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Ce texte est inspiré de l'univers des SCP qui m'a toujours beaucoup fasciné. (Si vous ne connaissez pas, go googler, c'est une perle d'internet) J'ai pris pas mal de libertés avec celui-ci, je l'accorde, mais en même temps j'ai préféré m'amuser que chercher la cohérence à tout prix. Bonne lecture !
Une, deux, oh non, trois silhouettes se distinguent dans cette obscurité saupoudrée de la lumière jaunâtre des lampadaires. Deux sont habillées avec des costumes de goût. Parfaitement taillés pour servir le propriétaire. Ils ont tous les deux les cheveux courts, mais une queue de cheval et des traits plus fins permettent d’affirmer qu’il y a au moins une femme. Pourquoi « au moins » ? Parce que la troisième silhouette n’a pas de visage. Sa tête n’est qu’un sac de toile sombre. Impossible de savoir ce qu’il en est. Des mains fines, des habits au genre indéfinissable. Cela peut tout aussi bien être un homme, qu’une femme, qu’un blop, un gluz ou n’importe quoi d’autre. Dans ce quartier peu fréquenté de Paris, les soirées de semaine comme celle-ci, les quelques témoins avaient légitimement le droit de se demander que pouvaient bien fabriquer un tel trio. Bienheureusement, leur méfiance naturelle les invitait à ne pas trop poser de questions, ni même à s’approcher trop près. A tous les coups, c’était les membres d’une espèce de groupuscule local qui s’apprêtait à éliminer un élément contrevenant. Leur triste impunité n’était plus à prouver. Autant retourner à ses occupations, oublier cet événement, et le garder à raconter pour une soirée quelconque où l’on ne sera qu’entendu d'une oreille distraite, et non pas pleinement écouté.
La silhouette masquée ne manifestait aucun inconfort, et marchait aveugle avec même plus d’aisance que ses deux tortionnaires. Eux s’appliquaient à la maintenir chacun par un bras, afin d’éviter toute fuite qui ruinerait à jamais le plan que leur fondation avait préparé minutieusement. Ils savaient ce qu'ils cherchaient, où cela se trouvait, même ce que ça faisait à cet instant précis. Même un concept aussi indéfinissable avait quelques rituels prévisibles parfois. Lorsque des lampes à la lumière blafarde prirent la place des réverbères édulcorés, on pouvait mieux distinguer chaque membre de l’étrange groupe. Il y avait tout d’abord un homme, plutôt grand, en costume -nous l’avons déjà évoqué- mais complété par de fines lunettes aux verres transparents, qui protégeaient une paire d’yeux verts. Coiffé minutieusement, on aurait du mal à l’imaginer autre part que dans une banque ou une entreprise prestigieuse. Son alter-ego féminin semblait déjà plus ordinaire. Son regard vif traduisait une nervosité que devait sûrement avoir son collègue également, mais supposons qu'il possédait suffisamment de self-control pour ne pas l’exhiber. Tous les trois se rapprochaient d’un parking souterrain, dans lequel ils pénétrèrent alors que la montre d’argent, au poignet de l’homme, affichait deux heures et demi du matin.
Les bruits de pas avaient alerté, depuis un moment déjà, celui que ces énigmatiques personnages cherchaient depuis le départ. Néanmoins, il ne manifesta pas la moindre inquiétude, et continua de jouer sur son téléphone, sur le siège conducteur d’une BMW M6 Grand Coupé d’un bleu profond. Il avait l’habitude de s'accorder cette petite pause après chaque escapade nocturne, pour ensuite rentrer chez lui. Ça, les deux autres le savaient, l’avaient étudié, et avaient précisément choisi ce moment pour aller à la rencontre de leur cible. Ils se savaient repérés, c’était normal, prévu, mais ils pouvaient déjà être surpris par la nonchalance de leur homme. Lorsque ce dernier les vit entrer dans le parking, serrant leur otage coiffé d’un sac, il soupira et rangea son appareil dans la poche de sa veste de costume avant de sortir du véhicule. Appuyé sur la porte, il attendit que tout le monde se rapproche pour enfin prononcer quelques mots.
