Faire le point et repartir. [Rp solo][terminé]

Le 20 août 934 Chafouin se rendait tranquillement dans un bar sur les docks de Prorig, motivé par l'envie de boire un coup et de discuter de tout et de rien avec son employeur Denver Thomson. Une routine dont il avait l'habitude depuis de nombreuses années. Mais ce soir allait être un peu spécial. Un sentiment l'avait déconcentré alors qu'il se baladait sur le port, sans doute à cause des patrouilles de milices qui alpaguaient chaque personnes ressemblants de près ou de loin à un mage. La rumeur courait comme quoi tous les my'träns du continent devraient bientôt porter des bracelets antimagie sous peine d'exclusion, ou pire. Il y avait la scène politique qui s'agitait énormément après ce qui s'était passé à Hinaus, cette fameuse réunion du fort des trois sommets dont Chafouin n'avait que faire, même s'il avait reçu une mystérieuse invitation. Il avait plutôt l'habitude de fréquenter ce genre d’événement pour y commettre des larcins et l'occasion d'y participer en tant que simple invité ne l'avait que peu intéressé. Néanmoins il pouvait toujours apprendre de la bouche de son principal employeur ce qui s'était passé cette nuit-là, et Denver semblait avoir beaucoup de choses à raconter.

-Une déception, voilà ce qu'il s'est passé Chafouin, je connais un minimum la classe politique, mais une telle réunion d'hypocrites et de minables, je m'en souviendrais toute ma vie.

-Wow, ça a l'air sérieux, tu me disais pourtant que cette Laura semblait avoir de bons arguments.

-Ils étaient bons ses arguments ! La pauvre Laura, personne n'a voulu entendre raison, d'abord, il y a eu ce gamin, Raziel Harmony, un petit merdeux, copain de ce bon vieux général Flemming, un sale petit parvenu déconnecté de la réalité qui aurait dû bien la fermer quand son tour est venu. Et ce n'est que l'un des nombreux types qui ont gâché la soirée.

-Harmony, Harmony, ça me dit quelque chose, mais je n'arrive pas à le remettre.

-Tu n'y perds pas au change, c'est une vieille famille, trop vieille pour ce pays si tu veux mon avis.

-Ouais, ça me fait marrer de t’entendre dire ça, tu côtoies la noblesse depuis bien plus longtemps que moi, je pensais pas que tu crachais autant dans leur dos. Je pensais que t'étais pote avec eux moi.

-Ami ? Tu sais Chafouin, la chose agréable quand on fréquente les docks de Prorig et les types de ton acabit, c'est qu'on ne reste pas entre quatre murs avec la bourgeoisie décadente de ce pays à la ramasse. Si tu savais à combien de réunions j'ai dû me forcer à venir, combien de mains dégueulasses de pédéraste j'ai dû serrer pour arranger mes affaires. Tout ça pour assister à une réunion ou le non-sens était maître mot. Je commence à avoir plus qu'assez de ce pays.

-Pourquoi tu ne le quittes pas alors ?

-Parce que je peux faire avancer les choses, tu crois que ces fameux bracelets sont arrivés comment selon toi ? Tu n'as jamais remarqué que depuis des années on parquait autant que possible les my'träns dans les souricières, tout ça pour éviter que cette racaille produise un nouvel attentat comme à Cerka ou à Zochlom ? Denver se recula de sa chaise et respira un coup. Quand j'ai entendu que les généraux étaient mi-chaud à l'idée de déclarer la guerre, je me suis dit qu'on arriverait jamais à régler le problème de cette sous-race. Ces macaques vont encore nous faire chier longtemps à Prorig.

-Oh. Denver leva un regard interrogatif sur lui. Mollo sur les my'träns Thomson.

