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 :: Les terres d'Irydaë :: My'trä :: Khurmag
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 Douce désillusion

Invité
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Douce désillusion  EmptyLun 23 Oct - 17:04
Douce désillusion  Sans_t10
~ 2ème semaine de Septembre 932 ~

- «  Où ça ? » demande la mère dans un sursaut révélateur.
- «  Je vais visiter Khumarg. Je pars d’ici une heure. »
- « Aure… »

Comme souvent Aure n’écoutait déjà plus et laissa le regard de sa mère adoptive se gorger de rancœur. Si le changement n’était pas immédiat, il avait déjà commencé à opérer chez la rouquine, une sensation de malaise profond était née dans son cœur vis-à-vis des non-mages. Une multitude de questions sans réponses la poussaient à partir, à trouver ce qu’elle cherchait sans savoir avec certitude ce que c’était. Comment sa mère pouvait-elle comprendre, sans avoir vu le massacre, sans avoir vu les siens réduits en esclavage ? Comment pouvait-elle prendre en considération le moindre argument, alors qu’elle n’avait pas vu ce Gharyn promouvoir la paix alors que la guerre était déjà sur les terres, silencieuse. Non, rien ne semblait apaiser Aurore dernièrement et même son retour pourtant bénéfique pour les siens n’avait pas su réduire l’incompréhension régnant dans l’esprit de la mage. C’était ainsi qu’elle était partie, sans monture, sans beaucoup d’équipement. Un sac sur le dos, de quoi monter un campement chaud, des cordes à la taille, des dagues, une épée courte qu’elle ne savait guère utiliser, son arc, ses flèches et sa magie comme unique compagne.

Cette aventure elle voulait la faire seule, elle avait besoin de savoir, de comprendre pourquoi dans son cœur ne régnait principalement que cet amour pour Khugastaa, pourquoi n’avait-elle pas été capable de suivre l’enseignement d’Amisgal, pourquoi ne parvenait-elle pas à progresser ? Serrant ses doigts autour de son bâton de marche, emmitouflée dans des épaisses fourrures qu’elle avait déjà enfilées et qui lui donnaient l’impression d’étouffer, Aure était partie. Délaissant pour un temps Shuhury pour Khurmag, pour comprendre. Si le trajet n’avait pas dû lui paraître éprouvant, puisqu’elle avait désormais l’habitude des voyages. Elle avait fait néanmoins fait le choix de  y aller en douceur, préférant accumuler les pauses et par conséquent les campements provisoires, plutôt que l’épuisement et l’arrivée rapide à la région tant convoitée. Difficile de savoir ce qui pouvait animer l’esprit de la jeune femme durant ce trajet, durant ces moments de solitudes profondes. L’angoisse de la déception avait fini par la gagner peu à peu, si l’idée qu’elle c’était faite, la certitude d’obtenir des réponses ne se concrétisait pas ?

Refusant d’imaginer le pire, privilégiant le meilleur, Aure n’avait guère fait attention à son environnement et c’est naturellement que, comme souvent, les premières complications avaient émergé. Premièrement, ce fut son affrontement avec un animal sauvage, carnivore, de petite taille, vivant en meute qui laissa des traces physiques sur la silhouette féminine, une morsure à l’épaule, douloureuse, qui avait bien failli lui coûter bien plus que quelques ecchymoses.  Par chance, elle avait réussi à s’en sortir à l’aide de quelques tours de passes passes, provoquant des courants d’air suffisamment puissants autour de l’animal pour l’empêcher de s’approcher davantage, avait attendu sagement que celui-ci s’épuise pour attaquer. Puis, c’est une flèche entre les deux yeux définitivement clos de la bête, que cette histoire avait fini par s’achever.

Ce fut ensuite son état de fatigue, qu’elle semblait avoir sous-estimée, si elle avait l’habitude de voyager, ce n’était certainement pas à pied, mais bien à cheval sur sa fidèle amie Alezane. Il n’était donc pas surprenant que la rouquine détecte rapidement des tiraillements dans ses cuisses, sous les pieds et même dans ses genoux qui n’avait à la fois pas l’habitude de fonctionner autant et de supporter son poids plus la charge de l’équipement. C’est une Aurore fatiguée qui avait finalement mis les pieds dans une région surprenante. Les yeux cernés, il était difficile de savoir si elle était encore réellement vivante. Le froid, dont elle n’était clairement pas habitué l’avait surprise, si bien que la jeune femme avait longuement hésité avant de décider de poursuivre. Têtue, elle refusait simplement d’abandonner, exigeant d’obtenir des réponses à ses questions et c’est en réalisant une prière à son architecte qu’elle rencontra finalement sans le savoir, le plus gros problème de son aventure :

- «  Une femme ne devrait à aucun moment rester seule, surtout ici, t’es pas du coin pas vrai ? »

C’était une voix masculine, un peu rocailleuse, étouffée dans un énorme tissu que l’individu portait autour du cou. Il devait bien faire plusieurs têtes de plus que la mage, qui instinctivement s’était relevé, portant une main à son épée courte. C’était un geste qui avait plus pour objectif d’impressionner, un peu comme une grenouille se gonflant pour paraître plus imposante. L’instinct de survie d’Aure s’était immédiatement éveillé, mais celle-ci pour une raison inconnue avait refusé de s’écouter.

- « Mh, non.. Je ne suis pas vraiment du coin. Je viens découvrir la région, afin de me rapprocher de Khugastaa. »

Un sourire étrange avait traversé le faciès de son interlocuteur, qui d’un signe de la main, lui proposait de le suivre, ajoutant la parole au geste, pour être certain de se faire bien comprendre :

- «  Tu devrais me suivre, entre mages usant de la même magie, on devrait s’entraider non ? On a un campement pas loin, avec du feu, on est un petit groupe tu verras. On vient chasser proche des frontières, c’pour ça qu’on n’est pas dans notre ville tu vois. » il se retourne vers elle, l’attendant visiblement « Bon, tu viens ? »

Hésitante, la rouquine avait finalement relâché sa garde, rangeant son épée, ramassant ses affaires qu’elle avait commencé à étaler. Ses lèvres bleutées se pincèrent, perplexes. Avait-elle réellement le choix. Une fois tous les éléments dans son sac, elle activa le pas pour rejoindre cet étrange personnage, se fixant à son rythme. Silencieuse, elle ne posa pas la moindre question, préférant observer le paysage qu’elle ne connaissait pas. Seul le souffle de sa respiration venait troubler le silence, ça et les regards inquisiteurs, un peu trop prononcés de l’homme qui avait décidé de l’aider. Aurore décida finalement de faire la conversation et telle une petite fille qu’elle n’était plus depuis longtemps se risqua à la question haït de beaucoup de parents :

- «  Est-ce qu’on arrive bientôt ? »

Un rire s’échappa de la gorge de celui qui marchait à ses côtés, rire qui n’avait étonnamment rien de communicatif ou d’amusant. Un frisson remonta la colonne vertébrale de la mage, qu’elle ignora une nouvelle fois, certaine qu’entre membres du même peuple, le risque n’existait pas. Le campement se dessina un peu plus loin. Des tentes parfaitement montées, réconfort d’immense peau de bête et de fourrure, un feu d’une taille suffisamment imposant pour réchauffer tous ceux qui l’entouraient. Ils étaient quatre, plus celui qui était encore à côté d’elle, qui venait de lever la main en hurlant un « oh hé » qui lui brisa les oreilles :

- « J’ai trouvé de la distraction  » qu’il disait « Elle va nous tenir compagnie et nous aussi, la pauvre, elle avait bien besoin d’un coup de main vous ne croyez pas ? »

Aurore haussa doucement les épaules, ses pas s’arrêtant alors que celui qui venait de s’exprimer poursuivait son ascension vers la troupe. Trouver de la distraction ? Si la phrase aurait dû la mettre définitivement en garde, une nouvelle fois elle s’auto rassura et termina de rejoindre les hommes présents qui s’étaient relevés pour l’accueillir, plutôt chaleureusement. Une main sur la fesse qui dérape, une accolade comme-ci elle pouvait bien le connaître, non, tout ceci commençait à lui faire comprendre ses erreurs. Pourtant, étrangement et certainement par ego, elle resta, déposa ses affaires sur le sol, conservant néanmoins ses armes, avant de s’installer proche du feu, paume vers celui-ci.

- « Bah alors, t’vas pas rester muette quand même. » dit un des affreux personnages en lui poussant légèrement l’épaule. «  c’quoi ton petit nom, tu viens faire quoi ici ? C’pas la région la plus populaire pour les visites, tu n’as pas de guide ? »

Une nouvelle fois, en guise de réponse la rousse avait haussé les épaules, ce qui commença à agacer les hommes, qui n’avait semble-t-il toujours cessé de lorgner sur sa silhouette pourtant bien emmitouflé. Sentant le vent tourner, c’est quand son regard croisa celui qui l’avait amené ici, qu’elle comprit qu’elle devait partir et vite. Se relevant brusquement, Aure ramassa son sac, tout en reprenant la parole :

- «  Merci pour la proposition, mais finalement… J’suis certaine que je peux atteindre la ville la plus proche avant que la nuit tombe. »
- « Soit pas idiote, tu en as pour une bonne heure de marche, tu dois avoir mal aux pieds non ? » il lui avait attrapé le bras «  Allez viens là, on va te détendre un peu nous… Tu sais… »

Cette fois-ci le vent s’était levé, et d’un geste de la main, la rouquine avait formé une bourrasque suffisamment forte pour faire reculer de quelques pas le premier homme. Celui-ci comprenant qu’elle maîtrisait une autre forme de magie, s’offusqua et éleva la voix rapidement :

- « Menteuse ! Ce n’est pas Khugastaa que tu vénères ! Viens là, tu vas voir, j’vais te faire payer tes paroles. »

Aurore avait reculé d’un pas, consciente qu’elle n’avait aucune chance si elle décidait de combattre. Adepte de la distance et plutôt de la non-violence, elle était dans une posture peu convenable. La fuite semblait l’unique option valable, option qu’elle enclencha sans demander son reste. Sac contre la poitrine, elle avait cavalé aussi vite que possible, écoutant derrière elle les hurlements de mécontentement de la troupe. Son souffle se coupa à plusieurs reprises, ses jambes lui rappelèrent à quel point elle avait marché auparavant et c’est finalement en observant une sorte de montagne qu’il lui sembla avoir encore un espoir. Elle avait fini par se réfugier derrière une paroi de roche, froide, écoutant les hommes se disperser, rageant d’avoir perdu la distraction de la soirée. Rabattant ses jambes contre elle, la jeune femme sentit son cœur s’emballer. Si le cycle le décidait ainsi, alors c’est que tout ceci devait se passer. Ralentissant sa respiration elle attendue plusieurs minutes sans oser faire le moindre mouvement, jusqu’à ce que la voix qui pourtant lui avait paru plutôt avenante refit son apparition :

- « Je l’ai trouvé elle est là ! »

Il était là, à quelques pas et les autres ne tarderaient pas à débarquer aussi, une nouvelle fois, c’est la fuite que la rousse préféra choisir et glissa le long de la paroi, ou plutôt roula jusqu’en bas de la petite pente. La tête un peu encore ailleurs, la vision trouble, elle perçut néanmoins son agresseur lui agripper la jambe pour la tirer jusqu’à lui. Son deuxième pied non entravé s’inséra dans son visage, provoquant un grognement et un saignement de nez plutôt impressionnant.

- «  Salope » hurla-t-il en portant sa main à la plaie ouverte avant de se jeter sur elle

Cette fois, Aurore n’avait plus eu le choix et en donnant une nouvelle impulsion d’air, il s’empala sur un pic en pierre. Figée, désormais meurtrière, la rouquine n’osa pas bouger, regardant sa victime tirer son dernier soupir. Les mains tremblantes, elle avait ramassé ses affaires, murmurant, presque suppliant : « Pitié… ». Elle n’était pourtant pas adepte de la peur, ni même de la mise à mort, c’était juste un accident. Il en était responsable d’ailleurs. Les bruits de pas approchant de plus en plus, elle était incapable de bouger. C’est finalement trop tard qu’elle réalisa qu’elle devait repartir, plus que les hommes restants l’encerclèrent visiblement peu enclins à croire au meurtre involontaire. Alors Aure, ferma les yeux, tremblante, prête à recevoir son châtiment, dégageant de manière de nouveau non maîtrisé une vague de peur et d’image dévastatrice dans l’esprit de ses assaillants. Ne réalisant pas son action, elle ne bougea pas et les hommes n’allaient certainement pas tarder à venir lui infliger ce qu’elle avait selon eu largement mérité.

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Douce désillusion  EmptyMar 24 Oct - 0:03
Donovan prit une grande inspiration, laissant l’air froid infiltrer son corps- il senti le souffle glacé de Khurmag parcourir chaque parcelle de son cœur. Ô, comme il aimait son pays… Depuis le haut de cette espèce de crête où il se trouvait, il pouvait porter son regard sur cette région à la fois si belle et si malheureuse.

Les majestueuses forêts de Khurmag s’étendaient jusqu’à perte de vue, faites d’arbres qui trônaient là tels des rois centenaires. Comme habituellement à cette période de l’année, il avait commencé à neiger- et si Khurmag n’avait encore vêtue complètement sa robe blanche et étincelante, elle arborait déjà les premiers signes de l’hiver. Devant lui s’étendait une chaine montagneuse, dont les plus hauts sommets disparaissaient dans une brume épaisse.

Le jeune Gharyn poussa un profond soupir et s’assit sur un rocher en faisant grincer son armure de cuir, une grande tristesse imprégnée dans son regard. Il aimait son pays, mais celui-ci le lui rendait bien mal. Ces derniers mois avaient été difficiles pour Cedren. Quand il avait rassemblé ses gens, quand ils s’étaient installés au fond de leur petite vallée, il avait crû que les choses ne pourraient qu’aller mieux. Hélas, la vie était plus dure quand on partait de rien, et cela, ils l’avaient tous appris à leurs dépens.

Et par où commencer ? Vivant dans un village et n’étant donc pas mobiles, ils devaient eux-mêmes trouver de quoi survivre. Ils n’avaient rien pu cultiver cette année : leur maitrise de l’agriculture était encore loin d’être suffisante, et de toute façon, ils n’avaient pas eu les graines. Ils étaient pauvres, et bien que le village entier se soit cotisé pour l’achat de grain, Donovan n’avait pu n’en ramener que deux sacs de qualité médiocre. La moitié avait déjà commencé à pourrir, et s’ils avaient planté le reste, rien n’avait pris. La famine avait frappé en plein cœur de l’été, et les premiers à en mourir avaient été les vielles personnes et les plus jeunes.

Après ces pertes terribles, certains villageois, à bout, étaient partis- et Donovan ne pouvait leur en vouloir. Ils étaient partis en larmes, renonçant à un rêve qui les tenaient au cœur, mais c’était la mort assurée s’ils restaient. A la fin de l’été, Cedren avait perdu presque la moitié de sa population, et ces départs n’avaient pas été compensés par de nouveaux arrivants. Il avait envoyé des émissaires aux quatre coins de Khurmag, pour parler de cet idéal qu’ils poursuivaient tous, mais moins d’une dizaine de personnes les avaient rejoints.

Les métaux se faisaient rare également, leurs outils étaient de mauvaise qualité- et c’était sans parler des armes. Les villageois s’étaient unis pour construire une palissade, et cela les avait occupés pendant deux bons mois, et le Gharyn avait été fier d’eux. Leurs pêcheurs s’étaient également lancés dans un élevage de poissons et ils avaient construit de sortes de bacs au bord de l’eau. Si les mailles des filets en laissaient échapper certains, cette idée était prometteuse. Pourtant, elle ne suffirait pas à les nourrir pour l’hiver. Ils manquaient également de fourrures, et tous craignaient l’arrivée des grands froids.

Et encore, tout cela ne concernait que Cedren. La situation à Khurmag, à My’Trä, même, s’était dégradée. L’influence de Daënastre était de plus en plus vaste, de plus en plus pesante. Le chaos s’installait peu à peu, et tandis que Donovan s’entêtait dans ses idées pacifiques, des horreurs s’installaient. Des rumeurs, d’abord, mais qui se firent de plus en plus fort. Des individus disparaissaient, et l’on parlait d’esclavage au fin fond de mines obscures, dirigé par la main de fer de Daënastre.

Le mage de Khugastaa n’avait pu encore vérifier ces dires, mais il avait parlé à des gens- des proches des disparus, et il ne faisait aucun doute que quelque chose se tramait dans l’ombre. Alors, il avait dû se rendre à l’évidence : son rêve ne fonctionnerait pas. Peut-être dans le futur, dans quelques années, mais pour l’heure ses idées pacifistes stagnaient et le monde avançait sans lui. Cedren s’élevait beaucoup trop lentement, et n’aurait même pas le temps d’éclore qu’ils seraient déjà tous morts.

Il en avait parlé longuement avec Zarathoustra. Son Khurog était plus dur que lui et comprenait les enjeux comme nul autre. Au cours d’une soirée près d’un fond, alors que Donovan était en proie à un profond désespoir, le sage aveugle lui avait dit que celui qui veut la paix doit préparer la guerre. Et ces mots avaient atteint le cœur de Donovan.

