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 L'article de la mort est féminin

Althéa Ley Ka'Ori
Althéa Ley Ka'Ori
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L'article de la mort est féminin EmptyJeu 28 Déc - 6:27
Irys : 507592
Profession : Guérisseuse du Troisième Cercle
My'trän +3 ~ Suhury (femme)
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L'article de la mort est féminin 131181articledelamort

Il est des soirs où l’intrépidité nous incite à des actes hasardeux, lesquels se soldent invariablement par des ennuis démesurés. D’autres nuits, la mauvaise fortune est seule responsable des situations inextricables qui nous entravent. Mais que les facteurs soient extérieurs ou bien que l’incident rencontré ne soit que le résultat de notre propre insouciance, il est certain que le jeu de la destinée ne le prend guère en compte lorsqu’il dévoile son œuvre. Les règles sont simples telles qu’établies ; que l’on cause notre propre supplice importe peu étant donné que le dénouement est en tout point égal à ce que le destin avait prévu initialement. Juger, pourvoir un coupable, demeure un concept inhérent à l’humanité. Et puisque vous qui lisez ces lignes faites partie de ces êtres pensants en quête assoiffée de responsables à blâmer, ou de justice à instaurer, il est de votre ressort de décider si le sort avait choisi un destin mérité pour Althéa Ley Ka’Ori.

***


La my’trän parcourait les rues de Lonfaure, un air de dédain imprimé sur ses iris. Son mépris était davantage le fruit des maux de tête qui la taraudaient à intervalles réguliers, lorsque la technologie se faisait trop dense alentour, que de son antipathie pour les citoyens de ce continent. Non pas qu’elle n’aurait pas regardé les Daënars de travers une fois sa douleur mise de côté, mais il semble pertinent de préciser qu’en l’occurrence, elle cherchait simplement un exutoire à son mal-être. Depuis son arrivée en Daënastre, son existence se résumait à un profond mal du pays accompagné d’une souffrance bien physique. Lorsqu’elle redressait la tête, son regard ne rencontrait que tours et immeubles s’élevant sans fin vers les cieux nocturnes. A mi-hauteur, elle ne croisait que des accoutrements daënars, et de l’hérésie en tout lieu. Aussi, elle fixait résolument les pavés qui défilaient sous ses bottes à une allure lente, comme ralentie par son épuisement latent.

La jeune femme était d’une humeur acrimonieuse, et elle se mordait profondément les lèvres pour ne pas agresser le premier venu. Avant de parvenir à Alexandria pour y négocier le retrait des mines de magilithe sur son territoire, elle se devait de faire preuve de retenue, de se fondre dans la masse. Mais comment adopter des comportements qu’elle abhorrait, s’affubler de vêtements inconfortables qui l’incommodaient, supporter la vision des rouages et des mécanismes qui la rendait malade, sans broncher d’aucune manière ?
Ce soir-là, un besoin urgent et presque animal de compenser son malheur animait ses pensées.

Ce soir-là, c’était la misère, un vrai calvaire. Une putain d’entourloupe, comme aurait dit son vieux. Le crime n’avait pas payé, et ne payerait pas demain non plus. Archibald cracha par terre, comme à chaque fois que quelque chose lui tapait sur les nerfs. Cela faisait des plombes qu’ils préparaient ce coup avec les gars. Mais visiblement réfléchir à un plan dans ses finitions demandait trop de temps, et ce temps perdu finissait toujours par vous tomber sur la gueule. Ils étaient pas faits pour l’esprit, seulement pour l’action. La réflexion avait tué leurs chances d’obtenir un butin, pactole comme aurait dit le vieux. Non, ils étaient faits au contraire pour prendre des risques, partir à l’improviste, opter pour des décisions à la seconde près. L’impulsivité était leur plus grande ressource monétaire. Ce soir-là, il avait trop attendu, il avait merdé. Ce soir-là, c’était la misère, un vrai calvaire.

    « Trouvez-moi cette raclure. »


Althéa avançait chancelante, sans objectif déterminé. Elle cherchait quasiment à tâtons un endroit où la peuplade était moindre et scierait moins son crâne. En centre-ville, le malaise se multipliait au centuple, aussi elle arriva bien vite à la périphérie urbaine. Ce qu’elle ignorait, c’est que plus l’on s’éloignait de l’activité du centre, celle qu’elle redoutait tant, plus l’on s’approchait des quartiers peu fréquentés, même carrément mal famés. Mais elle titubait néanmoins vers ce qu’il lui semblait être le chemin du soulagement crânien, pour ne tomber que sur un mal plus grand encore et ô combien plus périlleux que la simple nausée. Fatalement, elle se retrouva nez à nez avec un guetteur du gang d’Archibald, et il parut mécontent de la voir errer dans les parages. Elle aurait dû se rendre compte, elle l’admettrait sans mal, qu’elle ne ferait que s’attirer des ennuis en forçant le passage. Derrière le guetteur, personne n’arpentait la rue, tandis que de l’autre côté, de là où elle venait, l’heure tardive n’empêchait guère des dizaines de civils de circuler. Or, c’était bien ce qu’elle recherchait avec avidité, un endroit peu fréquenté ; mais la rupture entre les deux moitiés de rue aurait dû éveiller sa raison et refroidir considérablement sa fougue.

Peut-être qu’inconsciemment elle aspirait à cette confrontation à venir. Peut-être qu’elle se jeta volontairement dans la gueule du loup, non pas dans des velléités suicidaires, mais plutôt parce qu’elle crut que le duel serait aisément gagné, et surtout que son adversaire serait seul. Lorsque le malfrat se décolla du mur pour se mettre en travers de son chemin, elle fit mine de le contourner. Il l’attrapa par l’épaule pour la projeter violemment dans le sens opposé. C’était de notoriété publique que cette partie de Lonfaure était spécifiquement interdit d’accès. Il s’agissait du territoire d’Archibald, au même titre que d’autres rues adjacentes appartenaient à des gangs ennemis. Quand bien même la jeune femme n’était pas au courant, son geste aurait dû être assez véhément pour qu’elle déguerpisse sans plus tarder.

A l’inverse, la my’trän y puisa l’imbécile témérité qu’il lui manquait jusqu’alors. Une rage sans fin naquit au creux de son estomac, et une hargne qui trouvait sa virulence dans toutes les opportunités manquées de passer sa haine sur un Daënar s’infiltra dans ses veines. Ce fut presque en transe qu’elle sortit de sous sa cape son poing ganté, pourvu de quatre lames de métal faisant office de griffes. Frapper latéralement, c’est ce qu’on lui avait enseigné. Les griffes s’enfoncèrent dans son flanc, mais une résistance l’empêcha de les planter aussi profondément qu’elle ne l’avait prévu. L’homme poussa un grognement pathétique, dans tous les sens du terme, mais parvint par elle ne savait quel miracle à ne pas tomber, se contentant de poser un genou douloureux sur le sol.

Elle n’en avait que faire s’il survivait - mieux, elle n’avait pas espéré le tuer. Cette sensation seule de chair déchirée avait ravi ses sens, une ivresse sans pareille s’empara de son cœur malmené. Mais l’euphorie fut de courte durée, il lui fallait s’échapper à présent, les témoins de la scène commençaient à s’affoler dans son dos. De toutes ses forces elle tira pour défaire ses griffes du flanc meurtri, que protégeait le cuir de ses vêtements. A peine cela fait, le guetteur agrippa son poignet libéré pour l’empêcher de s’enfuir, et simultanément quelque chose de fort solide s’abattit sur l’arrière de son crâne. Contrairement à ce que l’on eût pu penser, cela la soulagea instantanément. La douleur était si forte, et l’inconscience si palpable, qu’elle s’y abandonna complètement. Bientôt le simple mal de crâne devint une implosion de souffrance qu’elle n’était plus à même de ressentir.

La garce, c’était donc elle qui avait tué ses hommes ? Trois. Trois hommes, des bons gars, entraînés et aguerris, tous les trois crevés. C’était eux qui étaient supposés enlever la fille du comte au cours de la cérémonie du lendemain. Ils auraient dû la kidnapper, puis toucher une belle rançon en échange de son joli corps indemne et bien vivant. Mais le plan avait foiré. Ses trois gars étaient morts avant l’heure, et sur leurs cadavres on avait retrouvé une menace signée du comte en personne comme quoi toute nouvelle tentative à son encontre serait récompensée par le même traitement. Mais il savait, Archibald, que si c’était signé du comte, cela ne signifiait pas qu’il avait fait le sale boulot lui-même, loin de là. Il avait employé quelqu’un pour tuer ses hommes, et ce quelqu’un avait pas fait le boulot à moitié. Les trois gars étaient pourtant dans leur quartier. Quelqu’un s’était infiltré, les avait assassinés discrètement, alors même qu’ils se trouvaient sur leur territoire. Et ça, ça le foutait mal, ça signifiait qu’il savait pas garantir la sécurité de ses pairs dans ses propres rues.

A sa décharge, le coupable savait faire son affaire. Il soupçonnait qu’un des meilleurs assassins du continent avait été dépêché spécialement pour l’histoire. Ces putains de nobles pouvaient tout acheter. Alors en réponse à cet imprévu, il avait envoyé ses hommes patrouiller sur le territoire pour guetter cette enflure, et il leur avait demandé de mener l’enquête. Quiconque un tantinet suspect devait être traîné jusqu’à lui. Et cette garce était la troisième candidate de la soirée, mais aussi la plus crédible.

Lorsque son sbire la lui avait ramenée, il lui avait ri au nez. Tous la dépassaient d’une bonne tête au moins, et elle avait réussi qu’à porter un coup unique à son gars et loin de tout organe vital, alors que l’assassin recherché avait réduit au silence trois de ses meilleurs hommes, ce qui impliquait une connaissance parfaite de l’anatomie humaine en plus d’une impressionnante furtivité. Et puis on lui avait déballé ses possessions sur son bureau. Des gants supplantés de griffes et un arc de la grande industrie Strauss, et surtout pléthore de poisons, herbes somnifères et d’autres non identifiées. Un véritable attirail d’assassin. Qui plus est, la fille se tenait la tête comme si elle avait été droguée avant d’arriver sur leur territoire. Cela expliquerait son apparente incompétence. Etait-elle revenue poursuivre son travail, décimer plus de ses hommes, mais avait rencontré un imprévu sur le chemin ? Quelque chose, quelqu’un, l’avait droguée, et son état avait faussé son jugement autant qu’amoindri ses phénoménales capacités ? Il voulait en avoir le cœur net, et plus que tout, venger ses trois acolytes.


Son mal de crâne était à présent lancinant. Elle l’avait cru dissipé par le coup qu’on lui avait porté, mais celui-ci n’avait pour ainsi que retardé l’échéance où plus rien d’autre ne saurait la distraire de sa douleur. Et pourtant, si, des voix la tiraient de sa torpeur, et bientôt une sensation de fraîcheur humide la ramena pour de bon à la vie. Elle toussa deux fois pour sortir l’eau infiltrée dans ses narines, et l’homme en face d’elle, qui n’était autre qu’un sbire d'Archibald reposa le sceau désormais vide à même le sol. Dans quelle nuance de galère s’était-elle fourrée ? Aux dernières nouvelles, elle avait simplement agressé un homme discourtois à son égard. Mais lorsqu’elle avait entrouvert les paupières, elle s’était retrouvée face à trois hommes à la mine sombre et au regard effrayant, et parmi eux ne figurait pas sa victime antérieure. Combien étaient-ils à surveiller ses arrières ? Dans un instinct de survie discutable, elle joua la carte de l’impassibilité, paniquée à l’idée qu’ils abusent de la terreur qui paralysait ses membres. A dire vrai, son expression neutre ne fit que confirmer sa culpabilité aux yeux de son tortionnaire.

    « Allez, p’tite garce, c’est l’heure des confessions. Commence par me dire comment t’as tué trois de mes hommes sans que j’m’en rende compte, tu me dois bien ça. »


De quoi l’accusait-il ? D’un triple-meurtre ? Il y avait certainement une erreur, fatale pour elle, mais une erreur tout de même. Elle avait beau avoir été sujet à des malaises et un flou permanent dans ses pensées, dus à son exposition excessive à la technologie, elle n’en demeurait pas moins un individu raisonnable dans son aversion pour les Daënars. Elle n’aurait pas tué trois d’entre eux par hasard, encore moins s’ils avaient fait partie d’un gang. Ceci dit, elle avait bien attaqué au hasard un de ses hommes de main ; sa crédibilité n’aurait pu être plus contestée. Elle ne comprenait que maintenant l’ampleur de son inconséquence, et la portée de ce malentendu.