Il y eu un long silence. Denver savait ce que pensait Chafouin et inversement. Le nobliaux avait depuis son enfance appris à haïr les mages. Ce n'était pas un hasard s'il avait construit son affaire principale à Prorig, port de passage de nombreux navires venant directement du continent d'occident. Et Chafouin avait appris à le connaître pour cela : c'était la personne la plus raciste qu'il n'ait jamais vu. Il avait arrêté de compter le nombre de fois où il avait déclaré en se baladant sur les quais « Tiens t'as vu ces types en haillons, encore des sauvages, je vais appeler quelques gars pour bien leur faire comprendre où ils se trouvent. » Et d'autres phrases du même style. Chafouin n'aurait pu dire par quoi cette haine était motivée, mais c'était pour Denver un puissant motivateur pour faire avancer sa carrière. Il avait tenté de nombreuses fois d'accéder au poste de gouverneur de Prorig, basant à chaque fois ses campagnes sur le racisme et la nécessité de refouler les my'träns à la mer. Non pas que cela ne marchait pas, mais il y mettait bien trop de véhémence pour motiver la masse passive de Prorig, celle qui représentait le gros des votants. Il passait à chaque fois pour le type haineux de Prorig, celui qui avait mauvaise réputation. Alors, quand il avait reçu le message de Laura, qui semblait partager quelques-unes de ses idées, il avait été plus qu'intéressé de rencontrer quelqu'un qui semblait partager son point de vue, cela expliquait aussi pourquoi il était aussi dépité d'être revenu de la réunion du fort des trois sommets.

Concernant Chafouin, les choses étaient quelques peu différentes, il avait connu le racisme, envers les my'träns comme envers de nombreuses autres minorités. Mais il était passé par tellement d'expériences avec des personnes différentes pour arrêter de croire au concept du bien ou du mal, pour lui les my'träns représentaient ce qu'on pouvait croiser habituellement sur les quais de Prorig, des étrangers, parfois perdus, parfois motivés par le début d'une vie nouvelle ou heureux d'avoir échappé aux dangers de l'autre continent. Il avait rencontré des connards parmi ces my'träns certes, mais jamais quelqu'un qu'il aurait pu définir comme le diable ou la source de tous les problèmes des daënars. C'était toujours les my'träns qui causaient des problèmes, car dès qu'ils arrivaient sur ce port, ils savaient que leur vie allait être rude et qu'il faudrait se battre, parfois jusqu'à commettre des actes répréhensibles juste pour survivre quelques jours de plus. En fait, peu à peu, il s'était rendu compte que tous ces my'träns lui ressemblaient, quand il était un enfant perdu dans les rues de Skingrad. Le jour où il s'était rendu compte de cela, il avait cessé de les haïr pour ce qu'ils étaient, contrairement à Denver dont la haine semblait être un puits sans fond. En s'intéressant un minimum à la géopolitique, Chafouin avait gagné la certitude que tous les problèmes des Irydars modernes n'étaient liés qu'à une chose, la magilithe. Sans ce fichu cristal, les daënars n'auraient aucun intérêt à couvrir My'trä de mines qui sapaient peu à peu la magie du peuple de l'occident. Cette même pierre si précieuse et en même temps si nuisible, cette ressource pour laquelle des mineurs travaillaient et mourraient régulièrement, quand ils ne se transformaient pas en aberration couverte de magilithe. Sans magilithe, pas d'anomalies, pas de pauvres personnes condamnés à être traqués et exterminés par des hérauts maléfiques de dieux anciens juste pour ce qu'elles étaient.
Chafouin en était convaincu, s'il existait un diable ou une force maléfique omnipotente en ce monde, elle n'était pas cachée, occultée ou drapée de maléfices, non. Elle ressemblait plutôt à un caillou.

Et il avait rencontré des personnes touchées par cette malédiction, celle de devoir vérifier chaque nuit si un régisseur ne viendrait pas mettre fin à leur jour. Il s'était rendu compte que ses petits problèmes de bouffe, d'argent et de baise étaient bien insignifiants comparés à la terrible réalité de devoir fuir une force qui, un jour ou l'autre finirait par vous détruire, sans que vous ne pouviez rien faire sinon retarder l'inévitable. Il en avait rencontré une, de personne comme ça et ça, Denver le savait très bien. C'est pourquoi son masque froid se darda d'un sourire moqueur.