Il lui fallait faire ce sacrifice : pour redonner à Khurmag sa gloire, pour que l’équilibre du monde soit rétabli, il ne pouvait plus se contenter de belles paroles. Il maudissait ce monde, il maudissait Daënastre pour l’en réduire à de telles extrémités, mais il lui avait fallu se rendre à l’évidence : la paix et l’harmonie ne pourraient être prises que par la force, et il était maintenant déterminer à se battre pour la survie des gens de Khugatsaa. Et s’il le fallait, il n’hésiterait plus à prendre une vie…

Cette épreuve, il la vécut durant la fin de l’été, alors que deux voleurs s’étaient introduits dans le village. Ils avaient été arrêtés sans mal, et Donovan les avait trainés tous deux dans la place centrale du village. Après un long discours sur la nécessité de s’endurcir, il les avait tout simplement exécutés. Cet acte avait bien failli le briser, mais Zarathoustra avait été là pour que son esprit reste fort.

Il était parti quelques jours après cet incident pour parcourir, seul, la région. Pour voir ce qu’il en était de l’état actuel de Khurmag. Recenser les communautés, les plus fortes comme les plus faibles, notant tout dans un petit carnet qu’il gardait sur lui. Pour déterminer celles qui pourraient être un danger, et celles qui pourraient être une opportunité pour Cedren.

Il frémissait à cette penser lorsque du bruit, plus bas, le sorti de ses pensées. Par réflexe, Donovan se jeta à terre et rampa jusqu’au bord de la crête afin de voir ce qui se passait. Son regard fut attiré en premier par un reflet roux, qui courait. Plissant les yeux, il crut distinguer une femme. Plus loin, il distingua plusieurs groupes d’hommes- et d’après les cris qu’ils poussaient, il ne faisait aucun doute quant à leur objectif. Ils chassaient- et la proie n’était autre que la jeune femme.

Le jeune Gharyn laissa échapper un juron entre ses dents. Sans quitter la jeune femme des yeux, qui s’était maintenant abritée derrière un pan de roche. De là où il était, il pouvait voir qu’un homme ne tarderait plus à lui tomber dessus…

Jurant à nouveau, il passa par-dessus le rebord et se laissa glisser le long de la pente rocailleuse, essayant de rester le plus discret possible, se cachant quand il le pouvait derrière des rochers. Mais alors qu’il arrivait presque en bas, à une trentaine de mètres de la jeune femme, l’un des hommes la trouva.

Durant une seconde, Donovan pensa qu’il arrivait trop tard ; aussi il ne bougea pas. Mais alors que la mort approchait, la jeune femme trouva en elle une énergie insoupçonnée- alors que son agresseur la tirait par la jambe pour empêcher sa fuite, elle se débattit si bien qu’elle lui fit lâcher prise. Puis, dans ce qu’il sembla être à Donovan un réflexe de survie pur plutôt qu’un acte réfléchi, elle fit… quelque chose. Une bourrasque d’air envoya l’agresseur valser, droit sur un pic de pierre. Le sang coula- et la jeune femme afficha un air horrifié. Mage de l’air, donc…

Mais elle était peut-être trop fragile pour tuer : il pouvait le voir à son regard perdu et ses mains qui tremblait. Aussi, en entendant les bruits de pas qui se rapprochaient, Donovan se mit en mouvement. Il se redressa, et libéra lentement sa lame- lui vivant, aucun mal ne serait fait à cette inconnue qui respirait la bonté.

Des hommes sortirent du couvert de la forêt et encerclèrent la jeune femme, tétanisée. Quatre. Quatre pour une jeune fille blessée et visiblement à bout de force. Il marcha vers eux d’un pas déterminé, une lueur froide luisant au fond de son regard. Alors qu’il n’était plus qu’à quelques mètres d’eux, l’inconnue ferma les yeux, et ses assaillants vacillèrent un instant. En d’autres circonstances, Donovan aurait noté l’œuvre d’une autre magie, mais il n’y prêta pas attention.

Il se campa derrière eux- et alors que l’un des hommes, riant, levait une hache au-dessus de lui, il siffla. L’homme suspendit son geste et se tourna lentement, fixant des yeux colériques sur ce nouveau venu qui prétendait le priver se son plaisir. Quant aux autres, ils cessèrent tout net leurs remarques morbides sur ce qu’ils prévoyaient de faire à la pauvre âme.

- Tu veux quoi, toi ?
, siffla l’homme à la hache.

Le jeune Gharyn le jaugea rapidement. Arme de mauvaise facture, pas d’armure… un bandit. Un misérable bandit, ou quelque chose de ce genre-là. Le type de mauvaise engeance néfaste à Khurmag…

- Laisse la, répondit-il d’une voix froide.

L’homme eut un petit rire sec, roula des épaules et fit deux pas en direction de Donovan.

- Sinon quoi, hein ? Au cas où t’aurais pas remarqué, on est quatre, mon vieux. Alors fous moi le camp, avant que je décide de t’étriper !

Un léger sourire flotta sur les lèvres de Donovan- le salopard avait mal choisi son adversaire, pour ces petits jeux… Il la sentait- il la voyait. D’un geste lent, il tendit la main droite vers l’homme, sondant l’air quelques secondes… L’homme à la hache éclata de rire.

- Les gars, je crois qu’on tient un beau spécimen !

Donovan ferma brusquement son poing- et, dans un éclair de lumière violacée, les trois compagnons de l’homme à la hache disparurent soudainement. Oh, non ; le Gharyn ne se laissait pas si facilement avoir par les illusions, surtout aussi grossières. Réalisant qu’il n’avait plus l’avantage, l’homme se jeta sur lui.

La charge fut brutale, pleine de colère. Formé selon les enseignements de Zarathoustra et après lui un certain Adramus presque un an auparavant, Donovan garda son calme- à la violence de son adversaire il répondit par un calme froid. Jouant de ses jambes, il esquiva sans mal les deux premiers coups de hache. L’homme, pourtant, n’était pas si mauvais ; un coup partit vers le bas avant de changer de trajectoire pour devenir un coup circulaire en haut.

Donovan senti la feinte et pivota légèrement sur lui-même- mais juste un peu trop tard. Si l’acier de la hache fut en partit stoppé par le cuir de son armure, il mordit tout de même la chair au niveau de son omoplate droite. Encaissant la douleur, Donovan riposta- la lame frappa d’abord la jambe de l’agresseur, le forçant à se mettre à genoux ; et dans un même mouvement, elle vint heurter la gorge de l’homme, traçant dans l’air un trait rouge.

L’homme laissa tomber sa hache, agrippant la blessure. Mais il était déjà trop tard, et il s’écroula rapidement au sol, étouffé dans son propre sang. Le jeune Gharyn le regard agoniser une seconde- c’était le premier homme qu’il tuait réellement au combat. Mais il l’avait cherché, et était responsable de ces actes- et si Donovan trouvait l’issue du combat inutile, et n’en avait pas de regrets.

De bruits de voix retentirent au loin et son attention se porta sur la jeune femme. Alors qu’il s’approchait d’elle d’un pas rapide, il put voir à quel point elle avait l’air épuisée. Par Khugastaa, mais que donc avait-elle bien pu vivre ? Il la saisit par le bras d’un geste délicat, faisant abstraction de la douleur de sa blessure, et plongea son regard dans le sien.

- Ecoutez, jeune fille… je ne vous ferais pas de mal. D’accord ? Mais si nous restons ici, vous et moi, nous allons nous faire proprement tuer.

Il fit un signe de tête en direction de la forêt, en direction du Nord.

- Il y a par là un petit chemin qui se perd dans les montagnes. Ces… hommes nous suivront peut-être au début, mais les sommets sont embrumés et nous pourrons les y perdre plus facilement. Je ne sais qui vous êtes ni où vous comptez aller, mais si vous voulez un tant soit peu survivre, c’est notre meilleure chance.

Oui… ce chemin qui les mènerait aux sommets des montagnes serait salvateur- mais ils devraient y arriver avant leurs assaillants, et pour autant qu’il le sache, ceux-ci pouvaient déjà très bien les y attendre. Ou les rattraper avant qu’ils n’atteignent la brume…

Son regard changea pour afficher une profonde bienveillance- il était bien décidé à la protéger, inconnue ou pas.

- Alors si vous décidez de me faire confiance… je vais vous demander un mal qui sera nécessaire. Vous pouvez encore courir ?

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Douce désillusion  EmptyMar 24 Oct - 20:01
Ça n’avait pas suffi, son geste incontrôlé n’avait pas suffi à faire fuir les assaillants. Aucune larme ne remplissait cependant les yeux de la rouquine, qui voyait à présent son cycle se terminer, dans la plus horrible des manières. Fermant de nouveau les yeux Aure murmura visiblement résigné « Si c’est la volonté de Khugastaa, qu’il en soit ainsi. » Parce que cela ne pouvait être que ça dans son esprit, la volonté de son architecte, de la tester, ou de la punir pour avoir osé renier son don qu’elle avait pourtant détecté très tôt. Les yeux clos, Aurore s’attendait à ressentir la douleur d’un coup fatal, ou non, quand un sifflement avait fini par retentir, stoppant toute action en cours. Ses mains tremblantes serrèrent davantage le tissu de ses vêtements visiblement prête à affronter cette fin qui n’arrivait pas. La rouquine se risqua à ouvrir les yeux, pour aviser une nouvelle scène, un nouvel avenir. Un homme se tenait juste derrière son assaillant principal, lui intimant l’ordre de la laisser. Aurore eut soudainement envie de lui hurler de partir, de ne pas rester là, ne pas offrir sa vie pour la sienne, qui n’en valait à ne pas en douter pas la peine. Elle fut cependant incapable d’émettre le moindre son, la moindre prononciation. Son regard se troublait, sa respiration se saccadait, alors qu’elle tentait tant bien que mal de rester concentrée sur le nouvel arrivant. Quelques joutes verbales furent prononcées, sans que la rousse ne saisisse le tout dans sa globalité. En revanche, c’est la disparition soudaine des autres individus qui la perturba, était-ce une illusion ? Comment n’avait-elle pas pu s’en rendre compte ? Ou était-ce le fruit de sa fatigue et du choc qu’elle avait ressenti.

La suite des événements fut beaucoup plus violente pour l’esprit de la rouquine qui se sentait doucement perdre connaissance. Ses membres endoloris, ses lèvres bleutées, la morsure douloureuse de son épaule et le stress faisaient un délicieux cocktail beaucoup trop intense pour le physique et le psychique de la mage. Mélange qui n’allait pas tarder à être mis de nouveau à l’épreuve. Le nouvel arrivant semblait doué, un peu trop même, il esquivait les coups, jusqu’à finalement en recevoir un qui provoqua un couinement de surprise de la rouquine qui semblait à présent déterminer à se relever pour l’aider. Aide qui ne fit pas nécessaire, puisque l’assaillant tomba à genoux sur le sol froid de la région. Si la mage eut l’illusion de croire que c’était fini, elle ne put retenir un nouveau couinement en voyant la substance rougeâtre se suspendre dans l’air, jusqu’à provoquer la mort de l’agresseur. Le sauveur, désormais meurtrier à son tour s’approcha rapidement d’elle, provoquant un mouvement de recul provoqué par la méfiance. Lui attrapant le bras, il la força tout en délicatesse à se relever, plongeant son regard dans le sien. Rester ici ? Elle n’en avait pas la moindre envie, le suivre dans un petit chemin sombre ? Nullement non plus. Le dilemme et la fatigue ne faisaient guère un bon mélange et c’est finalement un soupir qui s’échappa de ses lèvres.


- « Je suis désolée… » murmura en premier lieu Aure, les jambes tremblantes, le regard un peu trouble « Vous avez du tuer par ma faute. »

C’était la première chose qu’elle souhaité prononcé, la chose qui finalement lui avait semblé la plus importante. Tuer ou être tué était la dure loi de la réalité, cependant obliger un être à le faire que ce soit volontaire ou non n’était pas une chose qu’elle acceptait. Sa vie ne valait pas celle des deux hommes, aucune vie n’en valait une autre d’ailleurs. Ses mains tremblaient, tout comme son corps entier, sans que cela semble la perturber. La force de l’esprit pouvait être grande, même après autant d’événements perturbants. Son propre poids lui semblait compliqué à supporter et sa respiration toujours sujette à des saccades l’empêchait de communiquer comme elle l’aurait souhaité. Pourtant, elle avait opiné doucement de la tête, consciente qu’en restant ici, elle n’aurait définitivement aucune chance de survie, alors qu’en le suivant un mince espoir pourrait exister. Ses doigts serrèrent doucement le bras qui la soutenait pour appuyer son mouvement de tête. Elle devait avancer. Si l’homme était venu l’aider, si son cycle ne s’était pas terminé, c’est que Khugastaa avait vraiment souhaité la tester et elle avait visiblement réussi l’épreuve.

- « Atten-dez… » souffla-t-elle en comprenant qu’il avait l’intention de partir immédiatement.

Lâchant son emprise, sans s’effondrer, alors qu’a bien la regarder tout devait indiquer le contraire, elle ramassa son sac, qu’elle réajusta sur son dos. Un poids en plus, inutile aux yeux de l’inconnu, particulièrement nécessaire pour ceux d’Aure. Son arc fut réajusté convenablement, tout comme ses flèches, et si elle avait perdu dans sa course son épée courte et l’une de ses dagues, cela ne l’affecta pas outre mesure. Une nouvelle fois, elle opina, signe qu’elle était prête à le suivre cette fois-ci. Si habituellement et en meilleure condition, elle aurait fait preuve d’une curiosité débordante, elle n’en fit rien, visiblement encore affectée par les récentes complications. Inutile pour lui d’essayer de la débarrasser de quoi que ce soit, elle était bien trop têtue pour accepter de l‘handicapé davantage et si elle n’avait pas encore remarqué sa blessure, nul doute que quand cela serait le cas, elle l’obligerait à la laisser se faire soigner.

Les cris des assaillants se rapprochaient, tout comme les bruits de courses, ils n’allaient certainement pas apprécier la découverte des cadavres. Faisant un pas en avant, la totalité des muscles de la jeune femme hurlèrent à l’unisson la fatigue générale. Ignorant cet élément pourtant important, elle avança une nouvelle fois jusqu’à le rejoindre, juste être à son niveau pour le suivre dans une course où il imposa le rythme, qu’elle suivit sans jamais se plaindre malgré les sueurs régulières que son corps mettait en place pour la mettre en garde. Avancer, simplement, survivre bêtement. Sa vision était toujours trouble, ce qui ne lui permettait pas de découvrir pleinement la silhouette de ce sauveur, visiblement bienveillant. À moins que ce ne soit encore une illusion, une supercherie mise en place pour mieux la piéger par la suite ? Avancer. Encore. S’engouffrer sur le chemin, le suivre, maintenir un rythme qui semblait improbable après autant de chemin parcouru et de déconvenue et pourtant, par une force inexpliquée, elle y parvenait. Évidemment, son souffle saccadé, qui se coupait par moment devait indiquer à quel point tout son être était en souffrance, ses joues roses d’épuisement, ses lèvres bleutées qui commençaient à craqueler tant elle les mordillait pour évacuer la douleur et le stress.

Son regard ne se détachait pas de l’homme qui était naturellement un peu en avance sur elle et si le silence avait fini par régner. Silence qu’Aure ne remarqua même pas, certain que les hommes devaient encore être à leur poursuite. Jusqu’à ce que plusieurs hurlements à l’unisson retentirent, douloureuse tristesse que la découverte d’un corps d’un ami, de deux amis. Aure avait naturellement ralenti le rythme jusqu’à stopper quelques secondes. Les mains sur les genoux, elle souffla, plusieurs fois et sil avaient eu la mauvaise idée de lui demander si ça allait, elle avait murmuré :


- « Ça va. On continue »

Elle était déterminée à atteindre cette fameuse brume pour qu’il soit en sécurité. À aucun moment elle n’avait pensé faire ça pour elle, mais uniquement pour celui qui avait dû tuer par sa faute. Le rythme avait donc repris, moins soutenu cependant, la force mentale ne suffisant pas toujours. Difficile de savoir si les hommes avaient abandonné ou non la poursuite. Ce qui était évidemment c’est qu’après un temps de course qu’elle n’avait pas identifié avec précision, la brume se dessina enfin. Elle avait cessé de courir, poursuivant sa progression en marchant plus doucement, toujours plus doucement, ignorant les battements de son cœur violenter ses artères, ou encore sa respiration se couper plus longuement. Une fois parfaitement entouré de ce qui lui semblait être des nuages, elle s’arrêta la ferma les yeux et souffla plus bruyamment. Cette fois-ci, elle avait été au plus loin du supportable, dépassée encore et encore c’est limite, jusqu’à ne plus en pouvoir. Elle pivota légèrement vers son sauveur, lui offrit son premier sourire, qui devait paraître bien trop joyeux vis-à-vis des circonstances, puis reprit la parole :

- « C’est bon. Vous pouvez reprendre votre route, je ne veux pas être un poids, vous avez pris suffisamment de risques. Merci. »

Puis sur ses mots, sans crier gare, son corps fut subitement beaucoup plus lourd, beaucoup moins supportable et elle s’effondra. La lumière se transforma en une obscurité profonde, si profonde que l’unique chose qu’elle perçut en dernier fut le choc de son corps rencontrant le sol froid recouvert de neige. Pourtant, elle était encore en vie. Son ventre se gonflait de façon irrégulière d’air, mais cette fois-ci, tout son organisme l’avait rappelé à l’ordre, il était à bout, elle était épuisée… Mais au moins, l’inconnu était en sécurité.

