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Chroniques d'Irydaë
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 :: Les terres d'Irydaë :: Daënastre :: Le Tyorum
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 [Terminé] Ou je coule ou c'est nous

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[Terminé] Ou je coule ou c'est nous  EmptySam 3 Fév - 19:59

[Terminé] Ou je coule ou c'est nous  180204110506836134


« Je ne vais pas attendre que tu aies fini
De prétendre n'avoir besoin de personne
Je me tiens là, juste là,
c’est maintenant ou jamais »

Difficile pour la my’tränne de réaliser l’instant, de comprendre que le moment pour lequel elle c’était battu, pour que l’événement auquel elle avait envie de croire allait finalement se réaliser. Des retrouvailles, simples, efficaces, émotionnellement intenses certainement. Sac à vomis à la ceinture, tenue verte pour rappeler ses origines, crinières rousses parfaitement entretenues, mais surtout énorme plâtre blanc sur le bras droit, retenu par un morceau de tissu accroché à son cou. La jeune femme semblait prête à affronter cette épreuve qui lui semblait soudainement beaucoup plus complexe que de survivre à une bombe lors d’un bal. Prenant une inspiration profondément intense, la chasseuse était tout simplement incapable de faire un pas en avant pour venir frapper, indiquer sa présence, ou simplement son attente. Les mains tremblantes, il était complexe pour Aure de faire la part des choses, de calmer son esprit diviser en deux phrases simples, mais tellement significatives : j’y vais, je n’y vais pas. Si Ludwig ne se souvenait pas d’elle, s’il n’était pas heureux de la revoir, si le manque n’était pas réciproque ? Si elle n’était finalement, rien ? Ou si ce n’était tout simplement pas l’homme qu’elle avait connu derrière cette porte ?  La rousse ne semblait pas prête mentalement à voir sa fierté et ses sentiments piétiner, ainsi ne fut-il pas surprenant de la voir renoncer rapidement, revenant sur ses pas. N’était-ce pas plus beau de conserver l’illusion, de rester dans un fantasme, dans une bulle réciproque, un souvenir agréablement chaud et désirable ? Avançant rapidement en sens, contraire, la jeune femme se stoppa une nouvelle fois au milieu de la rue, sous le regard intrigué de certains passants.

Elle aurait fait tout ça pour rien ? Traverser la mer en bateau, habiter chez Allys, apprendre à vivre et à se faire discrète, vomir encore et encore et encore et encore et encore, de trop nombreuses fois pour que cette phrase se termine autrement que par le mot vomi. Impossible. Elle serra ses doigts contre le tissu de sa tunique, effleurant le collier qu’Allys lui avait offert, ou qu’elle avait trouvé, elle ne savait plus vraiment. L’objet était censé porter chance, bonheur, permettre à tous les rêves de se réaliser. Alors ?

- «  MERDE » grommela-t-elle avec force dans la rue, provoquant un sursaut d’une femme passant à côté d’elle.

Les joues s’empourprant quelque peu, de gêne, mais aussi d’angoisse. Aurore semblait tout simplement incapable de bouger, d’évoluer de manière positive et logique. Quitter tout pour renoncer maintenant, ça serait stupide, étrange, atroce et surtout particulièrement cruel envers tous ceux qui l’avaient encouragé et aidé jusque-là. Ne lui avait-il pas donné l’impression d’être le seul à la comprendre, à ne pas la juger, à accepter la différence d’idée, ne lui avait-il pas donné l’impression de la regarder vraiment. Était-il possible de haïr à ce point et aimer aussi fort une même personne, sentir ce sentiment de manque dévorer les entrailles, le bide et le reste de l’intérieur de corps. D’avoir des frôlons qui nous bouffes de l’intérieur, que ce ne soit pas agréable comme cela devrait l’être. Pourquoi avait-il fallu qu’il soit étranger et elle croyante. Se mordant l’intérieur de la joue, Aurore eut ce vent de culpabilité. Il était le seul à voir ses démons, le seul qui pouvait comprendre cette haine et ce comportement extrême qu’elle pouvait avoir, mais la guerre…

- «  Non. » dit-elle fortement comme pour se donner du courage.

Pivotant, Aurore fit finalement demi-tour, s’approchant de la grille à pique imposante qui entourait la demeure. Son regard longeait la multitude de protections, l’imposante bâtisse parfaitement visiblement à cette distance, ses doigts s’amusèrent à effleurer les barrières, alors que toujours particulièrement incertaine, elle se demandait s’il ne serait pas justifié de partir. Qui était-elle ? Une simple petite chasseuse vivante dans une demeure familiale qui doit représenter une seule pièce de ce monstre de construction. Aurore n’était pas riche, loin de là, n’avait pas une multitude de domestiques à son service. Alors ? Que ferait-il d’une femme comme elle, alors qu’il pouvait certainement obtenir des faveurs de bons nombres de personnes tout aussi riches que lui. La jeune femme s’était mise à déglutir, laissant s’envoler ses rêves illusoires de petites filles, se demandant ce qu’il avait pu réellement lui passer par la tête pour venir jusqu’ici pour quitter sa vie, son peuple, pour une simple rencontre ? Secouant doucement la chevelure, elle relâcha les barreaux montant en d’énormes piques défensifs, puis abandonna simplement et définitivement ou presque. Alors qu’elle était à présent de nouveau en bas de la rue, qu’elle semblait résigner à rentrer chez elle, avec ce sentiment de regret qui se gonflait dans sa poitrine, Aure, fit de nouveau demi-tour et sans se laisser le temps de réfléchir passa le lourd portail qu’elle força quelque peu avec sa magie de l’air –n’avait-elle pas compris qu’il y avait une méthode à cette distance pour avertir de sa présence-. Passant le sentier qu’elle pensait être un jardin parfaitement entretenu, elle monta les quelques marches avant d’attraper la lourde poignée qui lui semblait être la manière de frapper. Donnant trois coups, elle attendit un peu avant de s’impatienter. Difficile pour elle de faire preuve d’une patience hors du commun, alors que son esprit lui-même était en contradiction avec ses agissements. Finalement, elle découvrit un petit bouton, ou plutôt une ficelle non loin de la porte et décida de tirer dessus avant de sursauter en constatant le raffut pas possible qu’elle avait engendré. Une cloche chez elle, ça faisait moins de bruit que ça.

- «  Oups » souffla-t-elle persuadé d’avoir fait une bêtise plus grosse qu’elle « S’il me demande, j’dirais que c’n’est pas moi. » Tenta-t-elle de se rassurer confiante.

Si Aurore avait bien compris que le mode de vie des personnes ici était très différent de celui qu’elle avait chez elle, la jeune femme ne semblait pas encore entièrement habituée à toutes les petites choses étranges du quotidien. Prenant une légère inspiration, elle finit par afficher un sourire en entendant les pas d’un homme visiblement approché. Large sourire, elle c’était à tout, sauf de voir un homme inconnu au bataillon lui ouvrir la porte vêtue d’une tenue très chic. La rouquine cligna des yeux, complètement perdus vis-à-vis de cette silhouette qu’elle n’identifiait pas. La my’tränne était tout simplement très loin d’imaginer que l’industriel avait même des personnes pour ouvrir la porte.

- « Bonjour… homme de la porte » souffla-t-elle pas certaine que c’était ce nom qu’elle devait employer, plus réellement convaincu d’être au bon endroit « Je … viens voir Ludwig. » Dit-elle pleine de conviction nouvelle «  Je suis…. » là c’était beaucoup plus compliqué, elle était qui ? « Une amie. » Préféra-t-elle amener en douceur «  Aurore. Juste Aurore. » dit-elle en tentant d’afficher un sourire fébrile.

L’homme l’avait inspecté de haut en bas, comme-ci malgré l’effort vestimentaire qu’elle avait fait, elle puait encore la my’tränne à plein nez – ce qui devait être franchement le cas-. La rouquine se surprit à sentir son ventre se tordre de stress ou encore a avoir l’envie de lui mettre des coups de plâtre sur la tête, tant elle trouvait la sensation désagréable –et puis, il fallait bien qu’elle lui trouve une utilité à ce truc blanc-. Après plusieurs minutes de duel visuel, l’homme invita la jeune femme à rentrer, satisfaite, Aurore s’autorisa une demi-excuse pour montrer sa bonne volonté :

- «  Je suis désolée d’avoir provoqué cet énorme bruit » dit-elle « je ne pensais pas qu’en tirant sur la petite cordelette j’allais tout casser. Vous avez vraiment des habitudes étranges.» Souffla-t-elle dans un nouveau sourire.

L’étrange homme de la porte s’était contenté d’hausser un sourcil, secouant doucement la tête. Refermant la lourde porte derrière eux, il l’accompagna dans un petit salon, qui devait facilement faire la taille de la maison des parents d’Aurore. Elle déglutit une nouvelle fois, angoissée à l’idée d’être pris par une nausée, mais la décoration semblait en adéquation avec son taux de tolérance. Il lui indiqua un fauteuil, lui proposant de s’installer le temps d’aller prévenir et chercher le gérant de la demeure. Aurore s’était contentée d’opiner, bêtement, simplement. À peine l’individu sortit de la pièce, que la rouquine s’était relevée pour explorer pleine de curiosité le lieu, laissant bien contre elle son plâtre.


Tenue d'Aurore



Dernière édition par Aurore Seraphon le Mar 17 Avr - 8:19, édité 2 fois

Ludwig Strauss
Ludwig Strauss
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[Terminé] Ou je coule ou c'est nous  EmptyMar 6 Fév - 17:15
Irys : 1073433
Profession : [Officielle] Propriétaire d'industries de l'armement [Officieusement] Baron du crime
Daënar -2

Tic ,Tac ,Tic ,Tac ,Tic ,Tac …

Le temps s’écoule et l’horloge poursuit inlassablement son éternel cliquetis, chaîne invisible forgée par l’homme pour se morfondre dans la peur de son éphémère existence. Chaque seconde, chaque cliquetis est un rappel subtil que la fin approchait, que le sablier de la vie perdait un peu plus de son précieux contenu. Pour d’autres cependant, c’était plus qu’une peur, mais un calvaire. Le temps s’écoulait et le poison de la douleur et de la tristesse s’infiltrait lentement dans chaque parcelle du corps du malheureux, venin insidieux qui se répandait doucement dans l’esprit, plongeant ses racines noires et corrompues toujours un peu plus loin, toujours plus profondément, s’abreuvant telle une mauvaise herbe des souvenirs atroces et du désespoir de son hôte pour mieux le consommer et le consumer.

Ludwig en était la victime depuis quelques jours. D’atroces, longues, pénibles et épouvantables journées où la vie, en un clin d’œil, avait perdu tout sens à ses yeux, où tout avait un goût fade et toute couleur se fanait dans un gris morbide. Depuis combien de temps était-il installé sur cette chaise, seul dans cette pièce qui avait dut être impeccablement bien rangée avant que son propriétaire n’en fasse un véritable champ de bataille ? Figé comme une statue, il avait plus l’air d’un fantôme, un spectre de malheur, une statue de sel immobilisée sur son trône de ronces et de fardeaux. L’homme était maigre, presque squelettique, les cheveux en pagaille et la barbe tout comme la moustache étaient mal-entretenues. Des rides et des cernes prouvaient qu’il avait passé bien des journées privé de sommeil et de repos, réduit à un lamentable état de corps à peine accroché à la vie à en juger par le repas intact déposé prêt de lui et qui commençait à lentement prendre des couleurs de décomposition.

La seule chose qui semblait animer le regard glacial de l’homme d’affaires, c’était une photo qu’il retenait faiblement entre ses doigts. Couleur sépia, elle représentait une jeune fille pétillante de vie et souriante. La perle précieuse de Ludwig, la prunelle de ses yeux. Sa fille Katharina. Sa fille adorée, qu’il avait juré de protéger. Sa fille qu’il avait laissé à Daënastre lors de son voyage à My’trä. Sa fille qui avait été capturée, battue, violée par des monstres abominables au nord de Vereist. Sa fille qui, brisée, s’était donnée la mort pour échapper à l’horreur d’un monde qu’elle défendait pourtant chèrement.

Quand Ludwig avait apprit la nouvelle à son retour à Skingrad, le choc fut atroce, terrible. À cet instant, il avait sentit que son cœur était broyé en mille miettes jetées ensuite dans un brasier épouvantablement glacial tandis que son esprit était hanté par un désespoir si profond qu’il en perdit toute énergie, passant en un instant d’un homme fort à l’esprit de fer à un ectoplasme fragile et brisé. Les premiers jours furent un enfer où il exprima son désespoir absolu, hurlant, gémissant, pleurant et repoussant toute personne qui tentait de le rassurer. Ludwig s’étouffait, haletait, serrait la pierre tombale de sa pauvre fille tandis que trois hommes tentaient de l’y arracher sous une pluie diluvienne. La folie semblait l’avoir gagné, une démence terrible tandis qu’il s’arrachait les vêtements et hurlait comme un possédé. On dut lui administrer des sédatifs pour pouvoir maîtriser le père dévasté par la perte de son ange.

Puis vint ensuite le calme sordide et dépressif, l’homme s’enfermant dans sa pièce, se privant de tout : lumière, nourriture, paroles réconfortantes. Coupé du monde, il n’était plus. Ludwig était mort et pourtant son cœur battait toujours. Vidé, vaincu, il se remémorait ses pires cauchemars et l’ironie du sort qui avait fait en sorte que sa pire crainte devienne réalité. On pouvait l’entendre rire, parfois, d’un rire sans joie, un rire démentiel et froid. Le monde était une plaisanterie et il en était la chute principale.

Il souffrait en silence désormais, son âme réduite à l’état d’épave, son esprit se noyant dans la marrée de sa dépression, son corps se flétrissant lentement sous les privations imposées comme un martyr qui se flagellait en connaissance de cause. Tout ça, c’était sa faute. La culpabilité le torturait plus surement que n’importe quel engin inventé par un tortionnaire sadique. Il avait échoué. Il n’avait pas sut tenir sa promesse et en voilà les conséquences. L’être le plus cher à ses yeux avait subit une fin tragique, terrible. L’innocence incarnée avait été brutalisée de la pire des manières par des crapules qui, en temps normal, n’auraient jamais espéré ne serait-ce qu’approcher cet ange si son père avait joué correctement son rôle et l’avait gardé, protégé, veillé sur elle comme sur la prunelle de ses yeux. Mais non, la cupidité l’avait surmonté, il avait jugé bon de la laisser soigneusement dans son manoir alors qu’il la savait pourtant comme un électron libre qui se libérerait facilement de son écrin pour explorer le monde … et tomber dans l’abîme caché derrière les fleurs.

Plus personne n’osait troubler la solitude du fortuné personnage, tout le monde craignait désormais cette aura qui imbibait autant sa personne que sa chambre. On avait abandonné toute phrase réconfortante, toute tentative de lui redonner goût à la vie. Il avait complètement délaissé son travail et ses responsabilités, se laissant lentement mourir comme une rose se fanant dans une caverne obscure. Ludwig agonisait lentement, mais c’était un juste châtiment qu’il s’infligeait, une bien modeste rétribution pour se pardonner l’atroce acte d’abandon. Mais rien, rien ne pouvait le consoler ou l’apaiser.

Il était condamné à agoniser lentement dans le silence.

~

Le majordome ne parvint nullement à attirer l’attention de son maître perdu dans un orage mélancolique, et c’est dans un long soupir qu’il quitta les lieux avant de rencontrer à nouveau l’étrange demoiselle qui était venue en amie.

Avec une voix aimable, il fit savoir à cette dernière que monsieur Strauss était dans un état bien triste et lui expliqua doucement la cause de cet accueil si froid. L’informant ainsi sur la tragique nouvelle et ce qu’elle avait fait à Ludwig, il se tut avant de quitter la salle d’attente, non sans avoir laissé à la demoiselle la liberté de tenter sa chance avec le propriétaire de la résidence, quitte à être aussi rejetée comme les personnes précédentes.

Deuxième étage, tout à droite, la chambre de Ludwig était ouverte, abandonnée à la merci du monde. Abandonnée à l’arrivée de la mort comme seule consolatrice … ou d’une âme charitable qui aurait un miracle entre les mains.

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[Terminé] Ou je coule ou c'est nous  EmptyMar 6 Fév - 22:47


[/!\ Toute la partie souvenir est rédigé avec l'accord de Ludwig et sa participation active. Ce sont donc des faits réels et non fantasmé par Aurore /!\ Merci Lud de m'avoir aidé ♥️]

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L’homme de la porte était redescendu plutôt rapidement, ce qui était soit très positif, soit au contraire négatif. Ne distinguant aucunement la silhouette masculine et surtout la moustache de Ludwig, la jeune femme opta mentalement pour la seconde option. Fronçant doucement les sourcils. Désagréable désillusion que de s’imaginer qu’il ne voulait pas la recevoir, pas descendre la revoir, c’était-elle à ce point fait des idées vis-à-vis de lui ? Sous le poids de la surprise, la rouquine n’était pas parvenue à se relever du siège, comme-ci tout son petit monde imaginaire qu’elle s’était inventé venait de s’écrouler, de sombrer en une multitude de petits morceaux. Son regard ne s’était pas détourné une seule seconde de son interlocuteur qui n’avait de cesse d’argumenter, de justifier. Trop d’informations, trop d’éléments qu’elle ne distinguait pas clairement, hormis cette évidence : Ludwig n’allait pas bien. Les architectes l’avaient-ils amené jusqu’ici pour ça, pour l’aider ? Tout ceci ne pouvait être une coïncidence, du moins, pas du point de vue de la jeune femme qui voyait en ce signe une évidence. Les créateurs étaient avec eux, alors tout ne pouvait que bien se passer. L’homme de la porte avait fini par disparaître, la laissant seule avec cet espoir, avec ce rocher dont elle semblait s’agripper avec force. Ne pas abandonner, pas maintenant, pas après tout ça.