-Oh oui, j'oubliais Chafouin, le grand défenseur des my'träns, prêt à se sacrifier pour sauver ces pauvres petites victimes. Dis-moi Chafouin, cette jeune femme. Pourquoi tu ne l'as pas baisé au fait, ça ne t'a pas tant plu que ça les mages ?

-Denver... Commença Chafouin en le dardant d'un regard de colère, colère dont le noble ne semblait en avoir cure.

-Eh bien alors ? Tu n'aurais pas aimé la sauter pour avoir un gosse ? Franchement si j'avais été à ta place c'est ce que j'aurais fait, mais bon, il serait devenu un rejeté, comme...

Chafouin bondit quasiment sur la table en agrippant Denver par le col pour l’amener vers lui. Denver n'avait jamais été quelqu'un de très musclé, mais il eut l'impression de se faire soulever par un colosse, le visage de Chafouin était rouge de colère et il lut une envie de meurtre dans ses yeux. Jamais depuis qu'il connaissait l'homme bourru il n'avait ressentit de la crainte envers lui, mais il ne l'avait jamais menacé d'une telle manière en même temps. Et il connaissait bien les talents de tueur de Chafouin, s'il l'avait voulu, Thompson serait déjà mort.

-Tu va retirer tout de suite ce que tu as dit.

Chafouin respirait bruyamment et beaucoup de monde dans la taverne s'étaient tournés vers eux, Denver comprit qu'il était vraiment parti trop loin cette fois, il tâcha de retrouver son calme et répondu lentement :

-Très bien, je n'en parle plus, lâche moi maintenant avant qu'on ait tous les deux des ennuis.

Chafouin fit ce qu'il lui demandait bien plus brutalement que Denver l'aurait voulu, ils se rassirent et Chafouin baissa la tête vers son verre dont il engloutit une bonne partie. S'il ne quittait pas directement la table c'est bien parce qu'une autre chose occupait son esprit, une chose dont il devait s'occuper avec Denver. Il savait très bien que le noble n'allait s'excuser de rien du tout, ce n'était pas dans sa nature et ce n'était pas ce que Chafouin attendait de lui, à la place il partit sur un autre sujet.

-Bon, parlons d'autre chose, ta fameuse lettre, j'ai peut être cette théorie qui pourrait t'intéresser.

Chafouin haussa un sourcil, cette lettre qu'il avait reçue en 933, dont le contenu indiquait que son passé se trouverait vraisemblablement à My'trä, le tout signé d'un simple « Z ». Cette lettre il ne l'avait sorti que très peu, partagé entre des périodes d'obsession et de désintérêt total pour cette information. Son passé, il le connaissait, mais il n'avait aucune idée de qui étaient ses parents, il n'avait jamais vraiment voulu le savoir après tout. Quel genre de parents auraient abandonné un gamin dans les rues de Skingrad, Chafouin n'avait jamais eu envie de rencontrer de tels enfoirés.
Et pourtant, cette envie de savoir ne l'avait jamais vraiment quitté, c'est pourquoi il avait enquêté sur ce fameux « Z », mais rien ne concluant n'avait été trouvé, pourtant il avait bien demandé à Denver de l'aider, mais personne ne semblait se prénommer Z. Chafouin avait fini par abandonner et puis l'autre jour, Thomson lui avait dit qu'il avait une théorie qu'il lui expliquerait à un moment où il serait libre.

-Bon accouche, qu'est-ce que tu as deviné, monsieur le détective ?

