Revenir en hautAller en bas
Chroniques d'Irydaë
Bonjour, et bienvenue sur les Chroniques d'Irydaë. Déjà inscrit ? N'attends plus, et connecte-toi dès maintenant en cliquant sur le bouton "Connexion" ci-dessous !

Vous êtes nouveaux, que ce soit sur ce forum ou dans le monde du RPG ? Le choix d'un forum sur lequel vous pourrez vous épanouir n'est pas anodin, et il vaut mieux pour cela connaître l'univers dans lequel vous vous trouvez ! Nous avons pensé à vous, en vous préparant un guide qui vous permettra de découvrir pas à pas le monde des Chroniques d'Irydaë.

Si malgré cela, des doutes subsistent, n'hésitez pas à adresser vos questions aux Administrateurs.

En vous souhaitant une agréable visite !
Chroniques d'Irydaë
Bonjour, et bienvenue sur les Chroniques d'Irydaë. Déjà inscrit ? N'attends plus, et connecte-toi dès maintenant en cliquant sur le bouton "Connexion" ci-dessous !

Vous êtes nouveaux, que ce soit sur ce forum ou dans le monde du RPG ? Le choix d'un forum sur lequel vous pourrez vous épanouir n'est pas anodin, et il vaut mieux pour cela connaître l'univers dans lequel vous vous trouvez ! Nous avons pensé à vous, en vous préparant un guide qui vous permettra de découvrir pas à pas le monde des Chroniques d'Irydaë.

Si malgré cela, des doutes subsistent, n'hésitez pas à adresser vos questions aux Administrateurs.

En vous souhaitant une agréable visite !
-29%
Le deal à ne pas rater :
PC portable – MEDION 15,6″ FHD Intel i7 – 16 Go / 512Go (CDAV : ...
499.99 € 699.99 €
Voir le deal




 :: Les terres d'Irydaë :: Daënastre :: Ünellia
Page 1 sur 1


 Le chant du Rossignol

Luka Toen
Luka Toen
Le chant du Rossignol Empty
Le chant du Rossignol EmptyMar 21 Mar - 23:11
Irys : 594730
Profession : Historienne et naturaliste à ses heures perdues, médecin officiellement
Guilde +2 (femme)
Le chant du Rossignol
[Pv : Dolores Rossetto] - Novembre 931



« N’oubliez pas que notre budget fut serré cette année. Réfléchissez-y ce soir, nous aurions tout à gagner à proposer un consensus à l’Etat. Beaucoup de hauts dignitaires ont certifié qu’ils accepteraient de nous verser une aide. »

« Contre quoi encore ? Nous les connaissons ces rats, tout ce qui les intéresse c’est de dérober nos découvertes et de les mettre à leur propre nom… Ah ça, l’opinion public, ils savent s’en servir ! »

Luka eut un léger claquement de langue agacé. Il y avait une demi-mesure entre la naïveté et la paranoïa tout de même ! Qu’était-il advenu de ses collègues durant toutes ces années… ? Non, se rectifia-t-elle, Meyer avait toujours eu un tempérament délicat et prônait à qui voulait bien l’entendre ses multiples théories du complot. Par ailleurs, c’était précisément sa méfiance naturelle qui l’avait maintes fois conduit à faire des découvertes révolutionnaires dans le domaine de la météorologie. Elle força ses épaules à se détendre, et revint se nicher dans l’embrassade si agréable de son fauteuil.

« Allons allons, mes amis. Ne serait-il pas temps de faire une pause ? Je crois que nous avons tous besoin de nous aérer l’esprit. Après tout, ce colloque est loin d’être terminé, nous aurons encore l’occasion d’y réfléchir. »

« Tu as raison, Klein, comme toujours. »

Elle laissa filer un soupir qui fit écho à sa fatigue, heureuse de ce désengagement rondement mené par quelqu’un d’autre qu’elle. C’était une chose de mener l’assemblée, c’en était une autre de devoir régulièrement reprendre le comportement de cette brochette de sexagénaires. La carrière de scientifique était exigeante et ne tolérait que peu l’ingénuité. Cela, et une touche saupoudrée de privilèges méticuleusement entretenus depuis des siècles, et vous obtiendrez aisément la teneur de ces réunions collégiales. C’était néanmoins le prix à payer pour exercer le métier de chercheur, les ressources financières fort rares dans ce vaste monde pour une poignée de délurés. Ils se réunissaient donc chaque année depuis très longtemps dans l’espoir vain de réfléchir à l’avenir de la profession et surtout de prendre des décisions bénéfiques à leurs propres travaux : cela passait notamment par la recherche éternelle du Graal, plus timorée qu’une licorne de blanc pur, autrement nommée escarcelle d’Irys sonnantes et trébuchantes. Trouver un mécène n’était pas une difficulté en soi. En trouver un bien intentionné et qui avait à cœur de vous fournir incessamment sous peu tous les moyens de parvenir à vos fins, relevait de la légende internationale.

Oh, elle était mauvaise langue. Ils n’étaient pas tous décrépis, et encore moins aigris par la vie. Pour sa part, elle trichait quelque peu : elle ne faisait pas son âge véritable. La magie des Anomalies était telle qu’elle vous laissait aussi jeune et fringante qu’antan. Néanmoins, même en comptant prosaïquement les années elle restait dans la tranche des plus jeunes de ce petit comité. Klein uniquement pouvait se targuer –sans le savoir bien sûr-, de son droit incessible de petit dernier. Elle lui donnait la trentaine à tout casser, et des airs d’adolescent oublié qu’un train de vie énergique avait conservé dans une agitation toujours grandissante.

« Tu vas voir, ce soir je t’emmène avec quelques amis à La Ruche ! lui annonça-t-il de son enthousiasme coutumier. »

« La Ruche ? Qu’est-ce que c’est au juste ? »

Elle attrapa sa veste qu’il lui tendait fort galamment, un air mi goguenard mi moqueur sur son joli minois. Elle connaissait très bien les habitudes débauchées de son collègue et ami… Et les soirées de beuverie ne lui disaient rien qui vaille cette semaine. Les tourelles de paperasse qui l’attendaient à son hôtel ne cessaient de la préoccuper.

« Ah ne rigole pas, se défendit-il immédiatement, faussement piqué au vif. Cette fois, c’est un établissement très recommandable ! Enfin, parfois. Mais la nourriture et les femmes y sont de très agréable compagnie… Et il y a cette chanteuse… ! »

Elle leva les yeux au ciel, tâchant de garder pour elle le semi-sourire amusé qui menaçait de poindre à tout instant sur le revers de ses lèvres. Voilà donc le pourquoi du comment. Klein s’était une nouvelle fois entiché d’une demoiselle, et il escomptait lui faire la cour par des fleuves d’Irys versés et son assiduité à toute épreuve. Grand bien lui en fasse, il apprendrait bientôt que les plus cruelles et facétieuses créatures sur Irydaë n’étaient pas les novshs. Elle n’en ferait qu’une bouchée, la diablesse !

« Je te suis, grand bêta. Tâche de nous commander un bon fiacre lorsque tu auras un moment d’éclaircissement dans ta fièvre. Qui doit-on rejoindre ? »

Et de fait, ils s’appelaient Erlich et Yuran. Deux compagnons d’armes de Klein, tombés également au combat. C’était en tous cas leur sujet de conversation privilégié lorsqu’ils les rejoignirent à la tombée de la nuit, esquivant avec adresse les chevaux et la vapeur au milieu des rues animées d’Alexandria. Une belle bande de joyeux lurons peu agressifs en l’état, quoique un tantinet patauds si ce n’était maladroits… Et dire qu’ils espéraient saisir au vol la fragrance de leur dulcinée, l’éclat d’un regard qu’ils ne sauraient pas même pleinement identifier au milieu des odeurs doucereuses de l’alcool !

« C’est ici, ma chère Luka. Nous avons réservé une table pour quatre près de la scène. »

Dolores de Rosse
Dolores de Rosse
Le chant du Rossignol Empty
Le chant du Rossignol EmptyJeu 23 Mar - 22:37
Irys : 319947
Profession : Sbire de Ludwig Strauss
Daënar 0
Chanson (monovoix dans le RP o/):

Entrer dans la Ruche n’est pas facile, sachez-le. Si le maître des lieux a donné un tel nom à son établissement, c’est qu’il vise une clientèle de niche bien particulière : la jeunesse bourgeoise. Celle qui, forte de l’enrichissement des ancêtres, se retrouve avec une montagne de monnaie qu’ils ont toujours vu dans leurs coffres, dont ils ne savent ni la provenance, ni le labeur qu’elle a coûté. La seule chose dont ils sont sûrs, c’est que l’argent permet bon nombre de choses, et qu’ils n’ont qu’un seul réel besoin à satisfaire : le divertissement. Ils s’ennuient tellement que la moindre tentation offerte est aussitôt attrapée. Ces enfants succombent à tout, se jettent tout nu dans tous les brasiers possibles, dans le seul but de vivre un peu plus en hauteur, et un peu moins en longueur monochrome.

Lorsque vous pénétrez les portes du club, situées dans une ruelle plus connue pour ses trafics en tout genre que pour ses restaurants raffinés, vous devez vous accommoder d’une pénombre qui n’est pas sans rappeler celle que vous venez de traverser pour arriver jusque-là. Une nuit lourde, couverte, où luisent çà et là des lueurs huileuses. L’emplacement de La Ruche est connu de peu de monde, et son secret se transmet par des murmures, des cachotteries, qui sont d’une immense cohérence avec la politique de l’établissement. Le couloir qui vous accueille n’est peuplé que de deux paires de gros-bras, dont le seul but est de vérifier que vous êtes… adapté aux souhaits de votre futur hôte. Une fois cette vérification faite –il ne s’agit que de quelques questions accompagnées d’une fouille brève- vous pouvez définitivement entrer dans le temple du crépuscule.

