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 :: Les terres d'Irydaë :: My'trä :: Khurmag
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 Le fléau de la peste blanche

Althéa Ley Ka'Ori
Althéa Ley Ka'Ori
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Le fléau de la peste blanche EmptyMar 3 Avr - 3:37
Irys : 507592
Profession : Guérisseuse du Troisième Cercle
My'trän +3 ~ Suhury (femme)
Le fléau de la peste blanche Vp9j

Le fléau de la peste blanche Gdxh


La beauté de Khurmag réside dans sa pureté, son intemporelle blancheur. D’aucuns diraient que cette contrée se pare de vêtements enneigés par pudeur pour ses formes montagneuses, et qui aurait le cœur de les contredire ? La vie qui la parsème est à la fois une tâche obscure sur fond de perfection diaphane et un hommage à l’âme qui l’anime. Indomptable et providentielle, insaisissable et généreuse, cette terre offre autant qu’elle arrache à ses sujets, et du haut de son griffon ivoire, Althéa songeait combien cet équilibre correspondait à s’y méprendre à celui instauré par Möchlog. Malgré ses dix-sept années de déambulations en ces terres chéries, elle les découvrait comme d’un œil neuf à cette altitude. Une telle vue sublimait tout paysage autant qu’elle incitait à la réflexion.

Par-dessus tout, le profond ennui qu’elle avait pour compagnon de voyage la poussait dans des retranchements philosophiques douteux. Au cours du dernier mois elle s’était plus engagée émotionnellement et politiquement parlant que les deux décennies qui avaient précédé, et ses convictions, ses notions les plus primaires s’en trouvaient chamboulées. Sa haine de la technologie était plus vive que jamais, mais elle commençait tout juste à mesurer jusqu’où elle s’aventurerait pour la réduire à néant, ou du moins l’éloigner de cette splendide contrée qu’elle survolait. Son éthique s’était détériorée à vue d’œil. Preuve en était, elle s’apprêtait à rejoindre Zora sur un autre continent pour officialiser leur insolite alliance. Le vice s’infiltrait dans tous ses desseins présents, et elle ne parvenait à déterminer si elle y était tout à fait favorable.

    « Moe, non, on est presque arrivés… MOE ! »


Sa monture avait perdu en altitude, et planait maintenant en cercles concentriques au-dessus de ce qui ressemblait vaguement à des arbres fruitiers. Le griffon finit par se poser sur le sol avec une douceur relative, et son atterrissage fut davantage amorti par la neige que par sa délicatesse ! Althéa se jeta prestement à terre, pour observer d’un air ahuri son fidèle compagnon se traîner (sur deux serres et deux ailes) vers l’arbre le plus proche. Les branches de ce dernier ployaient sous les uliral, un fruit dont le nom indiquait littéralement qu’il était indifférent aux saisons. Son bec vint happer un premier fruit, et il le goba sans plus de cérémonie ou de déférence pour les efforts de l’arbre porteur. Althéa porta une main lasse à sa tempe, puis la jeta théâtralement vers le ciel en signe d’indignation.

    « Moe ! On pourrait manger… dans le village du coin, par exemple ? A l’abri du Khoral ? »


Pour toute réponse, une vague de faim émana du griffon pour lui signifier combien il était affamé, comme si cela suffisait à parer l’agacement qu’il percevait de la guérisseuse sans véritablement le comprendre. Elle étouffa un juron ; elle manquait cruellement de moyens de communication et d’autorité sur son compagnon ! Et lui, ma foi, manquait cruellement d’éducation ! Une fois n’est pas coutume, elle prit néanmoins son mal en patience. A vrai dire, elle se voyait mal empêcher le festin d’un griffon – et aussi peut-être que la situation l’amusait en son for très intérieur.

S’enveloppant chaudement dans ses couches de vêtements, elle s’abrita du vent derrière le tronc d’un arbre semblable à celui qui se faisait délester de ses produits, et elle patienta sagement. Elle attendit nerveusement qu’il fût repu. Puis elle s’impatienta. Alors qu’elle s’était mise à sautiller pour ne pas geler sur place, Moe poussa l’insolence jusqu’à aller s’allonger à l’abri d’un rocher presque prévu sur mesure à cet effet. Elle s’approcha de lui en contenant difficilement son exaspération, et tira de toutes ses forces sur sa bride pour le sortir de son commencement de somme. Il ouvrit un œil nonchalant et peu investi, et elle pointa du doigt la route adjacente à la forêt. Qu’il refuse de voler, soit, mais qu’ils ne restent pas à mourir de froid dans un sous-bois noyé dans la poudreuse ! Ils marcheraient jusqu’à un endroit plus abrité, elle ne connaissait que trop bien les dangers de l’hiver khurmi !

Mais le griffon fit la sourde oreille, et sa lourde paupière dissimula entièrement l’azur de ses yeux. Althéa, forte de leurs expériences passées, commençait tout juste à appréhender la psychologie de son compagnon. Aussi elle fit mine de s’avouer vaincue, et se mit lentement en marche, gesticulant et se lamentant à haute voix pour attirer l’attention de l’animal. Si elle s’était retournée elle eût pu voir que son stratagème fonctionnait à merveille puisque Moe avait redressé la tête et lui jetait un regard inquisiteur, malheureusement sans réponse ; Althéa poursuivait ses grommellements.

    « Moe ne veut pas venir ? Et bien Althéa continuera toute seule ! C’était pourtant si simple de louer un cheval, mais non, Althéa elle s’entiche d’un FAINEANT DE GRIFFON. Et bien c’est la dernière fois qu’elle fait le voyage sur cet emplumé, j’vous le dis ! »


Aucun de ses interlocuteurs imaginaires ne lui répondit, mais le griffon inquiété par son émoi lui emboita le pas, et lorsqu’elle atteignit la route il n’était plus qu’à quelques mètres derrière elle. Une poignée de minutes plus tard, un refuge jaillissait comme par miracle sur côté droit de la route. Un miracle si l’on considérait qu’Althéa ne l’avait pas avisé plus tôt en descendant vers le sol ! Le cas échéant, elle se serait dirigée vers le village qui se situait à l’opposé mais à une distance bien plus conséquente. L’établissement était heureusement plus vaste de près que depuis sa selle. Elle poussa la porte sans frapper, et fut accueillie par une vague de chaleur réconfortante.

    « Fermez la porte ! Viiiiiite ! »


Une femme d’un âge avancé se tenait de l’autre côté d’un comptoir, une lueur autoritaire dans le regard. Althéa était trop frigorifiée pour s’offusquer de son ton pressant, elle s’exécuta simplement. Ce faisant, elle constata avec un soulagement non feint que Moe l’avait suivie. Elle lui faisait parfaitement confiance pour se trouver une place confortable dans de la paille ou dans une grange voisine. Par ailleurs, elle ignorait dans quel endroit elle avait bien pu se fourrer, mais de la vieille dame émanait à la fois une aura de bienveillance et de fermeté qui réveillait un peu de chaleur dans son cœur. La jeune guérisseuse se défit des longues écharpes qui entouraient son visage et exhala une bouffée d’air encore frais dans l’atmosphère confinée de la pièce.

    « Allez, allez, enlevez votre cape toute humide et prenez une couverture ! Vous ne croyez pas que je vais tout faire à votre place tout de même !
    - Je n’ai pas la force d’argumenter… »


Quoi de plus vrai, elle était éreintée, tant physiquement que moralement. Elle avisa les fameuses couvertures et s’empara d’une des plus épaisses pour couvrir ses épaules. Elle se rendait compte seulement maintenant combien son corps avait été martyrisé par le froid. En dépit de ses propres dires, la femme d’âge mûre semblait tout à fait prompte à tout faire à sa place. Elle lui avança une chaise, lui servit un thé brûlant -elle se hâta de coller ses mains gantées contre la tasse- et ajouta une bougie odorante à l’ensemble.

    « Tous ces voyageurs qui se décident à traverser Khurmag en plein hiver ! Des givrés !
    - Ce n’est pas grâce à eux que vous gagnez votre vie ?
    - Hein ? Gagner quelle vie ? C’est eux-mêmes le fondement de ma vie ! »


Althéa fronça un sourcil perplexe mais ravala son acerbité. Il y avait un côté maternel inhérent à sa façon de faire qu’elle ne pouvait révoquer tout à fait. Il était préférable de simplement en profiter, et après les périples que lui avait fait subir Moe, elle n’était pas mécontente d’être chouchoutée. Elle aurait même trouvé appréciable de prendre une part de l’énergie intarissable de sa bienfaitrice. Si elle refusait d’énoncer tout haut sa gratitude, son regard trahissait une reconnaissance bien réelle.

    « Vous vendez de la marchandise… médicale ?
    - Entre autres, oui !
    - Vous n’auriez pas un stimulant pour griffon paresseux ? »

Joël Neara
Joël Neara
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Le fléau de la peste blanche EmptyJeu 19 Avr - 14:09
Irys : 437488
Profession : Ex-Commandant d'aéronef de marchandises
Daënar +2 ~ Alexandria (homme)
~ ? Décembre 932
Littoral entre Tarluru et Reoni
Comptoir Neara en périphérie d'Örgost


Vereist, Marnaka, Hinaus. Dire que Joël était un habitué des grands froid était un euphémisme, et pour cause, c'était presque un tiers de sa vie qu'il avait passé à arpenté les contrées gelées des bords du monde, n'ayant parfois d'autres choix que d'affronter non sans mal des blizzards aussi incisifs que fulgurant, de contempler impuissant le givre se former dans sa chevelure et des stalactites au bout du nez, et de souffrir le martyre quand une fois en sécurité il devait impérativement réchauffer les multiples engelures qui avaient abimé son corps d'éphèbe. Tout cela s'en parler de ses centaines de missions en aéronef, où l'altitude n'aidait en rien le corps à se détendre et à profiter de la chaleur bienfaisante du soleil.

Ainsi, son arrivée à Khurmag et sa traversée n'allait -selon lui- représenter aucune difficulté, mais c'était sans compter l'arrivée du Khoral, une abomination climatique que le jeune héritier accusait ce foutu lézard volant qu'était Amisgal d'être responsable. Jusqu'à quel point les my'träns pouvaient être aussi asservi pour continuer de croire en la bienveillance d'un dieu qui n'a d'autres loisirs que de faire subir cinq mois par an un hiver si glacial que même la chaleur d'un cadavre saurait être plus réconfortante ? Il y avait décidément bien des logiques qui échappaient au daënar, et si son aversion pour les occidentaux s'était quelque peu amoindri au cous de ses derniers périples en My'trä, il n'en demeurait pas moins un cœur d'incompréhension dont il n'avait que très peu de chance de se débarrasser un jour.

Fort de sa détermination, il était pourtant parvenu à remporter avec succès son combat face au "Destructeur de vie" comme se plaisaient à l'appeler les locaux. Le fait de se greffer aux rares caravanes qu'il croisait et de profiter de l'hospitalité des clans qu'il avait croisé sur sa route l'avait assurément aidé dans son voyage, mais compte-tenu de ce que sa famille avait apporté au monde, il estimait que ce retour de politesse était de bonne guerre. La route jusqu'à Réoni commençait à pointer le bout de son nez et si ce fichu Khoral ne s'était pas levé une nouvelle fois, l'Anomalie aurait bien continuer sur sa lancée. Grave erreur que de s'arrêter, puisque depuis une semaine maintenant, les vents de l'Architecte dragon et le froid apocalyptique qui s'abattait sur Örgost et sa périphérie avaient contraint Joël à se réfugier dans un établissement aussi inconnu que familier : un Comptoir Neara.

Source de l'immense fortune et fierté de son père, les comptoirs Neara ont pendant des décennies étaient pris comme exemple dans les débats politique qui animent la capitale, se révélant être l'un des arguments de poids pour les défenseurs de la paix, de ceux qui pensent qu'une entente plus que cordiale est possible entre deux nations que tout oppose. Et dans les faits, les centaines d'établissement qu'Oliver Jr. Neara avait fait construire aux quatre coins du monde faisaient leur office et étaient accepté pour leur quasi-totalité par toute les populations. Un concept on ne peut plus simple, et d'une praticité à toute épreuve que tout aventurier chevronné sait reconnaître : celui d'un établissement proposant des produits du quotidien dans les endroits les moins fréquentés à tout voyageur désireux de se ravitailler, en dépit de ses croyances, son âge ou sa caste sociale. Vivres, vêtements, outils, matériel médical, armes et armures de moyenne factures permettent ainsi de subvenir aux besoins des nécessiteux, en sus des couchettes pour ceux qui craignent de passer la nuit à la belle étoile.