Dans sa poitrine, son cœur battait à tout rompre, un rythme irrégulier, presque douloureux, sa respiration se faisait plus difficile, se mélangeant avec le souffle de l’angoisse et du stress. Après plusieurs longues minutes de réflexion, la rouquine s’était redressée tout en douceur, tout en simplicité, marchant jusqu’à pousser la porte qui l’enfermait jusqu’à présent dans ce « petit » salon. Le hall était juste là, devant elle, les escaliers montant à l’étage sur sa gauche. Aurore hésita, encore, juste un peu, comme-ci elle était déjà capable de percevoir la souffrance, comme un filet invisible qui venait déjà lui prendre la gorge. Il était là, le domestique l’ayant amené dans le petit salon, l’avisant de toute sa hauteur, se demandant si elle allait franchir une autre étape qui semblait si complexe. Aure avait fini par monter les marches une par une, doucement, silencieusement, perdue dans une immensité nouvelle qu’elle ne connaissait aucunement. Une porte, une autre, le vide, encore et encore, au fond à droite qu’il avait dit, au fond à droite qu’elle ne parvenait pas à aller. La peur de voir ce qu’elle ne pourrait supporter, s’imaginant le pire, la mort, un vivant dont l’esprit ne l’est plus vraiment. Ses lèvres se pinçaient, ses dents les mordillaient comme pour se donner du courage, comme pour oser. Oui, juste oser. Si simple et si dur à la fois. Si évident et si douloureux en même temps. La my’tränne, laisse une main longer le mur, laissant un fil invisible, mémorisant un chemin pourtant si évident, puis une fois pas si loin de la porte laisse entendre le son de sa voix. Comme une première alerte, une première mise en garde. Comme un j’arrive qui ne veut pas vraiment sortir.


- «  Ludwig… » un souffle c’était tout, brisant le silence si lourd qu’elle pensait percevoir.

Aure approche, toujours à la même vitesse, toujours avec cette boule dans le bas ventre, avec cette sensation, cette crainte de ne pas réussir. Elle sait déjà ce qu’elle doit faire, elle sait déjà comment elle doit faire, mais elle ignore si elle va réussir, ne pas se perdre soit même. Ne pas avoir peur. Si seulement, elle prend une légère inspiration, alors qu’elle passe enfin le seuil de la porte ouverte, découvrant avec peine, cette silhouette qu’elle ne reconnaît plus. C’est lui, sans être lui. Une âme en peine, un corps vide de tout esprit, de toute conscience. Un mort vivant. Presque plus vivant. Les pas de la rouquine s’arrêtent, juste là, dans l’encadrement alors que son visage se penche légèrement sur le côté droit. C’est une évidence, elle sent cet appel profond, celui des ombres, celui de deux monstres qui se rencontrent. Que pouvait-elle faire d’autre que de l’aider, d’essayer ? Comment renoncer maintenant alors que ce visage n’est pas celui qu’elle a aimé regarder, alors que cette moustache n’a plus rien de son éclat. Aurore ne sourit pas non, elle fait un pas vers lui, ses prunelles cherchant à capter les siennes, cherchant ce contact dont elle a besoin. C’était comme avancer dans le couloir de la mort, comme sauter d’un pont sans élastique, comme essayer de respirer alors qu’on a plus d’air. Terrifiant.

La pièce disparaît autour d’elle, tout son esprit est fixé sur cet homme, celui qu’elle a décidé de sauver, de rencontrer. Son esprit et le sien, le tout ne devant faire qu’un. Un pas encore, puis un autre, jusqu’à être debout devant lui, silencieuse. Œil pour œil, dent pour dent que disait cette citation dont personne ne connaît le créateur, œil dans œil, souffrance pour souffrance qu’elle ne faisait que se murmurer la rouquine. Ne pas perdre sa concentration, se rattacher à une réalité qu’elle ne percevrait plus une fois l’acte effectué. Genou à terre pour être à sa hauteur, Aurore l’avisa un instant encore, les paumes de ses mains sur ses cuisses à lui, elle se redressa suffisamment pour faire sa hauteur, front contre front, regard dans regard, souffle chaud contre souffle chaud. Ses doigts cherchèrent à trouver les siens, empêchant quelconque mouvement, quelconque résistance et ses lèvres finirent par se déposer, sur celle abîmée de l’industriel. Les yeux finirent par se fermer et l’acte en lui-même termina de conclure le lien psychologique qu’elle venait de créer. Aurore n’était plus Aurore, elle n’était plus dans son propre esprit, ne pensait plus par elle-même. Aurore était Ludwig Strauss, homme d’affaires, poseur de bombes à ses heures perdues. Ou tout du moins dans son esprit. Aurait-elle par la suite, une montagne de regret, mais il était à présent trop tard pour y songer. Le baiser s’estompe, les lèvres s’éloignent les regards se croisent encore et Aurore n’est plus là, psychologiquement.


~ ~

« Il prend le dessus »

Comme une goutte d’eau qui tombe jusqu’à s’écraser dans une flaque plus imposante, jusqu’à ne faire plus qu’un avec cette étendue. Aurore sombre, encore et encore. Jusqu’à se réveiller ailleurs, dans un lieu inconnu et pourtant si familier. Sa main ouvre une porte, tire une chaise dans un bureau mal éclairé. La lanterne doit-être changé se répété-t-elle alors que ses lèvres s’activent pour former un « mh » perplexe qu’elle ne prononce normalement jamais, ses doigts viennent effleurer sa moustache parfaitement entretenue avant de finir pousser des plans, des cartes qui se trouve sur le bois de qualité. La silhouette masculine qu’elle représente, visible dans la glace pas loin d’elle est plus jeune que celle qu’elle connaît, le chapeau est accroché aux portes-manteau. Ce n’est ni l’éclairage ni l’organisation du lieu qui accapare son attention, c’est bien les plans, les mots et les continents qu’elle reconnaît alors qu’elle ne devrait pas. Le plan semble prêt, laissant un doux sentiment de satisfaction, cela ne loupera pas, la richesse sera bien là, enfin. Après tout, ne le mérite-t-il pas ? Un sourire sur les lèvres, une satisfaction dans la moustache qu’il lisse d’un geste simple de la main et la voix masculine se fait entendre avec cette vibration de contentement :

- « On a créé l'offre, il est temps de manufacturer la demande »

L’homme se relève s’éloigne ouvre la porte et se retrouve en face au Primo Gharyn de Busad. Le gentleman discute activement avec le Khorog, Zaël s’éloignant avec un air peu intéressé. Ludwig devine facilement le dégoût du roi pour les armes, mais il n’en a cure. Ce qui compte pour lui, c’était le succès de sa négociation. Les protecteurs essaient les armes qu’il avait apportées comme échantillon, vérifiant leur efficacité. Armes traditionnelles, différentes des armes à feu dont ses industries étaient habituées à produire. Ils semblent satisfaits et le Khorog lui fait déjà part de sa volonté de convaincre Zaël d’acheter la marchandise. Ludwig, sous l’identité de Mr.Brahms, caresse lentement sa barbe avec satisfaction. La première étape de son voyage est un succès. L’homme descend les marches de la tour, le précieux contrat entre les mains.

« Je perds le contrôle »

Le lieutenant semblait satisfait, tapotant le dos du jeune docteur en riant. Bien joué, Chostakovitch, le félicitait le lieutenant. Mais le jeune Oswald restait muré dans un profond silence. Il fixait ses mains avec dégoût au souvenir du prisonnier Zoch qu’on l’avait obligé à interroger. Combien de chocs électriques avait-il administré sur la malheureuse victime avant qu’elle ne finisse par parler pour dévoiler des informations qui lui semblaient bien banales et futiles. On désirait se servir de son génie pour violer l’esprit des gens, détruire leurs défenses mentales pour les briser plus facilement. Passant sa main sur son visage imberbe, il alla rejoindre sa chambre, épuisé. Dans sa tête, le docteur militaire ne désirait plus qu’une chose : abandonner ce destin sordide et se tailler sa propre vie. Si le monde était aussi malsain et obscur, il allait le dompter, bâtir son propre univers et y vivre dans le luxe et la paix. Mais comment ? Tandis qu’il se questionnait sur son avenir, il ouvrit la porte de sa petite chambre personnelle au sein de la caserne, où la lettre quotidienne écrite de la part de ses parents l’attendait.

« Je suis dans ma tête, pas ta tête, la sienne »

Oswald tourne le dos une dernière fois pour contempler, au loin, la caserne. Les flammes ravageaient la réserve de munitions, produisant une épaisse colonne de fumée qui s’élevait à travers la petite ville. Il frissonne et ressert l’imperméable autour de sa taille, cachant son uniforme militaire. Ainsi il enterrait à jamais son passé, décidé à mettre en place une nouvelle page de sa vie. On allait le déclarer mort durant l’explosion faute de traces et c’était tant mieux ainsi. Mais il devait disparaître, quitter cette ville, quitter ce continent même. Passant ses doigts le long de sa chevelure, il reporte son regard vers le papier qu’il avait caché dans une de ses poches. Un faux papier d’identité avec un nom et un prénom qui allaient former le nouveau personnage pour le reste de sa vie : Ludwig Strauss.


Douleur. Souffrance. Culpabilité. Douleur. Souffrance. Culpabilité. Abandon. Lâcheté. Douleur. Privation. Mort. Suicide. Mort. Suicide. Perte. Enfant. Souffrance. Culpabilité. Abandon. Douleur. Encore. La vision est trouble l’image pas réellement nette, le souvenir est contrasté par des éléments parasites, comme-ci elle savait, comme-ci c’était ça. L’impression d’étouffer de s’intoxiquer avec son propre air.

« Prends-le »

Distinction difficile, réalité complexe quand on est certain d’être un autre, quand les souvenirs visualisés donnent l’illusion d’être les siens. Douloureusement, difficilement, c’est bien des larmes qui roulent le long de ses joues. Son cœur se fait étriper dans sa poitrine, sa cage thoracique explose en plein de petit éclat tranchant. Ce n’est pas sa fille, ce n’est pas sa fille qui est morte. C’est celle de Ludwig, ce n’est pas sa souffrance, mais la sienne, à lui. Il faut revenir à présent, remonter à la surface. C’est dur, difficile de ne pas rester dans cet esprit qu’il ne lui appartient pas, c’est violent de se détacher. Ce n’est pas réel, vraiment ? Puis, vient comme cette main qui donne l’impression de soulever la souffrance, de réduire ce souvenir en quelque chose de tout petit, de minuscule, d’insignifiant. De l’oxygène pur insuffler en abondance dans les poumons. « PRENDS-LE »  

~ ~

La main d’Aurore relâche celle de Ludwig, alors qu’elle se laisse retomber en arrière, les yeux gorgés de larmes, la sensation qu’on lui comprime la poitrine omniprésente, qu’on l’empêche de respirer qu’on cherche à l’étouffer. Le retour est violent, puis violent que ce qu’elle aurait pu imaginer. Est-elle d’ailleurs réellement revenue ou n’est-ce encore que le fruit d’un souvenir ? Elle le voit lui, il n’est plus elle, elle n’est plus lui. Il est toujours sur sa chaise, assise. Il est là, tout s’embrouille dans son esprit, ce qu’elle a vu ce qu’elle ressent et cette souffrance qu’elle porte pour lui. Le mérite-t-il ? Aurore ne parvient pas à faire taire les voix dans sa tête, n’arrive pas à contrôler cette vague d’émotion qui ne lui appartient pas, coupler à celle qu’elle ressent réellement. Les larmes lui montent aux yeux encore, elle le dévisage. Plus de sentiments, plus d’affection, plus d’inquiétude, juste un amer goût de trahison.  Elle revoit le bal, sa tentative de le sauver, elle revoit le mois passé en sa compagnie à essayer de survie, elle entend de nouveau cette parole qu’elle a prononcée, le fait qu’elle l’acceptait dans son entièreté.

- «  Non » souffle-t-elle comme-ci elle manquait d’air, prise d’une angoisse bien réelle.

Elle fuit son regard à présent, elle le fuit lui, ne comprend pas, ne comprend plus. Les plans, le prénom, la mort, le feu, le bal, l’enlèvement, la mort, la mort, la mort, partout. « MONSTRE » ses lèvres s’entrouvrent, forme la première lettre du mot, puis se referment brusquement. La même crise d’angoisse que lorsqu’il l’a rencontré, moins la non-maîtrise de son pouvoir, moins l’ignorance de qui elle avait face à elle. « Monstre ». Elle sent encore son cœur battre, tambouriner, elle revoit ce mois passer à sa recherche, elle passa un doigt sur ce plâtre qu’elle porte et n’a plus qu’une idée, une obsession, le retirer, l’arracher avec toute la violence tout elle est capable. Elle a envie de vomir, mais ce n’est pas à cause de la technologie. C’est lui le responsable, c’est les sentiments qu’elle éprouve à son égard, c’est cette aide nouvelle qu’elle lui redonnerait sans hésiter. Ses ongles s’enfoncent dans les ouvertures du plâtre, ses doigts passent ensuite sur son visage encore marqué par endroit à cause du passage à tabac qu’elle a vécu.

- «  M’approche pas… s’il te plaît… m’approche pas… » sa voix est gorgée de sanglot, elle tremble alors qu’elle reste prostrée à quelque pas de lui. « Pourquoi… » un mot simple, une question qu’elle ne termine pas. « Pourquoi… » répète-t-elle sans être réellement certaine de vouloir une réponse.

Pourquoi se répète-t-elle, alors que toute son âme lui glisse la réponse à l’oreille la raison de sa présence, la raison de cette aide et surtout la raison de cette souffrance ultime qu’elle s’inflige en plus de celle dont elle soulage l’industriel. Sa main valide vient s’agripper le long de l’ouverture alors qu’elle le supplie du regard de ne pas la suivre, de ne pas l’approcher. Elle est fière Aurore, elle est forte Aurore, elle est détruite Aurore. Morceau par morceau, elle essaie de se rassembler, elle refuse même de croire en la réalité qui ne peut nullement mentir. La rouquine à l’impression d’avoir trahi son peuple, à l’impression de trahir son architecte. Perdue, réellement, pour la première fois de son existence. Aurore est debout cette fois, coulant ce regard vers le fond du couloir qu’elle a transformé pour venir ici, visualisant les escaliers, laissant toute l’occasion de comprendre son prochain agissement. La fuite.

- «  Tu étais ma raison.» dit-elle sans pour autant que ça n’est le moindre sens  pour les oreilles de l’industriel.

Elle recula d’un pas, luttant contre cette envie de le faire souffrir, de le voir de nouveau anéanti, ou au contraire de le voir justement sourire et être heureux. Est-il possible de pardonner l’impardonnable ? Est-il possible d’accepter un être dans son entièreté comme elle avait pu le dire ? Elle en doutait à présent, pourtant ce cœur battant dans sa poitrine ne parvenait pas à lui en vouloir, ne parvenait pas à supprimer ce petit picotement, ce petit papillon naissant, ce putain de frôlons lui bouffant le ventre. Demander mentalement pardon à son architecte, supplier les architectes de ne pas lui en vouloir. Reculer, trébucher dans quelque chose d’imperceptible, se retrouver sur les fesses encore, reculer jusqu’à sentir le mur contre son dos. Prenant une légère inspiration, la jeune femme avait fini par se mettre dans cette position si particulière, genoux contre sa poitrine, tête entre ses mains. Sanglot dans la voix encore, larme roulant sur ses joues encore, angoisse visible, encore. Prostrée, complètement renfermée sur elle-même, elle murmura simplement mâchoire contractée

- «  Je te déteste. »

La colère, simplement, heureusement, l’épuisement nerveux, physique aussi et le silence, complet. Définitif. L’inconscience. Comme-ci tout avait été trop fort, comme-ci tout était trop complexe, comme-ci son corps avait décidé de montrer réellement l’étendu des dégâts. La petite silhouette jusque-là doucement appuyée contre le mur s’effondra, ne laissant entendre une respiration saccadée, difficile, sifflante. N’avait-elle pas trahi ses architectes en aidant un Daënar ? Ne s’était-elle pas trahie elle-même en sauvant un être qui ne le méritait certainement pas ? Difficile de savoir si elle lui accorderait le pardon, difficile de savoir si il ferait tout pour l’avoir, ou si, comme beaucoup elle n’aurait été le fruit que d’une nouvelle partie d’échecs, un pion. Pion qui deviendrait son pire cauchemar si il ne le réalisait pas suffisamment vite.

Étendue sur le sol, la silhouette féminine ne semblait pas réellement luter pour un réveil ou une écoute attentive. Au fond, peut-être ne ressentait-elle aucunement envie de revenir dans la réalité. L’inconscience ayant son lot de consolation, de réconfort, d’acceptation. Et maintenant Ludwig ? Et maintenant questionna une voix dans l’esprit de la my’tränne qui raisonna dans celui du Daënar. Puis ce fut le silence. Enfin. Vraiment.




Dernière édition par Aurore Seraphon le Mar 27 Fév - 10:42, édité 1 fois

Ludwig Strauss
Ludwig Strauss
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[Terminé] Ou je coule ou c'est nous  EmptyJeu 8 Fév - 17:43
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Daënar -2
Un nom, un soupir.