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Douce désillusion  EmptyVen 27 Oct - 19:55
- Je suis désolée… Vous avez dû tuer par ma faute.

Donovan tressaillit- il était rare qu’une personne… s’excuse pour lui avoir portée assistance. Cette jeune femme l’intriguait ; il pouvait voir au fond de ses yeux que la souffrance qui la prenait n’était pas que physique... Mais l’heure n’était pas à la découverte de l’autre. Il se contenta de hocher la tête, restant silencieux et à l’écoute du bruit qui se répandait dans la forêt. Et qui n’augurait rien de bon pour eux : il fallait qu’ils se mettent en mouvement, et vite.

Aussi refréna-t-il son impatience lorsqu’elle l’arrêta et que, après avoir lâché la douce emprise qu’elle avait eu sur son bras, elle s’en retourna récupérer ses affaires. Il tendit une main vers elle, mais arrêta son geste immédiatement : la détermination qu’il pouvait lire sur le visage de cette inconnue lui faisait comprendre qu’elle porterait, seule, son fardeau. Et si Donovan avait toujours eu ce réflexe d’aider son prochain, il savait aussi que l’on n’aide pas quelqu’un qui ne souhaite pas l’être. De toute façon, vu son état d’épuisement, la jeune femme ne tiendrait plus longtemps, et n’aurait bientôt plus son mot à dire quand on partage de la charge.

- Venez, fit-il lorsqu’elle fut fin prête.

Le jeune Gharyn ouvrit la marche, imposant à l’inconnue un rythme rapide- et leur marche à travers la neige et les arbres débuta, alors que les cris se rapprochaient. A sa grande surprise, celle qui l’accompagnerait au moins pour cette journée soutenait le rythme, et il ne put que l’admirer pour cela. Donovan resta silencieux- parler aurait non seulement pu révéler leur position, mais aurait demandé des efforts supplémentaires à tous deux. Il marchait quelques pas au-devant, ignorant cette culpabilité qui naquit en lui de ne pas faire plus attention à elle.

Il l’avait appris à ses dépend : il lui fallait s’endurcir, et cela commençait par ne pas surprotéger les gens. Et de toute façon, tant qu’elle arrivait toujours à tenir sur ses deux jambes, autant avancer le plus vite possible. Il sentait le regard de la jeune femme sur son dos, mais pas une seule il ne se retourna.

Sauf quand plusieurs cris retentirent à l’unisson derrière eux- pendant une seconde, Donovan se figea et jeta un regard furieux par-dessus son épaule, avant de reprendre la marche. Ils avaient trouvé les corps de leurs camarades, et redoubleraient d’ardeur à les trouver. Il avait espéré avoir un peu plus de temps… et se maudit intérieurement. Il aurait dû cacher les corps. Construire une illusion, ou même les camoufler, les flanquer dans des buissons… mais non ! L’imbécile qu’il était les avait laissés bien exposés, faciles à trouver. Par Khugastaa, comment pouvait-il prétendre protéger quelqu’un s’il ne pensait pas à quelque chose d’aussi simple ?

Revenant à lui, il se rendit compte qu’il n’entendait plus les bruits de pas de l’inconnue- et lorsqu’il se retourna, il la trouva penchée les mains sur ses genoux, essoufflée. Son esprit travailla en vitesse : elle ne pourrait continuer come ceci. Il pouvait lui prendre ses affaires, mais il doutait qu’elle accepte de le laisser faire. Il pouvait aussi la porter elle, directement, mais il risquait plus de l’effrayer qu’autre chose. Une illusion ? Il n’en était pas capable- s’il était bon dans sa magie, il avait des pratiques peu… conventionnelles, pour un mage de Khugastaa, et modifier un environnement ou les rendre invisible n’entrait pas dans son domaine de compétences.

La jeune femme du sentir son hésitation, car elle laissa un murmure s’échapper de ses lèvres.

- Ça va. On continue


Donovan se contenta de hocher la tête- décidément, cette femme l’impressionnait. Tous les sens en alertes, ses yeux sans cesse en mouvement afin de ne rien rater, le Gharyn reprit la marche ; et la jeune femme suivit, mobilisant ses dernières forces pour s’en sortir.

Si leur rythme avait ralenti, ils progressaient petit à petit. Donovan la guida à travers les arbres jusqu’à atteindre ce petit chemin qui allait se perdre dans la montagne. Leur marche se corsa avec la montée et le sol rocailleux, mais tous deux tinrent bon. Inquiet de ne plus entendre les hommes qui les cherchaient et donc de ne pas savoir où ils étaient, Donovan regardait régulièrement derrière lui. Et à chaque fois qu’il voyait la détermination affichée sur le visage de l’inconnue alors qu’elle lui semblait être sur le point de s’effondrait, il ne pouvait s’empêcher de se poser tout un tas de questions à son sujet. Par Khugastaa, quelle avait été sa vie pour pouvoir endurer tout ça ?

Au bout d’un temps que Donovan ne parvenait pas à calculer, la brume salvatrice, enfin, se présenta à eux ! Lorsque les premiers bras du brouillard virent les envelopper, le Gharyn s’autorisa un léger soupir. Maintenant, trouver un abri, se reposer un peu. La montagne offrait de nombreuses cachettes parmi la roche, et si ses souvenirs étaient bon, il y avait non loin une cavité qui devrait faire l’affaire. Ils repartiraient plus tard.

Donovan ralenti le pas pour marche aux côtés de la jeune femme- mais alors qu’ils s’enfonçaient de plus en plus dans la brume, celle-ci, à bout de souffle, s’arrêta soudainement et se tourna vers lui.

- C’est bon. Vous pouvez reprendre votre route, je ne veux pas être un poids, vous avez pris suffisamment de risques. Merci.

Et avant même que le Gharyn n’ai pu prononcer le moindre mot, elle s’écroula. Son corps heurta le sol avant qu’il ne puisse la rattraper- et, complètement désorienté, Donovan se précipita sur elle et s’agenouilla à ses côtés.

- Ha non ! Non non non non…


Par tous les Architectes, mais quel idiot il avait été ! A s’inquiéter autant, et à ne pas lui prêter plus d’attention que ça, il avait dû passer pour le dernier des sauvages ! Pas étonnant qu’elle eue ce sentiment d’être un poids pour lui. Il s’en voulait, à présent, de l’avoir faite culpabiliser ainsi. Echapper à des hommes brutaux pour se retrouver avec un sauvage quasi-muet…

Le jeune Gharyn écarta quelques mèches de cheveux roux qui collaient au visage de la jeune femme, ressentant un certain malaise à ce contact. Surement que consciente, elle ne l’aurait pas laissé faire…

- Allez, réveille-toi… réveille-toi…

Il fit de petites tapes sur la joue de l’inconnue, dans l’espoir de lui faire reprendre ses esprits, mais il ne parvint qu’à lui laisser une légère marque rouge. Donovan se redressa et poussa un profond soupir, passant une main dans ses longs cheveux. La laisser ici était hors de question- il ne l’abandonnerait pas. Créer une illusion ? Encore une fois, il n’était pas expert dans ce domaine-là de magie. Quant à la porter…

Il jeta un dernier regard à la jeune femme évanouie, puis se pencha vers elle et s’efforça de la soulever. Sa protégée n’était pas lourde- une fois fait l’effort de la décoller du sol, il se dit que même avec le surplus de poids qu’elle s’était infligée, il tiendrait bien quelques mètres.

Il s’enfonça alors plus profondément dans la brume, l’inconnue dans les bras, à la recherche d’un abri. Quelques minutes plus tard, il découvrit un endroit propice à leur protection. A quelques mètres du sentier principal, au détour d’un pan de roche, il vit comme un trou dans la montagne.

Il y entra- la caverne était petite, mais elle les cacherait suffisamment bien si leurs assaillants suivaient le chemin. S’ils décidaient de fouiller les environs, ils mourraient, mais il estima que cela était peu probable. Les hommes de cette espèce n’étaient jamais très malins ; et il pria Khugastaa pour qu’il ne soit pas dans l’erreur.

Il allongea la jeune femme dans la caverne et s’assit à côté d’elle. Délicatement, il posa un doigt sur sa gorge- elle vivait. Sa respiration semblait paisible, mais la pauvre âme avait l’air gelée et Donovan connaissait les risques de la laisser ainsi. Faire un feu révèlerait leur position, aussi il détacha son armure de cuire afin d’en couvrir l’inconnue. Ce n’était pas grand-chose, mais cela ne pouvait que faire du bien.

Le froid l’agressa dès qu’il se retrouva en chemise, mais il en fit l’abstraction. C’était un natif de Khurmag : de sa vie, il n’avait jamais connu que le souffle de cette région glaciale. Alors, il saisit sa gourde d’une main et entrouvrit la bouche de la jeune femme afin d’y verser de l’eau. Il crût qu’elle allait se réveiller lorsqu’elle toussota, mais son corps semblait avoir dépassé ses limites depuis longtemps, et elle n’ouvrit pas les yeux.

Le jeune Gharyn resta un instant à la regarder ; elle avait son charme, même dans son état. Il esquissa un léger sourire- puis le froid se rappela à lui et il frissonna. Ne pouvant plus l’ignorer, Donovan fit ce qu’il faisait toujours dans ces cas : il s’assit en tailleur et, le dos droit, il ferma les yeux, laissant Khurmag mordre son corps.

Et alors qu’il entra en méditation, son esprit s’éveilla

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Douce désillusion  EmptySam 28 Oct - 19:02
Le corps soudainement lourd, la vision beaucoup plus trouble, Aure n’eut le temps que d’offrir un demi-sourire avant de laisser la brume l’emporter dans l’inconscience. Le choc de sa silhouette sur le sol froid ne parvint pas à la réveiller ou à la tenir consciente. C’est dans le noir complet que l’esprit de la jeune femme se volatilisa sans crier gare. Difficile de savoir si elle parvenait à dissocier encore les bruits environnants, difficile de savoir si elle avait senti les petites tapes sur sa joue ou son corps se faire transporter. Elle n’avait en tout cas, pas offert la moindre résistance, telle une poupée de chiffon, la rouquine avait été déplacée sans même qu’elle ne puisse s’en apercevoir ou mettre en place une quelconque résistance. Allongée, puis recouverte d’un vêtement chaud, elle n’avait toujours pas semblé vouloir se réveiller. Aure eut néanmoins quelques mouvements durant son absence. Un petit couinement s’était échappé de ses lèvres, alors que son visage s’était tourné à l’opposé du Ghary après une quinte de toux provoquée par le liquide qu’elle venait d’avaler. S’emmitouflant dans le vêtement dans des gestes réflexes, elle grogna quelque peu dans son sommeil, comme elle aurait pu le faire en se trouvant dans son lit vis-à-vis de quelqu’un essayant de la tirer de son sommeil. Ravalant sa salive dans un petit bruit un peu enfantin, elle s’installa plus ou moins en boule, visiblement prête à hiberner pour un long, très long, moment. Nulle conscience de sa condition, nulle conscience de la présence d’un étranger, nul souvenir dans son esprit embrumé de ce qu’il venait de se passer.

Doucement, à l’aide des minutes s’écoulant, son corps se réchauffa de par sa position et le vêtement rajouté sur son être, ses lèvres perdirent un instant de l’intensité bleuté et son visage retrouva des couleurs plus vivante, plus humaine et beaucoup moins pâle. Bien qu’endormi, cela n’empêcha à aucun moment son esprit de vagabonder, de lui permettre de rêver ou tout du moins de laisser son âme imaginer ce que bon lui semblait. Aussi, se retrouva-t-elle dans un champ de fleur blanche, toute plus belle les unes que les autres avançant pied nu au milieu de ce lieu magnifique et si paisible. Une voix familière était venue se faire entendre comme un souffle jusqu’à ses oreilles, puis le visage de sa mère lui répétant ses dernières recommandations avant le fameux départ. Son corps inerte n’avait rien du laisser transparaître hormis, peut-être un petit sourire sur les lèvres. Plus loin dans sa progression, Aure était parvenue à rentrer dans un cabanon en bois, où une table était installée soigneusement, les occupants avaient le visage flou, lointain, comme-ci quelque chose l’empêchait de pouvoir distinguer les traits de leurs visages. Une nouvelle fois son corps meurtri par les activités et le rythme qu’elle s’était imposé s’agita, son visage bascula plus brusquement cette fois du côté de l’homme en pleine méditation, ses sourcils se froncèrent.

Elle avait reculé, du moins, dans son voyage imaginaire, elle avait eu peur et c’est dans un réflexe de survie qu’elle avait fini par courir sans savoir ce qu’elle fuyait exactement. Son cœur s’emballa, sa respiration se fit plus bruyante, alors qu’elle cessait sa précipitation. Devant elle à présent, les fleurs blanches se fermèrent les unes après les autres pour se ré-ouvrir d’un rouge sanguin qui l’a terrifia. Le corps de l’homme qu’elle avait tué était là lui aussi, à ses pieds, alors que ses mains se recouvraient sans que ça n’est le moindre sens de son liquide vital. De nouveau, son corps encore endormi bougea et un nouveau couinement désagréable avait fui ses lèvres dans un souffle suppliant. Le rêve se termina d’une étrange manière, une voix qui ne lui semblait pas familière avait de nouveau fait son apparition murmura qu’elle devait lui faire confiance, un précipice se dessina et dans un hochement de tête, elle avait sauté.

Cette fois-ci, nulle songe, nul rêve, les yeux de l’endormie avaient fini par s’ouvrir brusquement alors qu’elle prenait une grande respiration, comme-ci elle avait pu manquer d’air. Cette fois-ci, elle n’était plus dans le champ, mais bien dans une grotte. Aure avait fermé les yeux, avant de les ré-ouvrir une seconde fois, sans avoir la moindre idée d’où elle pouvait se trouver. Rabantant instinctivement le vêtement sur elle, Aure comprit immédiatement qu’il n’était pas à elle et elle le repoussa avec force avant de remarquer enfin la présence de cet autre. Silencieuse, tel un animal, elle le détailla de ses yeux clairs, cherchant à savoir s’il était dangereux ou non. Sa tête la lança quelque peu, accompagnée d’un léger tournis. Déposant la paume de sa main droite sur son front qu’elle frotta légèrement, elle finit par faire entendre la sonorité de sa voix encore un peu endormi :


- «  Où sommes-nous ? »

Une question simple, dont la réponse semblait pourtant tout aussi simple. Dans une grotte, humide froide, avec un étranger qui ne semblait ni agressif ni pour autant sans danger. Elle roula doucement des épaules, grimaça quand la douleur de la morsure de son épaule se réveilla. Aurore tachait de faire travailler sa mémoire, de se souvenir de comment elle avait encore réussi à se mettre en difficulté. Tournant doucement la tête pour ne pas aviser l’inconnu dont l’unique présence semblait la gêner sans qu’elle ne puisse identifier la raison. Est-ce qu’il l’avait kidnappé ? Est-ce qu’elle était sa prisonnière ? Fronçant lentement les sourcils, elle se redressa quelque peu, rabattant ses genoux contre sa poitrine, déposant son menton sur le haut. Son regard cherchait cette fois-ci son équipement, son sac, son arc ses flèches. Un soupir s’échappa lentement de ses lèvres, alors qu’elle s’autorisait une nouvelle question :

- «  Est-ce qu’on va se battre ? »

C’était naïf, tout aussi soudain que sa question précédente, néanmoins il lui semblait judicieux de savoir vers quoi elle se dirigeait et se préparer mentalement à un éventuel conflit physique. Se penchant elle attrapa du bout des doigts elle récupéra l’armure de cuir, qu’elle souleva avant de tendre le bras vers lui, ajoutant :

- «  C’est à vous… Je crois. »

Parce qu’elle n’était pas vraiment certaine, ni même rassurée, parce que son esprit n’était pas encore en pleine possession de ses moyens, elle avait véritablement du mal à se souvenir comment elle était arrivée là. Nerveusement elle passa ensuite ses mains sur le haut de ses bras, cherchant à se réchauffer, cette fois-ci elle ne le quittait plus des yeux.

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Douce désillusion  EmptyJeu 2 Nov - 11:57
Donovan laissa son esprit vagabonder- d’abord, il ressenti ce froid mordant saisir chaque cellule de son corps, senti ses cheveux qui pendaient dans son dos et l’élancement dans son épaule suite à la morsure du fer. Il accepta tout cela, et peu à peu, il s’adapta : le froid se fit moins présent, la douleur moins forte : la première étape de sa méditation venait de passer.

Ensuite, il s’ouvrit à son entourage direct : la dureté de la roche contre laquelle il se tenait appuyé. La respiration agitée de cette jeune femme, qui se tenait à côté de lui ; les légers murmures qu’elle pouvait laisser échapper… Ces sons, il les intégra, les comprit- et au bout de quelques minutes, Donovan passa même cela- son esprit passa les murs de la caverne.

Il pouvait sentir la brume qui les entourait, leur offrant une protection de fortune, comme s’ils étaient isolés du reste du monde. Il entendit des grattements, légers, et des cailloux qui roulaient. Mais plus que tout il entendit le silence environnant, que seules des créatures discrètes venaient troubler…

Puis l’agitation de la jeune femme se fit de plus en plus dense, et la concentration de Donovan se brisa- il resta quelques secondes les yeux fermés, sans bouger, sentant sur lui le regard de l’inconnue. Elle avait peur… il pouvait le sentir sans même la regarde. Alors, doucement, il ouvrit ses yeux et jeta sur elle un regard de bienveillance. Elle avait rejeté le pan d’armure qu’il lui avait donné pour la réchauffer et lui lançait un regard déstabilisé. Demandant d’une voix encore incertaine où ils étaient, elle répondit elle-même à sa question en détaillant la caverne.

