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 Epreuve 5 - La première pierre (Kushi d'Irydaë)

Kushi Virevenlte
Kushi Virevenlte
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Epreuve 5 - La première pierre (Kushi d'Irydaë) EmptyDim 16 Aoû - 16:26
Irys : 141714
Profession : Eleveur de chevaux, chasseur et marchand nomade
Pérégrin 0
A lire avant:

\\ AVERTISSEMENT : Certaines scènes présentent de la violence envers des animaux et des descriptions graphiques. //


Le martèlement des sabots de leurs chevaux labourait la terre humide.

Clap ! Les naseaux soufflaient une nuée blanche s’envolant dans l’air rafraîchi par la pluie.



Clop !  La queue fouettait les gouttes disparaissant dans la nuit en un chuintement.



Clap ! Les boucles des rênes crissaient contre le cuir détrempé à chaque foulée.

Tel était le rythme qui tonnait dans le crâne de Kushi. Le Virevenlte avait un orage sec coincé dans le creux de son cœur. Le tonnerre grondait, la foudre hurlait, les nuages s’amoncelaient ; et nulle pluie pour calmer cette furie. Cet orage tambourinait si fort son incandescente mélodie que le Negiin n’entendait plus rien d’autre que le sang dans ses oreilles. La pénombre qui l’entourait était pourtant remplie de fracas qui dissonaient entre eux.

Un corbeau croassait goulûment l’œil qu’il venait d’engloutir tout rond.



Des chevaux hennissaient d’une agonie gargouillé dans le sang.



Les hommes de son clan hurlaient leur douleur à s’en rompre la gorge.



Leurs lames chantaient l’avide envie de vengeance qui saignaient leurs âmes.



Et au lointain, l’écho d’un rire malaisant dévalait les cieux.

Le martèlement des sabots de leurs chevaux labourait la terre humide. Et pourtant – pourtant ! – ils ne faisaient que répéter une même boucle. Clap ! Clop ! Clap ! Les mêmes arbres aux branches tordues, les mêmes montagnes inaccessibles, les mêmes herbes écrasées. Un cri étouffé de désespoir se fraya un chemin entre ses dents serrées d’angoisse. Clap ! Clop ! Clap ! Batbayar allongeait ses foulées, bondissant dans la plaine, sa robe gris pommelée assombrie par l’effort. En vain ! Car si Kushi sentait entre ses jambes les muscles puissants de son cheval qui avalaient la terre de son galop, s’il entendait la vie qui piaffait par les naseaux agités, s’ils s’élançaient bien à toute allure vers l’horizon rougeoyant… ils n’avançaient cependant pas, sonnés, immobilisés, impuissants.

Et, tout autour d’eux, le paysage ne cessait de dévoiler la tourmente qui broyait le cœur du Negiin.


Les têtes mutilées des chevaux le fixaient avec le jugement au fond de leurs yeux morts.


Les flaques de leur sang clapotaient vers lui par des vagues menaçant de le submerger.


Leurs os ensanglantés crevaient la boue telles des montagnes délavées qui s’amoncelaient à l’aune de ses erreurs.


Tant d’erreurs ! Tant de honte ! Tant de culpabilité !



Comment aurait-il pu éviter un tel désastre ?



La réponse s’inscrivait au fer rouge dans son esprit. Il aurait dû participer à d’avantage de patrouilles. S’engager avec plus de hargne pour la protection des troupeaux de son clan. Chevaucher aux côtés de tous ces cavaliers qui avaient inutilement perdu la vie. Protéger tous ces chevaux massacrés pour de vains bénéfices. Car s’éreinter sur un cheval aurait sans doute été préférable à la culpabilité qui lui broyait désormais les tripes. Mais le Virevenlte avait préféré voleter de fêtes en farandoles, de voltes en volutes, se laissant guider par les brises bienheureuses des danses des Chevauche-le-Vent. Les brises devenues de violentes bourrasques, c’était maintenant un blizzard qui s’abattait sur lui. La souffrance pourtant l’aidait à rester alerte, l’empêchant de s’effondrer ; elle le maintenait droit sur le dos de Batbayar.



