A l'Aube d'une Liaison Dangereuse

~ Avril, Année 932 ~ Aildor, un soir ~

Comment en était-il arrivé à écumer les rares tavernes mal famées d’Unellia ? Pedro avait tout simplement perdu gros, en fait, tout ou presque de ce qu’il possédait, de ce que son défunt père lui avait légué alors qu’il l’avait tué de ses propres mains. Son rafiot volant avait été saisie ainsi que ces coffres remplis d’Irys, tout ça par avarie ! Avait-il joué gros aux cartes et en une seule mauvaise main, avait-il vu sa fortune lui échapper. Heureusement avait-il gardé sa réputation et sa dignité, mais les jours et semaines passants, ce colosse glissait inéluctablement sur une pente dangereuse, celle de la déchéance. N’était-il plus que l’ombre de lui-même. Comme unique compagnie son petite singe et son magnifique perroquet, tuait-il son temps dans l’alcool.

Jusqu’au jour où au détour d’une conversation avec une poignée de malfrats, des pirates qu’il avait côtoyé naguère, un espoir naquit au plus profond de son âme. Il lui fallait rebondir, retrouver sa gloire d’antan. Mais sans un sous, sans un équipage, sans vaisseau, était-ce mission impossible. Mais voilà qu’au cours de la conversation, ses compagnons de tablée évoquèrent un nom qui ne lui était nullement inconnu, celui de Seavey. Il ne s’agissait du père, qu’il avait lui-même envoyé dans l’au-delà, mais de sa propre fille qui avait repris le flambeau. Pedro esquissa un sourire mystérieux à la commissure de ses lèvres, voyant une occasion de se refaire peau neuve dans le milieu tout en préservant un terrible secret qu’il pourrait entretenir auprès de la jeune femme.

Le Vieux Loups des Airs paya alors sa tournée avant de se séparer de la bande de pirate avec en sa possession toutes les informations qui lui était nécessaire. Le lendemain, se rendit-il au port où l’attendait un équipage de voyou devant mettre le cap jusque sur les terres glacières de Marnaka. De Sousa n’avait finalement prit avec lui tout ce qui lui restait, c’est-à-dire pas grand-chose finalement. Un nouveau Destin l’attendait sur les terres inhospitalières du Nord d’Irydae, avec la fille de son pire ennemi ! Oh si vous pensiez que le saligaud n’était pas capable de survivre à ce voyage c’était mal le connaitre, car comme dans les Airs était-il tout autant à son aise sur les Mers et au bout d’un long périple semé de tempêtes et de houles, le pirate voyait enfin poindre à l’horizon la Capitale de cette immensité glacière que représentait le continent d’Als-Kholyn.

Aildor, enfin ! Une étincelle de satisfaction se lu dans les iris du pirate lorsque le vaisseau jeta l’ancre à son port d’attache. Quittant le confort spartiate du navire, ses deux familiers se réfugièrent immédiatement sous l’épais manteau de leur maître au contact du froid mordant leur fourrure respective faite pour l’un de poils pour l’autre de plume. Bravant le blizzard, sa barbe fut rapidement cristallisé par une pellicule de neige jusqu’aux portes donnant accès au sous terrain de la cité. L’homme connaissait ce repaire à malfrat, et ses premiers pas dans les tunnels semblaient assurés. Parchemin en main le Vieux Loup des Airs prit la direction d’une taverne où semble-t-il Lizzie avait ses petite habitude en ce mois d’Avril. Si la chaleur des lieux l’irradiait avec douceur, ne se délaissa-t-il de sa tenue qui le rendait plus encore imposant.

Epousseta-il son chapeau à bord large d’un manteau de neige qui fondait à vitesse grand V avant que Baggo et Toddo ne sorte de leur cachette, exprimant par de petits cris leur contentement. Il poussa alors les portes de l’établissement, flattant de quelques caresses ses deux acolytes et compagnons fidèles de fortune et d’infortune. Balayant alors la pièce principale du regard, ses lourdes bottes faisant délicieusement craquer le parquet, se permit-il de prendre une bonne bouffée d’air, cet air si particulier, mêlant effluves d’alcool et fumé de tabac. Quelques clients croisèrent son regard, mais semblaient-ils pour la plupart fuyant, Pedro reconnu sans mal, sa réputation le précédent. L’atmosphère était certes sombre mais une lumière rougeâtre toute feutré venait parfaire un environnement rustique et bon vivant. Pour les non-initiés, le bruit qui s’échappait de la taverne en aurait fait fuir plus d’un, parlait-on à voix haute, riait-on à tue-tête et certains en venait même au main de façon amical ou non, bref l’ambiance était ce qu’elle était.

Posa-t-il alors son séant derrière une petite table laissée libre en fond de salle, là où l’ombre lui donnait un air encore plus mystérieux. A première vue sa cible n’était pas encore arrivée, n’avait-il gardé la notion du temps après ce si long voyage, mais après avoir commandé ni plus ni moins qu’une bouteille de rhum, on ne commandait rarement au verre ce genre d’alcool, aperçu-t-il l’arrivée de la dénommée Lizzie Seavey. Ne détournant son regard d’elle sous son chapeau imposant, chercha-t-il un objet dans le revers de sa veste qu’il confia alors à Baggo.

- Tu vois la donzelle là-haut p’tit gars ?

Le cappucin fouilla la pièce du regard, gesticulant sa petite tête dans tous les sens, se grattant le crâne jusqu’à apercevoir Lizzi.

- Krrriiii !! Krriiiiiiii !!

