[Introduction] A nous les cailloux magiques !

Une langue blanche s’étirait impérieusement vers My’trä comme pour menacer de l’engloutir. La mort et la glace étaient les seules promesses qu’apportait cette étendue gelée, balayée par des vents rendus furieux par le manque de relief. Cette langue de terre, c’était la péninsule de Vereist, une région quasi polaire de la grande nation démocratique de Daënastre. Très loin des fastes et de la douceur de vivre d’Ünellia, Vereist avait vu naitre toute la fureur dont les daënars étaient capables pour protéger leur mode de vie. Quelque part entre Weisse et Wal, sur une nappe blanche seulement percée de quelques nunataks, les humains étaient là pour braver les éléments. Comme un défi à l’adresse des forces naturelles, une base militaire s’était établie à l’écart de toute civilisation. C’était le propre des daënars que de s’élever contre la volonté des créateurs et de toujours chercher à mater la nature plutôt que de se plier à ses règles. La tête haute, Daënar ne s’agenouille pas face à la glace. Tel était le message que le fleuron de l'humanité jetait au visage des Architectes.

La fierté, c’était un sentiment qui emplissait la capitaine des Forces Expérimentales en ce moment même. Le museau noirci par la suie, elle finissait de raccorder les derniers bruleurs de son nouveau système de dégivrage pour son armure assistée. Si rajouter de l’antigel dans le réservoir d’eau était une évidence lorsque la température était inférieure à zéro, parfois il faisait tellement froid que c’était les articulations de l’armure et ses vérins qui se retrouvaient prisonniers d’un sarment de givre. Myträ avait mis des semaines pour identifier toutes les faiblesses de son armure où la glace s’insinuait, puis avait disposé un réseau de bruleurs pour dégivrer le tout avant utilisation.

-Capitaine ?

La blonde se détourna de sa machine pour considérer le soldat qui venait la déranger. Elle avait apprécié sa solitude jusque-là, aussi transperça-t-elle la recrue de son regard océan. Ne nous y trompons pas, la Capitaine n’était pas des plus impressionnantes. C’était une petite blonde ne dépassant pas le mètre soixante-dix, avec de grands yeux bleu et un air de poupée seulement atténué par les profondes cicatrices qui creusaient sa joue. Cependant, son mauvais caractère et son humeur sombre ne faisait pas d’elle l’officier la plus sympathique de toute la base. De plus, la rigueur et la discipline qu’elle imposait ne faisait rien pour la rendre populaire parmi les hommes.

‘Sans charisme et avec un cruel manque de sociabilité, comment avait-elle atteint un tel grade’ me demandez-vous ? Eh bien, Myträ avait de sacrés talents de tacticienne et de stratège. Elle avait une aisance naturelle pour déchiffrer les champs de bataille et prendre les bonnes décisions même dans les situations les plus critiques. Elle était peut-être aussi froide que ses machines mais son sang l'était également. Elle était méticuleuse et surtout obsédée par l’objectif de ne subir aucune perte parmi ses hommes. En résumé, Myträ était détestée pour sa rigueur mais on était toujours rassuré de partir en mission avec elle. Les officiers compétents et qui se soucient de leurs hommes se faisaient rares.

- Le colonel vous demande dans son bureau, poursuivit la recrue comme sa capitaine ne lui répondait pas.

Toujours mutique, Myträ enfila sa veste d’uniforme pour cacher son débardeur taché d’huile de moteur et essuya son visage de porcelaine fissuré. Elle sortit enfin du hangar et louvoya entre les flaques de neige fondus pour rejoindre le bâtiment centrale qui faisait office de quartier général. Une mine maussade sur ses traits rougis par le froid, elle appréhendait toujours les contacts avec sa hiérarchie. Ceux-ci finissant rarement sans un esclandre. Car, si la capitaine exigeait une discipline stricte sous son commandement, elle n’était guère un exemple lorsqu’il s’agissait de traiter avec ses propres supérieurs. Du moins, en privé…

Une porte épaisse comme du papier à cigarette la séparait dorénavant du colonel, mais Myträ attendait sagement jusqu’à ce qu’on lui demande d’entrer. Le bureau était chaudement meublé pour faire oublier le climat glacial qui sévissait dehors. L’homme qui trônait dans son siège de cuir ne dénotait guère avec la région. Il ressemblait à un morse ; gris, massif et avec une petite moustache ébouriffé qui s’agitait à chaque fois qu’il posait ses yeux globuleux sur sa taciturne capitaine.

- Capitaine Andreïev, la salua-t-il.

- Mon colonel, rétorqua l’autre avec un salut impeccable.

Avec une lenteur digne des grands cétacés, il rassembla les éléments d’un dossier et le tendit à la jeune femme. Il se mit ensuite à expliquer les tenants et les aboutissants tandis que son interlocutrice dévorait le document.

- La Compagnie de My’trä Orientale détient la concession de l’une de nos plus importantes mines de magilithe à l’étranger sur la pointe de Kharaal Gazar. La concession a été cédé à la fin de la guerre et fait partie des conditions de l’armistice de 894. Cependant, l’expansion constante de la mine et les quelques… ‘abus’ de nos ressortissants sur les populations indigènes, ont tendus les relations avec les my’träns. Les troubles se multiplient. Ce qui n’était au début que des protestations pacifiques et de petits vandalismes, ont évolués en attaques vindicatives sur les mineurs et leur matériel. Les gardes chargés de la sécurité du site ne sont pas des militaires. Ce sont des employés de la compagnie dépourvus de discipline et d’organisation. Je vous envoie là-bas pour réorganiser les défenses et calmer les populations indigènes. Inutile de vous dire que cette mission est extrêmement sensible. La stabilité de la région est impérative pour assurer l’approvisionnement en magilithe pour l'industrie de guerre. Vous serez accompagné du Lieutenant Hekmatyar pour cette mission...

Myträ daigna enfin lever son nez des rapports jaunis pour noter le nom qu’on venait de lui lancer. Hekmatyar… Si la capitaine n’aimait guère sociabiliser avec les soldats, elle restait tout de même au courant des ressources à sa disposition, car elle était vouée à les commander à tout moment. Voilà ce qu’elle savait du Lieutenant Hekmatyar : c’était un tireur d’élite bardé de médailles, réformé temporairement du service actif pour cause de blessure. Un soldat d’élite qui n’avait aucune valeur ajoutée dans une mission comme celle-ci.