Puis, dans un élan craintif, elle se recroquevilla sur elle-même dans un coin de la caverne, déclenchant chez le jeune Gharyn des sentiments confus. C’était la première fois de sa vie qu’il était vraiment perçu comme une menace. Comme quelqu’un de potentiellement dangereux. Il avait certainement pris un mauvais départ avec elle, et n’avait pas la moindre idée de comment rattraper les choses. Pour ce qu’il en savait, quoi qu’il dise serait déformé par ce ressenti qui semblait déjà bien ancrée chez la jeune femme…

Il attrapa d’une main délicate l’armure de cuir qu’elle lui tendait, et s’essaya à lui sourire.

- Merci, fit-il en entreprenant de la remettre.

Il passa une main dans ses cheveux et poussa un profond soupir. Il avait décidé de jouer cartes sur table, et tant pis si les choses tournaient mal. A ses yeux, l’honnêteté était la meilleure façon de la rassurer.

- Cet homme que j’ai tué, un peu plus tôt… C’était la première fois. Que je doive tuer quelqu’un au combat, je veux dire. C’était regrettable. Et je n’y ai pris aucun plaisir.

Il avait tenté jusque-là de faire abstraction de ce souvenir pénible, mais d’en reparler le perturbait. Il ne savait comment gérer quelque chose comme ça, et cela le touchait plus qu’il n’aurait bien voulu l’admettre.

Il lutta pour garder une voix ferme.

- Je… j’imagine bien de quelle manière j’ai dû vous apparaître. Et je ne suis pas certain d’avoir fait ce qu’il faut par la suite pour vous enlever ce sentiment à mon égard. Mais non, nous n’allons pas nous battre. Je ne vous veux aucun mal : je ne suis ni un tueur, ni un grand guerrier.

Il saisit sa gourde d’eau et la tendit à la jeune femme.

- Je vous dirais bien de ne rien craindre de moi, mais entre les hommes qui vous suivaient et mes derniers exploits, je comprends que cela ne soit pas facile pour vous. Tenez, buvez. Ce n’est que de l’eau.

Il tendit une main vers l’entrée de la grotte.

- Mon nom est Donovan, et je vous ai amenée ici pour vous protéger. Et si vous m’en laissez l’occasion, j’aimerais continuer à le faire, au moins jusqu’à ce que vous soyez en sécurité, et vous démontrez que je ne suis pas un homme mauvais. En tous cas, j’espère ne pas l’être. Mais je ne vous retiendrais pas de force. Si vous souhaitez partir et tenter votre chance dehors, je ne vous en empêcherait pas…

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Douce désillusion  EmptyVen 3 Nov - 14:49
Aurore ne bougeait pas d’un centimètre, d’un millimètre, le regard figé sur la silhouette masculine qui se trouvait à quelque pas devant elle.  La rousse détaillait l’homme avec une pointe d’inquiétude dans le regard, certaine que lui aussi pouvait être capable du pire. Ses doigts entrelaçaient les morceaux de tissus de tenue vestimentaire, alors qu’elle s’appliquait à essayer de se détendre, à essayer de comprendre. L’homme récupéra son armure de cuir, sans geste brusque, cela ne rassura guère davantage la jeune femme qui s’imaginait déjà devoir faire preuve d’une redoutable imagination pour se sortir de ce mauvais pas. Son esprit commençait néanmoins à se remettre lentement en route, analysant le fait que s’il avait réellement souhaité lui nuire, l’acte serait à ne pas en douter déjà fait. Silencieuse, elle avait fini par se concentrer sur autre chose que la carrure de son interlocuteur, écoutant ses paroles, qui provoquèrent en une fraction de seconde, ce même vent de culpabilité qu’elle avait pu ressentir quelque heure plus tôt. Il avait tué pour la première fois à cause d’elle, elle l’avait obligé égoïstement à offrir son dernier souffle à un homme, un homme qui devait vivre tout comme lui dans cette région.

Sa gorge se noua, alors que ses mains tremblèrent quelque peu. Elle était coupable à ses yeux d’un crime qui ne pouvait obtenir aucun pardon. Se mettre dans une situation délicate était une chose, imposer à un inconnu de se mettre en danger pour lui venir en aide en était une autre, obliger ledit inconnu de tuer pour sauver sa vie et la sienne était une finalité beaucoup plus difficile à digérer. Aurore culpabilisa davantage en prenant conscience de ce comportement défensif qu’elle tenait face à celui qui venait pourtant de lui offrir une seconde chance, celle de continuer à vivre. Lentement, elle tenta d’adopter une posture moins inquiète, moins soucieuse aussi, mais le moindre de ses gestes devait paraître maladroit, trop contrôlé. Elle abandonna cette position coquille, pour étirer ses jambes devant elle, déposa ses mains sur ses cuisses, sans chercher à se recroqueviller d’une quelconque manière, même si tout son être semblait avoir ce besoin de se renfermer sur lui-même. L’homme disait ne pas vouloir se battre, ne pas être un bon guerrier et n’être nullement un quelconque tueur. Sa main s’était tendue vers elle, tenant une gourde, qu’il crut bon de préciser qu’elle ne contenait que de l’eau.

Le regard vert clair de la rouquine s’était déposé sur le geste, l’analysant, l’avisant quelque seconde sans jamais offrir un quelconque signe qu’elle allait récupérer le récipient. C’est après une longue minute d’hésitation qu’elle s’était légèrement penchée pour le prendre dans ses mains. Toujours silencieuse, Aure ne parvenait pas à montrer une attitude plus ouverte, plus détendue et ceux malgré tous les efforts qu’elle pensait faire. Approchant la gourde de ses lèvres, elle huma d’abord l’odeur de celle-ci avant de s’autoriser à boire une gorgée, puis une autre, un peu plus longue. Elle ne s’était même pas aperçue de sa soif et ne voulant pas paraître assoiffée ou trop soudainement trop sauvage, elle n’osa pas en prendre une nouvelle. S’essuyant les lèvres du dos de sa main gauche, elle retendit l’objet à son interlocuteur, qui poursuivait son explication.

Il voulait l’aider encore ? Difficile de comprendre la raison de cette soudaine envie de protection. Elle ne le connaissait pas, lui ne la connaissait pas non plus. Pourtant il semblait avoir besoin de lui venir en aide, comme-ci en faisant cet acte bienveillant, il en tirerait un réconfort quelconque. Hésitante, la rouquine avisa un long moment l’extérieur de l’abri de fortune, consciente de n’avoir aucune chance ici seule. Elle ne connaissait pas le lieu, n’avait aucun souvenir de la façon dont elle était parvenue jusqu’ici. S’aventurer de façon solitaire dans un terrain inconnu revenait un peu à sauter dans le vide avec l’espoir de voir sa chute amortie par un quelconque miracle.

- « Aure. » S’autorisa-t-elle à formuler pour débuter, laissant entendre une voix encore faible, mais plutôt douce «  Enfin, Aurore pour être exacte, mais je crois que personne ne m’appelle encore ainsi. »

Observatrice, elle stoppa presque aussi brusquement son début de communication. Fixant ce qu’elle avait identifié comme une blessure au niveau de l’épaule du dénommé Donovan. Instinctivement, elle s’était relevée, luttant contre un vertige offert par le geste brusque et trop soudain qu’elle venait d’effectuer. Sa main se rattrapa sur la paroi rocailleuse alors qu’un léger soupir s’échappa de ses lèvres, un peu moins bleutées. Une fois la sensation passée, elle s’approcha tout en douceur de son interlocuteur, jusqu’à venir s’agenouiller proche de lui. Au fond, elle ne lui demanda nullement son avis ni ne l’informa de ce qu’elle allait faire, frottant doucement ses mains entre elles, pour ne pas qu’elle soit trop froide, elle écarta doucement l’ouverture du tissu provoqué le fer. La plaie n’était pas très profonde, cependant, la blessure devait certainement picoter un peu. Une légère grimace traversa les traits de son visage, avant d’abandonner son observation pour chercher du regard son sac.

- «  Vous auriez dû commencer par là tout de suite. » Grommela-t-elle comme une mère pourrait enguirlander sa progéniture. « Une blessure ne doit jamais rester sans soin trop longtemps » poursuit-elle dans la même sonorité.

A ce moment précis, plus de gêne dans son esprit, ou tout du moins plus suffisamment pour maintenir la distance qu’elle avait imposée. Elle n’avait qu’une et unique chose en tête, soigner. Le reste, ça serait pour plus tard. Abandonnant sa position de proximité, Aure s’était déplacée jusqu’à son sac qu’elle avait identifié un peu plus loin, fouillant dans celui-ci, elle sortit un mélange de plantes soigneusement emballées.

- «  Je ne suis pas une fervente de Möchlog, en revanche, je connais les plantes. Celle-ci devrait suffire pour soulager un peu. »

Elle se rapprocha une nouvelle fois de son interlocuteur, plus hésitante cette fois, moins certaine d’accepter cette proximité. Elle resta cependant concentrée sur son objectif, soigner la plaie. Le reste serait pour plus tard. Récupérant la gourde, elle mélangea le tout dans un petit réceptacle appuyant sur le mélange eau/plante avec une petite pierre. Une fois le tout formant une légère pâte, elle cessa ses mouvements, pour récupérer le mélange sur ses doigts, releva doucement le regard vers son interlocuteur, demandant cette fois, son autorisation :

- «  Je peux ? »

Elle montrait la texture à l’odeur peu appréciable, évitant tout de même de trop lui mettre sous le nez.  Si sa fatigue semblait encore bien présente sur les traits de son visage, dans son regard, il n’en était rien. Profitant de ce petit moment plus calme, mon agressif, elle déposa délicatement ses doigts avec la pâte visqueuse pour recouvrir la plaie et poursuivit dans ses explications de tout à l’heure.

- «  Je suis sincèrement désolée pour l’épreuve que j’ai dû vous faire subir. Croyez-moi, ce n’était pas ce que je voulais en venant ici… Je voulais juste…. » juste quoi, découvrir un architecte qu’elle ne connaît pas, mais qu’elle aime inexplicablement ? C’était trop difficile à dire, trop stupide aussi. « Découvrir la région. » Finit-elle par dire, demi-mensonge. « C’est plutôt moi qui devrais vous offrir quelque chose pour l’aide apportée. » Souffla-t-elle en terminant son action.

Doucement elle termina d’étaler la pâte, avant d’essuyer le restant sur sa propre cuisse. Elle offrit un sourire sincère à son interlocuteur avant de se relever pour réinstaurer une distance respectable. Les joues légèrement roses par le froid et la gêne, Aure ne savait pas réellement quoi ajouter, elle n’était vraiment pas faite pour être sociable, ou tout du moins n’en avait réellement pas l’habitude.

- « Pourquoi vous tenez temps à m’aider… J’ai dû vous apporter plus de problèmes qu’autre chose jusque-là. » Puis renonçant à tout mensonge elle termina «  Pour être honnête depuis quelque année, je me suis trouvé une véritable… obsession pour Khugatsaa… Je pensais naïvement qu’en venant dans cette région, cela me rapprocherait de mon architecte… Je ne pensais pas que les personnes de mon propre peuple étaient capables de s’entretuer… Je crois que j’ai été bien trop naïve, tout ça n’était vraiment pas une bonne idée. »

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Douce désillusion  EmptyMer 8 Nov - 11:58
Donovan n’eut que le temps de retenir le nom de la jeune femme que déjà, elle jetait un regard maussade à la blessure qu’il avait à l’épaule. Gêné par autant de proximité, le jeune Gharyn senti son visage s’empourprer.

- Non mais vous… je…

Il s’en étouffa presque alors qu’elle regardait de près la zébrure rouge qui parcourait son corps. Et elle lui faisait des reproches, maintenant ! Il avait du mal à la comprendre. Elle qui quelques minutes auparavant s’était montrée méfiante, elle allait maintenant fouiner son sac à la recherche de… plantes, à priori, pour entreprendre de le soigner.

Il la laissa préparer sa mixture d’un air perplexe. Puis, elle revint vers lui, mais arrêta son geste à quelques centimètres de lui.

- Je peux ?, fit-elle.

Donovan poussa un léger soupir.

- Je ne suis pas certain d’avoir le choix…

Sans se laisser démonter, elle posa délicatement les doigts sur la plaie du jeune Gharyn afin de la recouvrir de sa préparation. Donovan tressaillit à ce contact. Il la laissa faire- avec la détermination qu’elle avait, il n’osait rien dire.

Il écouta également avec attention tout ce qu’elle lui raconta- son envie de découvrir la région de Khurmag, une envie de voyage… et lui demandait pourquoi il s’occupait d’elle. Mais ce qui l’interpella plus qu’autre chose, ce fut cette envie d’attirance pour Khugatsaa qu’elle évoqua rapidement…

Il fit le lien de lui-même : l’hésitation qu’elle avait marqué un peu plus tôt dans son discours, concernant la raison qui l’avait poussée à quitter son foyer ne lui avait pas échappée. Le voyage de la jeune femme n’était pas qu’une envie de voir du pays et de la neige ; il y avait quelque chose de plus profond.

Devant le désespoir qu’il croyait lire en la jeune femme, il afficha un sourire bienveillant.

- Vous êtes une enfant de Khugatsaa, Aurore.

Il se refusait à l’appeler par ce surnom qu’elle lui avait donné : Aure. Non, cela lui semblait trop proche encore des illusions ; se cacher derrière un surnom n’était pas dans ses principes.

- Cela ne dépend pas de l’endroit où vous vivez. Cela ne dépend pas de votre famille, ou même de leur croyance. Cela dépend uniquement de Khugatsaa : il vous a choisie, et cette affinité que vous ressentez pour ce grand Architecte signifie bien que vous êtes une enfant de Khugatsaa.

Il posa une main sur son cœur.

- Nous ne sommes rien pour choisir un Architecte : c’est à eux de décider. Il y a encore de trop nombreuses personnes qui luttent contre cette affinité naturelle que vous ressentez. Parce que vous grandissez dans une région autre que Khurmag, parce que votre famille vous apprend à aimer un Architecte ; et que si vous n’adhérez pas, vous êtes rejetée. Mise à l’écart. Mais mon Khorog me dit sans cesse ceci : lutter contre un Architecte ne fera qu’engendrer et alimenter un conflit intérieur en vous.

Le sourire s’effaça, et son regard se fit plus sérieux.

- En d’autres termes, Aurore, vous ne serez jamais heureuse. Vous ne serez jamais à votre place. Comprenez bien que je ne vous récite pas un laïus tout préparé pour faire de vous une fidèle de Khugatsaa. Je ne fais que vous transmettre un enseignement qui m’a été donné il y a de nombreuses années par un homme d’une immense sagesse. Vous devriez le rencontrer, je crois. Cela pourrait vous éclairer. Gardez cependant bien ceci en tête : ni lui ni moi ne vous dirons quoi faire. Nous partagerons nos expériences, nous vous dirons le fond de notre pensée, mais vous resterez toujours seule maîtresse de votre destin. Enfin, en ce qui nous concerne.

Il rassembla ses longs cheveux et, se saisissant d’un morceau de cuir, les attacha.

- Et autant que tout soit clair pour vous. Je ne tiens pas à VOUS aider. Et VOUS ne m’avez apporté aucun problème. En revanche, je tiens à aider toute personne en difficulté. Toute personne qui aurait besoin d’aide. Et ceci est d’autant plus vrai avec les enfants de Khugatsaa. La source de mes problèmes actuels ne vient pas de vous. Elle vient de Khurmag. Elle vient d’une région qui fut autrefois grande et qui aujourd’hui est mourante. Les Mages de l’Illusion sont devenus faibles ; et utilisent leur magie pour tromper. Rien de constructif ne ressort de cela. Cette bande de voleurs ? Il y en a bien trop par ici. Je suis intervenu car je ne peux plus tolérer cette situation. Pour protéger mes propres gens, d’abord, qui comptent sur moi. Pour redonner une nouvelle vie à Khurmag, et ainsi rendre gloire à Khugatsaa.

Alors qu’il parlait, ses mâchoires se serraient et ses yeux devenaient brillants. Ce rêve qu’il poursuivait lui semblaient aujourd’hui inaccessibles- et c’était pour cette raison qu’il lui avait fallu sévir.

- Je déteste la violence. Je ne suis pas intervenu pour répondre à l’appel du sang. En revanche, je considère que toute vie est sacrée. Je dis bien toute ; car ceux qui pensent ainsi oublient généralement l’essentiel. La vie de chaque animal est sacrée. De chaque homme. Ce qui inclus la mienne. Ma vie est sacrée.

Il regarda la jeune Aurore droit dans les yeux.

- Votre vie est sacrée. Vous ne devriez pas la négliger. Vous avez tout autant le droit de vivre que le plus petit insecte de Khurmag. Je tue pour protéger la vie ; car si toute vie est sacrée, nous sommes responsables de nos actes. Ces hommes auraient pu choisir de vous aider. De vous nourrir, de vous réchauffer. Au lieu de cela, ils ont préféré attenter à votre vie. C’est leur choix.

Une once de colère mal dissimulée tremblait dans sa voix.