Pedro lui tendis alors un médaillon, qui autrefois appartenait au Bernie et le tendis à son familier à la robe marron - crème.

- Va donc lui donner et à personne d'autre, sinon jt'étripe et j'me fais une brochette de ta carcasse...

Sur ces instructions Baggo fila comme une flèche à l’endroit où avait pris place la jeune femme. Personne ne prêta réellement attention au petit primate fort habile, réalisant quelques prouesses acrobatique pour se glisser entre les chaises, remonter jusqu’à une poutre apparente pour enfin finir sa course derrière la chaise de Lizzie. Se faufilant alors entre ses jambes, remonta-t-il comme une flèche le long de l’un de ses jambes, sa course fluide l’entrainant vers les pourtours d’un de ses sein avant de glisser d’une agilité certaine sur l’une de ses épaules, caressant furtivement sa nuque pour se retrouver sur l’épaule opposé, se mettant alors à émettre ses petits cris habituels.

- Kriii !!! Kriiiii !! Iiiiiiiiiiii !!!

Posant alors son regard rond sur les iris de Lizzie, alors que sa queue comparable à un petit plumeau venait flatté la base du cou de cette dernière, pouvait-elle apercevoir le précieux objet qu’il tenait entre ses petites pattes avant…

Après une bonne journée passée à travailler honnêtement au port, Lizzie était crevée. Certes, la manoeuvre permettait d'obtenir les ragots des pêcheurs et des voyageurs que l'on ne rencontrait pas forcément dans les profondeurs d'Aildor, mais il était très fatiguant de se faire passer pour une jeune femme honnête à dépecer du poisson toute la journée. Une fois son salaire en poche, la jeune Seavey s'était lavée les mains et les avant-bras pendant un bon quart d'heure pour faire disparaître toute odeur désagréable de poiscaille. Ce fut avec soulagement qu'elle entra dans l'une de ses tavernes préférées, qui servait un bon rhum et dans laquelle les ragots étaient toujours un bon commerce. Elle-même étant en possession de beaucoup d'informations, elle en faisait marché le soir, et quelques hommes n'hésitaient pas à venir la voir pour lui acheter ces précieuses denrées qu'étaient les colportages.

Lizzie s'installa à une table et souffla un coup. Elle n'avait pas encore commandé de bouteille de rhum, car il n'était pas inhabituel qu'on l'invite en début de soirée, que ce soit pour la charmer ou pour faire baisser ses prix. Les jambes posées sur la chaise d'en face, les bras derrière la tête, elle ferma les yeux. Elle aurait pu s'assoupir si son faucon n'avait pas à ce moment poussé un petit cri d'avertissement. Posé sur le dossier de la chaise où elle avait mis ses pieds, Delkhar, qui avait passé la journée à s'empiffrer de poisson, ne pouvait pas avoir encore faim, se dit-elle. Mais elle comprit rapidement quand elle sentit quelque chose lui grimper dessus. Surprise, elle ne réagit pas avant que cela s'arrête, afin de voir de quoi il s'agissait. Un petit singe était posé sur son épaule et tenait quelque chose dans ses pattes. Delkhar sauta sur la table et se dandina jusqu'à Lizzie, surpris de voir que quelqu'un avait osé prendre sa place. La jeune Seavey saisit l'objet des pattes du singe avant que celui-ci ne se fasse expulser à coup de becs par Delkhar. N'accordant que peu d'importance à la jalousie de son faucon, la pirate se leva à moitié pour regarder où le singe partait se réfugier. Un homme avec un énorme chapeau, qu'elle n'avait étonnamment pas remarqué auparavant, lui fit alors signe. Le singe était accroché son bras.

Lizzie étudia plus en détail le petit objet que lui avait donné le singe et finit par la reconnaître. Il s'agissait du médaillon de son père. Repoussant sa chaise pour se lever complètement, la jeune femme se dirigea vers l'homme au chapeau, surprise et intriguée. Chaque pas les rapprochant faisait naître en Lizzie des souvenirs, et quand elle fut en face de lui, elle avait complètement reconnu Pedro de Sousa. Un ami de son père, dont la caraque avait fait partie de la grande bataille opposant les pirates des airs durant laquelle Bernie était mort. La jeune Seavey l'avait croisé plusieurs fois, aussi bien quand elle était sur la caraque de son père que quand elle se rangea au service de Will Rackvan. Il avait vieilli, mais il s'agissait bien de de Sousa. Ses vêtements étaient rapiécés à plusieurs endroits, étonnant pour celui qui s'était toujours habillé avec élégance. Il avait pourtant toujours beaucoup de prestance et c'était devenu un bel homme mûr. Lizzie lui sourit et s'assit à sa table.

- Tu me payes un verre, Pedro ?

La petite mise en scène pour attirer l'attention de la donzelle avait porté ses fruits, même si le charmant petit Toddo eut la désagréable visite d'un faucon, propriété de Lizzie. Courageux mais pas téméraire, le cappucin prit naturellement la fuite face aux coups de bec le visant, retrouvant évidemment refuge sur l'épaule du pirate plusieurs table plus loin. Pedro le gratifia de quelques caresses avant de le récompenser de quelques noix de cajou qui se trouvaient à même un bol posé face à lui.

Reportant alors son attention sur la fille de son très vieil ami, il ne l'a quitter du regard lorsqu'elle quitta son siège pour s'approcher de lui. Oh il fallait bien dire que son déhanché avait quelque chose de... ravageur ! Rien de surprenant au vu des courbes aguicheuses que le temps lui avait sculpté, et ce regard ?! Subjugeant ! Bref, il n'était nullement temps de baver sur la donzelle même si son goujon frétillait depuis qu'il avait quitté Unellia, bah oui c'était pas sur un navire qu'on rencontrait régulièrement de la jolies donzelle!

