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Chroniques d'Irydaë
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 La vapeur se dissipe

Invité
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La vapeur se dissipe EmptyMer 6 Sep - 14:05

Le froid... Incisif, pénétrant les corps comme les âmes, ce dernier semble sans limite. Et malgré le feu qui lutte âprement pour sa survie dans cet environnement inhospitalier, les couches successives de vêtements épais ou l'alcool qu'elle porte de temps à autre jusqu'à ses lèvres, Zora le subit comme tous les êtres vivants assez stupides pour s'aventurer à Khurmag en cette période de l'année. Et pourtant cette vague glaciale appelée Khoral est précisément la raison de sa présence sur les terres de ces parias d'illusionnistes.

La rouquine, jambes repliées contre elle pour sauvegarder une chaleur vouée à se distiller, bras enroulés autours de ces dernières, attend qu'un marchand ou une quelconque âme égarée repère le feu crépitant qui lui face. Ho, bien sûr, il ne peut l'emporter face au phare de Tarluru que l'on devine vaguement à de nombreux kilomètres de là. Mais il attirera peut-être ceux qui ne croient pas avoir la force de l'atteindre avant que le Froid Blanc les emportent. C'est précisément sur cette évidence que la jeune femme compte. Car la meilleure façon de chasser reste encore d'attendre que les proies soient assez stupides pour vous approcher, non de leur courir vainement après.

Malgré tout - et bien qu'elle voudrait se convaincre du contraire - elle n'a guère le choix. Continuer à marcher dans l'obscurité glaciale et pénétrante serait du pur suicide. Même en connaissant la région, ce serait un acte bien trop téméraire pour qu'il soit ne serait-ce qu'envisagé par l'adepte. Car malgré la foi brûlante en Möchlog qui la consume, elle ne peut se soustraire aux règles les plus élémentaires édictées par la nature elle-même. Du moins, pas encore. Pour l'heure cette impuissance face aux éléments l'irrite au moins autant qu'elle l'inquiète.

Elle bouge ses mains gantées et ses pieds enveloppés de bottes en peaux. C'est étrange comme l'on peut se sentir vivant lorsque la mort rôde si près de vous. Tellement près, à vrai dire, que vous pourriez presque sentir son souffle implacable sur votre nuque. C'est un sentiment incomparable, aussi fascinant qu'inconfortable. Mais qui à le mérite de vous fortifier. C'est encore dans l'adversité que l'on progresse le plus.

Zora reprend une gorgée d'alcool et réprime une grimace lorsque le breuvage brûle sa gorge. Elle n'est pas une adepte de toutes ces boissons ou aliments qui altèrent l'esprit. Pourtant elle ne peut cracher sur leurs mérites en de tels circonstances. Il rend l'attente plus supportable. Et trompe quelque peu l'ennui qui s'est installé depuis de longues heures maintenant. La demoiselle renchérit en puisant dans sa magie pour amplifier les tremblements salvateurs de son corps. Ne sont-ils pas destinés à le réchauffer?

Elle écarte de son visage une mèche de cheveux rigidifiés par le gel et plisse alors les yeux lorsqu'elle croit discerner une silhouette contrastant vaguement avec le décor grisâtre. La demoiselle, les sens en alerte, observe les environs encore quelques instants avant d'arriver à la conclusion que ces derniers lui jouent des tours. Pourtant une poignée de secondes plus tard ce sont des bruits réguliers de pas qui s'enfoncent dans la neige qui brise le sifflement constant du vent.

Engourdie, la rouquine se relève alors pour faire face au nouvel arrivant. Ou, plutôt, à la nouvelle arrivante. Car les traits qu'elle distingue de ce visage semblent bien frappés du sceau de la féminité. Une main crispée sur le bâton qui lui sert à présent de support, l'autre prête à user d'un sort de protection si jamais la situation venait à l'imposer, elle se contente d'attendre que la surprise qui l'a étreinte se dissipe...

Althéa Ley Ka'Ori
Althéa Ley Ka'Ori
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La vapeur se dissipe EmptyJeu 7 Sep - 19:02
Irys : 507592
Profession : Guérisseuse du Troisième Cercle
My'trän +3 ~ Suhury (femme)

Le khoral noyait les chemins d’autant de couches de neige que les voyageurs en avaient de vêtements sur leurs épaules. Il avait déposé son manteau ivoire sur les cendres ébènes du passé, et on ne distinguait à présent plus que sa blancheur extrême qui s’étalait à perte de vue, dissipant toute esquisse d’horizon. La faune avait décampé bien avant l’arrivée du grand froid et la flore qui avait résisté aux multiples batailles s’élevait tristement contre le vent glacial, enlacée par la bise. L’air prenait couleur, il se colorait d’une blancheur inégalée ; les branches s’habillaient chaudement, de haillons blanchâtres encore une fois ; les vagues silhouettes des Khurmis se vêtaient de capes conquises par le froid, celles-ci tournaient diaphanes.

Althéa avait quitté Foreäl quelques jours en amont du Khoral, et se trouvait dorénavant embrassée par son étreinte au cœur des terres khurmis. Elle fit halte sur le chemin tracé par ses congénères, et tira sur chacun des doigts de son gant avant de le retirer complètement. Elle admira les flocons déposer immédiatement leur givre sur la paume de sa main et sur le pourtour de ses doigts. Elle le renfila prestement, disposée à conserver l’usage de ses articulations, mais la brève sensation avait été suffisante pour éclairer son regard d’une lueur infantile, signe d’un bien-être interne presque oublié, presque emporté par le vent qui balaye toute émotion superflue à l’âge adulte.
Ses terres natales étaient à son image. Ou plus modestement, elle était le portrait craché des lieux majestueux qui l’avaient choisie comme enfant. Calme, impénétrable et hostile aux intérêts humains qui n’étaient pas les siens.

L’adepte de Möchlog revint à la réalité et emboita le pas à la poignée de valeureux qui affrontait l’hiver le plus glacial qui soit à ses côtés. Ils n’étaient guère contemplatifs de la blancheur des plumes de la chouette qui régnait en son cœur, mais ils puisaient la force d’avancer dans d’autres motivations qui la dépassaient. Sa tribu de naissance était égale à elle-même. Là où les autres Khurmis se terraient sous des dômes de pierre et se tapissaient dans le creux de la montagne, son clan parcourait les terres à l’encontre d’un climat cruel afin d’assurer le ravitaillement des petits villages depuis les grandes cités de la contrée. Contre toute attente, leurs objectifs divergents les rassemblaient sur une même voie.

La pénombre du crépuscule se fit timide, mais couvrit néanmoins la pâleur du blizzard d’un gris déprimant. La tribu s’apprêtait à monter le camp. Althéa s’était immobilisée à quelque mètres de leur emplacement, l’œil attiré par un lumière ténue, extrêmement ténue, qui se devinait aussi sûrement qu’une étoile dans les rues trop lumineuses d’une capitale. Elle prit la peine de prévenir son frère marchand de son escapade, puis elle s’enfonça parmi les arbres rachitiques de Khurmag, en quête de réparation pour son amie Curiosité et d’une vision rapprochée de cette lueur.

A cette période de l’année, rares étaient les hardis qui transperçaient vaillamment le blizzard, et leur volonté devait être titanesque pour surpasser la peur d’être cryogénisé sur place. Elle rabattit sa capuche de fourrure sur ses oreilles sensibles, et parvint jusqu’au feu médiocre de l’aventurière en herbe. Elle s’approcha à pas lents, ralentie par la neige dans laquelle elle s’enfonçait sans peine. Elle dévisagea Zora à travers les flocons qui parsemaient ses cils.

« Il y a toujours un esprit stupide qui se cache derrière les grandes bravoures, jeta-t-elle sans prendre garde à la tension palpable dans la posture de Zora. »

Elle ne fit pas un pas de plus, se contentant d’observer l’interpellée de loin. Une aversion presque inhérente à son sang lui parcourut les veines. Zora voyageait en solitaire et sans connaître les bases de la sécurité requise pour un périple à travers Khurmag. Les inconscients s’éprenaient rapidement des neiges, mais moins souvent du nécessaire de survie. Qu’espéraient-ils donc, ces imprudents ? Récolter quelque joyau d’après-Khoral à brandir fièrement une fois rentrés ? Ressentir l’adrénaline des aventuriers intrépides qui affrontent les plus grands ennemis naturels de l’homme ?

« Je ne dis pas que vous faites preuve d’une grande bravoure ceci dit. Et ma foi, quelle nuance d’irréfléchie êtes-vous pour allumer un feu en ce lieu sans le couvrir des intempéries ? »


Dernière édition par Althéa Ley Ka'Ori le Dim 10 Sep - 22:17, édité 1 fois

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La vapeur se dissipe EmptyVen 8 Sep - 16:57

La surprise passée, Zora fronce les sourcils. Parmi toute la gamme de possibilités qui s'offrait à elle, l'inconnue a opté pour ce qui semble bien être des insultes. Une entrée en matière qui n'est guère conventionnelle. Et qui ne favorise évidemment pas la discussion. L'arrogance dont la nouvelle arrivante fait preuve annonce donc la couleur. Et irrite au passage la rouquine qui avait plutôt escompté l'arrivée d'une personne fuyant le froid à la recherche d'une relative sécurité. Et, le moins que l'on puisse dire, c'est que ça ne semble pas être le cas de cette intrus.