Qu’aurait-il pu faire d’autre alors que Tömör avait disparu de sa vie ?



Tömör… Mais Tömör se trouvait juste devant lui ! Même s’il avait émis des doutes sur la prudence de sa proposition, il avait finalement pris la tête de leur traque pour s’élancer sur les traces des voleurs de chevaux. Etalons reproducteurs et juments laitières étaient désormais étendus sans vie et sans chair tout autour de lui, mais où se trouvait donc Tömör ? Avait-il retrouvé les voleurs ? Pourquoi Kushi se traînait-il donc si loin des siens, si loin de l’aide dont ils avaient besoin, si proche de son échec ? « Plus vite, Batbayar ! Nous n’avons que trop tardé ! Tömör a besoin de nous. » Besoin de lui, surtout. L’étalon s’avança d’un pas lourd, presque amorphe pour qui connaissait sa fougue habituelle, et ses jambes se dérobèrent sous lui.

Dans un cri surpris, Kushi s’étala sans grâce dans la boue imbibée de sang, recevant entre ses bras engourdis de stupeur et d’horreur la tête tranchée de son cheval. Paralysé par la perte, il ne put que fixer les yeux globuleux de son ami dont la langue étalait son odeur de charogne sur ses mains tremblantes. Il y eut un vacarme assourdissant dans le ciel qui devint noir puis blanc à en vriller les yeux. Quand Kushi y vit à nouveau, le corps affaissé du cheval s’était avachi dans son sang boueux, picoré jusqu’à la moelle par des charognards avides non pas de leur survie mais de leur profit. Un hoquet de bile lui échappa alors que l’odeur entêtante de fer et de pourriture lui montait au nez. Au milieu du carnage, où les insectes se tortillaient de bonheur, le corps déplumé de Sarangerel avait été planté sur un pieu en un macabre trophée. Le crachin de la pluie qui ne cessait d’abattre son rideau ombreux sur la scène formait des arabesques sanguinolentes dans lesquelles se baignaient des doigts et des larves.

Et ce rire qui tonnait toujours au loin !

« Regarde ce que tu as fait. » sembla lui chuchoter l’ombre d’épouvante qui avait remplacé la reine qui chassait à ses côtés.

« Regarde le désastre que tu as mené sur les Chevauche-le-Vent. » parut articuler la tête de son fier étalon qu’il tenait toujours.

« Regarde ce que tu m’as fait ! » hurla la silhouette qui était subitement apparue devant lui au son d’un éclair.

Les yeux écarquillés, Kushi dévisagea le trou béant qui perforait le torse de Tömör. Non. C’était impossible. Pas lui, pas Tömör. Il ne pourrait pas le supporter. Et pourtant, c’était bien lui qui se tenait devant ses yeux, par-delà la mort. Les lèvres décharnées du cadavre se tordirent en un rictus mauvais. « Regarde autour de toi, mon ami. Regarde bien, vois ce que tu as fait. » lui ordonna-t-il d’un air accusateur. Obéissant mécaniquement à l’injonction, Kushi tordit son cou pour observer ce que le fantôme de Tömör lui montrait du bout de ses doigts crayeux.

« Regarde ma femme, ma fille, que tu avais juré de protéger. » Et là, au bout des os effilé, Enkhtuya se tenait recroquevillée autour du corps d’Altantsetseg. Le souffle se bloqua dans la poitrine de Kushi. La mère avait tourné le dos à l’ennemi pour protéger sa fille mais l’épée les avait mortellement perforées toutes deux, leur arrachant avidement la vie.  



