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 L'art de forger la quiétude et la vengeance

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L'art de forger la quiétude et la vengeance EmptyJeu 25 Jan - 23:10
Au terme d'un voyage de plusieurs semaines en compagnie d'Althéa Ley Ka'Ori et de ses compagnons du clan nomade des Mahere, Thorleif Gunnar traversa les plaines centrales de Khurmag en plein Khoral. Effectivement, Althéa et les siens faisaient partis des seuls Khurmis capable de voyager dans le pays des glaces alors que les vents froids battaient sol et atmosphère à leur paroxysme. S'il s'agissait d'un conte à définir et peut-être même redéfinir, le résultat était plus qu'incrédule. Thorleif était désormais à Forëal, joyau minier de Khurmag et même de l'ensemble de My'trä. En fuite, exilé de Dyen depuis plus d'un mois, le fugitif avait choisi de jouer la sécurité. En effet, il était plus ou moins persuadé que son frère aîné ne le pourchasserait pas en temps de Khoral et plutôt que de fuir vers Zolios ou Suhury pour s'y faire cueillir probablement plus rapidement, il décida de s'aventurer et d’errer en terres Khurmis. Cela faisait donc plus d'une journée que le dragonnier résidait, temporairement certes, dans l'immensité des Montagnes Bleues. Thorleif avait pris congé d'Althéa, cette dernière devant sûrement régler quelques affaires avant de déterminer si leurs chemins continueraient de se croiser ou non pour l'instant. Ironiquement parlant, celui qui ne manquait jamais l'occasion de faire l'éloge de Dyen se souvenait d'une plus vieille conversation avec Althéa au sujet de Forëal autour d'une bière. En effet, elle lui avait présenté la cité minière sous deux descriptions, deux points de vues différents. Tout d'abord, deux compagnons, dont l'un était prénommé Rehal se seraient aventurées dans ce qui deviendrait un jour les Montagnes Bleues. Le premier, Rehal, tomba maladroitement dans une crevasse et lorsque son ami cria son nom pour espérer se faire entendre, le protagoniste de cette légende entendit les termes suivants : « Je suis à Forëal ? » Ainsi, ces deux bonhommes eurent jadis le privilège de découvrir la cité perdue datant d'un autre temps, d'une autre époque. Amusante perspective, celle-ci ne faisait pourtant ni chaud ni froid à Thorleif qui préférait amplement les légendes qui contaient l'avènement de Dyen. L'autre explication, tout aussi mystique mais à la fois plus terre à terre, abordait le fait que l'Architecte Khugatsaa en personne puisse avoir bâti de ses serres et de ses plumes ce joyau. En effet, Khurmag, constamment menacée par l'influence Zagashienne voisine, aurait manqué à une certaine époque d'un abris, d'une forteresse insaisissable, inébranlable. Ce serait donc l'Architecte qui aurait offert ce bastion imprenable à ses plus fidèles et dévoués serviteurs afin de les protéger de toute menace extérieure. Cette version, Thorleif pouvait la concevoir, voire même y accorder du crédit. Effectivement, Dyen elle-même n'avait-elle pas été fonder dans des hauteurs démesurées pour assurer la pérennité et la continuité d'une civilisation menacée ? D'après la légende, les ancêtres de Thorleif auraient été pourchasser par une puissante anomalie et seule l'aide précieuse d'Amisgal leur permit d'affronter ce périlleux danger. En retour, ils auraient bâti la cité-perchoir de Dyen pour ne plus avoir à subir ce genre de harcèlement meurtrier et également pour rendre hommage à la Déesse toute puissante et vénérée à travers tout le pays.

Malheureusement pour lui, Dyen était désormais derrière lui. En effet, Thorleif était devenu un indésirable, considéré comme un criminel dangereux pour l'équilibre et la nation ainsi que de sa royauté. Dans un duel fratricide commandité en secret par son frère aîné, il avait perdu son autre semblable dans une féroce et impitoyable bataille entre deux dragonniers. Bjorn s'était servi de la haine aveugle et ancienne de Hulf vis à vis de Thorleif pour provoquer ce véritable choc des titans. Ce n'était pas tant cette putride et infâme trahison qui blessait Thorleif car au fond, il n'avait jamais été vraiment le bienvenu dans la famille Gunnar. Le réel malaise, c'est qu'il avait été incapable d'anticiper le coup fourré de son frère aîné. Pourquoi s'était-il comporté ainsi ? Qu'est-ce que Thorleif avait-il pu bien faire pour mériter un tel acharnement ? Bjorn n'avait jamais vraiment été tendre avec lui mais contrairement à Hulf, il ne lui avait jamais vraiment fait part de ressentiments. Cela pouvait-il avoir un lien avec la récente mort d'Einar Gunnar, leur patriarche ? Il y avait trop de questions sans réponses et elles hanteraient Thorleif tant qu'il n'obtiendrait pas l'opportunité de les découvrir. Le dragonnier était infiniment inquiet pour sa petite sœur, Freyja, qui faisait probablement office d'otage pour Bjorn, s'assurant ainsi que Thorleif ne l'attaquerait pas de manière brutale et frontale. Le dragonnier avait donc l'impression, le sentiment de tomber dans l’abîme, dans un trou sans fond. Il considérait que cette affaire était une injustice, indigne de ternir sa réputation obtenue au fil des années avec ardeur et passion. A l'exception de Freyja, sa famille lui reprochait d'être responsable du décès de leur mère qui survint juste après l'avoir mis au monde. Parfois, Thorleif se demandait à quel point les choses auraient pu être différentes avec la présence réconfortante et apaisante d'une mère veilleuse à ses côtés. Hulf n'aurait probablement pas été si déséquilibré, Einar aurait certainement élevé sa fratrie différemment… Pourtant, la vie était ainsi et il était littéralement impossible de revenir en arrière. Les jeux étaient faits mais pouvaient peut-être être changés.

Forëal, nichée dans les Montagnes Bleues, surplombant littéralement le territoire Khurmis et s'étendant jusque dans ses profondeurs ancestrales, conférerait peut-être un peu de sa sagesse et de sa confiance à Thorleif. En tout début de soirée, alors que la pénombre s'était plutôt bien installée, le dragonnier se situait vers le sommet de l'une des plus grandes tours en forme de lance de la ville minière, sur une large plate-forme en extérieur. L'endroit avait pour principale fonction de proposer un panorama plus qu'appréciable, on situait les attractions principales de Forëal à bien d'autres endroits. Le Khoral avait cessé de souffler depuis quelques heures, présentant probablement au territoire Khurmis sa véritable première accalmie. Il fallait dire qu'en étant autant en hauteur, ses effets seraient de toute manière amoindris. En levant la tête vers le ciel, on pouvait constater qu'il était dégagé et laissant en conséquence place à une multitude d'étoiles différentes. Le dragonnier s'était posté le plus à l'est possible, tourné en direction de Tarluru. Il reconnaissait l'endroit à cause du phare géant qui éclairait par magie dont la source était tiré d'une puissance magalithe ô combien plus colossale que lui les plaines et les reliefs aux alentours. Depuis le début de son voyage avec Althéa, le dragonnier n'avait plus quitté son armure ainsi que son épée et pour se protéger du froid, il s'était recouvert d'un large et épais manteau en peau de bête offert par la tribu de sa compagne de fortune. S'étant donc emmitouflé à l'intérieur, Thorleif observait inlassablement le décor apaisant qui s'offrait à lui et pouvant potentiellement lui apporter toute la quiétude qu'il recherchait tant. Du moins, jusqu'à ce qu'on vienne l'importuner.


Dernière édition par Thorleif Gunnar le Dim 28 Jan - 15:06, édité 2 fois

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L'art de forger la quiétude et la vengeance EmptyDim 28 Jan - 3:48
Lycinia était placide. Au sommet d'une des grande-tours de Forëal, elle était accoudée à la rambarde en métal d'une large plate-forme extérieure. Ça faisait une bonne dizaine de minutes qu'elle était comme cela, imperturbable, inamovible, face au panorama nocturne qui s'offrait à elle. Seuls quelques unes de ses mèches de cheveux immaculées, ondulant au gré du vent froid, troublaient la quiétude de sa posture. Une brise un peu plus glaciale que les autres la força, néanmoins, à rabattre contre elle les pans de sa cape en fourrure blanche. Geste presque inutile car les effets de cette cape de qualité étaient quasiment réduits à néant par le fait qu'en dessous elle ne portait que sa tenue en cuir habituelle qui ne recouvrait pas ses bras tatoués. Elle augmenta alors imperceptiblement la chaleur de son corps à l'aide de sa magie.

Toutes ses actions n'étaient qu'automatismes. Son regard cristallin d'apparence serein cachait bien la tumulte de son esprit. Les récents événements avaient été durs à encaisser pour la forgeronne. Ça faisait un mois qu'elle avait franchi la frontière séparant Zolios de Khurmag. Rares avaient été les jours complètement paisibles. Au début du mois de novembre, elle s'était même retrouvée piégée en plein milieu du Khoral naissant. Par ce coup du sort elle avait tout de même fait la connaissance de l'Erudit Nergüi qui s'était trouvé lui aussi pris au piège au milieu de la peste blanche. Elle en gardait un très bon souvenir. Non, ce qui la troublait réellement s'était passé il y a quelques jours à peine, dans une mine de magilithe daënare située aux alentours de Forëal. Une tragédie l'avait frappée. Un acte terroriste hautement méprisable, commis par des My'träns de surcroît. Son cœur bouillonnait à la simple réminiscence de la chose. Puis, il se tordait d'amertume lorsque son impuissance du moment lui était renvoyée en pleine face. Aurait-elle pu seulement y faire quoique ce soit ?

