Le cycle de la vie (des criminels !)

Quel beau jour pour s'adonner à quelques rapines ! Le ciel était bleu les quelques oiseaux présents chantaient entre deux intoxications aux fumées des usines et la foule s'était aujourd'hui rassemblée pour assister au meilleur divertissement de tous : une pendaison !
Debout sur le gibet habillé d'une tenue de prisonnier, un jeune homme d'à peine 19 ou 20 ans attendait sa dernière heure en subissant les insultes d'une foule en délire, déchaînée à l'idée de voir ce jeune homme blanc comme un linge devenir bleu.
Ce genre d’occasion n’était pas si fréquente à Daënestre… Il fut un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître où le gouvernement avait pour mauvaise habitude de pendre ses citoyens régulièrement et publiquement pour les infractions les plus mineures… Une horrible période où le “code sanglant”, comme on appelait le recueil de lois, n’avait aucune pitié pour les criminels, grands ou petits… Mais heureusement cette période était aujourd’hui révolue et seuls les plus âgés de la foule pouvaient se souvenir de la fin de cette époque où de tels spectacles macabres étaient quotidiens. Mais pour autant, la potence n’avait jamais été démolie depuis cette époque et même si on préférait aujourd’hui effectuer ce genre de sale boulot derrière les murs hauts des prisons, il arrivait de temps en temps qu’on veuille faire un exemple d’un crime abject, comme celui de cet homme qui, malgré l’apparente innocence de son âge, avait massacré dans une ruelle sombre une pauvre mère de famille après l’avoir dépouillée et abusé d’elle. Autant dire qu’il pouvait ballader ses yeux sur la foule pendant un moment avant de trouver un regard compatissant envers son sort…

Nathan lui-même n’éprouvait pas une grande sympathie envers cet individu ! Et s'il n’avait pas été occupé à travailler aujourd’hui, il se serait certainement joint à la foule qui criait “à mort” pour cette pauvre excuse d’être humain. Bien qu’il soit occupé cependant, le jeune Nathan se permit un bref moment de philosophie : la vie est tout de même une chose précieuse, c’était bien malheureux que certaines personnes doivent se voir ôter la leur pour comprendre ce principe pourtant si élémentaire à la base…
Mais trève de philosophie, Nathan avait un boulot à faire ! Ou plutôt DEUX boulots à faire ! Se mêlant à la foule, le jeune blondinet proposa à quelques passants de se faire lustrer leurs chaussures par ses soins; il obtint quelques deniers de cette façon, mais ce n’était pas son objectif principal… Son objectif principal, c’était la reconnaissance des lieux et surtout, le passage à l’acte subtil de la subtilisation des biens matériels. Tandis que plusieures personnes de sa propre origine sociale s’avèrent bienheureux de se faire nettoyer leurs chaussures par le jeune garçon, d’autres plus pédants et riches le rejettent, de la même manière qu’on dégagerait une vulgaire mouche d’un revers de la main… Exactement ce que Nathan attendait !
Après plusieurs minutes à passées à cirer les chaussures de clients sympathiques, Nathan s’empressa cependant d’expédier le travail sur les chaussures d’un militaire puisque le bourreau venait de faire son entrée triomphale sur scène, sous les acclamations de la foule et les pleurs du condamné. Ce moment était celui que Nathan avait attendu pour passer à l’acte, tant pis pour le spectacle, lui devait manger et il profita donc de la tension installée (et de l’attention des gens autours de lui envers le gibet) pour glisser sa main dans les poches des malheureux qui l’avaient rejeté avec violence. Montres, mouchoirs, portefeuilles… Tout termina dans les poches du jeune Nathan ! Et alors que le bourreau finissait d’ajuster un bandeau sur les yeux du jeune condamné, un autre plus jeune que lui profitait de sa mort prochaine pour finir de s’accaparer de quoi vivre… Le cycle de la vie !

Bien satisfait, le petit garçon commença à s’éclipser de la foule, préférant ne pas être là quand le spectacle serait terminé et que ses victimes se rendraient compte du larcin. Et alors qu’il prenait mentalement des paris sur le nombre de secondes ou minutes que le criminel mettrait à s’évanouir, il rentra dans le ventre musculeux d’un homme lui barrant la route. Déconcerté par une telle rencontre, le gamin recula d’un pas tandis que l’audience éructait d’un cri de joie en voyant le bourreau tirer le levier pour envoyer le tueur vers sa mort certaine, mais certainement pas rapide…
Reconnaissant le client pour lequel il avait bâclé le travail (et reconnaissant aussi que ça ne pouvait pas être une coïncidence que ce type lui ait barré le passage), Nathan ouvrit sa boîte de cireur pour en sortir sa brosse et ses produits d’entretien.
- Excusez-moi monsieur, j’ai été trop vite. Je vous refais le travail ?
Dit-il avec un sourire avenant, brandissant ses outils de travail dans chacune de ses mains.