    « Il y a méprise. Je suis juste une guérisseuse, alors à moins d’avoir sauvé ton père avant qu’il t’enfante, je vois pas quel crime j’aurais pu commettre. »


Son acerbité la perdrait plus sûrement qu’elle ne lui faisait gagner du temps. L'homme de main lui asséna un coup violent, à lui en décrocher la mâchoire, et elle aurait juré que sa main était faite d’acier. Un goût désagréable de fer s’immisça dans sa salive, et tout le côté droit de son visage fut soudain brûlant comme la braise. Sa joue semblait être le sentier idéal de millions de fourmis malvenues. Toutefois, elle se retint de prodiguer le moindre soin, dans le maigre espoir que ses agresseurs n’aient pas remarqué son affiliation à la magie. Elle se contenta plutôt de renforcer son corps grâce au don de Möchlog pour le parer aux coups à venir. L’élément de surprise, dans une situation où elle était la plus étonnée de tous, serait la clef de sa survie.

Pour l’instant, de solides liens entravaient ses mains dans son dos, mais elle avait la certitude de ne pas être rattachée à un ancrage quelconque (mur, sol ou support). Si elle trouvait le moyen de se défaire de la corde, elle pourrait peut-être s’en sortir vivante grâce à la chouette protectrice.

Ceci considéré, elle ajouta à son ébauche de plan une note mentale. Celle-ci consistait dans les grandes lignes à éviter le sujet des géniteurs à l’avenir, car son interlocuteur paraissait trop… sensible à la mention de ses parents. Comme pour ponctuer son geste autant que son déplaisir, Kipps, le second d'Archibald, cracha par terre et lui administra un regard tant noir qu’inquiétant.

    « Te fous pas de ma gueule, on a vu tout ton matos. Parle et je t’assure que ta mort sera rapide et indolore. »


Dernière édition par Althéa Ley Ka'Ori le Dim 31 Déc - 12:48, édité 2 fois

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L'article de la mort est féminin EmptyJeu 28 Déc - 20:27
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La témérité de Thomas Archibald n'était plus un secret pour personne au sein du manoir familial. Aussitôt averti que ses acolytes venaient de trouver la responsable du meurtre de tous ses confrères, il s'empara de sa plus belle canne ornementée et s'empressa de traverser les galeries scintillantes, en prenant soin de marcher sur les tapis dorés pour ne pas salir ses bottes, afin d'arriver dans le quartier de la culture et du savoir. Ici, il vérifia que personne ne l'avait suivi, et activa un petit levier qui servait à ouvrir la trappe dissimulée derrière une étagère de livres.

Lorsqu'il descendit dans les sous-sols du manoir, là où tous ses hommes avaient pour ordre de rester, Thomas fut accueilli par les rires pervers et machiavéliques de ceux qui attendaient que la sentence soit exécutée avec la pire cruauté qui soit. Les sbires d'Archibald avaient été disposés à l'intérieur d'un gigantesque entrepôt abandonné, autrefois utilisé par la famille noble pour y installer toutes ses marchandises de fournitures maritimes. Mais aujourd'hui, la famille Archibald reposait sur une richesse plus moderne qui avait déjà contaminé beaucoup d'états Daënastres : la politique.

Thomas avait toujours le visage à moitié caché d'une part par son haut de forme qu'il rabaissait volontairement sur son front, et d'autre part par une fraise de costume dont la collerette remontait jusqu'à en dépasser le menton. Thomas se faisait depuis peu surnommer « Le macchabée » en référence au teint très pâle qu'il avait à force de toujours se recouvrir de poudre. Son costume, quant à lui, était classique de la haute bourgeoisie Daënastre, si ce n'est qu'il avait une certaine passion pour les cannes ornementées qui l'aidaient à bomber le torse pendant sa démarche.

C'est ainsi qu'il s'avançait au milieu des sous-fifres sales et puants, une serviette sous le nez pour cacher les odeurs, et méprisant avec dédain tous ceux qui l'observaient. L'avidité et la jalousie était si pesante qu'il en réajusta son chapeau. Ce n'était pas pour rien s'il avait entreposé ses hommes dans les sous-sols : Thomas ne se mélangeait pas à la racaille, il préférait la faire travailler pour lui.

Au milieu de la pièce se trouvait la-dite intéressée, attachée sur une chaise et encore à moitié sonnée par ce coup qu'elle avait reçu. Elle ne savait ni ce qui lui arrivait, ni ce qu'on avait lui faire, et cette condamnation injuste justifiait évidemment toute cette crainte qui se lisait dans son regard. Thomas y décelait une certaine beauté, et c'est pourquoi il prit soin de se pencher plus près de la demoiselle pour décrypter les expressions de son visage attendrissant.


« Ma très chère, puissiez vous trouver du réconfort à l'intérieur de ce foulard au moment venu. C'est le seul cadeau que je peux vous offrir pour m'excuser de toute cette brutalité dont vous avez été la victime. »

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« Nous n'avons pas de nouvelles depuis plus d'un mois, Khonja. Envoyez une missive, faites quelque chose, mais je ne peux pas rester les bras croisés à attendre qu'il lui soit arrivé quelque chose. »

Catherina avait attendu trop longtemps. Au sein des quartiers stratégiques de l'Ordre de la Pénitence, beaucoup se questionnaient à propos de Valduis suite à la dernière mission sur laquelle il avait été affecté. Catherina était particulièrement touchée par le silence de Valduis, ce dernier ne prenant jamais soin d'informer ses coéquipiers de l'avancée de sa mission. Oh, ce n'était pas étonnant venant de lui : il était bien connu que Valduis transgressait depuis toujours certaines règles de l'Ordre pourtant élémentaires. Mais comme à chaque fois, son expertise et son efficacité dans les missions rattrapaient très largement son manque de raisonnabilité.

Mais cette fois-ci, Valduis avait été affecté à la région du Tyorum pour plusieurs mois. Il avait été réquisitionné pour une mission de la plus haute importance, c'est pourquoi les égoûts de Skingrad l'accueillirent comme il se devait et devaient lui venir en aide pour accomplir son objectif. Habituellement, Valduis était toujours affecté au même quartier principal où se trouvaient tous ses frères et soeurs de l'Ordre. Quand bien-même n'informait-il personne à distance de l'avancée de sa mission, il était forcé de revenir à plusieurs reprises pour se ravitailler. C'est à ce moment précis que Catherina lui posait toutes les questions qu'elle n'aurait jamais pu avoir par missive.

« Patience, Catherina. Valduis ne nous a jamais déçus. Nous ne pouvons rien faire de plus qu'attendre son retour. A ce moment là, nous lui ferons part de notre mécontentement vis-à-vis de son comportement.. mais tu sais bien qu'il n'en tirera aucune leçon. »

Catherina détourna les talons après avoir violemment frappé sur la table de son mentor, incomprise et frustrée par tant d'indifférence. Mais personne ici n'était capable de comprendre une telle réaction démesurée provenant d'une sœur de l'Ordre envers son frère qui était simplement parti en mission. La vérité était toujours très lourde à supporter et bien trop risquée à dévoiler pour les membres de l'Ordre : cette possessivité excessive était le fruit d'une profonde plaie au cœur qu'éprouvait une mère pour son fils. Car même si Catherina n'avait jamais mis au monde Valduis, elle était celle qui l'avait éduqué jadis et qui se sentait coupable de ce qu'il était devenu.


_____________________________________________



Plusieurs mois de travail acharné allaient enfin aboutir à un résultat imminent. Et c'était là que Valduis y trouvait toute sa source de plaisir dans son métier d'assassin : la rédaction de plans toujours plus méticuleux pour parvenir exactement au résultat attendu. A chaque mission, il gagnait de l'expertise et rédigeait des plans qui réduisaient les risques, anticipaient toutes les improbabilités, et augmentaient les chances de réussite sans n'y laisser la moindre faille.

Aujourd'hui, Valduis arrivait au paroxysme d'un plan qui se déroulait lentement depuis de nombreux mois. Avec les égouts de Skingrad comme seul point de ravitaillement, chaque journée singulière était un défi avec lui-même qui lui procurait une adrénaline sans pareille : tout était chronométré à la seconde et absolument rien ne lui laissait de seconde chance s'il commettait la moindre grossière erreur.

Sa mission, comme à chaque fois qu'il en avait une, commençait par de longues semaines de récupérations d'informations. Sa cible était Mhonor Archibald issu d'une des plus riches familles commerçantes de fournitures maritimes, qui abandonna la succession marchande pour se lancer dans la politique grâce à sa notoriété et à son capital. Ici, rien de très inhabituel dans les cités Daënastres, si ce n'est que ce Mhonor était parvenu à s'accaparer en très peu de temps le monopole des médias. Il avait grimpé dans les sondages et avait même rallié à sa cause d'autres puissants partis politiques. Aujourd'hui plus que jamais, il s'apprêtait à prendre le pouvoir, et c'est au moment où son son succès était à son apogée que, très étrangement, les contrats sur sa tête se multiplièrent à tel point que l'Ordre décida de s'y intéresser de plus près.

Au sein de Skingrad régnaient l'Ordre et les Danseurs au milieu d'un marché noir plus florissant que jamais. L'information circulait à foison pour ceux qui connaissaient les sources fiables, et en seulement quelques jours, Valduis avait réuni tout ce dont il avait besoin pour établir un plan infaillible. La stratégie employée par Mhonor était grotesque mais toujours très efficace - et le serait encore dans les décennies à venir - : il avait un frère inconnu de tous du nom de Thomas Archibald. L'un était l'image du peuple et l'autre agissait dans l'ombre pour que ses actes aient des répercussions positives sur son frère aîné.

Mhonor prétendait enrichir les pauvres et débarrasser la ville de la racaille. Pendant ce temps, son frère Thomas orchestrait de faux attentats mis en scènes pour être déjoués par la milice de Mhonor, à des lieux où un maximum de citoyens seraient spectateurs des actes de bravoure de ce fervent défenseur qu'était Mhonor. En vérité, pendant que les médias et les citoyens étaient fascinés par ce sentiment de sécurité qu'offrait Mhonor, ce dernier se débarrassait de ses opposants politiques dans le plus grand silence en faisant passer ses meurtres pour des accidents. C'est ainsi qu'il pouvait grimper dans les médias sans le moindre danger, épaulé par l'ombre de son frère qui assurait l'apogée de sa famille.

C'était l'opportunité pour Valduis de déjouer l'engrenage d'un système qui fonctionnait si bien depuis plusieurs mois. Mais il avait une bien meilleure idée que ça et il était toujours prêt à mettre au défi ses capacités d'assassin; pousser ses ressources jusqu'à ses dernières limites. Une information lui était parvenue que Thomas prendrait la possession du manoir familial pendant que Mhonor s'installerait dans les Hauts-Quartiers de la cité, où habitaient toutes les identités politiques reconnues, afin de pouvoir asseoir sa notoriété.

Et plutôt que d'engager des mercenaires ou des malfrats prêts à faire le sale boulot, Mhonor avait décidé d'installer un effectif d'hommes payés pour rester sur le terrain et effectuer des missions quotidiennes, comme une véritable petite guilde qui agissait dans l'ombre... Et bien évidemment, ces nouveaux arrivants n'avaient n'avaient jamais entendu parler de ce Thomas qui allait se charger de leur confier les missions. Dès que l'occasion se présenta, Valduis kidnappa Thomas et l'emmena dans les tréfonds des égouts là où les huit pattes de l'araignée se chargeraient de sa punition. C'est à ce moment précis que la mission devenait intéressante.

Valduis s’immisça dans le personnage de Thomas sans que personne ne sache qu'il ne s'agissait pas de lui. Seul dans le manoir et son frère éloigné, obligé de communiquer par missives, il avait pour lui seul un petit groupe d'hommes prêts à exécuter ses missions sans réfléchir. Eux qui pensaient servir l'intérêt d'un puissant homme politique, ils se révélaient en fait être des serviteurs de l'Ordre sans n'en avoir la moindre idée. A partir de ce moment là, une fois que Valduis s'était totalement imprégné de son personnage, le fruit de tout son plan pouvait commencer.

Il utilisa les hommes qui lui avaient été confiés pour faire chuter la notoriété de son frère aîné. Comme il avait l'habitude de diriger, en tant que Shudarga, endosser le rôle d'un chef de groupe n'était plus un secret pour lui. Il inventa de toutes pièces l'existence d'un Baron adverse qui se cachait et qui ne souhaitait que la chute de Mhonor Archibald, profitant de l'aide de ses alliés à l'intérieur des égouts de Skingrad pour rendre réel l'existence de ce personnage fictif. Une fois tout cela mis en place, Valduis frappa un à un les conseillers et alliés de Mhonor qui le soutenaient depuis son arrivée en envoyant ses propres hommes faire le sale travail et en leur faisant croire qu'il s'agissait d'acolytes envoyés par le Baron.

