le savon dans ta commode. C’est du donnant-donnant, je n’ai aucune raison de te tromper ! »


Dernière édition par Althéa Ley Ka'Ori le Ven 22 Déc - 23:24, édité 1 fois

Eskarina Hellaraxë
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Eskarina fronça les sourcils : quoi cette fille se souciait à présent de son chat ? C'était la meilleure ! Après lui avoir infligé un tel traumatisme - dont elle ne connaissait pas encore la nature exacte ! Elle était peut-être bel et bien folle après tout… Bipolaire ou un truc dans le genre. Cependant, Esk resta interdite, la tension n'avait nullement quitté son corps, car le ton de son interlocutrice laissait entendre qu'elle n'avait pas fini de parler. Cela perturba encore plus Esk : la seconde part du marché - car il s'agissait sûrement d'un marché - lui paraissait assez obscure. Son apparence ne laissait pas présager une grande richesse, et elle ne roulait effectivement clairement pas sur l'or. Eskarina voyait donc mal ce qu'elle avait à offrir en contrepartie de la guérison de son chat.

Aussi, quand Althéa exprima sa revendication, Eskarina ne savait pas trop si elle devait éclater de rire ou renforcer sa méfiance. Un savon ? Elle prenait tellement de bains qu'elle avait déjà épuisé le sien ? Mais Esk garda sa pique pour elle, elle n'avait pas envie de raviver l'animosité de la magicienne. De plus, le marché de la fille n'avait pas eu pour effet de rassurer Eskarina, loin de là. D'abord, la part d'Esk lui semblait tout à fait dérisoire par rapport à ce que l'autre proposait de faire pour son chat. Etait-elle à ce point puissante que rétablir la santé mentale d'un être vivant équivalait pour elle à un bout de savon ? Esk frissonna. Elle connaissait mal les aptitudes des mages en fonction de leur palier, et elle ne savait pas trop si elle devait espérer qu'Althéa soit très puissante, et donc que ses capacités ne soient pas ordinaires pour un adepte de Möchlog; ou bien au contraire espérer qu'elle soit peu puissante, donc moins dangereuse dans l'immédiat. Et prier pour ne pas tomber sur un adepte d'un palier supérieur, pourvu de dons auxquels Esk ne préférait même pas penser. Un autre doute contribuait à accroître la méfiance d'Eskarina : et si, indisposée par l'attitude peu accommodante d'Esk, Althéa avait décidé de prétexter la guérison de son chat pour endormir la jeune fille et infliger des souffrances encore supérieures au malheureux ?

Cependant, Esk écarta rapidement ce soupçon : si l'inconnue avait voulu lui faire du mal, elle s'en serait sans doute prise directement à elle. De toute façon, Esk était dans une impasse : si elle refusait le marché d'Althéa, cette dernière en prendrait probablement ombrage, et la trêve serait finie. Sans compter qu'elle se retrouverait avec un légume de compagnie. Esk décida donc d'accepter, ce qu'elle fit savoir à la magicienne par un bref mouvement de tête. Elle se contenterait de surveiller Althéa de prêt, même si elle doutait de pouvoir intervenir si elle décidait d'achever son chat.

A reculons, elle entra à nouveau dans sa chambre, ne tournant toujours pas le dos à la magicienne et invita cette dernière à rentrer d'un signe. Esk se dirigea d'abord vers sa commode, dont elle essaya de tirer le premier tiroir, qui ne bougea pas d'un millimètre. Renonçant un instant au face à face avec son adversaire - ce qui n'était certes pas très prudent, mais elle n'allait pas se laisser ridiculiser par un tiroir - Esk s'accroupit face à la commode dans un position plus confortable. Elle tira de plus en plus fort, dans différentes directions, ouvrit le tiroir inférieur - qui ironiquement ne fit aucune difficulté - pour voir si quelque chose bloquait, mais rien n'y fit. En désespoir de cause, Esk sortit sa deuxième dague - peu soucieuse à présent de l'éventuel effet de surprise qu'elle avait au départ prévu de garder sur son adversaire - et glissa la lame dans l'espace entre le tiroir et son châssis. Elle fit ainsi le tour du tiroir récalcitrant, puis tira à nouveau. Il y eu un petit bruit de décollement sec et le tiroir s'ouvrit. Victorieuse, Esk en tira le bout de savon durement acquis. C'était bien dommage de s'en séparer : elle aurait bien eu besoin d'un bain après tous ces efforts. Elle appela ensuite son chat d'un claquement de langue. Elle vit alors un museau frémissant pointer de sous son placard. Le pauvre animal n'avait pas osé bouger de toute la scène. Lorsqu'il sentit la présence d'Althéa, le museau disparut aussi sec et aucun claquement de langue ne l'aurait fait réapparaître. Dans un soupir exaspéré - cette journée était décidément pénible - Esk se dirigea à grands pas vers le placard, en surveillant toujours Althéa du coin de l'oeil. Elle se mit à plat ventre, passa un bras sous le meuble et chercha à tâtons son chat. Elle finit par le sentir, recroquevillé et tremblant tout contre le mur. Esk l'attrapa d'une main ferme, et le tira vers elle pour l'extraire de sa cachette. Mais Tezca ne se laissa pas faire : les griffes plantées le plus possibles dans le plancher, il usait de toutes les forces qui lui restaient pour éviter de sortir. Finalement, au terme d'une lutte qui paru interminable et surtout tout à fait humiliante à Esk, toujours à plat ventre dans la poussière, dans une position parfaitement ridicule, elle sortit Tezca par la peau du coup. Elle le prit dans ses bras, et l'animal, toujours tremblant, s'y réfugia, tournant le dos à Althéa pour ne plus la voir. Esk marcha jusqu'au lit, où elle s'assit, et comme le chat, toutes les griffes plantées dans ses vêtement, refusait catégoriquement de quitter ses bras, elle resta sans bouger ainsi, le savon posé à côté d'elle, attendant qu'Althéa use de sa magie. Elle ne pouvait décidément pas laisser son chat comme ça. Esk sentit tout à coup les larmes lui monter aux yeux. Qu'est-ce qu'elle ferait si elle perdait Tezca ? Même si elle n'aurait jamais du autant s'y attacher, la jeune fille l'adorait, et elle doutait de retrouver un jour un compagnon aussi attachant.

Althéa Ley Ka'Ori
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Une trêve relative s’établit entre les deux antagonistes, et Althéa put se glisser dans la chambre de la jeune fille sans subir la morsure de sa lame. Leur accord de paix venait à point nommé, semblait-il, puisque la seconde d’après des pas traînants les informèrent que les convives de l’étage inférieur rejoignaient leurs pieux. Une nuitée plus apaisante leur susurrait des promesses alléchantes, tandis que les deux femmes se retrouvaient face à face, bien obligées de coopérer maintenant que leur marché était ratifié. La guérisseuse ne força pas un sourire sur ses lèvres ; tout bien considéré, l’hypocrisie était le fléau de l’humanité.
Elle éprouva un poignant ressentiment à l’encontre du tavernier lorsqu’elle s’aperçut que le tiroir de cette chambre-là, fortuitement c’était certain, ne coulissait pas plus que celui de sa propre commode. Quand bien même leur discussion ne mènerait nulle part, elle aurait au moins l’assurance de pouvoir passer un savon au tenancier !

Par la suite, elle observa sans juger la jeune fille à plat ventre récupérer son chat, plus impatiente que réellement amusée de sa misère. Dalai avait-elle donné à cette bête une telle aversion de l’eau ? Ou avait-elle trop titillé son instinct de survie pour qu’il en sortît indemne ? Elle opta pour la première option, car la seconde rendrait son rétablissement bien trop éprouvant. Finalement, Eskarina tira son compagnon de sous le meuble, puis le serra dans ses bras avec un amour qu’elle n’aurait guère cru possible à l’égard d’un simple animal. Les bras croisés, elle lui laissa quelques secondes d’intimité, se gardant de révéler son étonnement. Elle-même n’avait jamais ressenti de véritable loyauté qu’envers de ses frères, et dans une certaine mesure, envers Faye et Zora. Sa voix, pourtant, se fit compréhensive et douce dorénavant, comme polie par des années de service dans un dispensaire, rendue mélodieuse par l’habitude, caressante et paisible par nécessité.

    « Est-ce que je peux m’approcher ? »


Le contraste était saisissant, mais elle agissait sans en prendre conscience. C’était là l’unique argument faisant foi de son apparente sincérité. Il existait deux Althéa en ce monde, la fervente guérisseuse et la mesquine derrière le masque. Lorsqu’elle obéissait à Möchlog, la bienveillance donnait de l’émotion à son ton, de la profondeur à sa dévotion et de la gentillesse à son regard. A cours de recours, la jeune fille sembla accepter à contrecœur cette part spécifique d’Althéa qui la dépeignait sensible et dévouée.

Aussi elle vint s’asseoir devant le lit, à même le sol, désireuse de ne pas effrayer le chat, de ne pas le dominer par sa taille, et surtout, d’adopter une posture ostensiblement inoffensive. Là elle posa ses bras au sommet de ses genoux pliés devant elle, et ses yeux se fixèrent intensément sur le chat à un mètre devant elle. La magie à une telle distance n’opérait pas avec l’efficience qu’elle souhaitait, mais elle comprenait bien que le félin comme sa maîtresse étaient méfiants – et avec raison. Si elle tentait une approche trop brutale, elle risquait de les paniquer l’un comme l’autre ; l’anxiété de l’un d’entre eux se transformerait en une angoisse amplifiée pour son partenaire et vice versa. Le gain de magie octroyé par la proximité serait annulé par leur rejet naturel vis-à-vis de son intrusion. Non, il fallait plus de douceur que ce qu’elle savait en donner usuellement, et du temps, et de l’épuisement, et de la patience. C’est donc à une distance raisonnable qu’elle entama le processus inverse de celui opéré plus tôt en fatigant puis en noyant la bête. Elle songea qu’un maître de Möchlog lui avait un jour avancé que rien n’était irréversible.

    « Comment s’appelle-t-il ? »


Diantre, elle s’en moquait éperdument. Mais là n’était pas la question. Chaque jour, des milliers de citoyens s’entretiennent au sujet de la pluie et du beau temps, de la bonne santé de son voisin et de la bonne tenue de ses affaires. L’important lorsque l’on converse, ce n’est pas tant l’intérêt que nous apporte l’information reçue, mais l’intention de telles banalités, à savoir établir un contact, une relation cordiale quand bien même elle se caractériserait par sa fragilité. Il fallait en effet que le chat accepte sa voix, se résigne à sa présence si elle le voulait réceptif aux ondes qu’elle lui transmettait. Il fallait qu’elle fasse partie du décor au même titre que la grand-mère embarrassante qui vous conte les exploits sexuels de son défunt mari à chaque fois que vous avez le malheur de passer devant chez elle. La comparaison est peut-être osée, mais ce qu’il faut retenir, c’est ce désir d’être acceptée, et au pire tolérée.