« Je ne peux pas vraiment vous féliciter de m’avoir trouvé, j’imagine. » Lança-t-il, comme une provocation. « Que me voulez-vous ?... »
Immédiatement après qu’il eut élevé la voix, la silhouette entre les deux agents, jusque là parfaitement impassible et silencieuse, commença à s’exciter violemment. Elle tenta de se défaire de l’emprise de ses tortionnaires, mais chacun d’entre eux avait la force nécessaire pour la maintenir bloquée à lui tout seul. Sous le sac, des gémissements paniqués se faisaient entendre. Aucun mot, cependant. Elle devait être maintenue muette autant que faire se peut. Les agents s’approcha encore un peu plus de l’homme appuyé contre sa voiture. Sous les lumières du parking, on pouvait très facilement le dévisager maintenant. D’un teint effroyablement pâle, presque translucide ; les cheveux blond platine, élégamment taillés ; le visage froid, à l’instar de ses yeux d’un bleu glacial. Il faisait instantanément baisser la température de la pièce, avec une allure pareille. Il en était presque intimidant, si une sorte d’apathie profonde ne caractérisait pas sa posture et les traits de sa face. Il semblait presque ennuyé d’être là, de parler à ces inconnus, même s’il était bien familier avec eux. Les deux personnages s’arrêtèrent finalement à deux bons mètres de leur interlocuteur, tentant de maintenir tranquille la troisième silhouette, toujours anonyme.
« Nous sommes là pour faire un marché, n°0. » Répondit l’homme, la voix légèrement fébrile.
« Je ne suis pas intéressé. » Annonça instantanément l’inconnu, avec lassitude. Il ouvrit la porte de son Grand Coupé afin de retourner à l’intérieur.
« N°0 ! Ne bougez pas ! » Lança la femme. « Vous avez l’obligation de nous écou... » Elle fut brusquement interrompue par la lourde main de son collègue qui s’appuya sur son épaule. L’autre tentait encore de maintenir tranquille la silhouette surexcitée entre eux deux.
« Mais qu'est-ce que vous dites ! Arrêtez tout de suite de lui parler comme ça ! Vous n'avez vraiment rien à faire ici, ma parole ! »
Une colère nerveuse se sentait véritablement dans sa voix, désormais.
« Et qu’aurait-on dû me dire sur lui, hein ? On a aucune information sur SCP-000 ! Je n’ai entendu que des légendes à son sujet. Moi je ne vois qu’un homme ordinaire, et vraiment agaçant, en plus. » Répondit la jeune femme.
« Vous croyez vraiment qu’on ne sait rien sur lui ? Vous croyez que c’est des légendes tout ce qu’on raconte ? Le SCP devant vous est vraiment spécial, même parmi les plus célèbres et les plus dangereux de la fondation. Il est au-dessus de la classe Keter, au-dessus de la légendaire classe Thaumiel ! Ce n'est pas qu'une bête créature… ce n'est même pas une créature. » Et sa voix s’étouffa dans ses réflexions.
Les phares de la BMW s’allumèrent, et le moteur gronda soudainement au milieu du parking désert. Le si mystérieux SCP-000 allait quitter l’endroit très rapidement, mais les agents de la Fondation avaient déjà prévu la parade à sa probable fuite. L’homme en noir fit un léger signe de tête à sa collègue, qui acquiesça avant d’enlever enfin le sac de tissu recouvrant la tête de la troisième personne. Il révéla, bien étonnamment, une femme au visage juvénile. Des cheveux courts, désordonnés, aussi blonds que ceux de l’homme à la BMW, mais ceux-là avaient bien plus l’air d’être teintés que naturels. Ses grands yeux bruns traduisait une panique qui s’était déjà bien faite ressentir au travers de son comportement d’il y a quelques instants. Une certaine innocence se dégageait de cette femme dont on ne pouvait pas réellement déterminer l’âge. Un épais scotch lui entravait la bouche, et expliquait les gémissements fébriles qu’elle continuait de pousser.
Le plan sembla fonctionner. La voiture, bien qu’allumée, n’avança guère, mais impossible de distinguer le visage de SCP-0 derrière la vitre teintée. Il brisa finalement le suspens dans lequel étaient plongés les deux agents en coupant brusquement le moteur, puis en sortant de nouveau du coupé bleu marine. Son visage n’était plus marqué de cette indifférence manifeste qui étonnait tant la demoiselle un peu plus tôt. Désormais, il était le support d’une toute nouvelle, et inquiétante, amertume. La révélation sur l’identité de l’otage semblait l’avoir suffisamment surpris pour qu’il porte de l’intérêt aux employés de la Fondation SCP. Le plan fonctionnait comme prévu, et ce malgré la manifeste incompétence de la jeune femme. Cette dernière, d’ailleurs, esquissa une position de repli en voyant la soudaine animosité de leur cible. Son camarade reprit cependant la parole, d'un ton qui se voulait le plus ferme possible.