Il s'était même accaparé la machine à écrire du manoir pour ne pas que Mhonor doute de son écriture. Il avait également pris soin au préalable de recopier parfaitement la signature de Thomas avant de l'enfermer. Par missive, il avait révélé à son frère l'existence de ce Baron qui s'attaquait à ses conseillers et qui faisait assassiner ses pauvres hommes. Seulement, la mascarade était amusante jusqu'à ce qu'aujourd'hui, les hommes de Valduis - alias Thomas - ne décident d'eux-mêmes de s'attaquer à une femme innocente qui n'avait pas sa place dans cette guerre intestine.

Et qui plus est, aujourd'hui, Mhonor avait décidé de se déplacer en personne à l'intérieur du manoir, enragé après que presque la totalité de ses conseillers aient été assassinés et que son jeune frère, Thomas, n'ait même pas été capable malgré tout l'argent envoyé par Mhonor de neutraliser ce mystérieux Baron. En une semaine seulement, il avait dégringolé dans tous les sondages et s'était retrouvé en sixième position devant ses opposants politiques.


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« Ma très chère, puissiez vous trouver du réconfort à l'intérieur de ce foulard au moment venu. C'est le seul cadeau que je peux vous offrir pour m'excuser de toute cette brutalité dont vous avez été la victime. »

Thomas, ou plutôt Valduis, indiqua à ses hommes la venue imminente de son frère aîné, et leur donna l'ordre de l'accueillir comme il se devait. Il leur indiqua également que la fille devrait rester ici jusqu'à ce qu'il en décide le contraire, et qu'il quitterait la pièce afin de se préparer convenablement à l'arrivée de Mhonor.

Une fois seul dans son quartier privé, Valduis s'enferma dans sa chambre et ouvrit son armoire. A l'aide d'un coutelas qu'il gardait toujours sur lui, il força une plaquette de bois qu'il avait positionnée quelques jours plus tôt dans son armoire afin de la détacher. Derrière toute sa penderie se trouvait son attirail d'assassin, disposé ici dans l'unique but de pouvoir être utilisé le jour où il atteindrait l'objectif de sa mission. Et aujourd'hui, il était prêt à enfiler sa tenue et à oublier le personnage de Thomas pour enfin redevenir l'assassin qu'il avait toujours été.

Quelques dizaines de mètres plus bas, tous les acolytes dévisageaient Atlhéa du regard. Ils n'étaient bientôt plus capables de retenir pulsions meurtrières et sexuelles, mais heureusement, des bruits de pas dans les escaliers détournèrent toute leur attention de la jeune fille.

« Où est-il ? OU EST-IL ?! Et où sont passés tous les hommes que j'avais engagés ?! Je veux que l'on m'explique MAINTENANT et TOUT DE SUITE ! »

Mhonor était fou de rage. Il n'avait même pas prêté attention à Althéa qui était spectatrice de tout ce remue-ménage. En un rien de temps, la confiance et la malfaisance de ses assaillants laissèrent place à une crainte sans pareille vis-à-vis de celui qui les avait engagés. Certains restèrent sans voix tandis que d'autres essayèrent malgré eux de donner une explication à leur mésaventure.

« C'est le Baron, chef. Il engage des assassins pour nous tuer... On n'a rien pu faire. »

« Je me moque de vos explications. Je veux Thomas, ici, tout de suite et maintenant. Pourquoi n'est-il pas là ?! »

« Il nous a dit qu'il était parti se préparer pour vous accueillir, chef. Il va pas tarder à revenir. Mais on l'a attrapée ce matin, et on est persuadés qu'elle a été engagée par le Baron. Vous pourriez la faire parler en attendant que votre frère revienne, je suis sûr qu'elle a beaucoup de choses à dire, hi hi hi hi... dit l'acolyte, la bouche bavante, en pointant Althéa de son gros doigt crasseux. »

Mhonor se rua en direction d'Altha et l'attrapa par son col. Impuissante et attachée, elle ne pouvait absolument rien faire pour se débattre. Dans sa colère irrassasiable, il leva le poing pour venir frapper le visage déjà meurtri de la jeune victime, puis fut stoppé net par une voix bien culottée.

« Retire ta main de cette fille, vulgaire chien. »

Des quatre recoins des ombres s'élancèrent plusieurs couteaux de lancer. Ils sifflèrent dans la pièce pour finalement venir s'enfoncer dans la chair de leurs cibles avec précision. Certains acolytes eurent le temps de faire dévier la trajectoire avant que le coutelas ne les atteigne, mais déjà deux d'entre eux se vidaient de leur sang avant même de n'avoir eu le temps de comprendre ce qui se passait.

Vaduis s'élança depuis l'étage supérieur qui donnait sur l'entrepôt, rebondit sur un caisson disposé en hauteur, pour finalement atterrir derrière ses adversaires dans le plus grand silence. Toujours pas repéré, il prit de l'élan, ses bottes de camouflage étouffant le bruit de ses pas, puis bondit sur une de ses cibles pour venir déchirer sa colonne sur le long et en profondeur à l'aide de son couteau bien aiguisé. Le cri strident alerta tous ses associées autour qui se ruèrent sur l'assassin.

Valduis fit un petit signe en direction d'Althéa, pointant du regard une partie de la corde qui la retenait qui avait été volontairement rongé pour qu'elle se libère en forçant un peu. Il balança sa fumigène au sol, en espérant que la jeune fille ait le réflexe d'enfoncer son nez dans le foulard qu'il lui avait offert quelques minutes plus tôt. Désorientés et aveuglés, les acolytes se mirent à donner de violents coups de lame là où se déplaçait l'assassin. Mais ils ne s'imaginaient pas qu'ils étaient pris au piège dans une danse machiavélique qui sonnerait l'heure de leur mort.

Dans les fumigènes et au milieu de ses adversaires désorientés, Valduis était le maître qui dirigeait le rythme de la danse. Il dégaina ses deux épées courtes et commença à virevolter entre ses ennemis. Lorsqu'une de ses épées tranchait, Valduis se trouvait déjà à plusieurs mètres de sa victime, prêt à enfoncer son autre lame dans la chair fragile d'un autre adversaire. C'était un spectacle d'ombre et de poussières qui virevoltaient dans la pièce; un ennemi invisible qui était si agile qu'on aurait pu croire à plusieurs adversaires en même temps. Depuis sa chaise, Althéa ne pouvait distinguer que les effusions de sang qui s'échappaient du nuage de fumée, avec toujours plus de silhouettes qui s'évanouissaient au sol dans un râle de douleur.

A la fin, il ne restait qu'une silhouette debout au milieu de tout cet amoncèlement de cadavres. Valduis venait de neutraliser une petite dizaine d'hommes et s’élevait au-dessus d'une marée de sang dont il était fier d'être le responsable. Seul Mhonor avait échappé à ce massacre car Valduis lui réservait un sort tout particulier. Il essuya ses deux épées courtes avant de les rengainer, puis s'avança lentement en direction de Mhonor, silencieux et déterminé dans sa démarche.

Althéa pouvait tout juste reconnaître, sous le masque et la capuche de Valduis, ces mêmes pupilles bleues désormais animées par la braise qui s'étaient posées sur elles quelques minutes plus tôt, sous le camouflage d'un faux Thomas, et qui semblaient pourtant si douces et réconfortantes. Comment distinguer le vrai Valduis du faux à présent qu'il venait de montrer deux facettes littéralement opposées? Mais il s'agissait bien du même personnage qui était venu la sauver - à sa manière - et qui était en train de mettre un terme à un règne malhonnête. Car telle était la force des assassins de l'Ordre, capables de s'accaparer entièrement un terrain adverse, d'en prendre possession, et de se débarrasser de ceux qui l'occupaient depuis longtemps.


« Alors le Baron a envoyé l'Ordre venir nous détruire, hein. Maintenant que vous avez réussi votre coup, dites-moi au moins quel est son nom et comment s'y est-il pris pour se jouer de moi depuis le début. »

« Il n'y a pas de Baron. Il n'y a que vous et moi. »

« Hmpf... Et qu'avez-vous fait de mon frère ?! »

« Son cadavre a dû être jeté avec les autres dans la fosse aux égoûts à l'heure qu'il est, répondit Valduis tandis que ses pommettes se levèrent sous son masque, trahissant d'un sourire narquois. »

« Fils de ... »

Mhonor pointa son bras en direction de la tête de Valduis, vif comme l'éclair. L'assassin eut tout juste le temps de distinguer ce qui était un pistolet de poignet; une mécanique équivalente à celle d'un pistolet classique, mais disposée sur le dessous du poignet et équipée d'une seule balle.

Il tira tandis que Valduis se protégea de ses deux bras. La balle déchira le cuir de son armure pour venir s'enfoncer dans le bras de l'assassin, ce dernier ayant manqué de prudence vis-à-vis d'un adversaire qu'il avait sous-estimé. Valduis décocha à l'aide de son bras indemne une fléchette de son arbalète-à-poing qui vint percer la gorge de sa victime. Mhonor s'écroula sur le sol et mourut après plusieurs secondes de convulsions incontrôlables.


« Vous allez bien ? Demanda Valduis à Althéa, tandis qu'il tenait son bras sous pression pour ne pas faire coaguler le sang. »


Althéa Ley Ka'Ori
Althéa Ley Ka'Ori
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L'article de la mort est féminin EmptyVen 29 Déc - 16:12
Irys : 507592
Profession : Guérisseuse du Troisième Cercle
My'trän +3 ~ Suhury (femme)
    « Je suis des Cercles de l’Aube, s’évertuait-elle à les convaincre. J’ai le brassard dans mon sac.
    - En v’la une bonne couverture pour assassiner en douce, j’l’admets ! rétorqua l’homme non sans une certaine fierté mal placée.
    - Ma parole, qu’est-ce que tu ne ferais pas pour me désigner coupable, siffla-t-elle. »


L’homme de main se leva de la caisse depuis laquelle il la dévorait du regard, pour s’approcher d’elle. Bien trop près d’elle. Sa main rugueuse vint brutalement se saisir de ses cheveux, qu’elle déplorait d’avoir lâché plutôt que tressé. Il bascula sa tête en arrière sans ménagement comme pour obtenir une meilleure vue sur ses traits, et maintint le silence oppressant qui emplissait la pièce. Il la dominait de tout son être, dans un désir pervers de puissance. Il témoignait par la même de toute son arrogance, de l’impression innée que tout lui était dû en ce monde. Sa main gauche tirait atrocement sur sa chevelure, mais plus que tout, c’était la droite qu’elle craignait, celle qui se voulait douce sur sa joue meurtrie ; elle glissa sur ses lèvres pour marquer leur appartenance, et Althéa se raidit sur sa chaise. Il ne la possédait pas, il n’avait aucun droit sur elle, ni en corps ni en esprit.

Mais l’homme démentait cette affirmation. Tout dans son attitude représentait une réplique à son accusation. Oui, semblait-il lui susurrer, il ferait tout pour la désigner coupable. D’une part parce qu’il savait qu’elle était responsable de la mort de ses frères, il en avait l’intuition profonde et c’était une raison suffisante pour diriger toute sa rancœur vers elle. Mais aussi parce qu’il se rendait d’ores et déjà fébrile à l’idée de lui faire souffrir le traitement réservé aux ennemis féminins un tant soit peu comestibles. Cette idée-même était intolérable pour la guérisseuse, quand bien même elle ne voyait aucune échappatoire aux événements à venir.

    « Kipps, y’a Archibald qui s’ramène, laisse-le lui passer dessus en premier !
    - Lequel ?
    - Le jeune ducon, t’as déjà vu le vieux se mêler à nous ? »


Cette apparition subite marqua temporairement sa délivrance, et elle se rendit compte soudain qu’elle avait retenu son souffle tout le long de cet écœurant contact. Haletante, elle réprima les grandes inhalations que ses poumons réclamaient, privilégiant des inspirations frénétiques, courtes et discrètes, qui dissimuleraient partiellement son appréhension. Jamais un homme ne l’avait traitée avec si peu de courtoisie, et elle prit conscience de combien elle avait vécu dans une bulle privilégiée ces deux décennies passées. Non pas que ses parents fussent nantis ou qu’elle vécût toute sa vie dans une cage dorée et hermétique, loin de là. Plutôt qu’elle avait toujours évolué auprès des membres de son clan, de ses frères biologiques et tribaux, et que rien alors ne semblait susceptible de lui arriver. Elle avait bénéficié d’une protection dont elle ne disposait plus en solitaire et sur le territoire ennemi.