Tout ici respire l’encens exotique, la volupté des alcools fins et de la chaleur qui fait transpirer la multitude. Une odeur caractéristique, incroyablement puissante, vous envahit dès l’entrée. On ne sait pas de combien de parfums divers elle est composée, mais le mélange vous happe, vous transporte vers une table où des serveurs endimanchés prennent votre probable commande de nourriture, qui vous sera servie sur des couverts  argentés. Un bar, tout de suite à votre droite en entrant, vous servira la boisson de votre choix que vous pourrez savourer devant une des quelques tablées qui entourent la petite scène au fond du bâtiment. C’est là qu’évolue notre somptueuse demoiselle. Le brouillard bruni des cigares contraste énormément avec la blancheur de sa robe, tandis qu’elle joue des doigts sur une harpe au cadre d’un bois noble. Derrière elle, un violoniste et un guitariste dans la pénombre. Tout ce qu’il faut pour enchanter le public et l’emmener dans une enfance bucolique qu’il n’aura jamais le bonheur de toucher du doigt.

Il n'aime qu'elle, et elle n'aime que lui
Comme un manège entre ses bras…
Un air de valse, un secret entre elle et lui,
Un pas de danse qui n'en finit pas.


Ce n’était pas Dolores qui choisissait son catalogue, sinon elle aurait été beaucoup plus incisive sur le texte. Durant ce début de soirée, il fallait qu’elle entretienne un climat plutôt serein, féérique, tranquille, d’amour pur et à la douceur sybarite. Elle y parvenait sans peine, sa voix glissant contre les joues de chacun pour l'attirer plus loin dans le rêve. Les pupilles closes, elle faisait murmurer à son instrument des promesses romantiques. Des récits que tout le monde connait sans en citer jamais l’auteur, puisque souvent c’est bien son propre cœur.

Qu'est ce que ça peut faire
Si le monde tourne à l'envers.
Le temps qui passe ne revient pas…
Qu'est ce que ça peut faire
Si le monde va de travers.
Cette nuit je dors entre tes bras…


La chanteuse devenait mythe, muse, déesse au milieu des hommes. Elle inspirait les poètes, bien que plus poétesse encore qu’ils ne le seraient jamais. Elle devenait bijou pour leur regard voilé de drogues hallucinantes. Dolores était une sirène, ici-bas. Attirant les marins dans la brume pour les faire s’échouer dans un océan de caresses venimeuses. C’était l’étage inférieur de la Ruche. Un escalier sombre, grinçant, qui vous menait à un espace de grivoiseries multiples. C’était là l’espace réservé aux plus nocturnes des abeilles, celles qui ne vivent que la nuit pour entretenir le nid. Leur rôle est capital, et pourtant on ne peut jamais les voir, à moins d’être soi-même de cette étrange espèce.

Luka Toen
Luka Toen
Le chant du Rossignol Empty
Le chant du Rossignol EmptyLun 27 Mar - 0:15
Irys : 594730
Profession : Historienne et naturaliste à ses heures perdues, médecin officiellement
Guilde +2 (femme)
La première chose que Luka vit de Dolores fut son reflet sur le visage de Klein. Il n’est pas toujours nécessaire d’ouvrir ses prunelles, de contempler la silhouette diaphane qui nous fait face de plein fouet. Exactement comme dans les nuits les plus noires, certaines ombres nous apparaissent plus nettes d’un regard en biais et d’une dérobade que dans l’obstination d’une observation de front. Peut-être était-elle trop blanche, trop luisante en cet instant : sa vision n’aurait pas manqué de blesser les sens, et sa voix, enjôleuse et cajoleuse, aurait entraîné bien loin les pensées de Luka. Alors, sans doute toute cette histoire n’aurait-elle jamais commencé, cantonné à cette mascarade de soirée. Très belle chanteuse, se serait-elle contentée de retenir, divertie et satisfaite par ce spectacle parmi tant d’autres. Bel objet de convoitise que l’on exhibait devant la foule, Dolores Rossetto, une énigme parmi tant d’autres que personne ne connaissait vraiment. Comment auraient-ils pu ? La jolie maraudeuse avait la croupe et l’esprit vifs, il lui suffisait d’un sourire et d’un regard pour éparpiller les soupçons.

Non, rien de tout cela n’aurait pu heurter Luka de plein fouet, si elle n’avait pas croisé la lueur infime qui s’était allumée sur le visage de son ami. Son couvert en argent s’était figé à mi-chemin de sa bouche –du homard peut-être, cela faisait longtemps qu’elle n’en avait pas dégusté-, et ses yeux, subjugués, avaient détaillé la transformation physique saisissante qui s’emparait de Klein. Il y avait là un léger frémissement des lèvres, un plissement de paupière supposé chasser les embruns de lumière duveteux qui s’y perdaient en quantité, trop ébloui par l’objet de ses désirs pour oser bouger brusquement. Il continuait d’échanger de temps à autre une parole avec l’un d’entre eux, mais un accent rêveur persistait à la jointure de ses propos. Il avait alors un lent et profond mouvement de main, comme s’il soulignait la voix langoureuse de la chanteuse d’une approbation muette.

Qu’était-elle ? Quelle magie faisait-elle donc vibrer dans l’air qu’elle en transformait les hommes et les cœurs avec autant de puissance ? Incapable de l’observer elle, trop saisie par le spectacle seul que lui offrait sa compagnie masculine, Luka en oublia un long moment de se tourner vers l’estrade. Elle n’aurait pas démenti un brin d’appréhension, peur d’être déçue probablement, de découvrir à qui appartenait cet arrière-fond de voix doucereuse, peur de ne pas y trouver une silhouette aguichante en adéquation avec les phéromones qu’elle libérait dans l’espace alentour… Alors ne restait-il qu’une unique solution.

« Dites-moi, vous tous, que sait-on d’elle ? »

Ce fut Yuran qui lui répondit le premier, les yeux pétillants à l’idée de converser d’un sujet croustillant :

« Pas grand-chose. Madame est très secrète quant à sa vie privée, mais l’on dit qu’elle prend des amants toutes les nuits. »

Visiblement, voilà une hypothèse qu’ils espéraient ardemment démontrer. Perdue dans ses pensées, Luka chassa du bout de sa fourchette les légumes finement cuits par la maison.

« Tout à fait ! répondit à son tour Erlich. L’autre jour j’ai même entendu dire qu’on l’avait vue repartir accompagnée par l’un des riches académiciens d’Alexandria. Quand ce n’est pas l’un de nos hommes politiques, supposé marié. »

« Oh tu sais, vu la bedaine que certains ont, on sait pourquoi ils se tournent vers d’autres victimes… »

Ils eurent un grand sourire de connivence, et Erlich envoya un méticuleux coup de coude dans les côtes de Klein.

« Allez, cesse donc de grimacer, personne te la prendra ta jouvencelle. »

« Pourquoi ne tentes-tu pas ta chance en te postant à la sortie ? coupa-t-elle court à ces joyeuses brimades, réellement curieuse. »

« C’est que… J’ai déjà essayé… Mais elle a un garde du corps. »

« Ouais, dis plutôt que tu n’as pas cherché à comprendre et que tu as fait demi-tour sans demander ton reste ! »

Tout à fait probable, se garda-t-elle de dire à haute voix, se contentant de hausser un fin sourcil amusé.

« Vous avez éveillé mon intérêt en tous cas. Il y a peut-être quelque chose à faire… »

Elle repoussa sensiblement son assiette, et pivota sur sa chaise en toute indifférence de la mélodie qui s’égrenait dans l’air. Elle leva un doigt interrogatif à l’intention d’un serveur à la mise impeccable, soigneusement en retrait de la sphère des clients. Ici, tout un chacun pouvait être la personne à ne pas vexer, et plus encore lorsque l’on constatait les prix qui étaient pratiqués dans ces lieux. Luka était chanceuse, elle n’était pas en reste en matière de renommée, et plus encore dans les hautes sphères intellectuelles de la société…

« S’il-vous-plaît, savez-vous à quelle heure Mademoiselle Rossetto termine son service et s'il est possible de la rencontrer ? »

Un sourire impeccable sur les lèvres, elle ajouta négligemment sous le regard éberlué de ses trois compères :

« Ah, et apportez-moi l’un de vos rouges les plus délicieux, nous en aurons grand besoin. »

Dolores de Rosse
Dolores de Rosse
Le chant du Rossignol Empty
Le chant du Rossignol EmptyMar 11 Avr - 21:07
Irys : 319947
Profession : Sbire de Ludwig Strauss
Daënar 0
Fallait-il que ma voix monte véritablement aussi haut ? Etait-ce nécessaire ? J’ai l’impression d’avoir eu les poumons écrasés pour en faire sortir tout l’air, sans en laisser la moindre miette. Ma gorge brûle horriblement, et ma voix se transforme en un grognement immonde dès que j’essaye de murmurer la moindre note un peu haute. Bon, eh bien j’ai l’impression que le reste de la semaine sera animée par un peu de musique moderne… Ils devraient apprécier un peu de... bestialité, non ? Et puis, je ne suis pas vraiment d’humeur virginale et fragile en ce moment, ce doit être l’approche toujours plus rapide de l’hiver.

C’est le genre de débat intérieur dont nous sommes tous friands, petits comme grands. Dolores était différente en cela qu’elle avait élevé ces réflexions solitaires au rang de divertissement très solide. Quand l’ennui l’enveloppait, ce qui était souvent le cas lorsqu’elle devait retourner en coulisse pour laisser la place à d’autres artistes, c’était à peu près le seul loisir qu’elle avait l’énergie de s’accorder. Des perles de sueur lui parcouraient le visage et la peau du cou, dessinant des  reflets scintillants à la lumière des lampes du corridor. Çà et là, quelques régisseurs, quelques grooms, ou même un admirateur discret –ou influent- venaient ponctuer son soliloque de quelques bavardages sans consistance.