- Mon colonel, l’interrompit Myträ. L’assistance du Lieutenant ne sera pas nécessaire. Il n’est pas qualifié pour cette mission.

Le colonel haussa de larges sourcils et bascula dans le fond de son siège, croisant ses grosses mains sur sa bedaine adipeuse.

- Depuis quand êtes-vous habilitée à juger des talents de MES hommes, Capitaine ? Navrée que vous ayez confondu ma décision avec une suggestion.

L'officier supérieur s'emporta alors dans un rire semblable au grognement d'un phoque. Il n’en fallut pas moins à la tempétueuse capitaine pour sortir de ses gonds. Son regard azur s’assombrit soudain comme un ciel d’orage et elle n’hésita pas à sortir de son garde-à-vous pour venir poser ses poings sur le bureau de son supérieur. Elle se pencha furieusement sur son colonel dans une bourrasque de cheveux blonds.

- Un tireur d’élite ne me servira à rien et va me gêner, s’emporta-t-elle. Je n’ai pas besoin d’un chien boiteux pour rester dans mes pattes pendant que je ferai tout le travail.

Le colonel ne semblait pas le moins du monde impressionné par la blonde et posa son regard par-dessus l’épaule féminine qui avait l’outrecuidance de s’étaler sur son bureau.

- He bien, vous allez pouvoir le lui expliquer.

Le colonel fit signe à Hex d’approcher. En effet, dans sa colère Myträ n’avait même pas entendu la porte s’ouvrir et la recrue annoncer la présence du lieutenant.

- Entrez Lieutenant Hekmatyar, fit le colonel. Je ne vous répéterai pas les détails de la mission, je suis sûr que le capitaine ici présent s’en fera une joie durant les longs jours de la traversée jusqu’à My’trä. Des questions ?

Bien sûr que la capitaine Andreïev se sentait bête. Elle n’avait jamais voulu insulter un homme qu’elle ne connaissait même pas, mais c’était un peu trop tard maintenant. Un voile rouge passa sur ses joues tandis qu’elle ramenait sa main au front dans un bref salut. Trop fière pour s’excuser, bien évidemment.

- Lieutenant Hekmatyar…

Une nouvelle mission veut en général dire une nouvelle chance d'obtenir du matériel, et là haut, dans la base boréale de Vereist, nouveaux équipements voulait surtout dire un tas de gadget révolutionnaires.
Il fallait ajouter à cela les quelques lettres de félicitations qui avaient incitées le gouvernement à sortir son porte-feuille pour aider la quotidien du Lieutenant Hekmatyar.
Ce dernier attendait patiemment dans l'armurerie qu'une cohorte de technicien finissent d'installer sa nouvelle armure sur son support, support qui n'était rien d'autre qu'un exosquelette modifié pour l'utilisation qu'en avait le jeune homme.
Chaque plaque soigneusement forgée avait été attachée sur le squelette, formant une carapace d'acier épaisse sur laquelle était venue se greffer les derniers jouets des ingénieurs de la base.

Hex observait avec un peu d'étonnement ses canons d'avant bras, l'un présentant un petit canon perforé sur son dessus alors que l'autre c'était vu adjoindre une étrange pierre rouge sombre qui semblait former un fin réseau de veine sur tout le canon, remontant même jusqu'au gantelet.
L'armure était pour l'instant lourde sur les épaules, et le casque l'isolait du monde extérieur, ses deux optiques lui permettant d'observer le hangar dans lequel s'agitaient d'autres techniciens et soldat.
Certains étaient vêtu d'armure assistées, les géants laissant s'échapper des panaches de vapeur impressionnant alors qu'ils regagnaient leurs berceaux d'entretiens. Mais plus loin encore se trouvaient de rares et inestimables armures magithèques,  leurs vérins alimentées par d'étrange mécanismes qui échappaient totalement au soldat.
Il fut tiré de ses pensées par un cognement contre son plastron, alors qu'un mécanicien aux mains huileuses lui faisait signes pour le tirer de ses pensées.

-On va installer le générateur, ça risque de bourdonner quelques instant le temps de régler !


Hex prit note de tout cela sans pour autant bouger pour le signaler, trop de gens étaient encore penchées sur son armures et bouger n'aurait fait que retarder le processus de lancement de la Mark III.
Un grincement se fit entendre dans son dos alors qu'une grue amenait la précieuse source d'énergie, un grincement qui fut suivi d'une série de cris et d'une violente secousse.
Un poids nouveau s'ajouta, tirant l'armure vers l'arrière alors que le générateur était attaché à son réceptacle.
Des techniciens finirent par s'approcher de lui, de grand câble sous les bras avant de les brancher dans le dos du soldat.

Un coup de sifflet fut donné, et l'équipe s'éloigna de l'armure qui était entrain d'être mise en marche.  
Ce n'était pas le genre d'armure difficile à mettre, mais les procédure de premier lancement étaient complexes, et personne ne tenait à se trouver près d'un générateur maghitèque en cours de démarrage. C'était une technologie peu commune qui alimentait normalement les armes du même types, mais au vu de l'équipement déjà conséquent qu'il transportait, il avait été décidé d'installer un générateur de puissance supérieur pour alimenter tout les systèmes de combat à la fois, ce qui résultait en un générateur certes stable et un peu plus volumineux mais aussi plus complexe à mettre en oeuvre.
Alors qu'un ingénieur actionnait différentes manette, un sifflement sonore qui tendait vers le grave au fur et à mesure du temps, ce grondement finit par atteindre un pic, et le monde de Hex, coincé dans son armure se résuma à ce bruit étouffé par son heaume et une sensation désagréable de chaleur autour de lui.
Le temps sembla s'écouler bien plus lentement que d'habitude, et son seul recourt fut de fermer les yeux et espérer qu'aucune réaction en chaîne ne vienne le transformer en petit tas de cendre fumant au milieu du hangar.

Au bout de ce qui sembla être une éternité, un claquement retentissant se fit entendre, et le bourdonnement cessa de lui même.
L'armure sembla soudainement s’alléger jusqu'à ne plus rien peser, et deux hommes vinrent rapidement détacher les câbles qui liaient la cuirasse à la base.
Hex fit jouer les articulations de cette dernière testant son nouveau jouet avec curiosité.

Son premier réflexe fut néanmoins d'enlever l'épais heaume qui lui recouvrait le visage pour regarder aux alentours. Toute l'équipe semblait soulagée, et de nouveaux techniciens étaient en train d'apporter d'avantage de matériel, dont une étrange bonbonne qu'il glissa dans un caisson blindé, sur les hanches du jeune homme.
Ses yeux parcoururent sont bras droit alors qu'une petite jauge se remplissait sur l'intérieur de celui-ci.