Ayant participé étant plus jeune à l'inauguration de la plupart d'entre eux, le trentenaire savait reconnaître l'intérieur d'un comptoir lorsqu'il en voyait un : A gauche de l'entrée se trouvait quasi-systématiquement de multiples étalages de vivres en tout genre, de boissons, soigneusement séparés par un paravent des outils et accessoires de première nécessité, tel que des tentes, des cordages, des vêtements, etc ... . La droite de l'établissement était quand à lui aménagé en une sorte de salon convivial où fauteuils et sofa étaient mis à disposition à côté d'un foyer pour se réchauffer. Au centre du magasin siégeait le bar derrière lequel le gérant ou la gérante accueillaient leurs invités. Sur le mur derrière était accroché des armes diverses et variées, tandis que l'arrière-boutique était divisée en deux avec d'un côté la pharmacie, et de l'autre les dortoirs. Aucun emplacement n'était laissé au hasard et il pouvait être surprenant de s'apercevoir à quel point l'espace avait été optimisé pour y accueillir un maximum de marchandises sans pour autant que les clients ne se sentent oppressés. Mais au-delà de ça, il y avait un détail qui ne trompait pas, et que Joël désapprouvait plus que tout : une photo de son paternel, de Joël enfant et sa défunte mère, la preuve matérielle que l'union de Daënastre et My'trä était possible, encadrée et soigneusement posée sur le bar pour que chaque client puissent connaître le visage de ceux qui leur venaient en aide.

Il va sans dire qu'une telle image n'évoquait en Joël qu'une myriade de souvenirs bouleversant qui avaient forgés en lui cette haine des magiciens, mais il n'avait d'autre choix que de s'y habituer sous peine de passer la nuit dehors. Syl et Jasan, le couple Khurmis qui s'était vu confié le-dit comptoir, n'avaient pas mis longtemps à identifier Joël comme le futur héritier du tant apprécié Oliver, et c'est tout naturellement qu'ils avaient accepté de l'héberger gratuitement le temps que la tempête se calme. Bien qu'à contrecœur, le daënar se résigna à payer sa dette en aidant la famille dans leurs tâches quotidienne, qu'il s'agisse du rangement de la boutique, de la réserve ou du garde-manger en extérieur, en passant par le déneigement du toit et de l'écurie dans laquelle les chiens de traineaux se réfugiaient. La veille, tous attendaient l'arrivée d'une caravane remplie de nourriture et de matériel médical, et accessoirement de la fille du couple qui avait profité du voyage pour rendre visite à sa grand-mère à Tarluru, mais le convoi n'arriva pas. Le jour qui suivi, Jasan et Joël continuèrent leur travaux en extérieur tout en scrutant continuellement l'horizon en espérant y apercevoir le groupe de voyageur, mais seul une jeune femme et son griffon percèrent la poudreuse en fin de matinée.


- Jo', on va faire une pause ici.
- Tant mieux, parce que je commençais à avoir la dalle.

L'épaisseur de la neige était telle que le trentenaire n'hésita pas à sauter du toit, sachant pertinemment que celle-ci ammortirait sa chute.

- Jasan, tu ne descends pas ?
- Je vais rester encore quelques minutes ...
- Comme tu voudras.

L'inquiétude du père était palpable, d'autant plus que contrairement aux autres my'träns, la mort d'un proche chez les khurmis n'induisait pas l'oubli de celui-ci, c'était donc dans une incertitude totale que les parents ignoraient le destin de leur fille adorée.
Le jeune homme croisa le griffon qui s'amusait avec beaucoup trop d'euphorie avec la meute de chien qui aboyait de plaisir, et craignait pour la pérennité de l'écurie qui souffrait déjà de la couche de neige qui la recouvrait. Il franchit finalement le pas de la porte.


- ... autres, oui !
- Vous n’auriez pas un stimulant pour griffon paresseux ?

L'homme parfaitement emmitouflé dans de multiples couches de vêtement ne laissait qu'entrevoir l'éclat doré de ses yeux, et la neige ayant recouvert la moindre parcelle de ses vêtements aurait presque laissé croire à un Sesgerin géant. Évidemment il peina à se déplacé, et encore plus à se déshabiller.

- Vous voulez dire un calmant non ? rétorqua-t-il en ricanant. Vu le bordel qu'il est en train de foutre dans l'écurie, je ne donne pas cinq minutes avant qu'il n'ait tout détruit.

La quinquagénaire se précipita vers son protégé et l'aida à se dévêtir tout en lui jetant un regard lourd d'appréhension.

- Désolé Syl ... toujours rien.
- Khugatsaa ... j'implore ta clémence ... murmura-t-elle d'une voix tremblante.

Le daënar déplorait l'utilisation des prières à tout bout de champ et retint son pragmatisme de s'exprimer, cependant il ne pouvait que compatir à l'inquiétude d'une mère, aussi il lui tapota l'épaula en guise de réconfort. Il finit enfin par réussir à retirer ses vêtements les plus encombrant pour se retrouver vêtu d'une simple chemise en lin, de gants de cuirs et d'un pantalon tout à fait lambda. Il se dirigea vers la jeune femme qui semblait retrouver un grand réconfort dans sa tasse de thé et lui tendit la main.

- Enchanté, je suis Joël Neara. Je vois que je ne suis pas le seul inconscient à m'être aventuré en Khurmag par une météo aussi peu clémente.

L'aboiement incessant des chiens lui fit tourner un regard vers la fenêtre un peu plus loin, depuis laquelle on pouvait apercevoir Moe gambader avec la meute de canidés euphorique.

- Quoique vous semblez suffisamment talentueuse pour avoir convaincu un griffon de le traverser avec vous, un véritable exploit ! s'amusa-t-il.

- Tu n'as pas eu cette chance. continua Syl en revenant vers les deux jeunes gens. Nous n'allons pas tardé à manger, vous devrez être affamé. Je connais déjà ta réponse Jo', mais qu'en est-il de vous mademoiselle ? Vous joindrez-vous à nous ce midi pour partager un déjeuner loin du froid de Décembre ?

Althéa Ley Ka'Ori
Althéa Ley Ka'Ori
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Le fléau de la peste blanche EmptyJeu 5 Juil - 14:21
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Profession : Guérisseuse du Troisième Cercle
My'trän +3 ~ Suhury (femme)
Le regard d’ambre glissa sur la surface miroitante du breuvage pour rencontrer les éclats dorés du nouveau-venu. Elle lui accorda un demi-sourire et une expression peu convaincue lorsqu’il suggéra un calmant pour sa monture. Il s’agissait nécessairement d’une plaisanterie, sans quoi l’inconnu était soit soûl comme un coing, soit avait confondu Moe avec un autre plus fougueux. Elle profita qu’il reporte son attention sur la tenancière pour le dévisager d’un œil attentif, et le court échange qu’il eut avec elle piqua sa curiosité à vif. La détresse de Syl fronça ses sourcils, et elle ne put retenir une vague d’apaisement arcanique à son égard, alors que sa voix empruntait la douceur d’une mère.

    « Khugatsaa est le plus bienveillant des sept architectes. Je ne doute pas qu’il veille sur vous. »


Elle ignorait bien la source de leurs tracas, mais son instinct de guérisseuse s’y opposait avec ferveur. Il ne fallait pas voir là quelque tentative altruiste de résoudre des ennuis qui ne la regardaient d’aucune manière, mais plutôt un égo surdimensionné et bien dissimulé. L’inconnu prit d’ailleurs le relai du réconfort, et ne tarda pas à venir se présenter. Elle retira poliment son gant avant de glisser une main hésitante dans la sienne, accueillant son identité d’un salut courtois de la tête.

    « Althéa Ley Ka’Ori. Malheureusement, s’il fallait attendre que le temps soit plus clément, les Khurmis ne vivraient pleinement que la moitié de leur vie. »


Son sourire défiant fut interrompu par les aboiements à l’extérieur. Intriguée, elle se redressa sur sa chaise pour contempler le spectacle. Moe, plus joueur que jamais, déambulait dans la neige, poursuivi par une poignée de husky tout aussi joviaux. Sa mâchoire s’en décrocha de stupéfaction. Qui avait remplacé sa grosse loque blanche par un fringant oisillon des neiges ?

    « Vous ne plaisantiez pas ! Le voilà avec toute l’énergie du monde ! »


La surprise se disputait à la frustration sur son visage, et semblèrent toutes deux tirer un sourire à Syl. Elle les invita par ailleurs à déjeuner, et Althéa eut une seconde d’arrêt, comme pour s’extirper de sa colère naissante, et pourtant bienveillante, à l’encontre de Moe.

    « Avec joie. Que diriez-vous d’une cuisse de griffon grillée ? … Je plaisante bien sûr, je reviens dans quelques minutes, j’ai oublié de desseller Moe. »


Bien sûr, bien sûr, c’était vite dit ! Elle se saisit de sa cape, et se jeta de nouveau à l’assaut du grand froid. Ses oreilles se mirent aussitôt à rouspéter et à rougir, ses yeux transpercés par mille aiguilles de froidure. Elle se hâta vers son compagnon, et il ne tarda pas à la repérer. Bien inconscient de son acrimonie, il vint à sa rencontre, et se mit à sauter joyeusement autour d’elle, toujours hors d’atteinte de ses mains tendues. Le tout tourna au désastre lorsque les chiens se mêlèrent à la fête. L’un d’entre eux manqua de la renverser en quémandant une caresse, et elle leva les yeux au ciel d’exaspération, implorant les être célestes de lui venir en aide. C’est Jasan, véritable émissaire divin, qui répondit à sa prière. Il s’était approché d’elle et avait sifflé ses chiens pour calmer la troupe.

    « Une sacrée paire de manches… Moe, si j’ai bien entendu ? Je peux vous donner un conseil entre amateurs d’animaux ?
    - Toute aide est bienvenue. Mais je suis loin d’être une amatrice d’animaux.
    - Il suffit d’un seul pour le devenir ! Vous lui donnez trop d’attention, et il en joue. Si vous voulez l’attraper, faites mine de vous éloigner avec moi. »


Althéa se prêta volontiers au jeu. Dans un premier temps, Moe poursuivit ses galipettes, encouragé par sa meute de canidés, puis en constatant son désintérêt il se figea sur place, les sens en alerte. Les deux bipèdes s’éloignèrent sans un regard en arrière, le pas nonchalant, et il se retrouva comme attiré par cette indifférence. Quelques secondes plus tard un bec demandeur venait tapoter son épaule. Le subterfuge lui arracha un sourire vaniteux, et elle passa un bras autour de l’encolure du griffon joueur, aussitôt rassuré. Jasan lui prêta main forte pour desseller sa monture, et elle déposa le nécessaire sur une étable, récupérant au passage un bocal de ses sacs de voyage. Après quoi ils entrèrent de nouveau, Althéa, une fois n’est pas coutume, se confondant en remerciements polis. La table avait été mise entretemps, et Syl vint précipitamment fermer la porte derrière eux.

    « Je pourrais vous aider à le dresser.
    - Je crains qu’il ne devienne jamais obéissant, il était sauvage avant qu’il ne décide de me suivre jusqu’au bout du monde.
    - Parfois il vaut mieux qu’ils ne soient pas trop dociles ! Il en va de même pour tous nos compagnons durables. »


La tenancière avait adressé un regard taquin aux deux hommes de la pièce, avant de se diriger vers la table dressée pour y installer les derniers plats. Althéa osa laisser paraître une lueur d’amusement dans son regard, avant de prendre place sur la chaise où elle était invitée. Elle plaça son bocal thermique au centre de la table comme on aurait placé un vase de fleurs dans une contrée plus estivale. Le verre était entièrement opaque, mais il diffusait une agréable et inexplicable chaleur à toute la tablée.

    « Une lampe à Ulaan, une aubaine ! »


Althéa acquiesça doucement, mais intérieurement elle se délectait de voir le trait d’inquiétude sur son front se dénouer quelque peu. Mais dans le bref instant de silence qui suivit, son visage se tendit de nouveau et son regard s’égara alors qu’elle servait généreusement les deux jeunes gens puis son mari, et semblait tout juste effleurer la sienne d’une cuillère de subsistance peu nourrissante.

    « Vous feriez mieux de manger davantage si vous espérez résister ce froid, fit-elle à demi-voix. »


L’anxiété était palpable, mais son impuissance l’était tout autant. Jasan pressa l’épaule de sa compagne, et tenta un sourire plus chaleureux. Syl se reprit un peu, piochant dans son entrain pour enterrer sa peine et dans le plat pour remplir son assiette. Tout espoir n’était pas perdu, avec un peu de chance les dieux lui montreraient qu’elle s’était faite de la bile sans raison.

    « Que faites-vous en Khurmag, Althéa ?
    - Il s’agit de ma terre natale, mais je ne suis que de passage. Je suis guérisseuse itinérante, en chemin pour Daënastre. »


Il s‘agissait de deux vérités bien dissociées, mais habilement jointes. Il y avait peu de chances qu’elle emploie ses talents médicaux une fois qu’elle aurait posé les pieds en territoire ennemi ! Même à Zochlom, où elle comptait faire escale, elle doutait d’être encline à sauver la population locale. Il lui était déjà bien insupportable de traiter certains My’träns ! Elle jeta un coup d’œil oblique à son voisin, qui demeurait un être de mystère pour l’heure. Elle l’aurait pris pour leur fils s’il ne les avait pas appelés par leurs prénoms respectifs.