L’homme ne réagit pas, ne bouge pas un pouce. Tous ses ponts étaient brisés, son esprit avait longtemps abandonné les rivages de la raison, se laissant guider à travers la mer de la solitude, les courants de la détresse et les profondeurs abyssales de la folie. Des fantômes de miasmes lui chuchotaient encore et toujours des propositions alléchantes de libération, de repos, de quiétude. Dans l’ombre, ils l’invitaient à les rejoindre dans le douceur du suicide, proposant maintes façons de mettre un terme à ce terrible fardeau qu’était la vie, à se libérer de la chaire qui l’encombrait, à s’éloigner du cœur blessé qui lui donnait les pires souffrances et les plus atroces maux.

L’appel de l’abandon était une si douce musique, un Eden qui ouvrait ses portes à l’âme en peine. Est-ce que Ludwig aurait put exécuter l’irréparable et se donner la mort ? Nul ne le saura jamais. Car si Irydaë avait son lot de malheurs, de malédictions et d’horreurs, il y’avait aussi quelques lueurs d’espoir en ce monde. Un ange, par exemple. Une chevelure de feu. Un regard d’un vert mystique. Un appel. Un baiser.

Fugace, fragile, tendre. Dans son nuage obscur, Ludwig crut que ses lèvres furent effleurées par de douces pétales de rose, un parfum sauvage l’enivrant d’une sensation familière et pourtant si mystérieuse.

Puis une libération, ou plutôt un apaisement. Une sensation de légèreté. Le martyr prend fin subitement, la douleur lancinante le quitte petit à petit et le voilà qui se sent revivre, curieusement libéré de ses démons et ses cauchemars. Serrant brusquement les accoudoirs de sa chaise, il respire. Pour la première fois depuis cette tragique nouvelle qui l’avait anéantit, il respire vraiment, inondant ses poumons d’air frais. Son corps tremble comme s’il venait de quitter un long coma et ses yeux clignent à plusieurs reprises.

Un son attire son attention, le bruit d’une chute, un sanglot. Lentement son regard confus se pose vers la source du bruit et tout bouscule. Ludwig se fige comme une statue, les yeux écarquillés. Son regard était-il la victime d’une quelconque sorcellerie ? Était-ce une illusion née des chimères d’un vicieux mystique ? Avait-il atteint les profondeurs insondables de la démence ? Sous ses yeux se trouvait Aurore, en larmes. Intrigué, perdu, il souhaita se relever, mais celle qui avait partagé avec lui un de ses plus précieux moments l’en avisa. Elle tremblait, elle semblait le craindre tout en lui jetant un regard dans la profondeur était si dramatique, si triste qu’il sentit quelque chose se froisser tout en fond de son torse déjà en piteux état.

« Aurore … tu … »

Soudain, il porte une main vers sa bouche, effleurant du bout des doigts ses lèvres. La sensation si exquise. Le fardeau disparu. La douleur évanouit. La douce chasseuse à ses pieds, en proie aux plus terribles tremblements. Et ses mots. Lentement, tout s’explique dans sa tête, les pièces de rouage s’unissent et agissent en concert, dans un ordre parfait. Il comprend, il devine et il s’en retrouve sincèrement horrifié. S’approchant un peu de sa sauveuse, il hésite, le visage n’exprimant qu’une profonde sensation d’inquiétude. Ludwig a été sauvé, mais à quel prix ? Libéré du spectre de sa détresse, c’était Aurore qui en pâtissait désormais. Mais le pire, le plus affreux, c’était que son regard trahissait une vérité terrible. Il ne savait pas ce qui s’était passé durant ce si bref contact, mais elle savait. Quoi donc ? Sas nul doute trop pour qu’elle puisse le voir comme elle devait le voir la dernière fois qu’ils s’étaient quittés, à Dyen, après avoir survécu l’enfer ensembles.

Mais maintenant elle le connaissait, mieux que quiconque même. Elle avait vu des choses qu’il gardait précieusement cachées dans l’antichambre de ses secrets les plus sombres. Son regard s’était porté sur son âme et en avait vu toute l’horreur qu’elle enfouissait derrière ses multiples masques d’éloquence, de bonnes manières, d’amitié et de bonté. Que devait-elle penser de lui, malchanceux Ludwig ? Au mieux, elle devait le mépriser, voir en lui un être abject et un traître. Au pire, elle le traiterait de diable, de monstre. Et son regard d’émeraude embué de larmes semblait clairement exprimer ce mot terrible, le haïr, lui en vouloir pour tout. Il avait brisé sa confiance, l’avait trahie pour le simple fait de lui avoir donné des rêves indirectement, les avoir laissé pousser comme des graines dans son esprit fertile jusqu’à ce qu’ils fleurissent, puis les voir être arrachés en un instant.

Quand elle lui avoua qu’il était sa raison, son remord n’en devint que plus terrible. Pour la première fois de sa vie, il était à court de mots, à cours d’astuces. Plus de cartes dans sa manche, plus de ruses. Il était démunit par la simple innocence des paroles de la jeune femme. Tendant doucement une main vers elle dans l’optique de la rassurer, il murmura :

« Aurore, non, je … »

Puis trois mots fusèrent telles des flèches, le clouant sur place, faisant rétracter sa main et fermer lentement des paupières comme suite à une gifle particulièrement violente. L’archère les avait dits, les mots qu’il n’aurait jamais imaginé en souffrir. Elle le détestait. Comment se faisait-il qu’il en soit si sensible, tout à coup ? Ce n’était pas la première fois, pourtant, non ? Et pourtant, elles avaient une sonorité si particulière, de la bouche du rayon de soleil qui avait animé sa soirée au bal, s’était tenue à ses côtés dans l’enfer de la jungle, avait parcourut les architectes seuls savent combien de distance pour le rencontrer, le sauver, lui le démon. Lui l’imposteur, manipulateur, criminel.

Pour le voir, lui le monstre.

Menteur, mauvais, perfide, faux ! Voilà qu’il se voyait à travers le miroir des yeux de la jeune mage et y apercevait le reflet d’un être plus terrible que les tyrans, les meurtriers, les coquins. Il le savait depuis longtemps, il s’était accepté comme tel. Jamais il n’avait regretté ses choix, ses ambitions, sa vision du monde.

Jusqu’à aujourd’hui.

Sa sauveuse perd conscience, éprouvée, à bout. Par l’effort, par la vérité, par la sensation de trahison. Le mafieux la fixe longuement, la mine désolée, la tête basse. Les Architectes se jouaient de lui. Après la souffrance de la perte de sa fille, voilà qu’ils guidaient Aurore vers la découverte d’une abjecte vérité.