Passant enfin la porte de sa loge, aux lumières déjà toutes allumées par une main fugace et invisible, elle se laissa tomber avec bonheur sur le fauteuil au fond de la pièce. Il était à elle, ce siège, rien qu’à elle, et personne ne lui prendrait jusqu’à ce qu’elle parte d’ici. Jetant la tête en arrière, Dolores jubilait. Elle fit quand même l’effort d’attraper une serviette posée non loin de là pour s’éponger le front et la nuque, avant de la nouer avec application autour de son cou, afin de ne pas risquer un coup de froid qui lui décapiterait sa paye pour plusieurs jours au moins. Puis soudain, alors que sa conscience vacillait délicieusement, là, sur ce fauteuil, on frappa à la porte avec toute la précaution que pouvait déployer quelqu’un qui se savait peu désiré dans le coin.

- Mademoiselle Rossetto… Pardon de vous déranger, des personnes ici m’ont demandé de les amener à votre rencontre.  Elles semblent avoir beaucoup apprécié votre performance. Souffla une voix d’homme plutôt juvénile.

La chanteuse soupira, très brièvement, très faiblement, si bien que de l’autre côté de la porte en bois il était impossible de l’avoir entendu.

Mon pauvre, ce ne seront pas les derniers à admirer ce que je fais, et pourtant ils ne viennent pas tous me voir personnellement… Pourtant, ils pourraient, rien ne les en interdit, à part les humeurs de mon cher patron, bien évidemment. Je vais aller voir qui sont ces admirateurs. Aller, du beau monde, s’il vous plait !

Elle se leva calmement, prit le temps d’enlever ce tissu disgracieux autour de son cou et de le jeter dans un coin, puis s’approcha du grand miroir collé sur la porte de sa penderie pour arranger sa toilette.

- Vous pouvez les faire entrer, merci beaucoup ! Lança-t-elle d’une voix ingénue.

La porte s’ouvrit, le serveur murmura quelque chose d’inaudible à la bande de scientifiques, probablement répétait-t-il ce que Dolores venait juste de dire. Obnubilée par la première impression qu’elle pouvait donner, la jeune femme ne tourna pas tout de suite les talons vers ceux qui avaient eu le courage de demander une entrevue. Elle fredonnait à voix basse, tout en s’examinant avec une coquetterie perfectionniste qui charmait bien du monde parmi ceux de la haute. Sans même avoir posé le regard sur ses nouveaux interlocuteurs, elle essayait déjà de déclencher chez eux quelques affectes qui la rendrait rapidement irrésistible. D’un mouvement ample du bassin, elle pivota finalement vers les chercheurs qu’elle dévisagea en un instant, mais pas l’un après l’autre, plus comme une totalité, pour ne pas déjà leur donner  trop d’importance individuelle. Dolores remarqua cependant que, parmi ces quelques curieux débonnaires, il y avait une femme.

Ça, c’est pas banal ! En plus regardez sa crinière, comme elle est chatoyante ! On a envie de poser sa tête dedans et de s’y endormir… Non, ma brave Dolores, ce n’est pas le moment de penser à dormir, tu auras l’air fatiguée après.

Cela devait se voir, mais son regard clair s’arrêta un peu plus longtemps sur Luka, mais elle fit en sorte que cela se justifie par le fait que cette dernière ouvrait la marche à la place d’un autre de ces messieurs. Chacun de ses gestes étaient décidément un coup joué dans une partie d’échec. Elle pencha subtilement la tête sur le côté, esquissant un sourire des plus rayonnants. Ses cheveux légèrement transpirants tombaient en mèches disproportionnées sur son épaule, et les plis de sa robe d'albâtre finissaient de compléter ce tableau à la fois si innocent, mais en même temps désespérément séducteur.

- Bonsoir, messieurs-dames. Vous vous amusez bien ce soir ? Je l’espère ! Pourquoi vouliez-vous me rencontrer, au juste ? Quelque question vous démange ? Demanda-t-elle avec un rire léger.

Luka Toen
Luka Toen
Le chant du Rossignol Empty
Le chant du Rossignol EmptyMar 2 Mai - 18:40
Irys : 594730
Profession : Historienne et naturaliste à ses heures perdues, médecin officiellement
Guilde +2 (femme)
Dolores n’aurait concrètement nul besoin de ces artifices si elle avait su combien le troupeau de scientifiques était d’ores et déjà tout entier acquis à sa cause. Aurait-elle laissé tomber sa chaussure ou la plus odieuse des frusques, les garçons se seraient sans doute empressés de se ratatiner au sol pour mieux en apprécier la saveur et espérer toucher du doigt ce qu’était cette belle emprisonnée. Pour un regard d’elle, cette individualité qu’elle leur refusait pour le moment, Luka n’aurait su dire ce qu’ils seraient capables d’accomplir. Cette rencontre les marquerait en tous cas pour les années à venir, et cette fragrance de chatte lascive leur collerait à la langue des nuits durant lorsqu’ils se mettraient à chercher son ombre et sa trace dans les autres femmes environnantes…

Indubitablement, elle était magnifique. Car Luka pour sa part ne se priva pas de la détailler des yeux, aussi spontanée que la demoiselle était calculatrice. Au moins pourraient-elles trouver un terrain d’entente : elles étaient toutes deux sans gêne. Et, habituée à observer la vie avec un regard d’enfant curieuse, l’ancienne dragonnière ne songeait que très rarement combien ces œillades franches pouvaient ébranler ses interlocuteurs, peu habitués à être le crible d’un tel feu soutenu. Pour autant celui-ci n’était pas du tout agressif, ni même ne se voulait incommodant. Non, Luka était véritablement en proie à une multitude d’interrogations muettes que faisaient naître les formes souples de la chanteuse, ses airs de reine alanguie et trompeuse, et pourtant d’une vérité crue.

Entrée la première aux côtés de Klein, que ses doux imbéciles d’amis ne cessaient de titiller d’une virile poussée dans l’épaule, Luka fit un léger pas de biais et s’immisça dans un espace libre. Sa petite tribu put ainsi tenir quasiment tous ensemble de front face à l’objet de leur convoitise, sans qu’elle n’en perde tout l’intérêt du spectacle. Plusieurs interminables secondes s’égrenèrent durant lesquelles Klein demeura incapable de prononcer le moindre mot, avant qu’il ne parvienne à esquisser un à peu près assuré « Bonsoir ».

« Si ce sont bien des questions qui le démangent… crut bon d’ajouter Yuran dans un demi-murmure moqueur dont le sens était plus qu’explicite. »

Luka eut une soudaine montée de compassion pour la jeune artiste. Malgré ses efforts pour présenter une telle apparence, sans doute y avait-il des jours où elle avait d’autres chats à fouetter que d’entendre tous les commentaires graveleux de ses possibles fans. Il n’y avait qu’à voir ce qu’un présumé scientifique était capable de sortir, le tout avec un regard vitreux et la bave aux lèvres… Alors qu’en était-il de ces machistes de taverne qu’un centimètre carré de peau nue rendait aussi fébrile qu’un yamaany ? Par politesse envers cette Dame qu’elle ne connaissait pas, elle crut bon d’arrondir un tantinet les angles de ses amis :

« Je crois que l’alcool a été assez fort ce soir, mes excuses. Ils vous adorent, vous savez. »

« Et comment ! surenchérit Erlich. Vous faites des signatures, ce genre de choses ? »

Cette fois-ci, la remarque parvint à arracher à Klein un long roulement des yeux.

« Ne l’embêtons pas avec ça. Je voulais surtout vous dire que votre voix était très vraiment ravissante ! »

Il se racla la gorge tandis que ses yeux s’égaraient un peu trop dans le décolleté de la belle, une cage thoracique qui en effet, ne devait pas manquer de faire résonnance ! Luka échangea un fugace regard avec son ami, un semi-sourire fortement amusé titillant la naissance de ses lèvres. Puisque ces idiots se dandinaient et n’avançaient en rien la possible séduction de Klein, elle opta finalement pour l’une de ses éternelles techniques de front :

« Mis à part ça, j’ai une proposition à vous faire. »

Ses prunelles revinrent s’ancrer aux merveilleuses mirettes de son interlocutrice. Elle était chanteuse, et dans un établissement classieux de surcroît : elle devait être dure en affaires.

« Acceptez-vous de temps à autre des contrats annexes à votre travail ici ? Oh, rien qui ne viendrait concurrencer les dignes activités de La Ruche. Pour tout vous dire, nous devons nous réunir cette semaine pour un colloque, et il serait de bon aloi d’organiser un petit dîner privé d’après débats pour détendre l’atmosphère. Je pense que votre voix aurait grand à gagner à nous faire l’honneur de sa présence parmi ces nombreux Messieurs. Pour cette soirée absolument occasionnelle et votre talent personnalisé, vous seriez bien entendu grassement rémunérée. »

Dolores de Rosse
Dolores de Rosse
Le chant du Rossignol Empty
Le chant du Rossignol EmptyMar 2 Mai - 21:54
Irys : 319947
Profession : Sbire de Ludwig Strauss
Daënar 0
Le silence s’imposa de lui-même, comme témoin étrangement bavard, rapporteur de leur manque de bravoure à tous. Dolores, via son amour des récits du passé, se désolait parfois de ne pas avoir été contemporaine de l’époque où chaque être humain était capable d’en défaire plusieurs par simple réflexe de survie. Tout était plus simple en ce temps. Si vous ratiez votre marche, si vous jouiez mal à ce grand jeu de l’existence, vous mourriez.

Peut-on faire quelque chose de plus éloigné de cet idéal qu’eux ? Malheureusement, je crois qu’il n’y a rien à faire. Là où l’on attend des hommes, il n’y a plus que du sable, et c’est maintenant une femme qui me donne envie de jouer, et non pas l’un d’entre eux. Mais dans quel monde vit-on ?

Tandis que chacun des scientifiques se plaisait à essayer divers techniques pour attirer de nouveau le regard de Dolores, celui-ci étant revenu se perdre dans sa chevelure pour en arranger l’ordre précaire, elle continua de les écouter tout de même, et surtout de sourire d’un air amusé. Ils passaient à la trappe maintenant, cette bande d’impuissants, suants leurs phéromones déréglés par le biais de leur peau à la vue si peu ragoutante qu’elle semblait même gluante. La chanteuse les sentait déjà tous dévoués à son unique regard. Il n’y avait guère plus ennuyeux que cela.