Des deux, c'est même celle qui semble la plus armée pour affronter la température. Ses propos sont assurés et ses lèvres, épargnées par les tremblements qui parcourent le corps de la jeune femme qui se contente encore de garder le silence. Qui est donc cette inconnue qui se permet de parler avec autant d'audace à la favorite de Möchlog? La colère ne tarde pas à succéder à l'étonnement. Mais à défaut de l'exprimer, Zora la canalise. L'autre est sur ses gardes. Lui bondir dessus maintenant serait inutile. Lutter à armes égales, ce n'est pas trop son truc.
"D'où je viens on a une expression qui me semble parfaitement convenir à la situation!" explique-t-elle en guise de réponse. "La stupidité qui se tait vaut mieux que la sottise qui s'exprime!"
La rouquine est pourtant forcée d'admettre qu'elle doit offrir un spectacle bien pathétique à l'autochtone que cette femme semble être. Ce qui la place dans une position de faiblesse qui n'a rien de bien agréable. Si l'idée directrice de son plan consistait à attirer une âme davantage perdue qu'elle encore, les rôles sont maintenant inversés. Offrir une place autours de son feu à l'inconnue? Pourquoi en aurait-elle besoin? Cela n'a plus le moindre sens maintenant. L'adepte de Möchlog ne peut qu'endosser le rôle qui lui est désormais dévolu: celui qui consiste à la placer dans le rôle d'une personne à la recherche d'aide.
"Vous excuserez la qualité médiocre de mon campement mais dans la précipitation je n'ai pas eu le temps de l'adapter aux critères locaux! J'étais trop occupée à survivre, voyez-vous?" reprend-t-elle sur un ton empreint de sarcasme. "En attendant, bien sûr, qu'une bonne âme surgisse du néant pour venir me... gratifier de ses merveilleux conseils! J'imagine que je dois m'estimer chanceuse..."
Le sourire carnassier que la rouquine décoche à sa vis-à-vis se perd derrière l'écharpe qui recouvre sa bouche. Mais l'intention y est! Zora l'observe encore un instant puis s'agenouille auprès des flammes vorace et agonisantes à la fois, les sustentant de l'une des dernières bûches qui lui restent encore. De quoi gagner quelques précieuses minutes de chaleur. Même si le temps est quelque peu relatif dans un environnement aussi prédateur que celui-ci.

La servante de Möchlog relève ensuite son regard ambré vers son interlocutrice pour mieux la détailler. Elle semble voyager plutôt léger contrairement aux marchands qui emportent de quoi survivre pendant des jours dans le Khoral. Est-ce le signe qu'elle n'est pas seule? Y'a-t-il un village non loin de là, caché par la grisaille ambiante? Ou ses connaissances lui permettent-elles simplement de faire abstraction d'un équipement aussi salvateur que lourd?
"Arrêtez-moi si je me trompe mais... en temps normal c'est plutôt aux visiteurs qu'échoit la lourde tâche de se présenter en premier, non?" lui fait-elle remarquer. "Mais au cas où, moi, c'est Zo..."
À l'origine cette remarque était destinée à adoucir quelque peu une ambiance qui n'avait rien de bien folichonne. Une manière comme une autre d'adoucir les angles d'un change promis à quelques remous. Pourtant le hasard ou le destin semble en avoir décidé autrement puisqu'un flash lumineux d'une rare intensité coupe la rouquine en milieu de son prénom.

Et peu après, c'est un tremblement suivi d'un bruit sourd qui s'élève dans les airs qui se manifeste. Suffisant, d'ailleurs, pour faire tomber la neige ornant les quelques arbres osant ouvertement défier le climat éprouvant des lieux. Cette nouvelle surprise s'atténuant peu à peu, la rousse délaisse l'endroit où la puissante lumière c'est exprimée pour reporter son attention sur sa voisine:
"Une autre curiosité locale?"
Elle pressent que ce n'est pas le cas. Mais elle serait bien incapable d'expliquer ce qui vient de se produire...

Althéa Ley Ka'Ori
Althéa Ley Ka'Ori
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La vapeur se dissipe EmptyDim 10 Sep - 23:25
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La jeune femme avait de la répartie ; Althéa partit d’un rire sans émotion, qui s’effilocha dans l’air ambiant en une interminable fraction de secondes. A personne indélicate, il n’est plus réjouissant que de trouver plus acerbe que soi. Il lui semblait avoir trouvé une interlocutrice des plus mordantes, et par la même un meilleur divertissement que tout ce que son clan aurait pu lui fournir après cette ennuyante journée de marche (ou de nage intense selon le point de vue et la taille du concerné).

« J’aurais donc tu ma proposition de vous joindre à mon clan si j’avais été de votre contrée. Mais les Khurmis qui m’accompagnent ont ce côté hospitalier que je ne comprends que très peu. Ils sont par ailleurs persuadés que la sottise qui se tait est synonyme de décès. Il faut croire qu’il n’y a pas que le climat qui diffère entre nos contrées. »

Elles se dévisagèrent à travers les couches successives d’écharpes, de capuches et de blizzard. Il est vrai qu’Althéa en avait sans doute une ou deux supplémentaires, faites des fourrures blanches telles qu’il s’en vend par dizaines dans les cités khurmis. Plus particulièrement dans les villes limitrophes aux états voisins qui se spécialisent dans leur fabrication, puisqu’elles sont des points de passage quasi-obligatoires des aventuriers souhaitant s’aventurer vers l’intérieur de Khurmag. A vrai dire, pour parvenir aux villes suivantes, il était nécessaire de se métamorphoser en animal polaire, ou à défaut d’être aussi couvert qu’un enfant enrhumé sous l’œil attentif d’une maman poule. Autant dire que la plupart des achats se faisaient donc à la frontière !

La rousse qu’elle toisait enchaîna sur du bla bla pleurnichant, qui n’avait pour seul mérite que d’être prononcé sur un ton ironique dont la mélodie plaisait davantage à Althéa que le sens de ses paroles. Après un nouvel échange du regard, elle finit certainement par réaliser que l’entrée en la matière avait été particulièrement rude et que les présentations avaient été passées à la trappe. Toutefois, Althéa ne put saisir que la moitié de son (pourtant fondamentalement court) prénom, puisqu’une explosion à en réveiller les morts retentit au loin. De brèves secousses firent gronder le sol sous leurs pieds ; les maigres branches qui parvenaient encore à retenir quelques flocons se déchargèrent de leur cargaison, et la guérisseuse dut baisser la tête pour ne rien laisser s’infiltrer.

Une fois le faible tremblement de terre passé, elle releva la tête dans la direction du bruit de tonnerre, oubliant momentanément sa partenaire. Cette dernière ne se fit pas attendre pour la ramener à la réalité.

«  Une autre curiosité locale ?
- Bien sûr. Vous n’avez pas entendu parler de l’activité volcanique de Khurmag ? C’est très touristique. Un véritable attrape-nigaud m’est avis. »

D’un signe de tête elle indiqua l’emplacement de son clan, situé un peu en biais par rapport à la direction de l’explosion, et s’éloigna sans attendre. Elle avait déjà fait sa proposition, nul besoin de réitérer. Il y avait visiblement plus urgente affaire que d’entamer une joute verbale. Voyant que Zora avait hésité à la suivre, elle employa sa voix la plus doucereuse pour déclarer, ne souhaitant certainement pas avoir une mort par glaciation sur les mains :

«  Les membres de ma tribu sont réputés plus avenants que moi-même, si cela peut vous convaincre de nous rejoindre.  »

Althéa se retourna, et entreprit de rejoindre l’emplacement du camp. Alors qu’elle retrouvait les traces de ses pas originels, à quelques dizaines de mètres de là, Leryan accourut vers elle, la mine anxieuse. Il ne calcula pas vraiment la nouvelle venue.

« Althéa ! J’ai eu peur que tu sois du côté de l’explosion !
- Non, j’étais à l’opposé. Que s’est-il passé ?
- Je l’ignore, Selph affirme qu’il n’y a aucun village alentour. Il est en train de réunir quelques personnes pour aller étudier les lieux.
- Est-ce bien prudent ?
- Qui sait ? Mais s’il y a des blessés, il vaut mieux leur venir en aide avant qu’il ne soit trop tard. »

Althéa contempla son brassard, qu’elle avait gardé - par habitude autant que par fierté - depuis qu’il lui avait été remis. Elle faisait partie des Cercles de l’Aube, venir en aide se devait d’être une seconde nature chez elle. Elle hocha lentement la tête, et se retourna vers sa nouvelle connaissance. Un nuage de fumée tournant rapidement au gris noirâtre s’échappait de l’emplacement où avait supposément eu lieu l’explosion.

« Et bien, Zo’, vous sentez-vous assez utile pour vous joindre aux éclaireurs ? Autrement, vous trouverez une place auprès du feu de mon frère. Dans sa tente je ne le garantis pas en revanche… »

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La vapeur se dissipe EmptyMar 12 Sep - 23:08

Certaines des relations qui unissent les différentes âmes de ce monde sont marquées par le doute ou un manque de clarté. Celle qui semble s'installer entre les deux jeunes femmes, en revanche, ne laisse pas la moindre place à l'hésitation. Peut-être qu'il doit en être ainsi lorsque deux caractères se confrontent sans laisser la moindre place aux différentes nuances de politesse. Ça convient pourtant tout à fait à Zora qui n'est pas venue dans cette région inhospitalière pour se faire des amis. À quoi servent ces derniers si ce n'est à vous affaiblir de toute manière?

Mais elle ne peut s'empêcher de se poser la question: pourquoi cette nouvelle venue insiste-t-elle? Pourquoi persiste-t-elle sur une voie qui ne mènera à rien de bon? Après tout rien ne la poussait à suivre sa curiosité jusqu'à ce feu de camp, tout rudimentaire qu'il soit? La rouquine doute que ce soit pour contenter un quelconque sentiment d'infériorité ou pour le simple plaisir de se poser en sauveuse d'une égarée. Ce serait tellement... basique. C'est forcément un sentiment plus noble qui l'a poussée à s'approcher. Reste à déterminer lequel. Mais quel qu'il soit, Zora en est convaincue: il trahit une faiblesse. Peu importe qu'elle soit cachée derrière un masque imperturbable ou des remarques aussi ironiques que les siennes.