- Ce n’est pas à cause de vous que j’ai dû tuer aujourd’hui. C’est à cause de lui. Et c’est lui, de par son choix, qui m’a poussé à cette extrémité. Il y a quelques temps, j’aurais essayé de trouver une autre solution, mais cela ne marche pas. Je ne peux plus me contenter de douces paroles. Khurmag s’écroule, et si je veux offrir un meilleur avenir aux générations futures, alors il me faudra porter ce fardeau.

Donovan se tu un instant, réalisant qu’il venait de vider son sac à une jeune femme qui devait déjà le prendre pour un fou. Poussant un long soupir, il laissa aller la colère et lui sourit à nouveau.

- Mes excuses, Aurore, pour ce long monologue. Si vous l’acceptez, je serais ravi de vous en apprendre plus sur Khurmag. Voir même de vous enseigner un ou deux petits tours de Khugatsaa : s’il vous a choisie, vous devriez pouvoir y parvenir.

Il tendit une main vers l’horizon.

- Je suis le Gharyn d’un village, à quelques jours d’ici. Vous y serez la bienvenue, si vous le souhaitez. Mon Khorog est un homme sage, proche de Khugatsaa. Vous gagneriez à le rencontrer un jour, si vos errances vous amènent à Cedren. Ou si vous décidez de m’y accompagner…

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Douce désillusion  EmptyMer 8 Nov - 23:57
L’homme avait eu raison de ne pas chercher à retenir l’envie de la jeune femme de le soigner, c’était sa façon à elle de le remercier, mais aussi de se montrer redevable. Une façon d’accepter les faits, tout en se donnant l’illusion d’avoir participé positivement à tout ça, de ne pas avoir été qu’un boulet qu’on traîne à droite à gauche. Aure s’était donc appliquée dans ses mouvements afin de  ne pas être désagréable, de ne pas être maladroite. Plus éloignée à présent de son interlocuteur, genoux sur le sol, pieds contre le derrière des cuisses, la rouquine se tenait droite, conservant son attention sur son interlocuteur. Il lui sembla important de souligner qu’elle était une enfant de Khugatsaa, la fin de sa première phase avait réussi à tirer une grimace à la rousse. Il la nommait par son prénom, Aurore. À chaque fois que celui-ci était prononcé en entier, la mage avait l’impression d’entendre des reproches. La rouquine avait laissé un soupir lui échapper, alors qu’elle tentait de fixer une nouvelle fois son attention sur son sauveur.

Donovan était ensuite parti dans un monologue long, mais visiblement sincère, que la rousse écoutait avec attention sans jamais le couper. Par respect d’abord, mais pas seulement, les paroles semblaient avoir du sens pour elle, ou tout du moins, lui parler. Aurore écoutait donc, tout en cherchant à comprendre le message qu’il essayait de faire passer. Ses lèvres s’entrouvraient parfois, signe qu’elle souhaitait répondre quelque chose, puis se refermaient signe qu’elle renonçait à toute relance d’un sujet qui pouvait prêter à débattre. Le sentiment de solitude, cette impression de ne pas être à sa place, Aure l’avait évidemment ressenti plus qu’une fois, tout comme l’envie d’un parent de la voir suivre une voie qui n’était pas la sienne, peu importe le moyen d’y parvenir. La jeune femme sembla se perdre un instant dans ses pensées avant de revenir dans le moment présent. Elle changea doucement de position, rabattant cette fois-ci ses jambes contre sa poitrine, déposant son menton sur le haut de ses genoux. Si elle regrettait tout ça ? Absolument pas, elle pouvait comprendre les points de vue, aussi extrême pouvaient-ils être.

La rousse avait encore quelque douleur à son épaule, mais ne semblait pas y porter attention, trop concentrée sur les propos que l’homme pouvait tenir. Il était extrémiste aussi, un peu à sa façon de voir les choses, enfin il semblait être surtout passionné. Donovan avait remonté sa chevelure, l’attachant, avant de poursuivre. Aure s’était contentée d’opiner lentement avant de secouer la tête, elle n’était pas réellement d’accord avec la notion de vie et de mort. Tout était une question de croyance en son cycle. Son éducation réalisée par un adepte de Möchlog et une adepte d’Amisgal, ne lui permettait pas d’avoir le même point de vue que celui de son interlocuteur. Elle s’était mordue l’intérieur de la joue, perplexe se promettant d’y revenir plus tard. La voix du Gharyn trahissait ses émotions. La révélation finale eut le don d’achever la rouquine qui n’avait pas pu s’empêcher de cacher sa surprise. Comment devait-elle se comporter avec un homme important ? Est-ce qu’elle devait changer de comportement ?


- «  Je… » elle se pinça une nouvelle fois la lèvre un peu perdue «  Je.. Je ne sais pas trop comment je dois me comporter à présent » souffla-t-elle étrangement sincère « Je n’ai pas l’habitude d’échanger avec des personnes …. Comme vous » elle était gênée, cela devait être parfaitement visible à la couleur de ses joues qui viraient vers le rose «  Alors… Avant de revenir sur votre fonction… Je vais essayer de vous répondre dans l’ordre… Je n’ai pas la même vision que vous de la mort, je crois en mon cycle et j’ai confiance en celui-ci. La mort n’est que l’opposé de la naissance, l’un comme l’autre sont essentiel et inévitable. Si ma vie doit se terminer, alors ça sera le cas sans que j’en éprouve la moindre peine ou regret »

C’était pas complètement vrai, elle n’avait jamais eu peur de la mort ni même eu de regret. D’ailleurs quand elle avait cru précédemment mourir, elle ne l’avait pas redouté, elle avait été simplement déçue que cela se termine ainsi. N’était-ce pas un sentiment normal quand on est certain de n’avoir rien à perdre ? Elle prit une légère inspiration, afin de poursuivre :

- « Vous avez raison, chaque vie est importante… Je suis navrée que votre région puisse connaître des mauvaises périodes. Mais, j’estime que la vie de ces hommes aussi mauvais soient-ils, n’était pas inférieure à ma vie à moi.. Vous comprenez ? À mon sens, rien ne peut justifier une mort, je n’arrive pas à éprouver cette colère, ou à la maintenir... Je… Je n’arrive pas à en vouloir.. Enfin…  Je ne comprends pas. » Admit-elle enfin «  Nous sommes dans une situation délicate… Les Daënars…certains nous exploitent et nous… » On ne fait rien ? On se livre une guerre froide entre membres d’un même peuple ?

Aurore avait fini par abandonner son argumentation, son explication, les souvenirs semblant encore être trop douloureux dans son esprit. Elle afficha une moue tirant vers la tristesse, avant de s’excuser une nouvelle fois :

- «  Je suis désolée Gharyn, j’ignore comment je dois me comporter avec vous…Je ne suis personne de bien important… Alors… » elle savait par avance qu’il risquait de lui faire comprendre qu’elle ne devait pas se sous-estimer « Si votre proposition… Enfin, je serais ravie de vous accompagner et de rencontrer votre Khorog ainsi que votre ville… Je pense même pouvoir vous être utile. » Elle afficha un sourire «  Je ne peux pas accepter autant sans rien en retour, vous comprenez ? Alors, il faudra me trouver quelque chose à faire pour vous aider. » Elle afficha un faible sourire « Et même si vous prenez ce que vous m’apportez pour une aide générale, cela ne m’empêche pas de la trouver personnelle, sachez que je vous suis très reconnaissante. Enfin bref, je crois que vous m’avez contaminé à l’art de dialoguer… je vais vous accompagner. »  

Elle fit une pause dans son dialogue, consciente qu’elle n’avait certainement pas parlé autant depuis très longtemps. Elle était plus détendue, moins méfiance, plus attentive aussi :

- « Je vous laisse décider quand vous souhaitez vous mettre en route, vous n’avez cas m’expliquer votre manière de percevoir l’illusion, si ce n’est pas en petit tour de passe-passe. »

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Douce désillusion  EmptyMar 12 Déc - 15:59
Donovan se sentit un instant mal à l’aise. Le changement d’attitude d’Aurore l’avait surpris ; car de sa vie, il ne s’était jamais vu lui-même comme étant quelqu’un de particulièrement important. En fait, personne ne lui avait jamais fait remarquer qu’il jouait un véritable rôle dans la géopolitique du monde- jusque-là, il s’était toujours contenté de faire de son mieux pour mener ses gens et leur garantir sécurité et bien-être. Il n’arrivait pas forcément à remplir ces objectifs, mais il prenait ses responsabilités.

Pourtant, à bien y réfléchir, il restait un chef de village, un guide à qui des individus accordaient leur confiance. Et ces derniers temps, il tentait de se transformer peu à peu en chef de guerre. Il poussa un profond soupir.

- Tenez vous-en à Donovan, Aurore. Pas de « Gharyn » avec moi : je suis autrement plus qu’un simple titre. Pour ce qui est de votre comportement, je vous en prie n’en changez pas : je ne suis après tout qu’un homme qui essaie tant bien que mal de trouver sa place en ce monde. Quant à votre conception de la vie, je la comprends.

Il leva une main.

- Cela ne veut pas dire que je sois d’accord avec elle, mais notre divergence se base sur un point qui me paraît essentiel : pour vous, tout est écrit, et la décision de votre mort en revient aux Architectes. Moi, je préfère croire qu’ils nous ont laissé le libre arbitre, et que c’est à nous, et uniquement à nous, de faire nos choix. Sinon, en ce qui me concerne, cela voudrait dire que ces choix sont guidés par la voix des Architectes… et nous déculpabilise de toute mauvaise action. Autrement dit : si ces hommes vous ont attaqués, ce n’est pas parce qu’un Architecte a décidé que votre mort était venue, mais parce qu’ils l’ont choisi. Et si, du fait de cet attaque, nous nous sommes rencontrés, cela résulte des milliers de petites décisions que vous, moi et ces hommes avons prise tout au long de notre vie jusqu’à cet instant précis.

Il fit un sourire chaleureux à la jeune femme.

- En cela, je le concède, je rejoints la pensée de Daënar. Et la raison en est simple : si tout est écrit, alors les Architectes ont décidé de décimer leurs gens, leurs croyants, via une nation qui ne les respecte pas, et qui du surcroit s’acharne à détruire leur création au profit de la technologie. Et cela, je ne saurais le concevoir.

Il prit un air pensif.

- A moins que Daënar ne se soit totalement affranchie du pouvoir des Architectes et qu’eux, contrairement à nous, ont leur libre arbitre… mais dans ce cas, qu’ont-ils de si différent de nous, sur le plan de l’être humain ? Bref, la question serait sans fin et il faut savoir trancher à un moment ou un autre. Pour ma part, cela est fait, et suite à une longue et pénible réflexion. Je ne chercherai pas à vous convaincre, Aurore, car vous vous ferez votre propre idée au gré de vos expériences. En attendant, vous me voyez ravi que vous m’accompagniez à Cedren. Les villageois aiment recevoir des visiteurs et ils se font trop rare. Peut-être y apprendrez-vous quelque chose également. Et ne vous inquiétez pas : il y aura suffisamment à faire une fois sur place pour rembourser la « dette » que vous pensez avoir envers moi !

Il entreprit de rassembler ses affaires.

- Je vous propose de nous mettre en route dès maintenant. Dans l’idéal, j’aurais préféré vous laisser vous reposer un peu plus, mais le temps que nous passerons coincés ici sera du temps utilisé par vos agresseurs pour nous chercher.

En vérité, il était inquiet depuis le moment où il avait posé les pieds dans cette petite grotte, qui en cas d’attaque ne leur aurait pas été d’un grand secours. S’ils finissaient acculés ici, il ne donnait pas cher de leur peau. Il lui laissa quelques secondes pour se préparer et, une fois qu’elle lui sembla prête, il lui fit un signe de la tête pour l’inviter à le suivre, posant un doigt sur ses lèvres pour l’inciter au silence.

Ils n’entendaient rien- c’était un calme étrange qui régnait ici, et la brume n’allait pas pour calmer les craintes du jeune Gharyn. Le sol était rocailleux et le petit chemin sinueux s’enfonçait à travers la roche, tantôt large, tantôt si étroit que les parois de pierre semblaient les écraser.

Donovan mit ce temps à profit afin de réfléchir aux paroles de la jeune femme qui l’accompagnait. S’il n’était dans l’absolu pas d’accord avec sa philosophie, il ne pouvait que l’admirer de s’en tenir à ses principes de paix et d’amour. Mais à ses yeux, cela relevait de l’utopie et en tant que Gharyn, il se devait de faire face à la réalité. Et cette réalité, c’était que Daënar assassinait les gens de My’Trä et que s’il n’y prenait garde, toutes ces personnes qui lui faisaient confiance et comptaient sur lui deviendraient des proies.

Non, même s’il aurait préféré tenir un discours de paix, il lui fallait s’endurcir. Il rechignerait toujours à tuer et tenteraient toujours des premières approches diplomatiques, mais il était résolu à faire usage de la force en cas de besoin.

Ceci étant, cela lui laissait un goût amer sur la langue et il craignait aujourd’hui de devenir une de ces brutes épaisses bonnes qu’au massacre. Un tyran. Un air de profonde détresse dans les yeux, il se retourna un instant vers la jeune femme, comme pour lui dire quelque chose, mais il se ravisa et reprit sa route.

Ils finirent par déboucher de l’autre côté de la montagne, sur un petit plateau donnant sur le vide. Une chaîne de rocheuses et de vallées s’étendait sous leurs yeux, faite de sommets qui crevaient les nuages et de forêts enneigées à leurs pieds. Le paysage était à couper le souffle, et Donovan s’arrêta pour en profiter.

Il pointa du doigt l’horizon.

- Regardez, vous voyez cette chaine de montagnes ? Cedren se trouva à l’autre bout, dans un vallon. Deux choix s’offrent à nous : passer par les sommets et redescendre après, ou alors descendre maintenant et traverser les vallées. Le passage par les sommets sera plus rapide, mais il y fait très froid et la nourriture y est rare, sans parler des tempêtes de neige. Par les vallées, le climat y est un peu plus doux et il y est facile de se nourrir, mais si nos poursuivants s’acharnent, c’est là qu’ils nous chercheront en premier. En espérant que nous ne tomberons pas sur des bêtes sauvages.

Il s’approcha du bord et s’y assis, laissant ses jambes trainer dans le vide. Se saisissant de sa gourde, il en bu une gorgée avant de la tendre vers Aurore.

- A vous de décider ! J’en ai assez fait pour l’instant. Choisissez, et nous nous remettront en route. J’en profiterai alors pour vous parler un peu de la magie de Khugatsaa.

Cela pouvait semblait mesquin de sa part, mais c’était le genre de décisions qu’il devait prendre au quotidien. Or, il avait décelé un petit quelque chose chez sa protégée… aussi voulait-il savoir quelle décision elle prendrait. De plus, il lui avait promis de nouvelles expérience et l’apprentissage de nouvelles choses- et quoi de mieux, pour commencer, que de prendre une décision où les deux choix présentaient des risques ?

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Douce désillusion  EmptyMer 13 Déc - 21:51
Aurore avait simplement détaillé le Gharyn du regard, laissant un souffle chaud s’exfiltrer de ses lèvres, c’était bien la première fois qu’un homme de son titre ne le mettait pas en avant. Il semblait si simple, si fort et si fragile à la fois. Un homme qui se cherche, un homme qui n’a pas encore complètement sa place, propos plutôt étrange pour celui qui a réussi à monter jusqu’au sommet, jusqu’au contrôle d’une ville. La responsabilité ne devait pas être évidente à porter, c’était simplement ce qu’elle s’était dit, avant de pincer de façon imperceptible la lèvre inférieure. Debout, la rouquine s’attardait à récupérer ses affaires, écoutant d’une oreille quelque peu distraite les arguments de son interlocuteur. La jeune femme n’avait pas dû s’exprimer suffisamment clairement, puisqu’elle n’était pas certaine de croire que tout était tracé. Les architectes insufflaient la vie et la reprenait, le début et la fin d’un cycle à ne pas en douter, à ne point à en être effrayé. Cependant, tout en ayant cette certitude, la rousse semblait d’accord avec le fait que celle les propres choix de chacun formaient l’avenir, le futur. Aure avait affiché un sourire, ou tout du moins l’avait conservé, alors que son esprit semblait désirer lui remémorer certains souvenirs, notamment ceux de cette agression, de cette naïveté dont elle avait fait preuve.

