Comme un Lundi

Il y a simplement des gens qui ne savent pas abandonner, même face à la mort, appelez ça de la stupidité, certains l'appelleront de la dignité. Xyl était certainement l'une de ses fanatiques de la fierté, ensemble dans lequel Morgane ne se reconnaissait aucunement, sans doute à tort. Il fallait tout de fois admettre une chose, la rouquine était couillue. Dommage, le courage n'est jamais assurance de longévité et pour preuve, l'assassine était prête à tirer. Ce n'était pas une épaule qu'elle visait, mais bien le centre du front, là où la pauvrette n'aurait de chance de survie que la teneur miraculeuse du prodige. Et ... bonjour, miracle, on n'aurait pas cru te voir sous les traits de Chafouin. Morgane n'avait pas forcément apprécié l'intervention, mais dans l'état des choses elle en avait surtout marre.

En bref, il avait vidé le contenu du sac que la jeune femme laissait pendre derrière son dos, c'était simpliste, mais apparemment efficace. La rouquine en était presque émue aux larmes tant la beauté du geste était infâme ... ou était-ce le délicieux parfait de l'angoisse ? Le ton palot en faisait fi, en tout cas et si ça, ce n'était pas de l'appréhension, alors l'assassine était aussi innocente qu'un agneau. De toute manière il n'y a pas de plus beau mensonge que l'absolution nette de tout crime. Tout le monde est coupable, chacun l'est simplement d'une manière qui lui est propre. Pour résumer, chaque individu qui foule le pas en ce monde et ce, dès sa plus tendre enfance, est fier possesseur d'un motif pour mourir. Sympa, non ?

Ouais, c'était pas mal de vols, ça, voler une voleuse qui avait volé un autre voleur ... ou quelque chose du genre, mais franchement, elle n'en avait rien à foutre de leurs crimes de bas étage. Ce qui la captivait, elle, c'était l'assassinat du gars que tout le monde avait oublié, et si la noiraude devait être honnête, c'était sacrément excitant comme spontanéité ... on oublie le voleur, on craint le meurtrier. La fameuse Lundi ne fit qu'hausser les épaules, cette journée devenait beaucoup trop longue et son unique rêve était celui d'un plumard bien cossu. C'était sans doute trop demander, chienne de vie.

Et voilà des pleurs et des menaces, d'autres pleurs et du mépris, sacré drame que ce qui se tramait juste devant les yeux abyssaux. Impressionnant ce que quelqu'un pourrait faire, juste pour un caillou, Morgane n'étant pas proxénète, elle trouvait la chose bien superflue. Tuez-donc, ça rapporte plus gros et c'est bien moins barbant. Et vas-y que je te saisis les cheveux, vas-y que j'approche mon visage pour te rouler un faux patin ... c'est pas ce qu'il se passait ? Dommage, ça aurait été plutôt drôle. Au final, ce n'était jamais qu'une transaction unilatérale sans consentement, les voleurs se donnent un genre avec un mot sec, mais leur boulot, ce n'est jamais que du commerce déviant.

Chafouin se taille, enfin. C'était pas trop tôt, il commençait à mériter son carreau dans la tempe, celui-là. Maintenant, elle était seule avec la rouquine, après n'avoir accordé au vieux qu'un semblant de regard las à sa salutation peu révérencieuse. Xyl continuait à parler, mais elle disait des choses amusantes, surtout lorsqu'elle avait dévoilé le caillou objet de ces rancunes. Seulement là, Morgane se démena à forcer un sourire en coin. L'humeur du lundi, c'était un vrai fléau. Mais des fois, il réserve de bonnes surprises. Même avec un carreau dans la tempe, la roublarde avait l'air plutôt encline à l'idée de "célébrer" sa petite victoire. En tout bien tout honneur ...

A la base, l'assassine aurait dû l'assommer et la traîner jusqu'à la bouche d'égout la plus proche et dire à bon toutou que son petit travail serait désormais d'amener la responsable du repaire et s'horrifier à interroger une âme si rebelle. Mais ... non. C'était son affaire, elle l'avait menée à bien et sa récompense serait celle qu'elle choisirait. Sans rien cacher, ça faisait déjà un moment qu'elle l'avait choisie sa redevance. Se levant de ses caisses, elle s'avança vers la rouquine, bras croisés. Le regard sérieux qu'elle balançait depuis plus d'une heure maintenant s'était déformé d'un soupçon d'anticipation. Elle lâcha néanmoins.

- Hors de question que je doive coucher avec quelqu'un qui a un carreau dans la jambe. On traite ça d'abord, on s'amuse ensuite.

Et oui, Morgane à l'âme bénévole pourvu qu'il y ait assurance de son intérêt propre. En guise de bonne foi, elle avait même retiré assez doucement la pointe d'acier de la chair de la pauvrette. Oui, ce lundi était sans doute le pire qui soit, pour elle, fort heureusement, l'assassine n'était pas du genre à décevoir. Après tout, elle était bien le meilleur coup d'Irydaë auto-proclamé et la chambre, tant que la performance qui s'ensuivit n'était absolument pas contre les attentes d'une telle réputation. Les seuls détails relevables furent que des liens solides ont été noués à la tête de lit.