« Vous la connaissez… N’est-ce pas ? Elle n’est pas comme vous, elle… On peut la tu... »
« Relâchez-là immédiatement. » Interrompit fermement le susnommé n°0.
« Nous la libérerons, ne vous inquiétez pas. Mais nous avons besoin de votre aide. » Répondit l’homme.
A cet instant, la femme baillonnée se débattit de nouveau, redoublant de fureur, et le scotch qui lui bloquait la parole un instant plutôt avait été enlevé par la femme en costume. Ses cris raisonnèrent dans tout le bâtiment.
« Maître ! Mon maître ! S’il vous plaît, ne les écoutez pas ! Partez, maître ! Ils ne valent pas la peine que vous les aidiez ! » Hurla-t-elle en remuant tous ses membres, tête y compris.
« Lâchez-là. » Ordonna le propriétaire de la BM.
Celle qui la bloquait de toutes ses forces depuis quelques instants manifesta son désaccord d’une grimace inquiète, mais son camarade lui fit un signe de tête suffisamment ostentatoire pour qu'elle retire son emprise sur le bras de leur otage qui courut attraper le bras de celui qu’elle nommait « maître » dès ses premiers mots.
« Maître… maître… je suis tellement heureuse de vous revoir... » Lança-t-elle en gémissant. L’homme, lui, n’avait pas bougé. Les mains dans les poches de son costume, il regardait, courroucé, les deux agents de la fondation SCP.
« Pourquoi tu l’appelles maître, 56, hein ? D’habitude tu nous traites tous comme de la merde ! » S’enflamma la femme à queue-de-cheval.
Avant même que l’homme ne s’excuse pour le comportement de sa collègue, n°56 lui répondit avec tout autant de calme et de sang-froid que son ex-geôlier.
« Vous devriez tous l’appeler Maître, bande de stupides mortels ! Un jour, il reprendra le contrôle de l’univers tout entier ! Tous, vous devrez vous soumettre à lui, vous verrez ! C’est mon seul et unique dieu et maître dans ce monde, et ça sera bientôt le vôtre ! »
« Calme-toi, mon enfant. » Répondit l’homme, en posant quelques doigts sur l’un de ses bras. Elle se tut immédiatement, et posa sa tête sur l’épaule du pâle personnage à côté d'elle.
« Mais qu’est-ce que c’est que ce bordel… qui il est ce gars, à la fin ! Me dites pas que c’est vrai ce qu’on dit sur lui... » Lança l’agent, manifestement définitivement lassée de sa mission.
« Bien sûr que si ! » Répondit son collègue. « Ce « gars » comme vous dîtes, est bien plus dangereux que tous les autres SCP que vous n'avez jamais rencontré ! Vous savez pourquoi on appelle SCP-682 « Reptile difficile à détruire » ? Parce que c’est la seule entité au monde capable de le terrasser complètement ! C'est prouvé ! Tu sais pourquoi SCP-343 se dit être le dieu sur Terre ? Parce qu’il affirme être le fils de ce « gars » comme vous dîtes ! Ce n’est pas un simple homme, bon sang… L’entité que tu as devant toi est celle qui a créé SCP-001, entre autre chose. Ce fameux carnet qui semble faire apparaître d’autres SCP à chaque fois qu’on pose les yeux dessus. En tant que membre de l’O5, vous le savez logiquement. Mais on n'a, manifestement, jamais jugé utile de vous parler de lui… On l’appelle SCP-000 dans la Fondation, mais on devrait normalement l’appeler Khaos. »
Un silence de glace tomba dans le parking. Il fut interrompu par SCP-056, qui tira la langue.
« Eh oui, gnagnagna. Tout ce que vous n’arrivez pas à expliquer dans vos petites têtes d’humains, et que vous appelez SCP, c’est mon maître qui les a créé. Il m’a créé moi aussi. » Lança-t-elle aux deux agents.
Finalement, le dénommé Khaos consentit à accorder un regard à sa création. Un regard réprobateur, certes, mais qui la fit rougir tout de même.
« Maintenant que vous avez eu l’amabilité de me présenter, vous voulez bien me dire qu’est-ce que vous me voulez ? Je veux juste passer du temps avec les mortels, moi. »
« Eh bien… SCP-076… Abel. Il s’est échappé. Et on pense qu’il est en route pour tuer SCP-073, son frère. » Annonça l’homme, l’air grave.
Sur ces mots, Khaos baissa les yeux, et sourit.
« En d’autres termes, vous voulez que j’empêche le plus grand cataclysme qui pourrait survenir sur cette terre... » Lança-t-il avec un sourire énigmatique.