Elle sentit un bras se glisser autour de ses épaules et une main chaude lui caresser l'un de ses avant-bras découverts. Même pas deux secondes après, une voix masculine lui murmura nonchalamment au creux de l'oreille :
    « J'ai mis du temps à te retrouver mon étincelle. Si je ne te connaissais pas, je croirai que tu fais tout pour m'éviter. »

La jeune Aurès put à peine réprimer le soupire qui passa la barrière de ses lèvres.
    *Onresh*

Onresh Aurès, forgeron rang B du clan. A son arrivée à Khurmag, Lycinia avait reçu une lettre dans laquelle Niniel, sa sœur, lui avait communiqué le nom de plusieurs forgerons et marchands alliés au clan. Et arrivée à Forëal, elle s'était tout de suite rendue chez l'une de ces personnes, pensant pouvoir y exercer son activité dans leur atelier. Qu'elle n'avait pas été sa surprise de voir, alors, qu'Onresh était aussi présent dans la ville. Pire, qu'il avait eu la même idée qu'elle. Bien entendue, le forgeron chez lequel elle pensait rester n'avait plus de place pour elle et elle avait dû louer un atelier dans les bas-quartiers de la ville. Complètement malfamés et à prix exhorbitant. C'était tout aussi bien, elle n'aurait pas pu supporter la présence de cet énergumène. Son ego n'avait d'égal que son talent à manier le feu de Süns. Il faisait aussi partie de l'une des trois familles principales du clan. Il était de mise qu'il y ait des mariages arrangés entre ces trois familles afin de créer des forgerons. Lycinia faisait partie de l'une de ces familles. Elle était également l’aînée de la Gharyn et du Khorog du clan et Onresh avait vu en elle le moyen d'accéder à la tête du clan. Pas de chance pour lui, la jeune femme n'était pas intéressée en ses charmes et comptait bien devenir forgeronne Aurassienne sans partenaire. D'où le fait qu'elle ait quitté le clan quand ses parents avaient voulu lui en trouver un. Après son départ, Lycinia avait appris que l'homme s'était finalement décidé à épouser Karah, une adepte de Delkhii. S'il ne l'avait pas fait, tout comme elle, il n'aurait pas été reconnu comme forgeron aurassien et serait resté un forgeron de rang C. Malheureusement pour Karah, Onresh était loin d'être le mari fidèle, comme le témoignait cet instant. La forgeronne était véritablement navrée pour la jeune épouse, mais également pour leurs créations qui devaient être de piètre qualité car la méthode de forge aurassienne reposait sur la symbiose de deux forgerons, un fidèle de Delkhii et un fidèle de Süns. Plus le couple était uni, meilleure étaient les créations. Sinon, il y avait aussi la possibilité de réaliser ces créations sans associations de deux personnes. Dans cette optique, Lycinia comptait bien montrer que la méthode aurassienne pouvait être réalisée avec une seule personne maniant les deux magies.

Devant son manque de réponse, Onresh se colla un peu plus contre elle. Si la sensation n'avait pas été absolument écœurante pour la jeune femme aux cheveux blancs, la chaleur qu'il émanait aurait été réconfortante.
    « Permets moi de t'apporter un peu de chaleur puisque ta magie ne semble pas à la hauteur du Khoral. », lui proposa-t-il d'une voix doucereuse, n'attendant pas son aval pour s'exécuter.

Sa remarque était grandement déplacée et il le savait. Il cherchait à lui arracher une réaction qu'il n'aurait pas. Mise à part son soupire précédent, la jeune femme était impassible. Et puis, elle ne pouvait pas vraiment dire le contraire. Sa magie la réchauffait, mais pas assez pour empêcher la chair de poule d'apparaître sur sa peau dénudée. Son choix était pourtant tout à fait assumé et elle se portait très bien avant l'arrivée de son homologue. Son regard alla se perdre sur le paysage qui s'étalait en bas de l'édifice, passant de tour en tour, observant les infimes points lumineux qui se déplaçaient dans les ruelles étroites de la ville. Puis, ses yeux remontèrent, scrutant les alentours de la plate-forme. Peu de personnes étaient présentes, la plupart étaient au nombre de deux, très certainement en plein milieu d'un instant romantique. La pensée fugace qu'on pouvait les prendre, elle et Onresh pour un de ces couples l'horripila et elle se décida à lâcher :
    « Karah doit se demander où tu es passé. Tu te rappelles de Karah ? Ta femme, douce, aimante, fidèle. » Elle insista sur ce mot. « C'est elle que tu devrais réchauffer. »

Elle savait que sa remarque tomberait dans l'oreille d'un sourd. Elle n'attendait d'ailleurs pas de réponse. Au lieu, elle continuait d'observer les quelques personnes présentes. Là, elle vit que finalement, il y avait bien une personne qui était venue admirer le paysage en solitaire. Un homme blanc aux cheveux blonds et courts. Ses traits qui semblaient avoir passer leurs premières jeunesses aidèrent la jeune femme à le situer dans la quarantaine. Il était assez colossal et son manteau de fourrure épais ajoutait à sa carrure. En le détaillant un peu plus longuement, son œil avisé de forgeronne arriva à distinguer, sous son manteau, les reliefs d'une armure. Mais son examen s'arrêta brusquement quand Onresh se posta devant son champ de vision. Le membre du clan Aurès était tout le contraire de l'homme qu'elle venait d'examiner. Peau brune, cheveux tout aussi brun et longs, avec comme simple protection contre le froid un habit d'apparat ouvert sur le torse laissant entrevoir des muscles bien entretenus. Il était de la même taille que la jeune femme, un mètre quatre-vingt et des poussières, aussi son regard vert, enjôleur était au niveau du sien, tellement neutre qu'il en devenait froid.
    « Laissons donc Karah en dehors de ça. Là, il y a juste toi et moi. » lui répondit-il, osant une main sur la joue de la jeune femme.

Sans sa foi en Delkhii, elle l'aurait tout de suite remis à sa place à l'aide d'un coup de genou bien placé. Mais la pensée ne lui effleura même pas l'esprit. Au lieu, elle se contenta de se défaire de son emprise sans un mot. Onresh tenta malgré tout de la retenir, agrippant l'un de ses poignets avec un tant soit plus de vigueur. La pensée qui ne l'avait pas atteint, faisait maintenant son bout de chemin dans sa tête. Et malheureusement pour lui, Lycinia avait hérité d'une force qui était bien supérieure à la sienne grâce à son sang Kharaalien qui avait l'ascendance sur son côté Zolossien. Cependant, elle n'en usa pas tout de suite. Elle fit semblant d'accepter de revenir à ses côtés avec un sourire complaisant, auquel il répondit par son propre sourire satisfait. Celui-ci se changea rapidement en grimace de douleur quand finalement, Lycinia lui asséna un genou dans le plexus solaire. Nul besoin de dire qu'elle n'avait pas retenu sa force. L'Aurès masculin était maintenant sur le sol métallique à régurgiter son repas du midi, mais la jeune femme ne le voyait plus. Cette visite lui avait retirer toute envie de contemplation et elle se dirigeait maintenant vers la sortie.

Onresh Aurès:

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L'art de forger la quiétude et la vengeance EmptyDim 28 Jan - 15:55
La nuit portait souvent conseil, disait-on. Inlassablement, telle une sentinelle de pierre, Thorleif Gunnar ne dédaignait changer de sa position. Il n'avait guère connu ce sentiment de bienséance depuis plus d'un mois, le paysage ne ressemblait peut-être pas à celui de Dyen mais observer ce panorama d'aussi haut lui rappelait sa contrée natale. Vraisemblablement, chaque chose qui le ferait penser à Dyen serait à l'avenir susceptible de le mettre à l'aise, du moment qu'on excluait sa famille et sa politique. Freyja, sa petite sœur, lui manquait terriblement. Il se sentait inquiet d'avoir été contraint de la laisser en arrière, elle qui avait couvert sa fuite avec un courage et une fidélité à son égard toujours aussi inégalable. Elle n'était pas la fille d'Annhild, sa mère qu'il n'avait même pas connu car elle était morte en le mettant au monde. Son père, Einar, avait un soir quelconque laissé libre cours à un fantasme quelconque et quelques mois plus tard, il ramena Freyja dans leur famille. L'honneur lui incombait de la reconnaître comme telle mais il ne l'avait jamais aimée, pas plus que ses deux autres frères, Hulf et Bjorn. Si Freyja et Thorleif partageaient un point commun, c'était donc de ne pas avoir connus leurs mères respectives et d'avoir subi miles et miles coups bas du reste de leur famille. En saupoudrant ces diverses états de faits, on obtenait donc une relation fraternelle très solide. Thorleif l'espérait, il ne pensait pas Bjorn capable de faire ouvertement du mal à Freyja. Il la retenait certainement, à sa façon, pour empêcher leurs retrouvailles. Le dragonnier était à peu près certain qu'il aurait besoin de l'aide de Freyja pour régler ses comptes. Si Thorleif n'avait jamais craint Hulf tant il lui paraissait n'être que l'ombre et le fidèle toutou de Bjorn, il émettait quelques réserves vis à vis de ce dernier. Einar, leur père, l'avait bien plus longuement entraîné que lui car en tant que son fils aîné, ce fut Bjorn qui acquis ce privilège. Toutefois, cela faisait bien des années qu'ils ne s'étaient pas rencontrés dans une confrontation même amicale. Il lui était donc difficilement possible de jauger de la vraie force, du vrai pouvoir de son frère. Le jour venu, il devrait avoir confiance en ses propres capacités et démontrer tout son talent pour en venir à bout.

« Dyen me paraît si lointaine, désormais. Les souvenirs sont encore chauds et douloureux… Jamais, l'espoir ne s'éteint. Freyja, tu dois tenir jusqu'à mon retour. Nous inverserons la balance et mettrons un terme à cette supercherie. Notre famille n'a que trop souffert, nous devons y parvenir. »

Il n'y avait personne de suffisamment proche autour de lui pour entendre ses propos. Plus que des mots, il s'agissait en réalité d'une nouvelle promesse. Jamais il n'oublierait d'où il vient, jamais il n'oublierait ce qu'il avait traversé, jamais il n'oublierait ce qui pouvait l'attendre. Thorleif évoluait cependant en eau trouble, aveuglé d'un certain manque de visibilité. Sans nouvelle de sa sœur, il ne pouvait que s'imaginer de l'étendue des dégâts infligés par les paroles acerbes de Bjorn qui détenait pour le moment le pouvoir sur leur famille. Il osait se demander s'il regrettait d'avoir envoyé Hulf au casse-pipe, s'il avait vraiment désiré que l'un de ses deux petits frères ne meurt pour accomplir ses idéaux. Thorleif se rendait compte qu'il ne connaissait pas si bien que cela son frère aîné et qu'il avait certainement manqué quelque chose. Au fond, Einar avait servi durant toutes ces années de garde-fou, retenant la rivalité et la colère mutuelle entre chacun de ses fils. Si Annhild avait survécu, les choses auraient sûrement été bien différentes mais il n'était pas sage de se raccrocher à de simples suppositions qui ne prendraient jamais les formes de la réalité. Fatalement, comme il l'avait toujours fait, Thorleif devrait composer avec tout cela.

« … Je te sens, tu seras bientôt là. C'est une bonne chose. »

Thorleif Gunnar fixait toujours l'horizon, le regard porté sur le Phare de Khurmag, du côté de Tarluru. Bientôt, il apercevrait sa silhouette fendre le ciel et le battement de ses ailes parviendrait jusqu'à ses oreilles. Par dessus tout, il sentait sa venue immédiate. Nitthog, son dragon noir de poids moyen. Il ne savait pas vraiment combien de temps ils resteraient tout les deux à Forëal mais dans les montagnes, son compagnon trouverait très certainement un endroit pour se cacher du Khoral lorsque celui-ci surgirait. Pendant leur voyage, Althéa Ley Ka'Ori lui avait appris les signes pour détecter son retour. Durant des mois, il en serait ainsi. Thorleif commençait à respecter sincèrement le peuple Khurmis pour être capable de s'adapter à de telles conditions météorologiques. En fait, il se rendait compte peu à peu qu'il existait des endroits intéressants bien au-delà de Dyen. Le dragonnier, malgré son âge qui commençait à avancer, avait donc encore bien des choses à apprendre.