Inclinant alors brièvement son chapeau lorsque la Seavey prit place face à lui, son perroquet à la robe or azur en profita pour venir se poser sur son épaule libre, toisant la jeune femme d'un regard curieux amplifié par son cou qui exécutait nombre de contorsions. De Sousa fut ravi de voir que son interlocutrice n'avait pas la mémoire courte et après avoir raclé sa gorge, daigna-t-il relever le menton et prendre un peu plus de prestance et de hauteur même si ses braies trahissait la précarité de sa situation. Esquissant un large sourire à la commissure de ses lèvres son regard émeraude brilla d'un mystérieuse lueur.

- Jt'offre quoi Lizzie!? Allez tu va bien trinquer avec moi avec une bonne vieille bouteille de rhum? AHAH!

Justement la serveuse revenait avec sa boisson ainsi qu'un verre et d'un geste réclama-t-il un second contenant avant de reporter son attention sur Lizzie.

- Je vois qu't'as l'air toujours aussi fringante et sexy, quelle croupe, ahah! Tu dois affoler plus d'un puceau! Héhé ! Bon et sinon tu d'viens quoi d'puis tout c'temps? J'pas eu l'occasion d'te faire part d'mes condoléances pour ton père Bernie, c'était plus qu'un pote!

Menti-t-il, car oui, Pedro était bien l'homme qui lui avait froidement privé de sa vie dans le no mans land de la bataille et seulement quelques rares individus avaient été témoin de la scène, un certain nombre d'entre eux d'ailleurs exécutés ou assassinés pour maintenir ce lourd secret.

Une lueur enjouée brilla dans les yeux verts de Lizzie lorsqu'elle vit la bouteille de rhum s'approcher de la table. Elle se souvenait de son premier verre de rhum, le soir où son père l'avait embarquée dans sa caraque pour qu'elle n'assiste pas à la mort de sa mère. Ce dîner avait semblé être une veillée funéraire pour eux, et à la fin du repas, Bernis avait servi à sa fille un verre de rhum, lui promettant que cet alcool faisait passer tous les maux. La jeune Seavey n'avait jamais su si c'était vrai, mais il était vrai qu'à plusieurs reprises son père la saoula au rhum quand elle était malade, notamment lors de ses premières règles, auxquelles il ne savait pas du tout réagir. Cet alcool qui aurait pu dégoûter la jeune fille devint son préféré, en bonne pirate qu'elle devint par la suite. Et pour une femme de sa carrure, elle tenait très bien l'alcool, ayant mis au tapis plus d'un gaillard.

Aussi répondit-elle avec un grand sourire à la proposition de Pedro de partager une bouteille de rhum. Lizzie ne savait pas encore ce qu'il lui voulait, même si elle avait quelques idées, mais en tout cas il partait sur une bonne base en lui rendant le médaillon de son père et lui offrant une demie bouteille de rhum. Le capitaine était toujours aussi rustre et direct qu'auparavant. Un bon pirate. Lizzie jouait souvent la carte de la subtilité et la finesse, mais pour une fois, elle appréciait de retrouver son petit monde.

- Tu te fous de ma gueule, de Sousa ? Les puceaux ? J'aligne n'importe quel mec, et toi t'es loin d'être un puceau et je vois bien que t'aurais bien envie toi aussi !

Elle éclata de rire. La serveuse arriva à ce moment-là avec son verre, et Lizzie servit deux grandes rasades dans les deux verres avant de lever le sien bien haut pour le faire tinter avec celui de son camarade, renversant au passage une partie du précieux liquide doré.

- C'est vrai que t'étais un bon ami de mon père... Enfin bon, c'est de l'histoire ancienne ça. J'aurais jamais su finalement qui a eu sa peau. Ça m'emmerde un peu, je voulais le pardonner et tout ça, mais bon, je suis passée à autre chose maintenant on dirait.

Laissant perler un peu de rhum à la commissure de ses lèvres, la jeune femme étudia le médaillon de son père, se remémorant de ses derniers moments avec lui, sabre contre sabre, dans le tumulte de la bataille. Le père et la fille s'étaient reconnus et s'était promis de se voir à la fin du combat, convaincus qu'ils en ressortiraient tous les deux.

- T'as eu où son médaillon d'ailleurs ? S'il te l'avait confié, je vais pas te le reprendre. J'ai déjà pas mal de souvenirs de mon vieux, t'inquiète pas pour moi.

Elle tapota son vieux revolver à sa hanche en prononçant ces paroles. La plupart de ses affaires étaient effectivement des souvenirs de son père, toujours utiles malgré les années qui passaient. La jeune Seavey reposa le médaillon sur la table, faisant mine de le rendre à Pedro.

- Bon sinon pour répondre à ta question, je vivote. Depuis le naufrage de Rackvan, j'ai pas voulu refaire partie d'un équipage, donc je te préviens, si t'es là pour me recruter, c'est niet ! J'apprécie grandement ma liberté ! Tu m'as trouvée comment vieux loup des airs ?

Lizzie finit son verre et se resservit, ainsi qu'à Pedro. L'alcool allait couler à flots ce soir-là.