Car dans le fond il semble y avoir une différence fondamentale: la rouquine se serait contentée d'achever une âme égarée à la merci du Khoral. Celle-ci, en revanche, est ici pour lui apporter un semblant d'aide. Se soucier des autres? C'est aussi dangereux que stupide. Et c'est d'autant plus amusant lorsque cette volonté altruiste est camouflée par des mots qui se veulent acides. Cette femme lui fait de plus en plus penser à l'un de ces petits chiens qui aiment aboyer mais n'iront jamais jusqu'à mordre. Et ça semble se confirmer lorsque l'inconnue l'invite d'un signe de tête à la suivre en lui précisant, à sa manière, qu'elle rejoint sa tribu.
"Mais quelle bonne idée!" affirme-t-elle, sourire à l'appui. "Comment pourrais-je refuser une invitation si charitable?"
Une manière de lui faire comprendre qu'elle ne la trompe pas avec ses faux-semblants. Pourtant l'intérêt de la rouquine est bien réel, lui. Un loup invité dans une bergerie n'a que peu de raisons de refuser une telle opportunité. À moins qu'il s'agisse d'un piège, évidemment. Mais elle ne croit pas qu'il est question de duperie, ici. Juste d'altruisme, encore une fois. Ce qui semble se confirmer quelques mètres plus loin lorsqu'un autre sauvage rejoint le duo féminin.

La discussion dont elle est exclue a au moins l'avantage de lui confirmer ce qu'elle espérait: cette inconnue souhaite apporter son aide à d'éventuels blessés. Tout comme ceux avec qui elle vit puisqu'ils sont en train de réunir des gens pour partir en direction de la source de cette explosion. Peu importe cette dernière, il y a fort à parier que les victimes doivent se compter par poignées. Quant aux survivants, s'il y en a, ils sont sûrement plus à plaindre que ceux ayant trépassés.

Ho bien sûr Zora compte leur apporter son aide, elle aussi. Mais d'une manière qui différera vraisemblablement de ces gens. Et puis... Comment pourrait-elle passer à côté d'une chance comme celle-ci? Elle imagine déjà des dizaines de blessés marqués par l'impureté. Les délivrer de la vie ne sera qu'une formalité. Et un sacrifice digne de ce nom en l'honneur de Möchlog.

Aussi lorsqu'on lui demande si elle souhaite se joindre à l'expédition, elle n'hésite que brièvement avant de hocher la tête. Bien sûr qu'elle sera de la partie! Quelle est l'autre option de toute façon? Rester en compagnie d'inconnus autours d'un feu? Ce serait une perte de temps considérable. Et un défi lancé à sa patience qui n'a rien de légendaire. Quant à la simple idée de profiter de la tente de celui qui semble être le frère de cette Althéa...  Qui en aurait envie? La mort est parfois préférable à certaines choses!
"Ne vous faites pas de soucis quant à mon utilité, Althéa!" glisse-t-elle. "Je suis certaine que les éventuels rescapés de cette catastrophe l'apprécieront, eux! J'ai bien peur qu'ils n'aient guère le luxe de faire la fine bouche de toute façon..."
Et, plus personnellement, la rouquine n'estime pas avoir besoin de l'invitation ou même de l'approbation de cette femme. Elle ne lui doit rien du tout. Pourtant cette position de faiblesse dans laquelle on la cantonne est plutôt appréciable dans le sens où elle s'accompagne d'un manque de considération. Elle n'est pas un danger à leurs yeux. Juste une personne assez stupide pour s'aventurer dans le Khoral. Et c'est parfait!
"Maintenant si vous avez fini de fêter vos retrouvailles peut-être que nous pourrions joindre le geste à la parole?" leur propose-t-elle. "À moins que vous souhaitiez m'arroser de votre condescendance quelques heures encore?"
Elle toise un instant avec mépris ce duo et prends la direction de la fumée qui marque la position de cet inespéré désastre. Que cette tribu fasse ce qui lui chante. Quant à elle, elle se fait un devoir d'accomplir la volonté de Möchlog. Qu'est cette explosion sinon une invitation de l'Architecte à purifier un peu plus ce continent?

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Elle ne s'est pas souciée d'être suivie. Ou même de rejoindre le groupe de personnes qui l'a dépassée au cours de sa progression, quelques poignées de mètres sur sa droite. La progression n'a guère été facile. Elle ne l'est jamais lorsque Amislag s'est mit en tête de vous infliger une épreuve telle que le Khoral. Mais la rouquine parvient néanmoins à rejoindre ce qui devait être autrefois l'une de ces étranges mines daëner.

À présent il ne reste plus que des ruines fumantes ou encore dévorées par des flammes voraces. La neige a disparu pour laisser place à un sol noirâtre ou elle semble refuser de s'aventurer. La scène évoque la mort dans son plus simple appareil. Pourtant Zora ne peut s'empêcher d'éprouver une forme de satisfaction morbide. Car les corps calcinés se comptent par dizaines. Et ceux qui se meuvent encore ou appellent à l'aide sont plus nombreux encore. Un véritable banquet!

Cependant elle n'est pas la première. Elle reconnaît Althéa qui s'affaire un peu plus loin et ceux qui doivent être ses compagnons. Fort heureusement la zone est assez grande pour contenter tout le monde. Le travail ne manque pas ici. Et l'aide apportée semble dérisoire. De bonnes raisons d'envisager les prochaines heures avec optimisme.

Zora ne prend donc pas la peine d'échanger le moindre mot avec les membres de la tribu. Là encore, elle ne leur doit rien. Pourquoi tiendrait-elle compte de leurs désirs? Qu'ils travaillent en groupe si ça leur chante. De son côté elle fera ce qu'elle sait faire de mieux: agir dans l'intérêt de la Chouette. Elle disparaît donc un peu à l'écart du groupe et arpente un instant les ruines à la recherche de la première personne digne d'être délivrée de son tourment. Ce qui ne tarde pas à arriver, évidemment.

Elle prend la forme d'un homme brûlé sur une grande partie du corps et qui la fixe du seul oeil valide qui lui reste. La rouquine s'agenouille à ses côtés et hoche la tête positivement lorsqu'il lui demande son aide d'une voix rauque. Elle ne lui donne pas l'eau qu'il réclame, cependant. À défaut, elle se contente de retirer le bout de métal de son flanc après avoir jeté un regard aux alentours. Le sang commence à inonder le sol.
"Chuuuut!" lui glisse-t-elle d'une voix douce. "La mort viendra bientôt te libérer de ta souffrance, n'ait crainte..."
La rouquine le gratifie d'un sourire et caresse ce qu'il reste de sa joue. Puis elle se relève à la recherche d'une nouvelle âme à soulager au milieu de ce champ de désolation sublimé par des éclats de magilithe.

Althéa Ley Ka'Ori
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La vapeur se dissipe EmptyJeu 14 Sep - 23:07
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Althéa n'est pas acrimonieuse par choix, elle l'est par dépit. Aussi ignora-t-elle délibérément les propos venimeux de Zora. A un autre âge, en un autre endroit, elle se serait vexée d’être considérée condescendante par une rouquine avec un répondant semblable au sien. C’était la charité qui se moquait de la charité ! Elle profita plutôt que Selph signale la mise en marche du groupe de volontaires pour s’écarter temporairement d’elle, et revenir à leur houleuse discussion plus en aval.


***


Le groupe, mené par Selph, gagnait en allure. La proximité de la catastrophe les stimulait, mais par-dessus tout, les lieux semblaient bien plus fréquentés que les grandes routes noyées par la neige. Ici, le blanc prenait une teinte sale que le Khoral ne parvenait à ensevelir que partiellement. Des milliers de pas avaient déjà tassé la poudreuse en faisant une mixture de terre et d’écorce qui déteignait dans la neige comme l’habit immaculé d’un enfant se pare de couleurs crasseuses au cours de ses déambulations. A mesure qu’ils avançaient, la poussière, non contente de ternir le sol, devenait également présente dans l’air ; bientôt le blizzard sembla s’effacer au profit d’un nuage épais de particules irrespirables.

« Il s’agit d’une mine, déclara Selph à mi-voix, cofirmant ce que tous avaient au mieux compris, au pire envisagé. »

Des mineurs s’affairaient déjà sur place, ceux qui par chance n’avaient pas trop souffert (si ce n’est émotionnellement) de l’explosion. Zo’ n’attendit pas son reste pour s’affaisser auprès d’un blessé, et Althéa détourna rapidement son regard pour couvrir le reste de la scène. C’était une véritable hécatombe, et elle aurait juré que des cadavres avaient plu du ciel. Pour être honnête, cette impression était davantage due aux quelques démembrements qui paraissaient multiplier le nombre de cadavres, et au champ de vision restreint. Ce dernier n’allait pas à plus de quelques mètres de distance.

Un groupe s’occupait de réunir les blessés considérés sauvables auprès des deux infirmiers du campement. Ils ne pouvaient que s’efforcer de traiter le plus de patients possible en ayant parfaitement conscience de la limite de leurs efforts. Alors que Selph se présentait aux Daënars, Althéa sortit un long foulard tout en mettant en évidence son brassard du cercle de l’Aube aux yeux des soigneurs :

« Nous venons en paix, je suis guérisseuse. »

Elle noua l’étoffe autour de sa bouche, alors que l’homme et la femme acquiesçaient sans trop de conviction, probablement accablés par ce malheur qui avait surgi sans crier gare, et pourtant ne réalisant pas les faits dans tout ce qu’ils avaient de plus funestes. Althéa songea que l’absence d’un architecte dans leurs convictions rendaient ce désastre plus injuste qu’il ne l’était, car alors ils eurent pu le considérer comme une punition pour quelque méfait (celui de piller leur matériau créateur, à tout hasard). Il ne leur restait que la nécessité de ramasser des morceaux d’hommes et blâmer les morts sur une erreur de jugement, humaine, ou même mécanique.

Sans plus attendre, elle se dirigea vers un mineur agonisant. Il avait une jambe arrachée et même si elle avait le membre en question à portée de main, elle n’aurait guère été en mesure de lui rendre sa validité. Althéa glissa quelques feuilles soporifiques dans une des grands jars d’eau destinée à laver les blessures, et elle en fit avaler une bonne portion au blessé. Elle ne pouvait attendre que l’infusion fasse effet. Elle laissa passer une quinte de toux incontrôlée que son médiocre foulard ne savait prévenir, puis elle se mit immédiatement à l’œuvre.