Profitant que le chat lui tourne le dos, elle finit par tendre la main, lentement, pour réduire la distance, toujours plus. On pouvait presque voir apparaître un sourire sur ses lèvres en même temps qu’elle murmurait à demi-mot des paroles en l’honneur de la chouette créatrice de vie. Elle ne pouvait changer ses émotions, ses sentiments, mais du moins elle pouvait agir sur son corps, défaire les tensions, harmoniser chaque élément avec ceux adjacents, jusqu’à ce que l’aponie se mue en une ataraxie incomplète mais favorisée malgré tout, si ce n’est simulée pas les faux signaux qu’elle transmettait à son cerveau. Le chat se laissa aller petit à petit, mais elle refusa de cesser son traitement ou même de le toucher. Tout my’trän savait les monstruosités qu’un adepte de Möchlog pouvait infliger par la simple pensée, surtout sur un corps aussi chétif, en posant simplement sa main sur un être vivant ; elle ne voulait pas éveiller les soupçons qu’une telle envie était motif à ses soins.

Ses prières s’interrompirent sans crier gare, créant un silence inattendu, alors qu’elle continuait d’opérer. Elle sortit quelques peu de cette transe de guérison, sans quitter le félin de ses yeux ambrés.

    « Comme cela me semble peu avisé, je me permets la question : que fait une jeune fille de ton âge, si impulsive qui plus est, avec une arme en main ? Réfléchis bien à ton mensonge avant de le proférer, je ne suis pas un public crédule. »

Eskarina Hellaraxë
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Ombre diaphane EmptyMar 26 Déc - 0:38
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Toute l’attention d’Eskarina était focalisée sur son chat. Son maître l’avait pourtant plusieurs fois mise en garde : son attachement pour les animaux était sa plus grande faiblesse. Si Althéa avait cherché à lire son coeur à cet instant, elle aurait vu celui d’une petite fille de six ans, tremblante de terreur et pleurant à chaudes larmes pour son ami. Mais rien de tout cela ne transparaissait sur son visage, à part une claire inquiétude pour son compagnon.

Il lui semblait qu’elle était en parfaite connexion avec Tezca. Il lui semblait sentir la magie d’Althea. Il lui semblait qu’elle se détendait en même temps que lui, que sa souffrance s’apaisait avec la sienne. Elle n’avait encore jamais senti une telle chose. Elle s’apaisait, et avec elle sa colère. Elle ne répondit tout de même pas lorsque la guérisseuse lui demanda le prénom de son chat. Si son irritation l’avait quittée, ce n’était pas le cas de sa méfiance.

Finalement, le chat s’était tout à fait détendu dans ses bras, et Eskarina s’autorisa un soupir de soulagement. Le chat leva la tête qu’il avait enfouie dans ses bras, et tourna son regard émeraude vers elle. L’apaisement se lisait dans ses pupilles et il poussa un petit miaulement, comme en réponse au soupir de la jeune fille. Il se dégagea de l’étreinte d’Eskarina et s’assit sur ses cuisses. Elle commença à lui gratouiller la tête, et le chat, recherchant ses caresses, commença à ronronner de façon régulière. Il finit par se coucher en boule sur les jambes d’Eskarina et posa la tête sur ses pattes, sans cesser de ronronner, comme une invitation à continuer ses câjoleries. Il avait l’air à peu près rétabli.

Aussi, Esk accepta de répondre à la question de la guérisseuse. Leur relation pouvait reprendre à zéro - enfin dans la mesure du possible.

« Je m’appelle Eskarina. C’est par pure courtoisie que je te dis ça. En revanche, ce que je fais seule ou pourquoi je porte une arme sur moi, tout cela ne te regarde pas. Je ne te pose aucune question sur ton compte. Ca ne m’intéresse pas. Et il n’y a aucune raison que tu en saches plus sur moi que je n’en sais sur toi. Tire tes propres conclusions. »

Quelle naïveté. Elle avait cru jouer à la plus forte, à exiger d’elle la vérité ? Et de quel droit d’abord ? C’est sûr qu’à ses mots impérieux, elle allait lui déballer toute son histoire. Et sa profession d’assassin, tant qu’à y être. C’est sûr que c’était la chose à faire, pour quelqu’un qui voulait se faire discret. Cependant, elle savait très bien qu’elle devait avoir l’air louche : une gamine de quatorze ans à peine seule et n’hésitant pas à menacer une inconnue d’une dague, ça ne court pas les rues. Elle devrait à l’avenir éviter de sortir ses armes pour un oui ou pour un non, ça ne fait pas très professionnel pour un assassin. De plus, ça ne correspondait pas trop à l’image d’innocente voyageuse qui allait rendre visite à ses grands-parents, histoire qu’elle avait prévu de servir à ceux qui poseraient trop de questions. Ainsi, si elle n’avait aucune envie de satisfaire la curiosité d’Althéa, elle n’avait de plus aucune histoire plausible à lui présenter. Et une histoire inventée dans la précipitation n’était souvent pas très crédible, sans compter qu’Altéra avait l’air de tout, sauf de quelqu’un de crédule.

Elle posa le chat sur la couverture, à côté d’elle. Totalement calmé, il avait commencé à doucement somnoler sur ses genoux. Au contact frais de la couverture, il ouvrit légèrement les yeux, ronronna un peu et posa une patte sur la cuisse d’Esk, pour maintenir le contact. Eskarina lui jeta un regard attendri, mais brisa quand même ce lien en se levant. Elle ajouta :

« Merci d’avoir soigné Tezca. »

Même si c’était elle l’origine de son traumatisme. Mais une remarque acide pourrait briser l’équilibre instable de leur relation. Relation à laquelle Esk comptait rapidement mettre un terme, pour son propre bien et pour celui de son chat. La My’träne pouvait à tout moment se rendre compte qu’Eskarina n’était qu’une étrangère, sans un seul pouvoir, et Eskarina perdrait du même coup le faible avantage qu’elle avait sur son adversaire. Elle devait vite mettre fin à cette conversation. C’est pourquoi elle s’empara du savon et se dirigea vers la porte, qu’elle ouvrit à nouveau, invitation à sortir de la chambre plus cordiale que la précédente.

« Si tu veux bien quitter ma chambre, je repars demain de bonne heure et je voudrais prendre du repos. Voici le savon. Profites-en, j’ai suffisamment sué pour l’extraire de son tiroir. »

Pour la première fois depuis un moment, Esk se retourna vers Althéa et posa son regard d’acier sur elle. La conversation était terminée.

Althéa Ley Ka'Ori
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Ombre diaphane EmptyMar 26 Déc - 4:39
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Il est possible que son champ d’opération englobât le chat comme sa maîtresse. Après tout, elle espérait la mettre dans de meilleures dispositions à son égard, et si cela passait par la réalisation de sa part du marché, rien n’empêchait un petit coup de pouce spirituel pour entrer dans ses faveurs. De sa bonne action elle ne tira que maigres récompenses. Des noms, et beaucoup d’acerbité. Si elle n’avait pas été aussi exécrable elle-même, elle se serait révoltée devant un tel tempérament. La sale gosse prétendait de surcroît qu’il s’agissait là de courtoisie ! Quel ignoble précepteur lui avait appris que révéler son nom faisait partie des insignes honneurs de ce monde ? Si elle n’espérait pas tant de cette jeune fille, elle lui aurait inculqué les bonnes manières. Mais il fallait se rendre à l’évidence ; elle tenait plus à ses intérêts qu’à la civilité d’autrui. Et mieux, elle n’en avait que faire que la petite fût hargneuse et indécente.

    « Je suis Althéa, pour ma part. Et c’est également par courtoisie que je me présente. Mais m’est avis que le dire enlève tout le charme de la chose. »


Sa voix paraissait toujours neutre, quoique sereine. Elle n’était pas rancunière, disons plutôt qu’elle était une irascible de l’instant. Une fois les querelles enterrées, il ne demeurait que son esprit calculateur pour jauger et appréhender tous les acteurs de son présent. Autant dire qu’elle dévisageait Eskarina comme on détaille le brave familier que l’on souhaite adopter.

En s’engouffrant dans sa poche, sa main entra en contact avec une matière à la fois sèche et moite, mais en tout cas friable. Elle extirpa le reste du gâteau entamé par Tezca, qui avait laissé un peu d’humidité sur le pourtour, et elle le plaça sur le lit à côté du chat assoupi. C’était davantage un geste de dégoût quant à cette douceur gaspillée qu’un don bénin. A quelle heure offrirait-elle un présent à une bête ? Blâmez-la de tout votre soûl, mais c’est ainsi qu’elle fonctionnait, et insciemment, c’est ainsi que tout un chacun fonctionnait.

Aussi, sur ce geste controversé, Eskarina se leva, et s’empressa de rejoindre la porte de la chambre, visiblement impatiente de mettre un terme à cette rencontre qui n’avait que trop duré. Althéa soupira, en se dirigeant malgré tout vers l’ouverture qu’on l’intimait de rejoindre avec beaucoup de subtilité - et probablement de courtoisie aussi.

    « Ne te sens pas obligée de me remercier, je l’ai fait pour le savon, pas pour ta gratitude. »


Son sourire semblait moqueur, comme pour mettre en doute ce qu’elle venait d’avancer ou au contraire l’établir comme une certitude qu’elle partageait mutuellement. Il y avait du vrai dans les deux options. La disciple de Möchlog s’empara donc du graal si longtemps refusé, et elle sortit de la chambre, sensible au soulagement palpable de son occupante alors qu’elle franchit le palier. Elle se retourna une dernière fois pour déclarer de but en blanc, de ce même timbre empreint d’un calme olympien :

    « Si jamais tu cherches du travail, Eskarina, je peux t’en fournir. Je pourrais requérir de tes services. Peut-être que tu crois pouvoir vivre seule, et c’est à ton honneur. Sache néanmoins que si l’on peut tous vivre sans amis, personne ne survit bien longtemps sans alliés… Et je pourrais être une alliée de taille. »


Althéa marqua une pause mesurée, avant de reprendre sur un ton plus léger :

    « Quoi qu’il en soit, si tu cherches ma chambre, demande à Tezca, il connaît le chemin. »


La guérisseuse tourna les talons et rejoignit ses propres quartiers, satisfaite de son intervention. Arrivée dans la chambre, elle prit soin de fermer la fenêtre et tourner deux fois la clef dans la serrure. Un havre de paix se préserve avant tout en le maintenant isolé de tous les désagréments extérieurs. Si la gamine voulait en savoir plus, elle viendrait taper à sa porte au petit matin, et si elle ne le faisait pas, elle trouverait bien un autre fripon pour s’occuper des tâches odieuses.