Ici, dans ce sous-sol d’un manoir Daënar, elle se rendait finalement compte de la bassesse des hommes, et de leur tendance à répondre à leurs pulsions en premier, et non à leur éthique. Mettez quelques hommes entre eux, ajoutez un peu de pénombre pour dissimuler leurs actes, et couronnez le tout par un captif au centre de la pièce, et ces hommes-là révèlent leur vraie nature, assument leurs vices sans vergogne.

Qu’attendre alors, de leur supérieur hiérarchique ? Il devait être le pire des mécréants. Pour mener des malfrats, il faut soit les payer grassement (et l’insalubrité de la pièce lui interdisait d’y croire) soit être le pire d’entre eux. Son soulagement semblait voué à l’éphémérité. Elle tremblait de voir apparaître cet Archibald plus encore qu’elle ne haïssait les regards sans gêne de ses hommes de main.

De toute évidence, Althéa était loin du compte. L’homme qui apparut au sommet des marches pour descendre avec une élégance apprêtée contrastait avec la grossièreté de ses hommes. Il semblait insolite de le dépeindre comme la tête pensante d’une bande de hors-la-loi sans scrupules. Mais la guérisseuse était bien placée pour savoir qu’une réputation et une apparence solides permettaient une vie pérenne dans le côté sombre de la société. Dans un autre contexte, un jour autre, elle aurait trouvé amusant qu’il plaque un mouchoir pour prévenir l’odeur de crasse et la puanteur des truands de parvenir à ses narines. C’était un geste familier qu’elle aurait volontiers entrepris si ses mains n’avaient été ligotées.

Pour l’heure, une tension croissante comprimait sa poitrine au fur et à mesure que l’aristocrate déguisé se dirigeait vers le centre de la pièce. Son occiput souffrait toujours d’avoir été malmené quelques minutes auparavant, comme un dur rappel à la réalité. Si son homme de main pouvait la menacer de la violer puis de la tuer, à quel genre d’horreurs leur chef la promettait ?

Alors, contre toute attente, il abaissa son mouchoir de devant son visage, et le déposa sur ses genoux, à défaut de pouvoir lui remettre en mains propres. A sa panique déjà omniprésente se mêla une once d’incrédulité face à la tendresse dans son regard. Il lui offrait… un mouchoir ? Un mouchoir, pour sécher ses larmes peut-être, ou ses blessures prochaines ? Althéa assimila le verbe au passé qui se rapportait à la brutalité subie. Il impliquait donc que son supplice était terminé ? A moins qu’à tout hasard il ne considérât guère un viol comme « brutal » ? Une envie irrationnelle qu’il fût son sauveur, envoyé par Möchlog en personne, s’immisça dans ses pensées, mais elle lutta contre ce sentiment délétère. Elle en avait côtoyé des semblables, et ces gens-là étaient givrés, de véritables psychopathes. Ils agissaient avec passion et exaltation pour entreprendre les pires méfaits en ce monde, feignant l’amabilité avant de s’en prendre à vous. Elle l’avait vu chez Zora, elle le lisait à nouveau en Thomas Archibald. Sa douceur n’était qu’une façade, ou plutôt, une façon d’opérer pour l’avoir sous son emprise.

Aussi Althéa resta muette, et se contenta de véhiculer l’antipathie qu’il lui inspirait derrière sa ridicule collerette et son chapeau sans grâce. Elle détestait les brigands sans idéal, les daënars sans foi, les aristocrates sans honneur. Et le Archibald qui quittait à présent la pièce faisait résolument partie des trois.

Il allait s’avérer bientôt que la présence du jeune Archibald était bien plus plaisante, et paisible, que celle de son aîné. Ce dernier débarqua en catastrophe, et après un court échange, se précipita sur elle pour passer sa rage. Cette fois, la magie lui fournit la vigueur qu’il lui avait manqué au coup précédent, et la douleur produite en fut considérablement atténuée. Il la laissa retomber sur sa chaise sans douceur pour se retourner vers son frère, qui encore une fois, semblait déterminé à prouver qu’il était de son côté. Althéa n’en était que plus stupéfaite.

Tout se passa alors très vite. Elle vit deux hommes s’écrouler bien avant qu’elle n’entrevît les lames qui avaient causé leur trépas. Althéa se crispa sur sa chaise ; contempler la mort de ses propres yeux lui donnait des sueurs froides. Une ombre se déplaçait dans la pièce, qu’elle n’arrivât à identifier qu’un court instant, alors que ses yeux azurs semblaient l’enjoindre de passer à l’action. Il était drôle, attachée comme elle l’était ! De toute ses forces elle tira sur les liens, et à son plus grand étonnement, ils cédèrent sous la pression sans même qu’elle ne décuple sa force magiquement. Elle se refusa à tergiverser, l’heure était venue de reprendre son semblant de vie en main. Elle refoula la peur qui la tétanisait pour accueillir l’adrénaline qui stimulait ses instincts de survie. Elle s’élança vers la table où étaient disposées ses armes. Elle fut interceptée en chemin par le pervers du groupe, celui qui lui avait si généreusement suggéré ses envies charnelles. Cette enflure allait bien finir par lui lâcher les basques un jour ou l’autre !

Son contact la rendait aussi nauséeus que si elle avait tenu un pistolet dans les mains. Elle canalisa toute l’énergie qu’elle put s’attribuer, et l’ébranla d’une vague de douleur telle que des plaies apparurent sur ses mains, puis sur ses bras, béantes et profondes. Il grogna en lâchant prise, hébété qu’elle fût magicienne, et Althéa se félicita d’avoir conservé l’élément de surprise. La seconde d’après une lame le transperçait de part et d’autre, et la guérisseuse eut un pas de recul en réponse au haut-le-cœur qui lui prit la gorge. Elle vit et ressenti le vide qui s’installait dans le regard de son agresseur, il tomba à genoux, et quand son corps bascula en avant toute trace de son âme s’était envolée. Elle ne pouvait affirmer en toute franchise qu’elle regrettait sa mort, mais le voir tomber si proche d’elle alors que sa main dans ses cheveux lui semblait toujours palpable, cela l’atteignait plus que ce qu’elle voulait bien l’admettre. Cela était effrayant. Traumatisant.

L’instant d’après, elle se ruait sur ses gantelets, qu’elle enfila avec presque trop de précipitation pour être efficace. Elle y parvint malgré tout, et dans sa panique elle ne capta que des bribes de la conversation qui se déroulait entre les deux frères présumés, en quête désespérée de ses flèches. L’arc était bien là, mais impossible de trouver son carquois. Ses yeux finirent par déceler les contours de la table, et l’excroissance que faisait l’ensemble des flèches appuyées sur le bord opposé à elle. Elle attrapa la plus proche sans plus attendre, au moment où un coup de feu retentissait à quelques mètres de là. Un gémissement de peur échappa de ses lèvres avant qu’elle ne puisse le retenir. Elle jura contre sa propre bêtise, car elle avait ainsi révélé sa position, agenouillée derrière le bureau. Attendre dans l’espoir de passer inaperçue ne servait plus à rien, elle banda son arc, et elle sortit de derrière la table.

Elle crut bon de rester accroupie pour limiter la surface visible de son corps, et réduire en taille la cible potentielle qu’elle représentait pour son controversé sauveur. Il était le seul survivant de cette hécatombe, et pour cette raison, le plus intimidant de tous ses adversaires. Elle l’avait vu jeter des lames à travers la pièce, glisser dans l’obscurité comme s’il faisait lui-même partie de l’ombre qu’il arpentait. Elle ne voulait pas lui faciliter la tâche en se découvrant totalement. Elle ignorait tout de ses intentions, et elle ne comprenait pas le dixième de ce qu’il venait de lui arriver, mais elle connaissait à présent ses méthodes et ses aptitudes, et elle aurait été insensée de ne pas s’en méfier.

    « Reste loin de moi, ordonna-t-elle avec une autorité qu’elle s’inventait de toutes pièces. »


Avait-il remarqué le tremblement de ses doigts et de son avant-bras sous la tension de la corde ? Le manque de résolution dans son regard ? L’alignement imparfait de son coude avec la pointe de sa flèche ? Probablement, elle n’était pas une combattante aguerrie, et il avait prouvé à onze reprises dans cette pièce qu’il en était ! Ces détails n’auraient pas manqué de lui échapper. Peu importe, elle vendrait sa peau chèrement, et il était suffisamment proche pour qu’elle ait une chance même infime de le toucher. Elle raterait peut-être sa cible, il est vrai, mais s’il s’approchait trop, elle se battrait comme une forcenée. Avec un peu de chance, il n’avait pas encore vu les griffes qui substituaient ses doigts repliés. Tant d’espoirs auxquels elle s’accrochait désespérément !

    « Laisse de côté tes manières hypocrites d’embourgeoisé ! »


La disciple de Möchlog faisait de preuve de trop de zèle pour que sa témérité ne fût pas uniquement motivée par la peur. Elle était en phase de traumatisme, et une envie de vomir lui tenaillait l’estomac. Trop de cadavres séparaient les interlocuteurs, comme autant de barrières à l’établissement d’une relation cordiale et agréable. Plus que tout, elle voyait à présent le dénommé Mhonor gisant sur le sol, et un homme capable d’assassiner son fraternel symbolisait pour elle le paroxysme du vice. Elle refusait de se laisser berner par ses artifices et son odieuse affabilité. Est-ce qu’elle allait bien ? Non, elle ne ressentait que terreur et regrets.

    « Dis-moi ce que tu espères de moi ! Pourquoi tu as tué tes hommes et… ton frère ? »


La jeune femme détestait cette impuissance qui s’emparait d’elle. S’il n’avait pas opéré un tel massacre sous ses yeux, elle aurait peut-être conservé son calme habituel. Mais les circonstances faisaient que plus rien de l’ordre établi, de sa vie presque tranquille, ne fonctionnait à cet instant. Elle finit par voir le bras qu’il compressait de sa main libre, ainsi que le sang qui perlait de sa blessure - piètre observatrice qu’elle était ! Si l’envie de tirer avantage de cet inconvénient titilla son entendement, elle céda au contraire à l’émoi qui rendit ses yeux larmoyants.

    « Si tu me fais pas de mal… je peux te soigner ! »


C’était son dernier recours. Elle ignorait ce qu’il avait prévu pour elle, en l’enlevant via ses hommes puis en la sauvant de leur emprise, mais négocier restait sa meilleure offense. Un échange de bons procédés, c’était peut-être un moyen plus raisonnable de s’en sortir qu’un affrontement physique. Elle tendit néanmoins davantage la corde son arc, aux aguets comme un chaton apeuré. Plus elle parlait, et plus sa volonté semblait se briser sur la roche, en même temps que le doute étouffait sa hargne. Elle allait tirer, elle devait tirer, ou elle regretterait son inaction.

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L'article de la mort est féminin EmptySam 30 Déc - 1:55
Ce n'était pas la première fois que des spectateurs imprévus assistaient à ce genre de scène, oh non. Et Valduis n'était pas vraiment le genre à dédramatiser les choses à ou sauver son image : il était un assassin qui combattait les criminels et les hommes corrompus, et il assumerait ce titre jusqu'au bout, quel que soit l'individu qu'il croiserait sur sa route et qui lui ferait la morale. C'est pourquoi Valduis se concentra plutôt sur une solution pour saigner cette plaie coagulante que sur l'état de méfiance que ressentait Althéa vis-à-vis de lui. Même si elle pointait son arc dans sa direction, il pouvait ressentir d'ici la peur qu'elle éprouvait à son égard et qui l'empêchait de relâcher la corde.

Quoiqu'il en soit, il avait beaucoup de peine à extirper la balle de son bras à cause du sang qui rendait ses doigts glissants. La douleur le faisait grimacer et il ne disposait sur lui d'aucune pince ou équivalent qui puisse lui permettre d'aller retirer la balle bien enfoncée dans la chair. Et c'est à ce moment précis qu'Althéa attira toute son attention.

Après quelques secondes de réflexion, il se rappela l'avoir vue utiliser un peu plus tôt ce qui s'apparentait à de la magie lorsqu'elle se défendait contre son assaillant. Et heureusement, cela avait permis de gagner du temps pour permettre à Valduis d'arriver à temps afin de terminer le travail de la jeune magicienne - et tous les dieux d'Irydaë savaient que l'épée courte était généralement une solution plus efficace que la magie pour assurer une mort simple et rapide -. Par ailleurs, cette cape ornementée et ses gants de protection lui confirmaient que peut-être il y avait l'espoir d'un miracle dans ce corps frêle qui cachait bien des mystères.