    « Et vous, Joël ? Quel vent d’hiver vous amène dans les parages ? »

Joël Neara
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Le fléau de la peste blanche EmptyMer 1 Aoû - 23:31
Irys : 437488
Profession : Ex-Commandant d'aéronef de marchandises
Daënar +2 ~ Alexandria (homme)
Naturellement, le daënar s'affaira à la préparation de la table malgré les protestations de son hôte qui se sentait lésée que le trentenaire refuse d'accepter dans son entièreté son statut d'invité de marque. Mais en réalité, Joël cherchait chaque seconde un moyen de s'occuper l'esprit, une raison valable de ne pas venir en aide à Syl et Jasan, une excuse qui lui permettrait de s'enfuir plutôt que de se risquer à partir à la recherche de leur gamine, solutions qui heure après heure, semblait être la meilleure. Car le trentenaire n'avait normalement pas le sens du sacrifice. Mais depuis que sa maladie se propageait sur son corps, il se rendait compte petit à petit quelle lui envenimait également l'esprit. L'anomalie physique s'était étendue en une anomalie psychologique, et depuis presque un an maintenant, Joël n'avait de cesse de risquer spontanément sa vie pour autrui. Lui, Joël le lâche, l'héritier décadent, le moins que rien, devenait malgré lui un homme respecté et respectable pour les nombreuses actions bienveillante dont il avait fait preuve.

C'est pourquoi il ne s'était pas accordé une minute de répit depuis son arrivée. L'esprit accaparé par de menues tâches lui permettait de ne pas penser à proposer son aide pour des choses plus importantes.


- [...] il était sauvage avant qu’il ne décide de me suivre jusqu’au bout du monde.
- Parfois il vaut mieux qu’ils ne soient pas trop dociles ! Il en va de même pour tous nos compagnons durables.

Le daënar esquiva le regard lourd de sous-entendu de la matriarche en posant la dernière assiette. Il fut rapidement rejoins par le reste de la famille et d'Althéa, où tous prirent place tandis que Syl commençait à remplir les récipients d'une copieuse louche de ragout. Comme la jeune femme, il remarqua l'absence d'appétit de la dame, mais il ne se risqua pas à essayer de la rassurer. D'expérience, ça tournait systématiquement mal, soit pour lui, soit pour eux.

- Que faites-vous en Khurmag, Althéa ?
- Il s’agit de ma terre natale, mais je ne suis que de passage. Je suis guérisseuse itinérante, en chemin pour Daënastre. Et vous, Joël ? Quel vent d’hiver vous amène dans les parages ?

Cette question, il l'attendait. Car non-content de revenir systématiquement, il avait prit cette fâcheuse manie de ne jamais donner la même réponse, et pour cause : les choses avaient bien changées depuis son arrivée à My'trä. Sa maladie, son corps, son état d'esprit, et il se risqua même à penser à ses relations. Bien que généralement dans le déni, il savait au fond de lui qu'une poignée de my'trans lui avaient beaucoup plus appris en quelques mois qu'en trente ans de vie à Daënastre. Zygan, Thorleif ... et même Zora. Aujourd'hui encore, sa réponse serait donc différente.
Il prit le temps de prendre deux bonne cuillerée et de s'essuyer les lèvres avant de répondre.


- Je ... je visite. Je fais partie de ceux qui ont initié le projet des "Comptoirs Neara", mais comme souvent, les têtes pensantes sont bien loin des réalités de la difficulté d'un travail comme celui qu'exerce Syl et Jasan. Je veux changer ça, et pour ça j'ai décidé de quitter Ünellia pour venir épauler ces hommes et ces femmes de l'ombre. Je suis de passage ici, puis dès que la météo me le permettra je poursuivrai ma route vers le sud jusqu'au prochain comptoir.

Dis comme cela, sa quête semblait presque noble, mais la vérité était pourtant si loin. Ses recherches dans l'obtention d'un remède à son statut étaient proche du 0, il l'idée de descendre jusqu'à Yeronkhii pour organiser son retour à la mère patrie commençait lentement mais surement à germer dans son esprit. Car bien qu'il ai apprit à se défendre, rien ne saurait mieux le protéger que les murs d'Alexandria, il en était convaincu.

- Qu'espérez-vous trouver en Daënastre ? Les relations entre nos deux nations sont relativement tendues, et je ne suis pas certains que l'on vous accueille à bras ouvert là-bas, et ce malgré votre statut de guérisseuse.
- Jo' n'a pas tout à fait tort. Et j'irai même plus loin en disant que si ... les choses dérapent, j'ai quelques doutes sur le fait qu'ils vous laissent rentrer un jour.

Le daënar se renfrogna. Certes la situation géopolitique d'Irydaë était instable, mais Daënastre était une nation évoluée, avec son lot de règles et de loi, en temps de paix comme en temps de guerre. Et la séquestration ou l'exécution des expatriés ne faisaient pas partie -à sa connaissance- des choses que permettrait l'U.N.E.. Paradoxalement, et il n'osa pas le dire pour autant, il avait la conviction que la politique tribale de My'trä était sans doute plus encline à se genre de pratique.

- Je n'irai peut-être pas jusque-là. Nous ne sommes pas aussi méchant que l'on en a l'air, pas tous ... Regardez, je comptais même vous propo...

Joël ferma les yeux et grimaça. Le début de sa phrase lui avait échappé et par cette attitude il priait tout les dieux de ce monde pour que Syl ne lui pose pas LA question à laquelle son esprit le forcerait à répondre. Mais c'était peine perdue, car au fond d'eux, c'est ce que le couple espérait entendre depuis le début. Leurs yeux étaient rivés sur lui, et la mère prit les devant.

- Nous ... proposer quoi mon garçon ?

Il soupira intérieurement.

- De ... je pensais qu'il serait préférable de prendre les devants et de partir chercher votre fille.
- A vrai dire je pensais la même chose. Si tu es partant Joël, je te propose que l'on parte après le déjeuner.
- Non, j'irai seul.
- C'est beaucoup trop risqué, tu n'y arriveras pas.
- Vous devez être là tout les deux pour l'accueillir si jamais je ne la croise pas. Et le risque de se perdre dans le blizzard est trop grand, au mieux on en perdrait un pour trouver l'autre, au pire Syl vous perdrait tout les deux. Non, nous ne prendrons pas ce risque. Avec votre permission, je voudrais vous emprunter vos chiens et le traineau, je pourrais ainsi couvrir plus de distance.

Syl éclata en sanglot, des larmes d'espoir qu'elle ne put retenir.

- Merci Joël ... je prierai les Architectes à toute heure du jour et de la nuit pour qu'il te protège durant cette entreprise.

Le regard du trentenaire se perdit dans son assiette. Une fois de plus, son cœur avait fait fi de sa raison et l'avait poussé à prendre des risques inconsidérés pour de stricts inconnus dont il aurait dut se ficher éperdument, s'il avait été dans son état normal. Il leva alors son verre afin de reprendre contenance, et se tourna vers la belle brune afin de trinquer.

- A la bienveillance des Architectes !

Et il en aurait bien besoin.

Althéa Ley Ka'Ori
Althéa Ley Ka'Ori
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Le fléau de la peste blanche EmptyJeu 2 Aoû - 21:57
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My'trän +3 ~ Suhury (femme)
Il y avait de l’ironie à ce que les pensées de Joël se tournent vers Zora en cet instant, sans se douter une seconde que sa voisine de table en avait fait sa partenaire de cause. Un vieil adage voulait que le monde fût plus petit que d’apparence, mais Irydaë s’étendait sur des lieues entières au bas mot, et Althéa ne croyait pas aux coïncidences. Rien, ô grand jamais, n’était laissé au hasard, chaque individu et chaque événement remplissait une mission précise, aussi infime et négligeable fût-elle. Il n’y avait d’heureux hasard que selon la perception humaine ; la réalité constituait un agencement logique et pertinent de croisées de chemins pour écrire l’histoire et d’incidents épars comme ponctuations. Les autres espèces quant à elles ne prenaient pas même la peine de la questionner.

Ecoutant les explications du Daënar d’une oreille attentive, la guérisseuse se contenta d’acquiescer sans grande conviction à ses paroles, un air inexplicablement dubitatif sur le visage. Un homme généreux et dévoué aux autres, quitte à franchir des centaines de kilomètres pour se rendre utile ? Il s’agissait d’une vérité difficile à avaler pour son égocentrisme. Il devait au moins avoir été exilé d’Ünellia pour en venir à de telles extrêmes.

    « Vous êtes donc le genre d’hommes à faire la charité. »


L’interrogation se parait d’une assurance doucement moqueuse. Une question d’apparences qui altérait son jugement peut-être, mais elle ne parvenait à associer les éphèbes à des causes humanitaires. Les crânes dégarnis et les vieilles mégères un peu coupables d’avoir vécu trop pleinement, soit, mais les aventuriers dans la fleur de l’âge s’abandonnaient rarement à la cause des autres de façon désintéressé. Elle-même se faisait violence pour dissimuler son narcissisme parce qu’il contrastait trop rudement avec son statut de guérisseur. Dans les faits, elle exerçait un métier au même titre qu’un maître funéraire, lucrativement et comme moyen de subsistance, mais avec le sourire bienveillant et trompeur d’un bon samaritain.

Le Daënar comme le Khurmi se montrèrent sceptiques à l’idée qu’elle mette le pied sur l’autre continent, et elle ne pouvait prétendre qu’elle partait l’esprit tranquille. Elle aurait même été idiote de se croire la bienvenue. Il s’agissait d’un continent inconnu, de mœurs étrangères, de traditions bouleversantes, tous infestés par la Technologie, mais parmi toutes ces aberrations, ce serait elle l’intruse.

    « C’est un risque que je suis prête à prendre, et je n’irai pas là-bas en tant que guérisseuse. Plutôt en tant que diplomate, pour discuter des mauvais choix des leaders daënars… J’ose espérer que les années sans foi ne les ont pas rendus sans scrupules. »


Pour être plus honnête, elle s’y rendrait en habits daënars, prête à s’adapter à leurs moindres faits et gestes, et après ma foi elle s’efforcerait au mieux de s’intégrer dans la masse. Elle ne se dévoilerait qu’une fois une audience obtenue auprès de ses dirigeants, et si elle tardait à venir, lorsqu’elle ferait subir aux daënars des traitements similaires aux My’träns des mines de magilithe. A vrai dire, elle était davantage inquiète pour la couverture de Zora que pour la sienne.

Joël sembla prendre ces remarques très personnellement, se justifiant presque d’avoir un cœur fonctionnel. Son début de proposition laissa un courant d’air dans l’atmosphère, de ceux qui font lever le regard et quêter sa provenance pour allonger sa présence. Syl le contraint à aller jusqu’au bout de son murmure, et Althéa camoufla tout juste sa surprise. Il était possible qu’elle l’ait mésestimé, et qu’il fît bel et bien la charité de son plein gré. Elle ne parvint à déchiffrer les émotions qui s’attardèrent sur son visage, mais quelque chose piqua sévèrement sa propre vanité.

    « A la bienveillance des Architectes !
    - … Et aux inconscients qui affrontent le Khoral. »


La disciple de Möchlog s’était permis de reprendre son terme dans une tentative de cynisme qui tournait quelque peu en révérence dans le timbre de sa voix. Depuis quelques temps elle s’était surprise à apprécier davantage l’audace et l’aventure que la prudence et la routine. L’adrénaline plutôt que la sérénité. Elle but volontiers à sa santé, mais se garda de faire tout commentaire. Sa décision était déjà prise toutefois. Le déjeuner s’acheva sans anicroche, la gravité de la situation ayant quelque peu atténué l’énergie de la conversation. Alors que Joël faisait ses adieux et se dirigeait vers l’étable, elle reproduisit son comportement à quelques secondes d’intervalle, saluant le couple, rassemblant ses affaires et marchant dans ses pas, le tout pour ajouter à la grandiloquence de son jeter de sac dans le traineau comme seul indicateur qu’elle l’accompagnait dans son périple. Répondant à la surprise qu’elle avait cherché à générer, elle haussa négligemment les épaules, et expliqua calmement :

    « Je n’allais pas te laisser toute la gloire de ramener leur fille saine et sauve. Et je ne te donne pas deux jours seul à Khurmag. »


Sa langue et son franc-parler se déliaient drastiquement une fois seul à seul. Et il y avait du vrai dans ces deux affirmations. Néanmoins, une grande part de la vérité avait été omise : celle concernant la curiosité qui dévorait ses entrailles. De toute évidence, sa fierté se satisfaisait de venir en aide à ceux dans le besoin, elle aimait la position de force, le contrôle, l’admiration de ceux à qui elle venait en aide. Beaucoup confondaient cette aspiration mégalomane avec de l’altruisme, et en réalité la différence était ténue pour l’œil extérieur. Être vénéré lui plaisait, certes, mais au-delà de cette présomption innée, elle s’interrogeait sur les prétentions de Joël.

    « Moe nous suivra. Si tu n’as pas trop le vertige, nous pourrons chercher des indices depuis les hauteurs. Mais étant donné son caractère capricieux, il y a des chances que nous fassions tout le voyage en traîneau. »


La jeune femme se rappelait amèrement son refus de l’amener à bon port. Elle détestait les canidés, qui plus est aussi affectueux, mais elle ne pouvait remettre en cause leur loyauté, par flagrante opposition à la fiabilité de son griffon d’ivoire. Sa méconnaissance des traineaux la rendrait peut-être hésitante, notamment sur le chargement, mais elle pouvait au moins s’enorgueillir d’énumérer avec brio le nécessaire à une expédition à Khurmag, puisqu’elle en avait entrepris dix-sept années durant.