A la bonne heure! De Sousa retrouvait bien là la fille de son meilleur ami, son vocabulaire ne trahissait le sang qui coulait dans ses veines, c'était une fille de pirate et elle le valait bien. Pis c'est bien vrai, y'avait pas qu'les puceaux qu'elle affolait avec son déhanché ravageur, le Vieux Loup des Airs lui aurait bien mit un coup d'son gros calibre, y'avait pas doute là d'ssus! Éclatant lui aussi de rire, c'était communicatif et bon enfant, le barbu trinqua volontiers avec la donzelle qui avoua alors ne pas chercher l'auteur du meurtre de son paternel qui aurait pourtant bénéficier de sa grâce. Elle l'avait face à lui mais le quadragénaire se garda bien de le lui avouer car une parole restait une parole, personne ne savait quelle aurait été sa réaction en apprenant la traîtrise de son ami proche.

Restant silencieux à siroter le précieux nectar alcoolisé, il ne pu ensuite faire autrement que mentir à la jolie brunette. Bah attendez, vous le voyez lui dire :"Oh bah j'lui ai prit juste après l'avoir égorgé comme une truie" Non, ça s'faisait pas alors bah il improvisa, évidemment, d'une explication "bateau", presque digne d'une pièce de théatre, bref c'était clairement caricature.

- Rohhhhh bah t'sait... l'bougre était allongé sur l'pont en train d'cracher ses boyeaux, pis y m'a vu... m'a tendu la main et j'me suis penché pis, alors qui m'donne son médaillon, y m'dit dans l'creux d'l'oreille dans un dernier soupir tu sais : "D'Sousa... j'te l'confie... tu... tu l'remettra à Liz... l'jour où vous... vous enverrez en l'air t'les deux..."

De Sousa avait trouvé là l'occasion de faire comprendre à Lizzie l'objet de sa présence et si biensûre certains y voyait un double sens ou un sens caché, sous entendait-il là qu'il venait lui offrir ses services pour voguer ensemble dans les airs. Mais ça l'avait bien trop démangé de ne pas glissé cette demande non sans une interprétation un peu salace. Héhé, papy Pedro on l'refera pas hein! Ahahah!!

Reprenant son sérieux, le Vieux Loup des Airs repoussa le médaillon vers sa complice de tablée avant de satisfaire la curiosité de Lizzie.

- Pffuuuuu! Te r'trouver?! Sérieux tu m'pose à moi cette question? Tu sais qu'connais du monde dans l'milieu alors bon... Quand une bande de marins d'eau douce sait pas t'nir sa langue et qu'ils t'avaient croisés quelques s'maines avant, c'était facile de savoir où tu créchait! Héhé!

Resservant les verres presque vides, son regard se fit plus déterminé que jamais et exprimait toute la sincérité des propos qui allait suivre.

- Ecoute, j'suis un peu dans la merde tu vois, j'tout perdu au jeu... Ouai bon, m'fais pas la l'çon à ce sujet hein. Bref, j'suis pas là pour qu'tu m'recrute mais pour voir si toi t'as pas du boulot à m'refiler. Les temps son durs et t'as d'l'avenir. Mais si tu t'plait à pêcher du poisson et puer la dorade à cent mille, j'irais frapper à d'autres porte hein!

Moment de vérité... Avait-elle les couilles pour se sortir les doigts du cul et reprendre la lignée de son père? En tout cas, il cherchait à taquiner sa fierté, mais serait-ce suffisant pour lui faire changer de cap dans sa vie?

Un rictus au bord des lèvres, Lizzie écoutait Pedro parler de la mort de son père, à grand renfort de coups de théâtre et de dialogues inventés. Qu'est-ce qui était vrai dans tout ça ? La jeune femme n'avait pas forcément l'intention de tirer tout ça au clair. Elle faillit s'étrangler quand elle entendit la fausse réplique de son père qui la poussait à "s'envoyer en l'air avec Pedro", avant de comprendre que le pirate faisait plus référence au fait de voguer ensemble que de partager une nuit torride. La pirate essuya le rhum qu'elle avait recraché et éclata de rire. Cet homme savait ce qu'il voulait. Le sous-entendu était plus que clair. Elle le détailla pendant quelques secondes alors qu'il repoussait le médaillon vers elle. De Sousa était bien bâti, et il avait bien vieilli. Elle ne doutait pas du fait que ses vieilles fripes cachaient un corps encore vigoureux et fort agréable à agripper et à griffer. Le regard de la jeune femme se faisait carnassier. L'alcool et les sous-entendus de De Sousa commençaient à l'émoustiller...

Elle vida d'une traite le verre suivant, se préparant à une longue nuit. Ce soir, elle allait dévorer un pirate, Lizzie l'avait décidé. Elle se resservit aussitôt, avec un sourire qui voulait tout dire. Après tout, il avait fait tout ce trajet jusqu'ici, Lizzie n'allait pas le laisser partir sans récompense... Alors qu'il continuait à parler, elle s'imaginait déjà lui arracher ses vêtements, et se demandait même si elle attendrait d'être dans une chambre pour le faire. Elle allait peut-être tout simplement lui sauter dessus en plein milieu de la taverne, après tout. Alors que le loup des airs semblait avoir gagné sa gourmandise pour la soirée, ce fut sa dernière réplique qui l'en priva, néanmoins. Le coup du poisson puant, ce n'était pas très sexy. Et cette tirade eut pour effet de transformer l'excitation qui avait envahi la jeune femme en colère. Le regard de Lizzie se fit noir, ses traits se fermèrent, son poids s'abattit sur la table. La salle entière retint son souffle quand elle se leva comme une furie, se mettant à crier.