Par contre, la petite rousse, là, elle ça représente déjà un peu plus de parvenir à la faire plier. Peut-être se croit-elle à l’abri, à me dévisager ainsi de haut en bas comme un fruit étrange de la nature, mais si ce n’est pas ta vue que j’hypnotise, je parviendrai tout de même à te conquérir par les autres sens. Il y a forcément quelque chose qui t’électrise le cerveau, et il ne sera pas bien difficile à trouver.

Sa pensée la fit pousser un rire charmant, enfantin sans être trop dénué d’intelligence. Le plus souvent, c’était ainsi que Dolores procédait pour commencer ses jeux malsains de séduction. Même l’ancienne dragonnière serait capable de se faire berner par cet éclat de bêtise qui pointait dans chacun de ces gestes graciles. La chanteuse consentit à se tourner complètement vers le groupe, les gratifiant d’un de ses sourires étincelants, tout en replaçant, avec malice, une mèche de cheveux récalcitrante derrière son oreille.

- Vous êtes très aimables, vous tous. Bien sûr que je peux vous accorder quelques autographes, ce serait un honneur même. Attendez ! Lança-t-elle en levant une main fluette vers le ciel, ses prunelles papillonnant d’un visage à l’autre sans la moindre intensité.

Elle fit quelques pas hâtifs vers un bureau de bois brun à côté de la penderie, et dégagea d’un des tiroirs un stylo plume aux teintes cuivrées, parfaitement mises en valeur par la lumière ambiante, à l’instar de la chevelure amarante de notre chanteuse. Tout en souplesse, elle courba son dos pour se pencher près du bloc-notes posé devant elle et joua de l’habilité de ses doigts pour y tracer une signature en bonne et due forme. Un gage, à la fois simple et fleuri, d’une estime qu’elle n’avait pas vraiment pour les hommes de lettre. Elle déchira vivement le papier de son support, posa le stylo sur le bureau, et fit quelques autres ondulations serpentines pour finalement se retrouver au plus près de ces messieurs, et surtout de cette dame.

- Tenez, je vous la donne à vous. Annonça-t-elle en tendant le papier à celui qui avait poliment demandé un tel présent.

Evidemment, notre espiègle Dolores en profita pour prendre avec douceur la main de l’homme et l’accompagna jusqu’à l’autographe susmentionné dans un échange des plus candides. Elle voulait, bien entendu, semer le trouble parmi ces âmes ivres, afin que leurs émotions sublimées s’entrechoquent et puissent laisser un petit, même un léger, moment de répit à la demoiselle pour qu’elle puisse répondre à la scientifique qui s’était un peu éloignée de tout cela. Elle l’imita d’ailleurs, se rapprochant d’un bon de la rouquine pour laisser aux damoiseaux le soin de s’entredéchirer, comme au bon vieux temps des Gaels. C’était la première fois de toute cette scène burlesque que Dolores échangeait un véritable regard avec quelqu’un, et celui-ci ne laissait aucun doute sur son ingénuité de petite fille trop tôt sortie de son palais. De surcroît, fidèle à son plan de conquête complète de l'esprit de chacun, Luka pouvait désormais savourer des narines le parfum envoûtant de lilas et de groseille que dégageait la chanteuse pourtant en sueur après sa prestation, comme si une telle fragrance émanait d'elle naturellement, par les pores de sa peau satinée.

- Mais voyons, bien sûr que j’accepte votre proposition ! Oh, autant de belles personnes ! Chanter pour elles, voir leurs visages… Vous savez, ici il fait si sombre dans la salle que je ne vois aucun visage. Je me sens un peu seule sur scène, parfois, comme un morceau de viande examiné par un régiment de bouchers. Elle marqua une pause, regardant le vide à sa gauche et mordant fugacement la lippe de ses douces lèvres vermeilles, puis elle reprit leur échange visuel. Ne vous inquiétez pas pour l'argent, je n’en ai déjà que trop à travailler ici. On va dire que je serais invitée, et non employée. Cela vous convient-il ?

C’est sûr que si Luka s’attendait à une professionnelle de la négociation, elle devait être bien déçue. Et pourtant, qui sait ce que Dolores jouait vraiment dans ce contrat ? Bien plus qu’à l’art de séduire une femme, Dolores s’était habitué aux paris risqués. Ceux que vous regretteriez de perdre, mais qui, bien heureusement, se règlent facilement lorsque l’on a la patience et la mentalité d’un logicien confirmé. Ne sachant pas ce que les hommes de la compagnie étaient en train de faire dans leur moment de perdition mutuel, la chanteuse pivota vers eux et esquissa une révérence théâtrale pour se présenter, laissant onduler sa chevelure sur ses épaules dénudées.

- Si vous avez pu demander où je me trouvais, vous devez connaître mon nom, néanmoins je tiens à me présenter tout de même. Dolores Rossetto. Ce n’est qu’un pseudonyme, bien sûr, mais il ne vous est pas utile de connaître le vrai. Je suis ravi de vous avoir rencontré, messieurs-dames.

Tandis qu’elle prononça cette dernière phrase, Dolores répéta à l’inverse le geste des talons qu’elle avait esquissé précédemment pour venir se replacer dans l’exacte position prise durant le court échange avec Luka. Ses yeux toujours plongés dans les siens, toujours aussi candides, elle lui tendait une main frêle et pâle, que la jeune femme pouvait néanmoins serrer avec toute l’énergie qu’elle voulait.

J’espère que ton esprit va au moins retenir mon visage, en plus de ma voix, très chère. Je m’essaye à un tout nouvel exercice là, et probablement que je devrais m’atteler à peaufiner la technique. Mais dans l’ensemble, elle a l’air charmée, même si ses mots restent ceux d’une froide femme de science… Par Marc Ünen, j’espère qu’elle n’est pas si distante une fois son cœur mis à nu, sinon j’aurai fait tout cela pour rien.

Luka Toen
Luka Toen
Le chant du Rossignol Empty
Le chant du Rossignol EmptySam 8 Juil - 14:49
Irys : 594730
Profession : Historienne et naturaliste à ses heures perdues, médecin officiellement
Guilde +2 (femme)
Oh, Luka s’amusait follement soudain. Voir ses grands gamins devenir aussi patauds et maladroits que des pingouins dès lors qu’ils avaient l’infini malheur de frôler la peau de la chanteuse, était d’une risibilité cosmique. Où étaient donc passées leur verve et leur fierté d’hommes indociles ? Yuran et Erlich tout particulièrement étaient désormais comme frappés du sceau d’infirmité. Leur vocabulaire s’était réduit à une poignée succincte de rires gloutons et peut-être un ou deux grognements voraces. Luka avait toujours trouvé l’humanité fascinante… Lorsque ses comparses scientifiques souriaient de la voir charmée par une bestiole exotique, n’hésitant pas à courir monts et marées pour l’étudier, ils ne réalisaient pas combien l’inverse était vrai : revenir au sein de la société humaine n’était rien de plus que la continuité de ses études animalières. Il y avait peut-être juste un tantinet plus de vêtements et de faux semblants…

Désireuse de ne pas rire trop ouvertement de ce paradoxe bien trop drôle lorsque l’on était spectateur, sa mimique se mua en un fin semi-sourire diablement mutin tandis qu’elle tâchait d’apaiser la jovialité qui luisait dans ses prunelles. Elle n’aurait pas voulu que la Demoiselle ici présente pensât qu’elle se moquait d’elle, lorsqu’il en était tout autrement. C’était plutôt… Comment exprimer cela ? Une forme de connivence profonde et féminine envers une parente qui avait également hérité du sexe « faible ». Plutôt que de la concurrence, Luka ressentait surtout une forme de grande proximité avec cette inconnue absolue dont l’art résidait dans ses principaux attraits.

En revanche, elle ne vit pas du tout venir la réponse de Dolores. Fort peu sur ses gardes lorsqu’il s’agissait de matière commune et en aucun cas dangereuse ni même importante, Luka ne vit en rien venir les magouilles créatives de la chanteuse. Pourquoi se serait-elle méfiée ? Ce n’était qu’une soirée dansante et alcoolisée, dans une ville lointaine hors de son véritable monde… Qui plus est, si elle était loin d’être elle-même une âme innocente lorsqu’il s’agissait de contacts charnels, elle était en général celle qui venait saisir toute entière les opportunités, mordant à pleines dents ces hommes qu’elle avait désirés le temps d’une nuit. Elle n’était pas accoutumée à ce que ce fut l’inverse, et plus encore de la part d’une autre jeune femme. Que cela puisse être le cas était donc un scénario pour le moment inexistant dans la ligne de ses possibles, et, affable et non scrutatrice, elle prit Dolores pour ce qu’elle parut à ses yeux : un bel oiseau de parade babillant de jolies phrases enchanteresses mais guère plus profondes qu’une délicate source de forêt.

« C’est bien trop d’honneur, êtes-vous certaine que vous ne désirez aucune rémunération ? Votre voix est tout de même votre revenu, il serait dommage de passer à côté d’une telle opportunité de vous faire plaisir… »

Ainsi Luka défendit-elle la cause du loup déguisé en brebis, en partie persuadée du peu de défenses professionnelles de la charmante demoiselle. Une chanteuse étourdie et aérienne dont elle s’étonnait de la survie jusqu’à présent. Était-il possible qu’une jeune femme aussi gracile ne se soit pas encore faite dévorée dans cette vaste ville ?

« Bon très bien, lâcha-t-elle pourtant l’affaire, même si ce n’était qu’à demi. Nous verrons cela une fois sur place je suppose. Vous serez de toute façon toujours notre invitée. »

Et Luka de s’incliner subrepticement comme un véritable majordome de cours, tout à fait naturelle en face de cette jeune gazelle qui la mettait tant en confiance.

« Ce fut un plaisir également de vous avoir rencontré. »

Elle eut un geste éloquent à l’intention de son petit troupeau personnel, ses trois amis aussi joyeux et fébriles que des enfants apprenant que noël avait lieu deux fois dans la même année. Dolores avait sans doute encore bien des choses à faire, car la nuit ne faisait que commencer et la salle était pleine… Rester plus longtemps aurait été un affront à cette professionnelle, et quelqu’un se devait de modérer un tantinet les garçons.