Le Destin haïssait Ludwig et le punissait de la plus cuisante des manières.

~~~~

Combien de temps s’était-il écoulé depuis ce tragique moment ? Oh, et puis c’est sans importance.

Le décor avait changé, peut-être parce qu’on avait déplacé la jeune my’tränne dans une autre pièce plus espacée, plus présentable. L’inconsciente était couchée sur un lit à baldaquin, près d’une large fenêtre qui laissait les rayons de soleil inonder la chambre d’une lumière chaleureuse et bienfaitrice. La vue était pas mal non plus, on avait un délicieux panorama de plaines fertiles au loin, sans compter le vaste jardin. Un panorama qui n’avait rien à envier aux terres du continent des mages.

Une petite table avait été disposée près d’Aurore. Un copieux petit-déjeuner : œufs, thé, pain complet, olives, biscuits et fromage. Un bouquet de fleurs de lys reposait sur une étagère. Enfin, il y’avait Ludwig lui-même, près d’elle comme au chevet d’un malade. Installé sur une petite chaise, il patientait, veillant sur le sommeil de la belle comme une gargouille silencieuse, attentive, protectrice. Il ne se plaignait pas, ne se déplaçait pas, veillait à ce que son invitée, sa douce sauveuse, ne manque de rien. Durant un instant, il eut le désir de replacer une mèche rebelle sur le visage angélique de l’endormie, mais n’osa point la touche, se sentant … indigne.

Se ravisant alors, il posa à nouveau ses poings serrés sur ses jambes, cloué par le remord. Le regret lui donnait un goût de cendre dans la gorge, une sensation oppressante. Elle ‘lavait aidé, elle avait souffert pour venir à lui et la voilà qui souffrait désormais de la vérité, l’atroce et sombre vérité. Elle le haïrait à jamais, à présent, elle ne le supporterait plus. Comment pardonner l’impardonnable après tout ? Aucune excuse ne pourrait changer ce qui avait été révélé. En temps normal, si un investigateur effleurait ne serait-ce qu’une parcelle de son secret, ses jours seraient comptés. Mais pour Aurore, l’idée même de lui faire du mal lui donnait des nausées. C’était une alternative inimaginable, qu’il refusait, qu’il ne pouvait tolérer. Jamais il ne pouvait faire du mal à cette douce my’tränne, quitte à tout perdre.

Était-ce de l’attachement ? Un sentiment étrange, douloureux, et pourtant qui lui semblait plus précieux que toutes les montagnes d’or de ce monde. Sa vie prenait de biens étranges tournants, ces derniers mois. Peut-être qu’il était maudit depuis ce fatidique jour où il avait, inconsciemment, blessé un Architecte. C’était fou, impensable, et pourtant sa simple bombe avait provoqué une réaction en chaîne apocalyptique. Sans doute avait-il attiré le courroux des dieux et leur châtiment. Mais il ne désirait plus qu’une chose : que la jeune femme ne paye pas pour ses crimes.

« Pitié, ne punissez pas mes proches pour les crimes dont je suis coupable. »

C’était un murmure, une faible supplique de la part d’un daënar à l’adresse des Architectes. Et le silence qui lui répondit creusa d’avantage ce sentiment d’abandon qui lui avait fait quitter tout espoir de foi ou de religion. Une colère sourde l’animait dans un coin de son âme, une rancœur horrible envers ceux qui les avaient crée pour les torturer.

Mais tout sentiment de haine, de regret, de colère ou de chagrin le quitta quand il distingua un fin mouvement de la part de la convalescente. Se penchant légèrement, il souffla d’un ton doux, attristé et sincère :

« Pardonnes-moi, Aurore. J’ai désiré te cacher mon passé pour ne pas te dévoiler mes desseins, mais le destin en fit autrement. Je ne t’ai jamais mentis, j’ai juste omis les choses qui auraient brisé cette fragile sensation de bonheur que je ressentais à tes côtés. »

Se mettant à genoux, sur son chevet, il baissa tristement la tête, comme un condamné à mort attendant le coup de grâce du bourreau.

« Je t’en supplies … si tu savais à quel point je regrette que nous en soyons arrivés là. »

Serrant la couverture de la demoiselle entre ses doigts avec une telle intensité que ses articulations blanchirent, il ajouta, avec le ton du remord le plus douloureux :

« Je ne veux pas tout perdre. Je ne veux plus subir une nouvelle douleur. Je n’en peux plus, Aurore, je suis … je suis à bout. »

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[Terminé] Ou je coule ou c'est nous  EmptyJeu 8 Fév - 23:16


Aurore ne se rend compte de rien, ni de son déplacement, ni même du lieu agréable ou elle se trouve. La jeune femme a semble-t-il abandonné, n’a pas su se raccrocher à la moindre envie de lutter, à se raccrocher à une étincelle de vie aussi fragile soit-elle. Son esprit a succombé, sans rien demander. Refusant d’accepter l’impensable, refusant d’encaisser l’improbable.  Aure n’entend plus, ne peut plus observer, ne peut plus sentir le goût de ses lèvres sur les siennes, son souffle chaud sur sa peau et tout ça ne lui procure plus aucune sensation. Un vide important c’est installé dans sa poitrine, un vide douloureux qu’elle ne parvient pas à comprendre. Même le réconfort de l’inconscience ne lui permet pas de se sentir mieux. La my’tränne ne rêve pas, ou tout du moins n’en a pas l’impression, elle se retrouve de nouveau au bal à danser avec cet homme qu’elle ne reconnaît plus, profitant de l’unique instant de répit avant que tout ne finisse par s’effondrer. Il l’a fait tourner, il l’a fait rire et elle se surprend à lui sourire, à oublier. La discussion est sincère, du moins, elle le pense. Aurore fini par lui poser la question fatidique, celle qui d’après les rumeurs entraînent forcement quelque chose :

- « J’ai besoin de savoir… » demanda-t-elle d’une petite voix « Toi aussi tu le ressens, ce sentiment, n’est-ce pas ? »

Pourquoi ce genre de phrase devait-elle forcément avoir des conséquences, pourquoi un simple je t’aime devait-il entraîner bon nombre d’obligation. Comme-ci, il signifiait à la fois un sentiment, mais aussi des conséquences comme acheter une maison, prendre un chien avec un chat de race et avoir une multitude d’enfants ? Pourquoi, cela ne voulait tout simplement pas dire « là tout de suite, je suis bien avec toi » simplement, sans rien impliquer d’autre. La jeune femme se retrouve surprise, à ne pas parvenir à entendre la réponse, à ne pas la comprendre, il lui souffle qu’il est désolé et l’unique sensation qui l’anime c’est cette douleur au bas ventre, ce sang sur ses mains et l’arme entre les doigts de Ludwig. Aurore n’a qu’à peine le temps de réaliser l’action, que déjà son corps s’effondre, puis s’anime dans des soubresauts qui sonnent son dernier soupir.

La rouquine finit par ouvrir les yeux, douloureusement, ne sachant plus où elle se trouve réellement. Elle sent les draps sur sa peau et déplace sa main jusqu’à l’endroit de la blessure qu’elle n’a jamais eu. Fronçant les sourcils, Aurore ne comprend plus vraiment, ne sait plus, ou ne veut tout simplement pas savoir. La réalité ne tarde cependant pas à s’imposer dans son esprit alors qu’elle perçoit une voix qu’elle reconnaît immédiatement. Ludwig. Le vrai mauvais rêve n’était pas celui qu’elle venait de faire, mais bien les images que son cerveau s’appliquait à refaire défiler devant ses yeux. Elle n’ose pas bouger, n’ose pas montrer qu’elle est réveillée. Son corps est animé par des douleurs diverses, son esprit aussi et les larmes ne tardent pas à venir reprendre possession de ses yeux. Sa mâchoire se crispe et ses doigts finissent par serrer le drap si fort, qu’un bruit trahit son état. Elle l’entend se déplacer et c’est une véritable angoisse qui manque de la faire défaillir encore.

Aurore a besoin de savoir, plus que cette souffrance, plus que cette envie de fuir, de partir, ce besoin de comprendre est devenu une obsession. La rouquine finit par se redresser doucement, ses yeux croisant la silhouette masculine, n’exprimant rien d’autre que cette rancœur et cette tristesse infinie. Son visage est pâle, trop pour qu’elle puisse paraître en bonne santé, la rouquine est dans un état de déni complet et espère encore que Lud trouve les mots pour lui expliquer, pour justifier ou qu’il l’accuse d’être folle. Oui, elle ne peut pas croire ce qu’elle a vu, ce n’est pas possible. Malheureusement, les paroles prononcées sont comme un énième coup de poignard, il est désolé. C’est tout ?

- «  Tu as juste omis… » répéta-t-elle dans une tonalité presque robotique sans le moindre soupçon de sentiment

Parler lui avait semblé être aussi complexe que tenir un objet technologique, l’articulation l’avait épuisée alors qu’elle n’avait rien dit, rien fait de plus. Son regard avait presque aussitôt fui Ludwig qui était à présent à genoux, l’implorant. Comme pour oublier, comme pour refuser tout contact avec lui, la my’tränne avait fini par se concentrer sur son plâtre. Une nouvelle fois, elle n’avait qu’une idée en tête, le retirer et c’est d’une manière tout aussi naturelle qu’elle fit abstraction de tout ce qu’il était en train de dire.

- « Enlève-le » dit-elle en lui tendant son bras plâtré « Je ne veux plus.. Enlève-le s’il te plaît… » insiste-t-elle obnubilé, presque suppliante «  Je ne veux plus rien de chez vous, je veux plus » gémit-elle tant la douleur commence à l’envahir de nouveau «  Tu n’avais pas le droit…tu… »

Il lui disait qu’il était à bout, qu’il ne voulait pas tout perdre, n’était-ce pas déjà le cas ? pensait-il une seconde à elle ? Elle qui avait quitté son continent, traversé le sien pour le retrouver lui, pour finalement découvrir qu’il était responsable de bien des horreurs. Aurore refusait d’être triste, refusait absolument tout en bloc. Elle était là sans être là, c’était comme-ci ce n’était pas elle qui parlait, mais une autre, comme-ci elle était juste témoin de la scène qui se jouait.

- «  Dis-le-moi. » Cette fois-ci, elle s’est penchée, sa main vient soulever son menton « Dis-moi la vérité, qu’est-ce que je vais découvrir d’autre Ludwig ? » elle laisse un petit silence, minuscule «  Vais-je mourir, moi aussi ? » ses lèvres se pincent « J’ai le droit de savoir… avant de partir.»

Aurore n’est pas certaine de cette dernière phrase, elle est perdue entièrement, complètement. Ses yeux sont brillants, elle refuse de se montrer encore faible. Aucune larme ne roule sur ses joues, mais ses mains tremblent, encore, son souffle n’est pas régulier, tout chez elle dévoile son désarroi. La jeune femme ne se comprend pas, il est responsable de tellement et pourtant elle ne ressent rien absolument rien. Finalement, ses mains viennent effleurer celle de l’industriel, dans une délicatesse maladroite. La chevelure rousse d’Aurore dégringole sur le côté de son visage, elle est à genoux, juste en face de lui. Ses mains ont abandonné celle de son interlocuteur pour venir de nouveau relever son menton, elle veut qu’il la regarde, qu’il lui parle sans détourner le regard. La suite dépend de lui, de ce qu’il va dire, de ce qu’il désire.

- « Qu’est-ce que tu veux ? »

C’était simple comme question, pourtant la réponse n’allait pas être évidente à formuler. Aurore le regardait avec ses deux prunelles vertes, cherchant à le sonder à le comprendre, même maintenant elle était incapable de lui faire du mal, incapable de le faire manquer d’air, incapable d’accepter cette idée qu’elle avait de le faire souffrir, de le voir hurler de douleur. L’unique solution, l’unique porte de sortie secours qu’elle entrevoyait ne lui semblait pas la bonne. Était-elle seulement capable de partir sans éprouver le moindre regret ? Rien que l’idée de s’en aller sembla l’affecter plus que de raison. Pourquoi ? Pourquoi avait-il fallu qu’elle découvre tout ça, pourquoi avait-il fallu qu’il soit cet homme-là ? Aurore ne réalisait pas non, elle était dans cet état de choc. Le plus dur était dans les semaines à venir.

- « Je suis désolée pour ta fille… » souffle-t-elle une nouvelle fois

La rousse ne pouvait pas tolérer les agissements, mais elle n’arrivait pas non plus à se convaincre de ne lui laisser aucune chance.

- «  Je devrais te tuer, tu sais… » dit-elle les dents serrées. « Je te… » déteste, hais ? Elle ne savait plus trop…



Dernière édition par Aurore Seraphon le Mar 27 Fév - 10:41, édité 1 fois

Ludwig Strauss
Ludwig Strauss
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[Terminé] Ou je coule ou c'est nous  EmptyDim 11 Fév - 20:06
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Daënar -2
Oui, il avait omit. Comment aurait-il put faire autrement ? Quel fou déclarerait consciemment à une personne qu’il connaissait à peine que son interlocuteur n’était ni plus ni moins qu’un génie du mal, l’organisateur d’un attentat qui avait ébranlé les fondations même d’une paix éphémère, mettant le feu à la poudre de la tension entre les deux grands camps du monde ? Sans doute pas Ludwig. Il était bien trop prudent, réservé, discret. Durant leur séjour de cauchemar dans la jungle, il s’était montré franc avec elle, ne lui avait jamais mentit. La discussion était toujours maîtrisée en sa compagnie, si bien que même quand Aurore sentit qu’il cachait de trop sombres secrets, elle l’avait accepté comme il est.

Mais à présent qu’elle avait vu de ses yeux, ou plutôt à travers les yeux de Ludwig, tous les plans et les actes qu’il avait minutieusement mit en œuvre durant de longues années, l’acceptation se fit presque impossible. Compréhensible, le contraire l’aurait surprit. Personne de sensé ne pouvait fermer les yeux sur des agissements d’une telle envergure. On ne parlait pas d’un boucher qui avait assassiné quelques voisins dans un accès de rage, d’un soldat qui avait violé des prisonnières de guerre, d’un voleur qui avait privé bien des honnêtes gens de leur argent durement acquis. Là, il s’agissait d’un crime d’une envergure sans précédent. Un crime dont les rouages orchestraient lentement mais surement un événement qui allait envoyer dans la tombe des centaines de personnes et causer une ère de terreur et de carnages sans précédent, avec pour unique but d’enrichir encore plus des caisses déjà bien garnies par ses précédents méfaits.

Il tente de l’apaiser mais en vain, elle souhaite arracher le plâtre qui retenait encore son bras blessé. Son bras blessé … était-ce par l’œuvre de quelques cancrelats ? Se pourrait-il que les architectes, ces maudits créateurs mesquins et cruels, auraient poussé le châtiment jusqu’à tenter de pourfendre la dernière lueur dans l’obscurité de son existence ? Inconsciemment, une colère empoisonnée gagna son corps, faisant presque bouillir son sang d’une rancœur terrible.

Puis Aurore souleva son menton avec sa main douce et toute rage s’envola pour ne laisser place qu’à cette étrange soumission, cet attendrissement faible et dépendant envers elle. En ce moment, elle avait un pouvoir inégalé sur lui. Il lui appartenait, corps et âme. Il lui devait la survie et la raison et pour cela il était prêt à tout pour lui rendre la pareille, lui exprimer sa gratitude et son désir de la remercier pour sa générosité envers lui, le démon aux habits élégants. Elle avait percé son cœur de pierre plus facilement qu’un couteau dans du beurre.

Quand elle  lui demanda s’il allait la supprimer, Ludwig la fixa comme si elle venait de dire quelque chose d’atroce, d’impensable, d’affreux. La vision de ses souvenirs était-elle si abominable qu’elle arrivait à l’imaginer faire cela ? Un tremblement parcourut le corps du gentleman rien qu’à cette pensée des plus morbides.

« Non, non. Jamais une idée pareille n’effleurerait mon esprit. Pas toi, Aurore, pas toi … tu m’es bien trop précieuse. »

Il cligna des yeux à plusieurs reprises. Émotif, lui ? Que lui a-t-elle fait ? Son âme s’ouvrait bien trop facilement à la jeune archère, comme un coffre qui dévoilait tout son contenu. Ludwig n’avait aucune maîtrise de retenue en face du regard vide mais Ô combien expressif d’Aurore. Elle méritait la vérité, toute la vérité, aussi douloureuse soit-elle.

Une nouvelle question fusa d’entre les lèvres du disciple du Griffon Blanc. Une question qu’elle avait déjà posé il y’a plusieurs semaines, à l’abri dans la jungle, réfugiés et tremblants de froid autour d’un maigre feu de camp, traqués comme du gibier pour contenter l’appétit de chasseurs déments. Une question lourde et difficile, qui le prit au dépourvu.

Pourquoi, Aurore ? Pourquoi toujours tout compliquer ? La vie aurait été plus simple derrière les douces illusions d’une amitié qui laissait la place à quelque chose de plus beau. Mais non, l’humain devait toujours chercher la vérité, quitte à se brûler les yeux en la voyant dans toute sa clarté. Rien n’était jamais facile, de toute façon. Le destin avait un sens de la justice bien particulier.

« Tu sais très bien ce que je veux, maintenant que tu me connais mieux que personne. »

Se relevant lentement, il se détourna de sa précieuse amie avant de rejoindre la fenêtre de la chambre, laissant les rayons de soleil réchauffer son corps transit par un froid qui n’avait rien à voir avec la fraîcheur des lieux. Son regard couleur de glace fixe avec lassitude un décor qu’il chérissait avant, mais qui lui semblait bien fade en ce moment. Le vaste jardin, les terres cultivées un peu plus loin, les quelques demeures du même luxe qui caractérisaient les « quartiers nobles » de Skingrad. La ville qui avait été l’écrin de sa puissance financière semblait désormais se transformer en un théâtre tragique pour Ludwig. Une pièce où il était l’acteur infortuné qui subissait les foudres de quelques divinités vengeresses.

Il abaisse brusquement les paupières quand elle mentionne sa fille. Le souvenir douloureux refait surface, mais avec moins de force et de violence. Il arrivait désormais à canaliser cette douleur qui étreignait son cœur, à la dompter. Cela ne signifiait nullement qu’il n’en éprouvait pas une tristesse terrible et un profond sentiment de vide. Un sentiment qui risquait de se changer en gouffre si Aurore le délaissait à son tour. Alors, il ne sera plus jamais l’homme qu’il avait été. Le gentleman se changera en épave, en ruines, ou en quelque chose de bien plus terrifiant …

« Tu me détestes ? Je peux comprendre. Oui, la logique te pousserait à me tuer, après tout. Je ne peux t’en tenir rigueur, pas après tout ce que tu as fais pour moi. »

Un vol d’oiseaux, dans le ciel bleuté, attira son regard contemplatif, mais n’interrompit nullement ses paroles à la voix profonde :

« Face aux aimshgiins, je me suis sentis perdu, vaincu, à agiter faiblement mon misérable bout de bois pointu dans le futile espoir de les repousser. Mais tu as gardé confiance … tu m’as poussé à faire confiance en notre duo et nous avons survécu. C’est à ce moment précis que j’ai sentis qu’à nous deux, nous pouvions veiller l’un sur l’autre et faire face à ce monde cruel et impitoyable. »

Se retournant lentement, il ajouta :

« Tu te rappelles, devant l’aéronef brisée, quand je t’avais dis que ce monde était gris et infâme ? Je le pensais sincèrement. Puis tu as redonné des couleurs à ma vision, tu m’as fais douté sur mes actes, mes objectifs, ma vision de la vie. Sincèrement, j’ai longtemps pensé à tes mots à mesure que je me rapprochais de ma terre natale. Je pense même que j’envisageais sérieusement de prendre du recul sur mes ambitions peu orthodoxes. »

Refixant à nouveau la fenêtre, le dos tourné en face d’Aurore, il garda un instant un silence lourd de sens, comme si la suite de ses paroles allait être évidente, logique et amer de sens. Après une longue inspiration, puis un soupir qui semblait renfermer les plus lourdes souffrances et les fardeaux les plus pesants, il finit par dire :