- Non mais de quoi je me mêle ? Qu'est-ce que t'en as à foutre de ce que je fais de ma vie ! Tu vas pas me donner de leçons, bâtard ! T'as perdu tout ce que tu avais, donc tu fais toutes les tavernes du monde pour essayer de convaincre les marmots de tes anciens potes de risquer leur vie pour que tu fasses la seule chose que tu sais faire ? Va bien te faire foutre, De Sousa, et certainement pas par moi ! Je t'ai dit que je voulais pas me réengager, je vais pas aller foutre ma vie en l'air comme toi et les autres connards ! Je vaux mieux que ça bordel !

Sans le savoir, le pirate avait touché la corde sensible de la jeune femme. Elle avait peur de reprendre la piraterie, même si elle l'avait dans le sang, peur de mourir comme les autres, elle avait de plus grandes aspirations, aspirations qui pourtant l'avaient menées jusqu'à maintenant dans ce trou paumé d'Aildor, à ouvrir du poisson. Le fait qu'il la mette devant son inutilité et le gâchis de ses compétences avait mis la jeune louve dans un état de rage absolu. Bon évidemment, l'alcool n'aidait pas. Sobre, Lizzie aurait très bien su se contrôler et enfouir ces sentiments au fond d'elle-même. Ivre, elle devenait intenable.

La furie se saisit de sa chaise et la projeta sur le pirate, qui l'évita sans problème. Elle atterrit sur la tête du gars qui se trouvait derrière lui, qui se retourna, visiblement très en colère. Il se leva et saisit l'un des pieds de la chaise qui avait explosé sur lui, bien décidé à en découdre. Le temps de réaction fut un peu long, alors elle n'évita le coup que de justesse, et le gaillard vint s'effondrer sur la table derrière elle. Alors que la furie se jetait sur Pedro pour lui asséner un coup de poing, une bagarre générale se déclencha dans la taverne, sous le regard affolé du tenancier qui ne cessait de leur crier de se calmer, en vain, excitant encore plus les badauds alcoolisés. Il finit par se prendre une bouteille à l'arrière de la tête et s'effondra, assommé. Au moins ne pouvait-il plus voir le carnage qui était en train de se produire dans sa taverne...

Là faut bien l'admettre, le Vieux Loup, suite à ses déclarations, n'aurait jamais pensé que la situation partirait à ce point en cacahuète. Déjà, s'il s'était montré d'une verbe insolente, taquine et provocatrice par moment, il n'aurait cru un seul instant pouvoir troubler les sens intimes de la Lizzie et finalement au vue de la tournure des événements, il le saura sans doute jamais le bougre! Nan parceque bon même si ça l'démangeait du gourdin, quel satisfaction s'aurait été de s'faire la fille du type qu'il avait r'froidi, il était pas venue la voir dans cette optique.

Bah oui, il voulait le ôter les doigts du cul, déjà qu'elle sentait la poisscaille, si ses doigts sentait en plus son fondement, imaginez la combinaison d'odeur que ça engendrerait ! No coment, lisez pas ça a l'heure du r'pas bande de ptite nature ! Bon heuuu on en était où après cette interlude olfactive ? Ah oui! Pedro cherchait donc à secouer la donzelle et il y mettait pas les formes ça c'est sure et du coup ça implique une dose de risque qu'il pensait quand même mesuré. Mais voilà, elle tenait bien de son père, elle avait le sang chaud! Et... bah ça lui a pas plus du tout, mais du tout!

Si sa réaction fut excessive, de Sousa avait touché une corde sensible. Impossible pour Lizzie d'avouer qu'il avait raison, alors comme toute bonne femme qui se respect elle commença à gueuler, brailler à en faire percer plus d'un timpan. Pedro écoutait même pas ce qu'elle lui cracha à la figure, par contre, ce qu'elle lui balança droit dans la gueule, là j'vous prie de croire qu'il avait été attentif. Hébé, elle avait du muscle mais heureusement il avait pas perdu ses réflexes. Tandis que Toddo et Baggo cherchèrent refuge sur une poutre au plafond, Pedro eut pas le temps de comprendre ce qui se passait dans la taverne que ça fini en bataille général. Surprenant? Pas tant que ça ! En fait les badauds du coin, ils attendaient généralement que ça pour passer une bonne soirée.

Évitant soigneusement le retour de chaise et Lizzie aussi, ça commençait à partir dans tous les sens, sous les éclats de rire du Vieux Loup des Airs. Mais l'bougre devait rester attentive, conscient d'avoir réveiller le fauve qui sommeillait depuis bien trop longtemps dans le corps de la Seavey, mais c'était pas suffisant, y lui fallait encore la provoquer, la choquer, la pousser à ses instincts de pirate qui coulaient dans ses veines. Elle s'approcha dangereusement, elle voulait clairement lui balancer une droite, bah elle allait en avoir pour ses hormones !

De Sousa tendit la joue pour réceptionner le coup de poing, une giclée de sang fila de sa bouche. Pourtant il ne s'effondra pas... la tête incliné sur le côté, il toisa du coin de l'oeil son agresseur un sourire provocateur sur les lèvres.

- Comme ton paternelle ! T'accepte pas la vérité quand elle t'arrive dans la tronche !

Il craqua sa nuque et ses deux larges mains enveloppèrent le cou de la pirate, la soulevant de terre avant de la balancer dos contre la table qui céda en deux sous la puissance de l'impact. Pedro savait qu'elle était robuste et qu'elle se relèverai mais il voulait lui montrer qu'il était un adversaire redoutable.