C’est une guérisseuse ravie qui plongea dans l’eau encore tiède de son bain, utilisant de son savon durement acquis à outrance pour se laver de son voyage. Le petit cube était difficile à obtenir, mais on ne pouvait lui reprocher sa senteur ni sa propreté. Il fallait dire qu’il avait probablement été peu usité par le passé vu son emplacement. Plus vraisemblablement, c’était la première fois qu’il touchait l’eau d’une baignoire. Quel comble pour un savon !

Lorsqu'elle eût fait ses ablutions, Althéa se glissa promptement sous les couvertures de son lit de fortune, et s’endormit sur des douces paroles en l’honneur de son architecte qui lui offrait enfin une nuit dans la propreté et la chaleur, loin des hurlements du Khoral et de ses températures affolantes. Elle se réveilla en sursaut quelques minutes à peine après s’être endormie, saisit son couteau d’herboriste, et le déposa tout à côté de sa table de chevet. On n’était jamais trop prudents, qui sait combien de chats viendraient la cambrioler cette nuitée ? Alors seulement elle s’endormit pour de bon, d’un sommeil profond et aux rêves multiples.

Eskarina Hellaraxë
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Ombre diaphane EmptyMer 27 Déc - 15:49
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Eskarina referma la porte. D’un coup sa fatigue la rattrapa, encore accrue par la tension, la souffrance et toutes les émotions qu’avait déchaînées cette rencontre mouvementée. Elle faillit s’évanouir et passer la nuit à même le sol, mais elle se reprit, et, dans un dernier effort, se traîna jusqu’au lit. En tirant la couverture, elle fit tomber Tezca par terre, mais le chat, visiblement aussi fatigué que sa maîtresse, n’en prit pas ombrage et revint s’allonger à côté d’elle après qu’elle se fut couchée. Si la magie d’Althéa permit à Esk, apaisée en surface, de s’endormir sans difficulté, la jeune fille eut tout de même un sommeil agité.

Il faisait noir. Elle était seule, nue et mourrait de froid. Elle avançait, courait même. Elle était poursuivie. Elle le sentait de plus en plus proche mais n’entendait que son propre souffle. Aucune échappatoire. Elle était dans une sorte de couloir, toujours plus étroit, sans fin et sans sortie. Sans espoir. Aucune lumière. Elle suffoquait. Le conduit se faisait toujours plus exigu, mais elle n’avait pas d’autre choix que d’avancer, progressant de plus en plus difficilement dans la cavité. Elle se blessait, se raclait contre les parois rêches. Elle était en sang. Finalement, à bout de souffle, elle s’écroula et n’eut pas l’énergie de se relever. Il était là. Elle ne pouvait rien faire. Elle était seule. Sans la moindre lumière, elle vit pourtant la lame scintiller, et sentit sa morsure brutale.

Eskarina se réveilla en sueur, le souffle court. Il faisait noir. Le jour n’était pas encore levé, mais la lune éclairait la pièce d’une douce lueur. Tout était tranquille, pas un bruit ne venait rompre le paisible silence de la ville endormie. Eskarina se redressa. Elle raviva le feu, qui était en train de mourir dans la cheminée. Il devait être trois heures environ. Elle grelottait, trempée par la sueur devenue glaciale au contact de l’air. Elle ne pourrait pas se rendormir dans cet état; et si elle le faisait, elle tomberait malade à coup sûr. Elle attrapa une des bassines remplies d’eau en métal, et la mit à chauffer sur le feu. Une fois qu’elle fut chaude, elle la versa dans la baignoire, qu’elle couvrit de son manteau pour éviter que la chaleur ne parte trop rapidement. Elle répéta plusieurs fois le processus, jusqu’à ce que la baignoire contienne un volume suffisant d’eau chaude. Elle se déshabilla et se glissa dans l’eau. Son contact fut comme une caresse, un apaisement qu’elle trouva tout aussi efficace que la magie d’Althéa. Mais elle chassa rapidement le souvenir de la magicienne : elle voulait se détendre. Elle ferma les yeux.

Un bout de langue râpeuse vint la chatouiller et la tira de son demi-sommeil : Tezca était en train de lécher la main qu’elle avait laissé sortir du bain. Elle regarda par la fenêtre. Le soleil n’était pas encore levé mais il faisait moins sombre qu’à la sortie de son rêve. L’eau était à peine tiède. Esk se leva donc du bain, et frissonna au contact froid de l’air sur sa peau mouillée. Elle attrapa une serviette, se sécha et retourna se coucher, s’enroulant dans les draps. Elle pouvait enfin se reposer.

Ainsi, même si la nuit fut relativement courte, Eskarina se réveilla en forme, et l’esprit clair. Même si elle détestait l’admettre, Althéa avait raison. En tant qu’assassin indépendant, il était très difficile de se faire une clientèle, et elle avait besoin d’alliés. Cependant, elle n’aurait jamais imaginé qu’une personne comme Althéa en fût un. Mais la guérisseuse lui avait clairement proposé un travail, et Eskarina n’allait certainement pas refuser une aussi belle opportunité. De plus, elle avait encore tout son temps avant de s’occuper du contrat de Zochlom.

Elle descendit l’escalier et arriva dans la salle principale, encore vide : les soiffards de la veille cuvant toujours leur vin. Elle se dirigea vers le comptoir du tavernier.

« Excusez-moi, est-ce que vous pourriez m’indiquer la chambre d’une certaine Althéa ? »

Contrairement à ce qu’avait sous-entendu l’adepte de Möchlog, les chats ne sont pas des chiens, et ils ne mènent personne à un certain endroit sur commande. Et encore, si cela était possible, Tezca - qui n’avait probablement aucun souvenir du trajet de retour - était passé par les toits, et Esk n’avait aucune envie de se blesser bêtement.

« Chambre 3, répondit l’homme dans un bâillement, visiblement pas tout à fait réveillé. »

Décidément, la sécurité dans cette auberge laissait à désirer. Même si Esk n’avait pas l’air particulièrement menaçante, indiquer au premier venu où trouver un de ses clients n’était pour le moins pas prudent. Voire dangereux. Mais cela expliquait comment Althéa avait trouvé la chambre d’Esk aussi facilement.

Eskarina toqua donc à la porte de la chambre 3, et attendit patiemment qu’on lui ouvre. Pour s’assurer d’obtenir une réponse, Esk précisa quand même :

« C’est Eskarina. J’ai réfléchi à ce que tu m’as dit hier. »

Inutile d’entamer un monologue dans le couloir, des oreilles indiscrètes traînent partout, et Esk ne voulait pas inutilement s’exposer. Elle croisa donc les bras, tendant l’oreille, écoutant si le moindre son provenait de l’intérieur de la chambre. Elle espérait tout de même qu’Althéa n’allait pas trop traîner pour lui ouvrir, elle entendait déjà quelques bruits d’agitation matinale dans certaines chambres : les soulards devaient tenter de se débarrasser tant bien que mal de leur gueule de bois.

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Ombre diaphane EmptyJeu 28 Déc - 18:39
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Quelques battements légers à la porte, et son sommeil de plomb se mua en une somnolence plus légère. Puis une voix familière, et ses paupières s’entrouvrirent finalement, papillonnantes dans la faible clarté qui émanait des premières lueurs. Un sourire suffisant se plaqua sur ses lèvres, mais il se dissipa aussi vite qu’il n’était apparu. La guérisseuse se redressa sur son lit, et s’étira de tout son long. Son épaule était ankylosée, aussi elle prit le temps de la masser pour étouffer ce moindre mal. Alors seulement, elle se redressa, enfila un futal noir et une tunique plus colorée, prit soin d’attacher ses bottes et même d’enfiler ses mitaines. C’était un soulagement pour elle que de ne pas être en contact direct avec le monde qui l’entourait. Appelez-la précieuse si vous le souhaitez ! Alors seulement elle se dirigea vers la porte, qu’elle ouvrit en grand, et sans s’attarder à l’entrée, elle intima :

    « Entre, entre. Et ferme derrière toi. »


Encore cette douceur étrange qui jurait avec le reste de son caractère. Althéa était-elle bipolaire ? La question se posait. La guérisseuse, dans sa phase avenante, proposa une chaise à l’enfant, et elle-même prit place sur son lit défait. Là elle sortit une plume, un encrier ainsi qu’un morceau de papier de son sac de voyage et les disposa sur la table de chevet. Elle en profita d’ailleurs pour ranger son couteau d’herboriste, qui de toute évidence n’avait prévenu nulle menace cette nuit. On pouvait tout au plus lui attribuer un usage décoratif, si tant est qu’on ait des goûts déplorables en matière d’esthétisme.

    « Tu as bien dormi ? »


Etait-ce de l’indifférence ou de l’affabilité dans sa voix ?
Althéa se mit à griffonner frénétiquement sur le papier, et le grattement de la pointe semblait sans fin. Elle écrivit comme un enfant qui aurait appris un texte par cœur s’empresse de retranscrire le tout avant que les mots ne se perdent, que sa mémoire ne flanche. A dire vrai, c’est simplement qu’elle avait une idée bien précise de ce qu’elle voulait, puisqu’elle y avait réfléchi bien en amont. Elle ignorait tout de son interlocutrice, de ses ambitions, de son identité secrète d’assassin. Cela n’importait guère ! Tout ce qui comptait, c’était son apparente agressivité, et la complémentarité de son caractère avec le sien. Ceci rendait la confiance hors de portée pour l’instant, et elle n’ignorait pas qu’il faudrait y travailler avec acharnement. Mais ces efforts-là étaient largement compensés par l’intrépidité qu’elle lui devinait. Si la jeune fille était aussi dépourvue de mœurs que ce qu’elle le pressentait, alors elle pouvait bel et bien lui donner cette tâche. Jusque-là, restait à tester le terrain miné sur lequel s’établissait leur relation.

    « Tiens. »


Elle avait terminé d’écrire, et lui tendait à présent le papier noirci par l’encre. Sur sa surface figurait une curieuse… liste de courses. Elle était singulière, pour le moins, mais il s’agissait malgré tout de faire des emplettes ! Etait-ce une de ses blagues tordues ? Elle aurait sans aucun doute été capable d’une telle plaisanterie, mais c’est avec beaucoup de sérieux qu’elle lui avait donné la liste.