« Non… »




« Regarde mon père, que tu avais promis de remplacer pour apaiser la peine de ses anciennes épaules. » Le vieux Chingis était empalé, la bouche déformée par un ultime cri. Un appel ? Une malédiction ? Un hurlement ? Il ne saurait trop le dire. Son propre sanglot tordit sa bouche ; il se mordit les lèvres, se refusant ce droit. La face de son aîné était noircie du sang qui avait coulé dans les rigoles qui parsemaient son visage d’expérience. Rien de ce qu’il n’avait vécu n’avait pourtant pu le préparer à une telle trahison.



« Non. »



« Regarde notre clan, décimé jusqu’au dernier, sans chef pour les guider. » Kushi baissa le visage pour se soustraire à la vision. Car aux têtes mutilées s’était joint un amoncellement sans fin de corps d’hommes, d’aigles et de chevaux. Il ne restait plus rien de leurs rires, éteints en des cris d’épouvante, plus rien de leurs couleurs, délavées par le crachin enténébré, plus rien de leurs âmes qui avaient rejoint le vent d’Asmigal. Les bourrasques charriaient désormais leur souffrance éternelle.



« Non ! »




Indifférent à ses plaintes qu’il gémissait en serrant contre lui la tête de Batbayar, ce qui avait été Tömör, son ami, son mentor, son amour, s’approcha pour lui susurrer dans l’oreille : « Où était le Virevenlte quand les Chevauche-le-Vent avaient besoin de lui ? Il dansait ! Il voltait, virevoltait et voletait, porté par le vent de la joie, alors que la tempête du malheur s’abattait sur nous. Honte sur toi ! » Il trembla à la condamnation. Elle trouvait des échos dans les pensées désespérées qui tournoyaient dans son esprit.

Mais derrière la brume qui était tombée sur les yeux de Kushi, une bise hésitante se fit jour, une légère flambée dans les yeux d’ocre, qui prit feu en une rafale de rébellion contre toutes ces accusations. « Non. » gronda la tempête qui se réveillait chez le Virevenlte. « Non ! Tu te trompes. Je n’ai abandonné personne…. Je… » Il geignit dans un sanglot envahi de bile. « Je me suis trompé, Tömör. Juste trompé… l’erreur d’un inconscient. Pardonne-moi ! » En un mouvement rageur d’impuissance, Kushi tapa le sol, et ne fit que s’éclabousser le visage de boue et de morceaux de chair. « Oh ! Si tu savais à quel point je regrette ta mort. A quel point je m’en veux. Je porterai à jamais cette charge. Car je ne peux t’oublier, je ne peux dépasser le vide que tu as créé dans mon cœur, je ne peux qu’avancer sans toi en faisant de mon mieux. Et crois-moi, c’est ce que je fais. Crois-moi, Tömör ! »

Son cri de cœur n’eut comme seule réaction qu’une tête secouée de dérision alors que la silhouette de Tömör faisait volte-face pour disparaître dans les ombres. Kushi se redressa tant bien que mal mais, gêné par la tête de Batbayar, ralenti par la boue qui s’accrochait à ses bottes, alourdi par ses fardeaux de culpabilité, il ne fut pas suffisamment rapide pour s’extraire à temps de son marasme et sa main se referma dans le néant du rien qui avait remplacé Tömör plutôt que de saisir la silhouette qui s’estompait. Qu’importe la vacuité de son geste, ou la vanité de son arrogance, Kushi se précipita à sa suite. « Tömör ! Non ! Ecoute-moi, je t’en supplie. Je t’en conjure, laisse-moi t’expliquer ! Tömör ! Non ! » Mais les ombres se condensèrent devant lui, refusant de le laisser passer, malgré tous les coups et tous les cris qu’il eut à leur opposer.