-Gant lance flamme, une des dernières trouvaille, pas celui avec la plus longue portée, ni même avec le plus de carburant, mais sacrément pratique d'après les rapports !


Un des technicien était lui même en train d'ajuster la buse, réglant la petite flammèche avant de l'éteindre du bout de son doigts, mais ce qui intriguait le plus le soldat était bien cette pierre qu'il ne reconnaissait pas, ce fut cette fois un ingénieur qui lui expliqua très calmement.

-Une maghilite de bouclier, sortie directement des ateliers, vous avez une véritable fortune sur votre bras mon gars, son fonctionnement est simple, vous possédez deux commandes, une pour un bouclier verticale qui agira comme un pavois pour vous et vos alliés, l'autre mode créer un dôme de force autour de vous, tachez simplement de la laisser se recharger de temps en temps, c'est une pierre rare et travaillée, elle devrait se recharger d'elle même avec le temps.

Cela fut suivit d'une longue liste d'indication et de détails que le soldat tacha de mémoriser au mieux. Il n'était peut être pas le plus intelligent qui soit, loin de là, mais connaitre son matériel faisais partie de ses attributions et allait contribuer à la maintenir en vie.
Enfin libéré du briefing matériel, il se dirigea vers la porte du hangar, ses bottes polymorphiques claquant sur le sol bétonné avant qu'on ne l'appelle en sifflant.

-Au fait lieutenant pour votre prochaine affectation, le colonel à ordonné qu'on vous fournisse un véhicule !


Le technicien lui indiqua une moto qui venait à peine de sortir de son container, ses imposantes roues à clous encore couverte de pailles. L'engin était volumineux et plutôt haut, et seule la roue avant était  réellement celle d'une moto. Toute la partie arrière était faite d'une sorte de plate forme portée par deux chenilles motrices, ces dernières devant aisément supporter le poids du soldat et de pas mal de matériel.
Une partie de ce dernier était déjà harnaché, et Hex cru reconnaître une épée tronçonneuse stocké sur l'engin.
Sans attendre, et comme un enfant, il sauta dessus pour faire démarrer l'engin dont le moteur se mit à vrombir.

-Vous êtes attendu au bureau du colonel mon lieutenant !


Sans attendre il partis vers le bureau du colonel Hekmatyar.
Il laissa son véhicule en bas du bâtiment, conservant la plupart de son matériel sur lui dans l'attente d'un départ imminent, enlevant uniquement son casque pour faire bonne figure devant l'autorité. Sans attendre il monta jusqu'au bureau ou on le laissa patienter quelques minutes.
Ce temps passé fut plutôt instructif sur l'opinion que devait avoir son coéquipier de lui mais avant d'avoir eu le droit à un dénouement digne de ce nom, on lui fit signe d'entrer.

Le capitaine était une jeune femme qu'il n'avait jamais croisé auparavant et son visage semblait d'avantage avoir sa place dans un salon de thé que dans une armure assistée, même si la cicatrice qu'elle portait presque fièrement sur le visage hurlait le contraire.
De tout ce qu'elle avait dit, Hex ne lui tint aucunement rigueur, ayant tendance à être aussi sanguin qu'elle. Il se fendit donc d'un salut tout aussi réglementaire après avoir posé son heaume sur la table.
Le salut dura quelques seconde avant que le sourire carnassier du jeune homme ne refasse son apparition.

-Je ne suis plus boiteux depuis quelques temps mon capitaine, j'ai repris le service actif depuis bientôt un ans et je ne pense pas avoir perdu la main.

Le ton était ironique mais dépourvu de moquerie, lui aussi devait faire ses preuve auprès de son supérieur. Il salua également le colonel qui lui servait de père avant de se pencher sur le dossier qu'il avait déjà lu sans pouvoir poser la moindre question.
Hex n'était pas un stratège, c'était à peine un meneur d'homme, son expertise lui permettant uniquement de diriger des troupes spécialisées, et son charisme bien trop bas pour un officier l'aurait empêcher de mener des biffins à l'assaut.
Son véritable talent se résumait à être un chien de chasse particulièrement efficace, le genre de molosse que l'on lâchait quand les choses tournaient mal comme ses états de services pouvaient le démontrer.
Tout les hommes qu'il avait commandé étaient issue du même groupe d'orphelin que lui, et chacun d'entre eux avait été lourdement médaillé à la suite de ses missions. De son point de vue, si le capitaine était une épée utile dans toute les situations, lui était plutôt une lance à plonger profondément dans le cœur de l'adversaire lorsque le moment était venu.
Et si lui même trouvait étrange de se voir associé avec le capitaine Andreiev il n'en dit pas un mot faisant confiance à son supérieur pour cette association


-Oui mon colonel, j'aimerai avoir des indications concernant les forces ennemies en présences : quels sont les consignes de feu ? Doit on en prendre vivant ?

Les questions étaient claires et concises car le Lieutenant était principalement axé sur le combat plutôt que sur les plans de la mine. C'était un réflexe de combattant, et ses yeux parcouraient déjà la carte pour tacher de se représenter le terrain
Il y eut encore un long briefing sur tout ce qu'ils allaient devoir tenter mais au bout d'une heure, le nouveau duo fut mis à la porte avec des ordres et un appareil assigné.
Hex inspira une grande bouffée d'air frai avant de tendre la main de manière plus officieuse à la jeune femme, une sorte de rituel qu'il avait pour instaurer un peu plus de confiance.

-Ravi de vous rencontrer tout de même capitaine Andreiev, j'espère pouvoir faire mentir votre assertion sur moi lors de notre prochaine mission.

Il n'y avait toujours aucune accusation, simplement une déclaration sincère d'un soldat à un autre

Myträ jaugea du regard le Lieutenant. Il n’avait pas l’allure habituelle des membres des Forces Expérimentales. La plupart des membres de cette troupe d’élite étaient des soldats dangereux et effrayants. Mais surtout, ils en avaient l’air. Souvent grands et menaçants, ils ne laissaient aucun doute planer sur leur potentiel létal. Ce n’était pas vraiment le cas de Hex. Il avait une allure plutôt efféminé avec ses longs cheveux et son corps svelte. Du moins, c’était l’opinion de Myträ qui était habituée aux grosses brutes avec des bras comme des cuisses et des cuisses comme des troncs d’arbre. C’était presque plaisant d’avoir un collègue qui ne la dépassait pas d’une tête et qui ne faisait pas le double de son poids. Nul apriori, ni jugement, de la part de la blonde. Elle était depuis suffisamment longtemps dans les Forces Expérimentales pour savoir que personne n’y était par hasard. Ce n’est pas elle qui ferait l’erreur de le sous-estimer à son apparence.