Ombre diaphane 800984Listedescourses


Pour être honnête avec vous, cette mission constituait un moyen sûr pour Althéa de se forger une opinion, de préférence favorable, sur Eskarina. Elle fixa intensément la jeune fille lorsque ses yeux se posèrent sur le papier, en quête d’une émotion, de surprise ou de contentement, d’indignation ou de soulagement. Elle cherchait à déterminer si elle pouvait abuser de sa naïveté, ou au contraire, de sa vivacité d’esprit, de sa bonté ou plutôt de ses vices. D’une voix toujours égale, elle précisa après quelques secondes d’un silence calculé :

    « Il y a un alchimiste à l’entrée de la ville. Avec un peu de chance, il aura tout ce que je demande. »

Eskarina Hellaraxë
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Ombre diaphane EmptySam 30 Déc - 13:00
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Eskarina saisit le papier. Observant par en dessous Althéa, elle vit que celle-ci la fixait intensément, comme si elle guettait sa réaction. Eskarina plaqua alors sur son visage un masque d’impassibilité. Il était hors de question qu’elle donne à la magicienne la satisfaction d’avoir la réaction qu’elle attendait. Cela éveilla néanmoins sa curiosité. Elle reporta donc son attention sur le papier, et quand elle lut ce qu’il indiquait, elle dut faire un réel effort pour que son indignation intérieure ne vienne ébranler son apparente impassibilité. Althéa l’avait-elle prise pour un larbin, que l’on envoyait pour faire ses corvées ? Elle n’avait plus six ans, que diable ! Elle pouvait très bien se charger de tâches plus délicates !

Passée cette première révolte, Eskarina se vit contrainte de ravaler sa fierté et d’être raisonnable. Althéa ne la connaissait pas, elle voulait la tester. Esk ne lui faisait pas confiance, et la magicienne n’avait pas non plus l’air d’être le genre de personne à l’accorder facilement. Elles étaient cependant parties pour travailler ensemble, et dans le type de service que proposait Eskarina, la confiance - au moins au niveau professionnel - était indispensable. Il lui fallait donc accepter cette sorte de menus travaux pour l’instant, en espérant que les choses deviennent plus croustillantes rapidement.

« Je te ramène ça dans deux heures. »

Esk marqua une pause. Elle n’allait pas se laisser avoir :

« Je suppose que ce n’est pas gratuit ?, ajouta-t-elle avant de tendre la main. »



Eskarina se mit ensuite en route pour aller voir l’alchimiste. Il était encore très tôt, et les rues n’étaient pas très animées. En arrivant devant la boutique de l’alchimiste, Esk espéra qu’elle n’allait pas trouver porte close, malgré l’heure matinale. Heureusement, les alchimistes ne sont pas du genre lève-tard : ce n’est pas en se levant à midi que l’on trouve comment transformer le plomb en or ! Esk poussa la porte. Elle n’était jamais rentrée dans une boutique d’alchimiste. Cela ressemblait en fait assez aux boutiques sombres d’herboristes et d’apothicaires - dont elle avait besoin pour la fabrication de poisons - mais les bocaux empilés sur les étagères avaient des contenus plus… spéciaux. Il n’y avait personne derrière le comptoir.

« Bonjour… Il y a quelqu’un ?, dit-elle pour se manifester. »

Elle allait de toute évidence avoir besoin de quelqu’un pour lui procurer les éléments de la liste d’Althéa : elle n’avait jamais entendu parler de la moitié des ingrédients qui y figuraient. Des trucs de sorcière ça. Comme personne ne venait, Eskarina fit le tour de la boutique, plissant les yeux pour déchiffrer les inscriptions manuscrites sur les étiquettes minutieusement collées sur chacun des bocaux. Ce petit jeu l’amusa : à nouveau, la plupart des noms lui étaient totalement inconnus, mais certains, explicites, titillaient sa curiosité et son imagination. « Ecaille de dragons », « Corne de Nokhoi », « Cervelle de Khulgana »… Eskarina voyait maintenant Althéa, avec un chapeau pointu sur la tête, toute de noir vêtue, en train de jeter ces ingrédients dans un grand chaudron bouillant, en scandant des formules magiques, comme dans les contes populaires qu’on lui racontait quand elle était enfant.

« Je peux vous aider ? »

La voix de l’homme fit sursauter Eskarina, plongée dans ses pensées. Elle s’était laissée aller.

« Hum oui, merci. Est-ce que vous pourriez me procurer les ingrédients de cette liste ?, demanda-t-elle en se rapprochant du comptoir. »

Eskarina préféra tendre directement la liste à l’alchimiste. Ce serait plus efficace, et elle ne se ridiculiserait pas en tentant de la déchiffrer. L’homme leva un sourcil intrigué, dont la signification resta obscure pour Esk. Etait-il surpris qu’elle ait besoin d’aide pour choisir les ingrédients ? Ou bien la liste d’Althéa était-elle particulièrement singulière ?

« Bien-sûr, je m’en charge tout de suite. »

L’homme attrapa plusieurs sachets en papier, contourna son comptoir, et commença à déambuler dans les rayons pour remplir les sacs. Il retourna ensuite derrière le comptoir, là où il gardait certains de ses ingrédients. Les plus chers ? Ou les plus dangereux ? Il attrapa un bocal, et versa délicatement une partie de son contenu dans un des sacs. Esk était maintenant tout à fait intriguée. Elle regardait l’alchimiste faire en se dévissant le cou, sur la pointe des pieds pour ne pas rater un seul de ses gestes. Elle mit le sac à part des autres pour facilement le distinguer et paya l’homme.


Eskarina rentra en avance de sa commission. Elle toqua à nouveau à la porte d’Althéa et rentra.

« Voilà ce que tu m’as demandé. C’est quoi dans ce sac ?, demanda-t-elle de but en blanc, en pointant le fameux sac. »

Altéra allait peut-être trouver sa curiosité mal placée, mais la confiance doit être réciproque. Eskarina voulait savoir ce pour quoi elle l’avait engagée, elle n’appréciait pas d’être un point aveugle dans le déroulement d’un plan qui la dépassait. Elle aimait savoir où elle allait.

Althéa Ley Ka'Ori
Althéa Ley Ka'Ori
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Ombre diaphane EmptyJeu 4 Jan - 15:58
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La gamine revint comme convenu les bras chargés et la bourse allégée, et Althéa fut ravie de lui accorder un peu plus de son estime. Elle aurait pu filer avec la bourse pleine et ne jamais recroiser son chemin, et quelque part, la my’trän n’aurait pu lui en vouloir. A dire vrai, elle aurait simplement tourné la page. L’argent n’avait aucun attrait à ses yeux, tandis que la loyauté avait bien plus de valeur qu’une poignée d’Irys sonnantes et trébuchantes. D’une certaine façon, sa première mission, aussi risible soit-elle, avait été un franc succès.

Althéa reçut les achats sans précipitation, et les disposa précautionneusement sur le bureau. La curiosité de la jeune fille lui tira un sourire qu’elle dissimula au mieux, préoccupée à déballer une partie des ingrédients. Elle lui plaisait, et c’était loin d’être bénin avec le caractère que lui avait insufflé Khugatsaa ! Néanmoins, elle se garda bien de le laisser paraître, et elle conserva le silence quelques secondes encore, analysant d’un œil expert les quantités obtenues de chaque élément de la liste. Elle sembla satisfaite, puisqu’elle se retourna avec un regard approbateur vers la jeune fille avant de prendre finalement la parole.

    « Tu peux garder ce qu’il reste des Irys. J’espère que tu as bien négocié, ton salaire en dépend. »


Son ton était égal, mais sa phrase impliquait davantage qu’il n’en paraissait. La lecture implicite suggérait que si Eskarina servait les intérêts d’Althéa intelligemment, de la même façon qu’elle défendait les siens, elle serait récompensée à hauteur de son implication. C’était là l’unique leçon à tirer de ces emplettes, que la magicienne aurait pu, somme toute, faire par elle-même. Si elle dépensait son argent à outrance, elle en pâtissait également. Si elle la trahissait, elle lui rendrait la pareille. Par ailleurs, Althéa n’établissait jamais de relation dominant-dominé, mais toujours des liens donnant-donnant. Elle abhorrait le sentiment de dette qui accompagne le reçu d’un service, mais n’appréciait pas plus qu’on abuse de sa relative gentillesse.

Se souvenant subitement de la question posée, elle prit le sachet mis à part au creux de sa main, et le soupesa. La seconde d’après, elle plongeait sa main libre dans ses profondeurs pour en ressortir une étoffe soigneusement pliée par l’alchimiste. Elle dégagea un mouchoir immaculé de sa poche, et fit signe à Eskarina de s’écarter à une distance raisonnable. Plissant les yeux pour les préserver de quelque émanation, elle déplia l’étoffe, et examina son contenu en prenant gare à ne pas se pencher. Les feuilles étaient déjà broyées, traitées, prêtes à l’emploi et en quantité plus que suffisante pour combler ses ambitions. Althéa s’empressa donc de replier le tout et de le replacer dans le sac, hors d’état de nuire. Là, elle se lava les mains, par mesure de précaution, dans le sceau d’eau froide près de la baignoire, puis elle retourna à son bureau où elle s’assit sur son pied droit comme une enfant enthousiaste le ferait pour dessiner.

    « C’est de la strychnine, déclara-t-elle soudain, sans émotion aucune, puis après quelques secondes de silence. Tu sais ce que c’est ? »


La question était véritablement anodine. Pour l’heure elle ignorait qu’elle s’adressait à un assassin aguerri et entraîné, elle cherchait plutôt à comprendre dans quelle réalité la jeune fille vivait, et à quel point le vice en faisait partie. Tout le long de sa réplique, elle était restée focalisée sur ses ingrédients, qu’elle broyait, déchirait, mélangeait dans une assiette décorative absolument pas prévue à cet effet. Le mélange obtenu était étrange, pâteux, et son usage encore plus obscur que sa couleur. Ses oreilles étaient tendus vers la voix d’Eskarina, mais toute son attention se concentrait sur sa préparation.

    « Il parait qu’on en meurt en quelques minutes seulement, mais je n’ai pas eu l’occasion de le constater de mes propres yeux. Ne t’inquiète pas, ton chat ne servira pas de première expérience, quand bien même il m’insupporte. »


C’était bien entendu du sarcasme, en dépit de son indifférence manifeste. Sa déclaration avait été faite avec légèreté, comme s’il était banal de se promener avec un poison des plus létaux et prétendre ne pas en avoir employé auparavant. Elle n’avait que faire de l’opinion qu’Eskarina se faisait sur sa personne, elle souhaitait simplement savoir de quel bois l’enfant était sculptée.

Le mélange était à présent homogène, aussi elle se saisit de sa gourde et coula la pâte dans le goulot avec minutie. Elle referma prudemment le récipient, et le glissa dans son sac avec le reste des ingrédients ainsi que la strychnine dans son emballage particulier. Elle poussa alors un soupir post-effort d’un soulagement non feint, et se rassit sur sa chaise, tournée vers la fille pâle qui lui faisait face.