-Tu vois, j'ai connu beaucoup de types qui se prénommaient par des surnoms bizarres. Lui dit-il avec un signe de tête entendu. Mais un Z, jamais, j'ai même eu des contacts à My'trä qui m'ont certifié que ça n'avait jamais été vu. Et puis l'autre jour je me suis dit que je ne cherchais peux être pas là où il faut.

Chafouin parut bien plus intéressé d'un coup.

-Alors, j'ai fait des recherches sur ton nom de famille. C'est un vieux nom, assez ancien, ça date de l'époque où nos ancêtres fuyaient les mages, c'est un nom hybride, moitié my'trän, moitié daënar.

Une information intéressante, mais peu utile pour Chafouin, même si ça expliquait beaucoup de choses, notamment pourquoi Denver le traitait comme la dernière des merdes depuis quelque temps.

-Et le Z alors ?

-C'est pas un surnom, mais une piste, c'est une région.

-Quoi ? Zagash ?

-Zolios, plutôt, il y a énormément de navires qui partent d'Eoril et d'Aseoru. Et pas mal d’entre-eux arrivent dans le sud où ils débarquent leur cargaison de rats. Il serait bien plus probable que tu viennes de là, j'irais chercher par là si j'étais toi.

Chafouin se sentait bizarre, il avait bien sûr penser qu'il était originaire de my'trä vu la tournure de la lettre, mais il n'avait jamais vraiment cru à cette théorie. Deckter, ça ne sonnait pas my'trän. Mais maintenant que Thompson lui indiquait cela, c'est sans doute qu'il voulait le voir partir, apprendre que son associé était sans doute d'une ethnie qu'il haïssait devait l'avoir dégoûté au plus haut point, c'est seulement le respect qu'il avait eu pour Chafouin et ses compétences qui l'avait empêché de le renier totalement, même si ce respect s'était durement effrité ces derniers temps.

-Tu me dévoiles tout ça, pour que je parte à la recherche de mon passé à My'trä et que tu ne me revois plus jamais avoue ?

Denver finit sa gorgée et émit un rire moqueur.

-Voyons, je ne suis pas assez bête pour croire que tu vas aller dans un pays aussi hostile. J'ai des espions là-bas, apparemment il y a des chefs qui ont bien excités ces sauvages et des maniaques sont prêts à partir en croisade pour aller péter des mines, si tu veux mon avis c'est le pire moment pour partir là-bas. D'autant qu'après que les premières mines auront étés détruites, notre conseil si éclairé se verra bien contraint de déclarer la guerre pour les ressources.

-Je pars quand même.

-Quoi ?

Chafouin avait pesé le pour et le contre rapidement et il était prêt à prendre le risque, Denver vit à sa tête qu'il était sérieux et il prit une attitude désintéressée.

-Bien prends un bateau alors, il y en a qui partent pour Eoril régulièrement, enfin, plus pour longtemps.

-Ce sera trop long et trop dangereux avec les pirates, je veux un aéronef privé et rapidement, pour demain.

-Tu te fous de moi là ?

-Annonce la douloureuse, quel que soit le prix je le paierais.

Denver réfléchit quelques secondes et le regarda d'un air calme.

-50000 irys, non négociable.

Chafouin déglutit, clairement c'était du vol, la moitié aurait peut être suffis, mais Denver ne voudrait plus jamais négocier avec lui de toute manière et il ne pouvait pas reculer.

-Très bien, vendu.

-Alors soi prêt pour disons, 11h demain. Le pilote sera prêt à décoller, mais même lui faudra l'arroser un peu.

Chafouin ne répondit rien et quitta la taverne, il était déjà tard, mais il ne comptait pas dormir de si tôt, il avait beaucoup de choses à régler.