Les informations que la Capitaine avait retenues sur Hex étaient obsolètes concernant sa blessure. Mais si elle devait connaitre sur le bout des doigts le dossier de tous les soldats de la base, elle n’était pas rendue. En tous cas, boiteux ou pas, la blonde pensait toujours que l’affectation du Lieutenant était une mauvaise idée. Comme pour le confirmer, sa question à l’adresse du Colonel ne présageait rien de bon.

-Oui mon colonel, j'aimerai avoir des indications concernant les forces ennemies en présences : quels sont les consignes de feu ? Doit on en prendre vivant ?

Le Colonel se redressa dans son fauteuil comme pour se donner une contenance tandis qu’il cherchait une réponse convenable. Effectivement, c'était délicat. La complexité de la mission c’était que la situation pouvait évoluer très rapidement, et que Hex et Myträ seraient vite livrés à eux-mêmes. En effet, il n’y pas de ligne télégraphique directe vers My’trä et il est impossible de consulter l’état-major en temps réel. Le temps d’envoyer le message et de recevoir un retour, il pouvait s’écouler plusieurs semaines. Voilà pourquoi le Colonel avait choisi un vétéran des Forces Expérimentales comme Hex et une Capitaine psychorigide accroc au règlement. Avec la Capitaine, il s’assurait que les sacro saints préceptes de l'armée soient respectés, et avec le Lieutenant, il s’assurait d'avoir un homme de confiance sur place.

Sa réponse fut donc très générique quant aux consignes de feu. Il ne voulait donner aucune directive trop stricte qui ne serait plus adaptée à la situation une fois sur place.

- Vous êtes garants de la sécurité de la mine, résuma-t-il. Si vous tuez des indigènes et que vous vous retrouvez avec une révolte populaire sur les bras, à plusieurs milliers de lieux des renforts les plus proches, je ne donne pas chère de vos peaux. Renforcez les défenses, redisciplinez ces incapables de la compagnie, soyez dissuasifs. L’usage de la force ne doit être employé qu’afin de protéger vos vies. Toute autre solution est infiniment préférable. Rappelez-vous toujours que nous sommes assis sur une poudrière et que vous représentez la nation.

Le Colonel évitait consciemment la question des prisonniers. Evidemment, les intrus pouvaient être capturés mais il y avait toujours le risque que les populations locales se soulèvent s’ils se rendaient compte que les daënars gardaient prisonniers leurs camarades dans des conditions inconnues. Tout était une question de dosage et d’appréciation de la situation, si on peut dire.

Le Colonel donna ensuite la parole la blonde qui levait la main pour la prendre.

- Le directeur de la mine sur place est-il au courant de notre mission ou bien va-t-il le découvrir avec notre arrivée ? Demanda-t-elle. Si c’est le cas, je veux un document signé du président-directeur général de la compagnie actant qu’il cède à l’Armée toute autorité sur les questions de sécurité de la mine. Je préfère ne pas avoir à imposer notre autorité par la force.

Encore une fois, le colonel se tortilla dans sa chaise d’un air gêné mais sans perdre son flegme habituel. Même pris à défaut, la blonde ne l’impressionnait pas le moins du monde.

- Ce n’est pas d’actualité, non. Vous êtes dépêché en urgence avant que la situation là-bas ne dégénère. Je n’ai pas le temps de me battre pendant des jours pour faire signer un tel document par un bourgeois d’Alexandria. Vous allez vous contenter de votre ordre de mission signé par le Général.

- C’est intolérable ! Explosa encore une fois la Capitaine.

- Oh fermez-là Andreïev et allez-vous préparer, fit-il d’un ton las mais dénué de colère. Votre brick décolle demain à l’aube.

Outrée d’être ainsi congédiée, la blonde devint rouge comme une pivoine. Elle faillit rajouter quelque chose mais, dans son esprit inflexible, un ordre direct ne se discute pas. Elle se détourna donc en saluant rageusement avant de prendre la direction de la sortie. Elle hésita un instant devant le bras tendu de Hex mais n’était pas d’humeur pour la camaraderie. Myträ passa devant le Lieutenant en évitant ostensiblement son geste d’amitié et claqua la porte derrière elle.

Enfin seuls, le Colonel roula de gros yeux globuleux à l’adresse de Hex qui allait devoir la supporter pendant les longues semaines que dureront la mission. C’est donc avec une profonde compassion qu’il plissa sa bouche de morse piqueté de longs poils gris. Une faible mimique d’encouragement à l’adresse de son Lieutenant qu’il agrémenta également de quelques recommandations.

- J'ai confiance en votre jugement, Lieutenant Hekmatyar, confessa-t-il en se penchant sur son bureau. Si l’attitude… disons ‘rigide’… du capitaine devient un problème durant cette mission, je compte sur vous pour passer outre vos rapports hiérarchiques et… faire ce qui est nécessaire.

Le visage du colonel s’assombrit légèrement. C’était un vieux vétéran de la dernière guerre. Les règlements et les bonnes pratiques sont faciles à suivre en temps de paix, mais il arrive que face à certaines situations complexes, il faille passer outre. C’était une chose dont le Colonel savait Andreïev totalement incapable de faire. Voilà ce qu’il entendait par « homme de confiance ».

- Je vous défendrai si elle veut vous envoyer en cour martiale, rajouta-t-il gravement.

Cette fois, il s'agissait d'une blague car le double menton du Colonel se mit à balloter sporadiquement tandis qu'un profond rire de gorge s'élevait dans la chaleur de son bureau.