Et maintenant, c'était Mardi. Les oiseaux chantaient doucement, le soleil n'éclairait la pièce que d'un mince filet hypnotique et il n'y avait de la chambre d'hôtel (parce que Morgane ne déconne pas quand elle dit payer la pièce la plus chère) qu'une vision onirique de romance en éclipse. Le premier oeil ouvert fut celui de l'assassine, qui, sans trop bouger, put constater la présence d'une Xyliah complètement nue sur elle. Bonjour, toi, ça c'est un comité qu'on aime voir dès le matin. Dommage qu'elle dormait, la pénitente aurait bien voulu se relancer dans une ronde matinale, mais apparemment, l'endurance de la rouquine était sèche.

Cette dernière avait sa joue collée à son buste, si bien que Morgane était certaine qu'elle aurait du mal à la décoller. Bon sang, ça avait fait combien de temps depuis la dernière conquête anodine ? Trop longtemps, sans doute, la dernière fois, c'était dans un bordel, mais ce genre de trucs, ça ne compte pas. Comme on dit ; l'argent tue le serment. Enfin, ce n'était pas important, c'était simplement agréable d'avoir de la bonne compagnie. Si agréable que la noiraude en vint même à cercler sa comparse de ses bras en une étreinte presque amourachée ... on aurait pu douter si l'on ne parlait de Morgane, mais bon ...

- Hmmm ... je m'attendais à moins de sentiments de ta part.
- Tais-toi.

Et elle sourit en serrant l'embrassade ... oui, il y a bien des trucs qui peuvent ramollir un esprit de fer. C'était donc une belle matinée en perspective, tout était calme, la posture, apaisante ... un vrai petit coin de paradis ...

- DAUBENYYYYYYYY !!!

PUTAIN DE VILLE DE M...!!!

Les histoires de lundis pourris et tout ce genre de sottises, c'est des conneries. Pensa-t-il satisfait en tenant fermement son précieux saphir dans sa poche. Ouais sans doute juste un gland de première qui s'était un jour levé de mauvais pieds et qui en avait rejeté la faute sur ce jour de la semaine comme ci une intervention divine avait bousiller sa journée. Mais la vérité vraie, c'est que ce devait juste être un connard de plus qui n'avait pas pris son courage à deux mains pour affronter sa journée de merde.

Chafouin en revanche après maint fait maints efforts, traque, patience, castagne et surtout, supporter la présence de cette assassine à la noix, il avait finalement reçu le salaire de son dur labeur. Comme quoi toute peine mérite salaire, cette maxime n'aurait jamais su être aussi vraie qu'en ce jour. Comme quoi quand on mettait toutes les chances de son côté, les lois de la probabilité finissaient toujours pour vous sourire. Il sourit un instant, mettre toutes les chances de son côté dans son cas revenait à avoir violenté deux femmes, dont l'une bien plus que l'autre, jusqu'à la briser moralement. C'était ça gagner selon ses valeurs, écraser physiquement et moralement la personne en face jusqu'à la rendre incapable de lutter et la lutte d'aujourd'hui lui avait prouvé qu'il était dans le vrai.
Bien sûr, l'assassine lui avait mis quelques bâtons dans les roues, mais cette idiote s'était complètement fait embobiner par Xyl au point qu'il ne la considérait même plus comme une menace. Mais bon, ça se trouve elle avait déjà plantée un carreau dans la rousse, ça aussi c'était une probabilité.

Alors qu'il sifflotait l'air de la matinée, il se stoppa pour sortir le saphir de sa poche, il y avait aussi une autre probabilité, assez faible, celle qu'il se soit fait rouler. La pierre était d'un joli éclat bleuté, mais assez clair. Se pourrait-il que ce ne soit pas la bonne ? Non pas possible, vu comment Xyliah avait pleuré pour cette pierre. Et cette autre probabilité alors, celle qu'alors qu'il levait son joyaux bien haut dans le ciel et qu'une pie, attiré par l'éclat, le lui vole, de combien de pourcentage était-elle ? Faible c'est sûr, improbable, encore plus. Alors, pourquoi était ce qui se passait en ce moment ? Chafouin cligna des yeux de nombreuses reprises alors qu'une seconde auparavant il avait son saphir au bout des doigts, à la place il n'y avait que du vide. Ce même vide se transmit dans son esprit en même temps qu'il réalisait ce qu'il se passait alors que le volatile rejoignait son groupe, haut dans les cieux.

-Mais, mais, mais ! Non, reviens, reviens le piaf ! Nooooooooooonnnn !

Bien sûr il courut des dizaines de mètres avant de se faire une raison, le groupe d'oiseaux disparaissait à l'horizon et avec lui la promesse de millions d'irys qui disparaissaient dans le néant. Il tomba à genoux, il avait pourtant mit toutes les chances de son côté, pourquoi le destin se jouait-il de lui d'une façon si cruelle ? Il se releva finalement et fourra ses mains dans ses poches en affichant un air las et ronchon, sur son chemin il voulut taper dans un petit rocher pour le faire voler, mais celui-ci était trop bien encastré, il sautilla en tenant son pied endolori suite à cette réaction stupide.

-Putain, le lundi c'est vraiment de la merde !