    « Nous suivrons la route je suppose ? Leur fille, que faisait-elle ? D’où venait-elle, combien étaient-ils avec elle ? J’imagine mal quiconque d’un peu raisonné s’écarter des sentiers battus. »


Plongée dans ses pensées, elle parlait d’un ton décidé, comme pour étouffer toute protestation de la part du Daënar. Elle ne lui avait pas demandé permission de l’accompagner avec la courtoisie des bonnes gens, mais avait au contraire imposé sa présence pour amoindrir le risque d’essuyer un refus. Elle avait l’habitude de prendre sans ambages l’objet de ses désirs pour assurer sa prise. Il s’agissait presque d’une règle de vie chez les Ley Ka’Ori tant l’individualisme prévalait. Et instinctivement, elle projetait ses propres façons de faire sur son interlocuteur.

    « La fierté. C’est cela qui t’anime ? Tu es un exilé daënar qui cherche sa place en My’trä malgré les préjugés, et tu t’en forges une en faisant la charité ? Tu as une raison, c’est sûr. Tout le monde a ses raisons. »

Joël Neara
Joël Neara
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Le fléau de la peste blanche EmptyVen 3 Aoû - 22:57
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Daënar +2 ~ Alexandria (homme)
Au cours du repas, Joël aurait voulu se défendre, mépriser ces gens qu’il jugeait encore un peu trop facilement comme des sauvages, leur dire que non, il ne faisait pas dans la charité et même au contraire, qu’il s’était déjà amusé dans sa jeunesse à dépouiller les vaurens qui pullulaient chez les versos d’Alexandria. Mais fort était de constaté que sa maladie l’avait changé. L’homme impétueux, arrogant et exécrable devenait lentement mais surement quelqu’un de mesuré, de réfléchi et parfois même, de gentil. Leur dire qu’il n’était là que pour abuser de leur gentillesse n’aurait pas été crédible après tout ce qu’il avait fait pour les aider.

Affronter le khoral pouvait bien être le geste de trop, celui qui allait lui coûter la vie, et dans les faits, il n’allait absolument rien gagner à remonter vers le nord pour l’affronter. Au-delà du danger mortel que la tempête représentait, il savait que retourner vers Suhury c’était se rapprocher de son Régisseur, et autant il n’était « pas trop dur » de se cacher dans une ville, autant dans les plaines gelées de Khurmag, c’était une autre paire de manche. Ce serait mentir de dire qu’il n’avait pas espéré que la petite famille lui demande de renoncer, qu’il n’était pas celui qui devait se sacrifier, mais visiblement, même aux yeux des « gentils my’träns », certaines vies valaient mieux que d’autre.

Le repas se poursuivit, silencieux la plupart du temps, quoique parfois ponctué par les recommandations de Jasan pour que le daënar puisse espérer survivre à la météo. Il s’était également levé de table plus vite que tout le monde afin de commencer à harnacher les chiens et préparer les paquetages, suivi de près par Syl qui s’évertua à empaqueter autant de rations de survies que possible. Joël aurait voulu profiter plus longtemps du confort du comptoir, mais il ne pouvait que constater l’empressement des deux parents, qui l’obligèrent involontairement à aller se préparer lui aussi. Il fit un détour par son dortoir où il récupéra la plupart de ses effets et réajusta sa fausse-prothèse. Une fois n’est pas coutume, il lutta comme un forcené pour parvenir à enfiler les multiples couches de vêtement protectrice, puis sorti de l’établissement. Ses pensées voguèrent jusqu’à la jeune femme, Althéa, qui pensait qu’elle aurait profité de ce remue-ménage pour prendre la poudre d’escampette, mais à sa grande surprise, elle était non seulement là, mais également prête à l’accompagner.


- Je n’allais pas te laisser toute la gloire de ramener leur fille saine et sauve. Et je ne te donne pas deux jours seul à Khurmag.

Allait-il refuser son aide ? Non. Aurait-il dut ? Sa trentaine d’année et la maturité qui devait lui sied aurait dut le pousser à décliner, mais non seulement il n’eut pas vraiment le choix, mais en plus de cela il n’avait aucune envie de mourir seul. Elle était guérisseuse, et visiblement de la région. Il ne parvenait guère à lui donner un âge, tantôt la petite vingtaine, parfois presque trente suivant l’expression qu’elle affichait, mais dans tout les cas il se convaincs qu’elle était suffisamment âgée pour assumer ses propres décisions.

- J’ai survécu à tes potes de Zagash, alors ce n’est pas une petite tempête qui aura raison de moi !

Il lui jeta un large couverture pliée, qu’il lui demanda d’utiliser pour recouvrir l’ensemble du matériel, avant qu’il se charge de passer les sangles sur le tout. Les gestes d’Althéa semblaient maladroit, mais elle démontra son utilité en faisant l’inventaire de tout ce dont ils pourraient avoir besoin, et sans cela l’anomalie serait partie sans la moitié des choses nécessaires. Il profita de l’absence des deux parents pour se glisser discrètement derrière elle et lui glisser à l’oreille :

- Tu peux toujours te désister tu sais ? Je me suis mis seul dans cette galère, tu n’as pas à en subir toi aussi les conséquences.

Son avertissement ne trouva guère de réponse, si ce n’est sa volonté d’emmener le pigeon géant avec eux afin de faire du repérage. Il doutait quelque peu de son utilité, car une fois la tempête levée, au sol comme du ciel, ils ne verraient rien.

- Nous suivrons la route je suppose ? Leur fille, que faisait-elle ? D’où venait-elle, combien étaient-ils avec elle ? J’imagine mal quiconque d’un peu raisonné s’écarter des sentiers battus.

Les gérants du comptoir arrivèrent à ce moment-là, et Joël profita de cet instant pour les remercier de leur accueil, tout en leur assurant qu’il ferait tout son possible pour leur ramener leur enfant. Les au revoir furent brefs mais sincère. Compte-tenu de sa méconnaissance visible de la conduite d’un traineau, le daënar invita Althéa à prendre position sur les patins et à tenir fermement le guidon, avant de prendre place derrière elle et de se saisir des brides.

- Que Khugatsaa vous protège.

Sans demander son reste, Joël fit claquer les lanières de cuirs et les deux aventuriers s’enfoncèrent dans le froid glacial de Décembre. Le vent jouait contre eux, et le daënar n’avait d’autre choix que de hausser la voix pour espérer se faire entendre de sa partenaire.

- On va faire ce qu’on peut pour ne pas trop s’éloigner des sentiers battu, même si j’ai quelques doutes vu la quantité de neige qui nous tombe sur la gueule ! Leur gamine s’appelle Sylvia, elle a normalement quitté Tarluru avant-hier avec une caravane, ils devaient être une bonne dizaine, de quoi se protéger des bandits en chemin j’imagine.

Le traineau percuta violemment un rocher et fit légèrement décoller les patins. Rien de sérieux, mais suffisamment surprenant pour confirmer le fait qu’ils ne verraient pas grand-chose.

- La tempête a dut se renforcer une demi-journée après leur départ ! S’ils ont eu l’intelligence de s’arrêter on ne devrait pas avoir trop de mal à les retrouver. Si tout se passe bien d’ici demain matin on devrait ne plus être trop loin.

De longues minutes s’écoulèrent, avant que la voix pleine de détermination de la belle brune vienne percer le bruit du vent qui lui soufflait dans les oreilles.

- La fierté. C’est cela qui t’anime ? Tu es un exilé daënar qui cherche sa place en My’trä malgré les préjugés, et tu t’en forges une en faisant la charité ? Tu as une raison, c’est sûr. Tout le monde a ses raisons.

Sa prise se resserra sur la bride et l’hésitation naquit sur son visage emmitouflé derrière une épaisse écharpe.

- C’est … plus compliqué que ça. J’ai un … proche de malade, gravement malade. Nos médecins à Daënastre sont doués, mais visiblement pas assez pour la sauver. Je suis donc venu ici en espérant trouver quelqu’un qui s’aura l’aider, mais les préjugés me mènent la vie dure, alors oui, je fais dans la charité pour espérer que votre altruisme surpasse votre racisme.

Zora n’avait rien put faire, elle qui s’autoproclamée comme étant l’élue de Möchlog. Alors que pouvait-il espérer d’une jeune guérisseuse itinérante ? La jeune Althéa semblait plein de bonne volonté, mais il ne voyait plus l’utilité de faire perdre du temps aux my’träns sur sa condition. Était-il résigné ? Presque.

- Et toi ? Qu’espères-tu faire entendre à nos gouverneurs ? Ils ne sont pas capable de s’écouter entre eux, alors écouter des étrangers, c’est un peu peine perdue ! Et ce, qu’importent tes propositions ! A moins qu’elles leur permettent de se faire des irys, car finalement, il n’y a que ça qui les intéresse !

Malgré leur robustesse, les canidés commençaient petit à petit à s’essouffler. Cela faisait presque trois bonnes heures qu’ils avaient quitté le comptoir et non-content de n’avoir toujours rien trouvé, le froid et le vent avaient redoublé d’intensité si bien qu’ils étaient obligés de se recroquevillés pour ne pas avoir trop de prise au vent. Sans leurs épaisses couche de tissu, la proximité des corps des deux « jeunes gens » auraient put éveiller quelques instinct et pensées inadaptés, mais la morsure du froid ne laissait guère de place à ce genre d’envies. Joël risqua un œil dans les cieux pour s’assurer que le griffon tenait le rythme, mais il ne vit que les flocons défiler à toute vitesse sous ses yeux.

- J’y connais pas grand-chose en griffon. Moe tiendra le coup ? On ne va pas tarder à faire une pause, il serait préférable pour lui qu’il nous rejoigne !

Althéa comme Joël l’ignoraient encore, mais un danger encore plus terrible que le Khoral lui-même les avait pris en chasse.

Althéa Ley Ka'Ori
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Le fléau de la peste blanche EmptySam 4 Aoû - 18:27
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My'trän +3 ~ Suhury (femme)
Les Zagashiens. On les vendait comme les plus féroces guerriers de My’trä, et par paralogisme, comme les plus redoutables autochtones des sept contrées. Mais la force brute surpassait-elle la force pernicieuse, la puissance tranquille tapie dans l’ombre que l’on remarque à peine ? Un débat pour une autre journée, décida-t-elle à part elle-même.

Elle avait malgré tout souri de son apparente témérité, dormante jusqu’alors mais prévisible par bien des aspects. Elle ne releva pas non plus le qualificatif "petit" affublé au Khoral, car il était vain de relater l’ampleur de ce phénomène. Joël avait beaucoup à apprendre sur son pays, mais elle n’avait pas la patience de le convaincre par les mots. De la même façon, il peinerait à la persuader que la civilisation daënar était plus respectueuse que celle des My’träns – comment y croire, après ce qu’elle avait entrevu de leur culture ? Force était de constater qu’ils avaient tous deux du répondant, le voyage ne manquerait pas de piquant. Pour l’illustrer, elle ignora royalement sa tentative de la pousser à se désister, le fait-même qu’il le suggérât la contraignait à le suivre tant son entêtement était réel.

    « … de quoi se protéger des bandits en chemin j’imagine.
    - J’ai peur que ce ne soit pas les bandits qu’il faille craaAAAiiin… »


Le traîneau décrivit un sursaut qui lui parut démesuré dans la surprise. Elle suivit le conseil de Joël, s’accrochant au guidon avec plus de fermeté que jamais, maintenant résolue à ne plus se faire désarçonner de la sorte. Il répondit à sa phrase non achevée en évoquant la tempête, et elle acquiesça machinalement, car le Khoral était le pire ennemi de tout voyageur en ces terres. A quelques exceptions près.

La guérisseuse s’humecta les lèvres, puis le regretta aussitôt lorsque le vent sifflant raviva l’humidité en une froidure insupportable. Elle libéra une main prudente pour remonter les couches d’écharpe sur son visage, rattrapant rapidement le guidon une fois cela fait. Heureusement se prendre le vent en première ligne avait au moins l’avantage de faire porter sa voix vers l’arrière. Elle prit quand même la peine de tourner la tête d’un quart vers son compagnon de voyage, pour se protéger des rafales autant que pour s’assurer que ses paroles ne se perdaient pas dans une bourrasque. Avec un peu de chance, elle aurait attrapé un torticolis d’ici la fin de la conversation !

Le Daënar finit par mentionner un ami malade, et son hésitation ne lui sauta pas aux oreilles tant elle devait faire un effort pour capter le moindre de ses mots. Chacun d’entre eux venait presque à retardement jusqu’à son tympan, et les silences qui les entrecoupaient étaient moins discernables que sa lenteur à les comprendre.

    « Tu ne sais pas t’y prendre, dans ce cas-là ! Va à Suhury, trouve un guérisseur un peu cupide, et paye-lui la somme qu’il voudra pour soigner ton ami. Il y en aura même des assez givrés pour te rendre service sans frais. Je ne vois pas ce que les préjugés ont à voir là-dedans. »


Certes, il n’était pas à l’abri des mauvaises rencontres, et des guérisseurs amoraux, mais elle ne parvenait à faire le lien entre sa charité dans un refuge isolé et le bien-être de son proche. A moins qu’une guérisseuse débarque dans un de ces comptoirs, soit touchée de près ou de loin par son histoire ou sa personnalité, et l’accompagne dans son épopée… Elle fronça les sourcils, un doute insidieux s’infiltrant dans ses pensées. S’était-elle fait berner ? Il dévia la conversation sur ses propres ambitions avant qu’elle n’ait pu émettre ses doutes à haute voix. Qu’importe, s’il s’agissait d’un traquenard, elle était en position idéale pour lui placer un coup de botte bien senti dans les parties. Elle prit un temps pour réfléchir à sa réponse, et reprit la parole aussi calmement qu’hurler dans la tempête ne le permettait.