La guérisseuse invoqua Möchlog, et s’appropria son don ; elle incita le corps inerte en apparence, mais palpitant à l’intérieur, à se défaire du membre perdu. Le sang devait être contenu dans les veines, la chair mutilée se devait de reformer une barrière avec l’air, et la peau n’avait plus qu’à couvrir la blessure. Dans les faits, faute de temps, le procédé était bien moins complet que cela. Le patient ajouterait très peu indolore, puisqu’il hurlait à pleins poumons, déplorant la douleur autant que la perte de sa jambe. Mais ses cris se muèrent en gémissements faiblards après quelques minutes. L’infusion avait porté ses fruits.

Althéa se redressa sans plus de cérémonie, et jaugea du regard le plus nécessiteux en soins. Alors qu’elle s’agenouillait aux côtés d’un autre blessé, qu’elle fit boire et commença à soigner, une voix puissante couvrit le bruit des sauveteurs qui parlaient, de la fumée qui s’élevait dans le ciel et du bruit de la Faucheuse en personne. Un silence tant assourdissant qu’il emplissait davantage l’air que le braillement d’un griffon.

« La voix est libre ! Des volontaires, vite ! »

C’était la voix de Selph. Par patriotisme autant que par curiosité, la même qui déterminait chacun de ses faits et gestes, Althéa mit de côté sa tâche pour se rendre auprès de lui. Alors qu’elle soignait les blessés et que Zora s’évertuait à les tuer, le clan et quelques Daënars avaient dégagé l’entrée de la mine. Elle s’était effondrée au cours d’une explosion secondaire, mais s’ouvrait à présent sur une rangée d’ascenseurs.

La quinzaine de blessés et le double de morts ne constituaient donc que la surface d’un problème plus vaste. La guérisseuse vit la rousse s’engager dans l’un des ascenseurs sans se faire prier. Deux ou trois habitués du site s’y étaient d’ores et déjà engouffrés, et une poignée d’hommes de son clan les rejoignaient à présent. Cela manquait cruellement de médecins, et il ne fallait pas être clairvoyant pour le deviner. Elle s’était convaincue que Zora avait au moins des compétences basiques de guérison pour s’être ainsi précipitée sur les blessés, mais en cas d’urgence elles manqueraient probablement de mains.

Au total, ils étaient douze. Six Daënars, Quatre de son clan, Zora et elle-même. On fit descendre l’ascenseur mécanique à l’aide d’une grande roue transpercée de rondins de bois destinés à faciliter sa rotation. Les my’träns en avaient sans doute déjà entendu parler sans pour autant y avoir eu affaire. Althéa sentit la nausée monter en même temps qu’une claustrophobie qu’elle ne se connaissait pas jusqu’à ce jour. Le peu de lumière, déjà filtrée par la brume, la neige et la poussière, disparut tout à fait pour céder la place aux ténèbres les plus profondes. Les Daënars allumèrent des lampes prévues pour l’exploration, augmentant l’inconfort d’Althéa.

« Si l’urgence de la situation ne me retenait pas, j’aurais brisé votre sorcellerie contre le mur de cette autre hérésie, confessa-t-elle calmement en désignant tour à tour la lampe et l’ascenseur.
- Les deux seront aussi utiles que votre magie, je le crains. »

Althéa ne pipa mot, convaincue malgré sa morosité apparente. Elle se retourna plutôt vers la rousse qui avait le mérite d’avoir attisé sa curiosité.

« Vous êtes guérisseuse, Zo’ ? »

L’ascenseur acheva sa chute progressive dans un concert de grincements et de cliquètements. Althéa grimaça, son seuil de douleur auditive largement dépassé, et elle se hâta la première hors de l’engin des non-pieux. Quatre galeries se présentaient à eux, et c’était là que le savoir des Daënars leur était salutaire. Aux yeux des my’träns, ces quatre tunnels qui s’enfonçaient dans la pénombre ne se distinguaient nullement. A l’exception d’un seul, peut-être, qui flambait d’un incendie ardent sur leur droite.

« Masheck, ramène une deuxième équipe de la surface pour éteindre le feu, on veut absolument éviter un deuxième coup de grisou. »

Les my’träns échangèrent quelques regards empreints de désarroi, mais l’urgence les empêcha de poser leurs interrogations à voix haute. Ce qui semblait être le chef du triste escadron prit les devants et leur fit emprunter la plus grande des galeries, soit la deuxième depuis la droite. On lui emboita le pas, les my’träns à l’arrière pour arpenter ce terrain inconnu derrière leurs guides daënars.

« Le secteur de minage se situe au Nord-Est de notre emplacement. Les premières galeries ne servent plus qu’à les rejoindre maintenant qu’elles ont été minées de fond en comble, expliqua-t-il à voix basse, d’une façon tout juste perceptible pour Althéa qui se trouvait en dernière position. »

Ils s’enfoncèrent dans les tunnels, et la tension devint de plus en plus palpable. Le crépitement de l’incendie se faisait à présent plus lointain, et seule l’intensité du silence appuyait sur leurs tympans ; cette période d’accalmie qui envahit un lieu après une catastrophe pesait sur leurs consciences. Une lamentation lui coupa court, et cela aurait eu quelque chose de rassurant si la souffrance n’y avait pas été si inhérente. Ils débouchèrent sur un ancien site d’excavation. A terre, un homme geignait, les mains plaquées sur ses yeux en signe d’extrême douleur.

« Lucas ! Tu peux remonter à la surface, la voie est libre. Lucas, tu m’entends ? »

Althéa se fraya un chemin et posa une main rassurante sur l’épaule de l’homme. Celui-ci redressa la tête mais n’ouvrit pas les yeux pour autant. C’était mieux ainsi. A côté de lui gisait plusieurs cadavres que la vie avait délaissé. Il souffrait d’un double traumatisme. Un troisième, mental celui-ci, n’aurait fait qu’aggraver.

« Il a perdu l’ouïe et la vue. Et il est partiellement brûlé. J’ai besoin de quelques minutes pour limiter les dégâts.
- Bien. Matthew, reste avec elle pour ramener Lucas et la guider jusqu’à la galerie 78 une fois qu’il est en sécurité. S’ils ne sont plus en 78, c’est probablement qu’ils sont morts. »
Althéa le soupçonna de lui coller un garde pour s’assurer qu’elle soignait en effet le jeune homme, et pas le contraire. Elle était trop préoccupée par les brûlures du Lucas en question pour y prendre garde ; l’explosion avait eu lieu dans les environs, avec le jeune homme à son orée très probablement. Il l’avait échappé belle, et c’était peu de le dire. Cela signifiait aussi qu’ils se dirigeaient vers le cœur de la catastrophe, et donc de la partie fragilisée de la mine. L’entrée écroulée n’était qu’un symptôme mineur de ce qui les attendait plus en avant.

Ses pensées avaient du sens, en cela qu’à peine l’équipe se fut engagée dans un tunnel noirci par l’explosion qu’un tremblement terrible ébranla les fondations. Soudain, une poutre plafonnière céda, et une partie du plafond avec elle. De part et d’autre des giboulées de pierre, les explorateurs malchanceux se jetèrent à terre ou coururent loin de l’effondrement qui avait lieu en se couvrant la tête. Plusieurs secondes d’un vacarme assourdissant s’écoulèrent, et tous protégeaient leurs corps des projectiles comme ils le pouvaient, terrorisés à l’idée de se faire écraser. Althéa avait les yeux clos, déterminée à ne pas finir comme Lucas. De temps à autre, elle sentait une pierre la frôler, et un flot continu de cailloux couvrait son corps tremblant.

Lorsque l’épouvantable grondement prit fin, et que seules quelques pierres roulaient le long de la barrière nouvellement formée, Althéa poussa un cri de désespoir. Il déchira l’atmosphère, et elle ne sut le contenir malgré tout son égoïsme, en dépit de toute son indifférence. Lucas, Matthew et elle-même se trouvait hors de portée de l’éboulement, mais Selph gisait sous une couverture rocheuse. Le sang tâchait son crâne fendu. Elle se précipita à ses côtés pour s’écrouler près de lui, comprenant très vite que son dernier souffle s’était perdu dans l’effondrement. Les larmes coulèrent sans crier gare, et ses sanglots se perdirent dans davantage de toux. Une voix étouffée leur parvint, et elle dut se mordre l’avant-bras pour ne pas couvrir les mots prononcés de ses pleurs frénétiques.

« …pas morts ! … pas de feu ! … Rentrez ! On ... retrouvera … ! »

L’adepte de Möchlog demeura à terre, comme engluée au sol, et elle ne remarqua la présence de Matthew que lorsqu’il lui secoua l’épaule. Il la remit sur pieds sans ménagement, avec une poigne sans violence mais beaucoup de fermeté. Elle réalisa alors que la moitié du site était recouvert de débris, barrant la voie de retour autant que celle empruntée par le reste du groupe. Ne restait qu’une unique galerie côté Ouest, un daënar nommé Matthew et un sourd-aveugle recroquevillé sur lui-même.


Dernière édition par Althéa Ley Ka'Ori le Mer 20 Sep - 19:45, édité 1 fois

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La vapeur se dissipe EmptySam 16 Sep - 3:47

La descente dans les entrailles de la mine ne se révèle pas particulièrement agréable. Pourtant ce n'est pas l'odeur viciée ou la chaleur allant en s'amplifiant qui gêne le plus la rouquine mais plutôt l'appareil dans lequel le petit groupe se trouve. Branlant, émettant un bruit désagréable de métal, il lui donne l'impression qu'il va s'effondrer à chaque instant. Elle en vient même à se demander si embarquer à bord de ce monte-charge daënar n'est pas une certaine forme de suicide.

Alors elle détourne le regard et le pose sur la paroi qui défile à ses côtés. Un spectacle qui n'a rien de bien charmant mais qui a au moins le mérite d'atténuer quelque peu la nausée qui la consume. Dire que partager cette  sensation la rend plus supportable n'est pas exactement le vérité. Mais Zora se rassure en se disant que les  my'träns du groupe doivent endurer la même chose. Maigre satisfaction. Et ça se confirme lorsque Althéa y va d'une remarque bien sentie sur cet étrange matériel et arrache un sourire à la rouquine.