« Puis Irydaë m’a rappelé à quel point la justice de ce monde était si radicale. Après tout, quel meilleur moyen de me punir moi, le fautif, qu’en envoyant ma fille, la plus pure et innocente créature que le monde ait connu, dans l’enfer du nord, la battre, écraser ses rêves, la violer sans pitié et ensuite lui promettre un destin si épouvantable que la malheureuse se donna la mort ? »

Une fois de plus, il se retourna, mais la douceur mélancolique de son visage avait fait place à un masque furieux, sourcils froncés, front plissé et, plus que tout, c’était ses prunelles bleues qui brûlaient d’une flamme glacée. Elle n’était pas destinée à Aurore, mais au monde. À cette terre injuste et terrible. À ses créateurs qui laissaient passer pareilles horreurs en toute impunité.

« Alors dis-moi, Aurore, dis-moi franchement maintenant. Irydaë est-elle le doux et merveilleux foyer que tu défends toujours ? Penses-tu que, tout compte fait, mes agissements sont plus épouvantables que ceux de milliers d’autres êtres vivants ? »

L’homme porta une main sur son visage, se massant l’arête du nez en secouant lentement la tête.

« Excuses-moi, c’est encore la perte qui me pèse … j’ai du mal à me contrôler. Tu es épuisée et je te fais un serment banal, quel manque de politesse de ma part. Je t’en prie, reposes-toi, le petit-déjeuner est déjà servit, vas-y sers-toi. Désormais tout ce qui compte, c’est que tu prennes du repos. »

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[Terminé] Ou je coule ou c'est nous  EmptyDim 11 Fév - 22:24


La rouquine abandonne son regard, abandonne sa position pour se réinstaller correctement contre le dossier du lit. Ses yeux fixent le plâtre, s’embrument d’une manière qu’elle ne parvient pas à contrôler. Son cœur se contracte dans sa poitrine, donnant l’impression qu’il avait soudainement cette volonté de cesser de battre, de cesser de perdurer, de cesser de ressentir quoi que soit. Les premières paroles qu’il prononce sont une véritable avalanche émotionnelle, un coup de poignard qu’on vient planter dans son âme, triturer allégrement sans lui offrir la possibilité de résister. Aurait-elle dû ressentir cette vague positive, ce soulagement de savoir-être important à ses yeux, précieuse. Cependant dans le contexte, les mots n’avaient rien de tendre, de doux, d’apaisant. Aure sentit une perle salée s’échapper d’une de ses prunelles, dégringoler le long de sa joue, jusqu’à se perdre dans le drap que ses doigts pressaient avec force. C’était comme refuser l’évidence, refuser encore de comprendre ce dont il n’était plus possible d’ignorer, c’était comme voir la flèche arriver et refuser de se décaler. La seconde larme ne tarda pas à tacher l’autre côté du drap, alors que la my’tränne tentait de ravaler tant bien que mal cette émotion qui ne lui ressemblait pas. Cherchant à se raccrocher à des souvenirs anciens, des souvenirs qui n’existaient à présent plus.

Elle savait très bien ce qu’il voulait ? Pas vraiment. Aurore rabattit ses jambes contre sa poitrine déposant ses bras sur ses genoux, puis son menton sur le plâtre, dont l’odeur ne sembla même plus la déranger. Elle le suivait des yeux, avec cette boule dans la gorge, cette envie de hurler le mélange de colère, de tristesse qui lui dévorait le bas ventre. Ludwig s’était éloigné d’elle, pour se rapprocher de la fenêtre, pour aviser le paysage, pour réfléchir certainement, elle reconnaissait certaines expressions de son visage, comprenant maintenant l’émotion qui devait le gagner pour l’avoir ressenti. Il évoque le passé, parle d’événement qu’elle souhaiterait à présent oublier. Les regards, l’entraide, la vie qu’il lui a permis de conserver, mais surtout ce lien si particulier qu’il avait cru percevoir entre elle et lui.


- « Arrête » supplie-t-elle dent serrée

C’était douloureux, douloureux de comprendre qu’il l’avait trahi d’une certaine façon, compliqué d’accepter d’avoir été complice malgré elle de tous les morts, reconnue coupable d’aimer ce qui n’était pas appréciable, pas aimable. Comment aurait-elle pu savoir, comment aurait-il pu lui dire la vérité. Une nouvelle vague de sanglot sembla animer son visage, sans que la moindre larme ne coule cette fois-ci de ses yeux. La mâchoire contractée, les traits de son visage tirés, les sourcils froncés, Aurore tentait de rester dans son déni. Ne pouvait accepter la vérité, tout comme en ayant besoin de savoir le tout dans sa globalité. Comment pouvait-il exiger qu’elle reste, sans lui permettre de choisir en ayant toutes les cartes en main ?

- «  Arrête » répéta-t-elle avec la même intensité dans la voix

Aurore avait la sensation qu’il s’amusait volontairement à remuer le couteau dans la plaie ouverte de sa poitrine, qu’en remémorant les souvenirs, il cherchait à noyer, à compenser le reste. Était-il simplement possible de compenser tous les morts, toute la souffrance. Il pensait être responsable de la mort de sa fille, ou bien il pensait que les architectes étaient responsables. Aurore manqua de laisser la colère parler pour elle, manque de formuler des mots qu’elle aurait regrettés toute sa vie. Là où elle devrait voir un monstre, elle percevait autre chose, elle revivait sa douleur immense et la perte de ce précieux bijou qu’était la chair de sa chair et malgré tout, elle fut blessée, elle eut cette envie de la consoler, sans parvenir à bouger, sans parvenir à lui offrir juste la possibilité d’oublier tout ça, une heure ou deux. Simplement. Elle sursauta à cette élévation de voix, elle sursauta à cette violence qu’elle perçut dans son regard, qu’elle perçut dans la tonalité de sa voix.

- «  Tu n’es pas responsable… Eux non plus… La » connerie, monstruosité, le sadisme ? Nul ne sait ce qu’Aurore avait voulu dire, plus qu’elle ne termina pas sa phrase. « Il n’y pas d’échelle de la monstruosité Ludwig… » son cœur se pinça, provoquant une grimace « Il y a juste des personnes… comme » lui, elle, eux ? « Comme » chercha-t-elle à poursuivre sans trouver le mot « des personnes aux aspirations différentes. » Finit-elle par dire brusquement.

L’esprit d’Aurore avait finalement enfermé son secret dans le fond de son cœur, refusant de voir en cet être tout ce qu’elle avait vu, refusant de le nommer ‘monstre’ de le haïr, refusant de croire que tout ceux en quoi elle croyait été tout doucement sur le point de s’effondrer. Aurore avait cette force psychique un peu surhumaine, un peu extrême, cette capacité à ne jamais renoncer, à ne pas abandonner. La rouquine voulait croire, encore un peu, juste un peu que c’était possible, qu’il n’était pas l’auteur de tout ça. Quitte à ce qu’il lui mente, quitte à ce qu’elle ne sache pas tout. Aurore voulait croire que juste une fois dans sa vie, Ludwig n’était pas là par intérêt, n’était pas là juste parce qu’il se sentait reconnaissant. Elle se déplaça lentement du lit, se relevant, manqua de chuter tant la différence de tension dans son être fut brusque. Tout aussi lentement, elle fit quelque pas jusqu'a lui, comme un enfant apprenant à marcher, son être lui hurlait de partir, de renoncer, mais pas son cœur. Jamais son cœur. N’avait-elle pas pensé qu’elle était prête à tout endurer pour lui, n’était-elle pas prête à renoncer à tout ou presque. Non… Sa raison avait finalement fait silence, alors que la silhouette beaucoup plus petite que celle de l’industriel se trouvait face à lui, relevant le menton pour mieux l’aviser, ses deux émeraudes le détaillaient. Brillant, humide, vibrant. Les joues de la my’tränne était rouge, son visage quelque peu déformé par les émotions si complexes qui l’animait encore.

- « Je n’ai pas faim. Je ne veux pas manger. Je ne suis pas fatiguée. Je ne veux pas me reposer. » La jeune femme prit une légère inspiration, puis répéta des phrases qui feraient certainement écho dans l’esprit de Ludwig « Je t’accepte comme tu es. Peu importe ce que tu es, peu importe que tu sois quelqu’un, d’influent, ou de dangereux, je m’en fiche moi… Je ne t’abandonne pas. » Sans détourner le regard elle poursuivit, puissant dans ses dernières forces psychiques « Je ne serai pas ta rédemption et tu ne seras pas la mienne. » Affirma-t-elle «  Je ne te pardonnerai pas, tout ça… Parce que… Je ne peux pas, tu comprends ? Mais je veux bien… essayer de former ce duo… Si tu me promets…. » Elle hésita, puis annonça « De ne pas me trahir moi…»

Aurore était terrifiée par ses propres paroles, elle était tellement de chose à la fois, qu’il était possible de la prendre pour une folle. Peut-être ne la prendrait-il pas au sérieux, peut-être ne comprendrait-il pas des paroles puant la sincérité et l’amour à mille kilomètres à la ronde. Les yeux envahit de larmes, les yeux tremblant, vibrant, les lèvres faisant de même elle ajouta, comme-ci la douleur était tel qui lui fallait abandonner pour avancer à ses côtés, une part de son humanité, une part de ses envies, une part de son insouciance.

- «  Tu m’as dit manipuler les êtres, tu m’as dit te servir des autres pour avancer… Je ne veux pas être un pion, un être que tu manipules, je veux que tu sois honnête… avec moi… Que tu me dises les choses droit dans les yeux… Je veux… Je ne veux pas que tu te serves de moi Ludwig, parce que j’le supporterai pas, parce que ça me tuerait de savoir que j’n’étais rien, que j’suis rien, que j’étais juste qu’un jouet, qu’une lavette qu’on utilise et puis qu’on jette… Je veux… Je te veux toi… Je veux… Ludwig… tu n’avais pas le droit, tu… Promets-moi…. » elle abattit ses petits poings fermés contre son torse, sans mettre trop de force « Tu n’avais pas le droit et moi…Moi j’avais pas le droit et toi… tu.. » elle répéta le mouvement avec un peu plus de force «  Je t’abandonne pas… T’entends… Je t’abandonne pas. Mais si tu me trahis…»

Alors ? Maintenant ? S’il l’a trahissait alors elle le tuerait ? Est-ce qu’elle y arriverait et maintenant ? Maintenant bordel. La phrase se répétait dans sa tête, consciente qu’elle venait de se livrer, de lui offrir la chance de se racheter ou de couler ensemble ? Elle ne le savait pas. L’unique chose valable et qu’elle murmura étouffé entre deux sanglots :

- «  Je ne trahirai pas mon peuple ça… tu ne peux pas me demander… Je veux faire tomber daënastre et tous ceux qui veulent faire du mal à mon continent.»



Dernière édition par Aurore Seraphon le Mar 27 Fév - 10:41, édité 1 fois

Ludwig Strauss
Ludwig Strauss
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[Terminé] Ou je coule ou c'est nous  EmptyMar 13 Fév - 17:54
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Profession : [Officielle] Propriétaire d'industries de l'armement [Officieusement] Baron du crime
Daënar -2
Des personnes comme lui. Il ne fallait pas être savant pour deviner l’idée première qui avait effleuré l’esprit de la jeune femme qui, il la connaissait bien à présent pour le savoir, était assez spontanée pour dire ce qui lui passait par la tête plutôt que tourner sept fois la langue avant de parler. Il pouvait lui donner la qualité de la sincérité, mais la sensation de douche froide qui parcourut son échine quand il pensa qu’il n’avait plus qu’une affreuse image à ses yeux lui arracha un frisson attristé.

Si c’était le prix à payer pour tous ses actes, soit. Mais qu’on ne vienne pas lui dire que leurs créateurs n’étaient pas aussi responsables. Il l’avait vu, il le savait. Lors de l’exposition internationale, en cette soirée qui aurait put marquer un délicieux tournant à son vaste projet, le Griffon Blanc lui avait donné un avant-goût du sort qu’il lui réservait … non, qu’il réservait à Katharina. Un destin si cruel et abominable, qui ne pouvait être que l’œuvre d’un tyran sanguinaire. Comment un être supérieur pouvait se venger de la sorte ? Ne pouvait-il simplement pas foudroyer Ludwig, le terrasser ? Non, il a fallu qu’ils lui infligent un châtiment injuste en détruisant la vie d’une innocente jeune fille, l’amour de sa vie, la chaire de sa chaire, une part de son âme.

Une blessure qui ne le quittera jamais.

Quand Aurore se releva, il souhaita lui déconseiller son geste, la sachant bien affaiblie par toutes ses épreuves, par son intrusion magique, par le fardeau de la vérité. En vain, la jeune mage s’approcha jusqu’à lui. Allait-elle le sermonner pour ses non-dits ? Le gifler pour avoir bafoué le nom des Architectes ? Tenter de l’étrangler pour tout ce qu’il souhaitait accomplir au détriment de bon nombre de vies ? Rien de tout cela. C’est avec surprise qu’il écouta ses mots. Oui, avec surprise, car il ne s’attendait pas à pareille acceptation. Privé de paroles tant il ne s’était guère imaginé pareille fin à leur fragile rencontre au manoir, il se sentit ému par la confiance que lui portait Aurore, par la force de ses sentiments.

Quand elle martelait son torse, elle lui rappela une scène bien trop profondément gravée dans sa mémoire. Le jour où il avait récupéré Katharina à Aildor, peu de temps après l’assassinat de sa famille par une mafia rivale et belliqueuse. Il se souvenait de ce jour où, la prenant dans ses bras, elle pleurait à chaudes larmes tout en frappant de ses petits poings affaiblis la poitrine de son père. Quelle étrange ironie, douce et amère. Une bien étrange ironie. Si cet événement avait finit par la perte de sa fille, se pourrait-il qu’en ce moment-même le destin lui faisait signe qu’il allait faucher Aurore aussi, mettant définitivement à terre le Ô combien craint baron du crime à l’état d’épave flottante ? Cette idée même le glaça jusqu’aux os et c’est sans se contrôler d’avantage qu’il prit la my’tränne dans ses bras protecteurs, la serrant fortement contre lui dans une étreinte désespérée.

Paupières closes, il garda l’archère contre lui, dans un geste protecteur mais aussi affectif. Avare en émotions, ceux qui connaissaient Ludwig serait plus que surpris de le voir agir ainsi, balayant en un instant des années d’impassibilité, de neutralité, d’indifférence et de suffisance. Ne se souciant plus de rien d’autre que cette petite flamme qu’il tenait entre ses mains, cette flammèche qui avait apporté un peu de chaleur, de réconfort dans le gouffre où il avait été plongé. Sans elle, que serait-il devenu sinon un fantôme désespéré ? Un peu comme la légende du Roi Midas au toucher d’or, plus riche que Crésus mais condamné à la malédiction de transformer tout ce qu’il touchait en or, le plongeant dans la faim, la soif et la solitude. Aurore était sa sauveuse, sa nouvelle pièce indissociable de son âme brisée, le baume providentiel pour son cœur.

« Je peux te promettre une chose, Aurore. Maintenant que je vois claire dans le tourbillon de mes sentiments, sache que je ne songerais jamais à te réduire à l’état d’un simple instrument. Jamais. »

Prenant doucement le visage de l’impétueuse rouquine entre ses frêles mains, il caressa tendrement son visage comme un artiste s’émouvant devant la plus belle des œuvres d’art. Se perdant dans les prunelles d’émeraude, il sourit doucement, écartant une mèche rebelle sur son visage angélique.

« Je suivais un objectif égoïste, mais nécessaire. Car je suis ce que je suis. Je ne peux lutter contre ma propre nature. Mais malgré tout tu m’acceptes comme tel. C’est là la plus belle forme de confiance que j’ai eu de ma vie. Je t’en serais éternellement reconnaissant. »

Il prend une pause, savoure cet étrange moment de quiétude, s’enivre du parfum de sa douce et tendre, se complaît à sentir son cœur battre contre le sien, si proches. Il ressent le réconfort, la quiétude et un autre sentiment qu’il n’avait point éprouvé depuis bien des années. Un sentiment qui le pousse à se pencher lentement, très lentement vers le visage de la fille de My’trä, d’effleurer du bout du nez contre le sien, le souffle court, de la contempler avec adoration avant de sceller presque timidement ses lèvres contre les siennes dans un baiser tendre et passionné.

Quand il rompit le contact, son cœur battait la chamade, son regard semblait s’affairer de gauche à droite dans un spasme incontrôlé et ses joues prirent une fine couleur rouge sur son teint pâle. Il se sentait … revivre.

« Je ne peux t’empêcher de défendre tes idéaux. Je te veux, moi aussi, mais pas en tant que pion. Je te veux à mes côtés, en bien ou en mal jusqu’à la fin. Je veux t’offrir le monde, Aurore. Ensembles, nous pourrons nous hisser hors des cendres qui nous étouffaient en ce monde et atteindre l’Eden tant désiré. Avec toi à mes côtés, je sais que j’y arriverais. »

Enfermant la main valide de celle qu’il savait désormais comme sa moitié, il y déposa un doux baiser sur ses doigts glacés, puis poursuivit :

« Je souhaite ton bonheur, crois-moi. Tu m’as à plusieurs reprises sauvé d’une lente décadence. Si tu souhaites t’en prendre à ma nation, à ta guise, je ne t’en empêcherais pas. Je cacherais même tes actes s’il le faut. Je te promets pas d’en faire pareil car tu me connais, mais je te fais la promesse que toi, et toi seule, ne sera jamais atteinte par aucun de mes actes. »

Posant doucement son front contre le sien, il scella cet instant dans leur mémoire en prononçant ces précieux mots qui allaient symboliser un tournant dans leur relation jusque là floue et indistincte. Dans un murmure, un frisson, il lui chuchota, comme dans un rêve :

« Aurore, est-ce que tu m’aimes ? »

Des mots puissants, qu’il désirait plus que tout entendre de la bouche de celle qui, à ses yeux, valait désormais plus que tout au monde. Celle qui avait décidé d’unir sa vie avec la sienne, de le soutenir, de l’accepter, de ne pas tenter de repousser son élan et encore moins de le laisser s’étouffer dans le venin du désespoir et la mélancolie.

Deux mots suffiraient à faire de ce moment un instant précieux, inoubliable.

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[Terminé] Ou je coule ou c'est nous  EmptyMer 14 Fév - 0:16

Un vide immense était en train de se créer dans la poitrine de la rouquine. Inexplicable. Douloureux, intense, omniprésent. A chaque fois que ses poings frappaient sans aucune once de violence le torse de l’industriel, elle sentait son cœur se fermer, s’endurcir, se pincer, supplier. Vide. Douloureux, intense, omniprésent. Son être lui hurle encore de renoncer, de ne pas faire ce dernier pas, de ne pas se condamner inutilement, pourquoi, pour qui, une mort certaine, une trahison future. Elle ne comprend pas, ne parvient pas à se positionner, ne parvient pas à renoncer. Vide. Douloureux, intense, omniprésent. Elle est juste là devant lui, son regard se perdant dans le sien, suppliant pitoyablement. C’est une larme de désespoir qui s’échappent de ses yeux, qui dévalent le long de ses joues, jusqu’à se perdre dans le tissu de son haut, disparaissant comme-ci elle n’avait jamais existé, comme-ci rien ne s’était jamais passé. Vide. Douloureux, intense, omniprésent. C’est la large carrure masculine qui s’abat finalement sur sa frêle silhouette, l’enlaçant avec cette force rassurante. C’est ses dernières barrières qui s’effondrent, elle s’écroule, fond en larme, alors que ses mains passe dans son dos, l’agrippant comme elle peut, cherchant à se serrer davantage contre lui. Aurore respire son odeur, s’imprègne de sa façon de respirer, d’effleurer sa peau. Vide. Douloureux, intense, omniprésent. C’est le bruit de son âme qui s’effrite, qui se divise, se sonde, jusqu’à se perdre dans son unique moyen de se pardonner, de passer par sa seule sortie de secours. Lui. La my’tränne n’avait jamais rêvé de quelqu’un comme lui, n’avait jamais eu peur de perdre quelqu’un comme lui, c’est fou ce que peut faire le désir, des choses insensées, des choses stupides, comme aimer. Ils jouaient à un jeu dangereux, dans une partie cruelle, celle de la séduction, il avait gagné, elle avait perdu, elle s’était attachée, beaucoup trop pour que ce ne soit que positif.