    « Tu parlais de racisme juste avant. Mais il ne s’agit pas toujours de haïr sans raison. Certains ont des motifs plus que valables de détester ton peuple. Tes dirigeants ont négocié lors de leur dernière guerre un accès à My’trä pour y implanter leur exploitation de magilithe. Avec toute l’objectivité dont je suis capable, j’admets que cet accord aurait pu se passer sereinement. Mais à l’heure qu’il est, les tiens esclavagisent des My’träns et leurs mines répandent des maux incurables dans les villages avoisinants.

    » Les exploitants ne veulent rien entendre, ils rejettent la faute sur vos gouverneurs, mais j’ai vu l’avidité dans leurs regards. Ils sont ravis de ne pas avoir à s’en préoccuper, de faire du profit sur le dos d’un peuple sans valeur à leurs yeux. Si tes gouverneurs ont cette même avidité dans le regard, comme tu le laisses entendre, alors je devrai faire entendre la cause my’trän d’une autre manière. Mais je ne peux me résoudre à ne rien faire. »


La guérisseuse se garda de mentionner la magie subtilisée à une poignée de khurmis pour cause de l’exploitation minière. Elle ignorait combien la nouvelle se répandrait vite, mais elle ne serait pas responsable de la répandre davantage. Qui sait à quels fins ces gouverneurs cupides utiliseraient ce savoir ? Ne valait-il pas mieux retarder l’échéance ? Le peuple my’trän manquait cruellement de moyens de se défendre sans ses dons, plus rien ne contrerait la Technologie lorsqu’ils seraient tous plus démunis que des bêtes à l’abattoir, dépouillés de ce qui les définissait dans leur essence.

    « Je comprends ta rancœur, tu subis autant que mes pairs les mauvaises décisions prises en haut, mais ne fais pas l’erreur de m’inclure dans ce racisme. Tout le monde a ses raisons, répéta-t-elle, et les miennes ne sont pas aussi futiles qu’un instinct primaire. »


Sa voix se parait d’une raison froide. Il ne l’avait guère accusée, encore moins offensée, pourtant elle éprouvait le besoin inexplicable de se justifier, de se dissocier de ce racisme qu’il dénonçait. Elle ravala sa fierté avec dépit, secouant la tête. Ils avaient une mission, n’est-ce pas ? Pourquoi ne pas s’en contenter ? Il lui avait au moins appris que ses gouverneurs n’avaient de yeux que pour l’argent, si elle en doutait encore !

Althéa demeura toutefois fort pensive, affectée par ce qu’il s’était dit. Elle inspira une première fois, mais sa voix mourut dans sa gorge. Plus les secondes passaient et plus elle s’enfonçait dans son mutisme, anxieuse de poser une question si facile à prononcer pourtant. Elle comptait à rebours pour s’encourager, mais au "zéro" les mots lui brûlaient les lèvres sans jamais les franchir. Finalement, sa langue se lassa du suspense et prit les devants, bien qu’elle dût répéter sa question que le vent et l’écharpe avaient partiellement étouffée à la première tentative :

    « Comment procéderais-tu à ma place ? »


Qu’avait-elle à perdre ? Au mieux, elle recevait des conseils avisés, ou du moins éclairés, de la part d’un natif, au pire sa situation ne changeait point. Après plusieurs heures d’échange et d’intense voyage -Althéa devait admettre que le traîneau avait l’atout de la vitesse dans la tempête-, Joël fit remarquer l’absence de Moe dans les cieux. Inquiète, la guérisseuse jeta un œil soucieux dans la direction où elle avait aperçu Moe une dizaine de minutes auparavant.

    « On fera halte dans quelques minutes s’il ne nous rattrape pas… et si cela ne te dérange pas. »


La courtoisie n’était effectivement pas de trop ; après tout, ils passeraient le reste du trajet plaqués l’un contre l’autre, pour se tenir chaud autant que tenir sur le traîneau ! Le minimum syndical de la politesse dans ces conditions était de s’enquérir de son avis. Cependant, Moe fit acte de présence avant que les quelques minutes ne se soient écoulées. Le sang se glaça dans les veines déjà frigorifiées de la chevêche, et elle blêmit à vue d’œil. Les pensées de Moe effleuraient son esprit par vagues angoissantes et désordonnées, laissant figurer un froid plus intense que le Khoral lui-même. Le souffle coupé, elle mit une demi-seconde pour trouver l’air nécessaire.



Les chiens bifurquèrent, trop lentement à son goût, et ils s’écartèrent de la couche de neige moins épaisse qu’ailleurs qu’on faisait l’affront d’appeler route. Ils rejoignirent les conifères à sa droite, et le ciel blanc se couvrit bientôt d’épines. Ses mains tremblaient, et il était difficile de deviner si c’était de froid ou de terreur. Quoi qu’il en soit les émotions qui l’avaient effleurée avaient dilaté ses pupilles au point que l’ambré fût presque totalement effacé par la noirceur. De son sac, elle tira deux des fioles inflammables qu’Eskarina lui avait acheté quelques jours auparavant, et de quoi enflammer leur contenu.

    « Ô tout-puissant Möchlog, protège-nous. Si Moe est aux prises avec lui, je vais devoir créer une source de chaleur telle qu’il fonde et… enfin…. C’est insane, mais… Je pourrais toujours incendier la forêt, peut-être… »


Parfois le meilleur moyen de s’assurer de la loyauté de quelqu’un est de s’abandonner complètement à lui, au point qu’il vous soit redevable. Althéa n’avait jamais apprécié les bêtes, certaines encore moins que d’autres, et avoir un compagnon animal n’avait jamais été dans ses plans. Moe s’était imposé à elle, et ne lui avait pas donné le choix. C’était la nature de leur relation, et aussi sa force et sa profondeur. En cet instant, elle n’entendait plus ses pensées, mais elle se tenait aux aguets, prête à réagir au moindre de ses appels, télépathique ou auditif, qui indiquerait son emplacement. Parce qu’il lui faisait pleinement confiance. Parce qu’elle ne pouvait pas plus le trahir qu’elle trahirait un de ses frères. Il serait de toute façon inconséquent de poursuivre leur route tant qu’ils n’avaient pas localisé la menace.

Joël Neara
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Le fléau de la peste blanche EmptyMar 7 Aoû - 18:27
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Daënar +2 ~ Alexandria (homme)
- Comment procéderais-tu à ma place ?

Une question aussi lourde de sens que -potentiellement- de conséquences, qui faisait appel à une réponse que Joël ignorait, car il n'était pas du genre à planifier des choses. Il avait "sa logique" bien à lui, qui bien souvent n'impliquait que lui, lui et encore lui. Une part de sa personnalité qu'il possédait assurément bien avant sa transformation en anomalie, à ceci prêt qu'à l'époque cela servait des intérêts purement égoïstes, tandis qu'aujourd'hui, il le traduisait par un instinct de survie exacerbé. Faire entendre raison aux dirigeants de ce monde ? Voilà une mission à laquelle ses parents avaient consacré leur vie entière. Cette volonté de tout changer s'était exprimé par les Comptoirs Neara, le fer de lance aujourd'hui des débats qui opposent les défenseurs d'une paix et d'une unification des pays face à ceux qui attende la moindre occasion de déclencher une nouvelle guerre. A la mort de sa mère, le raisonnement enfantin du petit Joël l'avait poussé à haïr les magiciens, mais depuis qu'il avait mit un pied sur My'trä, ses idéologies et tout ce en quoi il croyait ne cessait d'être remis en question. Il n'était pas prêt à s'impliquer totalement dans ce conflit, pas tant qu'il aurait se problème de magilithe sur les bras, mais avec du recul, n'était-il pas finalement en train de poursuivre l’œuvre de ses géniteurs ? Sans doute, mais le pacifisme à lui seul ne pouvait tout résoudre.

- Hmpf ... honnêtement, je n'en sais rien. Je doute qu'il existe "une bonne solution". Maintenant si je devais me projeter, je pense que faire comprendre aux gens que l'on peut trouver des alliés n'importe où, et quelle que soit sa croyance, ce serait déjà une bonne chose. Je déteste beaucoup de monde, et j'ai beaucoup d'ennemis et pourtant, je sais qu'il existe beaucoup plus de bonnes personnes que de mauvaises, mais ce sont de ces-dernières dont on entend le plus parler. Et étrangement, j'ai l'impression que les ficelles n'ont toujours été tirées que par ces gens-là. J'aime ma patrie, vraiment. Je ne souhaite pas participer ni assister à sa chute, car si les daënars ont sans doute beaucoup à apprendre des traditions my'träns, nous avons également énormément de choses à vous apporter à travers notre idéologie, que je ne crois pas incompatible avec celle de vos dieux.

Il marqua une pause relativement longue. C'était un débat qui lui plaisait, car il avait l'impression d'avoir en face de lui quelqu'un qui, malgré son apparente jeunesse, réfléchissait différemment. Quelqu'un qui était capable d'anticiper, de prévoir et de se projeter pour bâtir quelque chose de grand. Peut-être était-il parfaitement dans le faux, auquel cas il lui suffirait d'un croche-patte bien placé pour la désarçonner et l'abandonner au Khoral.

- Rallier le peuple sous une seule bannière pour évincer nos dirigeants respectif et mettre sur le trône des personnes censées, ce pourrait déjà être un bon début, et donc faire entendre raison aux gens et faire des Gharyns, Khorogs et gouverneur corrompus nos ennemis commun. Si j'étais à ta place, voilà ce que je ferai : m'associer à des personnes des deux camps et ensemble, devenir des ambassadeurs non pas de My'trä ou Daënastre, mais d'Irydaë.

Il se gratta nerveusement la tête avant d'éclater de rire, le tout saupoudré d'une gêne facilement décelable.

- Ouais bon, c'est clairement utopiste et irréalisable, mais avoue qu'il y a de l'idée !

Que ce soit par mépris ou en raison de la réflexion intérieur que ses propos avaient put faire naître dans l'esprit de la petite brune, il n'eut pas et n'attendit pas de réponses. Les heures défilèrent et l'inquiétude quant à la disparition du griffon d'ivoire trouva écho dans la voix et la "diplomatie" dont fit preuve Althéa dans l'expression de sa demande. Il l'invita alors à se concentrer uniquement sur la recherche de son animal tandis que lui se chargerait au moins de suivre la route, et si possible de trouver la gamine. Et alors qu'ils s'apprêtèrent à faire halte, la bête survola de près les deux compagnons de route, rapidement suivi par un avertissement que le daënar pris au sérieux sans broncher. Il tira violemment sur l'une des deux lanières de cuir et fit tourner en un virage trop serré l'ensemble du traineau, qui percuta un arbre en un craquement inquiétant, manquant de peu d'envoyer valser sa cargaison et son conducteur.

- Je doute que tu brûles une forêt entière en plein .. Ooooooh oooooh, hurla-t-il en essayant d'esquiver un nouvel arbre, en plein Khoral ! Et si c'est pas le cas, on va cuir avec.

Les chiens, à l'affut, s'arrêtèrent tous d'un mouvement uniforme, essayant d'intimider par leurs aboiement une menace que les deux humains ne voyaient toujours pas.

- Ça sent pas bon ... souffla-t-il en attrapant son fusil. J'connais pas les Most machin, c'est quoi ?

Sous le couvert des arbres, les rafales se faisaient moins violente et il était plus aisé de communiquer. Par extension, la visibilité était meilleure et en prêtant plus attention à l'environnement qui l'entourait, le daënar identifia ici et là des animaux mort dans des monolithes de glace.

- Qu'est-ce que ? Ne me dit pas que c'est ça qui nous a ... Il plissa les yeux, et au loin il aperçu un monticule de neige s'approcher à grande vitesse. ATTENTION !

Il attrapa instinctivement la my'trän par la taille et se jeta avec elle hors du traineau, au moment même où le monstre jaillit de la poudreuse et fit éclater sous ses crocs le bois pourtant robuste de leur véhicule. Elle était guérisseuse, pas soldat, et il craignait que le danger imminent ne la paralyse d'effroi. Il se releva aussi vite que possible et aida la my'trän à faire de même.

- C'est quoi ce machin, j'ai rien eu le temps de voir !