En fait la seule chose qui l'empêche de tuer ces enfants perdus des Architectes, c'est leur utilité. Elle ne tient pas à tenir l'une de ces lampes bizarres dans sa main. Et puis leur connaissance des lieux sera un atout dont elle ne peut se priver. Car si elle est descendue, elle compte bien remonter. Seule, dans l'idéal. Mais ces considérations devront sûrement attendre un peu. D'autant plus qu'il y aura sûrement bien assez à faire avec tous ces blessés qui attendent une mort salvatrice.

Le regard de l'adepte de Möchlog vagabonde sur le couloir de roche qui se dessine autours d'eux ou sur la puissante obscurité qui les entoure. L'impression d'être une luciole perdue au milieu d'une nuit noir lui effleure l'esprit. Elle se demande même si le Khoral n'est pas plus agréable que cette atmosphère étouffante. Se protéger du froid n'est pas une chose aisée. Mais s'affranchir de la chaleur est sûrement plus compliqué encore. Elle est toutefois tirée de ses pensées par la voix d'Althéa qui brise le relatif silence des lieux:
" Vous êtes guérisseuse, Zo’ ?"
"J'imagine qu'on peut dire ça, oui!"
Elle lui décoche un vague sourire avant de poser le regard sur le brassard de la jeune femme et le symbole qui y trône. Le Cercle de l'Aube. Pour ce qu'elle en sait ces médecins sont plutôt des durs à cuir. Ils contrastent avec tous ces disciples de Möchlog qui se complaisent dans la facilité. Mais en l'occurrence cela signifie surtout qu'Althéa ne sera pas une proie aussi aisée qu'eux. Cela dit, elle n'est plus vraiment la priorité de la rouquine vu les opportunités qui s'offrent à elle ici.

Cette dernière se contente donc de garder le silence pendant que l'un des traîtres fait un point sur la situation. Elle inscrit dans un coin de ses pensées les informations qu'elle juge pertinente et oublie aussitôt les autres. Le tout en gardant à l'esprit qu'il ne faut jamais se fier à l'un de ces pilleurs de magilithe. Ou à tout ce qu'ils bâtissent de leurs mains hérétiques.

Et cela se confirme quelques instants plus tard lorsqu'une poutre cède et entraîne à sa suite une pluie de roche et de terre. Zora réagit comme elle le peut et dresse un bouclier entre ce qui servait de plafond et sa personne, retenant la plupart des débris qui auraient eu aisément raison d'elle. Elle ne peut toutefois empêcher l'une des pierre de rebondir puis de la frapper durement sur le côté du crâne.

La rouquine, aveuglée par la poussière autant que par la douleur, chancelle et s'effondre sur le côté au moment où son bouclier cède à son tour. Il lui faut quelques longues secondes pour reprendre ses esprits et chasser l'irritant sifflement qui titille ses oreilles. Ceci fait, elle adresse une rapide prière à Möchlog pour le remercier d'être encore en vie.

Puis la situation l'interpelle peu à peu par son caractère désespéré. Althéa est allongée à côté de celui qu'elle a appelé Selph. La rousse se fie à son expertise, son cri et à ses pleurs pour accepter le fait qu'il soit mort. Dommage, sans plus. Il aurait sûrement pu être pratique pour déplacer les rochers qui bloquent leur retraite. À défaut, elle devra sans doute se salir les mains... Une idée qui ne l'enchante guère!

Et comme bien souvent dans ce genre de cas, la colère de la jeune femme est rapidement substituée à son irritation. À qui doit-elle d'être dans cette situation? Depuis le départ, tout ceci n'était qu'un piège orchestrée par ces daëners, c'est évident. Conscient de leur perte, ils se sont employé à emporter avec eux un maximum de natifs dans leur déchéance. Et la réaction ne tarde pas: Zora ramasse l'une des pierres et l'écrase violemment sur l'arrière du crâne de ce Matthew.

Elle répète l'opération même lorsqu'il tombe à terre et que des gerbes de sang l'éclaboussent, se mêlant au fluide vital coulant de sa propre blessure. À vrai dire elle ne se calme que lorsque son corps proteste sous l'effort. Et c'est seulement pour se fendre d'un sourire mauvais qui exprime à merveille le contentement qu'elle ressent. C'est ensuite d'une voix étrangement douce qu'elle brise le silence émaillé uniquement par les grondements de la terre ou les sanglots d'Althéa.
"Une vie daëner pour une vie my'träne!" explique-t-elle simplement avant de poser son regard sur Lucas. "Voir deux..."
Zora se redresse et avance à présent vers le blessé qui a accaparé l'attention du groupe et l'a ainsi condamné. La pierre ensanglantée serrée dans sa main, elle s'apprête à obtenir une réparation qui lui semble parfaitement logique. Peu importe qu'ils connaissent ces tunnels. Peu importe qu'ils sachent faire fonctionner ces machines qui pourraient pourtant être utiles. Tout ce qui compte, maintenant, c'est de se débarrasser de ces hérétiques qui n'apportent que le malheur!
"Ne tente pas de m'en empêcher, Althéa!" glisse-t-elle à l'intention de la noiraude. "Je ne fais que donner à ces traîtres ce qu'ils méritent! À moins que... Souhaites-tu t'en charger toi-même?"
Möchlog pourvoira à ses besoins et la fera sortir d'ici, elle en est convaincue. En attendant il s'agit de sacrifier Lucas sur l'autel de ses idéaux. Ou de laisser Althéa éponger sa douleur en en infligeant en retour à ce daëner. N'est-ce pas la plus pure des justices?

Althéa Ley Ka'Ori
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La vapeur se dissipe EmptyDim 17 Sep - 16:28
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Un cri, un soupir. La folie aveugle de Zora. L’indifférence d’Althéa. Matthew s’effondre sans grâce. Une mort de plus, pour Daënastre cette fois. Möchlog considère-t-il la vie de Selph égale à celle qui s’achève en cet instant ? Au plus profond de son être, une voix lui assure que ce n’est pas le cas. L’un croyait aux architectes, l’autre croyait en des dieux tels que l’argent, la notoriété et visiblement le magilithe. Et cependant, d’un point de vue purement et injustement mathématique, il y a bien un individu de moins pour chaque camp. C’est risible, déplore-t-elle, accablée d’une tristesse qui lui échappe. L’un est l’homme qui s’est appliqué à l’élever au même titre que les autres membres de son clan ; l’autre n’est venu en my’trä que pour la piller. Le premier s’est sacrifié au nom de l’altruisme ; le deuxième n’a pour seul exploit que de connaître la mine et ses recoins. La vision de la guérisseuse était partielle, rendue étroite par la peine qui l’assaillait inexplicablement, mais elle y croyait corps et âme.

Le malheur de ne plus savoir retracer ses émotions négatives, c’est que lorsqu’elles ressurgissent, l’intensité de nos émois est comme un coup dans la poitrine ; bien plus douloureux qu’escompté, et capable de vous couper le sens de la respiration (et donc la vie) le temps d’une interminable suffocation. Nul doute que dans quelques secondes, quelques minutes, quelques heures, elle inspirerait à pleins poumons et son profond chagrin se dissiperait. Sa foi en la chouette l’assurerait. Mais l’expérience n’en était pas moins poignante, pas moins affligeante. Elle fixa sans but le visage de Selph rendu laid par la poussière, et ne prit conscience de la présence de Zo’ que lorsque celle-ci se justifia de son meurtre.

« Une vie Daënar pour une vie my’träne !

- Elles n’avaient pas la même valeur… murmura-t-elle d’une voix rauque qu’elle ne reconnut pas comme la sienne. »

Les mots qui suivent sont essentiels. Ils retracent le cheminement interne d’Althéa dans ce qu’il eut de plus macabre et de plus insoucieux. Ils déterminent à eux seuls une aspiration future qu’elle s’évertuera de mener à bien quand bien même le prix à payer fût considérable. Elle en oubliera certainement l’avènement, ainsi que les causes d’un tel transport, mais elle n’en demeurera pas moins obsédée par cette idée qui se mua alors en projet.

La rouquine lui offrait un tableau étrange, et la présence d’Althéa jurait avec celui-ci. La guérisseuse avait le sentiment d’être semblable à la spectatrice d’une tragédie théâtrale, ou d’une peinture se voulant émouvante d’un artiste pieux et incompris. Il lui sembla ainsi ne pas faire partie intégrante de la scène, et cette absence de rôle lui déplaisait.
Alignés devant elle se trouvait dans l’ordre un cadavre, face contre terre, qu’elle ne pouvait qu’identifier comme Matthew, à sa droite une Zora à la posture meurtrière, et dont la chevelure flamboyante se mariait à merveille avec le sang maculant son arme de fortune et enfin… une boule, humaine peut-être, recroquevillée sur elle-même, et de toute évidence apeurée par l’inconnu qui l’englobait. Les nouvelles vibrations l’avaient terrifié, et Lucas tremblait si fort qu’on aurait pu jurer que le semi-séisme ne s’était pas encore estompé lorsqu’on regardait dans sa direction. Elle lui trouva un air pathétique, lié à sa haine qu’il fût encore en vie alors que Selph, le vertueux, avait trépassé quelques pieds plus loin.

Une injustice si évidente qu’elle en devenait insupportable.

A l’interrogation de Zora, elle acquiesça, et par la même, elle accepta son rôle d’actrice dans la pièce. Elle se redressa enfin, pour attraper Lucas par le col, et elle le força sans ménagement à sa suite. Il se laissa traîner plus qu’il ne coopéra ; il pressentait sans doute l’imminence de sa propre mort, et l’invalidité de deux de ses sens n’étaient pas pour le rassurer. Althéa le laissa choir aux côtés de Selph. Et ce fut alors le vide autour d’elle. Son cœur était dénué de toute émotion, son esprit de toute pensée. Ses mains également, de toute capacité. Comment était-elle supposée réaliser une telle prouesse ? Möchlog l’en autoriserait-elle ? Transférer une âme n’était pas une mince affaire, tous les adeptes de Möchlog s’accordaient sur ce point.