- Lizzie, tu vaux s'que tu vaux! Arrête de d'voiler la face! Me faire foutre ? T'va voir où j'vais t'en mettre moi s'tu continu! Ou alors t'as pt'être raison, tu vaux pu un clou, t'es bonne à benner! Ouai t'as bien entendu! Et p't'être même qu'à...

Il la poussait dans ses retranchement, il mettait à mal volontairement sa fierté. Autour, le chaos grandissait et Pedro esquiva quelques coups pour en redonner avant de reporter son attention sur Lizzie récupérant la bouteille de rhum qui avait survécu à la pulvérisation de la table. Buvant sans gêne au goulot, il fracassa le crâne d'un type qui approchait dangereusement de la jolie pirate de l'air. Frottant ensuite ses mains, il reparti au combat de l'esprit.

- Allez vient encore une fois t'frotter à de Sousa et fuit ton destin ! Mais rassure toi, y t'rattrapera tôt ou tard, plus tôt s'rait l'mieux j't'avoue Héhé ! Allez vient mettre sur la gueule au bâtard !

Depuis les hauteurs de la taverne, Delkhar, le faucon de Lizzie, qui s'était envolé dès la première démonstration de colère de sa maîtresse, observait la scène en tournant en rond. Le faucon ne semblait pas agité, certainement habitué à ce genre de manifestation...

- Je t'emmerde, De Sousa ! Je t'emmerde !

Lizzie se releva dans les débris de la table sur laquelle elle était tombée, et chargea Pedro tête baissée. C'était un roc, et elle ne le ferait certainement pas tomber, mais la colère parlait pour elle. Tête baissée, bras autour du gaillard, on aurait presque pu croire qu'elle lui faisait un câlin. Il n'opposait quasiment aucune résistance alors qu'elle le poussait de toutes ses forces. Elle glissa alors son pied derrière la jambe du pirate et tira, brisant son équilibre et le faisant tomber à la renverse, et elle avec lui. Elle profita de sa position, assise sur le ventre de Pedro, pour lui asséner encore quelques coups de poings avant qu'il ne la repousse violemment. Sa tête s'écrasa contre un tabouret du comptoir dans un craquement inquiétant. Lizzie se retourna pour constater que c'était le tabouret qui avait craqué, heureusement. Sa tête, ça aurait été une autre affaire. Elle se releva difficilement. Une bouteille abandonnée était posée sur le comptoir, miraculée au milieu du combat. La jeune femme l'attrapa et en but quelques gorgées pour se donner du courage, pour tout recracher aussitôt.

- Putain mais c'est quoi cette merde !

Elle étudia la bouteille pendant quelques secondes pour comprendre ce qu'elle venait de boire. La pirate s'était réveillée à l'intérieur de la jeune femme, et elle ne voulait pas boire autre chose que du rhum, pour sûr !

- Du whisky... C'est dégueulasse cette chiotte. Tout juste bon à faire un feu !

La louve brisa la bouteille aux pieds de Pedro et y jeta une bougie qui trônait là. Le feu prit immédiatement et Lizzie se rendit compte qu'elle avait fait une connerie. Elle enleva sa cape et tenta l'éteindre le feu, n'arrivant qu'à le propager un peu plus.

- Putain putain putain !

L'agitation de la taverne commençait à se transformer en vent de panique lorsque les combattants se rendaient compte qu'un incendie s'était déclenché. Lizzie regardait autour d'elle, sans vraiment savoir quoi faire non plus. Pedro était toujours là. Elle décida de s'en prendre à lui, c'était certainement la chose la plus logique à faire en plein milieu d'une taverne qui serait bientôt réduite en cendres.

- Bordel Pedro, tu m'emmerdes ! Qu'est-ce que t'as foutu encore !

La porte de la taverne s'ouvrit sur les premiers fuyards alors qu'une bouffée d'air froid et de neige s’engouffrait à l'intérieur. Lizzie attrapa le bras du pirate, comme pour l'entraîner vers la sortie, puis lui mit une claque.

- Je te déteste. Mais j'ai pas envie que tu crames. Viens on se casse.

La jeune femme se dirigea vers la sortie puis se rappela de quelque chose et fit aussitôt demi-tour. Le tavernier était derrière le comptoir assommé, elle n'allait pas le laisser mourir dans l'incendie de son commerce. Elle commença à le tirer vers la sortie, alors que des gens commençaient à faire des allers et retours avec des seaux remplis de neige pour éteindre l'incendie. Lizzie croisa le regard de Pedro.

- Tu voudrais pas m'aider un peu ? Je sens peut-être la poiscaille mais je sers à quelque chose moi au moins !

Dans un éclair de lucidité, une pensée traversa l'esprit de la poissonnière. Pourquoi se montrait-elle aussi bipolaire ? Pedro devait être perdu. Il avait remué quelque chose à l'intérieur de Lizzie, la poussant à perdre complètement le contrôle de ses pensées et de ses actions. C'était une sensation bizarre. Comme si elle tombait lentement dans le vide sans pouvoir rien y faire, mais sans la sensation de panique qui allait avec. Elle ne pouvait que se regarder de l'extérieur alors que son corps et sa bouche agissaient dans approbation du cerveau. Elle se demanda ce que son compagnon devait penser de tout ça. En tout cas, Lizzie ne pensait rien.

Ils finirent par réussir à sortir le tavernier, et la jeune femme réquisitionna un seau de neige pour le vider sur son visage, avant d'essayer de jeter violemment le seau sur Pedro. Sans regarder si son tir avait réussi ou non, elle mit quelques baffes au tavernier pour s'assurer qu'il était bien réveillé.