A peine quelques secondes plus tard, le Most Möch jailli une nouvelle fois, mais cette fois-ci du côté des canidés et projeta son souffle mortel sur les meneurs, qui gelèrent instantanément. Il tira la brune à couvert derrière un arbre, sachant pertinemment que cette cachette ne le resterait pas longtemps. Il posa la paume de sa main sur le tronc et, dans les secondes qui suivirent, un morceau de minerai se forma sur l'écorce. Au premier coup d’œil et dans la précipitation, il espérait que la my'trän ne comprenne pas tout de suite qu'il s'agissait de la magilithe et non d'un simple morceau de glace. Machinalement, il vérifia une dernière fois que son arme était bien chargée et risqua un œil vers les animaux. Il ne connaissait pas cette créature, ni ses forces, ni ses faiblesses. En revanche, il avait eu le loisir d'apprécier sa taille, sa vitesse, et visiblement sa capacité à geler ses adversaires. Était-ce de la magie de glace ? Son bras minéral lui permettrait-il d'en dissiper l'essence ? L'adrénaline et la soudaineté de l'assaut lui brouillait l'esprit, aussi il n'avait pas tout de suite saisi l'utilité salvatrice qu'allaient représenter les fioles d'Althéa. Tout ce qu'il espérait pour l'instant, c'était préserver son médecin et gagner du temps.

- Reste ici !

Il se jeta hors de sa cachette et entreprit la course la plus rapide de toute sa vie en direction des chiens. Il en restait six, six vies susceptible de leur servir de diversion pour fuir, voire même, s'ils étaient aussi inconscient qu'il le croyait, de trouver à un moyen de vaincre cette horreur. Il glissa en un dérapage mal assuré vers le premier husky et commença à découper tant bien que mal le harnais, et dès lors qu'il voyait le monticule s'approcher, il saisissait son fusil et tirait dans le tas, dissuadant la créature d'attaquer tout de suite. C'était une solution utile sur le court terme, mais qui demeurait parfaitement médiocre s'il espérait la blesser. Trois libérations plus tard et après que le Most Möch ait gelé l'un des canidés "fraichement" libéré, le monstre revint à la charge dans le dos du daënar, mais cette fois-ci il ne le vit que trop tard.

Si les miracles existaient, c'étaient maintenant qu'ils devaient se manifester.

Althéa Ley Ka'Ori
Althéa Ley Ka'Ori
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Le fléau de la peste blanche EmptyJeu 9 Aoû - 17:45
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Profession : Guérisseuse du Troisième Cercle
My'trän +3 ~ Suhury (femme)
Une alliance, qu’importe leurs croyances ? Mais les Daënars ne croyaient en rien ! Leur façon de vivre s’abreuvait du culte de l’individualisme, et aussi terrifiante soit-elle, la Technologie n’était qu’un outil de l’ego. On ne pouvait raisonnablement pas mettre la foi my’trän sur un pied d’égalité avec les engins qui… assassinaient, massacraient, généraient les pleurs et les deuils ! Jusqu’alors, elle n’avait été en contact qu’avec leurs armes à feu, et leur usage avait été létal pour les siens. Aussi les paroles du Daënar lui firent froncer les sourcils dans un patriotisme qui jurait avec le peu d’intérêt qu’elle octroyait à son prochain de manière générale.

    « Les deux ne sont peut-être pas incompatibles, mais je vois mal ce que nous apporterait la Technologie que la magie ne nous offre déjà. »


Son questionnement était réel. La décision des ancêtres de se fracturer en deux groupes distincts et les hérétiques de migrer vers des terres inconnues et hostiles dépassait son entendement. En écoutant la suite de son raisonnement, qui avait le mérite de la captiver tant elle appréciait les discussions de cette nature, elle demeura presque hébétée devant la grandeur de ses idées et surtout le statut inatteignable qu’elle leur attribuait sans hésiter. Elle prenait le dernier millénaire à témoin, et les nombreuses tentatives infructueuses qui le parsemaient ! Le pacifisme a toujours ce goût éphémère qui laisse un arrière-goût amer sur le palais. Lorsqu’il éclata de rire, et dit tout haut ce qu’elle pensait tout bas, elle ne put se retenir de rejoindre même partiellement son hilarité. Le soulagement apaisa même la méfiance dans sa voix.

    « Ce sont les utopies qui nous ouvrent la voie, pas les résignés. »


Althéa, à la voix neutre, au regard impénétrable, au visage impassible. Althéa et le solennel, Althéa et la politesse des premiers jours. Un accord de paix était par bien des aspects plus facile à atteindre que sa chaleur humaine tant elle érigeait soigneusement ses défenses. Elle sourit malgré elle d’être aussi socialement recluse, et ajouta d’une voix plus taquine qu’auparavant :

    « Mais oui, il y a de l’idée. Manquerait plus que vous vous douchiez plus d’une fois par an, et on pourrait envisager de faire la paix avec vous. »


Ma foi si son humour lui échappait, elle n’en userait plus ; son ironie semblait parfaitement décelable pour ses propres oreilles ! La suite des péripéties s’accéléra drastiquement, transformant une balade presque paisible, si tant est que le froid lancinant fût un atout particulièrement touristique, en une course-poursuite contre concurrent invisible. Faire cramer la forêt semblait en effet être une idée insensée, mais le Khoral n’aurait-il pas raison de l’incendie avant qu’il ne dévore les deux compagnons ? C’était le genre de domaine où elle était trop inculte pour ne pas faire d’erreur de jugement. Elle eut le temps de soupirer d’exaspération, mais son exhalation fut entrecoupée d’un violent choc contre un arbre. Savait-il conduire un traîneau ?

    « Quoi, tu ne connais pas les Möst Möch ? Ce sont de gros êtres de gla… de… »


Une authentique incrédulité transparaissait dans sa voix, comme si elle se rappelait subitement que son interlocuteur n’était pas khurmi. A cet instant, ils remarquèrent simultanément les blocs de glaces qui annonçaient le territoire de la bête qu’ils fuyaient, et une sueur froide lui glissa entre les omoplates en un signe avant-coureur de ce qui les attendait. Cette vision lui coupa toute envie de parler, au risque d’attirer l’animal qui lui paraissait plus présent que jamais. Joël avisa avant elle la montagne mouvante de neiges éternelles, et ses réflexes furent l’unique raison de leur survie. Ils s’écrasèrent dans la couche de neige, et elle coopéra tant bien que mal quand il la tira derrière l’arbre.

    « Des êtres de glace ! acheva-t-elle finalement dans un murmure angoissé. Ils meurent seulement de chaleur ! »


Aucun doute qu’il comprendrait vite la difficulté de la tâche par un temps aussi glacial. Alors qu’ils se remettaient de l’assaut, le prédateur jaillit à nouveau pour cryogéniser deux des chiens affolés. Les huskies avaient beau aboyer tout leur soûl, ils demeuraient prisonniers de leurs baudriers et le Möst ne semblait pas le moins du monde intimidé par leurs cris. Le regard d’Althéa se posa brièvement sur la matière créée à la surface de l’arbre, mais elle n’eut pas le loisir de l’analyser. Joël, peut-être dans une tentative d’effacer ce qu’il venait de se produire, s’élança en direction du traîneau.

    « Non ! s’écria-t-elle par réflexe. »


Où s’était égaré l’instinct de survie des Daënars ? La chevêche aurait plutôt opté pour fuir sans s’attarder, quitte à marcher jusqu’au prochain village sans pain ni chien ! Elle ne put se résoudre à le suivre, mais se rappela soudain les fioles qu’elle avait laissées tomber dans sa chute. Elle se précipita dans la poudreuse qu’ils avaient marqué de leur lourde empreinte, et se mit à chercher frénétiquement une fiole, voire deux. A chaque coup de feu à la direction incertaine, elle sursautait de peur comme si le Möst avait soufflé dans son dos. Mais avant qu’elle n’ait pu mettre la main sur autre chose que des flocons, l’effrayante bête repartit à l’assaut, et elle releva un regard empli de détresse vers la scène quelques mètres devant elle. Elle canalisa toute sa déférence pour Möchlog, l’entièreté de son énergie et de sa conscience pour matérialiser un bouclier autour de Joël. Mais ce n’est pas ce qui le sauva, à vrai dire le Möst Möch n’aurait eu qu’à souffler jusqu’à ce que le bouclier se dématérialise pour atteindre le Daënar. Tout au plus il servit de diversion, car l’animal ralentit grandement sa course, perplexe.

Non, pour être tout à fait honnête, c’est à Moe que revenait la palme de l’héroïsme. Il survola la forêt et fondit tout droit vers le monticule de glace ambulant, écrasant ses serres sur l’arrière de sa queue. Il reprit aussitôt son envol, au moment où le Möst faisait volte-face pour l’attaquer de son souffle mortel. Son glapissement fit redoubler d’efforts sa maîtresse, qui abandonna sa magie pour enfin dénicher une des fragiles fioles. Grâce à la bonté des Architectes, sa chute avait été amortie par la neige. Elle s’en saisit avec l’énergie du désespoir et se redressa complètement, les bottes ancrées dans la poudreuse. A nouveau elle emmagasina toute la magie dont elle était capable, elle aiguisa sa vision, sa perception des vents, fit cesser les tremblements dans son bras et le pourvut d’une vigueur qu’elle ne possédait pas.

Le Möst avait cessé de pourchasser le griffon, qui demeurait avec ruse hors de portée de son souffle mortel. Le prédateur terrestre s’attaquerait aux animaux terrestres pour passer son irritation d’être ainsi bernée par un volatile ! Les chiens libérés s’étaient rués dans tous les sens, aboyant de toutes leurs forces, à en crever la stratosphère et les tympans des êtres vivants environnants. Ils espéraient peut-être que leurs hurlements feraient fuir ce serpent draconique de huit mètres d’envergure ! Ce dernier se retourna contre l’un deux, heureux d’avoir une cible facile – voire carrément volontaire – et le congela sur place en moins de temps qu’il fallut pour le dire. C’était le moment opportun, sinon rêvé. Son bras prit l’élan nécessaire et propulsa son arme de fortune dans la direction du corps de glace ; il se distinguait tout juste du sol qu’il piétinait. Möchlog l’avait bénie en ajustant sa précision, et Orshin en ayant créé le monstre aussi long ! La fiole explosa en mille morceaux, percutant la base de l’encolure du Möst Möch. Dans une situation moins dramatique, elle aurait peut-être crié de joie. Peut-être. On parlait d’Althéa tout de même.

    « Tiiire, implora-t-elle. »


Le Möst avait jeté un regard courroucé dans sa direction, et elle doutait que l’arbre derrière elle la couvre totalement du gel. Un autre chien pour se sacrifier serait appréciable ! Elle ferait même l’effort d’apprendre son nom, et de prier pour son âme effacée ! Quoi qu’il en soit, ayant perdu ses allumettes dans le branle-bas de combat, elle ne pouvait pas même enflammer sa cape dans l’espoir d’embraser le feu grégeois si le Möst passait trop près. En cet instant, elle pria non seulement Möchlog, mais aussi tous les Architectes de bien voulor lui venir en aide.

Joël Neara
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Le fléau de la peste blanche EmptyMar 14 Aoû - 17:41
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L'irritant bipède avait donc été désigné comme future proie du reptile de glace. Les uns après les autres, ce-dernier libérait les canidés, qui venaient l'encercler et tenter de le dissuader de poursuivre la chasse. Mais si le Most Möch était doué d'intelligence, il ne faisait alors aucun doute qu'il devait bien rire de cette vaine tentative d'intimidation. Enfoui sous l'épaisse couche de poudreuse, il prit le daënar à revers : lui, hors de question de le congeler. Il était bien trop agaçant pour le priver d'un bon coup de croc dans le torse. Il se jeta sur lui, et alors qu'il était si proche du but, sa mâchoire se referma sur une carapace de lumière.

Joël regardait la créature, les yeux emplis de peur. Sans le dôme de protection érigé par Althéa, il serait mort. De là où il était, il avait une vue rarissime sur la gueule de cette abominable créature, qui mettait beaucoup d'énergie à essayer de percer le bouclier de Möchlog. Cela ne dura qu'une demi-dizaine de seconde, mais le spectacle paru durer une éternité pour le daënar, qui même après que son agresseur se soit éloigner pour reprendre du poil de la bête, continuer d'avoir les jambes tremblante et le regard livide. Puis il revint à la charge, mais ce fut cette fois-ci la presque fidèle monture de la my'trän qui vint à leur secours, prenant par surprise la monstruosité de glace qui rugissait d'agacement de se voir ainsi importuner par tant de résistance. Un cri qui eu l'effet d'un coup de fouet sur Joël, qui se souvint alors de la raison pour laquelle il s'était ainsi exposé au danger. Il se jeta sur les derniers chiens et finit de leur rendre leur liberté au moment où la fiole éclata sur le monstre.

Son esprit retrouva alors toute sa lucidité, et il se souvint.


- Incendier la forêt ... Source de chaleur ...

Le Most Möch s'était tourné vers la guérisseuse, avançant avec une lenteur terrifiante, de celle qui indiquent à la cible que cette fois-ci, il n'y aurait pas d'échappatoire. L'air autour devint encore plus froid, et des volutes de gel commencèrent à se rassembler autour de la mâchoire du prédateur.

- Tiiire.

L'instinct de survie doublé de sa logique implacable tournait à plein régime dans la cervelle de l'Anomalie. L'étrange tâche d'huile qui suintait de l'impact de la fiole n'était pas visible de sa position, la créature étant dos à lui.