Elle posa une main douce sur la joue de Lucas, et il sembla se détendre. Il n’était plus qu’un demi-homme sans son ouïe et sa vue, et n’émettait que des geignements pitoyables. Ces derniers s’apaisèrent finalement, et elle le fixa pendant de longues secondes. Il était curieux de s’imaginer qu’il ne pouvait sentir tout le poids de son regard, toute la portée des pulsions qui s’y lisaient. Il était si frêle et vulnérable sous son regard inébranlable qu’il ne semblait pas avoir l’énergie requise à animer son propre corps. Encore moins celui de Selph.

Althéa se mit à l’œuvre avant que le doute ne s’insinue, et elle découvrit involontairement un aspect de sa magie, lequel elle n’avait jamais eu la possibilité d’exploiter. Elle draina son énergie vitale ; elle invita sa chair à se flétrir, son sang à arrêter net sa course incessante. Lucas se mit à se débattre mais elle le plaqua durement au sol et poursuivit son entreprise. Sa main libre vint se poser sur la poitrine de Selph comme elle l’avait vu faire une fois par le passé.
C’est ici que la majeure partie de notre énergie vitale est concentrée, lui avait affirmé le maître en la matière. On peut perdre un bras, une jambe, les poules peuvent même perdre la tête ! Isolés, les trois ne vivent plus, tandis que le tronc résiste jusqu’au dernier moment. A l’époque, elle n’avait eu la force ni la volonté de reproduire ses gestes, mais dorénavant il lui semblait plus que vital de triompher de cet arcane.

Petit à petit, les protestations de Lucas se firent moins véhémentes, et il perdit de façon visible en force. Mais Selph  demeurait immobile, et son teint pas moins cadavérique. Elle redoubla d’effort, implorant Möchlog à mi-voix. Elle puisait en chaque muscle, en chaque organe, en chaque cellule pour récupérer la moindre parcelle de vie, et celle-ci affluait, comme transportée par des milliers de fourmis obéissantes qui marcheraient vers l’ouverture de leur fourmilière, à savoir la main de la guérisseuse. La vision était si forte qu’elle aurait mis cette fameuse main à couper que cela se produisait de manière concrète, que l’on pouvait voir des particules d’énergie luminescentes converger vers un même point.

Il n’en était rien. Lucas semblait bel et bien perdre en vigueur, à n’en point douter, et c’était déjà une avancée pour Althéa, mais sa main droite était toujours posée sur un macchabée. Tandis que Lucas rejoignait le monde des morts, Selph refusait obstinément de prendre sa place dans celui des vivants. Contre toute attente, ce n’était pas son heure pour mettre à l’œuvre l’art de la nécromancie. Ou ce n’était pas le bon sujet. Ou bien la bonne adepte.

La dernière goutte d’énergie vitale fut versée, et Lucas devint totalement inerte. Althéa se rendit compte qu’elle ne pleurait plus depuis longtemps. Ses yeux étaient secs, son cœur aussi. Une furie sauvage grondait en elle, mais rien ne pourrait l’apaiser. Elle redressa la tête pour se noyer volontairement dans le regard de Zora, qu’elle considérait à la fois comme témoin de son échec mais aussi de sa promesse d’y parvenir un jour. Sa voix tremblait de rage lorsqu’elle admit :

« Mes efforts sont vains… Rejoignons les autres avant que davantage de my’träns ne meurent à leurs côtés. »

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La vapeur se dissipe EmptyMar 19 Sep - 14:45

Zora est surprise par le signe de tête qui répond à son interrogation. Elle s'arrête et observe la noiraude comme si elle la voyait pour la première fois. Et, ce faisant, qu'elle la découvrait sous un jour nouveau. La rouquine n'avait pas imaginé que sa camarade puisse succomber au plaisir de la vengeance. Et c'est peut-être pourquoi elle se montre hésitante quelques instants avant de finalement se reculer pour lui laisser l'opportunité de contenter sa colère.

L'adepte est toutefois déçue lorsqu'elle comprend que la mort de Lucas ne sera pas aussi sauvage qu'elle l'espérait. Et qu'une forme d'altruisme continue de guider Althéa. Une mort pour sauver une vie... Voilà bien un concept dont elle peine à saisir l'intérêt. Elle hausse ainsi un sourcil de scepticisme avant de prendre place sur un morceau de roche. Le tout en balayant distraitement la poussière qui flotte devant son visage de sa main gantée.

Zora darde ensuite son regard sur la noiraude avec un mélange de crainte et de jalousie. Se pourrait-elle que Möchlog lui accorde un tel pouvoir? À elle? Récompenserait-Il un acte aussi futile que le désir de sauver un proche au détriment d'une autre existence? La rouquine se penche en avant et joint ses mains nerveusement lorsque le corps de Lucas commence à se flétrir. Une telle maîtrise de la magie octroyée par la Chouette prouve que  sa camarade dispose également de Ses faveurs. Une constatation qui ne peut qu'irriter celle qui aime à se considérer comme la favorite de l'Architecte...

Mais fort heureusement le transfert d'énergie ne porte guère ses fruits. Et si Lucas trépasse bel et bien, Selph reste obstinément ancré dans la mort. De quoi gommer les craintes de l'observatrice qui se redresse avec un regain d'énergie. Elle prend toutefois le soin de masquer le sourire satisfait qui éclaire son visage. Car après tout - et bien que ça ne lui déplaise pas autant qu'elle l'aurait imaginé - elles auront besoin l'une de l'autre pour sortir d'ici. Une alliance semble donc s'imposer.
"Mes efforts sont vains… Rejoignons les autres avant que davantage de my’träns ne meurent à leurs côtés."
"Évidemment qu'ils sont vains! Möchlog n'octroie pas une magie du genre à la première venue..." ne peut-elle s'empêcher de répliquer. "Quant à la survie des my'träns... Et bien j'imagine que nous sommes donc d'accord sur le fait qu'elle repose principalement sur la mort des daëners survivants?"
Leur cupidité a déjà trop coûté au continent. Et si dans le fond Zora se fiche pas mal de la survie de ses congénères, elle ne peut cracher sur l'opportunité d'allonger encore la liste des victimes de l'explosion. Bien au contraire: c'est seule idée suffit à accentuer le sourire mauvais qui trône sur ses lèvres. Mais avant de pouvoir satisfaire à des pulsions qui n'ont rien de saines, il s'agit avant tout de rejoindre l'autre groupe.
"Pour peu que l'on puisse se fier à ce que ce daëner disait tout à l'heure, nous devrions pouvoir rejoindre le site de l'explosion en suivant ce tunnel!" rappelle-t-elle. "De toute façon ce n'est pas comme si nous avions vraiment le choix..."
Malheureusement elles auront également besoin de lumière. Et il est tout simplement hors de question que Zora touche à cette étrange lampe dont se servent les daëners. Et à en juger par la remarque d'Althéa sur la technologie, il ne faudra pas compter sur elle non plus. La rouquine n'hésite donc que brièvement avant de récupérer une pelle proche et de trancher après de multiples tentatives la main de Matthew.

Elle referme ensuite les doigts de cette dernière sur la poignée de la lampe et accentue la rigidité cadavérique pour s'assurer que la prise sera solide. L'adepte de Möchlog saisit ensuite le poignet sanguinolent du support improvisé et soulève la lampe du sol, visiblement satisfaite par sa petite session bricolage.
"On se relaiera pour porter cette chose!" averti-t-elle néanmoins sa camarade. "Nous sommes dans la même galère après tout!"
Elle attend ensuite son alliée de circonstance pour poursuivre leur progression, prenant soin de rester à ses côtés. Hors de question de lui laisser l'opportunité de l'attaquer dans le dos. La confiance ne va pas forcément de pair avec une alliance, non? Et puis vu l'oeuvre récente de la noiraude il vaut mieux rester sur ses gardes. N'est-ce pas l'essence même de la survie, après tout?

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Le temps est une notion bien subjective. Et peut-être davantage encore sous terre. Combien de temps s'est-il écoulé depuis qu'elles ont repris leur progression dans les galeries de cette fourmilière Daëner? Difficile à dire. Mais la progression du duo n'a rien de bien aisé. Entre la poussière, la chaleur et le manque de visibilité, chaque pas devient une épreuve des plus désagréables. Mais que faire sinon continuer d'avancer?

Le silence, quant à lui, est pesant. Principalement rythmé par les bruits de pas qui résonnent en écho le long des parois rocheuses qui semblent attendre la moindre occasion pour se refermer sur les deux jeunes femmes. Fort heureusement leur progression est toutefois égayée par les divers cadavres qui jonchent le sol. Le souffle de l'explosion a dû se répandre dans les couloirs avec une telle violence qu'il a fauché la plupart des vies qui s'y trouvaient.

Cependant la relative chance dont jouissent les deux adeptes de Möchlog décide brusquement de les abandonner. Cela commence par des sifflements stridents qui agressent leurs oreilles. Puis le bruit de nombreuses pattes qui s'accentue peu à peu jusqu'à se faire carrément oppressant. Et soudain le sol devant eux semble s'animer comme s'il était doué de sa propre volonté.
""J'imagine que c'est le moment où l'on court?"
Pure rhétorique. Car la marée d'aracnobions qui s'avance implacablement vers elles ne leur laisse de toute façon guère le choix. Zora réagit prestement et dresse un bouclier entre les insectes et elles. De quoi les bloquer quelques instants. Mais la masse de ces créatures ne tarde pas à se presser contre la protection qui commence à vaciller sous l'assaut de tous ces dards.

Derrière, un éboulement bloquant toute retraite. Devant, une masse d'insectes carnivores sûrement excités par le tremblement de l'explosion. Et entre les deux, une noiraude et une rouquine qui vont devoir lutter pour leur survie...