- Mais arrêtez, vous me faites mal !
- Euh. D'accord.

Lizzie lui mit quand même une dernière baffe, au cas où. Un homme se pencha alors vers le tavernier.

- Vous êtes le tenancier de cette taverne monsieur ?
- Ouais c'est lui. Je l'ai sauvé. Et vous vous êtes qui ?
- Je fais partie de la milice d'Aildor.
- La milice d'Aildor ? C'est une blague ?

Lizzie éclata de rire, prenant à parti Pedro pour qu'il rit avec elle, tellement c'était drôle. Pourtant, ni le dénommé milicien, ni le tavernier ne riaient. Ce qui mit la puce à l'oreille à l'ex pirate. Peut-être que ce n'était pas une blague en fin de compte.

- Attendez vous êtes sérieux ? Il y a une milice à Aildor ? Mais vous servez à quoi ?

Après tout, la question n'était pas étrange... Dans la ville du crime, on ne voyait que très rarement des miliciens, mais ils existaient bien. Et ils prenaient leur rôle très à coeur. D'ailleurs, le milicien se détourna de Lizzie pour poser des questions au tavernier et à un autre homme non loin. La jeune femme se releva pour s'approcher de Pedro.

- Une bagarre donc... C'est elle qui l'a déclenchée ? Vous l'avez vue ? Et l'incendie ?
- Bon, on se tire ? J'ai pas fini de te casser la figure, gros lard.
- Quoi ? La jeune femme aussi ? Avec son ami au grand chapeau ? D'accord merci, très bien.

Lizzie réfléchissait à quoi dire à De Sousa. L'alcool commençait à retomber avec le froid de la neige, et elle se rendait petit à petit compte de ce qui s'était passé. Tout ça pour pas grand chose au final... Elle s'apprêtait à l'embarquer vers une autre taverne, en tout cas un endroit chaud où ils pourraient se poser avec une nouvelle bouteille de rhum, quand on tapa sur son épaule. C'était le milicien, qui tenait un revolver à la main, pointé sur eux. Par réflexe et par surprise, Lizzie leva les bras, ne comprenant pas ce qui se passait.

- Je vais devoir vous embarquer. C'est visiblement votre faute ce qui s'est passé ici.
- Qui a dit ça ? Je suis pas d'accord. Et puis vous avez pas mieux à faire ? Y'a pas des gangs à arrêter dans cette ville ?
- Vous feriez mieux de vous taire si vous voulez avoir quelque chose à manger dans les prochains jours lorsque vous serez en geôle.

Lizzie échangea un long regard avec Pedro, tout en lui souriant. En geôle ? Certainement pas !

Bon, on va la faire simple : Pedro avait bel et bien réveillé la pirate sanguinaire qui sommeillait en Lizzie. Et ce au prix de conséquences pas très joli joli ! Ô bien entendu quand elle l'avait aligné à terre, le chevauchant, y avait quelque chose de sensuel, enfin juste quelque chose parceque le Vieux Loup des Airs s'en était prit des mandales dans la tronche ! Oh que oui! La donzelle, c'était une Seavey quand même hein! Bref, fidèle à elle même, elle avait employé un verbiage à 80% contenant des insultes. Mais c'était pas tout ! Y avait les coups ok, normal hein vu la situation et puis... y avait eu ensuite cette odeur de cramé inquiétante. Ah bah j'comprend mieux l'expression "ça sent l'roussi" Héhé.

Enfin... rire jaune hein parceque... bah elle venait de causer un putain d'incendie dans la taverne ! En tout cas les efforts du pirate avaient porté leur fruit, malgré nombres de conséquences, enfin de "dommages collatéraux" on va dire. Tout ça pour que Lizzie reprenne du poil de la bête, tout ça pour qu'elle lui voue une haine soudaine mêlé d'un attachement pourtant certain. Hum... pourquoi ça n'arrive qu'à de Sousa ce genre d'histoire un peu etrange entre haine et amour ( de quelque degré que ce soit hein).

En tout cas, les voilà sorti de l'établissement et à présent face à un type quI se disait etre de la milice locale ? Et bah voyez vous, ça avait eu le mérite de rapprocher les deux Loups. Riant à l'unisson une complicité semblait naître, prenant l'homme pour un illuminé jusqu'à ce qu'ensemble Pedro et Lizzie ne comprennent qu'en effet, il existait bien une milice à Aildor, aussi surprenant soit il. Ça papottait entre le tavernier et le milicien tandis que Lizzie invitait l'ami de feu son père à poursuivre leur bagarre dans un autre établissement. Souriant, Pedro lui répondit derechef.

- Gros lard? Tu veux vraiment que j'te mette ta raclée la Louve ! Ahahah. Allez on se tire, t'as raison, on en a pas fini ! Et j'te signal qu'on a pas encore désigné d'vainqueur ! HÉHÉ !

Pourtant il n'en fut rien, leur départ des lieux semblaient compromis par la potentielle arrestation de la pirate devenue pêcheur. Le milicien semblait déterminé au point de dégainer son arme de service tout en intimant des ordres à l'accusée qui se fendit d'un sourire adressé à son complice.

Pedro siffla deux coups avant que ne réapparaîsent Toddo et Baggo. Sans attendre les deux familiers fondirent jusqu'à leur cible, le milicien. Le cappucin grimpant jusque sur la tête de l'homme avant de lui lacérer les yeux tandis que le perroquet s'en donna à coeur joie en martelant de coup de bec les doigts qui tenait le pistolet, commençant par celui qui pressait dangereusement sur la détente. Finalement aucun coup ne gronda, le pauvre homme harcelé par les deux compagnons du pirate avant que celui ci ne l'attrape par le col de sa veste d'hiver.