La scène qui suivit eu un petit air comique, et pendant un court instant, Hex se demanda si le balai qu'avait le capitaine dans le cul en avait lui même un autre coincé à cet endroit. Étouffant un rire alors qu'elle quittait la pièce, il reprit son sérieux en voyant le colonel soupirer bruyamment en tirant un cigare de sa veste.
Comme par réflexe il fit de même, sortant de son éternel étuis une cigarette qu'il alluma de façon nonchalante avant de prendre place sur une des chaises qui protesta contre son poids.
Il acquiesçait à chaque phrase du colonel conscient que la mission qui s'annonçait allait surement être compliquée par le comportement plutôt rigoriste du capitaine Andreiev, mais fort heureusement, le jeune homme ressentait une certaine sympathie pour cette jeune femme qui en avait démontrer à plus d'un soit disant grand soldat.
Après avoir lâche un imposant nuage de fumée, il reprit doucement, passant une main gantée de fer dans ses cheveux long.

-Je comprend colonel... je ferais au mieux compte tenu de la situation, vous ne m'envoyez pas simplement pour lui servir de guide j'en suis conscient, j'espère juste sincèrement ne pas avoir à agir autrement que dans le cadre de nos ordre. Mais autant vous prévenir colonel, tout cela ne m'inspire rien de bon... j'ai déjà vécu ce genre d’événement... nous courrons à la catastrophe.

La catastrophe voire pire. Les Daenar pouvaient tenir tête face aux mytrans, du moins l'armée le pouvait, deux officiers aussi compétents soient-ils ne pouvaient pas grand chose contre une horde de barbare dotée de magie. Pas que ce derniers étaient invincibles, le soldat en avait déjà abattu plus d'un, mais c'était leurs terres et les fanatiques que cela pouvait engendrer pouvaient être dangereux.
Le soldat se permit un petit regard dans le vague avant de rire doucement à la blague de son supérieur.

-Ça ne serait pas la première fois que vous faites ça pour moi colonel ! La cour martiale doit toujours se demander combien de fois je suis mort au champ d'honneur !


Dit-il avant de finalement rire de bon cœur. C'était vrai sur un point, il avait souvent risqué la prison et ce parfois sur ordre direct. Tel qu'il était, le soldat avait pleinement conscience qu'il ne ferait jamais partit des livres d'histoires, jamais il ne serait un grand commandant auréolé de gloire. Non son rôle était bien moins avouable et consistait justement à se salir les mains pour permettre à d'autre de paraître immaculé.
Combien d'esclavagiste pourtant haut placés avaient reçu une balle entre les deux yeux de la part d'un anonyme ? Beaucoup ! Et pourtant jamais l'assassin n'avait été trouvé malgré des enquête plus que sérieuse...
Après encore quelques minutes passées à échanger des conseils, le Lieutenant se leva avant de se fendre d'un salut martial.



-Mon colonel j'espère pouvoir vous remettre un rapport favorable au plus tôt.

Ces derniers mots furent sincère et après quelques secondes il s'éclipsa, redescendant dans le froid pour récupérer son véhicule et la placer directement sur les rampes de chargement du bricks. De là il regagna les quartiers, montant jusqu'à sa chambre attribuée pour découvrir que la voisine était encore allumée.
Étrange sachant que cette dernière était d'habitude inoccupée...
Il prit néanmoins le temps de défaire sa carapace, et de ranger toutes ses affaires soigneusement avant de s'approcher de la porte entrouverte.

Trois coup sur cette dernière fut tout ce qu'il donna avant de rentrer. Son regard se porta instantanément sur l'armure du capitaine qu'il ne voyait pas pour le moment. Il n'était encore vêtu que de son treillis, la moindre de ses armes encore accrochées sur son rack.
Ses long cheveux blond cendrées attachés en queue de cheval s'agitaient doucement au courant d'air et finalement, le jeune homme décida de tenter le tout pour le tout.

-Capitaine Andreiev ?


Il n'était pas vraiment sur d'avoir besoin ou envie de lui parler, mais s'ils devaient vraiment partir plusieurs semaines ensemble, Hex tenait un minimum à connaitre la jeune femme avant de partir, surtout au vu de ses derniers coéquipiers qui c'étaient avérés être de vrai boulets.
Tout laissait supposer qu'elle n'était pas là par hasard. Mais quand bien même.
Mais ou commencer ? A supposer qu'elle soit effectivement dans le coin ? Lui demander ses états de services ? Faire comme si c'était une camarade depuis des lustres ?
Il était vrai qu'elle aurait parfaitement appartenir à l'unité expérimentale du régiment vu son age.
Hex n'était pas le plus grand des diplomates et taper la causette avec une inconnue n'était pas son plus grand point fort, tout juste s'assurait-il juste de sa présence ici, chose difficile à vérifier pour le moment

De la petite bassine d’eau fumante émergea la tête du Capitaine suivie de ses cheveux de blé semblables à des lianes humides. Comme des algues dorées agrippées à leur rocher, les diverses mèches éparses s’agglutinèrent sur son visage créant mille veines d’or encastrées dans la porcelaine blanche. Au milieu, deux puits bleu s’ouvrirent, battant frénétiquement des paupières pour en chasser l’eau. Myträ ramena la masse ruisselante en arrière et l’enveloppa dans une serviette éponge jusqu’à ce que seules des étoupes mordorés dépassent encore de l’ouvrage. La jeune femme se redressa en ignorant les filets d’eau qui dégringolaient dans son cou et se perdaient dans le cresson argenté de sa nuque. Ils goutaient ensuite sur ses épaules nues puis dévalaient ses courbes jusqu’à la naissance de ses seins où l’eau se faisait absorber par les bandages qui entouraient la poitrine de la militaire. Elle les voulait serrés pour réduire le volume de son corsage qui avait tendance à la gêner au combat.

Ces bandages et un treillis étaient les seuls garants de sa pudeur, mais dans un camp militaire il ne fallait pas trop en avoir de toute manière. La promiscuité et l’activité physique rendait une chose aussi futile que la pruderie bien obsolète. D’ailleurs, Myträ laissait toujours la porte de ses quartiers ouverts. Parait-il que cette habitude incitait les soldats à venir plus facilement parler de leur problème à leurs supérieurs. M’est avis qu’avec la Capitaine, le procédé n’avait que peu de succès.

Avec un air maussade, Myträ commençait à retirer son nouveau système de préchauffage d'armure assistée. Avec la chaleur de Kharal Gazaar, un tel dispositif était encombrant et inutile. Et c’est lorsqu’elle se fut penchée sur son armure armée de clés et de tournevis qu’elle entendit qu’on l’appelait. Un peu surprise, elle dut pousser sur la pointe de ses pieds pour regarder par-dessus l’épaule de son armure et voir son visiteur du soir. En effet, comme vous pouvez le deviner, il était très rare que les soldats viennent la déranger pour lui faire part de leurs problèmes personnels. Dommage cependant. S’ils essayaient, ils seraient plutôt surpris du résultat.