Soudain, l'attention de Thorleif fut attiré par une scène plus ou moins cocasse. A quelques mètres de lui, le temps était en train de monter entre ce qui semblait à première vue être un couple. Il les observait, du coin de l’œil, par pure curiosité, à la limite du voyeurisme. Déjà, aucun des deux dépassait sa propre taille et de loin, la femme semblait plus grande que la moyenne. Tout deux étaient visiblement mâte de peau, sûrement ocre. Il était à peu près certain qu'ils n'étaient pas d'ici mais d'un pays de My'trä où le soleil régnait en maître la plupart de l'année. Ils pouvaient tout aussi bien venir de Zochlom. En fait, il n'aurait pas encore su faire la différence. L'homme, dont il n'entendit pas le nom car il était trop loin avait l'air très entreprenant. Il approchait de l'inconnue qui se substituait tant bien que mal à ce qui ressemblait à des avances mais elle n'avait pas l'air inquiète. Deux hypothèses à cela : elle le connaissait ou elle était certain de lui faire mordre la poussière en cas de besoin. Pendant quelques secondes, le regard de Thorleif se perdit sur les courbes et la carrure de Lycinia. Elle n'avait pas l'allure comme lui d'un militaire mais son regard montrait qu'elle dégageait une certaine assurance. De loin, elle ne paraissait ni particulièrement vieille, ni particulièrement vieille. Le plus hors du commun pour Thorleif, c'était peut-être ce contraste entre ses yeux de couleur émeraude, ses cheveux blancs et sa peau de couleur ocre. Cela la rendait… curieusement attirante ? Peut-être dans le domaine du subconscient. En supposant qu'ils étaient aussi étrangers que lui à cette cité des Montagnes Bleues, Thorleif se souvint avec précision ce que lui avait confié Althéa quelques semaines auparavant. Au cristal blanc, tel qu'on appelait Forëal, les véritables étrangers avaient peu de choses à y faire si ce n'était les commerçants, artisans ou les amoureux du peuple, les fidèles adeptes de l'Architecte. Lui, il était venu jusqu'à Forëal pour se donner du temps et à la fois une première destination concrète.

« … Il ne faut pas trop l'importuner, celle-là. »

Thorleif était surpris par la tournure des événements. L'homme avait reçu un coup de genou en plein dans le plexus solaire et s'était effondré comme une feuille au pied d'un pommier. Il avait remarqué l'insistance du forgeron de la famille Aurès, ressemblant presque à une forme de harcèlement. Rusée, la jeune femme lui avait fait croire qu'elle acceptait de jouer à son jeu de séduction pour mieux le frapper. Propre, net et sans bavure. Le colosse afficha un sourire amusé tant la scène était surréaliste mais pourtant bien réelle. Thorleif avait commencé à combler la distance qui les séparait tout les trois, épris d'une soudaine envie de se mêler à cette cocasse mais amusante situation. Après tout, n'était-ce pas mieux que de broyer du noir seul au bord de son propre balcon ? Ce qui l'étonna peut-être davantage, ce fut l'indifférence de Lycinia à l'égard de son homologue masculin. Il était à terre et n'avait pas l'air d'aller bien, ayant même régurgité son repas du midi.

« Vous allez vraiment le laisser par terre ? Vous ne craignez pas qu'il ne porte plainte contre vous pour agression… ? »

Bien sûr que non, Lycinia n'en avait pas peur. En admettant qu'elle soit peut-être allée un peu loin, elle montrait une indifférence totale en prenant la direction du tombé de rideau. La question avait donc été formuler de sorte à l'interpeller, pourquoi pas l'agacer. Il était curieux de voir ce que la terreur des balcons et des râteaux avait encore dans l'estomac, contrairement au pauvre Onresh qui gisait sur le sol. Au pire, cela l'aiderait à attendre jusqu'à l'arrivée prochaine de Nitthog. Au mieux, une histoire commençait-elle peut être tout juste à s'écrire...?

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L'art de forger la quiétude et la vengeance EmptySam 3 Fév - 20:38
La femme apostrophée s'arrêta net. « Agression ? » Se dit-elle. Quel esprit égaré aurait pu penser qu'il s'agissait ici d'une agression ? Certes elle était debout et lui non. Mais Lycinia estimait avoir agit en état de légitime défense. Onresh avait exercé une contrainte sur elle, contrainte à laquelle elle avait répondu. Ce fut passablement agacée qu'elle fit volte-face et avisa la personne qui l'avait interpellée. Qu'elle ne fut pas sa surprise de voir qu'il s'agissait de l'homme en armure qu'elle avait observé plus tôt. Il était à cinq mètres d'elle environ, debout à côté de Onresh qui agonisait. En fait, dans cette disposition, on aurait plutôt cru que c'était l'inconnu qui avait agressé le forgeron. Colossal comme il était.

L'espace d'un instant, elle cru à un des protecteurs de Forëal, mais si ça avait été le cas, elle aurait tout simplement été arrêtée. Non, il s'agissait juste d'un importun malavisé. Lycinia prit le temps de l'examiner avant de répondre. L'obscurité naissant ne laissait pas voir beaucoup, mais elle devinait tout de même des traits durs qui étaient accentués par sa barbe de quelques semaines. Ce genre d'homme lui était en général antipathique, même s'ils faisaient bon clients. Souvent plus de muscles que de cervelles et une arrogance qui allait avec. Pourtant, ce n'était pas de l'arrogance qui transpirait des traits du géant. C'était de la fierté, une qui semblait bien placée.

La jeune femme aux cheveux blancs eu un sourire sarcastique pour l'homme qu'elle fixa sans sourciller. Avec le vent qui balayait la plate-forme et la petite distance qu'il y avait entre eux, elle dû un tant soit peu crier pour qu'il puisse entendre, car non, elle ne comptait pas faire marche arrière :
    « Connaissez-vous beaucoup d'agresseurs qui secourent leur victime ? Puisque vous semblez vous en faire pour cet homme, pourquoi ne l'aideriez vous pas ?»

Et pour ce qui était de la menace de plainte... Les yeux de Lycinia, maintenant un peu plus froids, glissèrent vers la silhouette du membre de son clan qui se redressait tant bien que mal. Onresh était d'autant plus dangereux qu'il avait été blessé dans son ego, mais le danger ne se trouvait pas au niveau d'une plainte. Si leur petite altercation s'ébruitait, ça serait la réputation du clan qui serait en jeu. Sans compter la sienne. Or, il était un forgeron aurassien avant tout, Lycinia savait qu'il ne ferait rien qui puisse ternir leur nom. L'homme a la peau sombre s'était maintenant complètement relevé. Il s'essuya le menton du revers de sa manche, puis jeta un coup d'œil rapide à l'homme qui était à ses côtés lui faisant un signe de tête comme pour le remercier. La minute d'après, il se dirigeait vers la jeune femme d'un pas décidé, une lueur mauvaise dansant dans ses yeux verts. Contre toute attente, il ne s'arrêta pas à son niveau et continua sa route jusqu'à la sortie. Néanmoins, quand il arriva à la hauteur de Lycinia, elle pu entendre :
    « Je n'en ai pas terminé avec toi. »

Les mots qui avaient pourtant été calmement prononcés étaient chargés d'animosité, à tel point que Lycinia eu un frisson malgré elle. Il ne lui sembla pas sage de rétorquer, aussi s'adressa-t-elle à nouveau à l'homme en armure :
    « Vous êtes satisfait ? »

Elle allait à nouveau se diriger vers la sortie, puis décida le contraire en pensant qu'il valait mieux laisser un peu d'espace entre elle et Onresh. Forcée de rester un peu plus longtemps sur cette plate-forme, elle se dirigea vers l'homme et à un mètre de lui elle s'accouda à nouveau à la rambarde, le dos cette fois-ci tourné vers l'horizon. Maintenant qu'Onresh n'était plus présent, toute trace de contrariété avait disparu de son visage et puisqu'elle avait du temps à tuer, autant le passer avec celui qui en était la cause. Un instant, elle dévisagea l'homme blond de son regard inquisiteur, avant de se décider à lâcher :
    « Je ne l'ai pas agressé, je me suis défendue. Mais vous le savez puisque vous nous observiez. »

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L'art de forger la quiétude et la vengeance EmptyMar 6 Fév - 11:14
Il était parvenu, avec seulement deux questions, à piquer la curiosité de la terreur des balcons et des râteaux. Elle s'était arrêtée net, faisant volte-face en lançant un regard surpris au colosse de Dyen. En le fixant, elle devait certainement se demander s'il s'agissait de lard ou de cochon. Pour qui se prenait-il, après tout, à se mêler de ses affaires alors qu'ils ne se connaissaient même pas ? Le frère benjamin de la famille Gunnar cherchait vraisemblablement à tuer le temps avant l'arrivée fatidique tant attendue. Ils se fixèrent durant de longues secondes, oubliant probablement tout les deux la détresse d'Onresh. Concrètement, Thorleif n'avait rien à faire de lui. Qu'il connaissait ou non sa proie, il avait essayé de jouer avec elle et avait lamentablement perdu. Sans pour autant dire qu'il n'était qu'un faible, parce qu'il s'était rendu compte que la belle blanche n'était pas en totale confiance vis à vis de lui, Onresh ne méritait tout simplement pas que Thorleif ne s'attarde sur son cas. Il y avait une autre raison et cela, la forgeronne de la famille Aurès ne tarderait peut-être pas à le découvrir.

« Non, ce n'est pas commun. A vrai dire, c'est votre victime et par conséquent, vos problèmes. »

Cela ne serait pas suffisant pour conclure que le colosse était originaire de Dyen mais elle avait un avant goût de ce qui pouvait l'attendre. Là-bas, il était coutume de ne pas se mêler concrètement aux problèmes des autres, surtout quand on était pas concerné. A moins d'apporter la guerre aux portes mêmes de Dyen, ployer le genou ne serait d'aucune utilité pour convaincre ce peuple de ce joindre dans une guerre. Il fallait de l'intéressement, des raisons qui leur rendaient finalement service pour espérer tirer quelque chose d'eux. Les personnes originaires de la cité-état draconique, pour la majorité d'entre eux, ne faisaient rien sans rien pour un quelconque inconnu. Par contre, quand ils estimaient que cela valait vraiment le coup, ils étaient capable de déplacer des montagnes pour parvenir à leurs fins. Vivre en autarcie avait ses avantages et ses inconvénients et comme le disait l'adage, Thorleif Gunnar était un vieux de la vieille. Cela lui vaudrait très certainement quelques défauts de communication.

