Epreuve 1 : The Fifth Being - Ostium Tenebris

Survivre et laisser mourir

Le rapport reçu quelques jours plus tôt, faisant état de plusieurs disparitions à la frontière, a poussé le Souverain de la Terre a envoyé un petit groupe de Piliers pour en savoir plus. Il a été décidé que Keral serait à la tête de la petite expédition. Même après plusieurs années au service d’Endor, le jeune homme n’a pu s’empêcher d’éprouver une grande fierté d’être choisi et c’est donc avec plaisir qu’il est parti vers le nord de la contrée avec une demi-douzaine d’autres gardes. Le voyage s’est fait plutôt tranquillement, du moins autant que possible dans les montagnes prithviennes, et les arrêts dans les quelques auberges qu’ils ont croisées sur leur chemin ont pu leur permettre de se reposer convenablement. Il leur a fallu quelques jours pour atteindre la frontière, où Keral a ordonné de monter le camp en attendant de continuer.

L’aube est là depuis peu quand tout le petit groupe se prépare à partir. Les affaires sont rangées, le capitaine donne les ordres et ils pénètrent dans la forêt qui borde la frontière. Malgré le jour qui se lève, il y fait particulièrement sombre. Ils avancent tranquillement, pas après pas, dans un silence qui les fait frémir. Le vent souffle dans les branches des arbres, semblant chanter et murmurer autour d’eux. Un frisson lui parcourt le dos tandis qu’il continue de marcher. Il a soudain l’impression de percevoir une présence non loin et il se retourne pour demander aux autres s’ils ont vu quelque chose.

Sauf qu’il n’y a personne derrière lui.

« Les gars ? »

Il revient sur ses pas en les appelant, mais aucune réponse ne lui parvient. Il jure, cherche autour de lui, mais ne les retrouve pas. Sur le sol, il ne remarque aucune trace de pas en dehors des siennes.

Keral est seul.

Un souffle de vent plus fort traverse la forêt et il se protège le visage de ses bras par réflexe avant de reprendre position. Quelque chose ne va pas… Comme si la forêt elle-même était en train de l’observer…

« Y’a quelqu’un ? »

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Survivre et laisser mourir

Quelque chose ne va pas. Keral observe autour de lui, sa lance pointée en avant. Le vent continue de souffler doucement dans les branches, mais c’est bien la seule chose qu’il entend. Aucune voix ne lui parvient, ses camarades ayant tout simplement… disparus ? Heureusement, il a son épée à la hanche et sa lance dans les mains, ce qui le rassure un peu, mais il n’aime pas du tout cette situation. Est-ce que les gens qui ont été portés disparus se sont retrouvés ici également ? Il est rare de venir dans les terres inexplorées bordant Prithvi et il commence à comprendre pourquoi. Pourquoi j’ai accepté cette mission… ? Drenn avait dit que ça ne le dérangeait pas… J’aurai pu être dans les bras de la Comtesse de Veredir au lieu d’être ici… Un craquement semble soudain résonner dans la forêt, des oiseaux s’envolent et Keral fait volte-face avant de se figer.

Devant lui se trouve un… loup ? Il papillonne des paupières plusieurs fois sous la surprise. Depuis quand il y a des loups aussi gros par ici ? Son pelage argenté est magnifique, ses yeux dorés également mais le grognement qui sort de sa gorge est beaucoup moins appréciable.

« Ok… Super… Salut mon beau… Haha… Calme, d’accord ? Je ne suis pas là pour t’embêter. »

Keral ne quitte pas l’animal des yeux alors qu’il recule d’un pas avec une lenteur, la lance toujours pointée devant lui, vers le loup. Ce n’est sûrement pas une bonne façon de calmer un loup de cette taille, mais la relever lui paraît suicidaire.

« C’est chez toi ici, c’est ça ? Je suis sur ton territoire ? Désolé, ce n’était pas mon intention, je crois que le mieux c’est que je m’en aille, d’accord ? Je n’ai pas envie de te faire du mal. Hm… Tu n’aurais pas vu mes camarades en approchant par hasard ? »

Comme s’il allait me répondre… Les mains du Pilier raffermissent leur prise sur la lance pendant qu’il continue d’observer le loup.

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Survivre et laisser mourir

Keral a toujours été un homme courageux. Du moins il le pense et pour intégrer la garde du Souverain, il vaut mieux que ce soit le cas. Mais courageux ne veut pas dire foncer tête baissée, surtout quand on se retrouve face à un loup démesurément grand. Même si la présence de l’animal ne le rassure pas le moins du monde, il n’a pas non plus envie de lui faire du mal. S’il peut éviter de tuer des êtres vivants, il le fait. La mort ne vient qu’en cas d’extrême nécessité, ce qui n’est pour l’instant pas le cas ici. Puis soudain quelque chose de totalement improbable se déroule sous ses yeux. La silhouette du loup magnifique se trouvant face à lui se met à changer. Bouche-bée et blême, Keral observe et écoute les os se briser et se reformer, la fourrure disparaître sous la peau blanche et le loup qui devient homme.