- Lieutenant Hekmatyar, répondit la jeune femme.

La blonde semblait s’être calmée depuis son altercation avec le colonel. Elle évitait même honteusement le contact visuel, faisant dériver ses mires bleues sur les lignes de l’armure. En vérité, elle avait un peu honte de la façon dont elle avait traité Hex. Il n’était qu’une cible collatérale dans une de ses sempiternelles disputes avec la hiérarchie. Le manque de rigueur chez ses supérieurs avait tendance à l’exaspérer au plus haut point.

Elle contourna finalement son armure pour venir se planter devant le Lieutenant. Leur taille équivalente rendait plus difficile la fuite de ses yeux aussi dut-elle se résoudre à soutenir son regard. C'était le moment pour s’excuser mais elle ne savait pas trop comment s’y prendre.

- J’ai vu dans votre dossier que vous aviez une armure assistée, planta-t-elle tout de go. Un modèle de trois mètres ou quatre ?

La gêne de la Capitaine se dissipa aussitôt alors qu’elle initiait maladroitement la conversation sur les armures assistées. C’était un sujet qu’elle maitrisait, étant elle-même la fille d’un fabricant d’armure et pilote depuis qu’elle avait atteint la taille nécessaire, c’est-à-dire vers ses quatorze ans.

- Celle-ci est un modèle d’un mètre quatre-vingt conçue par l’entreprise de ma famille, la S.A.A. Je ne pense pas que vous la connaissiez c’est un petit constructeur spécialisé dans les armures assistées sur-mesure. Les pièces et le montage sont faits à la main donc nous n’avons pas une grande capacité de production, ce qui nous rend inéligible pour la production militaire de masse…

Myträ s’interrompit en réalisant que son discours ne devait pas être très intéressant. Ça tombait bien. La jeune femme n’aimait pas parler. Elle préférait de loin écouter. Malgré son air froid et ses manières strictes, la blonde était étonnamment un puits d’empathie qui décryptait assez facilement autrui.

- Dites-moi, Lieutenant. Pourquoi êtes-vous là ?

Sans chichis ni faux-semblant, la question était posée avec franchise. Vu la façon dont elle n’avait cessé d’offenser le Lieutenant, elle ne comprenait pas vraiment pourquoi il s’acharnait à essayer de lui parler. Elle ne le méritait vraiment pas.

Hex vit avec surprise la tête du capitaine sortir de derrière son armure. La scène était presque comique, comme si un diablotin était sortit de sa boite. Le soldat lui s'attarda un moment sur l'armure, examinant ses courbes et ses muscles d'acier avec un regard envieux, et presque nostalgique. Ces armures lui rappelaient un autre temps, un temps pourtant pas si éloigné ou lui même en possédait une. C'était le temps ou il n'était encore que sous officier, mais un sous-officier commandant une troupe d'élite équipée de ce qui se faisait de mieux en matière d'équipement.
Même si petit à petit il regagnait son ancien matériel, son armure lui manquait tout de même...
Il écouta donc la question du capitaine, soupirant en se remémorant les caractéristiques de son ancienne cuirasse.

-A vrai dire j'en avais une, un modèle expérimental de deux mètres, on appelait ça des Sleipnir MarkII, des armures maghitèques, de vrai petits joyaux de technologie, mais en changeant d'affectation, ils me l'ont repris pour l'entreposer dans les sous-sol. J'ai maintenant une armure un peu moins sophistiquée, une armure d'infanterie lourde dotée d'un exosquelette de dernière génération, ils ont appelé ça un mark III
Mais même si la protection est efficace, les armures maghitèques me manquent, ne serait-ce que pour leurs puissance brute qui force le respect


A vrai dire entre les armes à feu et les armures assistées, le cœur du jeune homme balançait. Il était certes un tireur réputé, mais la protection de ces cuirasses et leurs possibilitées d'amélioration étaient vraiment à part.
Loin d'être incommodé, Hex écouta attentivement, trouvant enfin quelqu'un pour échanger sur le sujet. Son regard se tourna une fois de plus vers l'armure qui trônait au milieu de la pièce inspectant encore une fois les pièces qui des dires de la jeune femme était en quelque sorte une pièce unique.

-Effectivement, je ne connais pas vraiment ces modèles, mais ils ont l'air bien mieux finis que les productions de masse comme les titans markI, plus petit, et sans doute avec un peu moins de puissance dans les vérins, mais sacrément plus utile. Il faudra que je passe voir votre famille quand j'aurais les moyens de m'offrir un nouveau bijoux dans le genre.

Ses yeux s'illuminèrent comme ceux d'un enfant à cette simple pensée, retrouver une véritable armure assistée, et non en exosquelette blindé serait un rêve ainsi qu'un véritable plus pour ses missions, même si la nouvelle maghilite de bouclier devait le rendre encore plus résistant qu'un titan des dires de l'ingénieur.
Néanmoins la nouvelle question le coupa net dans son élan, et le Lieutenant recula un peu pour fixer la jeune femme, observant pendant un moment ses cheveux d'or encore humide.

Lui même porta la main à ses cheveux cendrés, défaisant par accident le nœuds qui les maintenaient en place. La gravité reprit rapidement ses droits, les laissant retomber dans une cascade d'or et d'argent sur ses épaules, lui donnant un air encore plus féminin.



Mais la question le surpris trop pour qu'il s'en rende compte et finalement il décida d'opter pour la franchise, la même qu'avait la jeune femme pour lui.

-Considérez cela comme une visite de courtoisie si l'on veut.... nous partons en mission en duo pendant sans doute plusieurs semaines, voir plus si les choses tournent mal... et elles tourneront mal croyez moi. Je pensais simplement que mieux nous connaitre avant le départ serait une bonne idée

Une bonne idée, une nécessitée... mais Hex se révélait tout de même curieux... voir une femme à la place du capitaine ne le choquait pas plus que cela, c'était même le contraire. Mais le personnage l'intriguait, ne serait-ce que par ses état de servies irréprochables ou son caractère bien trempé.
Elle avait aussi la réputation d'être plutôt stricte sur le règlement au contraire de lui.
Abandonnant l'approche diplomatique, il entra directement dans le vif du sujet


-Soyons clair en fait capitaine, je tiens à savoir avec qui je part, et bien que vos état de services soient brillant et que je ne doute pas de vos capacités martiales, j'aime connaitre mes binômes. C'est une manie que j'ai en quelques sorte.