Finalement, Onresh se redressa seul et ne daigna même pas porter son regard sur Thorleif, probablement trop occupé à imaginer comment il ferait payer la forgeronne pour son affront. Se connaissaient-ils ? Thorleif ne pouvait ni affirmer ni infirmer une quelconque réponse à cette question. Devant lui, ils ne se comportaient pas comme des proches mais pas non plus comme des étrangers. Lycinia Aurès aurait-elle osé mettre au tapis n'importe lequel de ses agresseurs ? Était-ce là un tempérament bouillant et audacieux ? Il ne pouvait pas vraiment se statuer. Ce qui était certain en revanche, c'est qu'il les abandonna tout les deux et que contrairement à tout à l'heure, la forgeronne n'embraya pas le pas. Il paraissait évident qu'elle ne voulait pas recroiser sa route tout de suite et qu'en quelque sorte, Thorleif se portait indirectement garant de sa sécurité pour le moment même si au fond, aucun des deux protagonistes n'en avait réellement conscience.  

« Je suis satisfait, oui. Je viens tout juste d'arriver à Forëal. J'aimerai ne pas me faire remarquer le premier soir… Mais par nécessité, je lui aurai sans nul doute tordu les bijoux de famille et il serait au moins reparti avec un coquard.»

Il sourit légèrement en la fixant, répondant sûrement à l'une de ses questions intérieures de tout à l'heure. Lorsque Onresh avait commencé à la titiller, elle était venue quérir son regard pour s'assurer qu'elle n'était pas seule, juste au cas où. Si elle s'était défaite de son harceleur avec un certain succès, il n'avait pas trop de doute quant au fait qu'elle s'était demandée si elle aurait pu avoir une autre solution dans sa manche. En lui répondant ainsi, Thorleif venait donc de lui avouer que dans le pire des cas, il ne l'aurait pas laissée à sa merci et serait intervenu. A vrai dire, ce genre de comportement avait tendance à le révulser. Cela lui rappelait le Roi-Père de Dyen et sa fâcheuse tendance à charmer la moindre donzelle qui pouvait potentiellement finir dans sa couche.

« Quelle défense ! Je constate déjà qu'il ne faut pas trop vous importuner, je ne voudrai pas finir comme lui. »

Thorleif Gunnar ne jouait pas du tout dans la même cour que Onresh. Il était plus grand, plus fort, plus résistant et plus endurant. Avec son armure, il était impensable que Lyciana ne s'en prenne à lui de front mais il n'était pas vraiment inquiet, une femme comme elle devait sûrement avoir d'autres tours dans son sac. De toute manière, ce ne serait pas lui qui l'importunerait ainsi ce soir, ce n'était pas son genre. Il se rapprocha toutefois, scellant le mètre qui les séparait et vint s'accouder lourdement contre la rambarde, faisant contrairement à elle face à l'horizon.

« Tout de même, je ne comprends pas tout. Vous le connaissez ? Cela vous arrive souvent de vous faire agresser pendant une promenade nocturne ? »

Il l'observait du coin de l’œil, scrutant la moindre de ses réactions. Au loin, dans la nuit noire, malgré l'éclaircissement du phare de Khurmag, il n'apercevait toujours pas son compagnon dans les airs. Lui était-il arrivé quelque chose… ? Non, il l'aurait ressenti. Les dragonniers tissaient un tel lien avec leurs montures qu'ils sentaient ces choses-là et vice versa. Tout à coup, un lointain rugissement draconique se fit entendre. Un novice, à cette distance, ne devinerait sûrement pas qu'il s'agissait d'un dragon mais entre mille, Thorleif reconnaissait son cri. A son écoute, le dragonnier haussa à peine un sourcil, montrant qu'il n'était ni surpris ni effrayé par cette perspective. En vol, Nitthog avait peut-être jeté son dévolu sur une créature aérienne pour en faire sa proie.

« Vous ne ressemblez pas vraiment aux femmes que j'ai pu croiser dans ce pays jusqu'à présent. Vous ne vivez pas à Forëal, n'est-ce pas ? »

Ce n'était pas tant cette couleur de cheveux inhabituelle mais plutôt le teint mat de sa peau qui le convainquait dans cette question rhétorique. Il lui paraissait impossible de préserver un tel bronzage en vivant à Khurmag. Elle l'avait déjà fait et l'observerait sûrement à nouveau pour à son tour essayer de deviner quel type d’énergumène elle avait face à elle. D'un œil avisé, si elle osait descendre impunément jusqu'à la ceinture, elle apercevrait certainement le pommeau de son épée en forme de tête de dragon et conçu en cuir de drake et en bois de chêne. Quant à la lame, il s'agissait d'une somptueuse réalisation dont les forgerons de Dyen avaient le secret.

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L'art de forger la quiétude et la vengeance EmptyVen 16 Fév - 14:17
    « Quelle défense ! Je constate déjà qu'il ne faut pas trop vous importuner, je ne voudrai pas finir comme lui.
    - C'est un cas à part. » répondit-elle laconique.

Lycinia n'avait pas pour habitude d'en venir aux mains avec qui que ce soit, c'était la raison pour laquelle elle s'était laissée faire au début. Mais Onresh avait poussé le bouchon trop loin en ne respectant pas sa volonté. Ça et le fait qu'elle l'exécrait au plus au point. Lui et son arrogance, son infidélité et son mépris pour ceux d'un statut plus bas que le sien. Pour rien arranger, la forgeronne n'était vraiment pas d'humeur après tout ce qu'il s'était passé à la mine.

Elle observa l'homme en armure venir s'accouder à ses côtés, le regard tournée vers l'horizon comme elle l'avait été avant l'incident. Elle le détailla un peu plus, comme si son attirail pouvait lui donner des indices sur sa personnalité. En réalité, elle repensait surtout à ses paroles d'avant. Quand la forgeronne lui avait renvoyé la balle et demandé si lui ne pouvait pas s'occuper d'Onresh, il lui avait rétorqué que c'était son problème. *Pourquoi me déranger alors ?* s'était-t-elle demandée sur le coup. A croire qu'il s'ennuyait grandement de son côté et avait décidé de se mêler de ce qui ne le regardait pas pour passer le temps. Pourtant juste après, il l'avait assuré qu'il serait intervenu si les choses avaient tourné au vinaigre. Lycinia n'avait pu que penser qu'il se moquait d'elle. Pourquoi lui rejeter la faute après, s'il avait eu l'intention d'intervenir ?

Tout de même l'homme semblait se tromper sur son attitude. Si la jeune femme avait croisé son regard c'était pour s'assurer de qui serait témoin de la scène, justement parce qu'elle ne voulait pas que son geste l'incrimine. Alors pendant un instant fugace, elle avait balayé la plate-forme du regard à la recherche d'un témoin qu'elle avait trouvé en la forme du colosse. Vu sa réponse, il avait pris ça pour une demande d'aide silencieuse. Comment l'en blâmer ? La forgeronne bien que grande et possédant une bonne musculature n'était pas si imposante que ça finalement. Bien des hommes l'avait sous-estimée par le passé. Or si elle n'était pas une guerrière, elle était Khaaralienne et possédait en conséquence leur très grande force. Force qui supplantait celle de bien des hommes. Il n'y avait qu'à voir la charge qu'elle transportait des jours durant sur son dos. Ajoutez à cela, sa capacité à augmenter sa vitesse grâce au feu de Süns et vous aviez un cocktail explosif. Mais la jeune femme était plutôt du genre à éviter les conflits du mieux qu'elle le pouvait. Raison pour laquelle elle avait préféré rester sur la plate-forme en compagnie de cet homme. La peur ne rentrait pas en compte dans son raisonnement. Il s'agissait simplement d'une logique pacifiste. Onresh n'oserait pas l'attaquer de nouveau si elle était accompagnée, il préférerait agir sans témoin. Ça serait tout de même un problème plus tard. Cette pensée lui tira un soupir.
    « Tout de même, je ne comprends pas tout. Vous le connaissez ? Cela vous arrive souvent de vous faire agresser pendant une promenade nocturne ?
    - C'est une connaissance oui. Pas des meilleurs. », lui répondit-elle sans avouer qu'ils étaient du même clan. Toujours par soucis de préserver la réputation du clan.

Les Aurès étaient bien connus en tout My'trä, si ce n'était Zagash pour des raisons évidentes. Des rumeurs de querelles internes auraient tôt faits de donner un petit coup à cette renommée et parviendraient rapidement aux oreilles de la Gharyn, sa mère. Les conséquences de ce dernier fait seraient véritablement cataclysmique pour la jeune femme. S'il existait bien une personne qui lui faisait peur en Irydaë, c'était bien sa mère.

Elle prit un temps avant de répondre à l'autre question. Était-ce une blague ? Elle avait souvent du mal à comprendre les traits d'humour de ses interlocuteurs. Elle se posait donc véritablement la question. Dans le doute, elle répondit honnêtement :
    « Je ne dirai pas souvent... Mais je pense être malchanceuse à ce niveau là. »

Maintenant qu'elle y pensait, il lui arrivait souvent des embrouilles. En l'espace de deux mois, elle avait été prise au piège dans le Khoral parce qu'il était arrivé plus tôt que prévu. On l'avait prit pour une tueuse de Daënars, elle avait eu avant ça une intoxication alimentaire, elle s'était faite avoir par la magie d'une Khurmi pour consentir à des rapports et ne parlons pas de cette Zagashienne instable qui avait comme par miracle trouvé son abri planté au milieu de nulle part. Elle partit soudainement dans un rire léger. Le colosse qui était toujours à ses côtés ne la comprendrait très certainement pas. Mais c'était plus fort qu'elle. Cette succession d'événements désastreux ne pouvait que la faire rire là où d'autres personnes seraient complètement atterrées. Son rire fut emporté par la brise nocturne et comme une réponse, elle entendit le rugissement lointain d'une créature. Elle n'avait pas entendu assez de dragons dans sa vie pour savoir si c'en était un, mais elle en savait assez sur la faune pour savoir qu'elle était assez grosse. Autre que cette réflexion, elle ne s'attarda pas sur le sujet, surtout que son compagnon lui posa une autre question.
    « Vous ne ressemblez pas vraiment aux femmes que j'ai pu croiser dans ce pays jusqu'à présent. Vous ne vivez pas à Forëal, n'est-ce pas ? »

Ah. Il était rare qu'on lui demandait d'où elle venait. La plupart des My'träns (si ce n'était pas tous) arrivaient à reconnaître un Kharaalien quand il en voyait un. Lycinia était également Zoliosienne, mais c'était sa partie Kharaalienne qui était discernable de ses caractéristiques physiques. Pas étonnant qu'il l'ait cru en danger alors. Cet homme n'était pas My'trän. Pour corroborer ce fait, il avait bien dit qu'il ne voulait pas se faire remarquer le premier soir. Signe qu'il venait d'arriver à Forëal. D'où venait-il dans ce cas ? Elle changea de position pour à nouveau se tourner vers l'horizon, ses yeux cherchant inconsciemment les sommets des Tsagaan Oi.
    « Non en effet. Je viens des Tsagaan Oi, une chaîne de montagne entre Zolios et Kharaal Gazar. » Elle crut bon d'ajouter ce brin d'information au cas où cet endroit lui était inconnu.