L’archère conserve sa tête contre son torse, grelotte, lutte encore autant qu’elle le peut pour ne pas succomber, pour ne pas pardonner l’impardonnable, juste essayer. Les larmes ne coulent plus, elle n’en a plus la force. Accepter de ne pas l’abandonner s’était se perdre soit même, refuser de faire ce qu’elle aurait dû, s’était ne pas venger son architecte, comment pourrait-il lui pardonner cet affront ? La my’tränne sent les doigts de l’industriel passer sous son menton, le remonter légèrement pour l’obliger à le regarder. La paume de sa main passe sur sa joue, ses doigts écartent les mèches qui obscurcissent sa vision et elle frissonne. Comment pourrait-elle résister à ce regard qui se pose sur elle, à l’impression d’être enfin importante, d’exister, simplement. Aurore ne voulait pas tomber amoureuse, elle ne devait pas tomber amoureuse. La chasseuse regarde ses lèvres bouger, son esprit ne sélectionnant que les mots qui l’arrangent, parce que le reste est trop dur, parce qu’elle lui a dit qu’elle l’acceptait et parce qu’il argumentait en disant que c’était sa nature. Non… C’était trop violent, trop improbable pour être la vérité. Qui a dans sa nature la volonté profonde de détruire la vie des autres ? Sa gorge vient se nouer sans délicatesse, lui offrant la sensation d’étouffer, de manquer d’air et pourtant, elle reste.

Le combat prend fin, il l’achève de la plus belle des manières et la rouquine rend les armes sans lutter, quitte à mourir autant choisir son bourreau, autant accepter l’idée d’aimer celui qui finira par l’achever. Ses yeux se ferment alors qu’elle sent son visage si proche du sien, alors que son souffle chaud vient caresser sa peau ses lèvres, que son nez effleure le sien avec une délicatesse qu’elle ne lui connaît pas. Puis vient le moment où ses lèvres se collent aux siennes, ou les bouches se dévorent dans une passion et une tendresse nouvelle, ou les langues apprennent une danse inconnue, ou deux êtres s’apprivoisent de la plus douce des façons. Plus rien n’a d’importance à ce moment précis, il n’y a plus de morts, plus de guerre, plus de préparation, plus de plan malveillant, plus de souffrance, plus de vague d’illusion. Juste lui. Lui et elle. Que deux individus s’offrant un moment de réconfort, un moment à la fois doux et complexe, un moment de réalité dans un soupçon d’irréels. Un murmure d’aveux, un début d’une nouvelle ère. Le cœur d’Aurore s’emballe, tambourine dans ses artères, dans ses organes, dans tout son corps. Sa respiration s’emballe, elle aussi, se saccade alors qu’elle ne voudrait qu’une chose, que le moment ne connaisse jamais de fin.

Impossible que tout ceci termine bien, d’autant plus quand il s’éloigne, quand il provoque la fin de cet échange, de ce premier pas vers elle. Aurore laisse sa main libre effleurer sa joue, s’arrêtant sur les rougeurs qu’elle n’a jamais vues sur son visage, puis laisse ses doigts passer sur ses lèvres, avant de faire un pas en arrière pour l’écouter. De nouveau il parle, de nouveau elle ne sélectionne que ce qu’elle peut accepter, ce qui ne la fera pas s’écrouler là. Réaliser maintenant qu’elle serait sa force pour accomplir davantage serait trop complexe à gérer, elle le comprendrait suffisamment tôt, suffisamment tôt pour pouvoir profiter de cet instant. Sa main dans la sienne, Aurore ne quitta pas une seconde son attention du visage de Ludwig, offrant un sourire maladroit, fragile. Son front était venu se poser contre le sien, et il prononça cette phrase tout en le regardant. Est-ce que tu m’aimes ? Elle sombra. La phrase résonna un long moment dans son esprit, plusieurs fois, de trop nombreuses fois.

Non. Elle ne devait pas. Elle ne pouvait pas. Comment avait-il pu la laisser ainsi, comment avait-elle pu s’accrocher à ce point à un être qu’elle ne connaissait pas ? C’était cruel, douloureux, omniprésent. Il l’avait rendu accro, sans rien faire de particulier, était-ce comme Allys et Hex, la force d’un événement important ? Était-ce le mois à survivre, était-ce une évidence, une ligne toute tracée ? Là, face à lui, ses lèvres ne parvinrent pas à formuler la phrase dont il semblait avoir tellement besoin. Incapable, comme muette, comment pourrait-elle prononcer ce qu’elle n’avait jamais dit à personne ? Comment pourrait-elle connaître des signes qu’elle découvrait en sa compagnie ? Est-ce que tu m’aimes ? La phrase résonna encore, plus violemment, plus douloureuse et l’admettre lui semblait impossible, improbable, inconscient. Offre-t-on l’arme à son bourreau ?

Ses deux prunelles le détaillaient avec cette force et cette réponse dans le regard, sans pour autant parvenir à la formuler. Elle tremblait, Aure ne trouvait pas de réponses convenables, si elle disait non, elle mentait, si elle disait oui, elle se condamnait. Faut-il forcement qu’elle coule pour sauver ce nous ? Fallait-il qu’elle soit ultime victime de cet homme, celle de trop, celle qui avançait vers lui en ayant parfaitement consciente de ce qu’il représentait.


- « Et toi ? » la phrase s’était exfiltrée avec violence, détermination

Deux mots, c’était bien ce qu’il voulait non ? Pourquoi devrait-elle formuler ce qu’il n’avait pas voulu dire lui, ne s’était-elle pas suffisamment fait violence pour être là, face à lui. Déposant sa main valide sur le milieu de son ventre, le poussant jusqu’à ce qu’il ne puisse reculer, elle plongea son regard dans le sien et répéta sa question, avec énormément de tendresse dans la voix :

- « Et toi, Ludwig Strauss, homme de l’ombre, toi qui dis que tu veux finir avec moi, partager, être à mes côtés, est-ce que tu m’aimes ? »

Son cœur continuait à battre dans sa poitrine, sans pour autant parvenir à la convaincre d’avouer l’inavouable, de prononcer sa sentence à mort. Son regard était brillant, son visage était pâle, ses yeux cernés par la fatigue et sa main tremblante, pourtant elle tenait debout face à lui, sans avoir l’intention de lâcher des paroles qui semblaient entraîner beaucoup de conséquences. Se hissant sur la pointe de pieds, la my’tränne avait fini par parvenir à sa hauteur, difficilement. Suffisamment pour approcher ses lèvres des siennes, suffisamment pour s’autoriser un nouveau baiser, pour venir trouver ses lèvres des siennes. Délicatement, tendrement, fermant les yeux, Aurore savourait l’instant, trouvant un côté rassurant. Jamais elle n’oublierait, jamais, elle se souviendrait toujours de son odeur, du goût de sa bouche, de sa langue, de sa façon de toucher son visage, ou de lui procurer cette multitude de frissons en la regardant. Il faisait partie d’elle, sans qu’elle ne puisse jamais l’expliquer et devant cette évidence et pleine de lucidité, elle cessa l’échange, l’observant tout en conservant cette proximité et ce front contre le sien.

- « Ça ne sera pas facile toi et moi, tu en as conscience ? Tu vas me faire du mal et je t’en ferais certainement aussi. » Elle déposa à nouveau ses lèvres contre les siennes une seconde « Tu es le premier, le premier pour qui je traverse un continent que je ne connais pas, le premier pour qui j’accepte ce que… » elle s’arrêta, pas maintenant, puis repris « Je ne sais pas si c’est ce que tu veux entendre, mais… Je t’aime » les derniers mots avaient été prononcés si doucement «  Et j’ai le sentiment que ce n’est que le commencement. »

Jamais Aurore ne s’était sentie ainsi, si faible, si vulnérable. Mais tout était fini à présent et elle voulait croire le plus sincèrement possible qu’il n’y aurait plus de mensonges entre eux… Quitte à se transformer en monstre, peut-être pourrait-elle être un monstre heureux et exister, sincèrement réellement. Se glissant dans ses bras cette fois, respirant son odeur encore. Aurore ne se sentit plus vide. C’était intense, omniprésent, comme une évidence.

- « Je suis fatiguée » souffle-t-elle sans n’avoir aucunement envie de se reposer. « Et maintenant ? » questionna-t-elle simplement

Plus jamais de mensonge, plus jamais de trahison, s’il tombait, elle tombait aussi. Ne pouvait-elle obtenir une rédemption qu’en faisant ce qu’il avait lui-même fait, d’un côté seulement. Aurore ne savait pas comment, mais elle parviendrait à toucher les esprits des politiques d’ici, elle parviendrait discrètement à détruire ce continent… Avec lui… tout devait bien être possible.



Dernière édition par Aurore Seraphon le Mar 27 Fév - 10:41, édité 1 fois

Ludwig Strauss
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[Terminé] Ou je coule ou c'est nous  EmptyDim 25 Fév - 20:45
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Daënar -2
Pourquoi rien n’était simple avec toi, Aurore ? Dans un instant si magique, ce moment unique où un homme de métal au cœur de pierre s’ouvrait totalement à ses sentiments et les exprimaient de la plus belle des manières, pourquoi hésiter encore ? N’avait-il pas suffisamment changé pour elle, pour se rapprocher d’elle, la remercier, l’aimer ? Hésitait-elle encore à se damner à ses côtés ? Ou pressentait-elle que leurs objectifs personnels pouvaient tout aussi bien aller dans le même sens que s’entrechoquer violemment ?

« Doutes-tu encore de mes sentiments, Aurore ? »

Le ton utilisé était sincère, quelque peu triste. Il regrettait que le début de leur union ait été pavée par ces malheurs, ces révélations, ces secrets découverts, ces promesses et ces différences flagrantes qui, pourtant, semblaient les compléter l’un et l’autre.

Fort heureusement, Aurore avait finit par prononcer, non, murmurer presque imperceptiblement les mots tant attendus. Le reste l’intéressa peu. Tandis que la douce mage s’emmitouflait dans ses bras protecteurs, un sourire tendre et apaisé se dévoilait sur le visage épuisé du fortuné daënar. Enfin, la paix. La sérénité de l’esprit et l’apaisement du cœur. Aurore ne s’était pas contentée de le libérer du fardeau de son deuil, mais aussi de ramener la lumière dans son être, telle une torche salvatrice éclairant un donjon obscur dans lequel il s’était aventuré, traqué par de fantomatiques horreurs aux yeux malicieux. À mesure que le désespoir s’évanouissait, un doux espoir fleurissait.

En cet instant précis, irydaë ne semblait pas être l’enfer qu’il croyait dur comme fer être il y’a quelques jours. La vie était supportable, il y’avait encore quelques tâches de douces couleurs attrayantes dans ce tableau grisâtre et fané.

Glissant doucement un bras autour de sa taille, il la guida hors de la chambre, doucement.


« Viens, tu dois prendre un bol d’air frais, ça te fera du bien. Nous en profiterons pour discuter, rattraper le temps perdu. »

Tandis qu’ils parcouraient les couloirs labyrinthiques du baste manoir de Strauss, le propriétaire des lieux remarqua finalement un détail qui, pourtant, sautait aux yeux. Le plâtre. Les bleus. Elle a été agressée. Un froncement de sourcils léger indiqua qu’il avait été parcourut par une insidieuse colère, le gentleman demandant aussitôt d’une voix compatissante :


« Qui t’as fais ça ? Qui a osé te faire du mal ? Tu sais très bien que je ne laisserais plus jamais quelqu’un t’agresser. Jamais. Si jamais on osait mettre la main sur toi, mon châtiment sera aussi immédiat que mon courroux. »

L’éclat intense de ses prunelles bleutées indiquait clairement qu’il était un monstre de sérieux et qu’il pensait chaque mot prononcé. S’il était déjà peu enclin à être touché de près ou de loin dans son honneur, il attachait une plus grande importance envers la sécurité d’Aurore. Si la my’tränne le désirait, il irait jusqu’à traquer chaque personnage qui lui aurait fait du tort ou du mal pour le châtier à la hauteur de son amour pour sa tendre aimée.


« Mais tu me raconteras toutes les péripéties de tes aventures depuis notre dernière rencontre. J’ai hâte d’apprendre comment tu as rejoins ce continent et surtout comment tu m’as retrouvé, bien que je suis fort heureux de t’avoir à mes côtés. »

Arrivés aux jardins, Ludwig guida la chasseuse jusqu’à un banc de bois taillé, placé sous l’ombre salvatrice d’un grand chêne, près d’un vaste champ de fleurs multicolores aux parfums exquis. Un petit paquet soigneusement enveloppé reposait sur le bon. Aidant sa compagne à prendre place, il caressa l’une des mèches de sa moustache d’un air malicieux.


« J’espère que les lieux te plaisent, j’ai pensé que ça te rappellerait peut-être les vastes prairies de ta terre natale. Si tu le désires, je peux te faire visiter les champs dorés du sud, vastes terres agricoles où des céréales poussent à perte de vue. En plus il y’a peu de machines, alors j’imagine que ça ne peut que te charmer. »

Se frottant énergiquement les mains, il ajouta avec un ton plus sérieux :


« Mais d’abord, je souhaite que ton séjour chez moi soit le plus confortable possible. J’ai immédiatement pensé à ce qui pourrait t’intéresser comme activités. Des livres, bien sûr. Quelques ballades si tu le souhaites, n’importe où … non, quand même. Enfin, je ne souhaite pas te retenir bien sûr, mais je dois aussi veiller sur ta sécurité. Les gens sont de moins en moins tolérants ces derniers temps, mais sache qu’ici, tu es en sécurité. »

Passant doucement sa main le long des flammes qui composaient la chevelure de la mage avec une tendresse infinie, il sourit lentement, homme débarrassé de tout masque pour n’adopter qu’une attitude naturelle de douceur et d’amour. Qui aurait crut qu’un jour le parrain d’un vaste réseau mafieux et l’instigateur d’un terrible événement pouvait se montrer aussi angélique et paternel ? Les facettes de l’humanité étaient décidément un véritable mystère.


« J’ai un cadeau pour toi. Ouvres le paquet. »

Attendant patiemment qu’Aurore se décide à libérer le contenu de l’emballage, il se disait à lui-même qu’il avait fait un bon choix. Il avait passé bien des heures à méditer sur ce qui pourrait plaire à la my’tränne, passant dans sa tête une longue liste qui ne cessait d’être réduite à mesure qu’il écartait chaque choix devenu anodin. Petit à petit, l’idée se faisait plus claire, plus évidente, jusqu’à ne plus laisser la place au doute ou à l’hésitation. Le choix était logique, il était sûr qu’elle allait apprécier quelque qui allait parfaitement à sa personne.

Un arc. Non, pas un arc ordinaire comme on en trouve tant un peu partout dans le monde. Un bijou ! Solide, léger, pliable pour être emporté aisément partout avec soi sans problèmes, doté d’un complexe système de poulies qui donnait plus d’efficacité globale à l’arc, à savoir une vitesse accrue, une portée plus poussée et une force largement supérieure aux arcs de chasse ordinaires. Cerise sur le gâteau, une petite sphère de verre grossissant jouait le rôle de viseur au cas où Aurore souhaitait atteindre de sa flèche des cibles particulièrement éloignées. Rien de technologique susceptible de mettre mal à l’aise sa manipulatrice et suffisamment pratique pour qu’elle voit tous les avantages supplémentaires qu’il offrait en comparaison avec le reste de ses semblables.


« À défaut de chasser du daim, je pourrais installer un petit stand de tir ici. Tu profiteras de la nature tout en t’exerçant constamment. Peut-être que ce n’est pas le cadeau le plus adéquat qu’on offre à son amoureuse, mais c’est la meilleure idée qui a traversé mon esprit. »

À quoi s’attendre d’ailleurs de la part d’un marchand d’armes ? Mais si le choix était discutable, il y avait mit toute sa passion dans les détails et les apparences. Joindre l’utile à l’agréable, il avait ornementé la surface métallique de l’arc de fines arabesques ainsi que deux gravures représentant d’une part un dragon ailé et de l’autre un griffon majestueux, clin d’œil notable envers les architectes de prédilection de la rousse aventurière.

Croisant les mains derrière son dos, il attendit patiemment le verdict de la demoiselle. Il avait aussi profité de l’occasion pour acquérir un sabre de duelliste, ses récentes expériences hors de Daënastre lui ayant donné la conviction de s’armer plus adéquatement face aux potentielles menaces humaines qui attenteraient à sa vie. L’escrime était un art qu’il n’avait pas pratiqué depuis fort longtemps, mais il lui avait suffit de serrer le manche de son sabre nouvellement acquis pour pouvoir ressentir à nouveau les anciens enseignements, les parades, les bottes et les coups naturels fourmiller le long de sa peau jusqu’à son esprit éclairé.

Qui sait, peut-être s’entrainerait-il en compagnie d’Aurore ? Un peu d’exercice en compagnie de sa lumière serait sans doute bénéfique pour consolider d’avantage leur relation grandissante.

Oui, ce serait même merveilleux.

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[Terminé] Ou je coule ou c'est nous  EmptyMar 27 Fév - 11:09


- « Doutes-tu encore de mes sentiments, Aurore ? »

Comme-ci la réponse pouvait être aussi simple, comme-ci d’un battement de cils elle pouvait choisir d’oublier ce qu’elle savait. Ce n’était pas un choix égoïste, ce n’était pas juste un toi et moi, c’était un toi et moi contre le monde, contre les peuples. Il était daënar, elle était my’tränne, ce simple état de fait était une contradiction à lui tout seul. Ajoutez à celui-ci le mélange d’un caractère destructeur et d’un autre bien trop protecteur et vous obtenez une bombe à retardement. Pourquoi tout ne pouvait-il pas être simple avec toi Ludwig ? Pourquoi fallait-il que tu décides de tout faire sauter ? Pourquoi… Tout ça ne finirait certainement pas en « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». Mais, sans ça, sans tout ça, le duo ne se serait certainement jamais rencontré, jamais fréquenté, tout aurait certainement été plus logique, plus cohérent, pas de mélange, pas de tourment, pas de souffrance, pas de nous. L’avisant un long moment Aurore eut ce sentiment étrange, celui de couler, d’accepter de sombrer pour mieux sauver ce nous en création. Ou je coule ou c’est nous. C’était ça. Juste ça. Sombrer pour mieux le sauver, sombrer pour espérer, sombrer pour le posséder. Il n’y aurait pas de fin heureuse, il y aurait juste une fin construite à deux. Murmurant les mots tant attendus, elle prononça sa condamnation. Sa sentence était sans appel, sans retour en arrière, elle était condamnée à se perdre pour mieux le trouver. Ou je coule ou c’est nous, oui, elle l’acceptait.

Fermant les yeux, son nez était venu respirer son odeur, se perdre dans le creux de son épaule, effleurer le tissu qui recouvrait le haut de son corps. Ses doigts passèrent dans son dos, serrant sa chemise autant qu’elle le pouvait, la froissant sans délicatesse. L’intensité de ce qu’elle pouvait ressentir, des émotions si contradictoires, de ce bien-être teinté d’obscurité, de souffrance. L’enlaçant avec cette tendresse particulière, Aurore découvrait dans le même instant les joies et les dérives de l’Amour. Le positif et le négatif. Encore fallait-il simplement accepter, admettre être amoureuse et malgré les mots interdits prononcés ce n’était pas entièrement le cas. Un échange silencieux, un échange sincère, c’était tout ceux dont ils avaient besoin.