La vérité était plutôt simple, le Lieutenant était un vétéran qui pensait simplement qu'il fallait une certaine entente pour tirer le meilleur parti d'une équipe de combat. Et plus les liens étaient fort, mieux cela marchait.
A vrai dire il ne savait pas comment allait réagir la jeune femme, mais au point ou ils en étaient....

Ah, les armures magitechs ! Une bien belle machine mais très rare et d’un prix exorbitant. Les avantages de cette source d’énergie par rapport à la vapeur étaient évidents. L’armure de Myträ avait beau être bien conçue, la complexité du moteur à vapeur était une faiblesse en soi. Bien que situé dans le dos et protégé par d’épaisses couches de blindage, le moteur se composait de deux grands réservoirs tous deux essentiels à son fonctionnement. Le premier contenait de l’huile de baleine consommé par un bruleur qui portait à ébullition le deuxième réservoir contenant l’eau. Si un seul de ces éléments était endommagé, l’armure assistée ne remplissait plus ses fonctions. Sa version magitech facilitait radicalement le mécanisme et le rendait ainsi beaucoup moins vulnérable.

La magilithe était une ressource sensible qui ne s’obtenait qu’avec des accréditations militaires ou des autorisations spéciales. Il y avait peu de chance que les petits constructeurs tels que les Andreïev y aient un jour accès. Mais s’il y avait un conflit ouvert avec My’trä tout le monde devrait contribuer à l’effort de guerre. L'usine d’armement familiale attendait simplement son heure.

Son visage s’illumina très légèrement lorsqu’Hex suggéra de venir voir les modèles proposés par sa famille. Pas au point d’imprimer un sourire sur ce visage scarifié mais tout de même. Myträ était presque ravie de pouvoir ramener un client à son cher paternel. Par ailleurs, c’était toujours intéressant d’avoir des relations avec ses collègues en dehors des formalités imposées par l’armée. Et oui, Myträ n’était pas du tout la même dans un cadre non-professionnel. Ce qui est bien normal. On a tous un masque...

Par la suite, Hex répondit à sa question avec la même franchise. Apprendre à se connaitre, Myträ n’en voyait pas vraiment l’intérêt car elle avait déjà toutes les informations nécessaires sur le Lieutenant Hekmatyar par le biais de ses états de service. Alors à quoi bon apprendre à se connaitre si cela implique une familiarité mal venue ? La familiarité peut parfois nuire aux relations hiérarchiques, les subordonnés pouvant prendre trop de libertés. Pour que la rigide Capitaine la tolère, il fallait obtenir sa confiance avant tout.

- Vous voulez en savoir plus sur mes méthodes de commandement, crut-elle comprendre. Vous l’aurez compris, je ne suis pas du genre à enflammer le sang de mes hommes avant la bataille par un discours exalté. Je ne passe pas dans les rangs pour distribuer des blagues et des encouragements. Je ne dissiperai pas votre peur et ne soulagerai pas vos angoisses. Ce n’est pas mon travail de préparer mes hommes à la mort. Mon travail c’est de l’empêcher par tous les moyens. Je ne sais pas comment va se passer cette mission Lieutenant, ni même si les choses vont mal tourner, comme vous dites. Mais je peux vous garantir que vous serez toujours en vie lorsqu’elle se terminera. Je vous protégerai. C’est ce que font les membres d’une famille.

En parlant d’exaltation, il semblerait que Myträ s’était légèrement laissée emportée. Les poings serrés pour confirmer la véracité de ses propos et les deux flammes bleus qui brillaient avec détermination sur son visage ; la jeune femme avait enfin l’air d’un officier responsable d’une centaine d’âme.

Myträ n’aimait même pas la guerre. Se battre ne l’amusait guère et tuer n’avait rien d’un plaisir. La seule chose qui motivait la jeune femme était de protéger les hommes dont elle avait la charge et par extension, les citoyens de Daënastre. C’est la seule chose qui la poussait à étudier et innover de nouvelles tactiques et manœuvres. On ne sauve pas les soldats avec de grands discours, mais avec une étude rigoureuse des tactiques de combat et du commandement.

Pour se donner une contenance et surtout pour éviter de soutenir le regard du Lieutenant plus longtemps, Myträ reporta son attention sur l’armure assistée. Elle s’était peut-être un peu trop livrée et se sentait trop embarrassée pour poursuivre son discours dramatique. Un léger voile rouge passa sur ses pommettes tandis qu’elle s’agenouillait devant sa machine. Elle commença alors à desserrer les boulons dans le but de la démonter.

En effet, un des avantages d’avoir une armure à taille humaine est qu’elle était plus facilement transportable. Une fois repliée, l’armure tenait dans un cube d’un mètre sur un. Toujours très lourde mais moins encombrante, elle pouvait être charriée sur le dos d’une personne ayant une bonne condition physique.

- Au fait, tu peux me tutoyer, lâcha-t-elle. Le vouvoiement est une forme de respect artificiel qui ne me tient pas vraiment à cœur.

Le capitaine était totalement passé à côté de ce qu'il voulait dire, en effet il n'avait jamais douté de la qualité du commandement ni même de ses chances de survie. Mais au lieu de tout reprendre, il préféra hausser les épaules en secouant la tête, provoquant de fait une cascade de reflet d'or dans la pièce alors que ses cheveux finissaient par reprendre leurs liberté.
Il y avait un petit sourire sympathique dans cette négation, a vrai dire il ne parvenait pas à lui en vouloir le moins du monde.
Au moins était-elle un officier qui ne le laisserait pas au premier signe de difficultés comme tant d'autre l'avait fait auparavant. Pas de grand discours certes, mais entre un général ayant une langue utile et un autre se battant au côté de ses hommes, Hex faisait vite son choix.

Il reprit donc comme si de rien n'était, et surtout comme si l'officier avait répondu entièrement à ses questions.



-Content de l'apprendre, j'espère simplement que vous n'aurez pas à tenir votre promesse. Mais je vous rassure, j'ai traversé trop d'enfer pour avoir peur maintenant, sauter vers la mort au milieu de mage en furie est largement plus effrayant que rétablir l'ordre dans une petite communauté de mineurs. Et puis... si je me trompe nous pourrons boire à la réussite de la mission rapidement.