    « J’ai une situation à te proposer, qui nécessite résolution, et j’aimerais ton avis sur la question. N’hésite pas à proposer tout ce qu’il te semblera convenable comme idée, c’est entendu ? Bien, supposons que tu fais partie d’une structure, peu importe laquelle, et que tu souhaites monter dans les échelons de la hiérarchie. Seulement, tes supérieurs ont encore de longues années devant eux et ne sont pas près de se retirer. Quel est le meilleur plan d’après toi pour obtenir leur place sans attirer l’attention sur soi ? »

Eskarina Hellaraxë
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Ombre diaphane EmptySam 6 Jan - 0:37
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Eskarina aurait dû regarder la liste avec plus d’attention. Elle l’avait parcourut rapidement et comme elle ne connaissait pas tous les éléments, elle avait refilé le papier à l’alchimiste. De la strychnine. Bien-sûr qu’elle savait de quoi il s’agissait. Pas étonnant que l’alchimiste garde ça derrière son comptoir. Les accidents étaient vite arrivés… Elle fronça les sourcils. Au cours de sa formation à Aildor, on lui avait bien entendu enseigné à reconnaître les plantes et les fruits, ainsi qu’à connaître leurs propriétés. La liqueur de noix vomique. Une mort rapide, par suffication. Si on lui demandait son avis, ce n’était pas son poison préféré : trop fulgurant, pas très discret. Des témoins risqueraient de se souvenir de vous. Eskarina affectionnait des poisons plus lents, aux symptômes tardifs, et particulèrement les poisons à base d’amanite, qui mettaient plusieurs heures à agir. Leur action lente laissait largement le temps de s’éclipser.

Mais elle n’était pas là pour discuter des choix en matière de poison de sa nouvelle employeuse. En revanche, Eskarina se demandait pour quelle raison la jeune adepte de Möchlog se baladait avec des substances hautement toxiques sur elle. Une raison de plus pour se méfier d’elle. Comme si le fait qu’elle ait failli tuer son chat n’était pas une raison suffisante… Elle ne tarda cependant pas à avoir une réponse, du moins partielle à ses interrogations. Althéa était une arriviste. Et clairement pas une des plus indécises, ni des plus tendres. L’achat du poison ainsi que le problème qu’elle lui avait soumis laissaient clairement entendre qu’elle n’était pas du genre à attendre patiemment qu’un de ses supérieurs se fracasse le crâne dans les escaliers… Elle était plutôt du genre à le pousser par derrière pour précipiter sa chute. Un de moins. Ni vue, ni connue.

Eskarina prit tout son temps pour répondre. Tout en réfléchissant, elle reconsidéra tous les éléments qu’elle connaissait sur Althéa. Déjà, elle n’avait pas une grande tendresse pour les animaux. Même si ce fait dérangeait profondément Eskarina, cela n’était pas spécialement digne de méfiance, si l’on considérait la situation avec un peu de sang froid. Beaucoup de gens ne sont pas particulièrement sensibles au charme d’un petit chat adorable et câlin, qui ne ferait pas de mal à une mouche - par contre à une souris… Mais je m’égare. Ce qui était en revanche bien plus source de défiance pour elle, c’était sa voix, douce et apaisante, presque innocente, qui contrastait dangereusement avec les réelles intentions de la magicienne. C’était un renard déguisé en lapin - ou un loup déguisé en agneau, si vous préférez les comparaisons plus classiques. Et clairement une alliée de taille.

Elle devait donc se débrouiller pour s’en faire un soutien. Et cela passait par servir ses intérêts, du moins pour l’instant. Elle devait prouver qu’elle aussi pouvait être une bonne alliée, et pas seulement une petite fille influençable que l’on envoie faire ses courses. C’est pourquoi Eskarina répondit à la question d’Althéa avec la plus grande honnêteté, en lui révélant comment elle aurait agi elle-même, si elle avait été confrontée à une situation similaire :

« Personnellement, je ne me chargerai certainement pas du travail moi-même. J’engagerai quelqu’un, si possible sans aucun lien avec moi, pour faire le sale boulot. Et surtout, il ne faudrait pas trop précipiter les choses : si je montais trop rapidement les échelons, ce serait trop évident. »

Eskarina fit une pause, réfléchissant à la manière d’exposer son idée de manière claire et concise. Elle commença à jouer avec une mèche de ses cheveux, l’air parfaitement neutre et détaché de ce qui allait suivre.

« Je commencerais par les personnes les plus hauts placées. En maquillant les meurtres en accidents, bien-sûr. Personne ne soupçonnerait quelqu’un en bas de l’échelle et surtout, ceux qui les remplaceraient seraient trop heureux de prendre leur place pour se poser des questions inutiles. Puis, une fois que le terrain serait assez déblayé, et que tous les hauts responsables et les membres les plus intelligents - et donc les plus dangereux - seraient éliminés, au moment où les soupçons pourraient commencer à se tourner vers moi, je me débrouillerais pour manipuler un des membres les plus influençables, pour qu’il finisse le travail. Alors, je n’aurais plus qu’à le dénoncer, tout le mérite me reviendrait, et j’aurais alors le champ libre pour choisir mon poste. »

Elle détacha le regard de sa mèche et le posa sur Althéa, et continua, froide et indifférente :

« Bien entendu, c’est une méthode un peu radicale, mais si tu n’as pas les relations ni l’argent nécessaire à la corruption, comme je le soupçonne vu ton âge, la manipulation et le crime sont les deux seuls autres moyens que je vois pour parvenir à tes fins. Et, si je ne me trompe pas, tu as l’air prête à tout pour ce faire. »

Elle esquissa alors un sourire entendu :

« Tu as besoin de moi pour autre chose ? »

Althéa Ley Ka'Ori
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Ombre diaphane EmptySam 6 Jan - 22:08
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My'trän +3 ~ Suhury (femme)
Althéa se délectait manifestement du discours et de l’esprit stratégique d’Eskarina. Une fierté mal placée scintillait dans le bronze de son regard, et sa tête était penchée par l’intérêt. Peut-être cette attitude encourageante motiva son éloquence, car la jeune fille développa sa pensée sans retenue, dans tout ce qu’elle avait de plus vil et complotiste. A sa question finale, Althéa hocha la tête pensivement, la paume de sa main frottant le côté de son cou pour s’aider à réfléchir, ou du moins pour accompagner sa réflexion. Elle appliquait mentalement les observations de l’esprit vif de son interlocutrice à sa propre situation.

    « C’est probable, oui. »


Sous-entendu, qu’elle ait besoin d’elle. Seulement, une bonne minute s’était écoulée depuis que la question avait été posée, et cela pouvait porter à confusion qu’elle réponde avec un tel délai.
De nouveau, elle sortit sa plume, son encrier et un carnet pour y noter ses idées, pour mêler les suggestions d’Eskarina à sa propre connaissance du terrain. Ce plan avait trotté dans son subconscient depuis plusieurs mois déjà, mais n’en était jamais sorti, pour la simple raison qu’elle ne pouvait le mener à bien en solitaire. Or, ce jour-là, elle avait enfin trouvé un partenaire pour l’exécuter.

Après une courte pause, elle reprit la parole d’une voix quasiment inaudible tant elle était douce et contrastait avec l’inhumanité de ses mots :

    « Si tu veux bien, on va partir sur du plus long terme encore… Tout d’abord, pas besoin de décimer tous les guérisseurs du dispensaire, on va se concentrer sur le maître. Il faut à tout prix qu’il meure, et que ses subordonnés soient gravement empoisonnés. Si l’un d’entre eux en profite pour prendre sa place, il faudra accuser le plus proche de ses amis d’être l’auteur de ce meurtre, sa mauvaise réputation l’éclaboussera forcément par association instinctive, injuste mais tout de même naturelle. Accuser le promu directement serait trop cliché pour être vrai. »


Grattement de la pointe de la plume sur le papier rêche. Tâches d’encre et lettres sibyllines.

    « Pour le reste, je me moque bien de ne pas être promue dès maintenant, j’ai du temps devant moi. A dire vrai, ce serait même louche, et ça amoindrirait mon mérite aux yeux des autres que de recevoir une meilleure position dans de telles circonstances… Non, dans l’immédiat, il faut simplement que je me présente en sauveuse, et que cet exploit soit suffisamment poignant pour qu’il demeure dans les mémoires de longues années, qu’il justifie d’une promotion future. Cela te semble-t-il pertinent ?»


Elle souhaitait à la fois peaufiner son jugement, mais également s’assurer qu’elle avait une complice. Elle peinait à lui accorder sa totale confiance, mais quelque part l’intuition la portait à requérir son soutien. Möchlog l’avait placée sur son chemin, elle en avait la certitude. Pour quelle autre raison une jeune fille à l’esprit si bien développé croiserait son destin, d’une façon aussi fortuite que par le vol félin de biscuits ? Elle incarnait son succès, son ascension sociale, et elle le lui rendrait au centuple. Dans un tel état d’esprit, elle se devait de préserver la jeune fille comme elle aurait pris soin d’une enfant de la chouette en personne.

    « Mais si tu prends part à cette machination - si c’est bien ce que tu sous-entendais par "quelqu’un sans aucun lien avec moi pour faire le sale boulot" - il va falloir te donner des airs irréprochables. Tu as déjà l’apparence de l’innocence, mais il manque un prétexte. »


Althéa leva sa main de quelques centimètres au-dessus de la table, l’index levé comme pour signaler qu’elle voulait aller jusqu’au bout de sa pensée avant que la jeune fille ne propose une alternative ou relate sa propre opinion sur la question. Elle la laisserait intervenir lorsqu’elle aurait exposé sa propre tactique.