Elle ajouta sans discontinuer :
    «  Je suis Lycinia Aurès, forgeronne de profession. Et vous noble guerrier ? D'où venez vous ? »

Etait-il noble ? Etait-il un guerrier ? La jeune femme n'en savait rien, quoiqu'elle pouvait deviner en ce sens pour la deuxième question. Au delà de ça, c'était juste sa façon de s'exprimer qui se voulait chaleureuse quoique moqueuse.

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L'art de forger la quiétude et la vengeance EmptyMar 20 Fév - 10:32
Thorleif observait toujours inlassablement l'horizon, à la recherche d'une quelconque masse encore informe quelque part dans les airs. Il avait reconnu le rugissement draconique de son compagnon, grondement qu'il reconnaîtrait entre mille tant les années qui les unissaient commençaient à se faire nombreuses pour un dragonnier et sa monture. Il se rappelait très bien, vingt-années auparavant, comment il était parvenu à débusquer l’œuf de Nitthog dans les chaînes de montagnes de Dyen. Un lieu sans nul doute hostile et peu avenant pour quiconque n'a pas la moindre connaissance au sujet des dragons. En général, ils ne s'en prenaient pas aux êtres humains à moins de se sentir menacé ou d'avoir une faim de… loup ? Mais comment savoir que l'on entrait justement sur le territoire d'un dragon, devenant une potentielle menace ? Quelles étaient les hypothétiques chances de survie en cas d'un face à face impromptu ? Ce n'était pas pour rien si les adolescents de Dyen qui espéraient intégrer l'ordre des dragonniers passaient d'abord quelques années au rang d'aspirant. Pour espérer s'en sortir et survivre dans ce milieu, il fallait une véritable formation. Quant à la manière d'obtenir son propre œuf de dragon… Il y avait encore tant à dire mais ce n'était pas-là le moment du sujet présent.

En effet, la forgeronne de la famille Aurès acheva de mettre un terme aux doutes de Thorleif concernant l'agresseur qui venait à peine de quitter la plate-forme comme s'il n'était jamais venu par ici. Elle le connaissait et probablement bien mieux qu'il ne l'aurait imaginé. Pour en venir à cet excès de violence, il devinait très bien qu'elle ne portait pas Onresh dans son cœur mais que quelque chose, un détail qui lui échappait, l'empêchait de régler définitivement ses comptes avec lui. Dans le soupire qui s'extirpa des lèvres de Lycinia, Thorleif perçut comme une forme de fatalité, un aveu à demi-mot : « Il reviendra m'importuner, sans nul doute. » La relation entre Lycinia et Onresh ne le regardait clairement pas mais en tant que gentilhomme, il ne pouvait tout simplement pas supporter l'idée de voir une demoiselle se faire harceler avec autant d'impunité. Ce genre de comportement lui rappelait le tempérament coureur du jupon du Roi-Père de Dyen, individu majestueux dont il espérait bien voir la tête au bout du fil de son épée. Toutefois, Thorleif ne réalisait pas qu'il se méprenait au sujet de son interlocutrice : c'était une Kharalienne, une femme dotée d'une force physique qui dépassait naturellement la norme. Évidemment, Thorleif avait une connaissance bancale des Architectes et des peuples de My'trä. S'il était capable de définir que Busad était la capitale régionale des Kharaal Gazar et que Delkhii était l'Architecte que l'on vénérait là-bas, il n'avait aucune connaissance que les Kharaaliens venaient au monde avec une constitution ô combien différente de leurs pairs pour la plupart. A première vue, il ne se rendait pas compte que la véritable force de Lyciana n'avait peut-être pas grand-chose à envier à la sienne et pour quelqu'un qui ne baignait pas dans les arcanes de la magie, c'était tout simplement impossible à concevoir. Après tout, il était naturel sauf exception d'imaginer qu'un homme avait plus de force qu'une femme. Il n'y avait pas de honte à cela mais dans ce monde-ci, les Architectes avaient pour ce cas précis bousculé la règle. Rationnellement parlant, Lycinia avait eu le dessus sur Onresh pour la principale raison qu'elle avait eu l'initiative et l'effet de surprise pour sur lui.

« J'ai l'impression qu'il vous importune bien plus que vous ne souhaiteriez en dire. Vous n'avez jamais pensé à lui donner une leçon plus vindicative ? Vous ne semblez pas avoir fondamentalement peur de lui, sinon, je ne crois pas que vous auriez pris le risque de porter le premier coup. »

Ce flux de questions et de suppositions aurait au moins le mérite de faire réfléchir davantage Lycinia sur la situation présente. Quant au fait qu'elle lui répondrait avec honnêtement et franchise, il n'en mettrait pas sa main à couper. Elle n'avait pas l'air d'être la femme qui déballait d'un coup sec le fil de sa vie au premier venu. Heureusement, quelque part. Il se rendit compte tout à coup qu'elle trouverait peut-être son insistance un peu étrange. N'était-ce pas lui qui avait proclamé juste avant qu'il s'agissait de ses problèmes, sous-entendant que tout ceci ne le regardait pas ? Ah, le paradoxe de Dyen ! Ne comptez jamais trop sur un dragonnier pour prendre ouvertement votre parti mais attendez-vous à le voir tenter d'assouvir sa curiosité mal placée.

« Vous croyez qu'il y a quelque chose chez vous qui attire ces messieurs ? »

Il fixait l'horizon, tout sourire. Celle-là, il fallait oser la sortir, tout de même. De son point de vue, il avait lancé cette hostilité pour essayer de détendre l'atmosphère, la faire réfléchir à autre chose. Évidemment, la Kharaalienne avait son charme et certainement beaucoup d'atours et il suffisait de la regarder pour deviner que son côté exotique ne devait pas laisser quiconque indifférent. On avait envie de détailler du regard chaque parcelle, chaque recoin de sa chevelure d'un blanc d'une pureté sûrement rarement inégalée et la contraste avec la peau mâte de son visage était frappant. Que dire quant à ses yeux d'émeraude qui venaient embellir ce charmant tableau ? Toutefois, elle risquait peut-être plus de lui sauter à la gorge si elle n'était pas capable de discerner son second degré. Après tout, n'était-il pas en train de sous-entendre ouvertement qu'elle n'avait rien de susceptible d'attirer le regard et l'attention d'un homme… ? Il était très curieux de voir comment la forgeronne allait réagir, lui permettant donc de percer un peu sa personnalité.

Thorleif connaissait de nom les chaînes de montagnes qui séparaient Zolios de Kharaal Gazar. Les Tsagaan Oi, il envisageait déjà de les survoler d'ici quelques mois. On disait d'elles qu'elles abritaient plusieurs hameaux et qu'elles étaient la création de Delkhii en personne. Elles s'étaient sur plusieurs milliers de kilomètres, là où la chaîne de montagne de Dyen formait un large cercle. C'était un lieu qu'il tenait absolument à faire découvrir à Nitthog. Enfin, Lycinia se présenta à lui, lui dévoilant sans nom de famille. L'absence de réaction sur son faciès confirma au moins une chose à son interlocutrice, il ne connaissait aucunement la renommée des Aurès. Au moins, elle ne risquait pas de faire une bourde qui pouvait lui coûter chère en le côtoyant ce soir.

« Noble et guerrier ? Vous êtes certaine ? »

Son regard était impassible, il cherchait à ne trahir aucune émotion. Elle avait raison, touché dans le mille mais Thorleif appréciait à sa juste valeur le mystère et le suspens. Toutefois, il remarqua bien du coin de l’œil qu'elle l'observait, en quête d'une franche et honnête réponse. Elle lui avait fait la politesse de se présenter entièrement à lui, dévoilant nom, prénom et profession… Son sens de l'honneur et de la courtoisie le poussait donc à être redevable. Surtout, il écartait l'hypothèse selon laquelle elle aurait pu être un agent de Dyen à sa poursuite. Thorleif avait sincèrement l'impression de ne pas craindre grand-chose venant d'elle à ce sujet.

« Enchanté, Lycinia. Je suis Thorleif et je viens de Dyen. »

Elle risquait de rester sur sa faim et il s'en rendait bien compte. Pourquoi ne dévoilait-il pas avec légèreté son nom de famille ? Pour le moment, il ne voulait plus y être affilié. Bjorn Gunnar, son frère aîné, en détenait le contrôle, le monopole. C'était une véritable épreuve pour lui d'être assorti à cette ordure qu'il attendait impatiemment de faire payer pour ce qu'il avait osé lui faire. Un jour, il en était certain, il deviendrait véritablement le patriarche de sa maison et il la rendrait à son image. En attendant, il était préférable de ne pas trop en dire, cela valait mieux. Quant à la divulgation de sa profession, elle ne le savait pas encore mais elle comprendrait bien assez tôt. A vrai dire, dès qu'elle se tournerait à nouveau vers l'horizon, elle commencerait à apercevoir une grande masse se confondant dans la nuit voler dans leur direction, à la même hauteur. Dans quelques minutes, elle pourrait reconnaître les traits d'un dragon.

« J'appartiens effectivement à la noblesse de Dyen et je suis un maître-lame à mes heures perdues. Vous allez donc certainement vous demander ce qu'un noble d'une éternelle et renommée autarcie peut-bien faire à Forëal lorsque l'on pourrait se contenter d'envoyer un émissaire ? Mais tout d'abord, que connaissez-vous au sujet de la cité-état de Dyen ? »

S'il espérait cacher le fait qu'il était un membre de l'ordre des dragonniers pendant encore quelques minutes, il n'avait pas menti au sujet de sa seconde profession. En temps de paix, il servait son pays en formant des compatriotes au maniement des armes et à l'art de la guerre. Il venait de lancer le fil d'une nouvelle discussion, d'un nouveau sujet. La forgeronne de la famille Aurès n'avait plus qu'à le saisir mais tout ceci était en train de prendre des allures de faire connaissance. Ni l'un, ni l'autre ne devaient s'être attendus à une telle perspective en cette froide soirée hivernale.

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L'art de forger la quiétude et la vengeance EmptyJeu 1 Mar - 15:05
La femme aux cheveux immaculés avait éclaté de rire en repensant à la série d'événements malchanceux qui l'avait touché. L'étranger, pas pour le moins du monde déphasé, continua à dérouler le fil de ses questions sur son altercation avec Onresh et elle en perdit son sourire, revenant à une mine impassible. Autant dire qu'elle n'apprécia pas que l'homme-colosse insistât sur le sujet. Dans ses réponses, elle était restée aussi vague qu'elle avait pu pour diverses raisons et une personne sensée aurait noté ce fait et par respect, aurait lâché l'affaire. Elle aurait apprécié que l'homme suive cette logique et se trouva d'autant moins disposée à répondre à ses questionnements. Ainsi, ils restèrent sans réponse. A cette heure avancée de la soirée, elle n'avait pas la volonté d'arranger plus que de raison un étranger qu'elle ne reverrait sans doute pas après qu'elle aurait quitté les lieux.