Dit-il presque joyeusement avant de rattacher ses longs cheveux dans une coiffure qui si elle n'était pas réglementaire, était bien plus pratique pour communiquer sans avoir un rideau doré devant son visage.
Il détailla un petit moment le visage scarifié de la jeune femme, ne trouvant aucune raison de ne pas lui faire confiance. Son air n'exprimait rien d'autre qu'une franche camaraderie, chose qu'Hex n'arrivait pas vraiment à développer avec d'autres soldat. Mais l'instinct du jeune homme était le maître incontesté, et il ne chercha pas à aller à son encontre.
Mais avant qu'il ne puisse ajouter quoi que ce soit, la jeune femme se détourna de lui pour s'occuper de son armure avant de lui accorder une petite familiarité.
Souriant de façon encore plus chaleureuse, il répondit avec un hochement de tête satisfait.


-A tes ordres capitaine ! Je tacherai de ne pas l'oublier !



Inspecter son équipement était important ainsi le jeune homme préféra laisser la jeune femme dans son inspection, il se fendit d'un salut réglementaire avant de s'éloigner doucement, et ce ne fut qu'à la porte qu'il s'arrêta, se retournant vers le capitaine pour ajouter.


-Je ne sais pas si tu as eu ce que tu voulais des fourrier de la base, mais je dois avoir des outils en plus et une caisse de munition dans ma chambre si besoin !



Dit-il avant de s'évanouir dans le couloir regagnant sa chambre qui n'était à peine qu'à quelques mètre. Il y retrouva sa propre cuirasse qui semblait bien plus petite en comparaison. Le seul réel point de différence était que l'exosquelette fonctionnait grâce à la maghilite de son fusil principal.
Ce dernier était encore posé sur son bureau, l'arme resplendissante n'attendant plus qu'à être connectée à sa source d'énergie. En quelques manœuvre, cela fut fait et le soldat s'appliqua à l'attacher à la vertical contre son générateur dorsal.
L'autre tache d'importance était de remplir ses chargeurs, une étape certes rébarbative, mais qu'il prenait toujours plaisir à faire.

Se penchant sous son bureau, il tira une imposante caisse en acier, cette dernière contenant une véritable profusion de munitions et de pièces. Hex n'était certainement pas un mécanicien de génie, mais l'entretien et la réparation du matériel individuel était une compétence attendue de n'importe quel soldat.
Il en tira une dizaine de boitier de fusil qu'il remplit consciencieusement, chaque balle étant inspectée avant d'être insérée dans le chargeur.
L'opération se répéta une nouvelle fois pour son arme de poing, les munitions de petit calibre venant alourdir le paquetage déjà considérable du jeune homme.
Fort heureusement son véhicule de reconnaissance en porterait une bonne partie pour lui.
Avec un peu de chance, la capitaine pourrait même ajouter ses propres réserves ce qui donnerait une bien meilleure autonomie au petit groupe.
Il fallait ajouter encore quelques jerrican d'eau et de combustible, et l'autonomie serait optimale.

Une autre tache d'importance allait être de faire rentrer le plus de munitions possibles sur l'engin tout en gardant deux places de libre

-Je ne sais pas si tu as eu ce que tu voulais des fourrier de la base, mais je dois avoir des outils en plus et une caisse de munition dans ma chambre si besoin !

Myträ hocha faiblement du chef, laissant s’envoler un remerciement du bout des lèvres. A vrai dire, la capitaine avait été de nouveau fidèle à sa réputation de petite pile électrique jaune. Elle avait littéralement dévalisée les réserves de la base. Elle s’était emparée d’une grande quantité de munition enfin de tenir un siège, ainsi que de l’artillerie légère sous forme de mortiers, et de petits canons. Pas beaucoup car il devait y avoir peu de personne sur place capable de les manier. La Capitaine s’était également emparée du stock de fusils d’entrainement à air comprimé et une dizaine de caisses de grenades à phosphore, fumigène, et irritantes. Bref, des armes non-létales pour le contrôle de foule. En effet, Myträ avait l’espoir que la situation ne s’envenime pas et qu’elle n’ait qu’à calmer des groupes de manifestants peu violents. Par contre, au moindre mort, les choses pouvaient vite dégénérer.

On lui avait donné pour mission de réorganiser les défenses de la mine. Cela passait par le renouvellement de leur arsenal de guerre. Le colonel avait consenti à toutes les exigences de la furieuse blonde car celui-ci avait remarqué que plus vite elle avait ce qu’elle voulait et plus vite elle sortait de son bureau ; ce qui était un confort non négligeable. Pour le reste, Myträ n’avait pas vraiment eu le temps de faire de plus amples préparatifs.

La jeune femme suivait le garçon des yeux alors qu’il sortait de sa chambre. Elle se perdit quelques minutes dans ses pensées, dévissant indéfiniment un écrou trop serré qui tournait en même temps que sa vis. Myträ ne cernait pas encore très bien son binôme. Il lui semblait un peu trop aimable et avenant avec elle. La capitaine n’était pas coutumière de ce genre de comportement, ayant plutôt l’habitude d’avoir à composer avec des grosses brutes qui la méprisaient ou bien qui la prenaient pour une mégère. Ses rapports avec Hex étaient presque… sains. Il était professionnel et de bonne volonté. Il est même possible que ce soit agréable de travailler avec lui.

Myträ ne dormit pas beaucoup cette nuit-là. Elle en aurait tout le loisir à bord du brick. La traversée devrait durée une à deux semaines en fonction des vents. En prévoyance de ces jours d’oisiveté, elle préférait superviser le chargement de l’imposant dirigeable qui attendait sagement de prendre son envol alors que le poids du matériel ne semblait même pas faire vaciller le mastodonte. Impossible d’atteindre sa charge maximale de toute manière. Les ressources de la base étaient limitées, Myträ n’ayant pas pu emmener tout le matériel voulu. Et puis, les gars de l’intendance commençaient à grogner bruyamment dès qu’ils apercevaient la capitaine pénétrer dans leur terrier, sachant pertinemment qu’elle venait les dépouiller.

La jeune femme travailla d’arrache-pied jusqu’à l’aube. Cependant, il ne s’agissait pas uniquement de zèle. Elle préférait s’occuper l’esprit plutôt que de penser à la boule qui pesait lourdement sur son ventre : c’était la première fois qu’elle se rendait sur la terre ancestrale de l’humanité, actuellement souillée par ses ennemis héréditaires. Son angoisse n’était pourtant pas due à la haine qu’elle éprouvait à l’égard des my’träns.

La vérité c’est que… les magiciens la terrifiaient.