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La susceptibilité d’Althéa revint au galop, assaillie par les piques de Zora. Elle recouvra par la même occasion toute émotion autre que la déception et la tristesse, laissant libre court à sa suffisance et sa fierté. Les deux étaient loin d’être une mince affaire, pourtant elles ne parvinrent à éclipser totalement son insatisfaction et son mal-être. Par conséquent, elle ravala ses propos acerbes ; elle avait la sensation de ne pas être en mesure de fournir l’énergie nécessaire à une querelle inutile. De toute façon, qui était cette Zo’ pour juger de son mérite et de son habilité à obtenir le don de nécromancie de la chouette tant vénérée ? Althéa hocha plutôt la tête, et s’appliqua à répondre à la deuxième partie de ses dires, qui l’interpelaient quelque peu :

« Je trouve peu pertinent de tuer les Daënars de cette mine, même pour sauvegarder les vies my’trännes. A tout hasard, je prends un exemple relativement parlant pour certains (elle insista volontairement sur ces mots), mais il aurait été plus qu’avisé de laisser en vie Matthéou, et … »

Zora abattit la pelle qu’elle tenait en main sur le membre inerte dudit Matthéou.

« ... je pense que… »

Nouveau bruit sourd de la pelle qui s’écrase sur le cadavre.

« … la base du problème… »

Une gerbe de sang éclaboussa le sol. Althéa poussa un soupir d’exaspération, se frottant les yeux dans la même expiration. A quoi bon parlementer avec une insensible. Après un court instant, qui lui parut interminable, Zora récupéra la main sectionnée dans la sienne, et elle y logea la lampe qui transpirait l’hérésie tant redoutée.

« Ouiii, youpi ! pourquoi pas récupérer la main d’un cadavre et en faire une belle torche après tout ? fit-elle d’une voix blanche, presque désespérée. »

Rappelez-lui à l’avenir de ne point employer Zora comme décoratrice d’intérieur.
Althéa avait pour ainsi dire cessé de s’adresser à son interlocutrice, mais s’occupait plutôt à couvrir de son timbre morne le silence pesant qui régnait au sein de la caverne. Cette atmosphère lui était de plus en plus désagréable. On aurait pu penser que Zora, par ses actes, la rendait malaisante, pourtant la guérisseuse trouvait un certain réconfort à sa présence. Elle atténuait quelque peu sa peur des souterrains, et de l’hérésie qui suintait par tous les appareils (outils, machines diverses, lampes …) qui couvraient murs, sols et plafonds. Elle avait entendu dire dans son enfance que la technologie daënar se retournait aisément contre leurs créateurs là où les architectes étaient bienveillants et protégeaient les my’träns de leur propre incompétence. Elle s’attendait donc à tout instant qu’une nouvelle explosion retentisse et qu’elle les absorbe dans le néant, due à quelque dysfonctionnement de cette sorcière de technologie.

Non, Zora ne l’effrayait pas. Si elle avait voulu l’assassiner, elle aurait probablement eu l’intelligence de le faire lorsqu’elle s’était effondrée par terre. Dans le cas où elle fût dépourvue de cette présence d’esprit, elle était moins à craindre qu’il n’en parût. Elle se rassurait qu’elle fût familière de Möchlog, car alors leur soutien mutuel n’était autre qu’une velléité divine d’un architecte dont elle partageait la dévotion. En cela se créait d’ores et déjà un accord tacite de paix. Mais celui-ci n’annihilait en rien la méfiance, puisqu’elles s’accordèrent pour marcher côte à côte, vigilantes des faits et gestes de leur voisine respective. Althéa fixait surtout la torche improvisée avec un dédain profond, et ce avec plus de minutie qu’elle n’en accordait à sa bonne marche et à l’appréhension de dangers plus en avant.

« Je n’ai aucune sympathie pour les daënars, mais l’homme en entier nous aurait été plus utile que sa main seule… »

Elle n’eut pas le temps de refuser son tour de "port de la lampe". Zora fut la première à distinguer les faibles lueurs des aracnobions que la lampe rendait presque invisibles par son intensité. Mais à présent, elle les apercevait à son tour, et elle paniqua intérieurement. Elle s’enfonça les ongles dans la paume comme pour s’efforcer de ne pas céder à la terreur qui tétanise. La réponse à la question de Zora, comme pour toute œuvre de la rhétorique, semblait évidente. Pourtant Althéa hésitait. Courir à travers une armée d’insectes carnivores n’était pas pour lui déplaire, mais cela la… répugnait fortement.

« Pas encore ! objecta-t-elle avec un calme feint. Dis-moi lorsque ton bouclier va lâcher. »

Ce disant, elle avait ramassé une énorme pierre, et à peine fut elle en position pour la lancer que la protection de Zora cilla jusqu’à s’évaporer complètement. Althéa propulsa son arme de fortune avec une puissance contestable, mais les bêtes affamées étaient suffisamment proches pour qu’elle fasse mouche. Une d’entre elles fut engloutie par le projectile, tandis que deux autres furent partiellement sectionnées. La guérisseuse reforma une barrière, sa crainte évoquant tant ses entraînements passés qu’elle ne fit guère obstruction à sa magie. Trois des aracnobions se retrouvèrent du mauvais côté du bouclier cependant (du mauvais pour elles !), et l’un crut pertinent de sectionner le la chair de son mollet droit. Elle geignit de douleur, et enfonça son pied de toute ses forces sur sa carapace. Celle-ci se brisa dans un craquement sonore, s’enfonçant profondément dans la chair qu’elle était supposée protéger ; simultanément son bouclier perdit en intensité et se volatilisa dans la volée de millisecondes qui suivirent.

Une chose étrange se produisit. Au lieu de converger d’un seul bloc vers les demoiselles acculées, les aracnobions à mi-chemin privilégièrent les cadavres de leurs congénères ; certains allèrent jusqu’à déplacer la pierre pour engloutir la chair de leur confrère aplati.

« Donne-leur la main ! »

Curieuse expression dans de telles circonstances ! Un deuxième évènement, terrible cette fois-ci, eut lieu. Les trois pauvres cadavres, bientôt rejoints par le membre sectionné de Matthew, (?) étaient loin d’être un festin satisfaisant pour la horde entière (et ce malgré les cadavres piétinés par leurs propres pairs qui s’ajoutaient au pactole), et lorsque le bouclier faiblit, ils affluèrent à nouveau dans leur direction. D’un commun accord les deux jeunes femmes s’élancèrent à l’assaut des carnivores, piétinant du mieux qu’elles pouvaient les parasites sans freiner leur course de préférence. Des poids légers atterrirent sans mal sur ses bras et dans son dos, mais la guérisseuse se refusa de mourir aussi stupidement. Elle redoubla d’efforts pour progresser de l’avant ; elles avançaient à présent au flair et à l’instinct de survie.

Un miracle envoyé par Möchlog en personne survint alors que tout espoir semblait leur échapper. Leur course effrénée avait probablement accéléré son apparition et faisait mentir les durées (n’avaient-elles pas marché des minutes entières sans rencontrer un seul croisement ?). Quoi qu’il en soit une ouverture transversale apparut sans crier garde. Zora avait devancé sa partenaire (presque boiteuse) d’un ou deux pieds, mais elle était suffisamment proche pour qu’Althéa puisse l’agripper et l’entraîner à sa suite dans le passage latéral, qu’elle n’avait probablement pas décelé dans la pénombre.

Originellement, ces ouvertures verticales étaient prévues comme alternatives aux ascenseurs. Dans le cas où l’entrée serait inaccessible, les mineurs pouvaient remonter à la surface via des barreaux de fer encastrés dans le mur. Bien évidemment, emportées par leur élan et stimulées par la horde d’aracnobions qui leur collaient les basques, les deux comparses chutèrent tout simplement dans le sens opposé à celui usuel, frôlant et se cognant aux mêmes barreaux qu’il aurait été fort utile d’aviser. Möchlog merci, les échelles étaient alternées à droite et à gauche des galeries selon l’étage. Ainsi, pour illustrer ce système ingénieux, un étage comportait par exemple l’ouverture vers l’étage inférieur à droite et celle vers le supérieur à gauche. De cette façon, les chutes mortelles de plusieurs étages consécutifs étaient évitées. Les mineurs ne manquaient pas d’autres façons de mourir de toute façon.

Il n’empêche que la réception fut loin d’être douce, quoique amortie par… des cadavres. Cela pourra paraître dégoûtant pour certains, absolument effroyable pour la plupart des âmes sensibles. Il n’en est pas moins qu’ils sauvegardèrent leur ossature à défaut de leur dispenser de la violence de la chute. Deux aracnobions s’écrasèrent sous le poids d’Althéa, et elle se redressa pour en écraser un troisième qui faisait à présent presque partie intégrante de l’épaule de Zora tant ses pattes avant s’y étaient enfoncées. Elle prit une mine faussement déconfite face à la grimace de douleur que le coup porta sur le visage de Zora :

« C’était pas un moustique, en ma défense… »


   
 
Leurs vêtements étaient en lambeaux, leur chair à vif alors que de multiples, que dis-je, d'innombrables plaies parsemaient leurs corps ; on eût pu croire qu’elles avaient résisté… de façon surprenante, à une invasion d’aracnobions.

Mais cela grouillait au-dessus de leur tête, et l'odeur de viande fraîche qui émanait des cadavres les attireraient promptement vers leur position. Ils constituaient à la fois le moyen de sauver leurs propres peaux si elles s'en éloignaient dès à présent, mais également une manière certifiée d’attirer l’ennemi sur leurs pas. Remonter à la surface par les échelles semblait par ailleurs constituer un moyen très sûr, et fort irréfléchi, de mourir dévorées.

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La vapeur se dissipe EmptyMer 20 Sep - 16:35

Contre toute attente, la défense - que l'on pourrait qualifier de pathétique - du duo porta ses fruits. Et même si la fuite en avant des deux jeunes femmes n'est guère glorieuse, elle est au moins couronnée d'un certains succès. Zora se surprend à espérer une fin moins tragique qu'elle le redoutait malgré les multiples plaies qui commencent à maculer son corps. Pour l'heure l'adrénaline atténue la douleur qui les accompagne. Mais pour peu qu'elles arrivent à semer cette masse aussi grouillante que vivante, ce sera une autre histoire.