« Dîtes au revoir, s’entendit-elle dire avec une touche de douce moquerie à son trio favori. »

Elle se tourna alors à nouveau vers leur future chanteuse, et tira une petite carte imprimée de son ceinturon :

« Voici mes coordonnées sur Alexandria, vous n’aurez qu’à nous rejoindre à l’adresse indiquée après-demain vers 18h. Vous ne devriez pas avoir trop de mal à trouver, il s’agit d’un grand manoir. Un apéritif sera également organisé. »

« A très bientôt ! » la salua-t-elle dans un murmure amical, ce qui avait également valeur de remerciements pour cette entrevue privée. Il était temps à présent d’aller poursuivre la nuit plus loin dans les rues d’Alexandria ! Elle ne souhaitait également pas trop tarder, car elle s’était promis de s’occuper dès demain de la poursuite d’une étude intéressante sur les Alkhach…

Dolores de Rosse
Dolores de Rosse
Le chant du Rossignol Empty
Le chant du Rossignol EmptyJeu 10 Aoû - 4:21
Irys : 319947
Profession : Sbire de Ludwig Strauss
Daënar 0
Quelques jours plus tard.

- Joseeeeph ! S’il te plait, ralenti ! Je vais être décoiffée ! Hurla Dolores sur le siège passager.

- C’est pour cette coiffure que nous nous sommes mis gravement en retard en fait, mais je ne peux décemment pas vous laisser avoir une réputation d’insouciante, madame ! Rétorqua le chauffeur.

Au volant de l’élégante voiture de sa maîtresse, filant à toute berzingue dans les rues pavées d’Alexandria, on peut dire que le voyage secouait pas mal notre chanteuse. Mais il n’avait pas tort cependant, à force de fariboles et de fadaises, il ne fallut pas grand-chose pour que Dolores perde du temps et donc ne soit pas prête pour l’heure prévue. Pas d’inquiétude cependant, le majordome veillait au grain, et à la vitesse où ils roulaient, ils seraient sûrement arrivés dans les temps. Dans quel état maintenant… On ne pouvait pas le savoir.

Mais quelle immonde brute ! A qui ai-je donné le volant de ma voiture ?! A un démon sûrement ! Ça y est, je vais mourir… J’ai mal aux côtes en plus à cause de la carrosserie, et je suis sûr que je ne ressemble plus à rien ! Par Alexandre, quel vent ! J’ai l’impression d’être prise dans une tornade ! Par pitié, que ça s’arrête ! Je vais finir par vomir…

Puis, tout d’un coup, Joseph donna un douloureux coup de frein pour que le véhicule stoppe sa course infernale. Ils étaient arrivés à l’adresse donnée par Luka deux jours plus tôt. Comme promis, on était face à un manoir des plus enchanteurs. Avec ses façades striées de plantes grimpantes agrémentées de fleurs minuscules, mais en grand nombre. Il semblait n'y avoir encore personne à l'intérieur, à part l’armée de domestiques qui prenaient soin de rectifier chaque détail pour rendre la soirée la plus agréable possible. La chanteuse eut un sursaut d’orgueil, se disant qu’elle serait une sorte de point final à la décoration de cette immense bâtisse. Malheureusement, la réalité rattrapa bien vite son esprit tout de brume envahi, et elle s’écroula sur la banquette en cuir de la voiture, haletante, les yeux dans le vague. Ils se rouvrirent devant le visage de marbre de Joseph, qui fut aussitôt rougi par une claque sonore et bien sentie.

- Tu as failli me tuer ! Hurla-t-elle, ayant soudain retrouvé sa vigueur. Qu’on soit en retard m’importe peu, pourvu que j’arrive présentable et surtout vivante ! Et je ne suis sûre ni de l’un ni de l’autre… Termina Dolores, visiblement excédée. Elle détourna les yeux vers sa trousse de toilette, sortant un miroir à main de cette dernière.

- Oh, vous êtes bien vivante en tout cas, c'est certain, ironisa son majordome.

- Décidément, tu ne veux pas voir le soleil se lever… Rétorqua la demoiselle sur un ton faussement vindicatif.

Joseph savait très bien qu’elle ne levait la main sur lui que pour l’exemple. Il ne fallait pas oublier que, à l’arrière de cette belle voiture, un autre homme avait été secoué sûrement bien plus que leur maîtresse : Estéban, celui qui gérait l’approvisionnement en charbon de la bête. Lui avait passé toute la traversée debout, et pourtant Joseph n’avait pas eu plus de ménagement à conduire. Peut-être était-il tombé en court de route d’ailleurs ?

- Estéban, vous êtes toujours là ? Demanda Joseph, soudain prit de quelques remords.

- Oui oui, Joseph, ne vous inquiétez pas ! Par contre évitez de vous montrer devant moi, tout d’abord parce que je ne suis pas du tout d’allure convenable mais également parce que j’ai une folle envie de vous remercier avec quelque chose de bien plus salé qu’une simple claque !

Il est vrai que, s’étant littéralement vomi dessus, le pauvre Estéban n’avait pas spécifiquement l’allure d’un serviteur digne du rang de son employeuse. Mais qu’importe, c’était elle qui devait être montrée, exhibée, pour être à la hauteur de sa réputation de nymphe qui lui collait à la peau depuis plusieurs années maintenant. Malheureusement, il fallait bien reconnaître qu’un ravalement de façade s’imposait après une telle épopée. Devant son miroir, la jeune femme avait déjà pu arranger ses cheveux en les brossant soigneusement durant l’échange de ses deux domestiques, mais il fallait encore régler le problème de sa tenue. Sortant de la voiture, qu’elle maudissait désormais dans la plus grande intimité de sa pensée, et grimaçant à l’odeur âcre des déjections d’Estéban, elle appela Joseph d’un geste de la main pour qu’il vienne faire des miracles avec ce qu’il restait de sa robe du soir.

Des plis par dizaines, un corset bordé de fourrure, mais dont bien la moitié s’était vu sali par la poussière, ou aplati par les formes d’une Dolores brinquebalée dans tous les coins de son véhicule. D’un œil critique, le majordome jugea l’allure de sa maîtresse du regard. Il n’y avait qu’une conclusion, qu’une solution possible.

- Enlevez votre robe.

Quelle drôle de demande, en plus formulée comme un ordre pur et simple, alors qu’on était sur le bas de la porte d’un manoir dans lequel grouillaient des scientifiques au moins aussi virginales que le trio qui avait rendu visite à la jeune femme plus tôt dans la semaine. Et à cet endroit précis, maintenant, Joseph souhaitait que Dolores enlève la seule chose décente qu’elle portait sur elle et qui lui permettait de soustraire la vue de son corps gracile de n’importe quel pécore qui passerait dans le coin. Bien naturellement elle s’exécuta, comprenant tout de suite la volonté de son majordome qui apportait déjà un vêtement de rechange qu’il avait posé à ses côtés tout au long du voyage.

La demoiselle fut vite retapée, sa nouvelle robe étant bien plus légère, la demoiselle se sentait plus à l’aise. On ne saura probablement jamais si, à l’intérieur de la maison, un œil attentif avait pu admirer ce spectacle si rare, presque mystique, mais c’était bien le dernier souci de la chanteuse. Maintenant, elle pouvait sereinement envisager la soirée. Congédiant ses deux domestiques, qui escomptaient bien rentrer à l’hôtel pour faire un peu de nettoyage, elle leur fit un signe de la main étonnamment apaisé, après autant de péripéties en aussi peu de temps. Le moteur à vapeur se remit bruyamment en marche, et elle se retrouva désormais seule à traverser l’allée bordée de haies qui menait à la porte d’entrée.

Frappant trois coups à cette dernière grâce à l’anneau métallique qui y était fixé, elle attendit patiemment que quelqu’un lui ouvre. Et effectivement un domestique s’exécuta sans tarder, arborant le regard pétillant et le sourire crispé d’un homme qui avait visiblement assisté à toute la scène qui avait précédé.

Eh bah, mon pauvre ami, si seulement tu étais à mon goût, qui sait ce que tu aurais pu voir d’autre. Mais je sens que cette soirée va regorger d’hommes bien plus beaux que toi, mon garçon, et surtout des hommes qui oseront laisser le filet de bave s’écouler sur leur menton fuyant. Ceux qui montreront que même les hommes de sciences se plient aux lois de cette dernière sans en être honteux, peut-être que ceux-là auront de quoi rêver pour des années durant. Je ne sais même pas quand je vais rentrer avec ça… J’ai demandé à Joseph de revenir dans cinq heures, mais peut-être lui demanderai-je de reprendre la route. Nous verrons bien ! En attendant, bouge de là toi, je viens voir celle qui m’a invité ici…

- Bonsoir, je suis Dolores Rossetto, celle qui est censée chanter ce soir pour animer ce splendide manoir. Puis-je entrer ? Demanda-t-elle d’une voix mielleuse à souhait, très à l'opposée de ses pensées véritables.