~ La marque ! ~

Il s'élança en courant vers la créature tout en rechargeant son arme, puis plongea. Au même moment, il se téléporta, surgissant alors de derrière l'arbre et se jeta au-devant de la belle brune. Un genou à terre, le fusil en joue, il pressa la détente et la balle fusa droit vers la substance inflammable. La déflagration fut telle qu'elle fit dévier le souffle de glace. Cette fois-ci, plus de rugissement de colère, mais plutôt des râles d'agonies qui ne firent pourtant pas culpabiliser un seul instant le geste du daënar. Au contraire, le souffle avait tout de même eu le temps de l'atteindre, en partie. Son visage, ses mains, son torse et l'un de ses jambes souffraient de terribles engelures, qui étaient pourtant loin d'égaler la souffrance qu'il aurait ressenti s'il avait prit l'attaque de plein fouet. Il était mal en point, mais il se savait particulièrement chanceux.

Le Most Möch quant à lui n'était plus sur de rien. Ses heures étaient comptées, mais la coopération de ses adversaires avait eu raison de sa hargne, aussi préféra-t-il battre en retraite, sous couvert des aboiements incessant qui finirent par le convaincre.


- On ... on l'a échap ... échappé belle. lança-t-il à Althéa sans prendre la peine de se retourner.

Sa voix rauque pourtant d'ordinaire pleine d'assurance était tremblante. Son corps tout entier était parcouru de frisson et il peinait à faire marcher ses articulations, à l'exception de son bras corrompu évidemment. Il parvint malgré tout à se relever, en appui sur son arme à feu et se dirigea vers les restes du traineau.

- Je doute qu'...qu'il revienne nous emmerder. Ça va toi, tu n'es pas blessée ?

Il se retourna enfin vers la guérisseuse, qui put constater par les multiples rougeurs sur son visage l'étendue des dégâts, mais n'attendit pas vraiment sa réponse. Il rassembla les affaires encore en état et fut soulager de voir que la toile de la tente n'avait pas trop souffert. Le traineau en revanche, était à la limite du réparable.

- J'crois que notre petite escapade va durer plus longtemps que prévue ...

Althéa Ley Ka'Ori
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Le fléau de la peste blanche EmptyMar 28 Aoû - 20:06
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Althéa reculait maladroitement à chaque pas entrepris par le reptile, hypnotisée par le froid presque palpable qui se matérialisait autour de son museau allongé, happée par les pupilles glaciales verrouillées dans sa direction. Les idées de fuite fusaient, se réfugier derrière un conifère, courir à toutes jambes ou se fondre dans la neige à la façon des Möst Möch, mais aucune ne gagnait son entendement ni ne formait de décision précise dans son esprit. Le Daënar surgit subitement à ses côtés, et elle crut délirer ; pour un peu, elle l’aurait pris pour une apparition divine ! Avait-on glissé une herbe hallucinogène dans son déjeuner au comptoir ?

Pourtant sa vision aux senteurs d’irréel n’avait rien de psychédélique. L’hérésie qu’il tenait fermement entre ses mains, faite de rouages complexes et de métaux, implosa littéralement, et un bruit assourdissant lui perça instantanément les tympans. Le mélange de la fiole s’embrasa en flammes iridescentes aux teintes boréales quelques mètres plus loin. La simultanéité seule des événements lui permit de faire le lien étant donné que le projectile avait été parfaitement invisible. La beauté du feu grégeois fut quelque peu éclipsée par l’impressionnant hurlement d’agonie du prédateur, dégradant davantage son ouïe. La glace composant son corps se désintégrait à vue d’œil, roulant en cascade jusque dans la neige qu’elle perçait tel d’innombrables ruisseaux. Il battit en retraite, la moitié de son flan dévoré par les flammes.

La guérisseuse restait interdite, un épiderme de sueur sur son corps la rappelant à l’effroi et au froid. Elle grimaça sans pitié aucune devant le visage défiguré de l’homme lorsqu’il lui fit face, et décida enfin de briser ses ancrages, entreprenant quelques pas dans la poudreuse. Il lui semblait réapprendre à marcher. Elle porta une main à sa joue comme pour résorber sa peau meurtrie, mais Joël était au bord de l’évanouissement, et l’apaisement lui fit franchir la frontière de l’inconscience. Althéa l’accompagna dans sa chute du mieux qu’elle put, mais la neige fut sans conteste le meilleur amortisseur.


***


    « Joël… ? »


La respiration du Daënar avait manqué une inhalation, brisant la régularité de son assoupissement, et elle sentait son corps s’éveiller de sa torpeur. Elle avait monté la tente au bas plafond et offert une épaisse couverture à son titanesque moineau, avant de prodiguer ses soins au technologue. Ses engelures étaient recouvertes par un onguent, mais la majeure partie des soins avaient été magiques. Quant à Moe, il avait nécessité plusieurs minutes pour se montrer calme à nouveau. Elle n’avait aucune affinité particulière avec les chiens mais ils avaient fini par se réfugier d’eux-mêmes près de Joël pendant qu’elle tournait le dos, et leur présente proximité dans la petite tente lui déplaisait. A vrai dire, elle était éreintée et éprouvée. Cette aventure virait au désastre, et pour couronner le tout elle s’était retrouvée obligée de distraire les huskies avec de la nourriture pour qu’ils cessent de lécher la pommade sur la peau de Joël.

    « Je t’ai fait boire une préparation lénifiante quand tu somnolais, il est normal que tu te sentes ankylosé. »


En réalité, la main qu’elle avait glissé dans la sienne tentait au mieux de prolonger l’engourdissement de ses muscles. Il semblait rétabli, mais elle n’était plus sûre d’avoir bien fait. Elle tenait entre ses doigts une main humaine, faite en chair, mais en déposant le lampe à Ulaan contre son autre flanc pour préserver sa chaleur corporelle, elle avait palpé la rigidité de son bras. Sa curiosité maladive l’avait poussé à contempler la prothèse, bien que cette simple vision la mette intrinsèquement mal à l’aise, et elle doutait maintenant du bien-fondé de leur quête. Si raisonnablement elle ne pouvait blâmer Joël d’être une anomalie, intérieurement un parfum de trahison ternissait son cœur.

    « Pourquoi tu ne m’as pas dit, pour ton bras ? Tu as déjà contaminé quelqu’un ? »


Les anomalies étaient une caste qu’elle avait toujours fui comme la peste, en grande partie parce que son frère les considérait -à juste titre ?- comme des erreurs architecturales qui ne méritaient pas la vie. Quevven faisait à toute heure l’apologie de leur mise à mort, résolu de les supprimer de la surface d’Irydaë, et elle n’avait jamais remis en cause cet idéal. Or, maintenant qu’elle y était personnellement confrontée, et pire, qu’elle s’était alliée avec l’un d’entre eux, elle peinait à dénoter une différence entre ses relations habituelles et les quelques heures de cordialité qui venaient de se dérouler. Elle les aurait même qualifiées d’agréables, constructives et mouvementées. Voire grisantes.

Toutefois, fidèle à sa rigidité d’esprit, elle ne pouvait jeter aussi aisément ses acquis aux oubliettes. Les anomalies étaient prises d’accès de folie imprévisibles, elles étaient instables, et l’on racontait que leur psychopathie était contagieuse. Rien ne portait à croire que cela était vrai, mais elle ne pouvait s’empêcher d’être méfiante. Risquait-elle de se transformer en magilithe à trop demeurer à son chevet ?

    « Je ne suis pas autorisée à fréquenter les anomalies, avoua-t-elle. »


Sa main libéra la sienne et les effets narcoleptiques s’effacèrent spontanément, mettant en évidence son implication dans son état d’extrême fatigue. Elle extirpa la viande séchée d’un des sacs et les chiens s’éveillèrent de leur sieste pour venir renifler les vivres. Elle soupira avant d’en répandre quelques lambeaux à leurs pieds pour qu’ils laissent son espace vital sauf, et en proposa à Joël. Le froid était moins poignant dans l’air confiné de la tente, et la lampe Ulaan diffusait dans tout l’habitat une chaleur bienvenue. Quant au manque de lumière, Althéa ne faisait rien pour y remédier. Elle préférait abandonner son masque, ne plus dissimuler ses émotions ni les expliquer, sans qu’aucune lueur ne vienne pour autant les exposer. Discrètement, elle glissa derechef sa main jusqu’au contact de Joël pour le maintenir somnolent, et donc inoffensif. Elle pourrait peut-être le neutraliser avant qu’il ne rentre dans une des transes propres à son statut. Alors la guérisseuse fit ce qu’elle faisait de mieux pour se donner du temps pour réfléchir, à savoir dévier la conversation, d’une voix trop posée et enrouée pour ne pas être porteuse de quelque mystère.

    « Tu sais à quoi ressemble leur fille ? Il faudrait que nous examinions les blocs de glace. J’ai vu des erchs, des sangliers, peut-être qu’il y avait des humains dans le lot. (Elle soupira imperceptiblement) J’espère que tu n’avais pas un faible pour elle, ça simplifiera les recherches. »

Joël Neara
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Le fléau de la peste blanche EmptyMar 23 Oct - 1:05
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Daënar +2 ~ Alexandria (homme)
Un soulagement, qui fut de courte durée pour le daënar. L'adrénaline s'étiolant aussi vite que son teint devenait blafard, la victoire n'eut pas vraiment le temps d'être savourée en raison des douleurs terribles que provoquaient les engelures qui lui recouvraient le visage. Il vacilla, mais refusa de s'écrouler pour autant. Bien qu'il en doutait, il ne pouvait écarter la possibilité que le Most Möch revienne à la charge, et ce fut sur ces dernières pensées, attendris par la douceur de la paume de la belle brune que Joël perdit connaissance et se laissant, une fois n'est pas coutume, aux bons soin d'un inconnu. Ce fut un sommeil sans rêve, ou plutôt, comme si un épais brouillard s'évertuait à filtrer la moindre de ses pensées. Il ignorait que la magie de Möchlog était à l’œuvre, mais les quelques écarts d'Althéa et les douleurs qui s'en suivaient eurent tôt fait de le mettre au fait de ses talents de guérisseuse.

Le réveil fut aussi doux que la grande majorité de son sommeil, son esprit s'extirpant des limbes de l'inconscience en s'accrochant de toute ses forces à la voix apaisante de la my'trän.


« Je t’ai fait boire [...] tu somnolais, il est [...] que tu te sentes [...]. »

Le daënar grogna, souffrant de l'éveil douloureux de l'ensemble de ses sens. L'onguent qui lui recouvrait la face était particulièrement désagréable à porter, et c'était sans parler de l'odeur nauséabonde qui s'échappait de la gueule des clébards qui étaient postés tout autour de lui, une atrocité qu'aucune magie ne saurait éradiquer.

« Ca ... cassez-vous, j'vais mourir asphyxiè si ça continue ... »

Il s'étira, longuement, cherchant par cet effort qui lui couta bien plus d'énergie qu'il ne s'y attendait à recouvrir un peu de motricité, mais la râle d'agacement qui s'échappa des tréfonds de sa gorge indiqua qu'il n'y parvint pas. A vrai dire, il essayait aussi de trouver un échappatoire aux questions de la toubib. Il savait qu'il avait "plus ou moins" menti au sujet de son "ami", et accessoirement, de sa propre maladie, et il avait bien conscience qu'il avait désormais une dette envers elle et qu'il ne pourrait pas s'esquiver bien longtemps. Des comptes à rendre ? Peut-être pas jusque-là, mais c'était de bonne guère, il en avait bien conscience. Sa solution ? Toujours la même, l'ironie.

« Les gens sont bien assez cinglé comme ça sans que j'ai besoin de les contaminer ... il marqua une pause, puis laissa finalement tomber son masque de sarcasme pour essayer de la détendre un petit peu. Ne t'en fais pas ... je n'ai jamais infecté qui ce se soit. Et accessoirement, il n'y a que mon bras qui déconne, le reste tourne assez bien ! »

Lorsqu'elle s'écarta à nouveau, une fatigue qu'il ne soupçonnait pas déferla sur l'ensemble du corps de l'Anomalie, qui eut l'impression d'hériter d'une gueule de bois non méritée. La vue du morceau de viande raviva toutefois la flamme de son appétit, et du reste par la même occasion, puisqu'il parvint à trouver la force de se redresser et de s'asseoir en tailleur, position qu'il ne tiendrai cependant guère longtemps.

« Tu sais à quoi ressemble leur fille ? Il faudrait que nous examinions les blocs de glace. J’ai vu des erchs, des sangliers, peut-être qu’il y avait des humains dans le lot. J’espère que tu n’avais pas un faible pour elle, ça simplifiera les recherches. »

« Hmpf, pas vraiment. dit-il en haussant nonchalamment les épaules. J'ai vu quelques portrait au comptoir, et je dirai qu'il s'agit d'une petite blonde, la peau très pâle, quinze ans ... peut-être seize. Il croqua dans son repas de fortune et mit bien une longue minute avant de réussir à en avaler le morceau. Pour être honnête, je ne sais rien de plus. Mais j'ai quelques doutes sur le fait qu'ils soient ici. Ils étaient tout une caravane, on aurait repéré tout un tas de débris si ç'avait été le cas. »

Un silence s'installa entre les deux campeurs, pas nécessairement gênant puisque tout deux étaient plongés dans leur propre réflexion et visiblement trop occupés à galérer à mâcher la viande séchée, dont les chiens eux n'avait eu aucune difficulté à n'en faire qu'une bouchée. Rapidement importuné par leur comportement, il parvint à se redresser pour les faire sortir de leur abris, héritant à nouveau d'une désagréable vague d'épuisement. Il revint bien vite à sa place et s'engouffra sous les épaisses couvertures, le court laps de temps où la toile de la tente avait été soulevé ayant considérablement refroidi l'intérieur. Il invita la belle brune à l'y rejoindre, culpabilisant de la voir ainsi exposée.