- T'aurais pas dû la menacer, mollusque! On a des choses à finir et tu va sûrement pas te foutre inutilement entre nous.

Sur ces dires, Pedro serra son poing droit avant de décocher un upercute de toute beauté au niveau de la mâchoire du milicien. L'homme étalé à terre, Pedro avança s'abaissant pour saisir le pistolet du milicien. Braquant le canon sur son front, une botte plaquée sur son torse, Pedro était prêt à abattre l'homme a terre. Pourtant n'en fit il rien, son tire se reportant sur la cuisse tu type chargé de la sécurité d'Aildor.

- La prochaine fois, ça s'ra entre les deux yeux hein!

Ses deux familiers reprenant leur place sur les épaules du pirate, ce dernier se saisie de l'avant bras de Lizzie la belle rousse pour l'entraîner loin de ce désastre qu'ils avaient tout deux signés.

- Allez ramène ton huître, comme ta dit, on en a pas fini ! On va finir ça ailleurs. T'as une tanière dans l'coin? Mouahahahah ! Quel bordel ta foutu, jte r'connais bien là Liz'!

Quittant les lieux prestement, il falait au duo trouver un endroit pour fini leur affaire ! Ça allait encore cogner mais rien de plus normal lorsque deux forban de la pire espèce cherchait à obtenir un accord, un partenariat.

Lizzie ne pouvait que rire en voyant les compagnons de Pedro et lui-même faire son compte au pauvre milicien qui aurait mieux fait de rester dans sa caserne ce soir-là. Croiser deux loups des airs en train de négocier, ce n'était certainement pas la meilleure chose à faire ! Une fois que son compte fut réglé, la jeune femme se détourna immédiatement de lui et entraîna son compère vers les tréfonds d'Aildor. Bras dessus, bras dessous, les deux pirates entonnaient à tue-tête une chanson paillarde en avançant dans les rues de la ville des malfrats, et les passants qu'ils croisaient préféraient les éviter plutôt que de s'approcher des deux individus qui puaient la picole. Ils marchèrent comme ça quelques minutes avant que Lizzie ne s'arrête devant une magnifique bâtisse à l'architecture travaillée, une véritable oeuvre d'art aux milles colonnes représentant de magnifiques corps nus, drapée de velours et dont une délicate odeur d'encens se dégageait.

Même parmi les maisons de passe d'Aildor, déjà réputées pour leur service et leur qualité, celle devant laquelle Lizzie s'était arrêtée était considérée comme l'une des meilleures. Seuls les grands bourgeois s'y retrouvaient pour s'amuser et festoyer, et les prix étaient exorbitants. Cela n'empêcha pas les deux forbans de rentrer en maître des lieux, regard altier et menton en avant, et d'avancer vers le comptoir malgré les regards interloqués. Une femme d'âge mûr, richement habillée, les accueillit avec un sourire qui faisait briller sa dent en or sertie d'un rubis. Nullement vulgaire, elle était habillée finement et toutes ses parures étaient de qualité. Voilà une femme forte qui avait fait fortune dans son domaine, en jouant sur le désir des hommes, et l'admiration naquit immédiatement au sein de Lizzie envers cette femme. Elle posa, sans compter les pièces qu'elle contenait, sa bourse sur le comptoir. La madonne sourit de plus belle, comprenant qu'elle avait affaire à deux pigeons qu'il fallait bien servir, car ils allaient dépenser toute leur fortune ce soir-là.

- Comment puis-je combler vos désirs ?
- En nous proposant dans un premier temps un bain, puis une très grande chambre, quelques amis avec qui la partager, et une énorme quantité de rhum.
- Vos envies sont des ordres pour nous.

La madonne prit d'une main délicatement poudrée la bourse, l'ouvrit et regarda son contenu avec un sourire satisfait. La paye des deux derniers mois de travail de Lizzie était à l'intérieur de cette bourse, missions délicates comprises. On mena les deux compères sans une grande chambre, où un lit qui semblait avoir été construit spécialement pour la pièce en occupait la majeure partie de l'espace. Il faisait au moins trois mètres au carré. Trois jeunes femmes et un homme à moitié nus les accueillirent en souriant. Saan était une danseuse zochlienne, à la peau d'ébène et aux formes généreuses, Layrie une masseuse my'tränne qui utilisait le don de Möchlog pour apaiser les esprits de ses compagnons, Thonya et son frère jumeau Eadun était nés à Aildor et y avait passé leur vie, mélangeant leurs magnifiques corps à ceux qui en demandaient les services. Ils les menèrent vers une pièce adjacente, où les attendait un bain énorme, aux senteurs exotiques, dont s'échappait de la vapeur et une douce chaleur. Ils furent déshabillés en douceur, puis les deux compères entrèrent, nus, dans le bain, accompagnés de leurs nouveaux amis.

Lizzie força Pedro à s'asseoir sur l'un des bancs de marbre prévus à cet effet, puis se mit à califourchon sur lui, ses doigts caressant le torse musclé du pirate.

- Profitons du luxe ce soir, camarade, demain nous devrons nous retrousser les manches jusqu'à pouvoir de nouveau nous payer une nuit comme celle-ci.

Puis la jeune femme se pencha sur lui et l'embrassa, d'abord doucement puis avec férocité, avant de céder sa place à Layrie, attrapant de son côté les hanches d'Eadun pour le rapprocher d'elle tout en embrassant les lèvres noires de Saan...