- « J’ignore si votre point de vu est plus juste que le mien, néanmoins entre les deux, bons nombres de similitudes semblent exister. Sans avoir envie de pousser ma naïveté jusqu’à croire que tous les Daënars ne sont pas des crapules, j’en reviens à votre idée, votre envie de protéger vos proches, ce n’est que la même chose pour moi… Je ne supporterai pas de voir des personnes de mon peuple souffrir, comme cela a pu l’être dans mon passé. » Elle prit une légère inspiration, replaçant une mèche de cheveux quelque peu rebelles «  Ne vous excusez pas, je suis en capacité de vous suivre, tout comme d’échanger avec vous sur nos divergences d’opinions. »

La jeune femme avait récupéré son arc et son carquois, qu’elle rangea dans une certaine douceur au plus proche de son corps, signe qu’elle tenait particulièrement aux deux éléments. Elle c’était dirigée vers la sortie du lieu protecteur, rejoignant le Gharyn parfaitement entouré de nuage blanc, du moins à de la brume vaporeuse omniprésente. Elle avait évidemment perçu ce regard plein de détresse, elle avait senti le doute s’immisçant dans son esprit, la crainte aussi. Pourtant, la rouquine n’avait rien dit, rien formulé de particulier, se contentant de suivre l’homme sur le petit chemin étroit. Dans des gestes maladroits, elle avait à plusieurs reprises provoqué une dégringolade de multitudes de cailloux, roche, qui dévalait la pente à peine visible. Après plusieurs minutes de trajet dans un silence non pesant, l’homme avait fini par s’arrêter, par s’installer au bord de la falaise, les jambes dans le vide et Aure l’avait simplement suivi, naïvement, aveuglement. La jeune femme avait eu le temps de réfléchir, de peser ses propos, de comprendre aussi. Installée à ses côtés, la rouquine n’avait pas pu s’empêcher de contempler la vue, de lâcher un « wah » discret, mais pourtant bien présent. Une nouvelle fois, l’homme avait pris la parole, s’exprimant, évoquant des propositions, dévoilant le lieu de destination. La jeune femme avait simplement opiné, réfléchissant au chemin que le duo allait devoir emprunter.

- «  Avant de choisir… Vous savez… Enfin, je ne sais pas réellement comment le formuler… Ce n’est pas un tort de douter, d’avoir peur, ou de simplement ne pas réellement savoir quelle direction prendre. Je ne vous connais pas encore suffisamment pour analyser convenablement votre comportement, comprendre vos regards et l’étincelle au fond de vos yeux… Mais si nous devons nous côtoyer un temps… Je voudrais qu’on respecte ensemble une règle. » Elle tourna le visage vers lui, offrant un sourire sincère «  Se dire les choses, sans passer par quatre chemins. Si vous avez peur, dites-le simplement, si je vous agace, dites-le simplement, si je fais mal quelque chose, dites-le. » Elle prit une légère inspiration, poursuivant «  C’est fou, quand on vous regarder, on a l’impression de voir un homme fort… Finalement et malgré votre force, il y a autre chose en vous… »

La rouquine avait fini par se relever, se dépoussiérant légèrement, frissonnant à cause de cette température dont elle n’avait absolument pas l’habitude. Ce n’était pas quelque chose de courant, quelque chose de naturel pour elle. Soupirant légèrement, elle avait fini par dévoiler sa décision concernant  le chemin à emprunter.

- «  Nous allons passer par les sommets, descendre par la suite. Il y a toujours des animaux même sur les hauteurs, je ne doute pas une seule seconde qu’on trouvera de quoi s’alimenter. Dans le pire des cas, notre corps peut se retrouver privé de repas un jour ou deux, du moment qu’on peut boire, ça devrait suffire et je ne doute pas du tout du faîte qu’on trouvera de quoi boire sur des hauteurs aussi importantes. » Tendant une main vers le Gharyn, la jeune femme avait simplement ajouté :  « Allons-y. »

Aurore n’était pas en pleine forme, elle n’était pas non plus pleine de dynamisme comme elle aurait pu l’être en temps normal. La rousse ne se laissait cependant pas abattre puisque comme elle venait de le prouver elle avait longuement réfléchi à la proposition pour prendre sa décision. Une fois Donovan relevé, elle avait donc pris la direction du petit chemin longeant les montagnes, un chemin mince, qui flirtait en permanence avec le vide, un faux pas pouvait aisément être fatale. Aure avait néanmoins quelques atouts, et si elle n’était pas une habituée des basses températures, elle n’en restait pas moins une chasseuse dont les terrains d’exploration l’obligeaient parfois à passer par des endroits peu accessibles. La my’tränne avait fini par passer la première, sans pour autant connaître le chemin, elle allait droit devant elle. La brume avait entièrement pris possession du lieu, et la jeune femme avait manqué de glisser plus d’une fois.

- «  Oups » dit-elle en se rattrapant de justesse «  Attention ça glisse, vous êtes déjà passé par là ou c’est de l’improvisation complète ? Vous pensez qu’on va mettre du temps à arriver ? » elle fit une légère pause, s’arrêtant dans ses mouvements, « Je sais. J’ai une idée, vous allez voir. »

La rouquine prit une longue et intense inspiration se concentrant légèrement, si elle était en mesure de contrôler l’intensité du vent autour d’elle, elle était donc en mesure de pousser un peu les brumes. Après plusieurs mouvements qui extérieurement devaient plus ressembler à une danse qu’autre chose, elle finit par obtenir une légère amélioration, autour d’eux la brume s’était éloignée, si bien que le duo pouvait enfin voir où il mettait les pieds.

- «  C’est mieux comme ça, non ? »

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Douce désillusion  EmptyJeu 14 Déc - 15:57
- Il y a toujours quelque chose de plus dans le genre humain que ce que l’on peut voir de prime abord, fit Donovan avec un sourire en réponse à la jeune femme. Laissez vous du temps pour le découvrir, c’est tout. Mais d’accord pour votre promesse. Je vous dirai tout.

Il se releva prestement, toujours souriant.

- Et comme vous dîtes, allons-y ! Vous avez décidé, donc je vous suis !

Il était content : la jeune femme avait décidé, et cela lui avait finalement pris moins de temps qu’il ne l’aurait crût. Derrière cette espèce de « naïveté » de jeunesse qu’elle pouvait afficher parfois, il pouvait maintenant être certain que se cachait un caractère solide. Il l’avait entre-aperçu plus tôt, mais qu’elle fasse un choix si affirmé lui avait confirmé cette sensation. Et plus il apprenait à la connaître, plus elle l’intriguait.

Ils s’étaient alors engagés sur un étroit chemin longeant les montagnes, un chemin qui donnait sur le vide- un pas de travers, et c’était la chute assurée. Mais Donovan en avait l’habitude ; Khurmag était principalement faite de forêts et montagnes, et il passait suffisamment de temps à vagabonder pour avoir l’habitude de ce genre de corniche embrumée. Aussi, il ne ressentait nul vertige ou angoisse.

Si ce n’était pour Aurore, qui, après avoir manqué de glisser à cause de la brume ambiante, avait bien faillit être happée par le vide. Par réflexe, il avait tendu une main vers elle, mais elle se reprit d’elle-même.

Elle fit alors quelques gestes, que Donovan ne parvient pas à bien distinguer, puis la brume s’écarta, comme si une légère brise avait soufflé sur l’étroit chemin. Donovan laissa échapper un petit sourire.

- Effectivement… c’est mieux. Bien mieux, même ! Cela facilitera notre avancée. Habituellement, je passe par les vallées : je médite mieux au pied des arbres que contre de la roche. Cela me semble plus… vivant.

Il prit un instant pour réfléchir.

- En passant par en bas, nous aurions mis un peu plus d’une journée. Et encore, je ne suis pas adepte de la marche forcée. Donc avec une bonne allure, peut-être moins d’une journée. J’ai déjà échangé avec des gens qui passaient par les sommets, et ils m’ont certifié que le chemin est plus long, mais avec une bonne visibilité et une bonne marche… Nous devrions arriver sur Cedren demain soir.

Leur marche se trouvait grandement facilitée par l’absence de la brume, et il lui sembla même qu’Aurore avançait plus rapidement.

- Votre magie est étonnante. Enfin, je dis cela à chaque fois car le contact avec d’autres magies que la mienne m’émerveille toujours : chacun a son utilité, exceptée, peut-être, celle de Khugatsaa. Au lieu de nous battre entre régions de My’Trä, nous devrions mettre nos compétences en commun. Imaginez un peu : des cités entières qui s’élèvent en un instant, de quoi boire et manger pour tous, un toit pour chacun… nous ne manquerions de rien.

Il essaya d’imaginer ce qu’il pourrait tirer de la magie d’Aurore, mais cela lui était difficile à cerner. Avec la Magie de la Terre, la question était plus simple : de meilleurs minéraux, des champs plus faciles à labourer, la construction de barrières… Mais là ? Faire prendre les feux plus rapidement, c’était certain. Il devait cependant y avoir des utilités plus constructives à la magie de l’Air. Jusque-là, le seul mage qu’il avait rencontré avec ces capacités était son ami Adramus, et le guerrier avait semblé s’en servir principalement pour se déplacer et pour combattre.

C’était peut-être cela, au fond, qui manquait à ses gens. La rencontre d’autres mages, d’autres talents. Eux qui vivaient avec si peu s’enthousiasmait au moindre apprentissage : les villageois de Cedren étaient volontaires et curieux.

Et alors qu’il y repensait, son cœur se réchauffait à l’idée de les revoir tous. Il avait hâte d’y arriver, et plus hâte encore de leur présenter une nouvelle invitée. Celle-ci aurait à coup sûr un accueil chaleureux de leur part, un de ceux qui le rendait si fier de ceux qui le suivaient.

- Parlez-moi de votre magie, Aurore. Vous vous demandiez comment vous pourriez être utile à Cedren, et je suis certain que ce que vous pouvez faire peut grandement nous aider. Expliquez-moi, et, ensuite, je vous donnerai quelques enseignements sur la Magie de Khugatsaa. Comment avez-vous appris ? Que pouvez-vous faire exactement ?  

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Douce désillusion  EmptyVen 15 Déc - 11:48
Prendre le temps de découvrir. Voilà une phrase qui correspondait parfaitement à la rouquine. Le Gharyn ne devait pas se douter à quel point ce conseil avisé n’était pas tombé dans l’oreille d’une sourde. Aure était ce genre de femme, forte d’extérieur, mais fragile de l’intérieur, elle n’allait jamais se risquer à un contact réel, jamais se risquer à toute forme d’attachement, passant souvent à côté de relation amicale dès plus intéressantes. C’était sa façon de se protéger, de conserver l’illusion, d’être ce que l’autre attendait d’elle, sans pour autant qu’il s’agisse de sa véritable personnalité. Un fin sourire avait pris naissance sur ses lèvres, aussi discret que le reste de son comportement. L’homme qui lui faisait face était quelqu’un d’étrange à comprendre, à analyser, ayant un titre qui finalement ne lui collait pas à la peau. Contrairement à l’autre Gharyn, Zaël, qu’elle avait déjà rencontré et qui ne lui avait laissé qu’une désagréable impression en souvenir. Passant une main dans sa longue chevelure rousse, la jeune femme l’avait légèrement relevée, la remontant en une queue de cheval haute, afin de ne pas être gênée par les mèches rebelles. Ses deux émeraudes fixées le sol, visualisaient à l’avance les endroits où elle pouvait placer ses pieds, sans risquer de dévaler la pente raide et très certainement mortelle qui se trouvait sur sa gauche.

La my’tränne avait fini par stopper ses mouvements, du moins à faire une pause dans sa progression, une légère frayeur ayant provoqué un rythme soudainement plus important de ses battements cardiaques. Un souffle chaud avait fui ses lèvres, alors qu’une multitude de frissons étaient venus remonter sa colonne vertébrale, une sueur froide peu agréable, qui venait de lui rappeler à quel point le moindre faux pas pouvait s’avérer dangereux. Ses mains avaient fini par former une légère danse, une gestuelle qui aussi étrange que cela puisse paraître, lui avait permis à l’aide de sa maîtrise du vent et sa direction d’éloigner la brume des deux compères. Évidemment, la brume n’avait pas entière disparue, elle donnait l’impression d’encercler le duo, formant un cercle autour d’eux, ne franchissant jamais une limite presque invisible qu’elle venait d’instaurer.


- « Nous risquons d’arriver un peu plus tard » souligna-t-elle « La progression de nuit risque d’être trop délicate. De plus, les animaux sortent plus facilement lorsque l'étoile n'est plus, en particulier certains prédateurs. Je ne connais pas réellement ceux vivant ainsi, surtout ceux évoluant dans les hauteurs, mais je ne doute pas une seule seconde de leurs dangerosités. Il faudra donc trouver un endroit pour passer la nuit et se protéger un peu de la fraîcheur. »

Son opinion sur le sujet semblait être sans appel, non négociable, elle avait vu de trop nombreuses fois des explorateurs finir dans le ventre d’une créature ou être grièvement blessés pour avoir sous-estimé l’environnement. Il ne fallait pas aller à l’encontre de la nature, mais bien, progresser avec elle en respectant le rythme de la vie, le cycle d’une journée. Peu importe la situation, il y avait toujours un temps pour tout. Cependant, Aure semblait regretter légèrement de ne pas avoir choisi la solution de facilité, la jeune femme se demandait même si elle n’avait pas pris une décision trop hâtive. Le délicieux doute sous forme de « et si » avait fini par s’installer dans son esprit, provoquant avec lui, une expression légèrement plus fermée sur le visage de la rousse. Les propos du Gharyn avaient laissé quelque peu pantoise la my’tränne. Croyait-il réellement en architecte tout en lui donnant moins de valeurs que les autres ? Les sourcils d’Aurore avaient fini par se fronce légèrement, alors qu’un petit grognement avait vibré dans sa gorge.

- « Pensez-vous réellement que Khugatsaa n’a aucune utilité ? Où cherchez-vous à tester mon envie de me diriger vers cette croyance ? »

La question avait été formulée tout en douceur, sans agressivité, mais de manière particulièrement spontanée. Aure n’était pas du genre à ruminer, plutôt au contraire à faire part de ses interrogations sans imaginer pouvoir offusquer. Elle n’était semble-t-il que peu enclin à entendre le moindre reproche sur celui qu’elle avait choisi d’idolâtrer. Non, elle avait bien trop luté pour pouvoir assumer pleinement cette affinité, pour voir Khugatsaa se retrouver à la dernière position dans le classement des architectes offrant le plus de possibilités.

- « Manipuler l’esprit me semble pourtant être une capacité pouvant faire le plus de dégât définitif. Celle qui faut manier avec le plus de délicatesse possible. Une blessure physique peut se refermer avec le temps, une blessure psychologique marquera à jamais celui qui l’a vécu. Comme un murmure comme un souffle désagréable, comme le doute… Et si… Et si… Et si. »

La progression semblait légèrement plus rapide, d’autant plus quand la rousse avait ce sentiment d’être contrariée. Ce n’était pas qu’elle était en colère, non, c’était simplement qui lui semblait difficile de comprendre qu’un homme, Gharyn en plus, puisse avoir cette affinité si privilégier avec un architecte, avoir la responsabilité d’un peuple ayant certainement la même croyance, tout en ayant la sensation de ne pas adorer le plus puissant et le plus intéressant des créateurs. Haussant doucement les épaules, le rythme de marche avait fini par se faire légèrement moins soutenue, alors qu’un petit silence de réflexion semblait s’être installé entre eux, rien de lourd ou de désagréable, seulement un moment où chacun pouvait peser ses pensées, ses arguments. Il lui avait demandé des explications vis-à-vis de sa croyance d’Amisgal et la rouquine n’avait sur l’instant, pas réellement su quoi dire. On ne lui avait pas laissé le choix, dès sa naissance cela devait être Amisgal, elle, juste elle, uniquement elle. Oh elle aurait pu tout autant choisir Mochlög, comme son père, mais cela sa mère ne l’aurait pas acceptée aisément, alors le fait de partir sur une tout autre aspiration pouvait être déconcertant pour les parents, mais aussi pour la jeune femme.

- « Vous me faites un peu penser au Gharyn de Busad… Quoique vous êtes bien différent l’un de l’autre. C’est un homme étrange, qui aspire à la paix. Il a organisé une réunion il y a peu, invitant les membres de son peuple et ceux de passage à s’exprimer sur le sujet de la paix. L’accueil qu’il a reçu était plutôt mitigé. Pour être honnête, je n’étais en rien d’accord avec lui. Parce qu’il n’a pas vu ce que j’ai vu, parce que j’ai eu l’impression de le voir fermer les yeux sur des actes graves, l’impression de le voir tendre la main à des monstres qui n’ont pour aspiration autre que ruiner notre terre et l’abreuve du sang de notre propre peuple. » La voix d’Aurore s’était faite plus dure, plus sévère, plus douloureuse aussi « Il souhaite aussi rapproche les villes, les Gharyn, mais pas dans le but de pouvoir se protéger mutuellement, mais bien dans celui de convaincre chacun de vivre en paix. De tendre la main vers les monstres, de faire une croix sur le passé et de ne pas juger trop rapidement. » Le souvenir n’avait rien d’agréable pour elle « Je ne pense pas qu’une paix existera un jour, du moins pas réellement, que ce soit vis-à-vis des étrangers qui viennent souiller nos régions, ou entre les régions elle-même, les points de vue semblent si différent, si… étranges… Pourtant, vous avez raison, il faudra bien qu’on soit uni si un réel danger venait à se confirmer. »

Il viendrait, il viendrait très certainement, c’était une évidence. L’évocation de sa magie ne lui avait soudainement plus paru aussi importante qu’avant et c’est dans un soupir nostalgique qu’elle avait cessé de s’exprimer. Aurore ne disait que très rarement le fond de sa pensée, et peu pouvait se vanter d’avoir fait face à une jeune femme sincère avec des idées bien à elle, qu’elle était prête à défendre coûte que coûte. Pourtant, sur ces hauteurs, dans cet endroit un peu perdu où chaque mot prenait un son différent, un écho agréable, elle avait fini par faire un pas vers l’ouverture, par exprimer un avis, sincère, mais particulièrement désagréable. À quoi bon, revenir sur le sujet de la guerre, elle ignorait encore l’avis de cet homme qui avait proposé de lui enseigner le don de Khugatsaa. S’étirant légèrement, faisant craquer les petits os de ses doigts, Aurore semblait un peu perdue dans ses pensées, un peu ailleurs. Au fond, elle souhaitait avoir tort sur toute la ligne, n’être que le fruit de la haine porté par plusieurs générations vis-à-vis des étrangers, même si en creusant bien, il devait y avoir une part importante de vérité dans ce qu’elle venait de prononcer.