Pourtant, si l'homme avait été un peu plus proche d'elle, elle se serait certainement épanché sur le système de justice du clan Aurès qui aurait tôt fait de la rattraper si elle tentait une quelconque attaque « vindicative » sur la personne d'Onresh. Elle ne pensait même pas une seconde à porter elle-même l'affaire devant le clan car le système faisait que c'était l'un des chefs de sa famille (c'est-à-dire sa mère ou son père) qui devrait la représenter contre le chef de famille de la partie adverse. L'affaire en question mettrait donc face à face deux chefs de famille principale et cela ne pouvait arriver. Le clan Aurès vivait pour l'instant dans une harmonie précaire maintenue seulement grâce aux efforts de sa mère, la Gharyn, qui réussissait à calmer les tensions entre les différentes familles principales. De l'avis de Lycinia, certains feraient bien de tenir leur ego en laisse. Quoiqu'il en fut, cette affaire pourrait briser l'équilibre, conséquence beaucoup trop grave pour quelque chose d'aussi futile. Aussi se contenterait-elle de se défendre en cas de réitération de velléité de la part d'Onresh. De toute façon, ce n'était que pour un moment bien défini. Dès qu'elle quitterait Forëal, elle ne le reverrait plus.
    « Vous croyez qu'il y a quelque chose chez vous qui attire ces messieurs ? »

Une autre question. L'homme avait un sourire goguenard sur les lèvres, tandis que son regard aux couleurs du ciel fixait un point au loin, évitant soigneusement (délibérément?) celui de Lycinia. Elle, toujours accoudée à la rambarde, dos au panorama, le regardait en biais, se demandant qu'elle suite donner à cette nouvelle question. Le sourire de l'homme, placardé sur son visage, était un signe très clair que la question n'était pas vraiment sérieuse. Avait-il senti son manque de réceptivité ? Au quel cas, il essayait peut-être de revenir dans un échange plus cordial.
Cependant, la femme ne mordit pas à l'hameçon. Bien sûr, elle connaissait l'étendue de ses charmes, la séduction étant un de ses passe-temps favoris quand elle cherchait à se détendre. Même si son assurance, dans ses occasions, était sa meilleure arme qui avait fait, en plusieurs contrées de My'trä, de nombreuses victimes (consentantes), femmes, comme hommes, sans discrimination. Dans le cas de la question de l'homme en armure, Lycinia ne pensait pas qu'il s'agissait d'une attraction particulière et elle lui fit savoir :
    « Je pense que pour de tels individus, le seul fait que je sois une femme suffit. Même si je ne prétends pas connaître ce qui peut se passer dans la tête de telles personnes. »

C'était un parti pris. En tout cas, la question avait eu pour effet de pousser la conversation vers un autre sujet et la forgeronne s'en trouva rassérénée. Suite logique, l'homme embraya sur des questions tendant à ses origines de par la couleur de sa peau, il remarquait qu'elle ne ressemblait pas aux femmes de Khurmag et à raison. Elle entreprit donc de se présenter avant de lui enjoindre de faire de même.

Dans l'expectation de sa réponse, la femme à la peau ocre se retourna, faisant à nouveau face à l'horizon nocturne, son regard cristallin en suspend sur son interlocuteur.
    « Noble et guerrier ? Vous êtes certaine ?
    - Ce n'est qu'un jugement de valeur qui n'emporte aucune certitude, lui répondit-elle avec honnêteté.
    - Enchanté Lycinia. Je suis Thorleif et je viens de Dyen. »
    *Dyen.*, se répéta-t-elle dans sa tête, comme pour s'assurer du lieux. Sa curiosité était vaguement titillée.

Elle ne connaissait pas énormément de personnes qui venaient de l'île flottante. Une fois, elle avait rencontré un messager à dos de dragons alors qu'elle n'était encore qu'une enfant. En dehors de ce cas de figure, c'était le néant. Peut-être certains de ses clients passés en venaient, mais elle ne leur demandait pas leur origine, donc impossible de savoir. Cependant, elle avait des connaissances qu'elle avait acquises grâce à ses précepteurs, notamment celui qui leur avait enseigné la géographie externe à My'trä, avec les régions importantes des différents continents et leur politique par rapport à My'trä. Grâce à ça, elle connaissait la localisation de l'île et le fait que le dragon était l'animal national. Une autre particularité de cet endroit étaient les dragonniers.

Elle n'eut pas besoin de voir la masse informe qui apparaissait au loin, dans la direction d'où provenait la lumière du phare pour connecter les informations qu'elle avait silencieusement recueillies depuis qu'elle lui parlait. L'armure et la lame que le dénommé Thorleif portait étaient de très bonne facture et sans même tirer l'épée de son fourreau, elle pouvait apprécier la pureté du métal dans lequel elle était forgée car celui-ci n'avait aucun résidu terreux. Sa magie lui disait qu'il en était de même pour son armure. Mais, elle aurait pu s'arrêter à l'apparence extérieure de son équipement qui suffisait à elle-même pour parler du statut de l'homme. Son expérience de la forge lui permettait de dire avec certitude que Thorleif appartenait à la haute société de Dyen. En poussant son raisonnement plus loin et juste par pure déduction elle su qu'il était dragonnier. Son arme avait un tête de dragon sur le pommeau, la décoration d'une lame de telle facture n'étant jamais anodine. Elle attestait souvent de quelque chose. Pour cette raison, des fois, une arme était un véritable justificatif d'identité pour son propriétaire.

Par contre, ce n'était pas tout. Elle s'appuyait aussi sur le fait que l'homme n'avait pas quitté le ciel du regard depuis qu'elle était arrivée sur la plate-forme (enfin, à part quand il s'était mêlée de ce qui ne le regardait pas), et encore maintenant, ses yeux étaient fermement fixés sur un point : la masse qui s'approchait. Si vous ajoutiez à cela le cri de la créature inconnue au bataillon qu'ils avaient entendu plus tôt, vous aviez un tableau clair et précis de la situation : Thorleif était un dragonnier et c'était un dragon qui arrivait. Lycinia ne connaissait pas assez les dragons pour savoir ça, mais elle connaissait relativement bien la faune des alentours et après avoir rayé toutes les possibilités, c'était ce qu'il restait.

La pensée qu'un dragon allait très certainement montrer le bout de son museau sur le haut de la tour n'eut pas un grand effet sur elle. Elle savait que ces créatures étaient en général bien entraînée lorsqu'elles appartenaient à un dragonnier.
    « J'appartiens effectivement à la noblesse de Dyen et je suis un maître-lame à mes heures perdues. Vous allez donc certainement vous demander ce qu'un noble d'une éternelle et renommée autarcie peut-bien faire à Forëal lorsque l'on pourrait se contenter d'envoyer un émissaire ? Mais tout d'abord, que connaissez-vous au sujet de la cité-état de Dyen ? »

Non, elle ne se le demandait pas, comparé à certaines personnes, sa curiosité était bien placée. Surtout, le fait qu'il soit de la noblesse ne l'émeut pas le moins du monde, elle-même n'était pas une roturière, même si elle ne présentait jamais son statut (car elle n'en avait que faire). Il y avait bien, après tout, un système hiérarchique dans le clan Aurès dans lesquelles les familles principales étaient privilégiées, système qui soit dit en passant contribuait à préserver la lignée des premiers Aurès. Raison pour laquelle Onresh était si imbue de lui-même. Elle remerciait ses parents et surtout son père de lui avoir inculqué des valeurs qui l'empêchaient d'avoir ce genre d'attitude. Par contre, le fait qu'il fusse maître-lame l'intéressa hautement. Plus tôt, elle n'avait pas pensé le revoir, mais il était véritablement un client potentiel. La forgeronne avait assez la tête sur les épaules pour s'en rendre compte.
    « De Dyen, je connais le principal. Sa localisation, sa particularité qui réside dans les dragons et ses dragonniers et son système politique dans les grandes lignes. Et maintenant... Vous, je suppose. », lista-t-elle lentement.

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L'art de forger la quiétude et la vengeance EmptyMar 6 Mar - 12:12
Thorleif ne s'était nullement rendu compte qu'il avait poussé sa curiosité trop loin et que Lycinia ne désirait guère s'épancher davantage sur son agression. Oui, s'il était nécessaire de le rappeler, c'était la jeune femme à la chevelure blanche qui était la véritable victime. Un gentleman aurait peut-être eu la jugeote pour le reconnaître immédiatement et de ne pas insister. Cependant, elle était tombée sur un homme aussi bourru qu'il était capable d'être franc avec un inconnu. A ses yeux, elle s'était admirablement défendue et avait aisément rendu la monnaie de sa pièce à Onresh. On pouvait obtenir beaucoup de choses avec le dialogue, même pour Thorleif, c'était une certitude mais ce dont il était encore plus sûr, c'était que la force pesait très lourdement dans une équation. Son père, Einar Gunnar, l'avait élevé ainsi. Lorsque l'on ne pouvait pas obtenir quelque chose par la raison, il pouvait s'avérer nécessaire d'employer la force pour obtenir la suprématie sur son vis-à-vis. Cette méthode de raisonnement n'était guère incohérente pour une noble famille guerrière de Dyen et ceux qui berçaient encore dans le maniement des armes n'étaient plus forcément très nombreux. Lycinia ne lui répondit donc pas au sujet de sa proposition de donner une leçon plus vindicative à Onresh et il ne s'en offusqua guère. En effet, il remarqua même cette fois-ci les plis d'un visage plus fermé, presque contrarié. Il l'avait agacée, contre son gré. Peu importe, il aurait haussé les épaules dans ses pensées mais il n'était pas sage de le lui faire remarquer.

Elle préféra plutôt répondre à son ouverte provocation sur son joli minois avec une sagesse qu'il n'aurait pas encore soupçonné tant il ne savait presque rien à son sujet. Son sourire amusé, parce que c'est ce qu'il essayait simplement de faire, avait été perçu comme un signe non sérieux et plutôt relaxant. Thorleif tourna brusquement la tête vers elle, reprenant un air parfaitement stoïque. Sa réponse était forte intéressante et en dévoilait davantage sur sa personnalité si on la considérait sincère. Effectivement, Lycinia apparaissait comme une femme plutôt terre à terre, consciente de ses atouts mais ne les mettant pas ouvertement en avant. Du moins, pas dans une froide nuit d'hiver à plusieurs centaines de mètres de haut à Forëal, au fin fond des terres Khurmis. Plutôt raisonnable, n'est-il pas vrai ?

« Ce serait donc le seul goût et l'odeur de la chasse. »

Thorleif se serait presque surpris lui-même ! N'était-ce pas un peu réducteur ? Peut-être pas, peut-être cela décrivait-il assez justement certains prédateurs sexuels mais pouvait-on affabuler Onresh d'une telle manière ? Il ne le connaissait pas assez et de toute manière, il n'était plus le sujet de la conversation. Désormais, ils tablaient davantage dans les généralités. Le dragonnier n'abordait pas beaucoup les femmes et avait connu peu de liaisons, ce n'était pas forcément très bien vu dans sa famille et ne faisait donc pas parti de ses mœurs. C'était l'une des raisons pour lesquelles ses frères aînés détestaient sa petite sœur dont la mère était différente de la leur. Seulement, Thorleif n'était pas tombé dans les amalgames et ne condamnait pas Freyja pour quelque chose dont elle était totalement irresponsable. Toutefois, ses frères n'avaient jamais été en position de demander des comptes à leur idolâtré patriarche et ils avaient plutôt lâchement reversé leur frustration sur une cible plus facile. Enfin, c'était là l'un des nombreux sujets de dissension entre Thorleif et son seul frère encore vivant, Bjorn.