Seulement, sa méfiance devenait un problème à partir du moment où Valduis décidait d'accepter son aide. De par son éducation au sein de l'Ordre, il savait très bien que les bases élémentaires de l'échange se définissaient par des règles simples, à commencer par la confiance. Et quand bien-même était-il le dernier à se soucier des conditions à suivre pour entamer une relation avec autrui, c'était très certainement l'unique solution qui s'offrait à lui pour pouvoir survivre à cette blessure profonde. Une fois de plus, la vie lui apprenait que la simple courtoisie pouvait s'avérer être un choix judicieux.

Alors il s'attela à la tâche, non sans mal, lui qui n'aimait pas converser pour le plaisir, et encore moins justifier ses actes.


« Ce n'était pas mon frère et ce n'étaient pas mes hommes. Je me suis infiltré au sein de leur organisation pour la démanteler de l'intérieur. Ces individus étaient des ennemis du gouvernement qu'il était nécessaire d'annihiler pour le bien de cette société. Et je viens d'accomplir la mission qui m'a été confiée. »

Ces quelques mots suffiraient à la rassurer, du moins suffisamment pour qu'elle sache qu'il n'était pas un monstre sanguinaire au point de tuer ses propres hommes et sa propre famille - à défaut d'être un meurtrier -. Et on ne pouvait pas lui reprocher son émouvante honnêteté qui contrastait avec ce profil d'assassin stéréotypé. Car sous ce masque sombre se cachaient deux yeux intimidés par cet élan généreux mais pudique de rassurer la jeune innocente. C'en était presque attendrissant si on ne prenait pas en compte cet amoncèlement de cadavres qui se trouvait juste derrière lui. La gêne occasionnée lui fit détourner son regard d'Althéa lorsqu'elle s'approcha de lui pour soigner ses plaies.

« Vous êtes libre de partir comme bon vous semble, néanmoins, je vais devoir rester ici cette nuit pour nettoyer les lieux et fournir le moins d'informations possibles à la milice qui enquêtera dès demain sur ce meurtre. Je ne peux pas encore vous faire confiance, mais je peux vous payer grassement pour que vous gardiez le silence sur ce qui vient de se passer. C'était nécessaire. »

C'était en réalité une fausse proposition qui était plus simple à présenter que la menace. Peu importe qu'elle accepte ou qu'elle refuse, Valduis avait vu son visage et sa tenue, ce qui était très largement suffisant pour pouvoir la suivre et s'assurer qu'elle ne répète rien à personne. Si elle était guidée par la crainte d'être poursuivie ou tuée, ou si elle parvenait à comprendre un temps soi peu tout le travail méticuleux de l'assassinat, alors elle partirait sans rançon et garderait le silence.

Si elle était opportuniste - ce qui était la solution la plus avantageuse pour elle -, elle accepterait la rançon et quitterait les lieux sans ne dire mot. Dans les deux premiers cas, l'Ordre s'occuperait simplement de s'accaparer son nom, son histoire, ainsi que celle de sa famille, mais abandonneraient la filature au bout de quelques semaines lorsqu'elle aurait montré qu'elle était digne de confiance.

En revanche, si elle était motivée par la seule soif du gain sans se soucier du danger - et c'était le troisième cas possible -, sa trahison entraînerait automatiquement l'entrée en action de l'Ordre. Elle serait alors poursuivie jusqu'à ce que son assassin trouve un moyen de la tuer silencieusement après avoir récupéré toutes les informations qu'elle aurait divulgué.

Valduis n'espérait pas de quatrième solution en vue du traumatisme qu'il venait de lui causer. Elle ne souhaiterait certainement pas rester plus longtemps à ses côtés et il n'attendait pas plus d'efforts de sa part. Il avait l'habitude d'être fui et cela lui convenait parfaitement. Elle était certainement motivée par son instinct de médecin à cet instant précis qui l'obligeait à sauver des vies, peu importe l'individu qui se trouvait face à elle. Après tout, Valduis se rendrait bien vite compte qu'elle appartenait au Cercle et qu'elle respectait les mêmes codes que ceux de Luka qu'il avait rencontrée quelques mois plus tôt. Mais au-delà du cadre professionnel, il était persuadé qu'elle n'aurait aucune envie d'établir un lien avec un assassin.

Althéa Ley Ka'Ori
Althéa Ley Ka'Ori
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L'article de la mort est féminin EmptySam 30 Déc - 5:33
Irys : 507592
Profession : Guérisseuse du Troisième Cercle
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La révélation tomba comme une bénédiction des architectes. Ou une frayeur de plus, elle hésitait encore. Il ne faisait pas partie du gang qui l’avait enlevée ; il n’en demeurait pas moins un tueur de masse. Longtemps encore elle maintint la tension sur la corde de son arc, mais son interlocuteur ne semblait pas se préoccuper de sa présence, encore moins de la menace risible qu’elle représentait pour lui. Son attention était obnubilée, à juste titre, par la blessure de son bras.

Althéa l’avait vu sous des jours si différents en un laps de temps si court ; de noble courtois à assassin impitoyable, en passant par le simple exécutant de son devoir. Les trois profils impliquaient de telles disparités de caractères et d’ambitions qu’elle ignorait quoi penser de cet homme qui se dressait sur son chemin.

Et cependant, tout bien considéré, nulle personne sensée ne s’aviserait à opposer résistance à un assassin aguerri. Celui-ci paraissait de surcroît disposé à converser, à recevoir ses soins, et par extension, à accepter cette trêve rassurante quoique provisoire. A défaut d’avoir un meilleur plan pour assurer sa survie, la guérisseuse abaissa la pointe de son unique flèche vers le sol, et déposa l’arc encore armé sur le bureau. Elle le troqua pour deux feuilles qu’elle dénicha de son sac après une fouille méthodique. Une fois les ingrédients obtenus, elle prit le temps de ramasser son carquois et sa sacoche, et de passer son arc sur son dos. On les lui avait confisqués, mais dorénavant, elle ne laisserait plus personne les lui ôter.

Tout le long, elle avait gardé Valduis dans son champ de vision, et la gêne qu’il manifesta lorsqu’elle se résolut à s’approcher de lui, à pas peu confiants et avec une lenteur couarde, ne fit qu’accroître son propre embarras. Cette même sincérité qui l’avait convaincue de briser ses barrières la forçait à en ériger de nouvelles. Ils étaient comme deux enfants étrangers et puérils qui n’oseraient pas se regarder en face. Pour sa part, elle se trouvait insane de s’approcher autant de mains aussi meurtrières, et de son côté, la promiscuité l’indisposait manifestement. Par tous les Architectes, quel genre d’être indiscernable côtoyait-elle ? Comment agir, réagir, en présence d’une personne qu’elle comprenait si peu, et qui l’intimidait tant ? Pour une fois, sa raison ne lui dictait plus rien, perturbée par tant d’inconnues, et son habituel égocentrisme ne savait comment se positionner dans une situation où toute option paraissait suicidaire. Elle serra les dents, et se força à redresser la tête dans une impression d’assurance intégralement feinte.

La My’trän avait écouté d’une oreille distraite la déclaration de l’assassin, mais elle était loin d’en comprendre tous les tenants et aboutissants. Et si elle n’avait pas conscience de tous les enjeux de ce qu’il venait d’annoncer, elle n’ignorait pas pour autant que la proposition était trop belle pour être vraie. Un assassin de profession se contenterait donc de la payer plutôt que de lui couper la langue ? L’une des deux options était plus efficace pour la réduire au silence, et elle n'impliquait aucun allègement de sa bourse. C’est donc avec un sourire douloureux qu’elle posa une question proprement rhétorique :

    « Quoi, vous me laisseriez partir, sans plus de procédures ? »


Il ne la tutoyait pas, et instinctivement elle avait adopté le vouvoiement qu’il préconisait. Voulait-il établir de la distance, ou bien sa gêne était-elle réelle ? Elle ne disposait d’aucun moyen de déterminer où s’arrêtait le jeu d’acteur et où commençait la réalité du tableau, pour le moins elle connaissait ses capacités théâtrales mais pas tant sa personnalité véritable ! Il avait pris des allures aristocratiques très probantes, il était possible qu’il joue maintenant la carte de la vulnérabilité. Son sarcasme recouvré, elle déclara d’un ton neutre :

    « Je ne veux pas de vos Irys salis par le crime, ni de votre discours qui prêche la confiance en employant le mensonge. »


Elle ne pouvait pas affirmer davantage, car elle n’avait aucune idée précise de ce qu’il prévoyait pour elle. Quelque part, elle était persuadée que quelques Irys ne pouvaient suffire à étouffer l’affaire, et que lui-même ne croyait pas à cette allégation. Certains s’y plieraient sans hésiter, mais l’assassin n’avait aucune garanti que ce serait son cas. S’il y croyait corps et âme, alors il était un bien piètre assassin, et c’était à se demander comment il vivait encore en liberté !

La guérisseuse attendait plus, elle voulait la vérité, telle quelle et sans artifice, celle qui ne la ménagerait pas, celle qui ne tenterait ni de la séduire ni de la duper. Elle n’avait pas fière allure au vu des circonstances dans lesquelles le destin l’avait propulsée, mais elle n’était pas moins assez solide pour encaisser ce choc-là. Möchlog la testait, elle en avait à présent la certitude.

Möchlog. Möchlog, et la guérison. Si Valduis ne la tuait pas de façon imminente, c’est qu’il avait de toute évidence intérêt à la garder en vie, à repousser l’échéance. Soudain, la réalité l’avait frappé de plein fouet : il attendait simplement qu’elle le soigne avant d’en finir avec elle. Elle ne voyait pas d’autre alternative. Sa proposition de soins lui avait fait gagner quelques minutes de sa vie tout au plus, mais elle était un témoin, ses chances de survie approximaient un joli cercle sans défaut. Oui, tout était plus clair dans sa tête, et nul moyen de la convaincre qu'elle se fourvoyait. A trop manigancer, elle avait fini par déceler un subterfuge là où la réalité en était pourtant dépourvue…

    « Tenez, mâchez. Et asseyez-vous. »


Althéa, le souffle court, présenta les deux feuilles, l’une lénifiante, l’autre anesthésiante. Elle doutait qu’il s’en empare, comme il l’avait si bien dit, il ne lui faisait pas encore confiance, et s’il venait à accepter, ce serait uniquement parce qu’il aurait reconnu les végétaux et leurs propriétés. Elle croisa son regard perçant, et à partir de cet instant, elle refusa de replonger dans les lueurs bleutées de ses iris. Elles étaient trop familières, trop pénétrantes, elles la transperçaient comme sa dague avait pourfendu ses victimes. Elle prit une inspiration hachée, retira le gantelet griffé sur son bras gauche, et tendit sa main désarmée pour cueillir le bras de l’homme.

Le cuir s’était déchiré au passage de la balle. En soit, si ce fait témoignait de la violence de l’impact, cela limitait également la gêne qu’elle aurait ressenti à lui intimer de se déshabiller, même partiellement. Là, elle se put se contenter d’écarter d’un pouce les pans de son armure, puis ceux de la plaie. Sa poigne était forte, comme polie par l’habitude et indépendante de son caractère. C’était la guérisseuse uniquement qui agissait, et plus la My’trän apeurée. C’était une façon de gagner du temps, et de reprendre un peu de dominance là où tout ne se résumait qu’à l’impuissance.

N’ayant pas de pince à portée de main, elle dut employer d’autres méthodes, plus douloureuses il est vrai, mais plus immédiates également – il n’avait qu’à mâcher la feuille s’il voulait atténuer sa souffrance. Usant de sa magie, elle élargit légèrement la plaie sur le côté extérieur, et soigna simultanément la partie la plus profonde de la blessure, à savoir la paroi contre laquelle s’appuyait la balle. Les fibres se refermaient une à une, rejoignaient leurs homologues sectionnés, et cette réunion progressive avait pour effet secondaire de repousser le corps étranger vers l’extérieur. La magie faisait son œuvre, la douleur passerait.

Elle fut bizarrement soulagée de constater que l’os avait arrêté net cette boule métallique d’hérésie sans se briser. Le corps humain savait se défendre contre ce qu’il y avait de pire en ce monde, et il y avait quelque chose de fascinant là-dedans ! Après un certain temps, qui lui parut bien trop bref, mais sans doute interminable pour son patient improvisé, la balle dépassa enfin le pourtour de la plaie. Elle s’empara du mouchoir qu’elle avait noué autour de son cou, et s’en servit pour extirper la raison de son mal. Elle s’empressa de la faire tomber au sol, comme si ce contact la brûlait même à travers l’étoffe blanche, rendue écarlate par le liquide poisseux qui s’écoulait encore de la blessure. Les Daënars avaient le don d’inventer ce qui n’aurait jamais dû exister.