Le visage lourd, il leva la tête de son bureau, reniflant bruyamment et se passant la main sur le visage, la sensation n'était pas agréable mais au moins il n'avait pas la tête lourde et douloureuse comme un lendemain de cuite. Chafouin regarda l'horloge en réalisant quelque chose, bientôt 9h, tant mieux, son vol était dans une grosse heure, le temps de faire ses affaires en somme. Affaires qu'il avait mis quelques temps à faire le tri. Il avait été tellement inspiré par ce que lui avait révélé Denver quelques heures à peine qu'il avait eu une poussée d'énergie pour faire le tri de toutes ses petites affaires, à savoir ce qu'il emporterait ou non à My'trä. En vérité la liste n'était pas si longue que ça, son équipement et ses économies évidemment, quelques habits dans une mallette et, c'était à peu près tout. S'il avait collectionné quelques bibelots sur ses étagères, rien de vraiment important ne le rattachait à cet endroit.

Il se mit à faire le tour de son humble maisonnée, son cabinet s'était toujours divisé en quatre parties. Le rez-de-chaussée qui lui servait de bureau de travail, l'arrière court, petit pâté de terre où il arrivait à peine à faire pousser quelques légumes. L'étage qui lui servait de chambre et de lieu de vie et enfin sa cave, où était d’habitude planqué tout son matériel, c'est par cet endroit qu'il commença. Il avait bien évidemment vidé ce coin en premier, il contenait de la poudre, des balles, mais aussi ses réserves de poisons et d'antidote pour Doc et Diplomate, les deux caisses contenaient encore un large stock, mais qu'il ne pourrait pas écouler avant de partir. Il avait bien noté les références des poisons qu'il utilisait, au cas où il réussissait à mettre la main sur ces substances à My'trä. Les balles  seraient sans doute aussi une ressource rare sur le vieux continent, il avait donc embarqué autant de munitions qu'il avait pu dans ses poches et sa mallette. D'ailleurs il lui était venu à l'esprit que pour tout ce qui était mécanique, il lui faudrait improviser, le matériel coûterait cher, si tant est qu'il réussissait à en trouver et il faudrait en prendre grand soin.

Il remonta par l'arrière court pour aller à l'étage et vérifier s'il n'oubliait rien, sa chambre n'avait jamais été un lieu où il passait énormément de temps, enfin sauf pour décuver. Il stockait le peu de choses de valeur dans son bureau, pour décorer et amuser la galerie. En pensant à comment se passerait son voyage, il descendit vers le bureau, sortit sa mallette de son coffre et vérifia pensivement son contenu. Il se dit qu'il était temps de bouger une fois pour toute. Il jeta un dernier regard sur les étagères et s’arrêta sur quelques-unes, ses trophées de lutte, sa boite du pistolet magnum qu'il avait gardé pour se rappeler de scarabée et son regard s’arrêta sur des petites statuettes en bois.

Il s'en saisit de l'une d'elle, c'était des représentations des architectes qu'il avait taillés au couteau, dont l'une d'elle représentait Khugastaa, ce n'était pas du travail d'artiste, mais ça lui rappelait au moins un peu Laurelin. Il se demanda où elle pouvait bien se trouver aujourd'hui, la vie d'anomalie était dangereuse et elle ne risquait pas de trouver de coin sûr avant longtemps. Tout ça à cause de cette connerie de magilithe et d'anomalie. Il reposa la petite statuette en se rendant compte de quelque chose, si les daënars et les my'träns s’entre-tuaient c'était surtout pour la magilithe, ça il le savait, mais pouvait-il y mettre un terme ?