L’homme en face d’elle n’eut ni le temps, ni l’envie de lui répondre, donc elle s’exécuta d’elle-même. Elle le savait déjà complètement fini dans son immorale cervelle. Il n’y avait qu’une minuscule antichambre sombre à franchir avant d’arriver dans la salle de bal, à croire que ce manoir était plus une salle de spectacle qu’un lieu de vie à part entière ! Le sol en parquet ciré continuait d’être foulé par nombre de pas empressés qui allaient et venaient entre les différentes pièces adjacentes afin de tout peaufiner. Dolores avait oublié qu’il n’était que dix-huit heures après tout. Mais ce qui attira immédiatement son regard, outre la tignasse rougeoyante de cette chère Luka qu’elle reconnut sans peine, s’approchant d’elle, ce fut la scène qui lui était allouée pour la soirée. Il y avait un piano ! Un piano magnifique, d’un noir mât qui brillait sous le lustre de cristal. Sa queue était immense, et laissait deviner une amplitude musicale sans pareil ! Prise d’une envie irrésistible de monter directement faire ce pour quoi elle avait été mandée, l’artiste se retint cependant, préférant tout de même saluer Luka avant de faire quoique ce soit, ce qui était de bon aloi.

toilette de la demoiselle:

Luka Toen
Luka Toen
Le chant du Rossignol Empty
Le chant du Rossignol EmptyMer 13 Sep - 19:19
Irys : 594730
Profession : Historienne et naturaliste à ses heures perdues, médecin officiellement
Guilde +2 (femme)
Abîmée dans la contemplation des petits fours, Luka réfléchissait au sens de la démesure. Un dîner privé, avait-elle fait l’incommensurable erreur de dire, rien d’autre qu’une rapide sauterie entre collègues… Mais qu’était-il donc encore passé par l’esprit bourgeois de Meyer ? Toutes ces dorures, ces simagrées, cet étalage certes de grande beauté mais beaucoup trop poussé pour une semaine de séminaires, lui faisaient tourner la tête... Ah comme elle était loin de l’intimité des soirées au coin du feu, rien qu’un brin de silence et les nuances d’un ver de rouge issu des terroirs de Rathram. Et à la place de ce charmant rêve, qu’avait-elle ? Un novsh plaqué or d’un mètre cinquante de haut qui culminait sur la pointe d’une fontaine intérieure. L’animal fétiche et péché mignon du maître des lieux, lui avait-on dit lorsqu’elle s’était étranglée devant la splendeur toute relative de cet « idéal » de décoration. Que les Architectes les protègent… L’humanité avait franchi un cap qu’elle n’était pas certaine de pouvoir rebrousser.

Faute de pouvoir pleinement apprécier le bon goût de cette soirée, la jeune femme avait pris le parti de reconnaître les prouesses culinaires du traiteur. Un imposant buffet s’étendait ainsi contre le fond de la pièce, supportant vaillamment le poids d’une myriade de bouchées diversifiées. Croustillant et moelleux avaient la part belle, relevés d’une pointe d’acidité et de douceurs sucrées, lorsqu’il ne s’agissait pas du plein et ample goût d’une viande cuite à point. Fromages et délices fruitées s’offraient la fin de cette tablée, mais ce n’était pas là le chef d’œuvre désiré par Meyer… Non, le clou du spectacle résidait plutôt dans la présence de crustacés dont la chitine luisait paisiblement dans les lueurs tamisées de la salle, représentant à eux seuls les Irys gagnées par un honnête homme durant une année entière de travail. Était-ce là ce qu’il entendait par financement de l’UNE ? Néanmoins les remarques sarcastiques n’étaient guère jolies dans la bouche d’une femme bien habillée, aussi valait-il mieux lui donner de l’ouvrage sur cet alléchant concassé de tomate qui trônait à sa droite.

« Penses-tu qu’elle viendra ? »

Se pourléchant les doigts comme un félin pas le moins du monde dérangé par la perspective d’être pris en flagrant délit de gloutonnerie, Luka dut se contenter d’un sourire d’apaisement factice. Ce n'était jamais que la dixième fois que Klein s’interrogeait sur la question, et il n’attendait plus d’ailleurs la moindre réponse. Il n’avait pas jeté le moindre regard au buffet, et cela seul était un crime ! A la place contemplait-il l’immense verrière intérieure qui donnait sur d’insondables jardins, probablement entretenus pour l’occasion par une nuée de mains invisibles.

« Détends-toi donc, ou tu finiras par ressembler à nos très chers collègues avant l’âge, se moqua-t-elle gentiment. »

« Dame Caric, c’est un plaisir de vous rencontrer lors de cette soirée, l’interrompit une voix qu’elle n’était pas pressée d’entendre. »

La référence était subtile, car peu savaient qu’elle avait été mariée. Toutefois, venant de cette personne en particulier, Luka savait qu’elle devait y voir une pique silencieuse adressée à sa chasteté et sa convenance en lieu public. Savanah, épouse de Josh Losemberg – un chercheur apprécié de tous mais sensiblement trop soumis à sa femme de l’opinion générale – était un magnifique produit de tout ce que l’argent et la politique pouvait entraîner chez un Daënar. Une pimbêche au comportement exemplaire, diseuse de leçons et experte comportementaliste si l’on devait en croire ses innombrables monologues sur la réussite en société. A cela s’ajoutait une évidente misogynie arriériste qu’elle tenait de sa famille à l’éducation patriarcale. Une femme n’était présentable que si mariée et sa toilette impeccable, tel était le crédo de sa vie, la formule magique qu’elle ne cessait de se répéter pour combler ses nuits trop vides. Que faire des veuves, me direz-vous ? Au placard ces monstres de la société, à la cave ces présences féminines qui n’avaient pas daigné arrêter leur existence au moment précis où le contrôle masculin n’avait plus d’emprise sur elles ! A la seconde où le passé conjugal de Luka avait fuité, elle avait juré sa fin. Une fin sociale, bien sûr, persuadée que c’était là le but de toute personne en ce monde et que cela causerait une souffrance terrible à sa Némésis.

« Oh, bonjour Dame Losemberg, lui répondit une Luka au sourire rutilant et à la révérence irréprochable, votre Mari se porte bien ? »

Comment l’aurait-elle su ? Il désertait chaque jour le domaine familial pour fuir l’omniprésence de sa femme, et Luka le savait pertinemment. Savanah eut un reniflement dédaigneux, répondant d’un ton un peu trop sec et revêche pour la statue de marbre qu’elle se devait d’être :

« Mieux que le vôtre en tout cas. »

La remarque acerbe arracha un rire à Luka. Personne ne se portait aussi bien que Geal Cadric ! Il était mort heureux, fou de joie à l’idée de concrétiser sa plus grande folie scientifique. Mais cela, son attaquante ne l’aurait guère compris… Ce n’était pas des considérations qu’elle était susceptible de prendre en compte. Fort heureusement pour le bien-être de cette soirée, un serviteur vint glisser un mot à l’oreille de Luka. Son invitée était arrivée ! Elle jeta un regard à son interlocutrice, et un sourire mordant incurva la ligne de ses lèvres. Qu’elle attende un peu de voir quel oiseau de paradis elle avait justement choisi pour cette soirée… Oh, elle allait s’horrifier.

« Si vous voulez bien m’excusez… »

Elle remit un brin d’ordre dans sa toilette, sa robe ma foi beaucoup plus sobre que la majorité des tenues extravagantes des présents ayant la très légère tendance à proposer un décolleté un peu trop prononcé. Elle avait qui plus est ramassé ses longs cheveux flammes sur sa nuque en un chignon décontracté, une kyrielle de mèches torsadées effleurant ses épaules nues. C’est ainsi qu’il ne lui fallut guère plus de quelques secondes pour tomber sur l’objet de sa convoitise : une Dolores ravissante et infiniment plus fraiche que la population locale.

« Dolores ! Allons donc, vous tombez à point nommé. J’étais justement prise par une conversation passionnante. »

Et son visage esquissa une courte grimace, masquée aux yeux de son indésirable mégère par son dos tourné.

« Vous allez bien ? Vous n’avez pas eu de difficultés à trouver ? »

Elle se glissa à ses côtés avec le naturel d’une amie de longue date, lui prenant très volontiers le bras dans le but évident de s’échapper de son ennuyante situation. Ce faisant, elle l’entraîna doucement vers le fond de la pièce, saluant au passage d’un gracieux mouvement de tête les invités croisés.

« N’hésitez pas à vous servir au buffet de tout ce qui vous fera plaisir. Vous pourrez également commencer quand vous le désirerez, Meyer fera une annonce. »

Elle espérait surtout que les hommes ne seraient pas assez enivrés ce soir pour ennuyer sa chanteuse. L’alcool risquait fort de couler à flots, les bouches asséchées par un débat trop virulent lors de leur récente réunion.

« Puis-je vous offrir quelque chose, en attendant ? Je me disais justement qu’il me fallait davantage de compagnie féminine pour savourer une innocente coupe de champagne. »


Tenue de Luka :

Dolores de Rosse
Dolores de Rosse
Le chant du Rossignol Empty
Le chant du Rossignol EmptyJeu 21 Sep - 19:24
Irys : 319947
Profession : Sbire de Ludwig Strauss
Daënar 0
Les deux femmes se retrouvèrent comme si leur rencontre remontait au jardin d’enfant. Qui aurait pu soupçonner que, en réalité, elles ne s’étaient croisées qu’une seule fois au détour d’une prestation de la chanteuse ? Quand le courant passe aussi bien, on se pose toujours des questions. Celles de Dolores étaient simples : Quand ? Et où ? On ne se refait pas. Comme à chaque fois qu’une personne lui plaisait, elle n’avait plus qu’une envie, qu’un seul souhait à satisfaire avant de penser à faire évoluer la relation dans une autre direction. C’était comme une sorte d’étape obligatoire qu’il fallait franchir avec cette incorrigible jeune femme, sinon vous pouviez faire une croix sur votre hypothétique amitié. Dolores s’imaginait déjà, le dos tranquillement appuyé contre un sofa de velours. Juste elle, Luka, qui se témoigneraient leur affection en s’échangeant quelques traits d’esprits autour d’une bouteille de vin. Et oui, c’est décevant comme chute, mais peut-être pas autant qu’on le penserait ! Puis vous n’avez qu’à réécrire la fin dans votre tête ! Mais bref, passons.  

Prenant le bras de Dolores dans un geste que cette dernière trouva adorablement chaleureux, l’élégante doctoresse s’affligea brièvement de sa situation avant l’arrivée de la chanteuse. Brièvement, certes, mais cela semblait la soulager, alors autant lui venir en aide.

Je l’adore, cette femme, mais je l’adore ! Regardez-là ! Cette malice, cet anticonformisme, cette classe… Par Alexandre, par Marc, Agrippa et toute la bande ! Je veux savoir pourquoi elle n’a pas encore trouvé chaussure à son pied. C’est inadmissible ! Je lui demanderai à l’occasion, peut-être que le célibat est sa philosophie de vie… ce serait diablement triste. Par contre, j’ai beau chercher, je n’arrive pas à reconnaitre son parfum. Non mais, soyons sérieuses. Je vis à Alexandria depuis ma naissance, je vis parmi les plus grands de ce pays depuis cette même naissance et je ne reconnais pas un simple parfum ?