« Je respecte la force, la prestance, l'éloquence... Je n'ai aucune compassion pour ceux qui se comportent lâchement et qui n'assument pas leurs propos. »

Il planta son regard dans le sien, non pas pour qu'elle se sente concernée car elle lui avait au moins fait la démonstration de sa force jusqu'à présent mais plutôt pour lui faire ressentir la sincérité et la justesse de ses propos. C'était sa façon franche et directe de s'ouvrir à quelqu'un, de lui parler de ce qu'il pouvait apprécier ou au contraire, répugner.

« Aucune certitude… Un grand gaillard comme moi, taillé comme une armoire à glace avec une épée forgée sur mesure et aux motifs inhabituels... J'imagine que c'est comme si c’était écrit sur mon front. »

Se tournant à nouveau vers l'horizon, Thorleif s'esclaffa de rire. Un rire franc et bienveillant, comme à son habitude car il ne rigolait rarement pour rien. Avec certitude, il était plutôt du genre à ignorer ce qui n'était pas susceptible de l'atteindre, à moins que l'on parvienne à toucher ce qui pouvait lui être cher et précieux. Dans ses propos, à la façon de Lycinia, il reconnaissait aussi la façon selon laquelle un inconnu pouvait le percevoir au premier coup d’œil. En ce moment, c'était une sorte de mécanisme de défense, le dragonnier avait des choses à cacher mais jamais il ne pourrait renier ses origines. Il n'avait pas honte d'être un dragonnier et être originaire de Dyen, au contraire, c'était cette fierté qui le rendait plus fort et le faisait tenir.

« C'est déjà bien. »

Mais très largement insuffisant, pensa très fort son cœur de patriote. En même temps, depuis sa première rencontre avec Althéa Ley Ka'Ori, il avait réalisé à quel point Dyen était méconnue à l'étranger. Lycinia venait d'en faire la démonstration, l'individu lambda, celui qui était un minimum renseigné grâce à un enseignement pouvait lister des banalités. Il soupira, il soupira non pas car il trouvait cela dommage. Non, Thorleif soupira profondément car il devait se rendre à l'évidence, il n'était pas capable de faire mieux. Il n'avait même pas su reconnaître ses origines Kharaaliennes et la chaîne de montagnes dont elle était originaire lui parlait seulement de nom.

« Dyen est... »

Il se coupa, soudainement, sans raison apparente. Non, Lycinia ne lui avait pas demandé un exposé sur son pays d'origine dont il aurait été capable de lui parler pendant des heures d'une façon ô combien dynamique mais écrasante à la fois. Au fond, il ne savait même pas pourquoi elle s'était retournée pour répondre à ses provocations. Pour avoir le dernier mot sur lui ? Cela n'avait pas l'air d'être son genre. Peut-être pour passer le temps, jusqu'à l'arrivée fatidique de son compagnon. Se servait-il donc d'elle comme d'un amusement pour rendre le temps moins loin… ? Thorleif n'avait pas l'habitude de s'intéresser aux étrangers de Dyen, l'exercice était difficile mais il se rappela soudainement à quel point cela pouvait être bénéfique. Avec Althéa aussi, cela avait failli mal, très mal commencer. Pourtant, c'est à elle qu'il devait son voyage au plus fort du Khoral, à sa tribu qui était la seule sur cette terre capable d'accomplir cet exploit. Le reconnaître était peut-être désagréable mais cela lui permettait de garder la tête sur les épaules.

« Vous n'avez rien à faire de Dyen. »

Et Dyen n'en a rien à faire de toi , Lycinia Aurès, pensa-t-il. Quel cauchemar, pourquoi ressentait-il soudainement un sentiment de culpabilité à la limite de le faire suffoquer ? Thorleif avait besoin d'aide pour accomplir ses rêves et retrouver son honneur mais fatalement, il se sentait incapable de la demander. Bien sûr, à ce stade-là, Lycinia ne pouvait rien faire pour lui. Mais tout de même, ce n'était pas en se comportant d'une manière aussi fermée qu'il trouverait quelque chose capable d'arranger ses affaires, même un tout petit peu.

« Les habitants de Dyen ne se mêlent pas beaucoup au monde extérieur, c'est mal vu de se mélanger aux étrangers si ce n'est pas pour commercer ou accomplir une action qui apportera gloire et richesse à notre cité. »

Ce n'était pas une nouveauté mais tout le monde ne le savait peut-être pas. Dans l'immédiat, elle risquait sûrement de se demander ce qu'il fichait ici alors si l'adage principal de Dyen était bel et bien de vivre entre ses murs et d'ignorer le monde extérieur le plus possible. Il ne pourrait pas lui donner tord, en tout cas. Thorleif se sentit mal à l'aise, il ne savait pas trop ce qu'il devait ajouter à cela. Il n'osa plus vraiment la regarder, son corps tout entier demeurant tourné en direction de l'horizon, en direction de Nitthog qui approchait de plus en plus, question de petites minutes désormais.

Son démon de frère lui avait fait beaucoup plus de mal qu'il ne le pensait. Il ne l'avait pas seulement isolé de ses pairs et de son royaume bien-aimé, non. Il lui imposait la réalité, la vérité. Dyen toute-puissante, sa raison de vivre, objet de ses fantasmes n'était qu'un petit point en temps de paix apparente lorsque l'on sortait du cercle. C'était donc cela, la contre-partie de vivre en autarcie. Thorleif supportait mal de se sentir faible et démuni. Il cligna des yeux, il était temps de se reprendre et de donner un nouveau fil à cette conversation.

« Vous… Vous êtes forgeronne, n'est-ce pas ? »

L'information n'était pas tombée dans l'oreille d'un sourd, il l'avait retenu. Il ne faisait pas de lien entre sa profession et la famille Aurès mais ça, il n'avait pas oublié.

« J'ai espoir que vous ne refuserez pas une demande professionnelle, même à un habitant de Dyen au comportement titubant. »

Imprévisible, il devait être. Il se tourna une nouvelle fois vers elle, Lycinia était grande mais il l'était encore plus. Il inclina la tête, en guise de respect, pour planter son regard dans le sien sans la regarder de haut, d'un air hautain qui pouvait caractériser les nobles de Dyen.

« Je ne suis pas un fils d'Amisgal, je ne maîtrise pas une once de sa magie mais je suis aussi fervent adorateur que ses nomades attitrés. Pour votre gouverne, les dragonniers l'adorent, la révèrent. Pour certaines raisons, je ne puis rentrer à Dyen pour l'instant mais je n'ai rien en ma possession qui me permette de la prier dignement. Auriez-vous l'obligeance de répondre à ma demande et de forger la quiétude pour ma personne ? Je suis persuadé qu'un dragonnier saura forcément faire quelque chose pour vous en retour. »

La relation entre Lycinia et Thorleif prenait donc un tournant tout à fait professionnel, saupoudré de révélations plus attendues les unes que les autres. Au moins, elle aurait sûrement la certitude d'avoir en face d'elle un dragonnier torturé par quelque chose de sombre mais ô combien sincère. Et puis, si elle acceptait de lui forger la quiétude, peut-être pourrait-il très prochainement lui formuler sa requête de vengeance ?

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L'art de forger la quiétude et la vengeance EmptyDim 11 Mar - 19:02
A l'aide de son don le plus chaleureux, Lycinia remonta imperceptiblement la chaleur de son corps qui avait commencé à frémir doucement sous l'attaque du vent glacial. Il fallait dire qu'aussi haut dans le ciel Khurmi, il n'y avait pas grand chose capable d'offrir une protection efficace contre le vent. Les braves gens qui osaient cependant défier le froid étaient récompensés d'un calme serein qui les enveloppait sitôt qu'ils apercevaient le joyau minier, drapé d'un manteau d'étoiles. A dire vrai, l'on se croyait être entouré d'astres, ceux d'en bas étaient simplement plus proches.

Tour à tour, la femme aux cheveux de neige observait le tableau nocturne et le visage de l'homme qui lui parlait. Alors qu'avant, l'incident et l'ensemble des faux-pas de Thorleif avait poussé son calme dans ses derniers retranchements, à cet instant même, sa paisibilité habituelle était revenue. Elle n'aurait su dire si elle devait remercier cette vue ou le guerrier pour ça. Peut-être un mélange des deux. Dans le fond, la forgeronne reconnaissait que l'homme n'était pas si mauvais que ça. Tout du moins, il semblait avoir des valeurs et un homme qui avait des valeurs ne pouvait pas être mauvais. De plus, son rire n'était pas sans lui rappeler celui de son père. Pourtant, le rire de l'homme ne semblait plus qu'un lointain souvenir devant ses longs et profonds soupirs. Sa réponse l'avait-elle déplu ? Il semblerait. Mais que pouvait-elle y faire, elle n'avait jamais pu mettre un pied à Dyen. En fait, c'était déjà un miracle qu'elle en sache autant sur la ville autarcique.

Un temps, le guerrier en armure sembla vouloir remédier à ses lacunes sur sa ville d'origine avant de vite se raviser. Pourtant, la jeune femme aurait apprécié l'écouter, bien que le froid qui s'insinuait sous son manteau grignotait petit à petit sa volonté de continuer sa discussion avec le colosse. Lui semblait gêné par tout autre chose. Ses traits bruts s'assombrirent et il employa un ton bien différent de celui qu'il avait employé jusque là pour s'adresser à elle. Lui disant, sans l'ombre d'un doute, qu'elle n'en avait rien à faire de sa ville. Lycinia ne s'en froissa pas, mais elle le rembarra tout de même, adoptant un ton factuel :
    « Vous n'en savez rien. »

Et c'était la vérité. Que savait-il de ses intérêts alors qu'ils venaient à peine de se rencontrer ? Le maître d'armes paru se reprendre tandis que la culpabilité se lisait dans son regard embrumé, ainsi que dans les muscles tendus de sa mâchoire.
    « Les habitants de Dyen ne se mêlent pas beaucoup au monde extérieur, c'est mal vu de se mélanger aux étrangers si ce n'est pas pour commercer ou accomplir une action qui apportera gloire et richesse à notre cité.  », lui avoua-t-il.