En y réfléchissant bien, les anomalies, les conflits, tout ça venait d'un seul et même problème, il ne pouvait pas détruire toutes les magilithes du monde il est vrai, mais pourquoi pas faire de son mieux pour réduire ce fléau ? Il allait se retrouver à My'trä, dans une région hostile où les autochtones n'attendrait qu'un faux pas de sa part pour l'épingler, il allait falloir afficher la couleur rapidement quand il serait rendu à Eoril, bien sûr son objectif premier était de trouver ses origines, mais ce serait plus facile s'il arrivait à se former un réseau de connaissances. Et en tant que maraudeur dans un pays étranger, quoi de mieux que de s’associer à des guerriers et autres mercenaires. Les my'träns souhaitait faire péter des mines comme l'avait dit Denver ? Très bien, il pourrait les y aider s'il pouvait obtenir des contreparties en retour. Bien sûr, cela revenait à trahir son cher pays adoré. Mais comme l'avis dit son associé qui s'y connaissait bien mieux en politique que lui « ce pays est à la ramasse. » Ça il l'avait bien noté. S'il pouvait entamer la chute des quelques industriels, ça ne le dérangeait pas et bien bon, tuer des daënars c'était aussi un peu sa spécialité. Il réfléchit au sens qu'il pouvait donner à ça, sauvait-il de potentiels personnes d'une infection de magilithe en voulant détruire des mines, accélérait-il l'entrée en guerre ou ne retardait-il que l'inévitable ? Il rigola, au final ça ne l'importait que peu, il ferait son travail comme d'habitude, les clients changeraient juste de nationalité.

Il posa l’œil sur sa valise et prit la poignée dans l'intention de quitter son cabinet pour de bon, quand un bruit énergique retentit sur la porte, suivi d'une voix vindicative et motivée.

-Chafouin, nous savons que vous êtes là, sortez tout de suite, vous devez répondre du crime envers le juge Johansen.

Instinctivement, sa main se porta sur son revolver et une question lui vint à l'esprit en attendant la voix du type.

*Putain, c'est qui ce juge Johansen ?*

Alors qu'évidemment aucune réponse ne venait de la part de Chafouin, un des hommes tonna bien fort pour lui rappeler leurs présences.

-Ouvrez, immédiatement, on sait que vous êtes là, on sera peut être clément si vous êtes assez intelligent pour ne pas résister.

Ça, ce n'était pas ce qu'aurait dit un des types de la milice de Prorig, de plus Chafouin ne reconnaissait pas leurs voix, sans doute des mercenaires, mais il leur avait fait quoi à ces types ? Il se pencha discrètement pour jeter un coup d’œil par la serrure de la porte, six personnes, des hommes en arme et une sixième personne, l'air bien plus jeune que le reste du groupe, un adolescent à peine adulte, drôle de tableau. C'est ce dernier qui prit ensuite la parole.

-Je n'ai pas parcouru ce chemin pour attendre que ce bâtard se lève tranquillement, défoncez-moi cette porte et attrapez-le.

Un des hommes s'avança tranquillement vers l'entrée, merde Chafouin ne savait pas qui ils étaient, mais leurs intentions étaient assurément hostile, il fallait gagner du temps.

-Je suis pas disponible. Dit-il bien fort. Qu'est-ce que vous me voulez ? C'est qui ce Johansen d'abord ?

Il mentait, un petit peu, le nom de Johansen lui rappelait vaguement quelque chose, et il était quasiment sûr qu'il devait être lié de prêt ou de loin à sa mort, cependant, il comptait surtout gagner du temps, en accrochant un fil lié à un mécanisme de son bureau qui actionnerait un derringer dès que le premier homme ouvrirait, ou plutôt défoncerait la porte. Chafouin se replierait ensuite à l'étage. Il espérait seulement que son petit manège suffirait à lui faire gagner du temps. Il agrippa la mallette avant de prendre le chemin des escaliers, la voix du jeune homme retentit encore à l'extérieur.

-Il essaie de gagner du temps, Chafouin sait pertinemment ce qu'il a fait, défoncer la porte et attrapez-le !

Bon, pour le temps gagné c'était raté, il monta les escaliers deux marches à la fois, arrivé en haut, un craquement de porte et un bang retentirent quelques secondes plus tard, suivi de jurons et de grognements d'un homme qui avait extrêmement mal visiblement. Des bruits de tirs retentirent au rez-de-chaussée.

-Il est pas là, arrêtez de tirer bande d'idiots. Grogna quelqu'un.