« Non ! »




Le cri qui s’expulsa de sa poitrine fut si puissant qu’il redressa son torse sous son élan, envoyant valdinguer les couvertures aux quatre coins de la yourte. Les yeux fous, Kushi observa sans les voir les multiples étoffes aux vives couleurs, les robes et les tapis, et les selles décorées qui ornaient sa tente. Les pans de l’entrée s’écartèrent vivement alors qu’Enkhtuya s’engouffrait dans l’habitable lourd de la chaleur du feu et moite de sa transpiration apeurée. « Tu es vivante. » chuchota le nomade en fixant son amie, sa sœur, l’air hagard, ne semblant pas en revenir. Elle pinça des lèvres, l’œil inquiet, et s’assit à ses côtés pour l’enserrer dans ses bras. « Je suis là, nous sommes tous là, tout va bien. » lui murmura-t-elle en embrassant ses cheveux poisseux. Pas de sang, non, il n’y avait pas trace de sang ici. Dans la réalité. Tout cela n’avait été qu’un cauchemar.



Sauf la mort de Tömör.



Kushi ferma les yeux en se laissant choir dans le cou d’Enkhtuya, inspirant profondément l’odeur de vie qui se dégageait d’elle. « Il n’est plus là. » gémit-il sans ne pouvoir s’en retenir, alors qu’il savait à quel point elle partageait sa douleur. Un sanglot silencieux secoua la femme courageuse qui continuait de le tenir contre elle malgré tout. « Je sais. Il me manque à moi-aussi, par-delà toutes ces années. Mais nous sommes encore là, et nous avançons malgré le vide de nos vies. » Les épaules du nomade tressautèrent, sa mâchoire se tordit pour retenir les hoquets qui menaçaient d’exploser dans sa poitrine, et un long gémissement plaintif s’éleva de sa forme prostrée ; il retenait de toutes ses forces la tempête dévastatrice qui tournoyait dans son âme.

« Oh, Kushi ! » bredouilla Enkhtuya. « Ô Virevenlte, mon frère, pleure s’il le faut, il n’y a pas de honte. Allège ces nuages qui alourdissent ton vent. Je veux t’entendre à nouveau chanter, je veux te voir à nouveau danser, je veux te sentir à nouveau rayonnant de ce soleil qui a paré tes cheveux de sa flamboyance. » Elle le força doucement à redresser la tête pour la regarder dans les yeux. Si les siens brillaient de ses larmes contenues, ceux d’Enkhtuya lui renvoyaient une douce pluie dont la caresse pansait ses blessures. « Lève-toi, enfant de la plaine, fils du vent, brise de la jungle. On peut éteindre un feu, on peut assécher une mare, on peut labourer la terre, mais on ne peut arrêter le vent de souffler. Tempête s’il le faut, mais il te faudra bien nous revenir. Nous avons besoin de toi. Tu es celui qui nous guide vers le renouveau. Souviens-toi. »

Il chercha le mensonge dans ses yeux mais ils brillaient de la sincérité avec laquelle Enkhtuya avait toujours perçu le monde. Dans un soupir, il s’enfonça à nouveau dans son giron réconfortant et s’autorisa enfin à lâcher les digues de cette souffrance qui refusait de passer malgré le temps, sans cesse réveillée par un ultime regret. Les vagues de sa douleur le submergèrent. La houle de sa culpabilité le secoua. Puis, enfin, la pluie qui régénère la terre. Un nomade du Nislegiin ne pouvait que connaître ses bienfaits. « Souviens-toi. » répéta Enkhtuya contre ses cheveux qu’elle n’avait cessé de caresser.

Oui.

Il se rappelait. La guerre. Dyen. Le contrat avec le Roi-Père.



Il se souvenait. Les négociations. L’Alliance du Nislegiin. Ses responsabilités.



Oui !



Demain, quand un soleil nouveau se lèvera, Kushi Virevenlte galopera, l’esprit clair et le corps reposé, jusqu’à la Cité des Dragonniers pour obtenir le dû des Chevauche-le-Vent. Il tiendrait entre ses mains le rire qui ne cessait de lui échapper depuis toutes ces années. Tous les chevaux, tous les guerriers, toute ces pertes, et Tömör par-dessus tout, obtiendraient justice. Ou seraient vengées. Car le vent qui s’élevait des cendres de sa colère et de la pluie de sa tristesse n’avait rien de tendre, tout au contraire, il grondait la vorace férocité d’un dragon affamé.

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