Par la même occasion elle vérifia les battements de cœur, ainsi que la respiration de Valduis, dans l’espoir vain qu’il aurait sombré dans l’inconscience, mais il était plus vigoureux qu’elle ne le pensait – ou l’espérait. Il était loin de céder à l’évanouissement, à l’inverse de nombre de ses précédents clients. Remarquerait-il si elle s’adonnait maintenant à plonger son corps dans le coma ? Son hésitation la paralysait. Et s’il comprenait avant qu’elle n’y parvienne ? Cela ne signerait-il pas son arrêt de mort ? Mais de toute façon, n’était-elle pas déjà morte ?

Elle s’apprêta à tenter le tout pour le tout, à lui insuffler l’inconscience en même temps qu’elle refermait la blessure encore ouverte, mais une distraction autre l’interrompit net dans le processus. Un des hommes à terre, qu’elle croyait cadavre parmi les autres, tentait vainement de contenir une quinte de toux. Le sang sortait de son torse autant que de sa bouche, indiquant une blessure grave aux poumons. Althéa se leva d’un coup d’un seul, et fit un pas en avant vers le mourant, dans un réflexe pur et innocent de médecin dévoué, puis se rappela de la pourriture qu’était cet homme et de la mission de celui qu’elle venait de soigner. Elle recula donc à nouveau contre le mur, un masque d’indifférence et de soumission sur le visage. Elle laissa plutôt Valduis se servir de son bras complètement rénové pour mettre un terme à la vie de Kipps pour de bon cette fois. 

    « Thomas ? Sale… chien… tu étais avec le Baron… depuis le début… »


Elle n’était donc pas la seule à avoir persisté dans le malentendu ! Elle admettait sans mal qu’il avait réussi son coup à manipuler avec autant de brio un nombre si conséquent d’hommes de main. Elle ne pouvait démentir la pointe d’admiration, mêlée à de la jalousie, qui étreignit son cœur. Prétendre qu’il avait été le dirigeant de Lonfaure tout au cours de sa mission n’était pas une hyperbole, et elle lui enviait cette facilité manifeste avec laquelle il avait abusé de la crédulité de tout un chacun. Un jour, peut-être, si elle survivait, elle serait capable d’exploits similaires mais à des fins probablement différentes. Elle regrettait simplement de ne pas pouvoir discuter avec son "sauveur" de ses stratégies qu'elle jalousait. Mais la situation était inextricable.

Althéa fit preuve de bons sens en ne retenant pas Valduis lorsqu’il se releva à son tour pour achever l’homme. Elle était tentée de sauver une vie résiliente, mais elle n’avait pas assez de sympathie pour tenter de le sauver (malgré son honorable résistance à la mort) ni assez d’intrépidité pour empêcher un assassin de mener à bien sa tâche. A l’instant où ce dernier plantait sa lame, et que Kipps prononçait son ultime gémissement, on entendit un discret « clic » de l’autre côté de la pièce. Le bruit d’un loquet qui se ferme de l’extérieur. En se retournant, Valduis put constater qu’Althéa, visiblement absente de la pièce, était par déduction de l’autre côté de la porte fermée, celle qui donnait sur les escaliers menant dans les sous-sols plus profonds encore du manoir.

Elle avait conscience que fermer la porte à clef ne lui achèterait que quelques secondes tout au plus, elle ne doutait pas qu’une porte ne tiendrait pas son ennemi hors de portée pendant longtemps, mais c’était toujours une protection de prise ! Elle savait qu’il ne lui avait pas tout dit, et ce sentiment l’aveuglait. Möchlog l’avait envoyé pour qu’elle comprenne que son don était précieux, et que tous tenteraient d’y accéder aux dépends de sa vie. Il lui incombait de s'en protéger.

Dans cet état d’esprit, supporter plus de temps la présence de l’assassin était impensable. Et puis, après tout. Il lui avait affirmé qu’elle pouvait partir « quand bon lui semblait », n’est-ce pas ? C’est donc presque confiante qu’Althéa s’enfonça dans les profondeurs de ce qui semblait être une ancienne cave à vins, dans l’espoir qu’une autre sortie existât que celle empruntée. Tout se passerait bien, tentait-elle de se convaincre, il ignorait jusqu’à son prénom et peut-être même son appartenance à My’trä – elle pouvait tout aussi bien venir de Zochlom, d’Als’Kholyn ou Nislegiin. Elle enverrait une missive pour annoncer à Zora qu’elle fuyait sans elle, qu’elle la rejoindrait à Alexandria, mais qu’elle fuirait bel et bien. Elle partirait à pied s’il le fallait pour échapper de cet enfer d’un soir, l’enfouir dans sa mémoire, et ne plus s’en souvenir, comme un parent défunt que Khugatsaa efface de nos pensées.

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L'article de la mort est féminin EmptyDim 31 Déc - 1:31
Aussitôt le couteau retiré de sa victime, Valduis scruta les horizons de la pièce pour espérer repérer son nouveau médecin improvisé. Mais il n'y avait aucune trace d'Althéa autre que celle du résonnement du loquet récemment fermé de la porte par laquelle elle s'était enfuie. C'était le choix le plus logique qui s'offrait à elle et Valduis n'aurait pas mieux fait. Il était tout de même surpris de sa capacité à choisir les bonnes décisions au bon moment. Dans d'autres circonstances, elle aurait tout à fait pu avoir sa place au sein de l'Ordre.

Mais voilà. Le manoir était divisé en plusieurs étages tous reliés par des escaliers, et plus récemment, par des ascenseurs utilisables manuellement que les serviteurs de Mhonor faisaient manœuvrer toute la journée. Seulement, il fallut qu'Althéa se dirige vers l'unique porte qui menait dans la cave à vin et qui n'offrait aucun autre échappatoire. A l'intérieur se trouvait une trappe qui donnait accès aux sous-sols. Et ce qu'elle ne savait pas, c'est que Valduis y avait volontairement enfermé d'autres hommes d'Archibald dont il n'avait pas eu le temps de s'occuper. En effet, ceux-là étaient au service de Thomas, et Valduis ne pouvait pas se faire passer pour le jeune noble si certains d'entre eux l'avaient déjà vu. Comme il ne voulait pas se résoudre à les tuer, il préférait les enfermer et comptait s'en occuper une fois la mission terminée. Ils étaient compris dans le "nettoyage" que Valduis avait souligné précédemment, mais seulement après qu'Althéa se soit enfuie... et en empruntant la bonne sortie.

En état d'alerte, il se rua en direction de la porte. Mais Althéa avait pris judicieusement soin de la fermer de l'intérieur. Débloquer la serrure n'était pas une tâche compliquée pour un assassin, seulement les portes du manoir étaient renforcées et leurs serrures comptaient au moins cinq ou six points, ce qui prendrait plusieurs minutes pour parvenir à la déverrouiller. Et à cette heure-ci, Althéa était certainement déjà en train d'ouvrir la trappe qu'elle imaginait comme une sortie miraculeuse qui s'offrait à elle. Valduis ne pouvait pas se permettre de laisser s'écouler plusieurs minutes... il fallait trouver une autre solution.

Aussitôt, il décida de revenir sur ses pas et de se ruer en direction des caisses de l'entrepôt. De là, il chercha les coffres dans lesquels étaient disposés le matériel des canons de navire. Il en ouvrit jusqu'à trouver ce qu'il cherchait pertinemment : des petits sacs de poudre à canon qui étaient empaquetés par dizaines dans les coffres métalliques. Il en récupéra quelques uns avec lui et les coinça sous la porte. Avec l'aide de son couteau, il déchira l'un des sacs restant et laissa volontairement s'écouler la poudre sur le sol afin de former un long fil entre lui et les sacs déposés plus tôt. Il s'empara d'un pistolet sur l'un des cadavres, puis tira à bout pourtant sur la pointe d'une corde qui était également enroulée dans le coffre. De là, la flamme s'embrasa et il la transféra au fil conducteur jusqu'à ce qu'elle se répande à grande vitesse là où étaient disposés les sacs de poudre.

L'explosion fut si puissante qu'elle le projeta en arrière alors qu'il se trouvait à une bonne distance de sécurité. La détonation réduit la porte en milles morceaux et fit s'éclater le mur autour d'elle pour ne laisser qu'une immense brèche fumante. Le bruit allait sûrement alerter les citoyens qui se trouvaient à l'extérieur, ou peut-être même bien pire encore, car le manoir était plutôt bien gardé. Mais peu importe : Valduis trouverait une solution si les choses empiraient. Pour le moment, il ne fallait pas perdre une seconde de plus : il se rua à l'intérieur de la brèche et descendit les escaliers à toute allure pour espérer y retrouver la pauvre désespérée.

Alors qu'il venait à peine de descendre un étage, les bruits aigüs d'Althéa qui se débattait férocement arrivaient déjà jusqu'aux oreilles de Valduis. Il enfonça la porte de la cave et vit que la trappe était ouverte. En un bond, il se retrouvait devant l'ouverture et descendait l'échelle qui menait aux sous-sols, guidé par le seul son d'une âme meurtrie qui devait certainement regretter de s'être échappée de l'entrepôt.


« Mes copains et moi on s'ennuie depuis plusieurs jours ici. Ce fils de pute ne nous a rien laissé d'autre que de la nourriture, de l'eau, et un simple pot en bois pour chier. Alors tu vas être bien mignonne et fermer ta gueule avant que je te n'abîme ce beau visage lisse. Tiens-là bien que je lui arrache sa jolie cape, j'ai besoin de me vider dans le calme. »

Comme le témoignait deux des hommes déjà à terre, Althéa s'était visiblement défendue du mieux qu'elle le pouvait avec sa magie pour échapper une fois de plus au supplice des malfaisants. Mais Valduis se souvenait en avoir enfermé une bonne poignée, et non pas les plus dociles -ce qui était d'ailleurs en partie la raison de leur enfermement-. A son arrivée, Valduis put apercevoir que ses vêtements avaient été déchirés et que son corps était recouverts de bleus et de plaies des coups qu'elle avait reçus. Valduis s'en voulait terriblement; tout était de sa faute. Elle s'apprêtait à se faire violer de manière atroce, lorsque dans ses gigotements insensés pour se débattre, son regard croisa au loin deux flammes d'un bleu embrasé qui s'approchaient de sa position.

Elle perdait conscience, mais dans son évanouissement persistait l'image de ces deux brasiers scintillants qui apparurent comme un miracle pour venir la sauver.


______________________


C'est en rouvrant les yeux que le flou visuel s'éclaircit et que les flammes bleues se rapetissèrent en deux iris d'un bleu pénétrant qui veillaient sur Althéa. Lorsqu'elle reprit conscience, elle se trouvait dans une chambre tamisée et silencieuse, allongée sur un lit. Ses plaies avaient été pansées et son corps était recouvert d'un long drap en tissu au-dessus de ses habits déchirés pour préserver sa pudeur. Valduis se leva du seuil de son lit pour se diriger vers la cuvette dans laquelle il essorait depuis plusieurs heures le sang de sa patiente. Une fois trempée dans l'eau, il redéposa la serviette humide sur son front pour que le contact du froid l'aide à se réveiller. Sur la table de chevet disposée à sa droite se trouvait même du pain sec et quelques tranches de fromage pour lui permettre de reprendre des forces.

Lorsqu'il redéposa ses pupilles sur le visage abattu d'Althéa, ses sentiments se mélangèrent. Même sous son masque, il était facile de sonder l'expression de son visage - qui ne se concentrait finalement qu'au niveau de ses yeux -. En vérité, son regard à lui seul était tellement transparent qu'il était capable de trahir et d'exprimer n'importe quel sentiment qui traversait le cœur de Valduis. Ce phénomène était certainement le dernier vestige du peu d'humanité qui résidait en Valduis; une honnêteté touchante qui pouvait aussi bien attendrir que terrifier. Althéa lisait dans ses yeux comme dans un livre : chaque trait, ride ou plis qui entourait ses pupilles semblait exprimer très clairement ce que ressentait Valduis à ce moment là : du regret, de la sincérité, de la jalousie, de l’amertume, de la colère, de la pitié mais surtout de la solitude.

Tout fut si bref mais si limpide que l'on croyait passer plusieurs minutes à décrypter son regard alors qu'en vérité, cela ne durait qu'une demi-seconde. Puis Valduis cligna des yeux comme s'il refermait le livre de son âme. Il réajusta la capuche de sa tête pour cacher ses yeux dans l'ombre et termina ainsi de sceller ce livre qu'il avait accidentellement ouvert à Althéa avant de détourner les talons en direction de la porte. Etait-il vraiment mauvais? S'était-il laissé avoir par la corruption, ou bien pouvait-on espérer trouver du bon raisonnement derrière ce masque ?

Les Architectes eux-mêmes défiaient Althéa en lui offrant la possibilité de pénétrer un monde dangereux et fascinant ou se retranchant dans son monde confortable et rassurant, là où elle ne découvrirait pas d'autre vérité traumatisante, mais où elle connaissait déjà tout.