    « Tu peux te faire passer pour une patiente. Je ne serai pas encore arrivée, personne ne pourra me soupçonner. Je viendrai avec un jour, voire plus, de décalage, pendant ce temps tu en profiteras pour empoisonner les vivres du dispensaire. Une fois suffira, assure-toi d’en mettre en grande quantité dans les bouteilles d’eau-de-vie, et le maître sera forcément le plus touché, il se soûle toutes les nuits après son tour de garde. Peut-être que personne ne mourra, ce n’est pas bien grave, l’important, c’est que certains des hauts membres ne mangent jamais dans les cuisines, la faute leur incombera par défaut et je n’aurai qu’à prouver leur "culpabilité"… Je vais te donner un remède aux amatoxines - la Strychnine serait trop… radicale. De cette façon, nous serons sûres que tu ne meurs pas de l’intoxication qui frappe le dispensaire avant que je n’arrive, mais ça te donnera une excuse pour rester dans le dispensaire tout en t’innocentant. On ne soupçonne jamais une victime…

    Mais si tu trouves cela trop risqué, tu pourrais tout mettre dans l’alcool, ce serait vu comme un vrai assassinat et pas un meurtre de masse, on touchera moins de personnes, mais c’est peut-être moins risqué ainsi. Dans ce cas-là, il va falloir te rendre malade autrement, au moins pour rentrer une première fois dans le dispensaire et faire ton œuvre.
    »

Eskarina Hellaraxë
Eskarina Hellaraxë
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Ombre diaphane EmptyJeu 11 Jan - 23:05
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Au fur et à mesure du monologue d’Althéa, le sourire qui se dessinait sur les lèvres d’Eskarina se faisait de plus en plus visible. La jeune magicienne préparait clairement son coup depuis un moment, et elle maîtrisait son sujet. Ce n’était pas une amatrice dont les maladresses pourraient se révéler dangereuses au cours de la mission. Elle n’était pas non plus trop pressée, et Eskarina appréciait cela. Les gens trop avides de pouvoir, qui bâclent les complots, font en général des erreurs qui leur coûtent cher. Et Esk n’avait pas envie d’en faire les frais. Son plan était intelligent et efficace. Néanmoins, un point dérangeait encore Eskarina, qui, puisqu’elle était partie pour participer à la machination d’Althéa, ne se priva pas d’exprimer son avis :

« Je suis d’accord pour t’aider - moyennant paiement, cela va de soi. Cependant, puisque je vais devoir ingérer un poison, je préfère autant le choisir moi-même. Les amatoxines agissent lentement, c’est vrai, mais je ne les ai pas choisies au hasard comme poison de prédilection : on n’en sort jamais indemne, même avec un antidote. Les séquelles qui demeurent sont importantes et raccourcissent en général beaucoup l’espérance de vie de la cible. Les reins et le foie sont gravement endommagés. »

Eskarina se tut un instant, réfléchissant une dernière fois à l’alternative qu’elle allait proposer. Dans tous les cas, les risques étaient grands. Même avec un antidote, on n’est jamais certain d’en réchapper. Et il en allait de même avec les séquelles : on pouvait tenter de les réduire, mais elles n’étaient jamais absentes.

« Si tu veux bien - la formulation était purement rhétorique, Eskarina comptait bien procéder comme elle l’avait décidé; je vais plutôt m’administrer du méthanol, de l’esprit des boîtes. Je pourrais sans doute en trouver chez ton apothicaire. C’est aussi un poison assez lent, bien que moins que les amatoxines. Et son remède est simple : l’éthanol. Si comme tu le prétends, votre maître devrait ralentir sur la bibine, je ne devrais pas avoir de mal à en trouver au dispensaire. J’en boirai un peu avant d’empoisonner les bouteilles avec les amatoxines. L’antidote mettra un peu de temps à agir, et je devrais avoir l’air suffisamment mal pour ne pas être soupçonnée. »

Eskarina avait cependant une autre motivation pour ce petit changement de plan : le fait qu’Althéa soit ingénieuse et patiente ne la rendait que plus dangereuse; et Esk était encore loin de lui faire confiance. Même si elle ne voyait aucune raison pour que la magicienne la trahisse - du moins pour le moment, elle restait encore très prudente, et ne voulait rien laisser échapper à son contrôle - enfin dans la mesure du possible. Elle ne comptait pas laisser la magicienne préparer le poison qu’elle allait avaler, et mettre ce qu’elle voulait à l’intérieur…

Elle poursuivit :

« Mais si je peux me permettre une autre suggestion, ne tarde pas trop à venir me rejoindre : Je serai malade environ un jour, au cours duquel je devrai empoisonner les bouteilles. Mettons qu’ils boivent le soir. Ils mourront dans la matinée certainement et dans l’après-midi assurément. Si tu as des amis qui risquent d’être de la partie, je te conseille de trouver un moyen pour les empêcher de boire, car comme je l’ai dit, ils n’en sortiront pas indemnes. »

Tout en donnant ce « conseil », Eskarina continuait à réfléchir au moment le plus propice pour faire son entrée.

« Je pourrai arriver un soir si tu veux. Je prendrai le remède au petit matin - pas plus tard sinon je m’évanouirais et mourrais; et mettrai l’alcool dans les bouteilles susceptibles d’être consommées dans la journée. Tu pourras arriver dans l’après-midi. Ils seront malades et je devrais encore avoir l’air mal. On ne devrait pas faire le lien. Exempte de tout soupçon - pour une fois les absents auront raison, tu pourras accuser qui te chanteras et jouer les sauveuses; je m’éclipserai quand les malades seront le cadet des soucis des membres du dispensaire. »

Eskarina attendait maintenant l’aval d’Althéa; mais avant qu’elle ne s’exprime, et ajouta :

« Ah et tu devras garder Tezca, mon chat, pendant que je serai au dispensaire : je ne peux pas l’emmener avec moi. Et je te préviens, si je ne le retrouve pas au meilleur de sa forme, je sais où me procurer de la strychnine… »

Le jeune assassin avait dit ça avec un sourire, mais le ton laissait clairement qu’elle ne plaisantait qu’à moitié - et même qu’au tiers.

Althéa Ley Ka'Ori
Althéa Ley Ka'Ori
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Ombre diaphane EmptyMer 17 Jan - 20:32
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Profession : Guérisseuse du Troisième Cercle
My'trän +3 ~ Suhury (femme)
Il fallait reconnaître le courage de l’enfant qui n’avait d’égal que sa méfiance (ou sa méconnaissance ?) du don de Möchlog. Elle avait accepté de s’empoisonner sur demande, mais pas de risquer des séquelles à vie. Formulé de la sorte, sa décision était compréhensible. Dans les faits, un rein et un foie endommagés, cela ne représentait rien qu’un disciple de la chouette ne saurait guérir, malgré une maîtrise incomplète de ces arcanes. Le doute s’insinuait progressivement en elle, remettant en cause les origines et la vocation de la jeune fille intrépide qui se dressait fièrement devant elle. Quels secrets ne parvenait-elle à éclaircir au sujet de cette mystérieuse Eskarina ? Comment expliquer cette ignorance dans les préceptes des dévots de Möchlog, connus de tous car employés au quotidien, qui jurait avec son aisance dans le domaine des poisons ? La guérisseuse croisa les mains au niveau de son visage, les apposant momentanément contre ses lèvres, l’air pensif, avant de prendre la peine d’expliciter tout haut ses pensées silencieuses.

    « Tu m’as l’air bien avertie dans l’art des poisons, mais moins informée dans l’œuvre de Möchlog. Est-ce ta première visite de Suhury ? Ma foi, soit, va pour t’intoxiquer au méthanol. Tant que tu es crédible comme victime, c’est tout ce qui nous importe. Je tiens cependant à t’avertir ; il va falloir une dose très conséquente de toxines si tu veux qu’au moins un d’entre eux ne décède ou subisse des dommages incurables. On ne s’attaque pas à n’importe quels My’träns, ce sont tous des guérisseurs aguerris et dévoués, si leurs soins agissent plus vite que le poison, la chose n’aura plus grand intérêt. Il faut au moins causer des troubles tels que leur magie soit impuissante à les combattre. »


Pour le reste, cela ne la gênait pas qu’elle choisisse ses propres armes, ou plutôt, son poison de prédilection. Elle-même n’était pas un maître en la matière, et il était difficile de s’informer sur la question sans paraître automatiquement suspect ! Elle avait donc glané des informations là où elle le pouvait, fixant son choix au petit bonheur sur les fameuses amatoxines, mais l’expertise d’Eskarina lui était plus rassurante que celle sollicitée au hasard. L’avantage, c’est qu’elle pourrait conserver ces poisons-là pour un usage futur.

Toutefois, et si elle fut indulgente pour tout le reste de ses propos, un mot mal choisi lui fit perdre son sang-froid ; ses tympans en auraient presque saigné à l’évocation du terme. Perdant presque patience, elle rétorqua froidement à l’attention de sa recrue :

    « Je n’ai pas d’amis, Eskarina, que des alliés, et s’ils avaient fait partie des potentiels victimes, je n’aurais pas initié ce plan. On peut me reprocher beaucoup de choses, mais pas ma loyauté. (Retrouvant son ton habituel.) Mais je viendrai bel et bien au dispensaire après-demain, lorsque le soleil aura atteint son zénith. Advienne que pourra, et puissent les morts et les infirmes être nombreux. »


Honteux mensonge que celui-ci. Des amis, elle en avait une kyrielle, pourtant elle ne sourcilla pas du regard en affirmant la chose. A dire vrai, elle n’avait aucun ami parmi le dispensaire, et cela justifiait de l’honnêteté qui perlait dans sa voix. C’était une nécessité que de n’avoir aucun lien avec les autres guérisseurs afin de conserver le détachement requis pour la tâche à venir. Ses proches faisaient tous partie d’un monde tout à fait différent de celui où elle baignait actuellement, et elle ne pouvait que se féliciter d’avoir toujours gardé une distance professionnelle avec ses confrères.

La chevêche sourit intérieurement à la pseudo-menace de son sbire. En effet, elle savait où se procurer de la strychnine : dans son sac, à tout hasard ! Et chez l’alchimiste en deuxième choix ! Néanmoins cet amusement se mêla très vite à une féroce rage qu’elle contint à grande peine. Par ailleurs, la nature-même de sa demande était outrageante ! Qu’avait-elle fait au monde pour que le monde lui mette un chat dans les bras ? Elle se frotta les yeux de lassitude, presque théâtralement, avant de reprendre la parole. La jeune fille avait le don de générer en elle une multitude d’émotions désagréables comme exaltantes.

    « J’imagine que c’est une condition à laquelle je ne peux me dérober ? Soit, je m’occuperai de ta créature. Je te la rendrai avec ta paye une fois la mission menée à bien. Disons dans trois jours, devant le temple de Süns à l’Ouest, aux premières lueurs de l’aube. Le dispensaire est réputé, on le connaît sous le nom ancien de l’Erexh od Enthuya, ce serait un exploit de passer à côté... Si tu n’as pas d’autres questions, tu peux d’ores et déjà prendre la route. »


Les péripéties étaient lancées. L’excitation pouvait se révéler dans toute son ampleur ! Bientôt viendrait la célébration des manigances triomphantes ! Mais avant, il lui fallait rectifier un dernier point, lequel lui tenait à cœur plus encore que la mission délivrée à Eskarina. Penchant la tête comme pour créer de l’emphase, elle se releva et maintint le regard farouche de l’adolescente.