L’homme d’affaire avait fini par glisser une main sur les hanches de la my’tränne la guidant jusqu’à l’extérieur de la chambre et Aurore le suivi sans poser de questions. Une autre découverte l’attendait, l’épreuve de parvenir à avancer à deux, dans un rythme régulier sans gêner l’autre dans ses mouvements de marche. Ça paraissait si simple en regardant les autres couples, c’était si complexe en réalité. Il lui proposait de prendre un peu l’air, elle opinait simplement en guise de réponses visiblement ailleurs. Son bras plâtré se retrouvait contre son ventre, son bras libre cherchait un endroit où se placer. Derrière son dos, sans réellement oser le toucher, proche de sa main libre… Laissant un léger soupir de gêne s’échapper de ses lèvres, elle finit par cesser de réfléchir sur le comment du pourquoi.

Il était impossible pour l’étrangère qu’elle était de se repérer dans les couloirs et les multitudes de portes que possédait le domaine, impossible pour elle de saisir encore toute la subtilité de l’orientation dans l’immense domicile de Ludwig. Son regard flancha, vibra un instant alors qu’il formulait une menace vis-à-vis de ceux l’ayant agressé. Comment avait-elle pu avoir la naïveté de croire qu’il ne se douterait de rien, comment pouvait-elle sincèrement penser qu’elle pourrait lui faire croire que ce n’était pas ça. Aure se contenta de secouer doucement la tête, ses yeux avisant le sol, elle n’avait aucun souvenir de l’événement, le médecin avait signifié que c’était à cause de son traumatisme. La my’tränne, même avec de la bonne volonté était tout simplement incapable de se remémorer le moment, elle n’avait que de brèves images d’elle à l’hôpital et de l’inquiétude d’Allys. Croisant le regard particulièrement sérieux de Ludwig, Aurore ressentis un léger frisson lui parcourir l’échine, elle savait que ce n’était pas des paroles en l’air, prononcé sous une quelconque colère. Ses doigts avaient fini par effleurer son plâtre, perplexe. Devrait-elle l’enlever rapidement, d’abord pour elle puis pour lui qu’il n’est pas en permanence sous les yeux, la preuve de son agression.


- « Je sais me défendre toute seule, tu sais… » souffla-t-elle tout en douceur « Tu n’as pas t’inquiéter tout va bien se passer… et puis ce n’est pas ce que tu crois. »

C’était entièrement ce qu’il croyait, cependant, Aure n’avait pas réellement envie de le voir s’inquiéter en permanence. La jeune femme ne voulait pas être un poids, loin de là. Lentement, le désormais couple avançait en direction du jardin, son bras non plâtré ayant finalement trouvé sa place dans le dos Ludwig. La my’tränne avait de nouveau opiné quand il évoqua le fait de lui raconter comment elle en était arrivée là, c’était une histoire pas si incroyable que ça finalement. La rouquine avait eu la chance de tomber sur les bonnes personnes, au bon moment. Les pas du duo avaient fini par fouler le jardin, qui contrastait royalement avec l’intérieur du domaine. Des fleurs, des arbres de la verdure, Aurore ne pouvait que se sentir légèrement mieux ici, Ludwig avait donc bien vu. Il n’y avait aucun doute sur le fait qu’elle risquait de passer la plupart de son temps libre dans le « jardin ». S’installant sur le banc en bois agréablement taillé se trouvant sous un grand chêne. Aurore délaissa un instant son attention de l’industriel pour aviser la beauté du lieu. La phrase qui l’avait marqué profondément plus tôt résonna encore dans son esprit, douloureusement ‘est-ce que tu m’aimes’. Finalement, l’homme n’avait pas répondu à la question lui non plus, esquivant habillant en lui retournant une autre interrogation, la poussant dans son retranchement, dans son aveu le plus complexe à admettre. C’est la voix grave et envoûtante du marchand d’armes qui la ramena à la réalité, alors qu’une nouvelle fois elle fuyait plus ou moins son contact, son regard. Il voulait l’emmener visiter des lieux, voir des champs, des terres agricoles. Était-ce parce que c’était une ‘sauvage’, une paysanne qu’il ne pensait aucunement à lui montrer son quotidien, le vrai ?  Son regard se releva soudainement vers lui, à cause d’un mot qui lui trancha l’âme déjà bien abîmé « séjour », elle se pinça la lèvre inférieure, blessée sans en comprendre la raison. Un séjour avait toujours un début et une fin, s’était une visite, rien d’important. Son cœur s’était tordu dans sa poitrine, avec violence, alors qu’elle tentait de déglutir. Qu’est-ce qu’elle pouvait être naïve.

- «  Séjour… » répéta-t-elle d’une voix si basse, éteinte « je suis certaine qu’il se passera bien, oui. » Poursuivit-elle avec la même intonation, le même débit.

Elle n’eut de toute façon, pas réellement le temps de s’investir davantage dans les maux que pouvait engendrer un mot. Ludwig semblait heureux, agissait comme un enfant emplit de bonheur et de joie, alors, elle se contenterait de ça. Il s’était frotté les mains, activement, pour lui annoncer qu’il avait un cadeau pour elle, tout en rajoutant avant qu’en ce moment, l’ambiance était tendue dans le continent. La faute à qui ? Sa pensée sévère à l’égard de celui qu’elle aimait lui tira une nouvelle douleur à l’âme, oooh Ludwig, pourquoi tout ne pouvait-il pas être bien plus simple ?  La my’tränne avait haussé un sourcil, avisant à la fois le paquet, puis lui. Le présent sur les genoux, elle ne ressentit aucune envie de l’ouvrir, le mot fait de lame de rasoir résonnant encore dans son esprit « séjour ». Était-ce ça au fond ? Un passage éclair qui ferait plus de mal que de bien, puis un départ pour un retour aux sources, pour retrouver une vie banale. Était-ce déjà sa crise de la trentaine en avance, un simple coup de folie que Ludwig semblait ne vouloir qu’obtenir qu’en tant que « séjour ». Ses doigts se crispèrent froissant le papier d’emballage du cadeau, alors qu’elle sentait ce regard insistant plein d’émotion qui attendait certainement de voir les yeux de la rouquine s’émerveiller. Son souffle se coupa un instant, comme si une angoisse soudaine l’empêche de respirer, elle dû se faire violence pour parler.

- « Merci… » dit-elle « tu n’étais pas obligé… Je suis désolée, je n’ai rien pour toi… »

Un soupçon de gêne, de culpabilité aussi, elle n’avait rien, il tentait d’être agréable et elle ne parvenait pas encore à passer outre toutes les révélations. C’était une journée terrible, intense, il était évident que même si il semblait moins le montrer, il allait lui aussi ressentir la pression et la douloureuse sensation de marcher sur des œufs. Prenant une légère inspiration, elle avait finalement cédé à la curiosité de déballer le cadeau. À une main, en réclamant de l’aide juste d’un regard, elle avait fini par l’ouvrir entièrement. Aure ne comprit pas au premier coup d’œil de quoi il s’agissait. Elle retourna le tout sur tous les sens, avant d’actionner involontairement le mécanisme qui déplia l’arc. Ses yeux s’écarquillèrent et un petit hoquet de surprise s’était exfiltré de ses lèvres. Oh. Ce fut une véritable vague d’émotion qui s’empara des traits de son visage, positive et négative. Positive, parce que l’arc semblait avoir été fait pour elle, il avait donc dû penser à elle, il avait été attentif à ce qu’elle aimait, ce qu’elle faisait et négative, parce que la représentation de ses architectes la réconforta et la violenta en même temps. Persuadé d’avoir trahi ceux à qui elle croyait le plus au monde. Aucune larme ne roula le long des joues de la rouquine, ses yeux s’étaient évidemment mis à briller avec plus d’intensité tout en découvrant petit à petit les attentions, les mécanismes naturels. Aucune nausée, aucun mot de ventre…Il avait fait attention à ce que l’arme ne la rende pas malade. Si elle restait silencieuse, le doute n’était néanmoins pas permis vis-à-vis du fait qu’elle aimait et que l’idée l’avait, semble-t-il profondément touché. Encore une fois, en reprenant la parole, il l’acheva. Complètement. Entièrement. Le meilleur cadeau à offrir à son amoureuse ? Amoureuse. Un mot encore qui se répéta en boucle dans l’esprit de celle qui n’avait d’une part jamais connu quoi que ce soit qui ressemblait de prêt ou de loin aux émotions particulièrement fortes qu’elle ressentait à son égard, d’autre part qui avait, semble-t-il décider de faire dans le compliqué en aimant un non-mage.

Silencieuse, Aurore fixait l’arc sur ses genoux, ses doigts passant avec douceur sur la représentation de ses architectes. Elle ne le regardait pas, ne lui sautait pas au cou, ne savait pas comment réagir face à tout ça, ne savait pas comment… Comment vivre cette situation. Lentement, elle ferma les yeux, puisa dans ses dernières ressources la force nécessaire, elle avait accepté de sombrer, de couler pour lui, autant aller jusqu’au bout. Ouvrant de nouveau ses prunelles, elle tourna légèrement la tête pour l’aviser, le détaillant, cherchant comme au premier jour à s’imprégner de sa silhouette dans le moindre détail.


- «  Il est parfait Ludwig, merci beaucoup. »

La politesse pour commencer, puis une approche maladroite pour venir l’embrasser. Une main sur sa cuisse à lui, pour se pencher suffisamment pour venir déposer ses lèvres contre les siennes, pour sentir son ventre se retourner de contentement et de bien être juste en effectuant ce geste si simple. Sentir aussi, encore ses joues s’enflammer, d’autant plus quand il effleure sa chevelure avec autant de tendresse. Qu’est-ce qu’il lui avait fait. À côté de ça, l’esprit de la my’tränne s’agitait, n’avait de cesser de hurler à quel point elle était inconsciente, à quel point il n’y avait aucune logique à tout ça, à quel point… Cruel dilemme que de devoir choisir entre la raison et son âme, cruelle décision qui n’aurait de cesser d’être remis en question. Pour l’heure Aurore le choisissait lui et rien ne la ferait sans doute changer d’avis. Rompant l’échange dans une délicatesse qu’elle se trouvait, elle le regarda un long moment, cherchant les bons mots, cherchant à lui faire entendre toute la reconnaissante et l’inquiétude qu’elle pouvait ressentir.

- «  Ton amoureuse ? » souffla-t-elle pour débuter, tout semblait si simple à nommer pour lui, chaque réaction semblait fluide, d’une imparable logique, alors qu’elle, elle était terrifiée «  Je veux bien m’entraîner ici durant mon séjour, je pourrai peut-être même t’apprendre si tu veux… Enfin… quand tu m’auras retiré ça » elle montre son plâtre d’un geste de la tête, elle n’en démord pas. «  Tu me diras quand je devrais partir... Je ne suis pas certaine de retrouver le chemin jusqu’au bateau très vite… »

C’était d’une imparable logique et sa phrase n’était le fruit que sa méconnaissance et de sa compréhension maladroite. Si un séjour avait une fin, il devait déjà avoir une idée de quand il ne souhaitait plus la voir dans les parages, aussi préférait-elle l’entendre de sa bouche afin d’accuser pleinement le coup. Elle n’était plus à une douleur près. Ses doigts se resserrent lentement sur l’arc, alors que son cœur semblait se faire piétiner allégrement. Une nouvelle fois, elle se pinça la lèvre inférieure, cherchant à conserver un calme, en apparence tout du moins.

- «  Je ne connais pas tout ça » lâcha-t-elle brusquement « C’est nouveau, tu comprends… Alors… je ne comprends pas tout. » Ignorante, douloureusement ignorante « Je n’ai pas envie d’être un poids, je n’ai pas envie que tu sois triste si on s’acharne sur moi... » ses doigts se serrèrent davantage « Parce que ça arrivera. Des coups, j’en prendrai… Peut-être plus violent que les hommes qui m’ont battu… » sa voix vibra un instant, une image revenant à sa mémoire « Parce que… ça va empirer cette situation. » Parce qu’il était coupable, il était le responsable de tout ça, c’est ce qu’il voulait, ce qu’il avait voulu « Peu importe mes croyances Ludwig, c’est toi que je choisis… et c’est dur. » Elle ferma les yeux « Je.. tu… et moi… »

Le silence, un instant, intense, prenant, alors qu’elle cherchait ses mots, alors que sa gorge semblait refuser de laisser passer l’air jusqu’à ses poumons. C’était à la fois violent et attendrissant, à la fois beau et cruel. Un souffle chaud et un souffle froid, le cul entre deux chaises, sans parvenir à se relever sans tomber.

- «  Qu’est-ce je vais être pour toi ? » surenchérit-elle avec plus de force «  Une sauvageonne qu’on cache comme un trésor bien gardé ? Une amoureuse le temps de son séjour ici ? » elle était à la fois douce et sévère, accusatrice sans le vouloir « Je ne connais rien de tout ça, je n’ai pas envie d’être une amoureuse séjouristique, j’ai envie d’être à toi. »

Ça tombait comme une explosion dans sa poitrine, alors qu’elle exprimait clairement les choses et elle déposa un doigt sur les lèvres de Ludwig, l’incitant à garder le silence, l’incitant à la laisser s’exprimer pendant qu’elle avait le courage, le cran, que la fatigue endormait son cerveau, coupant le filtre qu’elle s’imposait généralement.

- «  Ca ne serait jamais simple entre nous… » elle se mordit la lèvre inférieure « Essayons, apprends-moi… » elle réitéra le contrat qu’elle avait en tête « Pas de mensonge, on joue cartes sur table… »

Elle retira son doigt de ses lèvres, l’avisant un long moment les yeux brillants, elle avait brisé l’instant de plénitude qu’il devait ressentir, ramenant le tout dans une cruelle réalité. Elle était désolée, devait-elle apprendre à se taire, elle se reconcentra sur l’arc, coupable. Il n’y aurait pas de fin heureuse, pas de princesse à sauver ou de prince charmant. Le couple n’avait pas eu le droit à l’insouciance d’un début, simplement heureux. Pas de passage dans le petit bassin pour apprendre à nager, ils s’étaient jetés directement dans la mer avec les requins.

- « Je suis désolée… » d’être brusque, de ne pas savoir, de ne pas connaître, d’avoir peur, de penser être un monstre «  désolé » elle prit une légère inspiration décidant de changeant de sujet « Mon bras… les marques… J’ai été inconsciente… Allys m’avait dit de ne pas sortir, ou de me changer, je n’ai pas voulu, je ne pensais pas que… juste par ce que j’étais.. Enfin, je ne pensais pas que c’était à ce point-là. » Elle fit une pause « Je me suis réveillée dans votre ‘hôpital’ avec ça. » Elle désigne le plâtre « Le ‘médecin’ a dit que j’avais eu de la chance… Que je ne devais pas avoir d’émotion violente à cause du quelque chose ‘crânien’ » traumatisme crânien, le mot qu’elle n’avait pas compris pas retenu, en tout cas pour sûr, elle n’avait rien retenu de la leçon «  Mais ça va. »

Elle l’avisa un instant, déposant sa main non plâtrée sur sa cuisse, pour le rassurer pour lui montrer qu’elle allait bien, qu’elle était vivante et avec lui.

- «  Allys, m’a aidé à te retrouver de my’trä à ici… Puis, c’est une certaine Gwen qui m’a donné ton adresse… Tu as travaillé avec elle, je crois, elles te connaissaient en tout cas… » mais ni l’une ni l’autre, ni lui avait dit à quel point elle allait droit dans le mur.

Faisant une nouvelle pause, la jeune femme prit une légère inspiration, elle avait dit tout ce qu’elle avait à dire. Cela lui avait semblait important de partir sur une bonne base, sur de l’honnêteté pure avant de se laisser doucement aller dans l’aveuglement, dans ses bras. Elle restait, il devait le savoir, elle restait pour lui, peu importe ce qu’il lui arriverait. Parce que sans savoir pourquoi, sans comprendre la raison, elle avait l’impression d’être lié, l’impression d’être à sa place quand elle tenait juste à ses côtés.

- «  D’accord pour que tu me montres la beauté de la région, qu’on s’enferme dans une bulle un temps, d’oublier qu’on va se faire du mal sans le voir… mais après, je veux connaître ta vie, avec votre technologie, ta technologie… »

Il faudrait cependant prévoir un bon nombre de sacs à vomis… Et plus. Avisant Ludwig une nouvelle fois, elle semblait avoir dit tout ce qu’elle avait sur le cœur, ce qu’elle pensait. Quitte à se répéter parfois, les choses étaient définitivement dites.


Ludwig Strauss
Ludwig Strauss
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[Terminé] Ou je coule ou c'est nous  EmptySam 17 Mar - 16:40
Irys : 1073433
Profession : [Officielle] Propriétaire d'industries de l'armement [Officieusement] Baron du crime
Daënar -2
Un petit soupir, un lent hochement de la tête, puis un petit sourire amical. Telles furent les premières réactions de Ludwig quand Aurore avait finit par libérer tout le fardeau de son cœur et tout les tracas de son esprit, mettant cartes sur table, lui avouant sentiments et inquiétudes dans un flot presque ininterrompu. Certaines « révélations » ne furent nullement une surprise pour le gentleman. Après tout, il avait toujours eu ce petit don pour mieux dessiner le portrait de ses interlocuteurs après une discussion, même si Aurore s’était révélée être un océan instable de sentiments contradictoires bien difficiles à déchiffrer.

Prenant une longue inspiration, il se déplaça lentement avant de prendre place à la droite d’Aurore, se plaçant sur le confortable petit banc au milieu des jardins fleuris. Le daënar appréciait particulièrement cet endroit. Paix, quiétude, calme, sérénité, les vastes jardins de la grande demeure Strauss qui transpirait la fortune et le luxe étaient un véritable havre où il adorait se détendre, s’installer seul et méditer calmement, lire un livre, un journal, ou simplement écouter la multitude d’oiseaux chanter et roucouler sur les arbres dont les branches garnies de fruits attiraient les races à plumes les plus exotiques. Pensiez-vous qu’un homme aux ambitions forgées dans les actes les plus diaboliques soit forcément condamné à se terrer dans les ombres d’une usine désaffectée, camouflé dans les relents putrides des égouts ou réfugié dans un cimetière aux miasmes lourds et glauques ?

Ludwig était-il un monstre ? Une question très intéressante. Mais il se moquait bien de celle-ci, préférant plutôt se demander s’il méritait Aurore, cette perle unique, ce joyau précieux, cet ange qui semblait parvenir à le changer, à l’adoucir, à lui faire rabattre sa cape d’encre pour porter un manteau de douceur et d’amour. Sorcellerie ? Enchantement ? Manipulation psychique ? Non, c’était quelque chose qu’il avait déjà ressentit, il y’a fort, fort longtemps, dans les ruelles les moins délabrées d’Aildor, où il venait tout juste de fuir son continent natal pour s’installer en tant que médecin, puis à rejoindre la mafia d’une famille dans la fille avait été la première à percer la carapace d’acier qui enveloppait le cœur du Baron. Comme Aurore savait si bien le faire par sa seule présence, son sourire, sa voix tendre et adorable.

Le mafieux glisse lentement sa main le long des épaules de sa partenaire de vie, puis l’approche délicatement contre lui, la gardant confortablement contre son torse. Pas un mot ne quitta les lèvres de cet étrange personnage, seulement un petit sourire qui n’avait rien de malicieux ou taquin, mais plutôt une impression de bonheur qu’on n’avait pas l’habitude de lire sur les traits peu expressifs du fortuné daënar.

« Tu sais, Aurore, il ne faut pas que tu traduises littéralement chaque mot que je prononce. J’imagine qu’au fil du temps en apprendra à ressentir les sentiments qu’on se partage dans chaque mot qu’on se chuchotera. »

Pointant de l’index les fleurs à proximité, où nombres de papillons aux ailes duveteuses et colorées voletaient avec harmonie d’une plante à l’autre, il ajouta :