Althéa Ley Ka'Ori
Althéa Ley Ka'Ori
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L'article de la mort est féminin EmptyJeu 4 Jan - 15:58
Irys : 507592
Profession : Guérisseuse du Troisième Cercle
My'trän +3 ~ Suhury (femme)
L’explosion la fit sursauter ; l’assassin ne faisait pas dans la dentelle ! L’avait-elle excédé au point de lui faire perdre patience ? Indécise devant l’absence d’échelle, son appréhension quant à la chute à venir devint soudain dérisoire face à celle de l’homme qui la traquait. Elle se laissa tomber dans la pénombre, et le regretta dans les quelques secondes qui suivirent. Un bras l’entoura bientôt par derrière, et elle lui envoya une onde de douleur accompagné d’un coup de pied réflexe mais bien placé. Sa défense eut l’effet escompté, puisqu’elle fut à nouveau libre.

Elle prit la fuite le temps de quelques foulées, pratiquement aveugle dans la pénombre qui régnait alentour, mais un autre prisonnier l’intercepta sans ménagement. Alors qu’elle se débattait de toutes ses forces pour le faire lâcher prise, ses compères le rejoignaient avec des cris de victoire qu’elle peinait à déchiffrer ou à comprendre. Ils avaient cru que Valduis revenait enfin leur rendre visite, ils avaient attendu son retour pendant des jours, mais en voyant la femelle qui leur était tombée dans les bras, d’autres desseins s’étaient imposés à eux que la simple vengeance. Des jours de solitude et d’ennui, cela vient à bout même des plus galants.

La jeune mage envoya des coups de bottes aveugles, enragée et désespérée à la fois à l’idée qu’ils la tuent. Un idiot lui saisit le poignet, et elle canalisa au mieux son énergie pour lui ouvrir les veines de l’intérieur. Une main se plaqua sur ses lèvres, et elle se rendit soudain compte qu’elle hurlait comme rarement elle s’était époumonée. Sa bouche obstruée, sa frustration grandit encore, et elle éprouva une certaine difficulté à respirer uniquement par ses narines dans la panique qui faisait vibrer ses membres. Elle continua à se débattre avec l’énergie du désespoir et avec la férocité d’une tigresse ; elle prépara une seconde attaque contre celui qui la retenait.

Un violent coup au ventre lui coupa le souffle et interrompit ses efforts. Le manque d’air lui fit tourner la tête, et les coups lui tirèrent des gémissements de douleur et de honte mêlées. La main qui la faisait taire pinça ses narines pour lui couper le flux d’oxygène nécessaire à ses mouvements. De ses deux mains, elle planta ses ongles dans les bras qui lui interdisaient le plus primaire de ses besoins, mais elle se sentit partir, divaguer, sombrer. La déclaration de l’homme en face d’elle lui fit froid dans le dos, et elle comprit, naïvement tard, qu’ils voulaient bien plus que sa mort, ils voulaient sa dignité, son existence entière.

Elle songea qu’elle aurait préféré mourir d’une simple dague d’assassin, un trépas rapide de précision, que subir une telle infâmie. On continuait de la rouer de coups comme pour avoir la certitude briser sa résistance, et la souffrance de son corps meurtri et de ses poumons brûlants eut effectivement raison d’elle. En dernier recours, elle choisit de se dérober à leurs regards carnassiers et à leurs mains indécentes, elle invoqua Möchlog une dernière fois pour endormir son esprit, pour sombrer dans le sommeil artificiel de l’évanouissement. Elle préférait ne jamais savoir ce qu’il lui arriverait, quitte à ne jamais se réveiller. Si son corps lui appartenait encore en tant soit peu, c’était uniquement par ce biais.

Elle ignorait pourquoi la dernière vision qui s’imposa à son esprit fut un bleu clair et profond, qui n’était pas sans lui rappeler l’assassin qu’elle avait été si hâtive de fuir, et dont elle regrettait la présence. Où était la blancheur du sommeil, l’obscurité de la nuit des temps ? La clarté brève qui précède une éternité de noirceur ?
A son réveil, ces deux iris la fixaient toujours. Son cerveau lent réalisa bien tard que le décor avait changé, que le seul point commun était ces deux lueurs qui la dévisageaient. Il lui semblait avoir fermé les paupières l’espace d’une seconde seulement, mais elle tressaillit à l’idée de tout ce qui avait pu lui arriver au cours de ce simple laps de temps. Elle tressaillit imperceptiblement, forçant ses yeux à s’habituer à la lumière douce de la chambre. Hébétée, elle ne parvint à se défaire du regard posé sur elle, et elle ne comprit pas instantanément la portée des émotions qu’elle y lisait. Tout ce qu’elle pouvait en tirer, c’était qu’il avait prouvé à moults reprises qu’il n’attenterait pas à sa vie, et même qu’il était enclin à la préserver. Aussi, son propre regard était pour l’heure dénué de toute animosité, car toute trace de méfiance s’était dissipée dans son cœur.

Ses pensées étaient embrouillées, et si son pouls s’était calmé, chacun de ses membres lui reprochait son manque de discernement. Puis le souvenir de mains étrangères sur son corps martyrisé embua ses yeux de larme, et elle se saisit de l’étoffe sur son front, se redressant douloureusement en position assise, pour mieux frotter son visage, se laver de ce contact rêche et malvenu. Elle l’appliqua sur ses lèvres, sur ses joues, contre sa poitrine, indifférente aux protestations de ses plaies et hématomes. Elle voulait oublier ces intrusions à son intimité, les laver de son corps pour laver ses pensées de leur souvenir. Comme la douleur physique était moindre face à la peine psychique ! Il y avait la guérison pour l’un, mais aucun remède pour l’autre.

    « Hé ! »


Sa voix était rauque, indignée mais incertaine. Son sauveur s’échappait, or elle redoutait la solitude, et plus que tout, une loyauté naissante la poussait à refouler l’absence d’altruisme qui la caractérisait. Il lui fallait le remercier, lui rendre ce qu’il lui avait donné, sans quoi elle lui était redevable ; s’endetter auprès d’un inconnu était loin d’être avisé. Elle s’éclaircit la gorge, grimaçant en sentant ses blessures se réveiller sous l’effort, et reprit d’une voix plus douce :

    « Merci … ? »


L’hésitation dans sa voix ne se rapportait pas tant à la sincérité de sa gratitude. Elle lui devait mille vies, elle n’en doutait pas. C’était davantage l’inexpérience, ainsi que le voile de mystère qui entourait son sauveur, qui rendaient sa voix chevrotante. Cela faisait bien longtemps qu’on n’avait pas pris soin d’elle à sa place, et tout autant qu’elle n’avait pas prononcé ce mot avec une authentique sincérité, laquelle lui arrachait presque la bouche et lui rosissait les joues. Elle s’était forgée un caractère responsable et autonome, et ce jour-là, il n’avait pas suffi, il lui avait fait défaut. Son bonheur autant que sa survie avaient été dépendants d’un autre, et cela était en soi une nouveauté. Tout à coup, elle se sentit lasse de se protéger, comme si la tâche était trop éprouvante pour sa frêle personne, mais aussi apeurée devant cette faiblesse passagère. Elle profita de s’éponger le visage pour essuyer une larme qui avait coulé à son insu.

La jeune mage inspira une bouffée d’air de l’atmosphère chaude de la pièce pour réprimer son émoi, et elle prit conscience qu’une de ses côtes s’était partiellement brisée lorsqu’on l’avait passée à tabac. Elle fit la moue, et s’appuya contre le montant du lit, refusant temporairement d’apporter quelque soin à ses blessures. Les Architectes l’avaient voulue dans cette situation, dans cet état de vulnérabilité tant mentale que corporelle, et il lui restait encore à déterminer les raisons de cette destinée. Qu’avait-elle à tirer de la réalisation de sa futilité ? Seulement de l’ébranlement, et une tristesse intolérable.

    « Je ne parviens pas à comprendre… Pourquoi Ils m’auraient fait souffrir cela. Et pourquoi vous m’auriez sauvée… ? »


Elle s’interrogeait à haute voix, sur la volonté des architectes, et sur son intérêt à lui de sauvegarder son existence alors même qu’elle n’avait été qu’un poids dans sa mission. Sa mission. Elle redressa la tête pour chercher du regard ce bleu clair qu’elle ne voulait plus fuir. La peine qu’elle ressentait céda le terrain à une rage immodérée qui la rendit fiévreuse en l’espace de quelques secondes. Ces hommes, ces demi-hommes inachevés, que Khugatsaa avait négligés, jusqu’où étaient-ils allés avant que l’assassin ne la soustraie à leur emprise, à leurs velléités sadiques et débauchées ? Respiraient-ils encore ? Entre deux inspirations hachées, elle parvint à formuler l’interrogation qui la taraudait soudain :

    « Vous avez pu mener votre mission jusqu’au bout ? »


Sa question était double. Elle espérait d’une part ne pas s’être mise en travers du bon déroulement de sa mission (puisqu’elle avait tout fait pour), mais surtout, que chacun de ses agresseurs avait péri dans la seconde qui avait suivi leurs honteuses velléités. Elle leur vouait une haine sans fin, et n’espérait que leur décès. S’ils vivaient encore, elle se jurait solennellement de les traquer un par un, de les réduire à néant, mais de leur faire souffrir le même mal-être qui l’avait assailli lorsqu’elle s’était retrouvée impuissante pour la première fois depuis nombre d’années.

Elle n’avait pas quitté Valduis du regard, inquiète qu’il ne disparaisse si elle clignait de l’œil, craintive de la solitude. Elle était avide de sa compagnie ; pour une fois on avait voulu son bien et on l’avait traitée avec manières sur un continent de dépravés. Et ce sans rien lui demander en retour. Instinctivement, elle sonda les signaux qu’émettait l’assassin, sensible à quelque douleur qu’il ressentît et susceptible d’être soignée pour compenser partiellement ce qu’il avait fait pour elle. Il avait affronté et décimé bon nombre de ses ennemis, et elle était stupéfaite qu’il put même marcher. Elle aurait aimé savoir se défendre de la sorte, elle lui enviait sa facilité à tuer, et par-dessus tout elle trouvait ingrate cette impression de lui devoir quelque chose, de lui devoir la vie.

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L'article de la mort est féminin EmptyDim 7 Jan - 2:49
L'espace d'un instant, Valduis s'apprêtait déjà à tourner la page d'une histoire courte et intense - ce qui était après tout son quotidien - en oubliant Althéa et en se penchant sur son futur le plus proche, à savoir la rançon qu'il allait obtenir et l'impact qu'aurait la mort des frères Archibald sur les prochaines élections à venir. Alors qu'il allait dépasser le seuil de la porte, ce fut une petite voix timide qui l'interrompit dans son élan comme pour l'inciter à rester un peu plus longtemps. Il s'arrêta et plissa les yeux tandis qu'il écoutait ce qu'avait Althéa à lui exprimer.

Et bien entendu, toutes les questions les plus évidentes s'étaient entremêlées dans son esprit de jeune innocente encore sous état de choc. Mais en dehors de cette relation de proximité qu'elle souhaitait certainement installer avec Valduis - ce dernier convaincu qu'elle avait dû longuement y réfléchir -, peut-être que répondre à certaines de ses questions était aussi un moyen de mener à bien la mission en empêchant un traumatisme de s'installer. Car en plus d'avoir assisté à une flopée de meurtres sous ses yeux, si le silence était la seule réponse qu'il pouvait lui apporter, elle se retrouverait dans un état d'incompréhension totale. Il pouvait au moins lui épargner plusieurs années d'obsessions à vouloir obtenir des réponses à ses questions. Par conséquent, il évitait également une potentielle cible dangereuse qui pourrait s'élancer vers une quête perdue pour retrouver Valduis et qui l'amènerait sur les traces de l'Ordre... méritait-elle de perdre autant de temps dans un dessein si peu honorable?

Hâtivement mais silencieusement, il fit demi-tour et referma la porte derrière lui avant de se diriger en direction de la fenêtre de la chambre. Sur son chemin, il éteignit la seule lampe qui éclairait la pièce puis souleva le rideau afin d'observer avec attention ce qui se passait à l'extérieur. Ses craintes étaient confirmées mais la réalité était bien moins menaçante que ce qu'il avait imaginé : quelques citoyens s'étaient réunis autour du manoir après avoir entendu l'explosion qu'il avait provoquée. Valduis avait pensé qu'à cette heure-ci, tout le village aurait été attiré par le bruit et que les gardes seraient déjà en train d'enfoncer la porte, mais... il fallait croire que les pièces du manoir étaient suffisamment isolées pour que cela n'alerte pas toute la cité.