    « Eskarina. Ne t’avise plus de me menacer. »


Dernière édition par Althéa Ley Ka'Ori le Mar 21 Aoû - 22:52, édité 1 fois

Eskarina Hellaraxë
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Campée fermement sur ses deux pieds, Esk parvint à réprimer le mouvement de recul que lui inspira la dernière menace d’Althéa. Cependant, elle ne put maîtriser un clignement d’yeux et le frisson qui la parcourut. Elle faisait la fière, mais elle n’était absolument pas à l’aise. Il lui tardait presque de quitter cette chambre pour prendre le poison. Aussi douloureuse que s’annonçait cette expérience, Eskarina connaissait au moins les effets du poison sur son métabolisme, contrairement à ceux que pourrait avoir une interaction trop prolongée avec la magicienne. Il fallait vraiment qu’elle se renseigne un peu mieux sur les aptitudes que les dieux pouvaient octroyer à leurs adeptes. Elle n’aimait pas vivre dans la peur, et encore moins lorsqu’elle était le fruit de son ignorance.

Pour se donner contenance, Esk soupesa avec une petite moue la bourse que lui avait donnée Althéa :

« Je devrais avoir assez avec ce que tu m’as laissé pour acheter le poison. Mais ne te méprends pas : ce n’est qu’un prêt et j’entends que le prix soit compté dans mon salaire final. D’ailleurs, par simple mesure de précaution, je voudrais avoir une garantie que tu sois bien en capacité de me payer, une fois le travail accompli. »

Eskarina marqua une courte pause, le temps de soutenir le regard de son interlocutrice, et de s’assurer que le message était bien passé. Elle avait certes été payée pour ses petites emplettes, mais rien ne garantissait que la jeune magicienne avait assez d’argent pour acheter un assassin. Même si, à la réflexion, Esk n’en doutait pas trop : Althéa avait clairement l’air de quelqu’un qui avait de la ressource. Ou des ressources.

« Je vais acheter ce dont j’ai besoin. Fais moi un plan du dispensaire le temps que je revienne. »

La jeune fille tourna les talons et sortit de la chambre, sans plus de cérémonie. A la sortie de l’auberge, Eskarina réfléchit quelques instants. Elle ne pouvait pas se permettre de retourner dans la même boutique qu’une heure auparavant : acheter de la strychnine et du méthanol à une heure d’intervalle attirerait bien trop facilement les soupçons sur elle. Pour peu que l’enquête qui aurait certainement lieu au dispensaire après le drame s’étale jusqu’aux environs de Darga, il ne faudrait pas plus aux enquêteurs pour en tirer leurs conclusions.

Peu familière avec la ville, elle tourna donc un peu au hasard dans les rues, à la recherche d’un autre alchimiste; ce qui lui laissa le temps de réfléchir. Elle allait donc confier Tezca à sa cliente. Dis ainsi, il n’y avait pas à en faire grand cas… Si on oubliait le petit incident de la nuit passée. Eskarina serra les dents. Non, décidément elle n’aimait pas cette idée. Mais que pouvait-elle faire d’autre ? Elle ne pouvait pas arriver au dispensaire avec ce chat, qui ne serait jamais accepté dans l’établissement. Elle n’avait non plus ni le temps ni l’argent pour louer une chambre à son arrivée à Darga afin d’y laisser le fauve. Le laisser seul dans les rues de la ville était également exclu : il serait en territoire inconnu, sûrement férocement défendu par les chats locaux; et, si Tezca pouvait très certainement gagner une bagarre contre un ou peut-être même deux chats, il ne ferait jamais le poids contre une dizaine. Elle soupira. Non, décidément, il n’y avait pas d’autre alternative. Personne d’autre à qui le confier.

C’est sur cette conclusion morose qu’elle passa enfin devant la porte d’un alchimiste. Elle continua son chemin jusqu’à croiser une petite ruelle dans laquelle elle se faufila le temps de rabattre sa capuche pour cacher son physique si particulier - qui rendrait son identification bien trop facile. Le visage et les cheveux ainsi couverts elle rentra dans l’échoppe et se dirigea sans faire de détour jusqu’au comptoir.

« Il me faudrait du méthanol. Disons 20 centilitres. »

Elle évita le regard intrigué de l’alchimiste et espéra qu’il ne pose pas de questions. Inutile de se faire plus remarquer. Commander assez de méthanol pour décimer une famille entière était largement assez suspect. Surtout lorsque le visage de votre cliente est aux trois quarts couvert. Eskarina émit un soupir de soulagement discret lorsqu’elle vit l’homme lui tourner le dos pour s’affairer dans l’étagère qui les surplombait. En même temps, faire preuve de curiosité ne devait pas être bon pour le commerce. L’homme se tourna finalement à nouveau vers elle et lui tendit un flacon contenant le liquide transparent. Eskarina remercia l’alchimiste d’un bref sourire poli, paya et quitta la boutique. Dans la rue, à l’abris des regards, elle ôta sa capuche puis se dirigea vers l’auberge.

Une fois rentrée, elle passa d’abord par sa chambre pour rassembler ses affaires. Prête à partir, elle attrapa un Tezca mollement endormi sur le lit et quitta sa chambre. Elle vint toquer à la porte d’Althéa tout en jetant un coup d’oeil au chat heureusement toujours endormi dans ses bras. Elle rentra.

« C’est moi. Je te laisse Tezca et je pars. »

Elle jeta un coup d’oeil méfiant à la magicienne, serrant une dernière fois l’animal contre elle. Lui demander de prendre soin de lui ne n’aurait clairement été qu’une incitation à exercer son sadisme. Priant pour le retrouver en vie, elle lui tendit le chat.

« A ta place, je le réveillerais le plus tard possible. Il risque de ne pas apprécier de se retrouver seul avec toi. »


ººººººº

Rina considérait dubitativement le flacon de méthanol qu’elle tenait délicatement entre ses doigts dans la pénombre d’une ruelle à deux pas du dispensaire de Darga. Elle avait toujours employé les poisons pour tuer ou bien sur elle-même pour s’immuniser de leurs effets. Jamais pour jouer avec sa propre vie comme elle s’apprêtait à le faire. Ce n’était pas tant la peur de la mort qui la faisait douter mais la crainte de s’être trompée : elle devait avoir une confiance aveugle dans le plan d’Althéa, et elle n’avait même pas confiance en la guérisseuse. Et si Althéa avait voulu la piéger ? Et si le dispensaire ne contenait aucune goutte d’alcool pour se soigner ? Et si Althéa s’était trompée et que le chef du dispensaire était à présent sobre ? Et si Althéa ne venait pas la chercher, comment expliquerait-elle sa guérison miracle ? Eskarina soupira. Avec des si, on pourrait mettre Suhury en bouteille. Mais le plan de l’adepte de Möchlog contenait beaucoup trop d’inconnues de son côté et cela déplaisait fortement au jeune assassin. Elle n’avait pas eu le temps de préparer le terrain. Mais elle n’avait pas vraiment le choix : elle n’avait plus presque plus d’argent et c’était son premier contrat - et peut-être le seul qu’elle aurait jamais vu comme c’était parti. Un vent glacé annonciateur de l’hiver l’agita d’un frisson. De toute façon, si elle y laissait la peau, elle n’aurait plus l’opportunité de regretter ses choix… C’est cette pensée qui acheva de la décider. De toute façon, elle n’exerçait clairement pas la profession la plus paisible et prudente qu’il soit. Elle prit une inspiration et avala la dose d’un coup. Puis elle se laissa glisser au sol et attendit.


ººººººº

La nuit était tombée et avec elle un violent mal de crâne s’était battu sur la tête de Rina. Une légère nausée l’avait saisie quelques minutes plus tôt et la jeune fille savait que cette envie de vomir ne ferait que croître. Elle devait rejoindre le dispensaire avant que la phase de confusion et de somnolence ne commence. Et surtout ne pas s’endormir pour de bon. Elle devait rester éveillée pour profiter du silence du petit matin et aller chercher son antidote. Avant de perdre la vue. Eskarina se leva difficilement, prise d’un coup d’un affreux vertige. Elle tituba jusqu’à la porte du dispensaire et frappa de toutes ses forces. La porte s’ouvrit sur une vieille femme au visage… flou ? Pas bon signe ça… La condition physique de Rina devait parler d’elle-même car la vieille femme la fit entrer sans aucune question et la prit par le bras pour la mener jusqu’à un lit au milieu d’un dortoir. Eskarina se laissa tomber dessus. La vieille guérisseuse lui posa des questions mais l’assassin n’avait assez d’énergie que pour se concentrer sur le leitmotiv qu’elle se répétait à présent inlassablement dans sa tête. Ne pas s’endormir. Ne pas s’endormir. Ne pas s’endormir.

Au bout d’un moment, comme la jeune fille restait silencieuse, la vieille femme partit et Eskarina se retrouva seule, insensible aux râles d’agonie et aux toux douloureuses qui l’entouraient. Ne pas s’endormir. Ne pas s’endormir. Ne pas s’endormir.


ººººººº


L’obscurité finit par se faire plus claire et le brouillard où Eskarina flottait sembla également s’éclaircir. La libération était proche. Elle se leva en resserrant encore les poings et en rentrant encore un peu plus les ongles dans sa chair, comme elle l’avait fait une bonne partie de la nuit, la douleur la raccrochant à la réalité. Respirant avec difficulté elle se traîna jusqu’à l’endroit que lui avait désigné Althéa comme étant la cuisine. Elle n’eut même pas à chercher dans les placards : le chef du dispensaire avait clairement laissé libre cours à son addiction la veille et plusieurs bouteilles s’entassaient sur la grande table au centre de la pièce. Rina en chercha une encore bien remplie et avala goulument de grandes gorgées. Tremblante, elle versa ensuite les amatoxines dans plusieurs des bouteilles encore pleines et fit demi-tour et quitta la cuisine pour tomber sur un jeune homme qui semblait aussi surpris qu’elle. Aïe. Ils allaient faire le rapprochement. Victime. Elle était une victime.

« Boire…, dit-elle dans un souffle en s’effondrant dans ses bras ».

Althéa Ley Ka'Ori
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Profession : Guérisseuse du Troisième Cercle
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Althéa était partagée entre l’amusement et l’agacement. La méfiance de la jeune fille n’avait rien d’offensant ou de déraisonnable, mais elle retardait gravement sa mission et sa paix intérieure. Il n’était pas dans ses habitudes de taire les angoisses des enfants assaillis par le doute, ou de les rassurer sur sa propre dignité humaine. Seule la désinvolture de son interlocutrice la rappelait à la certaine affection qu’elle se découvrait à son égard, et l’empêchait de lui sauter au cou dans la seconde. Elle la jaugea du regard, pensive, et leurs volontés s’entrechoquèrent violemment, à mi-chemin entre l’incarnation de la force tranquille et celle de la furie bouillonnante.