La première pensée qui lui traverse l’esprit, aussi incohérente soit-elle, est que l’inconnu est entièrement nu. Le regard de Keral ne peut s’empêcher de détailler ce corps agréablement bien formé. Il détourne rapidement les yeux avant de se retrouver à rougir, ce qui serait totalement inconvenant. Bien qu’il aime les hommes autant que les femmes, c’est toujours une chose mal vue par chez lui et il ignore qui est cet… homme. La seconde pensée qui lui vient c’est…

« Par le con d’Eira, mais qui es-tu ?! »

Sa prise se renforce sur sa lance tandis qu’il raffermit sa position de défense. Jamais encore il n’avait entendu parler d’hommes capables de prendre la forme de loups. Des images provenant de livres qu’il lui est arrivé de lire étant enfant lui reviennent en tête.

« Es-tu un envoyé d’Ul Morkhaï ? Ou Ul Morkhaï lui-même ? »

Le dieu des loups serait-il à l’origine de toutes ses disparitions ?

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Survivre et laisser mourir

Plus le temps passe et moins Keral se sent en sécurité dans cet endroit hostile. Entre la forêt autour d’eux qui semble murmurer à chaque courant d’air qui vient caresser les branches et cet homme-loup sorti des profondeurs de ces bois, le Pilier commence à envisager la possibilité que les disparitions sur lesquelles on l’a envoyé enquêter sont plus complexes qu’il n’y paraît. Si la voix de l’inconnu semble vouloir être rassurante, son sourire ne l’est absolument pas. Keral ne lâche pas sa lance. Même s’il n’a pas l’air d’être familier de cette forêt non plus, il n’en est pas moins rassuré. Me ramener au centre ? Mais de quoi parle-t-il ? Quel centre ? Comment cet homme entièrement nu peut-il donner l’impression de pouvoir le protéger de quoi que ce soit ?

« J’ignore de quoi tu parles étranger, mais en tant que Pilier du Souverain de la Terre, je peux me défendre se- »

Le vent s’engouffre brusquement dans les branches et Keral lève les bras pour se protéger le visage de la terre et des feuilles qui se mettent à voler dans tous les sens. Se défendre seul contre quelqu’un n’est pas un problème, mais contre l'intangibilité du vent c’est une autre histoire.

« Mais bon sang ! Que me veut cette forêt ?! Est-ce toi qui fait cela ? Manipules-tu cet endroit ? Au nom d’Endor, ne me mens pas ! Si tu n’es pas un envoyé de Ul Morkhaï, es-tu un adepte de Nagar ? L’une de ses créatures ? »

Un frisson lui remonte le long du dos et il pivote soudainement, tout en gardant l’inconnu à l’œil, pour voir ce qu’il se passe derrière lui. Encore une fois, il a la désagréable impression que la forêt elle-même l’observe et lui veut du mal. Il reporte de nouveau son attention sur l’homme-loup et sa nudité le met encore une fois à l’épreuve.

« Je ne me laisserai pas avoir par tes manigances ! »

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Survivre et laisser mourir

Actuellement, Keral est loin d’être réellement tranquillisé par toute cette situation. Alors quand l’inconnu s’avance vers lui sans même se soucier de la lance pointée vers lui, le jeune homme fait un pas en arrière. Avant même qu’il ne comprenne ce qui se passe, l’autre pose sa main sur l’arme pour la baisser vers le sol sans même souffrir de la résistance que Keral met dans sa prise. Cet homme possède une force indéniable qui se confirme quand les doigts se referment sur son menton et le haut de sa cape de voyage, pour le maintenir face à lui. Le Pilier cligne des yeux, surpris par l’aisance qu’il possède pour le maîtriser. Ses suppositions sur le fait que cet homme n’est pas humain mais un envoyé d’un quelconque Dieu se renforcent.

Néanmoins, Keral ne fait pas le moindre geste. Son cœur bat soudain plus vite, son souffle se raccourcit et ses lèvres s’assèchent. Son charme, sa nudité, tout en lui le perturbe plus qu’il n’aimerait l’avouer. Cette fois-ci, il ne peut plus le nier, c’est un démon venu le séduire pour l’emporter dans les profondeurs des enfers. Sa voix le ramène au moment présent et il tique sur plusieurs mots : maître, magasin, violer, tuer… Le prend-il pour un esclave ? A-t-il seulement l’air d’en être un ? C’est totalement absurde. Le cœur battant, Keral tente de reprendre ses esprits. Il doit se dépêtrer de cette situation et fuir. Il n’est pas assez stupide pour ne pas admettre que cette… chose est plus forte que lui. Il devra revenir avec ses camarades s’il espère le vaincre.

« Je préfère ma manière. »

Et sur ces mots, Keral raffermit de nouveau sa prise sur sa lance et parvient, sans trop savoir comment, à l’enfoncer dans la jambe de l’inconnu. La surprise le fait lâcher prise et le Pilier en profite pour faire volteface et partir en courant dans les bois, ignorant les regards qu’il a l’impression de ressentir sur lui. Il court un long moment sans se retourner jusqu’à ce que la forêt s’éclaircisse et que des voix se fassent entendre. Il doit survivre et laisser mourir.

Codage par Libella sur Graphiorum