« Ces insectes sont vulnérables et fragiles. À tout moment, l’oiseau peut venir les croquer, le vent les souffler, tomber sur une toile d’araignée. Mais elles ne s’en soucient pas, elles poursuivent leur vol paisiblement et joyeusement, butinant la vie avec délice. Je sais que notre relation florissante ne sera pas de tout repos, mais je ne souhaite pas passer notre précieux temps ensembles à craindre les conséquences de notre amour. »

Serrant un peu plus la my’tränne avec son bras protecteur, il murmura, sur le ton de la confidence :

« Je veux juste vivre cette passion qui nous lie, toi et moi. Ce coup de foudre, je veux m’en abreuver à jamais, qu’importent les conséquences. C’est la dernière lueur de soleil qui éclaire encore mon âme. »

Ses lèvres se pincent, son regard se perd vers l’horizon. Il semble soudain pensif, mélancolique, troublé. Le voilà plongé dans une pensée particulière, l’antichambre de ses souvenirs. Il y sent ce vide soudain, cette libération accompagnée d’un sentiment de manque. Comme une pièce absente, quelque chose qui n’avait pour seul but que de rappeler de douloureuses sensations, mais dont la présence semblait nécessaire pour ce cœur assoiffé de souffrance, de châtiment, de repentit. L’âme martyre veut récupérer un souvenir en particulier, un fardeau qu’elle voulait embrasser en entier maintenant qu’elle avait le soutien de l’amour pour en supporter le poids mortel.

Serait-il capable de supporter à nouveau le gouffre qu’avait laissé la tragique fin de Katharina ? Elle était son pont au-dessus des abysses glacials, mais maintenant il avait un navire de roses et d’or qui lui redonnait le droit de voir la lumière du jour, Aurore. Elle était littéralement l’aurore de sa vie, des rayons de lumière chassant l’obscurité opaque des ténèbres que le désespoir avait engendré tel un poison distillé par une minutieuse et impitoyable araignée dont les fils s’étaient refermées autour du mafieux punit pour ses odieuses machinations envers les Architectes et leurs créations.

Oui, avec elle à ses côtés, il ne pouvait plus tomber. Son souffle et sa vigueur reprirent un peu de leur tonus à cette pensée, l’homme semblant se redresser légèrement, ses traits s’éclaircir et, après tant de temps, la lueur bleutée intelligente gagna ses prunelles jusque là vidées de leur énergie malicieuse.

« T’ais-je remercié ? Je ne sais plus, c’est étrange. En tout cas, merci. Merci de croire en moi malgré tout ce que tu as découvert. Quelques jours supplémentaires dans ma chambre et je suis sûr qu’on m’aurait retrouvé mort avec un pistolet entre mes doigts glacés. »

Brièvement, doucement, il déposa ses lèvres sur la chevelure de feu de sa partenaire, s’enivrant un bref moment de ce parfum unique qu’elle possédait, la douce fragrance de la liberté, la nature et la paix. Elle œuvrait pour la paix de son peuple là où lui jouait dans les deux camps pour une fortune qui lui semblait être désormais bien banale. Que faire d’autant d’argent gagné dans le sang des victimes de ses tromperies ingénieuses ? Voyons, quelle était la règle d’or déjà ? Ah ! Qui détient l’or établit les règles. Douce promesse que d’avoir le pouvoir dans son sens brut. La fortune économique, un empire financier, et le monde se met à vos pieds. Devenir le numéro un, l’homme que tout le monde cherche à attirer ses faveurs, à plaire afin de grignoter les quelques miettes d’une richesse légendaire. Tant de promesses qui avaient animé une cupidité étrange chez le gentleman, une cupidité et une malignité servie par une intelligence vive et froide.

Mais à quel prix ?

« Un peu plus au Sud, les champs de blé sont magnifiques. On dirait un vaste océan doré, se mouvant langoureusement au gré des caresses du vent. Pas de technologie encombrante et bruyante pour te faire tourner la tête, tu n’auras que l’air pur à respirer à pleins poumons. Tu es toute pâle et ça m’inquiète. Je n’ignore pas que la présence de certains appareils te met en mauvais état et je serais un bien piètre partenaire que de te laisser souffrir entre les murs de ma demeure … non, notre demeure. Je ferais en sorte de diminuer la présence de technologie dans le manoir. Ou agrandir la demeure familiale, peut-être en achetant quelques hectares de terre sur lesquels on bâtira une demeure respectant totalement ta culture et tes envies, qu’en penses-tu ? »

Ludwig était sincère, il désirait que sa chère et tendre s’épanouisse comme une rose et non qu’elle se flétrisse et dépérisse silencieusement comme un oiseau en cage perdant petit à petit de sa joie de vivre.

« Je t’enseignerais les coutumes de mon peuple et tu en feras autant avec moi. Nous aurons matière à discuter de choses intéressantes, ce sera bon pour nos deux esprits et ça nous rapprochera d’avantage. »

Ou était-ce un prétexte pour qu’il découvre le fonctionnement hétéroclite du commerce chez les fils de la magie ?

« Il va falloir de la patience et de la délicatesse, notre couple est très particulier. Mais je crois en nous. Cependant, n’hésites jamais à me dire si tu rencontres un problème. Surtout en rapport aux gens de ce continent. Si quelqu’un te manque de respect, te menace, te méprise ou essaye de te faire du mal, tu me le dis aussitôt et ce même si je ne doute pas de ta capacité à te défendre. »

Serrant les deux mains de la chasseuse aux prunelles d’émeraude, il les garda tendrement entre ses larges paumes, caressant doucement de la pulpe de son pouce la peau pâle et soyeuse de la jeune femme.

« Personne n’osera te contrarier à présent, car tu es avec moi. C’est mon amour et mon honneur qu’ils contrarieraient et ils n’oseraient arriver à cette tragique extrémité. Mais prends garde néanmoins, car les esprits malveillants ne manquent pas, ici comme ailleurs. »

Des esprits malveillants qui hésiteront longtemps à l’atteindre, ceci dit. Car si eux étaient de féroces hyènes aux yeux affamés, pouvaient-ils rivaliser avec un requin gardant précieusement sa chère et tendre comme un dragon gardant jalousement son précieux trésor ? Autant dire qu’Aurore était relativement en sécurité … tant qu’elle restait près de l’influence de Ludwig. Le simple souvenir de Katharina s’aventurant au-delà de toute civilisation était une bien amère leçon confirmant la règle.

Une fraction de seconde seulement, il se remémora le nom prononcé par la rousse à ses cotés. Gwen. Elle le connaissait. Serait-ce l’intrépide voleuse qu’il avait engagé à Skingrad pour s’emparer des précieux documents d’un scientifique à forte notoriété ? Voilà une bien étrange coïncidence. Le fait qu’elle n’ait rien dévoilée à la mage semblait normal, mais il s’attendait à ce qu’elle interprète ce geste comme une faveur. Une dette. Une option possible, bien que difficilement concevable.

« Tu n’as pas besoin de tout comprendre d’un coup, Aurore. Prends ton temps, je t’apprendrais tout ce qu’il faut, autant de temps qu’il en faudra. Tu découvriras bien assez tôt ma vie, puisque tu insistes tant à la voir, même si je doute que grimper avec moi à bord de moyens de transport modernes te fasse le plus grand bien. »

Un petit sourire malicieux éclaira un peu plus ses traits, donnant une petite touche de gaieté à cette ambiance relativement paisible, malgré ses débuts difficiles et ses bases fragiles.

Mais ils pouvaient espérer, rêver.

« As-tu déjà goûté à des pancakes ? Tu verras, tu vas a-do-rer ! »

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[Terminé] Ou je coule ou c'est nous  EmptySam 7 Avr - 17:41


Il était venu s’installer à sa droite, glissant un bras derrière ses épaules pour l’attirer jusqu’à lui. La jeune femme à la chevelure de feu avait déposé sa tête contre le haut de son torse, respirant son odeur, écoutant les battements du muscle cardiaque qu’elle percevait enfin. Le rythme était régulier, calme, apaisant. Aurore n’avait pas pu s’empêcher de fermer les yeux, de savourer ce moment en dehors de toute source d’inquiétude. Libéré de ses angoisses qu’elle venait d’exprimer, tout lui semblait soudainement moins compliqué, plus simple. Il était là, avec elle, c’était tout, rien d’autre n’avait d’importance. La my’tränne était de toute façon bien trop fatiguée pour réfléchir autrement, tout ceci était trop rapide pour être parfaitement intégré par la rousse, trop inconnue sans doute aussi. Les yeux clos, la my’tränne attendait une réaction, une parole, un élément réconfortant auquel se raccrocher afin de définitivement oublié que tout allait être terriblement compliqué à présent. Après plusieurs minutes de silence, la voix de Ludwig avait fini par se faire entendre, douce, grave, rassurante. Ses lèvres étaient venues se poser sur la chevelure de feu de la non-daënare, avant de s’autoriser à parler.

L’industriel lui expliquait qu’elle ne devait pas tout prendre au pied de la lettre et Aurore tentait tant bien que mal d’enregistrer l’information. Est-ce que cela signifiait qu’il n’avait pas envie qu’elle parte immédiatement ? Peu importe. Un mouvement de sa part l’obligea à ouvrir délicatement les yeux, afin de suivre l’élément qui accaparait l’attention de l’homme d’affaires. Des papillons. Curieuse, Aure s’était simplement très légèrement redressée, sans quitter l’épaule réconfortante de celui qu’elle aimait. Ses deux émeraudes se fixèrent à son tour sur l’étendue de fleurs délicieusement agrémentées par une multitude d’insectes aux ailes parfaitement colorés formant des formes agréables à l’œil. Ludwig tentait de faire une comparaison un peu hasardeuse, pour celle qui était très certainement un peu trop terre à terre. Les paroles étaient bien trop douces et pleines de tendresse pour être contredite, aussi, la rouquine se contenta de garder pour elle l’information sur l’espérance de vie des papillons.

L’enlaçant avec davantage de tendresse, murmurant des paroles qu’elle n’avait simplement que rêvé d’entendre. La my’tränne restait silencieuse, savourant ce sentiment de sécurité omniprésente qui venait réchauffer son cœur. Aure ne pouvait que le laisser poursuivre, sans briser le silence qui venait de s’installer. Le doute était une donnée importante pour trouver un équilibre, ne pouvait-elle pas lui reprocher de ressentir de l’inquiétude ou simplement un questionnement vis-à-vis de cette relation qui venait à peine de naître. Au fond, Ludwig avait raison, Aure devait cesser de réfléchir, vivre simplement le moment présent, c’est tout. Serrant doucement la main de Ludwig, effleurant du bout des doigts la paume de sa main, avec une certaine tendresse. Il semblait soudainement absent, ailleurs, loin et la my’tränne bien trop dans l’instant présent. Bougeant légèrement la tête sur son épaule, laissant son nez effleurer son cou, sa respiration caresser sa peau, Aure ne pouvait imaginer une plus belle récompense que ses sentiments partagés. Elle n’avait pas fait tout ça pour rien. Jamais, au grand jamais elle n’eut la présence d’esprit d’imaginer qu’il pourrait la manipuler. Elle lui confiait de manière indirecte, sa dernière croyance en l’humain, sa confiance aveugle en lui.

Ludwig avait fini par reprendre la parole, brisant une nouvelle fois le silence qui avait fini par s’installer entre eux. Ses paroles obligèrent la rouquine à quitter sa position pour se redresser, pour aviser ce visage si sérieux. Il pensait réellement ses paroles, elle pouvait le percevoir dans ses yeux. Ne pouvait-elle simplement pas accepter l’idée qu’elle aurait pu arriver trop tard. Que lui aurait pu abandonner la vie de cette manière-là. Aussi douloureuse avait pu être la perte de Katharina, cela n’aurait sûrement pas pu être la volonté de sa fille de voir son père disparaître ainsi. L’ancienne chasseuse ne put que davantage froncer les sourcils, secouant doucement la tête, trouvant enfin la force lui répondre, de faire entendre le son de sa voix :


- « Ne dis pas ça… Tu as toujours été un homme de caractère » souffle-t-elle « tu aurais trouvé la force de te relever, au moins pour te venger. Et pour les remerciements, ce n’est pas la peine… C’est inutile. Ce n’est pas un choix que je fais.»

Elle n’en était pas réellement certaine, mais peu importe, le passé était le passé, il était inutile à ses yeux de revenir dessus. Seul l’avenir avait de la valeur et il était pour l’heure particulièrement incertain. Les remerciements ne trouvaient pas d’écho non plus dans son esprit, Aurore n’avait pas choisi d’avoir des sentiments à son égard, tout comme elle n’avait pas choisi d’être dépendante de lui, de ses sentiments, de sa tendresse, de sa façon de se comporter. La suite, la my’tränne ne s’y attend pas, d’aucune façon, c’est un peu comme-ci soudainement, il lui tendait la main en lui proposant d’avancer ensemble. Toujours. La rousse sentit son cœur se contracter dans poitrine, s’emballer et les joues s’empourprer d’un rose pâle, colorant enfin un peu son visage pâle. L’industriel lui proposait de vivre à deux, de construire une maison, de trouver un équilibre à deux. Les yeux brillants elle l’avisa un long moment avec cette intensité dans le regard, que pouvait-elle lui dire hormis un oui, grand, magique, intense ? Pourtant rien ne s’échappa de ses lèvres, hormis un sourire sincère, reconnaissant. L’homme avait simplement poursuivi par la suite, évoquant son envie d’expliquer à Aurore son quotidien ses coutumes, mais d’en apprendre aussi sur les siennes. Aucune méfiance dans l’esprit de la mage qui ne voyait là qu’une preuve d’un attachement sincère, elle opina simplement, plus vivement cette fois-ci.

La suite la fit davantage grimacer, cette protection presque étouffante que Ludwig semblait vouloir instaurer petit à petit ne lui plaisait pas réellement, sans pour autant trouver ça dérangeant ou non justifié. Elle le comprenait, mais devrait lui prouver, lui faire comprendre qu’elle était tout à fait en mesure de se protéger sans son aura. Aurore voulait se faire respecter pour ce qu’elle était et non parce qu’elle sortait avec un homme influent. La fin de la conversation la fit franchement grimacer, il parlait de nouveau de transport et Aurore ne pouvait que comparer avec l’état où elle avait été en prenant le train. Elle ne put d’ailleurs pas s’empêcher de le souligner.


- « Si tu m’obliges à prendre vos choses horribles comme le train… Promets-moi de me faire dormir avant… Sans quoi tu risques de me voir dans un état qui te fera fuir pour au moins dix ans. »

Il était évidemment qu’au début de la relation tout devait être tout rose, tout beau, alors imaginer juste une seconde, Ludwig lui tenir les cheveux pendant qu’elle se vidait par le haut lui offrit un épouvantable frisson. Non. Impossible. Il était hors de question, ou alors…. Elle eut un regard plein de malice, plein de taquinerie.

- « À moins que je te fasse partager mon ressenti par une illusion. Ne faut-il pas tout partager lorsque nous sommes en couple ? »

La dernière question la fit froncer les sourcils, bêtement, naïvement. Des panquoi ? Non, elle n’en avait jamais mangé et le nom ne lui inspirait pas grand-chose. Aure n’était d’ailleurs pas franchement certaine qu’il soit capable de cuisiner lui… La rouquine vint simplement trouver les lèvres de son tendre, difficile de croire que l’instant était réel. D’ailleurs, tout lui semblait encore complètement fou. Elle l’embrassa avec une tendresse non feinte, laissant une nouvelle fois son corps découvrir une multitude de sensations et les langues s’apprivoiser. Rompant l’échange tout en délicatesse, elle lui avait simplement murmuré :

- « Si c’est toi, qui cuisine seulement… Donc je suppose que tu vas devoir t’entraîner un peu… »

La suite était étrange, silencieuse, elle avait abandonné sa posture proche pour redécouvrir son arc qui était posé sur son plâtre, pour découvrir le lieu, l’endroit. Volontairement, elle ne lui avait donné aucune réponse pour l’habitation, pour la demeure, préférait-elle savourer l’instant, puis voir la relation évoluée positivement ou alors était-ce simplement qu’elle conservait cette crainte que tout s’envole brusquement. Un soupir, léger furtif, puis finalement, la jeune femme avait fini par se détendre, complètement :

- « Tu as raison… c’est apaisant ici… » fit-elle d’une voix calme « Comme quoi même les adeptes de votre technologie apprécient la nature simple. » Elle l’avisa un instant, jouant de ses doigts sur la cuisse de son interlocuteur « Je n’ai pas besoin que tu me protèges, tu sais… Je vais juste devoir intégrer le fait qu’être un peu plus méfiant est obligatoire ici… »

Penchant la tête vers l’arrière, avisant le ciel, écoutant les bruits de l’environnement. Aure laissa sa longue chevelure rousse cascader le long du dossier du banc, prenant une légère inspiration elle finit par reprendre la parole :

- « Je ne suis pas sotte, je suppose que je vais devoir cacher mes origines sur ce continent n’est-ce pas ? » c’était plus ou moins violent pour son esprit, tout comme sa prononciation « Avec l’accord d’Allys, je me ferais passer pour une cousine éloignée sans famille, ça sera plus simple. »

Parce que même si Aure n’était pas une adepte du mensonge, elle commençait déjà à comprendre certains points. Pour vivre, survivre ou tout du moins s’épanouir ici, elle allait devoir jouer avec les règles de Ludwig. D’autant plus si elle confirmait l’idée de vouloir être lié à lui jusqu’à la fin de ses jours. Abandonnant son occupation sur la cuisse de Ludwig, la rouquine laissa ses doigts effleurer le plâtre qu’elle portait encore et toujours –malgré son envie intense de le retirer-.

- « Ma croyance évoluant, je n’oublierai rien cette fois Ludwig… Je ne pourrai pas me protéger derrière la protection de l’oubli des architectes…. Alors, si moi je dois faire attention à moi, j’espère que tu en feras de même et que ne prendra pas de risque insensé. » Elle fit une pause avant de poursuivre « Tu me présenteras comme tu l’entends, je m’adapterai à tes choix » pour l’instant, c’est ce qu’elle avait voulu dire, mais la fin de sa phrase n’était pas sortie de la barrière de ses lèvres. « Regarde » fit-elle finalement

Doucement, elle redressa sa nuque pour aviser le petit buisson à papillon, sans pour autant toucher Ludwig, elle laissa s’infiltra son esprit pour pouvoir le manipuler comme elle l’entendait. Lentement, le buisson et le lieu disparu pour ne laisser place qu’à un simple souvenir, sincère, ou peut-être pas, elle seule le savait.

Ludwig et elle se retrouvaient de nouveau en terre hostile, l’homme pouvait revoir des évènements de la traque, la blessure de l’un ou de l’autre et les débuts difficiles. Lentement, elle fit défiler le début de l’aventure de survie, jusqu’à sa toute fin, le moment de la séparation, laissant s’infiltrer ses émotions dans le cœur de l’industriel. C’était la première fois à ce moment qu’Aure avec ressentis la tristesse d’une séparation, la peur du lendemain, de ne jamais revoir un autre être que sa propre personne. Après plusieurs secondes le souvenir s’évapora dans un nuage de fumée, revenant petit à petit dans la réalité, pour remettre en place de buisson à papillon.

- « J’ai hâte d’en découvrir plus en ta compagnie… » souffla Aure doucement, avant de venir enfouir sa tête dans le creux de son épaule « Je suis fatiguée… Tu penses que je pourrai rentrer me reposer un peu ? »

Parce que tout ça faisait beaucoup pour une personne et malgré cette curiosité et cette envie de découvrir celui qu’elle aimait, tout son corps lui hurlait sa douleur, sa fatigue et ce besoin de réflexion intense vis-à-vis des décisions qu’elle était en train de prendre.


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