« Althéa, merci pour ... tout ça. » fit-il en se désignant le visage.

Il ne savait pas vraiment lequel des deux avait sauvé l'autre, mais la surprise de tomber sur une my'trän relativement sympathique le poussait à faire taire pour une fois son amertume.

« Si je n'ai rien dit, c'est parce que je n'ai pas vraiment l'habitude d'être "bien reçu" lorsque j'arrive en assumant haut et fort que j'ai un Régisseur qui me colle au fion et, pourtant, je suis quand même venu à My'trä en espérant que quelqu'un pourrait me soigner. Puéril n'est-ce pas ? » s'amusa-t-il sans grandes convictions.

Que pouvait-il bien rajouter d'autre de toute façon ? Il savait bien que la question qui brûlait aux lèvres de tout les my'träns qu'il rencontrait, c'était de lui demander à quoi il s'attendait exactement ? Pourquoi seraient-ils capable de soigner un mal millénaire ? Pourquoi le soigneraient-ils lui ? Il n'avait aucune envie de s'étendre sur ce sujet-là, car au bout du compte, lui-même ne comprenait plus vraiment la raison pour laquelle il avait fait tout ce chemin.

« Et ... il se racla la gorge, le traîneau ? se risqua-t-il, souhaitant détourner la conversation. Il te semble en état ou bien nous sommes vraiment dans une merde noire ? Enfin ... blanche pour le coup. »

Althéa Ley Ka'Ori
Althéa Ley Ka'Ori
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Le fléau de la peste blanche EmptyVen 9 Aoû - 6:38
Irys : 507592
Profession : Guérisseuse du Troisième Cercle
My'trän +3 ~ Suhury (femme)
Inquiétée par son sarcasme, Althéa fit mine de réajuster sa position et en profita pour prendre ses distances avec son patient. La légèreté avec laquelle il discutait de son état trahissait au choix une profonde terreur ou une inconséquence avérée. Dans les deux cas, son instinct lui intimait de s'éloigner du Daënar. Néanmoins, son dos rencontra bien vite la toile épaisse de leur logement précaire, et la seule distance qu’elle parvint à établir se résumait à un maigre pied de large - un pied de Geisha qui plus est. Sa panique naissante accélérait à présent les battements d’un cœur dont certains niaient l’existence, et sa superstition piquait sa peau de fourmis et de frissons. Joël ne fut pas insensible à son inconfort.

    « Ne t'en fais pas ... je n'ai jamais infecté qui ce se soit. Et accessoirement, il n'y a que mon bras qui déconne, le reste tourne assez bien ! »


La guérisseuse partit d’un rire nerveux à demi-convaincu. Si implication sexuelle il y avait, celle-ci était passée bien au-dessus de sa tête. Longuement, mais silencieusement, elle inhala une bouffée de l’air fade de la tente, s’intimant à la réflexion. Deux mois auparavant, elle avait fréquenté et partagé la couche d’une anomalie - sans insinuation aucune évidemment, la vie sexuelle d’Althéa avait de quoi ennuyer une pousse d’herbe. Suite à ces trois semaines de voyage, ayant remarqué les zones grisâtres sur les omoplates de Faye, elle avait inventé un prétexte et pris congé, terrorisée à l’idée de perdre une amie mais plus encore de partager le mal qui la rongeait.

A l’évocation de ce souvenir, elle sonda son propre corps, sans trouver une seule trace de la magilithe tant redoutée. Quelle preuve avait-elle alors du caractère contagieux de cette maladie ? Les croyances populaires avaient persuadé des personnes plus sensées qu'elle des bienfaits de la ciguë sur les cœurs fragiles et des vertus rajeunissantes de la bave de Mogoï. Et ce au prix de conséquences indicibles ! Pourquoi donner du crédit à cette superstition-là ? Était-ce son sens de la médecine ou sa peur qui parlait ?

Pour être tout à fait honnête avec vous, plus que la raison, c'est la curiosité qui eut raison de sa méfiance. Ainsi qu'une envie irrépressible d'offrir sa confiance, une fois n'est pas coutume ; dans le pire des cas, elle acquérait une nouvelle preuve que les Daënars étaient des voyous, dans le meilleur des cas, elle trouvait un allié chez l'ennemi. Elle retroussa les lèvres dans un mouvement qu'on aurait attribué à une féline effarouchée, avant de lui donner un regard résigné.

    «  Si jamais tu me refiles ta maladie, elle a intérêt à me laisser les deux bras pour t'égorger, ironisa-t-elle alors que son regard d'ambre glissait sur le bras minéral de son compagnon. »


Elle avait cette manie de délivrer son sarcasme sans aucune variation dans l'intonation de voix pour trahir la plaisanterie implicite. Cependant, il fallait admettre que sa menace était loin d'être crédible à l'heure où nos deux protagonistes conversaient. Elle n'avait donné la mort qu'une seule fois auparavant, à un pauvre malheureux agonisant sur le sol et déjà voué à la mort !

Ses iris brillèrent d'une lueur espiègle avant qu'elle ne s'engouffre enfin sous les couvertures. Là, son corps se détendit à vue d’œil, bien que la promiscuité avec Joël eut de quoi la rendre nerveuse. En s'allongeant, elle avait pris soin mettre une distance respectable (le fameux pied de Geisha) avec l’homme qu’elle ne connaissait pas la nuit précédente, mais il irradiait de tant de chaleur par contraste avec l'air froid qu'elle ne put retenir un sourire gêné. Elle eut d'autant plus de mal à le dissimuler qu'il la remerciait à présent de son aide.

    « Ce n'est rien, répliqua-t-elle sans émotion, les yeux perdus dans le vide. Un long silence s'écoula avant qu'elle ne décide de s'ouvrir davantage, portée par la nuit noire et la fatigue de leurs aventures. Pour être honnête, je ne le fais pas pour la gratitude. Soigner est devenu un réflexe primaire, tout comme manger, respirer et sourire ; si l'on peut le faire, pourquoi s'en priver ? Faut-il une motivation ? Un individu plongé dans l'eau, en train de se noyer, finit par être forcé de respirer contre sa volonté. Personne ne le remercie de répondre à un réflexe. La seule différence avec la guérison, c'est que le réflexe bénéficie à quelqu'un d'autre, et on me remercie précisément pour cela. La vérité c'est que tout cela est bien fortuit et je n'y suis pas pour grand-chose. Je le fais pour l'euphorie de suivre mon instinct et ma foi, et pour la gloire qui accompagne les actes d'un soigneur compétent. La reconnaissance du patient, ça ne m'a jamais rien apporté et il y a bien longtemps que je n'ai pas soigné de façon désintéressée. »


Comme il était plaisant d'expliquer une vérité, à cœur ouvert et sans embellissements. Il pouvait la juger pour son insensibilité, peu lui importait, elle avait du moins la satisfaction d'en avoir appris sur elle-même en énonçant tout haut les pensées de son inconscient.

Le discours qui s’ensuivit effleura toutefois sa sensibilité, bien que la situation relatée lui paraissait si étrangère qu’elle peinait à s’identifier. Intérieurement, elle était persuadée préférer la mort à mendier de l’aide auprès des Daënars. Et pourtant, pouvait-elle se targuer d’avoir survécu par ses simples moyens ? N’avait-elle pas bénéficié de l’assistance d’un technologue pour voir la nuit se coucher une nouvelle fois ? Quelque part, elle n'était pas bien différente de lui, seulement plus ancrée dans son propre déni.

    « Si tu penses cela puéril, mais que tu es résolu à le faire quand même, alors peut-être que tu es guidé par quelque chose de plus fort que ta propre raison. Quelque chose comme le destin. »


Ou plutôt quelque chose comme les Architectes.
Althéa croyait en la sagesse de ses dieux, et en l'utilité de chaque rencontre qu'ils orchestraient. A la croisée de leurs chemins se trouvait par exemple un ajout à leurs vies respectives, aussi minime fut-il. A ses yeux, ce n'était donc pas l'insanité qui avait poussé Joël à visiter My'trä, mais la destinée. Et chaque My'trân qu'il rencontrerait apporterait un nouvel éclairage sur la volonté des Architectes.

La guérisseuse fit la moue, incertaine de ses propres croyances.
Son instinct de Suhur lui dictait de rassurer Joël, mais elle était fatiguée de devoir présenter un mal comme un désagrément, une maladie incurable comme un apaisement de l’esprit. Elle connaissait les phrases toutes faites, mais pour une fois son honnêteté avait raison de son professionnalisme. Elle se redressa quelque peu avant d'entamer la réponse la plus honnête de sa vie de guérisseuse, abordant tout d'abord le raisonnement dicté par son apprentissage, puis celui dicté par son instinct.

    « En tant que guérisseuse, mon conseil le plus sensé, c’est tout simplement d’abandonner ta quête. Des générations de soigneurs My'träns se sont abîmés la santé en espérant trouver un remède, mais les Architectes eux-mêmes ont abandonné votre cause en créant les Régisseurs. Tout médecin sensé avouerait qu'il s'agit d'une cause perdue. J'ai côtoyé les plus réputés soigneurs de Darga, et aucun ne traite ta condition comme une maladie, mais davantage comme une malédiction divine. Cela ne laisse aucune place à la recherche de remèdes, parce qu'ils redoutent inévitablement de vexer les Architectes. Or les plus talentueux seront aussi les plus pieux, soit les plus réfractaires à t'aider.

    Mon avis plus personnel, c’est que le remède que tu cherches, aucun soigneur ne pourra te l'offrir. Si remède il y a, il n’est pas connu du grand public, mais qui sait, gardé dans des tribus isolées et parmi des peuples oubliés. Peut-être caché dans des recoins inexplorés. Peut-être ne peut-il pas être partagé, peut-être n'est-il pas matériel. Si tu veux trouver ce que personne ne semble avoir trouvé depuis des millénaires, alors il va falloir être plus original que de quêter un guérisseur.
    »


Althéa s’humecta les lèvres, puis haussa nonchalamment les épaules, s'allongeant à nouveau sous les couvertures. Dans un coin de sa tête, elle espérait toujours trouver un remède à l’étiolement des dons magiques de son peuple. Néanmoins, elle ignorait quelle forme le remède prendrait, et allait jusqu'à douter de son existence. Elle s'était clairement inspirée de son échec* pour conseiller Joël ; à son plus grand regret, un guérisseur ne pouvait pas soigner tous les maux. Malgré tout, elle nourrissait toujours l’idée folle de trouver un remède aussi significatif pour sa nation. Ce simple scénario fictif l’enivrait de la folie des grandeurs. Son expression se transforma en air rêveur et satisfait. La voix de son compagnon l’extirpa de son sommeil éveillé.

    « Le traîneau ? Hm, il tiendra quelques affaires… mais pas des passagers. Il faudra marcher ou chevaucher Moe si les vents sont cléments. On peut éventuellement larguer quelques affaires, mais je ne trouve pas cette idée astucieuse. »


Ses paupières clignèrent lentement, et elle prit conscience de la fatigue qui reposait sur ses épaules. Les jours de voyage avaient anéanti ses réserves d’énergie, et les yeux braqués aussi loin que la tente ne le permettait, elle laissa la fatigue engourdir ses membres. Son corps immobile peinait à repousser le froid pénétrant, mais ses muscles semblaient reconnaissants de ce répit. Elle crut que le sommeil l’enlacerait de longues heures, mais le tumulte de ses pensées eut vite raison de sa fatigue. Elle usa de nombreuses combines, contrôle de la respiration, vide dans son esprit et même compter les Erchs pour s'endormir à nouveau, rien n’y fit. Elle ne parvenait plus à trouver le repos.

Subrepticement, elle se redressa, et laissa ses yeux s'habituer à la pénombre. Elle avait la nausée, sans doute d'avoir voyagé sans répit. Elle tâtonna dans le vide de ses deux mains dans la zone où se trouvaient supposément leurs affaires, en quête d'une gourde. Ses mains rencontrèrent un métal froid, mais pas le contact rassurant du cuir. Grimaçant, elle empoigna le fusil de Joël posé au sommet des sacs, mais au moment où elle le saisit, un mal de tête lancinant perça son crâne. Elle le lâcha instantanément, comme électrocutée, et le mal de tête s'atténua sensiblement. A nouveau, elle tendit la main vers l'arme, et l'amena contre elle, luttant contre le mal-être que ce simple acte provoquait chez elle. La curiosité semblait plus forte que la sensation étrange qu'elle ressentait à son toucher. Le plus discrètement possible, elle sortit de la tente, et entreprit d'étudier cette sorcellerie Daënar à la lueur de l'aube lointaine. Par-dessus tout, une question la taraudait : comment ce bâton informe avait pu générer la magie de Süns la journée précédente ?

* Voir la vapeur se dissipe

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