    « Je suis plus rusée que de voyager avec ma fortune, tu ne verras pas les pièces avant trois jours, à Darga, là où elles reposent de tout temps. Mais tu sais comme moi que la confiance est primordiale, et mutuelle. Je t’offre la localisation du lieu où je travaille, des mes pairs les plus proches, et je me fie à toi pour des méfaits qui me banniraient à jamais de mes propres terres s’ils venaient à être connus. Tu te leurres si tu penses que c’est toi qui sacrifierais le plus si notre entreprise venait à échouer, ou que l’une de nous deux brisait notre marché. Si tu n’es pas prête à prendre ces risques alors que je mets en péril bien plus que toi, et bien cesse de m’importuner et va-t’en dès maintenant. »


La guérisseuse avait toujours eu un sixième sens pour juger autrui, déterminer ses aspirations et sa fiabilité. Etrangement Eskarina lui semblait digne de confiance, non pas pour sa constance de tempérament, mais pour l’aspect encore jeune et fougueux de son caractère. Elle devinait sa peur derrière un masque d’intrépidité, et son respect des marchés proférés. Elle voulait croire de tout cœur qu’elle mènerait à bien sa tâche, et qu’elle le ferait mieux que personne. Le cas contraire, puisqu’elle n’était pas exempte aux erreurs de jugement, elle devrait trouver un moyen de lui faire porter le blâme ; ce serait un plaidoyer éreintant à construire.

La disciple de Möchlog se rassit prestement, jugeant l’affaire réglée, et dégagea une plume pour répondre à la deuxième requête de la blanche jeune fille. Elle traça en traits efficaces le plan du dispensaire qu’elle avait tant côtoyé ces dernières années. La pièce à cibler était accessible via un corridor étroit, mais se montrait relativement aisé à trouver une fois dans les cuisines. Même Eskarina aurait les capacités de la reconnaître, en dépit de sa méconnaissance totale des lieux. Elle lui remit la feuille avec douceur à son retour, et acquiesça simplement de la tête à son conseil, se retenant péniblement de grincer des dents. Diantre qu’elle trouvait les animaux détestables et inutiles !

***


    « Tess… Tesla ? Viens par là, Tesla. »


Le nom sonnait faux. Il lui semblait l’avoir entendu, mais pas de la bouche d’Eskarina. Elle plissa les yeux, tentant de discerner la petite boule noire tapie sous la commode ainsi que le nom que la gamine lui associait.

    « Tezca ?! »


Le chat sursauta mais ne bougea pas d’un poil. Il était résolu à se planquer jusqu’à ce qu’elle s’en aille. La guérisseuse prit une longue inspiration pour s’intimer au calme, mais elle aurait adoré le faire sombrer dans le coma le temps que durerait sa garde ! Une once de culpabilité désagréable s’insinuait en elle à cette idée, notamment depuis son grand discours sur la confiance mutuelle et absolue. La magie ne rassurait pas Eskarina, et elle le comprenait. Il faudrait avoir recours à des méthodes plus traditionnelles. Elle fouilla ses affaires jusqu’à trouver une herbe de son attirail. Elle servait notamment à assoupir des patients souffrant le martyr, et elle en répandit sous le meuble. Le chat mit bien plus longtemps qu’escompté à venir tâter de la langue cette odeur alléchante, avant de la mâcher franchement. Une fois endormi, elle pourrait le saisir sans risque de se faire griffer ou mordre ! Ses mains auraient déjà été parsemées de blessures si elle n’avait pas su les soigner dans la minute ! En revanche la douleur, ou du moins son souvenir, ne disparaissait pas aussi aisément…

L’herbe eut un effet étrange sur l’animal. Il ne s’endormit pas tout à fait, mais il se mit à secouer la tête, puis sa patte frappa le sol à plusieurs reprises comme s’il écrasait un moustique particulièrement résistant. Il semblait en proie à des effets indésirables, et le seul réconfort qu’elle y trouva fut qu’il n’était pas encore mort. Elle étendit un bras prudent, et le chat se laissa attraper puis traîner, au plus grand étonnement d’Althéa. Il tenait au creux de ses mains, et la guérisseuse le maintenait à bout de bras, comme une enfant à qui on confie un bébé répugnant et qui n’a aucune idée de comment s’en occuper. Le point sacrément positif, c’est que le félin n’était plus enclin à la blesser. Il frissonnait et ouvrait une gueule béante, à la façon des drogués, parfaitement inoffensif. Drogué. Elle avait drogué le chat ? Elle s’éclaircit la gorge, mais aucune explication n’en sortit. Eskarina n’était pas là pour assister à l’abrutissement de son chat, elle pouvait garder son analyse pour elle. Elle glissa l’animal dans son sac et prit congé du petit village avec un retard considérable.

***

Une jeune femme à la chevelure aile-de-corbeau fit son entrée dans le dispensaire d’Erexh od Enthuya, insouciante du malheur qui frappait le dispensaire. Tout au plus priait-elle pour son existence. Nerveusement, elle frappa à la porte, puisque la courtoisie voulut qu’elle s’annonce après une si longue absence, mais l’on ne répondit pas à son appel. Elle jugea ce manquement comme un présage de bon augure, et frappa à nouveau le battant. L’après-midi s’étirait en soirée, et elle avait pris d’autant plus de retard pour déposer Tezca dans ses propres quartiers. Althéa, accompagnée d’un chat qui délirait ? On dirait qu’elle avait perdu la raison avant même qu’elle ne franchisse le palier de la porte ! Non, on la connaissait trop bien pour lui trouver une passion pour quelque animal que ce soit. Elle dut frapper une troisième fois pour qu’une jeune fille à bout de souffle ne vienne lui ouvrir.

    « Lara, j’avais commencé à croire qu’ils t’avaient remplacée, toi qui es si vigilante… commença-t-elle avec prudence.
    - Oh, Emcha Althéa, pardonnez-moi, les guérisseurs avaient besoin de moi pour… Oh, quelle misère ! Entrez, entrez. C’est que nous avons appelé des renforts pour substituer aux guérisseurs malades, et je me dois de les assister en attendant leur arrivée.
    - Les patients tu veux dire ?
    - Non, les Emchis eux-mêmes, un mal les assaille et nous ne parvenons pas à comprendre lequel. »


Althéa mima la perplexité à la perfection, mais intérieurement elle jubilait. Elle emboîta le pas à la réceptionniste qui lui exposait la situation telle qu’elle la connaissait déjà. Les patients dépérissaient, et une poignée de guérisseurs avec eux, les quelques Suhurs encore debout ne savaient plus où donner de la tête, et son aide serait appréciée. Elle saluait ses collègues l’air grave, et les malades d’un air contrit, et finit par s’affairer du mieux qu’elle put à ne pas les rétablir. L’incompréhension générale et le peu de têtes pensantes avait créé une confusion indémêlable. Lorsque le maître fit son apparition, une sueur froide lui coula dans le dos, et elle pesta intérieurement. Le mal s’était répandu avant son tour de garde, et il n’avait pas eu l’occasion de se soûler. L’Emch Erel, un de ses seuls proches sur place, lui fit parvenir quelques mots qui apaisèrent sa colère toutefois. Il y avait eu deux morts, mais en bas de l’échelle. Deux soigneurs qui loin d’être professionnels au regard de leur alcoolisme, n’avaient pas moins du talent et un avenir prometteur. Deux morts bien inutiles. Parmi le verbiage continu de son pair, une remarque attira son attention.

    « On a retrouvé une gamine dans la cuisine. »


La guérisseuse se figea sur place, l’oreille tendue. La bougresse, elle s’était fait attraper la main dans le sac ! Mais Erel poursuivit, imperturbable de calme.

    « … elle était mal en point, et on a supposé qu’elle y avait volé quelque chose de contaminé. Mais il est trop tôt pour le prouver, nous n’avons rien trouvé de toxique pour l’heure. »


Un soulagement la parcourut. On ne la soupçonnait pas. Elle demanda si on l’avait interrogée, et il sembla que non, qu’elle était trop faible physiquement pour être d’une quelconque aide, et Althéa laissa libre court à son faux énervement. Elle était leur meilleure source d’indices après tout ! Elle se retrouva bien vite au chevet de l’enfant, flanquée par son précieux témoin qui lui indiquait gentiment le chemin. Elle s’agenouilla près de la couchette et passa une main sur la joue chaude de la jeune fille. Jouait-elle la comédie ? Ou s’était-elle empoisonnée à nouveau ? Elle lui envoya une vague d’apaisement.

    « Petite, tu m’entends ?  Nous avons besoin de ton aide. »


La guérisseuse murmurait tout juste, tout près de son visage, mais intérieurement elle était en effusion, prévoyait et calculait le moindre mot. Il ne fallait ni trahir leur lien ni leur entreprise, mais sa présence sur les lieux du crime rendait la supercherie délicate. Elle ne pouvait plus s’enfuir dans la soirée comme prévu originellement, il fallait qu’elle soit victime du même mal que les autres, et qu’elle en guérisse de la même façon. Pour le moment, son corps était sain, et l’on s’en rendrait compte une fois le remède "miraculeusement" trouvé par ses soins, et la panique retombée. On ferait le lien entre sa présence dans les cuisines et l’alcool contaminé.

    « Nous savons que tu as volé dans les cuisines, la mit-elle en garde, sans aucun reproche dans la voix, mais avec une réprimande implicite pour sa recrue. Et que tu souffres depuis du même mal que les autres patients. Dis-nous honnêtement ce que tu y as mangé et bu ? Nous ne t’en ferons aucun reproche. »


Ce faisant, elle avait glissé dans le verre sur sa table une dose d’amatoxines, insistant imperceptiblement sur la phrase importante de son questionnement. Si Eskarina se rendait sans doute compte qu’il ne s’agissait pas d’une plante médicinale, à l’inverse d’Erel, elle comptait du moins sur sa loyauté pour se l’administrer comme quand même. C’était à présent une nécessité. Mais elle n’avait plus à craindre, n’est-ce pas ? Althéa était là, elle tenait sa part du marché, et elle la soignerait, une fois qu’elle aurait simulé sa trouvaille du poison dans les bouteilles d’alcool. Elle lut son regard farouche, et perçut sa méfiance qui suintait par tous les pores de sa peau. Elle inspira patiemment, avant de ponctuer son interrogatoire de questions d’apparence bienveillantes, mais qui en réalité n’était qu’une mise en garde supplémentaire : elle détenait Tezca, et elle devait lui obéir si elle désirait le retrouver vivant au sortir du dispensaire.

    « Dis-moi, jeune fille, tu as de la famille dans les environs ? Quelqu’un qui tient à toi ? Es-tu une adepte d’Orshin liée à un animal ? Si tu confesses ton méfait, nous pourrons déterminer ce qui vous empoisonne et tu pourras revoir tous ceux à qui tu tiens, tes parents, ta famille, tes familiers, que sais-je. Cela te semble être un marché raisonnable ? »

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