Tellement intriguée par ce questionnement interne, Dolores en oublia totalement de répondre à la question de cette chère Luka. Une invitation qui était pourtant de bon aloi avec tout le scénario que l’on avait imaginé juste avant. Arborant une sorte de moue interloquée, Dolores posa un doigt interrogateur sur ses lèvres.

- Excusez-moi ma chère, je peux ?

Ce genre de demande n’attend, en général aucune réponse, même si cette fois-ci cela aurait pu être un tantinet moins abrupt. En effet, sans exprimer la moindre hésitation particulière, Dolores prit la main de son amie, et approcha le poignet de cette dernière de son visage qui exprimait un surprenant état de réflexion dans un tel moment.

- Mon amie, votre parfum est une merveille ! Conclut Dolores en relevant la tête avec un large sourire. Vous excuserez mon manque de tact, mais les rares questions que je me pose doivent trouver réponse très vite, sinon je vire très vite fâchée de ma propre ignorance, haha.

Elle rit sans même savoir si elle ne venait pas de complètement ruiner sa relation avec Luka par un geste aussi inconvenant. Mais restons raisonnables. Luka n’était pas un homme, donc la chanteuse était loin d’être aussi calculatrice et opportuniste que face à un homme. C’est que ça vous épuise vite l’esprit de toujours planifier vos actions comme un stratège déplaçant un à un ses pions de plomb sur le champ de bataille. De plus, elle n’avait pas manqué de souligner l’évidente affection que lui portait la scientifique. On n’est pas aussi familier avec quelqu’un rencontré deux semaines avant si on ne nourrit pas de bons sentiments à son égard. C’est pourquoi Dolores s’était permise de briser directement chaque barrière qu’une citoyenne du monde se devait de franchir avant d’en arriver à une familiarité pareille. Perdre du temps n’était pas du tout une passion chez elle, contrairement à la plupart de ces pingouins embourgeoisés qui viennent tôt à chaque soirée organisée parce qu’il n’y a rien d’autre à faire.

- Bien ! Vous me proposiez un verre de champagne juste avant, non ? (Ah, et bien en fait elle avait bien entendu) Je serais ravie de trinquer avec vous ! Je pense également manger un peu avant de commencer. Je ne sais pas si vous avez déjà eu la faim au ventre en parlant devant beaucoup de gens, mais on est vite déconcentrée !

Tout en échangeant ces quelques mots, ma foi fort banales, les deux demoiselles arrivèrent bras-dessus bras-dessous jusqu’à un des serveurs en queue-de-pie chargés d’approvisionner les convives en liqueur dorée. Ce fut la chanteuse qui demanda poliment la première coupe de la soirée, tout en priant secrètement pour qu’elle soit très loin d’être la dernière.

- Bien, mademoiselle Toen, trinquons à cette jolie soirée ! Je me désole de devoir vous abandonner par la suite à cette joyeuse bande de vipères. J’aurai presque envie d’avorter ma prestation, mais ce piano me fait beaucoup plus d’œil que vos collègues, si vous me pardonnez cette comparaison. S’excusa-t-elle de mauvaise foi.

La complicité s’était installée toute seule, s’en était presque incompréhensible. Vu de l’extérieur, elles n’étaient pas particulièrement semblables, dans leurs fréquentations, comme leur profession, ou même leurs mœurs. Et pourtant, un je-ne-sais quoi les faisait s’attirer l’une à l’autre inexorablement. Une alchimie particulière, qu’on pouvait leur envier d’ailleurs. Dégustant le champagne qu’elle et Luka convoitaient depuis leurs retrouvailles, Dolores laissa planer innocemment son regard amusé sur le cou et les épaules dénudées de la scientifique.

- Vous êtes ravissantes, je le pense sincèrement. Et moi qui me faisait tout un pataquès sur les soirées des scientifiques, ce que je vois détruit un à un tous mes préjugés, même celui qui me faisait penser que ça parlerait sans arrêt de progrès et de techniques. Un jour peut-être pourrais-je assister à des vrais débats entre érudits… acheva-t-elle avec un sourire las, le regard toujours baladeur.

C’est ça que j’aimerai en fait, quand je m’imaginais moi et Luka sur un sofa dans un petit salon cosy. J’aimerai tellement parler médecine ! Qu’elle m’apprenne des savoirs, des anecdotes, d’autres façons de voir le monde ! Je ne peux jamais voyager, je n’ai jamais pu le faire de toute ma vie, mais qu’au moins ces gens de passage me disent autre chose que des mots tendres. Je ne suis pas une femme de science, mais ce n’est pas pour ça que je ne peux pas apprendre !  

Luka Toen
Luka Toen
Le chant du Rossignol Empty
Le chant du Rossignol EmptyMar 7 Nov - 17:29
Irys : 594730
Profession : Historienne et naturaliste à ses heures perdues, médecin officiellement
Guilde +2 (femme)
Luka arbora une moue d’incompréhension, fouillant dans les entrelacs de sa mémoire les indices d’une telle fragrance. Depuis quand portait-elle du parfum, elle qui n’avait jamais eu le savoir-faire de ces choses-là, ses connaissances se limitant à ce qui rendait belle une femme et non la rendait plus odorante ?

« C’est étrange pourtant, je ne… »

Elle se tut, le pourquoi du comment se frayant finalement un chemin dans son esprit, désormais hilare et rayonnante de ce quiproquo fort amusant :

« … Vous ne devinerez jamais ! Il ne s’agit guère d’un parfum ma chère amie, c’est que j’ai dû mener quelques expériences de mon cru sur une plante venue des confins de Zochlom : son pistil est réputé répandre une odeur alléchante capable d’attirer les butineurs. Je vous montrerai si cela vous intéresse, ajouta-t-elle malicieusement, la fleur est parée de très jolies couleurs. »

Elle récupéra sa dextre avec douceur, soumettant sa peau à un examen méticuleux. Il fallait croire que malgré le nettoyage exemplaire auquel elle s’était adonnée, l’odeur persistait par-delà le temps. Un fait qu’elle nota soigneusement : un tel pistil persistant pouvait tout à fait servir d’onguent ou mieux encore, de pigments à encre dans une préparation raffinée. Il était étonnant comme des faits évidents passaient régulièrement à la trappe, sa vision étriquée par les heures de travail passées à s’éreinter les yeux et la réflexion sur une donnée. Et voilà que sa ravissante chanteuse débarquait, le flair aussi subtil et aiguisé qu’un scalpel malgré ses attitudes d’imprudente charmeuse. Il fallait croire qu’il y avait encore du bon dans la féminité exacerbée. Luka ne tergiversa guère plus longtemps – des affaires pressantes l’attendaient dans la réalité, à commencer par l’absolue nécessité de porter un toast en l’honneur de sa Dolores aux intuitions éclairées :

« A vous également ! Je ne saurais trop vous remercier d’avoir accepté mon invitation, et ce, sans même demander la moindre rétribution. Quand je pense que la personne pour laquelle je l’ai tout d’abord fait s’occupe actuellement à autre chose, j’ai moins de scrupule à profiter plus que je ne le devrais de votre présence. »

Elle désigna avec grandiloquence la silhouette masculine à moitié masquée par les tentures de la verrière à une dizaine de mètres de leur duo, visiblement toute occupée à se remettre des mains féminines baladeuses qui s’obstinaient à lui dénouer la cravate ! Klein, qui n’avait vraisemblablement pas résisté à l’attrait de l’alcool durant son attente, s’était vu tout bonnement kidnappé par la jeune Elisa. Les vues qu’elle avait sur lui n’échappaient à personne mis à part à l’intéressé, sans doute en avait-elle eu marre d’attendre un signe trahissant son intérêt pour mieux prendre les devants. Et les devants étaient bien amorcés, de ce que Luka pouvait présentement en estimer.

« J’ai bigrement hâte de voir sa tête lorsque nous en parlerons demain. »

Elle rit sous cap, car le paradoxe était troublant. Nul homme dans cette salle de bal ne profitait plus en cet instant de la présence de Dolores que Luka, pourtant femme, et peu avisée des attraits des chanteuses de cabaret. Sa nouvelle amie avait pourtant indubitablement un côté épicé loin de lui déplaire, et elle pressentait confusément la diversité des nuances qu’elle était capable d’offrir sans les dévoiler.

« Allons bon, s’il n’y a que cela pour faire plaisir, je pourrais bien trouver une invitation disponible pour le prochain séminaire. Qu’aimez-vous dans la vie ? Plantes, animaux, histoire, architecture, peut-être de l’astrologie voire de la minéralogie ? »

Le champagne était délicieux, elle devait en convenir. Et nul doute que chaque mets disponible à cette table se révélerait tout aussi succulent.  Elle accompagna donc fort volontiers Dolores dans sa conquête du buffet, ne s’épargnant aucune denrée dans sa dégustation. Les bulles et l’alcool aidant, elle parut s’illuminer tout de go d’une idée merveilleuse qu’il lui fallait absolument partager dans l’instant à sa compagne :

« Vous savez, je commence à me dire que nous ferions mieux de nous évader de cette horrible troupe de pingouins dès votre spectacle terminé et nos ventres rassasiés. Je connais une ou deux pièces de ce lieu, notamment une bibliothèque dont le salon de lecture offre bon nombre de services… A moins qu’une escapade en ville ne vous plaise davantage ? »

Elle se fendit d’un sourire complice, le rouge de ses lèvres rehaussé d’une teinte rieuse.

« Et s’il faut vous convaincre, je ferai mes armes de délinquance sur cette bouteille de champagne que vous voyez là-bas : je suis certaine qu’elle aussi souhaiterait nous accompagner une fois que je l’aurais discrètement subtilisée. »

Le timing fut parfait, un souffle plus tard et Meyer s’inclinait devant la beauté gracieuse de Dolores pour l’inviter à exercer son art. Le piano n’attendait qu’elle, et les invités mourraient d’envie d’être surpris par les talents de cette jeune femme qu’on leur avait tant vantés.