Cependant, il ne pouvait pas rester ici. Il avait encore quelques heures devant lui avant le lever du soleil pour nettoyer les lieux et quitter la ville. Tôt ou tard, les citoyens présents ici alerteraient la milice de cette explosion nocturne dès qu'elle ouvrirait ses locaux de dépôts de plaintes. Valduis devra avoir tout préparé pour qu'il ne reste aucune trace de son passage... et il avait déjà sa petite idée. Mais pour le moment, il s'était autorisé à accorder un très bref moment à Althéa, officiellement dans l'intérêt de la mission, et officieusement... car il voulait profiter de cette reconnaissance occasionnelle qui ne lui arrivait presque jamais.


« Ces hommes de main qui vous ont maltraitée ont été enfermés ici par mes soins, car ils étaient au service de Thomas Archibald et qu'ils dérangeaient mes plans. Je comptais m'en débarrasser après avoir tué Mhonor et ses serviteurs, mais vous n'étiez pas prévue dans le plan. J'ai dû improviser. »

Il éclaira de nouveau la lampe de chambre avant de s'adosser sur le mur qui faisait face à la fenêtre. Bras croisés, regard tourné vers l'extérieur, Valduis continua son monologue tout en guettant que rien d'anormal ne se passe pendant qu'ils discutaient.

« Ma mission est terminée, il ne me reste qu'à effacer les preuves d'un meurtre organisé. Je suis un assassin de l'Ordre envoyé pour mettre un terme aux crimes commis par de tels individus jugés comme nocifs pour le peuple. Je suis navré que vous ayez été placée en plein cœur d'une telle situation. Prenez de quoi vous dédommager, et quittez les lieux avant le lever du soleil : la milice sera là à l'aube, dit-il en déposant une bourse de pièces aux pieds d'Althéa. »

Il se redressa avant de se diriger une fois plus vers la sortie, cette fois-ci sans possibilité de retour. Althéa le savait : il avait du pain sur la planche et devait commencer le plus tôt possible. Avant de quitter la pièce, il adressa une toute dernière information au médecin qui lui tenait à cœur de souligner.

« Pour contacter l'Ordre, il vous suffit de faire passer l'information dans des quartiers très fréquentés. Déposez des affiches ou cherchez quelqu'un qui vous semble influent. Nous saurons retrouver votre trace et votre identité pour répondre à votre requête. »

Il referma la porte et s'échappa des étages, laissant derrière lui Althéa seule et confrontée à elle-même, puis descendit les escaliers jusqu'aux étages inférieurs. Il observa une dernière fois la lune afin de déterminer exactement l'heure qu'il était. Puis, satisfait de sa juste ponctualité, il ouvrit l'un des passages du manoir qui donnait sur les ruelles des quartiers dangereux et fit rentrer une demi-douzaine d'hommes de main envoyés par la huitième patte de l'araignée. Comme convenu, il avait fait appel à eux pour qu'ils puissent participer au nettoyage des lieux. La huitième patte lui avait promis d'envoyer de la main-d’œuvre qualifiée lorsque la lune serait pleine et haute dans le ciel, et avec eux, du matériel de véritable expert dont Valduis avait fait la demande.

Jeter les cadavres dans les égouts sous le manoir n'était pas le plus fastidieux : les canaux se jetaient dans la mer d'Alexandria pour suivre le courant naturel qui les transporterait jusqu'à l'océan. D'ici là, ils seraient déjà dévorés par les animaux aquatiques ou bien trop éloignés des cités pour être retrouvés. Laver les sols et faire disparaître les odeurs fut également une tâche rapide qui ne prit pas beaucoup de temps. Le seul vrai problème s'avérait être au final cette énorme brèche dans le mur qu'il était impossible de remplacer. Alors Valduis et ses hommes se penchèrent vers un tout autre plan : faire croire à un faux accident dû à une caisse de poudre qui se serait détachée.

Ainsi commencèrent-ils à préparer les lieux en éparpillant des morceaux de bois brisés autour de la brèche et en renversant de la poudre un peu partout pour rende la scène crédible. Ils attachèrent au plafond une corde qu'ils découpèrent volontairement, au-dessus de la brèche, afin que la milice associe naturellement l'incident à cette corde trop vieille qui ne supportait plus le poids de la caisse. Le choc aurait provoqué une étincelle due au frottement entre la pierre et le bois et aurait fait exploser le contenu pour créer cette immense brèche.

Aussitôt, la disparition des frères ne serait plus associée à cet incident tout à fait plausible et Valduis éloignait tout risque que des pistes les mènent à leur position. Oh, l'Ordre aurait toujours été capable d'improviser un détective un peu trop sûr de lui... mais Valduis préférait passer quelques heures à nettoyer ses assassinats plutôt que plusieurs semaines à subir les effets collatéraux de son massacre et à devoir les réparer.

Enfin, une fois terminé, il vérifia que tout était impeccablement nettoyé avant de quitter définitivement le manoir pour pénétrer l'une des antennes qui le ramènerait à Skingrad. Si un détail lui avait échappé, il s'en serait aperçu et aurait pris soin d'y remédier. Mais son expérience et celle de ses hommes avaient permis d'effectuer un véritable travail de maître. Efficacité, simplicité, et disparition dans le plus grand silence : telle était la force de l'Ordre qui la rendait si insaisissable.

Quelques mois plus tard, les élections se déroulèrent dans de bonnes conditions. La disparition des frères avait fait beaucoup de bruit et les autorités ont ouvert de nombreuses enquêtes à ce sujet. Mais très vite après être tombés sur des preuves évidentes de l'implication des frères Archibald dans l'assassinat d'opposants politiques, les autorités ordonnèrent aux médias de diffuser de la désinformation afin de faire étouffer l'affaire dont le dénouement, au final, profita très largement à l'état. On mit aux enchères le manoir de famille et tout ce qui s'y trouvait à l'intérieur. Bien assez vite, on oublia le nom Archibald désormais classé comme de l'histoire ancienne.

Althéa Ley Ka'Ori
Althéa Ley Ka'Ori
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L'article de la mort est féminin EmptyDim 7 Jan - 23:05
Irys : 507592
Profession : Guérisseuse du Troisième Cercle
My'trän +3 ~ Suhury (femme)
L’homme était précieux dans ses manières ; une lame fatale à la ceinture mais un verbe raffiné sur les lèvres, un être de chair qui se mouvait aussi aisément dans les habits de la noblesse que dans l’armure de cuir dont il se parait. Il était d’autant plus difficile de le cerner dans la pénombre qui régnait dans la pièce, car elle masquait le peu d’émotion qui transparaissait sur son visage, rendant impossible toute lecture de son évasif caractère. Pourquoi tant de mystère, une telle aura d’ambiguïté pour dissimuler sa personne ? Et était-il nécessaire d’éteindre cette lampe qui ne demandait qu’à servir ? Althéa tressaillit à nouveau lorsqu’il marcha dans la pièce maintenant obscure ; une appréhension naturelle accompagnait chaque pas de son interlocuteur. Mais l’assassin se contenta manifestement de se pencher à la fenêtre pour détailler la rue en contrebas et la guérisseuse reprit une inspiration douloureuse.

Chacun de ses gestes et chacune de ses paroles lui échappaient plus sûrement que si elle avait tenté de se saisir d’un brin de pollen emporté par les courants d’air. Résignée, elle écouta ses explications qui lui semblèrent génériques et dénuées de tout sentiment ; elle lui prêta une oreille lasse, et papillonna des cils lorsqu’il déposa la bourse tout près d’elle. Une rage froide saisit ses sens, et elle le fusilla du regard. Mais l’obscurité fut un rempart suffisant à ce qu’il ne distingue pas sa colère. Elle suintait néanmoins dans sa voix lorsqu’elle déclara, en détachant exagérément les syllabes :

    « Je ne veux pas… de votre… ARGENT ! »


Mais Valduis avait mieux à faire qu’insister. Comme il l’avait si bien énoncé, il avait un assassinat de masse à couvrir s’il souhaitait sauver sa réputation et celle de son Ordre. Il eut la relative aimabilité de l’informer sur les moyens de contacter sa fameuse guilde, et Althéa haussa un sourcil inquisiteur à cette suggestion. Que ferait-elle du soutien d’une fédération d’assassins ? Etait-ce une invitation personnelle ou une simple précision professionnelle ? La confusion lui laissait un arrière-goût amer, insatisfaisant, similaire au sentiment d’avoir goûté un plat qui avait meilleure apparence que ce que son goût n’offre de réjouissances. Contre toute attente, la seconde suivante, l’homme de l’ombre devint partie intégrante de l’obscurité environnante, et Althéa se retrouva seule avec sa solitude. Le déplaisir la rendait fiévreuse, et elle ignorait contre quelle entité diriger la colère qui l’animait.

Elle voulut s’extirper du lit mais sa côte cassée la fit gémir, et elle se laissa tomber sur les genoux, une main agrippant le bord du lit pour se maintenir dans cette position assise. Elle avait envie de s’effondrer à plat ventre mais elle craignait de déplacer encore son os malmené. De surcroît, elle avait voulu garder ses blessures pour en comprendre la portée, mais le processus de guérison s’était enclenché de façon instinctive à la première vague de douleur. Pantelante et irritée contre sa propre inconscience, elle se résolut à contrecœur à inciter la magie à l’œuvre.

Althéa ne pouvait raisonnablement pas fuir avec un os brisé si proche de ses voies respiratoires. Elle n’y était pour rien, parvint-elle à se convaincre. Elle garderait le reste de ses hématomes et ce rappel suffirait à la faire réfléchir. La vérité c’est qu’elle était toujours en état de choc et que ses pensées n’étaient plus cohérentes. Le seul fil logique de pensées résidait dans sa fuite imminente des lieux, et elle s’y rattacha avec toute l’énergie qu’il lui restait.

L’os en question se remit dans sa position usuelle, et les deux morceaux injustement séparés se ressoudèrent. Elle s’enveloppa dans sa cape pour couvrir ses vêtements en lambeaux, se para de ses armes et hésita un long instant devant la bourse. Elle finit par la saisir, presque irritée par ce contact, puis elle sortit par la porte qu’avait emprunté Valduis quelques instants plus tôt, où était-ce des heures auparavant ? La magie faussait toujours ses perceptions, et entravait sa notion du temps. Pour le moins, la lune luisait encore et le manoir paraissait silencieux. Elle songea qu’il le serait bien davantage maintenant qu’une bonne partie de ses résidents avaient été décimés. La tête lui tournait mais elle s’engouffra dans le couloir avec une résolution indemne.

Un bruit de pas, une servante sans doute, fit manquer un battement dans sa poitrine, mais elle bifurqua dans un couloir transversal à temps. Cette décision sembla salutaire puisqu’elle la déroba des regards indiscrets, mais elle la mena également à une porte secondaire réservée aux petites gens. Elle put alors poser un premier pas sur le pavé de la rue, et goûter à l’air frais de la nuit pour la toute première depuis son altercation avec le guetteur d’Archibald. Elle marqua une pause délicieuse au parfum de liberté, inhalant sans par saccades pour ménager sa nouvelle côte. Enfin elle ne dépendait plus d’un inconnu pour préserver sa vie, ni de son mystérieux Ordre. Sa vie lui appartenait à nouveau !

Son mal du pays était bien présent, pour sa part, mais dorénavant elle connaissait le prix de s’y abandonner. Elle ne s’y prendrait plus, du moins pas aussi idiotement. Elle était My’trän sur un territoire hostile, et il lui fallait agir en conséquence, redoubler de ruse et d’esprit. De l’autre côté de la rue, elle avisa un mendiant qui dormait à même le sol, grelottant de froid, la peau sur les os et une couverture sale comme seule possession. Elle s’accroupit pour placer la bourse qu’elle tenait toujours sous la rêche couverture, et elle devina plus qu’elle ne vit son regard se poser sur elle. Déconcertée, car elle avait espéré qu’il fût endormi malgré la froidure de la nuit, elle tenta de justifier son don avec la maladresse sociale qui la caractérisait :

    « L’argent ne compense aucun mal. »


Quelle ironie de pourvoir une telle calomnie à un homme qui manquait de tout, et surtout à cause de son manque d’argent ! Mais elle se comprenait, c’était l’essentiel, et elle s’éloigna dans la nuit sans demander son reste. Pour qui avait le pain, le toit et les vêtements, l’argent ne représentait que superficialité. Les Irys ne compenseraient au grand jamais le fait qu’elle avait été dépendante cette nuit-là, voire à la merci d’un assassin. Cette bourse qu’elle avait abandonnée au premier venu ne valait pas d’avoir été à l’article de la mort.



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