-Il s'est replié, on a actionné un piège, on recommence, sa piaule est pas grande, mais faite gaffe où vous marcher.

À l'étage, Chafouin sortit un appareil qu'il avait gardé précisément au cas où son modeste logis subirais un assaut. Mais qu'il n'aurait jamais cru utiliser un jour, comme quoi, il fallait toujours être paré à tout. L'appareil se constituait d'un simple pot rempli de grenaille avec une mèche à allumer. Il repéra la partie molle du plancher, celle où il avait posé des marques et plaqua le piège contre le parquet alors que des bruits de pas méthodique se faisait entre au rez de chaussé.
Il craqua une allumette, alluma la tige, prit sa valise et ouvrit la fenêtre de sa chambre. Il utiliserait son grappin pour se projeter en face dès que le piège se déclencherait *1, 2, 3.* Compta-t-il. Puis à la cinquième seconde il déclencha son gadget, la seconde d'après, des cris et des bruits de shrapnels se faisait entendre dans son bureau désormais en miette.

Chafouin lui, atterrit sur une bâtisse en face de chez lui, les quelques parasites qui traînaient en contrebas lui servant d'habitude d'informateur se tenaient à distance respectueuse de cet affrontement saugrenu. C'était la première fois qu'il se faisait attaqué chez lui et ce serait peux être aussi la dernière heureusement.

Un des mercenaire ressortit de sa maison, visiblement plutôt bien en point, il cracha par terre avant de s'appuyer sur son fusil pour se remettre bien droit, en apercevant Chafouin sur le toit de l'autre côté de la rue. Il sembla reconnaître la raison de ce carnage et entama de mettre en joue l'homme aux cheveux cendrés, mal lui en prie, Chafouin l'expédia au sol d'un tir de revolver. Maintenant le «  calme » était revenu, uniquement troublée par quelques râles de douleur venant de sa maison. Il haussa les épaules, drôle de manière de partir, il aurait préféré sortir par la porte et fermer à clé comme aurait sans doute fait les gens normaux, mais il fallait croire que ce n'était pas son style d'agir normalement. Quels qu'étaient ces types et ce juge, ils n'étaient plus une menace maintenant, il utilisa ses grappins pour repartir le cœur léger, une dernière balade sur les toits de Prorig serait parfaite pour dire adieu à la ville.

Alors qu'il s’arrêtait de temps en temps devant les quartiers où les bâtiments qui l'avaient marqué, il était tant pris par ses petits moments de contemplation urbaine qu'il faillit presque oublier que l'heure pour son départ continuait de tourner, d'ailleurs, il ne remarqua pas le grappin planté dans la cheminée à côté de lui que grâce au bruit de la pierre percutée.

-Quoi ? Fit-il en se retournant.

Une silhouette portée par le même genre de gadget qu'il avait aux poignets arrivait sur lui à toute berzingue, le scintillement d'une lame le fit reculé de plusieurs mètres, mais le couteau de lancé avait été envoyé avec si peu de précision qu'il n'atteignit même pas ses pieds. La silhouette était un jeune homme, sûrement celui de tout à l'heure, il décrocha le grappin peut avant d'arriver vers Chafouin et atterrit d'une roulade mal exécutée. Mais cependant assez rapide pour qu'il se mette en position pour tendre son autre bras révélant un deuxième grappin à cartouche d'oxygène, Chafouin comprit ce qu'il voulait faire pour avoir utilisé cette manière de tuer à de nombreuses reprise lui-même. Il se baissa alors que le grappin adverse partait en direction de sa tête, mais comme pour le reste, ce tir avait été effectué avec trop de rapidité et de hargne pour être vraiment précis. Chafouin à son tour visa le garçon avec ses propres grappin, sa pointe perfora de part en part l'un des appareil d'un garçon en lui entaillant la main au passage. Il rembobina, lâcha sa mallette sur le toit et agrippa le garçon par le poignet pour le lever à sa hauteur, c'est là qu'il le reconnut.