Dolores de Rosse
Dolores de Rosse
Le chant du Rossignol Empty
Le chant du Rossignol EmptyLun 28 Mai - 15:50
Irys : 319947
Profession : Sbire de Ludwig Strauss
Daënar 0
La conversation reposait, jusqu’ici, sur des fariboles plaisantes. On parlait de la tenue de l’un de ces pingouins endimanchés, des mœurs volages d’un autre, mais elle atteignit un tout autre niveau lorsque Luka se montra particulièrement réceptive face aux rêves évoqués avec lassitude par la jeune chanteuse. Elle avait dit cela sans espoir aucun, simplement pour meubler un échange qui allait doucement vers sa fin à mesure que le public, prêt à entendre la fameuse Dolores, se rassemblait entre ces murs. Mais la doctoresse venait, d’un seul coup, de lui redonner espoir. La jeune femme n’avait, pas un seul instant, imaginé qu’elle pouvait effectivement lui venir en aide dans cette entreprise. Quel pessimisme idiot avait bien pu la traverser à ce moment-ci ? Dans tous les cas, c’est en manquant de mots que Dolores s’échina à répondre à son agréable compagnie du soir.

- Vous... vous feriez vraiment ça ? Je suis confuse… je… J’aime surtout la botanique et la zoologie. J’ai toujours voulu voyager pour découvrir des créatures étonnantes, bizarres… et des plantes aux couleurs chatoyantes.

Par Marc… que j’ai honte de parler de cela, tout de même. On dirait une gamine ! Dolores, reprends-toi ! Tu es une femme adulte, avec des préoccupations d’adulte. La Ruche te paye une fortune pour te garder attachée à elle, c’est une situation enviable, et toi tu penses à courir le monde pour chercher… quoi ? Des mouches qui crachent du feu ? Des lézards volants ? Tsss… Je me déçois moi-même. Mais… je ne sais pas. Cette femme est intelligente, et puis c’est une femme. Elle n’attend pas de moi que je sois juste une charmante coquille vide. Alors, peut-être que je peux me laisser un peu aller, au moins ce soir.

C’est avec une certaine émotion, sûrement amplifiée par les bulles du champagne qui remontaient doucement jusqu’au sommet de son crâne, que Dolores prit doucement une des mains de la doctoresse rousse. Peut-être devait-elle être encore convaincue par la chanteuse pour faire de son hypothèse une réalité. Et convaincre ses semblables, c’était quand même sa spécialité.

- Mais… je ne peux pas trop bouger à cause de mon travail, alors si je pouvais au moins entendre des spécialistes décrire toutes ces merveilles… ce serait inouï. Acheva-t-elle, une honte vaporeuse sur ses joues rosies.

Arriva ensuite la proposition de Luka. Une promesse, lancée comme cela, de vivre une soirée bien plus passionnante et intimiste que ce qui était prévu. La jeune blonde aimait l’aventure, c’était certain. C’était même son carburant, ce qui lui permettait de ne pas vouloir tout plaquer pour s’affranchir de cette souffrance quotidienne et incomprise qui lui dévorait le bassin soir après soir. Le monde regorgeait de situations comme celles-ci, où une inconnue à la crinière de flamme vous emmène vers une destination tout aussi mystérieuse où aucune certitude n’est permise. C’était ça qui motivait la vie de la chanteuse. Aurait-elle enfin trouvé une âme aussi audacieuse qu’elle ? Une sœur de transgression ? Une partenaire d’évasion ? Que cette perspective pouvait lui plaire…

- C’est une superbe idée, madame. Je vous suivrai avec grand plaisir. Je vais même me hâter de faire rougir ces coqs de villages, pour qu’on puisse arriver à ce moment plus vite ! La bibliothèque fera parfaitement l’affaire. Conclu-t-elle en souriant.

C’est alors que l’esprit ingénieux de la doctoresse continua d’échafauder un plan qui rendait Dolores toujours plus hâtive de le vivre.

Mais vous imaginez un peu ? Moi et cette splendide femme, seules, dans une bibliothèque, parlant de ce dont il est vraiment intéressant de parler, un verre de champagne à la main. Personne pour nous déranger, personne pour nous juger… C’est pour ce genre d’instants que j’ai embrassé cette vie-là. Oh, ma chère Luka, définitivement vous m’avez séduite.

- Je ferais honneur à votre courage si vous parvenez à nous récupérer cette alléchante compagnie, madame. Compléta la chanteuse avec un clin d’œil éloquent.

Son regard perdu petit à petit les étoiles qui le peuplaient quand il balaya cette salle qui était définitivement prête à accueillir sa voix angélique. La scène était prête, les musiciens également. L’un d’eux, une casquette noire sur la tête, fit un signe de tête poli vers Dolores qui lui rendit, avec un sourire un peu moins sincère tout de même. Les invités entraient les uns après les autres, accueillis par un ouvreur par trop démonstratif qui ventait à outrance la qualité des petits fours ou la brillance du parquet à ceux que ça intéressait vraiment. Des gens que Dolores ne voudrait jamais rencontrer dans sa vie, c’était certain.

- Bien… J’ai l’impression que le devoir m’appelle. Elle tourna vivement son visage vers la rouquine. Attendez-moi surtout, hein ? Je ne voudrais pas louper la meilleure partie de la soirée.

Un autre clin d’œil complice plus tard, voilà la chanteuse qui s’avançait enfin, sous les acclamations multiples des invités, et les commentaires solitaires du chef d’orchestre de la soirée qui annonçait le spectacle de la jeune femme comme s’il s’agissait d’une apparition exceptionnelle. S’ils savaient dans quels sombres recoins elle officiait d’ordinaire… Oh, mais ils le savaient forcément.

Mais qui voilà donc… Ma parole, ce monde est vraiment petit, tout de même. Toi, je te reconnais… toi aussi. Et toi tu es… un très bon coup, de souvenir ! J’étais même surprise d’ailleurs ! C’est une surprise de te revoir. Je pensais que tu ne voudrais plus jamais me parler depuis ce… oh, mais c’est du passé. Tu as l’air très heureux avec ta nouvelle compagnie. C’est ta nouvelle femme ? Non, parce que je me souviens que l’ancienne n’avait pas beaucoup apprécié ma visite surprise. Roh, ne me jugez pas. Il était jeune, et elle m’avait fait de la peine cette petite. Je peux avoir des sentiments normaux, des fois ! Puis c’était tellement drôle de voir son visage déconfit. Il était moins beau comme ça, je me souviens… Mais bon, c’est fini maintenant. Il va passer une bonne soirée, finir la nuit dans ses bras… et moi… on verra.

C’est vrai qu’elle n’avait pas prévu ce qu’elle allait faire après cette petite sauterie avec Luka. Devant tous ces visages souriants, familiers pour certains, appétissants pour d’autres… Cette sensation si familière. Entrer sur scène, une rafale de regards approbateurs, de clignements racoleurs, de bouffées de chaleur. Un mélange de soulagement et d’ennui envahit l’esprit de la jeune femme. Soulagement, car c’était toujours un instant magique que celui où elle faisait ses premiers pas sur scène. Ennui, car malgré cela tout son être réclamait autre chose, cette promesse tissée depuis les dix dernières minutes par Luka Toen, et qui était le véritable objet de ses pensées. Mais avant de pouvoir accéder à cette oasis de culture et de champagne ruisselant de fraîcheur, il lui fallait en finir avec ces âmes impatientes.

D’abord, la contrebasse. Un classique de ces nouveaux courants musicaux qui traversaient Daënastre de long en large, mais qui avaient démarrés ici, à Alexandria. Ensuite, le piano, éternel compagnon des voluptueuses vocalises de Dolores Rossetto. Ici, ou ailleurs. Puis sa voix, finalement. Claire, limpide même, aussi transparentes que les verres dans lesquels ces personnages cultivés versaient des breuvages assommants pour calmer le tumulte de leurs cerveaux trépignants d’équations compliquées. Une voix envoutante, mais pas autant que celle accompagna les ronflants cuivres de la prochaine chanson. Saxophone, trombone, une batterie lente, et toujours cet éternel duo de basse et de piano. Cette fois-ci, la chanteuse se fit flamboyante, ronronnant comme de lourdes vagues s’écrasant avec lassitude sur une plage baignée du feu soleil se mourant à l’horizon. Et elle enchaîna ainsi, multipliant les chocs, transpirant de sensualité ou d’innocence. Elle faisait son travail, tout bonnement, mais qu’il se lève l’impotent qui oserait affirmer qu’elle le faisait mal.

Le public eut droit à une bonne heure de show, mais finalement, la délivrance arriva enfin. Dolores salua son public avec toute l’humilité de l’artiste achevant un pénible ouvrage et n’étant pas sûr de son futur succès. Une humilité feinte, bien sûr. Elle était au moins aussi certaine de son succès que de savoir quel corps obséderait les rêves virils de ces messieurs une fois de retour dans leur chambre solitaire. Mais maintenant, plus question de penser à ceux-ci ! Elle avait amplement mérité son dû, sa récompense, sa libération. Elle retourna à pas pressés Luka qui, pour son plus grand bonheur, l’avait attendue.

- Je suis toute à vous ! Conduisez-moi où vous le désirez ! Lança-t-elle avec un large sourire.

Oui, je suis essoufflée, je transpire un peu, mais ça ne m’empêchera pas d’apprécier ce moment ! Et, puisque l’on parlait de parfum tout à l’heure, je me demande si elle fait partie de ces gens qui apprécient bien plus la fragrance d’une peau luisante d’efforts passés que celle élaborée par un autre énième scientifique dans un laboratoire obscur. Si c’est le cas, ça nous fera un point commun de plus…

Contenu sponsorisé
Le chant du Rossignol Empty
Le chant du Rossignol Empty

Chroniques d'Irydaë :: Les terres d'Irydaë :: Daënastre :: Ünellia
 Sujets similaires
-
» Silence de pierre et chant d'acier [Terminé]