- « Je suis navrée » avait-elle finalement dit « Je me suis emportée.. Ce n’est pas dans mes habitudes, je ne veux pas pour paraître désagréable… Oublions ce que je viens de dire, d’accord ? Vous vouliez savoir ce que ma magie me permet de faire ? » elle eut un petit rire, maladroit, sincère « Eh bien pas grand-chose pour être honnête. En théorie, je devrais pouvoir amener la pluie, un orage, une tempête, en réalité, si j’arrive à maîtriser la force du vent, de son intensité et apporter une résistance quelconque à quelqu’un ou quelque chose, c’est déjà bien. Il y a une résistance dans mon esprit, que je n’arrive pas à expliquer… Mère à beau me mettre dans des situations dangereuses, je ne progresse pas. Peut-être parce que je n’en ai pas forcément envie aussi, je ne sais pas. »

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Douce désillusion  EmptyMer 20 Déc - 15:25
Au fur et à mesure que le temps passait, que la marche s’allongeait et que la jeune femme parlait, Donovan senti qu’ils arrivaient sur un sujet sensible. Le ton dans la voix d’Aurore, peut-être, qui avait changé, une certaine… dureté, qui était apparue, et dont il ne l’avait pas soupçonnée. D’une certaine façon, elle lui rappelait l’homme qu’il était encore il y avait quelques mois de cela. Empreint de pacifisme, avec une réelle révulsion pour la violence et la mort… mais qui avait prit conscience petit à petit du caractère inévitable de la guerre avec Daënastre.

Il sentait bien que la jeune femme était mise quelque peu mal à l’aise par ses propres propos. Et il la comprenait pour cela ; il avait lui-même passé des semaines à se torturer l’esprit, à chercher des réponses claires, à trouver son chemin parmi ce monde qui lui semblait s’écrouler. Mais des réponses claires, il n’y en avait aucune- et son chemin, c’était à lui de le faire. Aussi, il s’était résolu à faire usage de la force pour protéger My’Trä. Avec parcimonie, avec sagesse et toujours en faisant passer la compréhension et la diplomatie avant tout… mais il ne restait pas les bras croisés alors que les My’Träns étaient envahis.

Elle s’étira, s’excusant de son emportement. Donovan se contenta de répondre par un léger sourire ; il voyait bien que la conversation gênait Aurore, en revanche il était certain qu’il n’oublierait pas ces paroles. Pour le moment, il décida de garder pour lui ce qu’il pensait de tout cela, se promettant de remettre ce sujet délicat sur le tapis plus tard.

- Cette résistance est probablement dû au fait que votre âme va à Khugatsaa. Vous forcez votre magie de l’air ; or, l’utilisation d’une magie se doit d’être naturelle. Mon Khurog et mentor m’a appris il y a des années de cela qu’être en parfaite harmonie entre son corps et son esprit permet de gagner en maîtrise de la magie. Il faut que vous soyez en accord avec vous-même. En paix avec vous-même, en fait. Et cela ne peut être possible si vous vous sentez attirée par un Architecte tout en utilisant la magie d’un autre. Vous aurez les bases, c’est certain… mais vous ne pourrez exploiter pleinement votre potentiel.

Ils en étaient maintenant sur les sommets de la montage, ayant atteint des hauteurs qu’il serait difficile de dépasser. A présent l’étroit chemin n’était plus en montée, mais serpentait sur le sommet, parfois droit, descendant ou montant. Par ailleurs, ils avaient quitté le flanc de la montagne, et s’étaient donc éloigné du gouffre- ils n’avaient plus à craindre de faux pas, ce qui soulagea le Gharyn.

- Je vous ai promis de vous en apprendre plus sur la Magie de l’Illusion, aussi vais-je commencer à vous en parler. Pour les exercices pratiques, nous verrons cela lorsque nous serons au repos pour la nuit.

Il s’était mis à sa hauteur, le chemin étant suffisamment large pour qu’ils puissent marcher côte à côte.

- Ne vous méprenez pas au sujet de mes précédentes paroles sur cette magie. Je vous ai dit qu’elle n’était pas « constructive », mais cela ne signifie pas que je la regrette ou la considère comme inférieure, bien au contraire. Je suis un fervent adepte de Khugatsaa : il est mon Architecte, et c’est à lui que je dédie ma vie. Et je suis d’accord avec vous : cette magie est, pour moi, la plus puissante. Nous attaquons directement l’esprit humain, pour l’influencer, le contrôler. Une illusion n’est rien de plus qu’une attaque directe dans l’esprit de ceux que nous visons. Nous pouvons leur faire voir des choses qui n’existent pas, leur faire ressentir des choses qui sont fausses. Pour les plus puissants Mages de l’Illusion, il est même possible de contrôler l’esprit de leur adversaire !

Il poussa un soupir.

- En revanche, tout cela ne sera qu’une illusion. Bien sûr, celles-ci peuvent avoir un impact concret sur le corps, mais dans le fond, ce n’est pas durable. Ce qui a fait, selon moi, la déchéance de Khurmag. Pourquoi construire quand nous pouvons bâtir l’illusion d’une maison parfaite ? Pourquoi cultiver quand nous pouvons donner l’illusion de champs s’étendant à perte de vue ? Mais tout ceci est faux, et nous avons été victimes de notre propre magie. Nous ne nous reposons plus que sur elle. Si quelqu’un a faim, je peux agir sur son esprit pour apaiser son mal et lui donner la sensation d’être repus, mais le corps ne s’y trompe pas : il n’y aura pas de concrète nourriture. Je ne peux pas faire pleuvoir pour arroser les semences, je ne peux changer la terre pour cultiver, ou pour renforcer des minéraux. Je peux effacer la douleur d’une blessure, mais je ne peux soigner. Il est difficile, alors, pour les Mages de l’Illusion, de ne pas être pris à leurs propres jeux. La magie de Khugatsaa est si terrible que même nous, nous pouvons finir par oublier la réalité. Et croyez-moi, je parle d’expérience. Certains habitants de Khurmag passent leur vie bercés d’illusions, et de leur naissance jusqu’à leur mort, ne verront jamais le moindre pan de réalité.

C’était une chose contre laquelle il s’était toujours battu : voir la réalité en face. Une dure leçon qu’il avait dû apprendre : il était toujours plus facile de vivre dans le mensonge.

- Pour ma part, je n’entre pas dans les standards classiques des Mages de l’Illusion. Je ne sais créer de grandes illusions, et agir directement dans l’esprit d’une personne. Quand je vous évoquais l’idée d’apaiser la douleur ou la faim, c’était purement à titre d’exemple. Je sais ce que vous pourrez penser : c’est tout de même utile, mais cela, comme chaque art, demande un long temps d’apprentissage et de formation. Temps que je préfère mettre à profit pour apprendre véritablement comment soigner une blessure, ou comment cultiver un champ. Je ne saurais dire si cela est bien ou mal, mais c’est mon choix, et, à mes yeux, la meilleure décision que je pouvais prendre compte tenu des circonstances. Khurmag ne peut se relever si elle continue à vivre sur les illusions de ses habitants.

Il ne savait combien de temps ils marchaient ainsi mais Donovan commençait à ressentir une certaine lourdeur dans les jambes. Il se tu un instant, levant les yeux au ciel afin d’essayer de déterminer la position du soleil. Hélas, il n’y parvint pas, avec la brume qui flottait encore au-dessus d’eux. La tombée de la nuit ne devait plus être loin, et il ne voulait pas être surpris par l’obscurité.

- Pour ma part, comme je vous le disais, je diffère légèrement dans ma pratique de l’illusion des autres Mages. Par exemple, je suis incapable de créer une illusion sur un environnement. Des beaux jardins, de belles maisons, des animaux fantastiques… très peu pour moi ! J’ai bien dû réussir une fois à changer la couleur d’une fleur ou d’un arbre, mais je n’ai trouvé aucun intérêt à l’exercice. Trouver un sapin rose en pleine forêt peut avoir un côté amusant… mais je ne voyais pas l’utilité que je pouvais en tirer ! De la même manière, je ne sais faire que difficilement des illusions au sujet de mon apparence. En revanche, j’ai une assez bonne maitrise de petits tours de passe-passe, qui peuvent s’avérer efficaces dans un combat. Une dague qui apparaît soudainement dans une main peut déstabiliser un adversaire.

Il fit un geste de la main, et une dague apparut. De facture travaillée, elle était longue et fine, avec une garde en or sur laquelle était sculptés des chevaux. Puis, aussi soudainement qu’elle était apparue, la dague se brisa en une myriade de petits éclats violets, qui disparurent aussitôt.

C’était une spécificité de sa propre magie, ces petits éclats violets. Comme un petit quelque chose qu’il rajoutait lorsqu’il brisait une illusion, que ce soit une des siennes ou celle de quelqu’un d’autre.

- Cela peut vous sembler un peu agressif, mais ça marche aussi sur un adversaire. Afin de pouvoir le battre sans avoir besoin de le blesser, j’ai créé une illusion qui a transformé sa hache en fleur géante…

Il eut un petit rire à ce souvenir.

- Je peux également créer un double illusoire, une version de moi-même à l’identique et dont je peux contrôler les mouvements. Mais là où je suis au mieux dans mon art est pour briser les illusions. C’est une pratique assez peu courante, pourtant c’est le domaine sur lequel j’ai le plus travailler. Apprendre à détecter une illusion, et trouver la source et la briser. C’est ce que vous m’avez peut-être vu faire, lorsque cet homme vous a attaquée. Ils étaient plusieurs, mais il utilisait sa propre magie pour vous effrayer. Lorsque j’ai brisé son illusion, il ne restait plus que lui.

Il fit une courte pause dans ses explications avant de reprendre. Il décida, pour le moment, de cacher la pratique de la télépathie pour l’instant. Il se refusait à tout contact psychique avec une personne non-consentante, mais savoir que dans l’absolu il en était capable risquait d’inquiéter la jeune femme. Autant lui éviter de se faire du mauvais sang pour rien. Il dérogeait un peu à la promesse qu’il lui avait faite, mais tant pis.

- J’ai une autre technique que je maitrise, mais dont je vous parlerai peut-être plus tard. Dîtes-moi, Aurore, avez-vous déjà quelques bases de maitrise de la Magie de Khugatsaa ?

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Douce désillusion  EmptyMer 27 Déc - 12:34
Aurore avançait lentement, pas certaine de ses gestes à cent pour cent. Le vide sur son côté gauche semblait être un appel au saut, un appel vers la fin d’autant de réflexion. L’idée de sauter n’avait cependant pas effleuré l’esprit de la rouquine une seule seconde, bien qu’elle se soit demandé à plusieurs reprises si une telle chute serait forcément mortelle. Haussant doucement les épaules, secouant légèrement la tête, la jeune femme avait semble-t-il préféré ignorer cette interrogation pour se concentrer sur la voix rassurante de son guide. Devant elle, l’escalade semblait enfin prendre fin, plus de chemin étroit, plus de vide omniprésent, non, le duo semblait enfin avoir atteint le sommet. La rouquine s’arrêta en haut, son souffle n’était pas aussi régulier qu’à son habitude, bien qu’elle ne se plaignait pas, cela n’en restait pas moins un effort important. Les mains sur les genoux, la my’tränne reprenait son souffle, écoutant attentivement la réflexion du Gharyn. Être en adéquation entre ses croyances, son esprit et son corps, ce n’était pas dénué de sens, n’avait-il d’ailleurs certainement pas tort. La rousse avait simplement opiné de la tête, rangeant dans un coin de son esprit cette possibilité, sans jamais pour autant imaginer renier ses pensées vis-à-vis d’Amisgal, elle n’oserait pas aller jusque-là dans la provocation ou tout du moins dans ces certitudes. Aimer deux architectes pouvait aussi avoir ses avantages.

- « Vous avez certainement raison. Cependant, je ne me vois nullement renier le peu que j’ai appris vis-à-vis de la maîtrise des airs. »

Reprenant convenablement son souffle, profitant surtout de la vue magnifique qui s’offrait à eux, Aurore ne semblait pas en revenir. Elle avait beau partir très régulièrement en exploration, à l’aventure, chaque nouvelle découverte, chaque nouvelle zone qui s’offrait à son regard semblait obtenir la même réaction, l’émerveillement. Ses deux prunelles brillaient de cette intensité particulière, alors qu’elle cherchait à mémoriser le moindre détail présent. La brume recouvrant la végétation, le souffle froid du vent faisant déplacer certaines plantes, le bruit de celui-ci dans les roches, tout, absolument tout était parfait. Y compris la neige légère qui imprégnait les hauteurs. Son interlocuteur venait de la rejoindre, avançant légèrement tout en restant à sa hauteur. La jeune my’tränne n’eut qu’à peine le temps de murmurer un « c’est beau », que déjà la progression continuait. C’est bien côte à côte que les jeunes gens poursuivaient cette étrange avancée, profitant de cet objectif commun pour apprendre à se connaître, ou tout du moins à échanger des connaissances bien différentes. Lâchant un soupir, la rouquine semblait particulièrement attentive aux paroles et aux gestes de Donovan.

Il évoquait la multitude de possibilités que la magie de Khugatsaa pouvait offrir, la force, les faiblesses, mais surtout la dangerosité de cette capacité. La rouquine en avait parfaitement conscience, sans pour autant ne jamais avoir pris le temps d’y réfléchir. Elle écoutait donc attentivement celui qui lui avait fait la promesse de lui enseigner bon nombre de choses dans le silence. Aurore s’était fixée sur le rythme de marche de Donovan, toujours attentive à ce qu’il pouvait lui expliquer. L’idée de vivre dans une illusion constante, jusqu’à ignorer réellement ce que pouvait offrir la réalité, n’était pas une chose que la rouquine trouvait agréable. Cela ne l’attirait en aucun cas. Aure se demandait s’il était réellement possible d’oublier le réel au profit de l’imaginaire, s’il était envisageable de se plonger, soit même, dans un mensonge si profond que son esprit lui-même n’était plus en mesure de différencier le vrai du faux. Elle n’eut cependant pas l’occasion de poser la question qui lui brûlait les lèvres, plus que son interlocuteur poursuivait ses explications, sans forcément prendre conscience de la pluie d’interrogation qu’il était en train de créer dans les pensées de la my’tränne. La rousse avait davantage de questions quand il avait évoqué le fait qu’il n’utilisait pas la magie dans la réalisation de tour de passe-passe, davantage encore quand il expliquait souhaiter apprendre à cultiver la terre, à parvenir à faire vivre son peuple. Les idéaux de Donovan semblaient nobles, l’honnêteté qu’il dégageait avec quelque chose de touchant.

Aurore avait simplement écarquillé les yeux, avisant la dague un long moment, puis les petits éclats violets qui avaient pris possession du lieu. Aussi étrange que cela puisse paraître, elle avait reconnu les mêmes lorsqu’elle s’était faite agresser et avait eu un léger mouvement de recul en les surveillants. La chasseresse n’avait pas une grande maîtrise du don de Khugatsaa, mais maîtrisait néanmoins quelque tour de passe-passe, léger. Un sourire avait fait son apparition sur ses lèvres, alors qu’elle imaginait sa propre réaction si on venait lui donner l’impression de ne plus avoir son arc, mais une fleur géante. Un frisson de mécontentement avait parcouru ses avant-bras, avant qu’elle ne se reconcentre pleinement sur la discussion. Le duo avait bien progressé dans son avancée, si bien que la jeune femme avait fini par s’arrêter entièrement. Il voulait savoir ce dont elle était capable, elle allait lui montrer avec sa simplicité légendaire.


- « Je crains d’être tout ce que vous n’aimez pas… Je n’ai eu personne pour m’enseigner les bases de cette magie… J’ai dû apprendre seule. » souffle-t-elle « Ainsi, j’ai privilégié le côté passe partout…. »

Délicatement, sans changement trop brusque, le corps de la jeune femme avait dû sembler se moduler, jusqu’à prendre l’apparence d’une magnifique serveuse qu’elle avait croisé quelque temps auparavant. Sa longue chevelure rousse, quelque peu ondulée avait laissé place à une tignasse parfaitement lisse d’un noir de jais impressionnant. Son visage un peu rond, n’était que finesse, ses yeux verts d’un marron commun. L’illusion allait jusqu’à modifier sa taille ainsi que sa corpulence. De la rouquine discrète, il ne restait plus aucune trace. Seule cette délicieuse jeune femme, particulièrement commune était visible. La rousse n’avait pas cru bon de moduler sa voix, ainsi poursuivit-elle avec cette tonalité doute qui lui correspondait bien :

- « Je n’ai jamais vraiment supporté ma chevelure rousse, trop voyante… Et puis… J’ai toujours voulu ressembler à mes parents adoptifs… Alors j’ai très vite appris à moduler mon apparence. C’est quelque chose d’instinctif. En revanche, je ne suis pas capable de maintenir l’illusion sur un nombre de personnes trop important… Pour le reste, il ne s’agit que de tour de passe-passe léger… » elle prit une légère inspiration, tout en venant se placer face à lui « Il y a néanmoins autre chose que j’ai découvert il y a peu… » elle déposa une main sur la joue de Donovan, et continua à communiquer par la pensée « Je suis capable de communiquer ainsi avec un contact physique.»