-Bon sang, je me rappelle de toi, mais t'as beaucoup vieilli j'ai l'impression.

-Lâche moi espèce de fumier.

Oui il reconnaissait ce garçon, cela faisait combien, six, sept mois ? Une mission où il avait participé à l'assassinat d'un juge à Skingrad, assez difficile, l'assassinat était parti en sucette et l'infiltration silencieuse avait rapidement tourné en bain de sang. Ce gosse s'était retrouvé au milieu de tout ça, c'était le fils du juge Johansen, l'homme tué par le commanditaire de Chafouin alors que ce dernier avait tué le chef des gardes de la sécurité du manoir, une sacré mission.

-Comment t'as pu me retrouver petit gars ? On s'étaient efforcé d'effacer nos pistes au maximum pourtant.

-Vous n'êtes pas aussi discret que vous le pensez, c'est ce qui m'a conduit à toi, sale fils de...

-Oui, regarde où ça t'a mené. Fit Chafouin en le secouant. Tes gars sont hors-course, t'es désarmé, t'as cramé tous tes atouts comme un débutant et je pourrais te tuer à tout moment, tu penses que ça en valait la peine gamin ?

Le garçon baissa la tête, mais gardait un rictus rageur aux lèvres.

-Plus rien n'a d'importance depuis cette nuit, je n'ai fait que rêver votre mort à tous, pourquoi vous avez fait ça ? Mon père ne vous avait rien fait.

Chafouin n'avait pas de bonne réponse à lui donner et il le savait, cet assassinat n'avait été motivé par rien d'autre que l'argent, ensuite de quoi il avait enfui ce souvenir dans la case « oubli », pas de culpabilité particulière à avoir fait ce qu'il avait fait. Même s'il savait que rien au monde ne justifierait son acte, mais que devait-il faire maintenant ? Massacrer ce gamin et continuer sa route, cela semblait logique, mais pourtant il ne se voyait pas faire ça, alors avec un soupir il répondit :

-Désolé.

-Pardon ?

-Désolé, d'avoir participé à l'assassinat de ton père, il ne le méritait sans doute pas.

-Quoi, non pas tu plaisante, tu crois que tu vas t'en tirer comme ça ?

Et toi. Dit-il en le plaçant au-dessus du vide. Tu penses vraiment pouvoir t'en tirer ainsi ? Tu n'as pas réussi à m'abattre et nous sommes trois coupables, les deux autres sont largement pire que moi. Si tu n'es même pas capable de me tuer ici, abandonne, fait une croix sur ta vengeance et passe  à autre chose.

-Tu ne t'en tireras pas comme ça ! Dès que tu me lâcheras je te rattraperais !

-Oh non je ne crois pas, tes grappins n'ont plus de cartouches. Chafouin détendit sa prise sur le poignet du garçon qui glissa lentement vers le sol. De toute manière, tu n'auras bientôt plus le loisir de me traquer, je serais trop loin pour ça.

Puis il lâcha pour de bon l'adolescent qui hurla de surprise en tombant et en réalisant qu'il venait de tomber dans une charrue remplie de poiscaille qui avait ralentit sa chute, non sans lui laisser de nombreuses douleurs au dos. Chafouin récupéra sa mallette et reprit sa route avec ses grappins dynamiques. Quelques minutes plus tard il arriva à l'aérodrome. Son vol privé était prêt à partir avec un pilote quelque peu grognon à l'idée de partir pour My'trä. Heureusement l'énorme paquet de cash qui lui proposa Chafouin suffit à le motiver pour allumer les machines. L'homme qui avait vécu plus de trente-huit ans à Daënastre jeta un dernier regard au paysage urbain et haussa les épaules en ne trouvant rien de pertinent à dire ou à penser envers ce pays qu'il quittait, il monta, se déboucha une bouteille et somnola rapidement alors que le transport décollait.