Ses mots lui parurent être des excuses dissimulées. Mais, ils lui firent comprendre pourquoi elle n'avait jamais vu beaucoup de leur type en My'trä. Ça, mine de rien, elle connaissait. Son clan lui-même avait une période où il se terrait pendant une année dans les entrailles des Tsagaan Oi sans avoir un seul contact avec le reste du continent. Ainsi, elle hocha de la tête en signe d'acquiescement, bien que Thorleif avait décidé d'éviter son regard et fixait à nouveau l'horizon. Le supposé dragon dont les traits se faisaient plus distincts quoique miniature se rapprochait petit à petit. Elle soupçonnait qu'il y avait plus derrière le retrait apparent du guerrier. Mais, elle ne comptait pas se mêler de ce qu'il ne la regardait pas.

Contre tout attente, Thorleif s'exprima à nouveau un petit temps après :
    « Vous… Vous êtes forgeronne, n'est-ce pas ? J'ai espoir que vous ne refuserez pas une demande professionnelle, même à un habitant de Dyen au comportement titubant.  »

A dire vrai, elle aurait préféré ne pas parler travail à cette heure tardive. Elle avait beau travailler à son compte, elle aimait s'octroyer des heures de repos. Celles-ci étaient rares car même en dehors de sa forge, son esprit était obnubilé par la chose. C'était donc d'autant plus une raison de les apprécier. Elle ne trouva cependant le courage de lui dire, il lui donnait l'impression d'avoir traverser beaucoup et elle ne voulait pas lui ajouter de la difficulté. Rien ne lui coûtait d'écouter sa demande.
    « Je vous écoute, dit-elle sobrement.
    - Je ne suis pas un fils d'Amisgal, je ne maîtrise pas une once de sa magie mais je suis aussi fervent adorateur que ses nomades attitrés. Pour votre gouverne, les dragonniers l'adorent, la révèrent. Pour certaines raisons, je ne puis rentrer à Dyen pour l'instant mais je n'ai rien en ma possession qui me permette de la prier dignement. Auriez-vous l'obligeance de répondre à ma demande et de forger la quiétude pour ma personne ? Je suis persuadé qu'un dragonnier saura forcément faire quelque chose pour vous en retour.
    - Un service contre un service ? Dois-je comprendre que votre bourse est vide de tout Irys ? Je dois vous avouer qu'en affaire le métal précieux me sied plus que les actes. Surtout que tout noble dragonnier que vous êtes, je ne suis pas certaine d'avoir une quelconque tâche à vous faire accomplir.

Ce n'était pas un non définitif. Elle réfléchissait, le pouce sous le menton et l'index contre ses lèvres. Forëal avait beau être la ville minière par excellence, regorgeant de métaux et de joyaux, pour l'instant, elle ne lui avait ramené aucune affaire. Personne n'avait besoin de forgerons ou plutôt, toutes les affaires étaient prises. Sans doute aurait-elle eu plus de chance s'il y avait au moins une bonne dose de visiteurs. Mais ce n'était pas le cas. L'endroit était saturé et elle ne pouvait pas non plus compter sur l'aide du forgeron que lui avait indiqué Niniel car il aidait déjà Onresh. Conclusion : Elle n'avait rien à faire pour l'instant. En fait, c'était là la raison même de ses heures de repos, le chômage technique.
    « Disons que j'accepte de discuter du prix avec vous. Passez me voir demain dans la matinée et nous en parlerons. Mon échoppe se trouve dans le plus bas quartier de la ville, à côté de l'entrée minière la plus au sud. Vous la reconnaîtrez à l'enseigne en forme d'enclume. Je suis la seule forge de ce côté, vous ne pourrez pas vous tromper. »  

Maintenant que tout cela était dit, elle avait vraiment envie de goûter à nouveau de la chaleur de son foyer. Pourtant, son attitude ne trahissait rien tandis qu'elle attendait la réponse de l'homme.

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L'art de forger la quiétude et la vengeance EmptyMer 4 Avr - 22:02
La réponse de la forgeronne de la famille Aurès fut tranchante, vibrante de vérité. En effet, le dragonnier n'en savait rien et venait d'opérer un jugement de valeur sans même la connaître. En soi, ce ne devait pas être bien grave, il accusait indirectement sa méconnaissance sur ce merveilleux sujet qu'était Dyen, sa patrie, son pays d'origine, son cocon natal. Il se rendit compte, une fois de plus, des grossières erreurs de communication dont il faisait encore preuve avec des individus d'un peuple étranger au sien. Comment, dans ces conditions, parviendrait-il à quérir du soutien pour accomplir sa quête de très longue haleine… ? Dans ses bons jours, il savait être un noble diplomate d'exception mais parfois, son caractère têtu le rendait très fortement bourru, voire même inconvenant pour ses interlocuteurs.

« Les mots m'ont échappé, je vous présente mes excuses. Ultérieurement, peut-être me parleriez-vous des Tsagaan Oi, d'une bribe de votre parcours… ? »

Le fil de cette conversation n'était pas sans lui rappeler sa précédente rencontre avec Althéa Ley Ka'Ori. Effectivement, s'ils ne s'étaient pas disputés, la conversation avait manqué de peu de déraper lorsque Thorleif avait fait preuve d'un manque d'ouverture d'esprit et d'intéressement flagrant vis-à-vis du peuple de sa nouvelle amie. S'il voulait vraiment s'intégrer à My'trä, il se devait de poursuivre ses efforts et d'accentuer sa prise de conscience. D'ailleurs, on pouvait souligner que Lycinia ne s'était pas encore lassée de lui et demeurait à son écoute, ne lui faisant pas l'affront de lui tourner le dos et de repartir malgré le froid qui régnait en maître ici et les minutes qui s'écoulaient assurément. Elle accueillit avec une certaine réserve la première proposition de Thorleif. Un service contre un service… ? La forgeronne de la famille Aurès semblait plutôt intéressée par l'oseille. Pour une artisane, cela pouvait très aisément se concevoir.

« Ma bourse actuelle ne se porte pas très bien, je me dois d'être franc avec vous. »

Comment allait-il pouvoir s'y prendre ? Les négociations semblaient très mal engagées. Lui-même réfléchissait quel genre de service il pourrait bien lui rendre mais aucune idée lumineuse n'éclairait à ce moment précis son esprit quelque peu embrumé. Le dragonnier s'était fait à l'idée d'être exilé de Dyen pour un long moment, ce n'était plus vraiment le problème. Le problème ? C'était qu'il ne pouvait plus prier sa Déesse avec la même ferveur qu'auparavant. En effet, à Dyen, on avait pour habitude de se rendre régulièrement au pied de l'immense statue à l'effigie d'Amisgal pour l'honorer comme il se devait. Thorleif ne désirait donc pas acquérir une breloque parmi d'autres, il préférait amplement obtenir pour lui, sur mesure.

« Pourtant, à mon plus grand regret, une trésorerie m'attend à Dyen. Peut-être plus grande que vous ne pouvez l'imaginer... »

Il pesait ses mots et il était futile de donner un nombre. En vérité, il ne savait pas vraiment ce que son frère aîné était en train de faire de ses économies mais ce n'était pas un problème car il projetait de reprendre l'entier contrôle de sa noble, riche et puissante famille. Malgré tout, promettre des montagnes à Lycinia ne lui paraissait pas être la stratégie la plus efficace à adopter. Concrètement, il n'avait aucun gage quant au fait de pouvoir grassement, si tel était son véritable désir, la payer un jour.

« Je n'ai pas le droit d'y retourner, pour le moment. »

Le dragonnier, toujours tourné vers l'horizon, se déplaça pour faire face à la demoiselle. Il était à peu près certain qu'elle n'exigerait pas qu'il lui conte les raisons de cette impossibilité sûrement curieuse et étrange mais elle ne le couperait sûrement pas non plus car il avait décidé de faire preuve de bon sens et d'honnêteté. Sa meilleure carte était peut-être bien de lui expliquer ce qui motivait sa demande car dans cet exercice, il n'était pas seulement de quiétude.

« Je suis Thorleif, Thorleif Gunnar. Vous le savez déjà, j'appartiens à la noblesse de Dyen et je suis le frère benjamin d'une famille très puissante et influente. Ma mère est morte lorsque je suis venu au monde… Mes frères ont toujours fait preuve de rancœur et de ressentiment vis à vis de moi pour ça. Lorsque mon père est décédé, Bjorn, mon frère aîné, a provoqué divers conflits dans ma famille et cela a conduit à un duel fratricide avec mon autre frère, Hulf. Si je suis devant vous, vous en connaissez l'issu. Bjorn a maquillé cela en assassinat et j'ai été contraint de fuir Dyen, temporairement. Mon frère perfide siège au Conseil de Dyen, son influence et son pouvoir dépasse le mien. »

On pouvait lire la honte, la tristesse, les ressentiments de Thorleif sur son visage suite à toutes ces péripéties. Mais il y avait quelque chose d'encore plus lourd à supporter et comme précédemment, il décida de partager l'information avec son interlocutrice, les poings serrés et le visage crispé.

« Bjorn détient Freyja, notre petite sœur. Elle fait gage de notre silence, je suis pour l'instant muselé. Je ne suis jamais venu à My'trä auparavant, je suis isolé de tout ce qui m'est cher et familier. »

Lycinia comprendrait très certainement que s'il parlait d'une petite sœur, c'était qu'elle venait d'une mère différente mais qu'ils avaient donc le même père. Il espérait, malgré lui, qu'elle ne lui fasse pas le reproche de s'ouvrir aussi brusquement. Il n'essayait pas de susciter l'émotion ni même la compassion, non. Il voulait juste qu'elle comprenne pourquoi est-ce qu'à ce moment précis, il avait besoin de quelqu'un pour l'épauler.

« Ma réputation est souillée, mon honneur bafoué. Je ne porte pas vraiment mon père dans mon cœur mais de son vivant, il n'aurait sûrement pas accepté que ses enfants s’entre-tuent. Bjorn est fou, le pouvoir l'aveugle. Je dois l'arrêter et récupérer les rennes de ma famille. Cependant… J'ignore si je suis vraiment capable de le battre en duel singulier ou à dos de dragon… Il me faudrait une nouvelle arme, quelque chose capable de le frapper par surprise, de ne lui laisser aucune chance… Il ne s'agit pas seulement d'une vengeance, même si cela en prend l'allure, je le conçois. Je veux laver mon honneur et retrouver ma place parmi les miens. Croyez-vous avoir une solution à mon problème… ? »

Il soupira. Il soupira de soulagement. L'exercice de la confession n'était pas si désagréable que ça. En fait, il y avait quelque chose de reposant quant au fait de pouvoir confier à quelqu'un des tracas qu'il traînait depuis le début de son exil. Mettre des mots sur son malaise, sur son désarroi ne pouvait que l'aider à remonter la pente. Il hocha la tête, adressant pour la première fois un sourire sympathique à Lycinia.

« Je suis désolé, c'est tombé sur vous mais il fallait que tout cela sorte. Ma quête de quiétude et de vengeance est fragile et délicate, je comprendrai votre décision si vous décidiez de ne pas me venir en aide. »

Peut-être parce que la prudence faisait parfois, malgré les apparences, parti de son apanage, il n'avait pas tout dévoilé de ses réelles ambitions. Il était préférable d'attendre de voir comment elle réagirait à ses premières confidences.

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