Un peu gênée, elle retira sa main avant de s’éloigner, son apparence changea presque aussitôt pour redevenir la rouquine dynamique, aux joues roses de gêne. Aurore n’avait jamais réellement échangé sur ses propres facultés, ni même vers la tournure qu’elle souhaitait prendre avec cette forme de magie. Elle reprit donc la parole, poursuivant sur cette envie de jouer cartes sur table :

- « Je n’ai jamais vraiment réfléchi à ce que je voulais faire de ce don. » Dit-elle « Cependant, je sais ce que je veux développer… Je veux pouvoir me protéger des illusions et distinguer le vrai du faux… Contrairement à beaucoup, je n’ai nullement envie de me protéger. J’ai été éduqué par un père adepte de Mochlog et une mère adepte d'Amisgal… Ma mère est agricultrice et éleveuse voyez-vous... Quant à mes parents biologiques, je ne sais rien d’eux. » Elle prit une légère inspiration, se massant l’arrière de la nuque « Je veux pouvoir détecter une illusion, mais aussi la maîtriser réellement, la découvrir, comprendre les limites, mais aussi les avantages qu’elle offre… Je ne veux plus que mes émotions provoquent des catastrophes… » souffle-t-elle. Secouant doucement la tête « Nous devrions nous installer dans un coin pour la nuit. »

Aurore n’avait pas réellement envie d’aborder davantage le sujet de sa vie privée, ni même de sa façon d’apprendre que ce soit son don d’Amisgal, ou celui de Khugatsaa. La rouquine ferma les yeux, se concentrant sur les mouvements de l’air qu’elle était en mesure de percevoir, elle espérait ainsi trouver rapidement une cavité pour passer la nuit. Ainsi, les deux jeunes gens devraient rapidement arriver à leur destination.

- « Un peu plus loin, il devrait y avoir une grotte… Je crois, que je ne suis pas certaine, il n’y a pas beaucoup de vent ici. »

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Douce désillusion  EmptyVen 5 Jan - 11:22
Alors qu’il écoutait la jeune femme, Donovan affichait un léger sourire. Il appréciait ce qu’il entendait : il aimait les gens qui avaient une idée claire de ce qu’ils voulaient, et qui ne se perdaient pas dans des envies de tout. De plus, sa volonté de pouvoir déceler et briser des illusions lui convenait très bien : c’était justement sa spécialité !

- Allons voir, fit-il lorsqu’elle évoqua la présence d’une grotte. Une fois installés et à l’abri, je vous en dirai plus au sujet de la détection des illusions. Et selon la vitesse à laquelle vous comprenez et assimiler une leçon, je vous montrerai également comment les briser. Ou tout du moins, je vous donnerai les bases pour y arriver. Le reste dépendra de la fréquence à laquelle vous vous entrainerez.

Il ne demanderait pas ce que cachait encore la jeune femme ; le jeune Gharyn savait encore faire la différence entre la curiosité et l’indiscrétion. Si certaines choses devaient être dites, elles le seraient en temps voulu ; d’ici là, il garderait ses interrogations pour lui.

Ils marchèrent encore quelques minutes, durant lesquelles Donovan resta silencieux- il essayait de déterminer comment Aurore avait pu détecter une grotte, alors que la brume et la roche masquait une grande partie de leur vision. Peut-être pouvait-elle sentir les différences de températures sur un environnement proche et qu’elle avait détecté ainsi quelque chose. Mais il était assez éloigné de la vérité, et pas près de s’en douter !

Ceci étant, elle ne s’était pas trompée- car les deux vagabonds tombèrent rapidement sur une ouverture dans la montagne. Donovan pris les devant et s’en approcha le premier : il ne connaissait que trop bien les animaux qui aimaient ce genre d’endroit, et ne voulait pas tomber sur un ours en pleine hibernation.

Un rapide coup d’œil lui permit de voir que la grotte était bien vide, aussi y entra-t-il après avoir fait un signe de la main à Aurore pour qu’elle le suive. Celle-ci était bien plus spacieuse que celle dans laquelle ils s’étaient cachés pour échapper à leurs assaillants. La grotte était suffisamment grande pour qu’ils s’y tiennent debout, suffisamment large et profonde pour qu’ils n’aient pas à se marcher dessus. En revanche, il y faisait particulièrement sombre, et Donovan n’avait aucun bois sous la main pour faire un feu.

Il fit un sourire d’excuse à la jeune femme.

- A moins que vous n’ayez un quelconque tour de magie pour nous apporter lumière et chaleur, je crains que nous ne restions dans l’obscurité… il nous faudra un moment pour trouver du bois dans toute cette rocaille, et avec cette brume il risque de toute façon d’être mouillé.

Il posa ses affaires un peu plus loin dans la grotte et alla s’asseoir à proximité de l’entrée, dos contre la roche. Il laissa Aurore souffler un peu, réfléchissant à comment il devrait s’y prendre pour lui expliquer la magie de l’illusion. Il opta finalement pour l’enseignement qu’il avait lui-même reçu : après tout, cela n’avait pas trop mal marché…

- Bon, fit-il en remuant les épaules. J’imagine que comme pour toute magie, il y a plusieurs méthodes d’utilisation pour obtenir un résultat. Ce que je vous transmets aujourd’hui, c’est un enseignement que j’ai moi-même reçu il y a des années et qui me permet aujourd’hui de pouvoir détecter et briser une illusion. De manière générale, la Magie est une question d’énergie et de maitrise. C’est cette énergie, cette force, que vous projetez sur le monde et qui, maitrisée, vous permet par exemple d’écarter la brume.

La Magie de l’Illusion n’est guère différente, sauf que cette énergie influe directement dans la psyché des individus. Il s’agit de votre esprit qui entre directement en contact avec un ou plusieurs esprits, une trace de vous-même que vous laissez sur le monde et qui touchera tout ceux qui seront en contact avec cette trace. Comme quand un cheval se soulage et que tous ceux qui passent se retrouvent avec une odeur nauséabonde dans le nez.


Il afficha un sourire- non pas pour cette métaphore subtile mais surtout parce que cela lui rappelait cette époque durant laquelle Zarathoustra lui parlait de Khugatsaa et sa magie.

- L’image est grossière, mais le principe est le même. Pour résumer, dans l’utilisation de cette magie, soit vous agissez directement dans l’esprit de quelqu’un, soit vous laisser une trace de votre esprit dans le monde. C’est la base de l’illusion : et le reste se développe ensuite avec la pratique. Ce qui fait que pour détecter une illusion, il faut trouver la source. Soit trouver la personne à l’origine de l’illusion, soit trouver la trace qui a été laissée.

Mais pour cela, comme pour toute utilisation poussée de l’Illusion, il faut avoir un esprit calme. Bien sûr, vous pourrez projeter vous propre peurs et angoisses chez un adversaire, mais cela ne sera pas durable. Il s’agit plus d’un faux ressenti, des sentiments et émotions qui n’existent pas. Construire une illusion solide et stable demande une certaine force spirituelle, et celle-ci ne peut s’acquérir, d’après mes propres expériences, qu’en étant en paix avec soi-même. Et pour cela, l’exercice le plus efficace est la méditation !


Il se tut quelques secondes pour laisser le temps à Aurore d’assimiler tout cela.

- Je ne vous cache pas que c’est long, et difficile. Mais croyez-moi, avec la pratique, vous y arriverez. Je ne médite pas avant chaque utilisation de ma magie : il s’agit d’installer un état général de notre esprit pour faciliter l’utilisation des illusions. La méditation se décompose en deux étapes : la première est centrée sur le soi : il s’agit de s’isoler dans un monde intérieur, de se découvrir, de s’apaiser. Une fois votre esprit calmé, vient la seconde étape, qui consiste à s’éveiller au reste du monde. Dès que je vous aurai expliqué les processus de méditation, nous pourrons passer à la détection de l’illusion. Rassurez-vous : je n’attendrais pas que vous réussissiez votre méditation pour passer à la suite, sinon je ne vous en parlerai pas avant des mois. Je vous donnerai toutes les bases, tous les éléments nécessaires pour y arriver, nous ferons des essais ensemble, mais le reste ne dépendra que de vous.

Il changea sa position et s’assit en tailleur, le dos droit, les mains posée sur les genoux et les yeux fermés.

- Voici la position classique pour la méditation. Fermez les yeux, essayez de ne penser à rien. Je sais que c’est difficile, mais il vous faut vous découvrir. Concentrez vous sur votre respiration, uniquement votre respiration. Sentez l’air entrer en vous, puis ressortir. Restez, pour l’instant, dans vos ténèbres. Il vous faut vous découvrir, vous accepter. Par exemple, lors de mes débuts, je me suis découvert une sorte de nœud dans ma gorge, qui m’empêchait de respirer normalement. C’était dû à des angoisses constantes. Aujourd’hui, ma gorge n’est plus nouée. Donc commencez par vous concentrer sur votre respiration, chassez toute forme de pensée, et éveillez-vous à vous-même !

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Douce désillusion  EmptyVen 5 Jan - 17:58
- « Est-ce que ça dépend réellement de la fréquence d’entraînement ou de la force qui nous attire vers notre architecte ? »

La question avait fui ses lèvres, avec sa spontanéité légendaire, Aure n’avait même pas réellement pris le temps de réfléchir sur le bien-fondé de sa question.  Dans l’idée, l’interrogation n’était pas dénuée de ce sens, dans la forme, un peu plus. La croyance était un élément important dans la maîtrise d’une magie, l’entraînement un autre élément. L’un ne pouvait pas aller sans l’autre finalement. Aurore avait démontrait la gêne de sa question, par un battement de cil et un pincement de lèvre, balayant doucement l’air de la main, elle avait ainsi souligné le fait qu’il n’était pas obligatoire de débattre sur cette phrase sans intérêt. Opinant légèrement de la tête, elle l’avait suivi en direction de la grotte, écartant par une danse gestuelle la brume qui semblait être de plus en plus présente. La rouquine avait visiblement vu juste et elle n’avait pu s’empêcher de sourire, satisfaite de sa performance. N’était-elle finalement, pas si mauvaise que ça dans sa maîtrise de l’air. Suivant délicatement l’homme à la carrure plus imposante que la sienne, elle avait naturellement stoppé ses pas quand il l’avait fait, amusé de le voir prendre le contrôle de la situation. L’imaginait-il certainement sans défense, incapable de survivre à l’attaque d’une bête agile ? La jeune femme n’allait cependant pas se plaindre de l’attention qu’il lui portait un peu involontaire, c’était quelque chose de suffisamment rare pour être souligné.  Glissant néanmoins une flèche dans son arc, qu’elle tenait à présent convenablement, la rouquine restait en alerte, prête à réagir au besoin. Ne doutait-elle aucunement de la faculté à gérer la chose de son professeur en magie de l’illusion. Néanmoins préférait-elle être en mesure de l’aider au besoin.

La grotte était finalement vide et c’est une fois à l’intérieur, debout, qu’elle avait rangé la flèche dans son carquois et l’arc dans son dos. Cessant de se concentrer sur la brume, celle-ci avait immédiatement repris le dessus, prenant pleinement possession de l’extérieur, ainsi que très légèrement de l’entrée de l’abri de fortune. L’obscurité semblait régner ici tout du moins autant que celle tombant peu à peu sur l’extérieur. S’aventurant doucement dans la profondeur de l’endroit, la rouquine ne put s’empêcher d’avoir un léger frisson. Si elle avait pour habitude de dormir régulièrement à la belle étoile. La fraîcheur des montagnes de Khuarmag était une épreuve, qu’elle n’était pas complètement certaine d’en ressortir indemne. Quoi qu’il en soit la my’tränne ne s’était pas plaint une seule seconde. Offrant un sourire en demi-mesure, elle avait fini par faire l’erreur de se glisser sur le sol pour s’y installer. La froideur de celui-ci la fit davantage frissonner, l’action avait été accompagnée par une légère grimace d’inconfort. Brbrbrbr.


- «  Navrée, je n’ai pas le don de Süns. » souffle-t-elle «  Nous allons devoir nous habituer à la froideur et la noirceur de la nuit. De toute façon, un feu aurait certainement signalé notre présence, cela n’aurait guère été trop prudent »

Déposant ses affaires dans un coin, la jeune femme avait fini par trouver un bon compromis pour s’installer. Les fesses sur son sac de voyage, elle ne ressentait ainsi pas la fraîcheur trop importante du sol. Les jambes tendues, les bras croisés pour tenter de conserver un maximum de chaleur corporelle, Aure avait relevé ses prunelles vers son interlocuteur, qui venait d’attaquer un sujet de conversation qui l’intéressait beaucoup plus que la recherche du petit bois. Aurore n’était pas réellement une femme de mot, même si elle n’était pas dénuée d’intelligence, elle apprenait plus rapidement via des activités que via des explications. Ne voulant pas trop offusquer son interlocuteur, elle n’en avait rien dit, tâchant de comprendre ce qu’il essayait de lui expliquer. La magie était une énergie, bon mh… Oui et non. Au fond la magie était une source inépuisable qui trouvé départ dans la croyance qui unissait un architecte et un fidèle, du moins, c’est ce qui lui avait toujours paru être une évidence.

- «  Doooooonc » dit-elle en laissant jouer ses doigts sur ses cuisses «  Vous, vous pouvez voir la trace de la magie ? Ce qui signifie que lorsque j’utilise mon don d’Amisgal pour faire écarter la brume, je laisse une trace pour qui sait observer ce don-là spécifiquement ? »

Un peu naïvement, la rouquine s’était vu lever un petit courant d’air très léger, froid, reniflant l’air, fixant son mouvement, elle avait eu l’espoir d’y voir quelque chose, ou d’y sentir quelque chose. Mais rien n’était différent que par le passé, même en plissant les yeux ou en cherchant quelque d’invisible. Absolument rien. Elle s’était un peu renfrognée, gonflant les joues, comme une enfant contrariée. Ce n’était pas évident de comprendre, de visualiser, ou d’adapter une vision qu’elle n’avait jamais eue jusque-là. Prenant une légère inspiration, Aurore, cherchait réellement à observer, à comprendre, à s’adapter. Il parlait de deux façons de jouer avec le don de l’illusion, elle n’en utilisait pour l’heure qu’une seule réellement, celle de projeter quelque chose de son esprit, dans l’environnement. C’était venu de façon naturelle, elle n’y avait jamais réellement réfléchi, alors qu’il s’était exclamé en proposant un moment de médiation, elle n’avait pas pu retenir une petite moue déçue. Un esprit calme ? La my’tränne avait un tempérament calme, de l’extérieur, en revanche, son esprit semblait toujours à la recherche de quelque chose, bouillant, réfléchissant sans effectuer de pause. A ses yeux, il était en train de lui demander l’impossible, sans même forcement s’en apercevoir. Avisant longuement son interlocuteur, la jeune femme afficha un sourire amusée :

- « Surtout que si vous attendez que je maîtrise l’art de la méditation… Cela risque d’être long… Vos cheveux risquent de devenir blanc bien avant que je sois adepte de cette forme de calme. »

Fermant les yeux, la rousse s’appliquait néanmoins à faire exactement ce qu’il faisait. S’installer en tailleur, mettre les bras sur ses genoux les mains vers le haut de la grotte. Fermer les yeux et se concentrer. Un fou rire nerveux commençait déjà à pointer le bout de son nez, si bien qu’elle se sentait obligée de le camoufler par des petites quinte de toux forcées. Aurore n’était réellement pas faite par la méditation. La rouquine tentait quand même de s’y appliquer, ouvrant un œil de temps en temps en direction de son professeur. Refermant l’œil, la jeune femme tentait tant bien que mal de se concentrer sur sa respiration. Inspirer. Expirer. Inspirer. Expirer. Involontairement, la my’tränne eut l’impression de ne plus être dans la grotte, mais ailleurs, dans un lieu sombre ou seul était audible un petit bruit d’une goutte d’eau qui s’écrase. Fronçant doucement les sourcils, Aurore ne savait plus réellement faire la différence entre réalité et illusion. Se déplaçant légèrement dans celle bulle imaginaire, complète sombre, complètement froide, la rousse ne savait pas pourquoi elle s’était retrouvée soudainement ici. Une douleur dans le bas du dos, une douleur au niveau de son ventre et puis une dernière au niveau de son poignet. La jeune femme fronce davantage les sourcils, avec cette sensation étrange de ne pas être seule ou trop seule justement. Elle percevait encore la voix de Donovan. Après plusieurs minutes, longues minutes d’absences ou de présence avec elle-même, Aurore avait fini par rouvrir les yeux, se retrouvant dans la grotte face à son interlocuteur principal. La rousse ne semblait pas dans son assiette, pas entièrement du moins, l’idée même de se retrouver dans cette sensation d’absence ou de solitude avait semblé profondément la chamboulé.

- « Je ne suis pas convaincue » souffla-t-elle honnête « Je ne suis pas certaine d’apprécier cette sensation… percevoir sa respiration, percevoir le silence, sentir son cœur battre ainsi… C’est un moment trop plein de solitude à mon goût. » Elle offrit un sourire un peu désolé, encore tourmenté par cette impression «  Pour la suite, qu’est-ce que vous envisagez ? Ce n’est qu’uniquement cette forme de méditation qui peut apprendre à la maîtrise de l’illusion ? »

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