Mais chaque problème en son temps, dit-on. Et pour l'heure il s'agit avant tout de mettre de la distance entre cet essaim et les repas sur jambes qu'elles symbolisent pour ce dernier. L'obscurité ou la poussière ne favorisent guère la recherche de cette issue providentielle. Mais Althéa trouve toutefois une solution qui, si elle a l'avantage d'être efficace, se révèle également douloureuse.

Sans réellement comprendre ce qui lui arrive, la rouquine se fait entraîner dans une chute caractérisée par divers contacts rudes avec ce qui doit être de la roche ou des barres métalliques. Elle imagine que sa fin est arrivée. Mais pourtant l'atterrissage se révèle presque agréable. Du moins si l'on considère qu'une masse de cadavres atténuant le choc a quelque chose d'agréable. Ce qui est sûr, en revanche, c'est qu'elle est salvatrice au vue des circonstances.
"T'es... Toi, tu..." commence-t-elle, hésitante. "Si tu n'as plus envie de vivre, c'est ton problème! Mais ne m'embarque pas dans tes tentatives de suicide!"
Dents serrées comme pour mieux contenir la douleur qui s'installe, elle tente de reprendre ses repaires. Jusqu'à ce qu'une botte vienne s'écraser contre sa joue, la sonnant. Il lui faut ainsi quelques secondes pour reprendre ses esprits et comprendre qu'à son propre sang se mêle un liquide visqueux et les restes d'un aracnobion. Elle s'en débarrasse avec dégoût en s'aidant de son avant-bras tandis que sa comparse lui explique qu'elle n'avait pas le choix.
"Ben voyons!" ironise-t-elle, une main sur sa joue endolorie. "À force de vouloir venir à mon aide, tu vas me tuer!"
Elle soupire et se relève avec difficulté de cette masse de chair morte avant de s'accorder un peu de temps pour détailler ses plaies. Ce faisant, la haine pour ces insectes s'accentue. Elles l'ont vraiment échappé bel. Mais le danger, comme bien souvent, les suit à la trace.

Il prend d'abord la forme d'une petite masse noire qui chute sur l'amoncellement de corps. Une deuxième puis une troisième ne tardent pas à suivre. Et finalement c'est un véritable torrent d'aracnobions qui se déverse sur les cadavres encore frais, profitant aussitôt de ce banquet inespéré. Mais leur nombre est si conséquent et leur appétit, si vorace, que des poignées d'entre eux ne tardent pas à repérer les deux jeunes femmes.

Alors Zora fait ce que son instinct lui dicte. Elle saisit l'étrange lampe daëner et la lance de toutes ses maigres forces contre la paroi le long de laquelle elles ont chuté. Le résultat n'est pas totalement celui escompté: si l'objet se brise et retombe sur l'essaim, aucune huile enflammée ne l'accompagne. concrètement, le duo est simplement privé de lumière. Mais où est donc passée le feu qui projetait cette lumière?
"Je hais les daëners!" glisse-t-elle, laconique. "Même leur sorcellerie n'obéit à aucune logique!"
Mais le moment ne se prête guère à une analyse de cet échec. Même si l'obscurité les englobe, les sifflements rageurs des insectes indiquent que le danger est encore bien présent. Peut-être même accentué... Ces bestioles sont sûrement plus habituées à l'obscurité que les deux mages. En fait, c'est même certain!

Pourtant une faible lumière se substitue peu à peu aux ombres. Le couloir dans lequel elle se trouvent semble balisé par une clarté apaisante. Zora comprend qu'il s'agit de magilithe et que cette zone, profonde, n'a été que partiellement pillée par les mineurs. Une chance. Ou, peut-être, un signe?
"Möchlog nous guide!" affirme-t-elle avec dévotion. "Viens!"
Elle sent une vive douleur au niveau de sa jambe lorsque l'un de leurs poursuivants la lacère de ses pattes mais l'espoir qui renaît en elle l'éclipse. En réalité elle ne sait pas Althéa la suite mais elle n'en a cure. La rouquine se contente de courir le long de ce couloir - non sans quelques difficultés ou chutes - en étant certaine que leur salut se trouve à son extrémité. Il ne prend cependant pas la forme qu'elle escomptait...

Car c'est bien une silhouette qui se dessine à présent dans le cadre d'une étrange porte de forme ovale. Dans son dos, une lumière qui n'a rien de naturel et qui indique son origine hérétique. Mais là encore, les circonstances ne l'autorisent guère à faire la fine bouche. Elle percute l'homme non sans lui avoir auparavant demandé d'une manière fort peu aimable de se pousser. Puis elle s'effondre sur le sol rugueux, en sécurité. Elle constate rapidement que sa camarade a subit un sort similaire avant de relever un visage marqué par l'urgence en direction de l'inconnu.
"Si vous voulez vivre un peu plus longtemps, fermez cette porte!"
La surprise se lit dans le regard qui lui répond. Mais les sifflements de l'essaim finissent rapidement pas le convaincre. Le daëner s'exécute et claque la porte avant de tourner une sorte de manivelle pour la sceller. Des chocs furieux retentissent contre l'acier mais elle tient bon. Pour l'instant, du moins...

Une petite troupe se forme alors autours de deux jeunes femmes. Quatre mineurs les observent avec un mélange de scepticisme et d'espoir tandis que la rouquine tente de calmer sa respiration. Elle décline évidemment les mains qui se tendent vers elle et se relève par ses propres moyens, fierté oblige.
"Qui êtes-vous? Les secours?"
"Que s'est-il passé exactement? On a entendu une explosion et puis... plus rien!"
"Où sont les autres?"
Des exemples parmi ceux qui se perdent dans l'empressement de ces mineurs à comprendre ce qu'il se passe. Leur présence dans ce qui semble être une zone de repos - si elle se fie aux divers lits alignés un peu plus loin - leur a sans doute sauvé la vie. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que Zora n'est guère d'humeur à expliquer ce qu'il se passe à ces rescapés.
"Elle va vous répondre!" dit-elle en désignant Althéa. "Je ne suis pas d'humeur, moi! Et puis Madame est une spécialiste de la région, voyez-vous? Elle saura contenter votre curiosité!"
Du moins si elle se fie à ce qu'Althéa lui a laissé entendre lors de leur premier échange, quelques heures plus tôt. L'argument est boiteux, c'est vrai. Mais peu lui importe. La rouquine s'écarte rapidement de cet attroupement ô combien dérangeant et va s'installer sur l'un des lits avant d'entreprendre de soigner ses plaies en y apposant ses paumes. Le tout en songeant déjà au moyen le plus efficace de se débarrasser de quatre hommes vigoureux et... sur leurs gardes.

Althéa Ley Ka'Ori
Althéa Ley Ka'Ori
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La vapeur se dissipe EmptyJeu 21 Sep - 0:06
Irys : 507592
Profession : Guérisseuse du Troisième Cercle
My'trän +3 ~ Suhury (femme)
La lampe torche diffusait un faible faisceau qui loin d’éclaircir la pénombre dans sa totalité, mettait tout à fait en valeur les particules de poussière et de cendre qui polluaient l’air de leur densité. Althéa se rendit compte bien tard que son foulard avait été arraché au cours de leur fuite, et elle déplorait maintenant son absence. Elle couvrit sa bouche et ses narines d’un mouvement délicat de la main pour lui trouver une texture désagréablement poisseuse et humide. Elle ignorait si le sang qui la tâchait d’écarlate provenait d’un arcnobion, de son visage ou de sa main, mais il est fort probable qu’il provînt tout simplement des trois. Elle n’eut guère le temps de s’interroger, puisque Zora l’extirpa immédiatement de ses pensées pour balbutier quelques pronoms personnels bien sentis avant de faire éclater toute l’intensité de sa hargne au grand jour.

« Ingrate ! siffla Althéa pour seule réponse. »

L’épisode de l’aracnobion logé sur l’épaule de la rouquine interrompit net la discussion. Portée par son élan, la botte d’Althéa ripa sur l’épaule et finit sa course en pleine poire, pour le plus grand déplaisir de sa comparse. Qui sait s’il s’agissait là d’une vengeance assumée ou d’un manque de jugement parfaitement innocent ? Quoi qu’il en soit, le but originel fut atteint puisque la bête fut écrasée. En outre, Zora lui donna le répit suffisant, dans sa semi-perte de conscience, pour qu’elle se justifie de son acte. Pour une fois, Zora eut une réaction que l’on pourrait qualifier d’égoïste, mais que la guérisseuse, pour l’avoir fréquentée dans les circonstances les plus agitées qu’il soit, considérait diplomatique, voire pacifique si elle pouvait se permettre d’associer à Zora un tel qualificatif.

La relation hostile qu’elles s’étaient vues imposée avait cette nature tacite, presque imperceptible, d’entente indicible. Nulle autre situation n’aurait pu rapprocher ces deux êtres, qui par leur ironie s’apparentaient trop pour être à même de communiquer de façon constructive. Pourtant, Möchlog avait réuni toutes les conditions nécessaires à l’avènement de cette alliance. Et cela convenait à Althéa ; Althéa n’oserait d’aucune manière contester la volonté de l’architecte.
Cela n’impliquait en rien qu’elles se jetteraient dans les bras de l’autre dans une effusion d’amour aussi naïve qu’irritante ; plutôt qu’elles tailleraient leurs propos de telle façon que le duel verbal ne cesse jamais. Et pour qu’il ne cesse pas, il fallait conserver cette proximité qui faisait la base d’une relation, aussi malsaine qu’elle soit. Par cela même le lien existait bel et bien.

Trêve de tergiversations. Les saletés de carnivores revenaient à la charge, et la tentative d’y mettre le feu ne porta pas ses fruits. La guérisseuse, une fois n’est pas coutume, ne put qu’abonder dans le sens de Zora ; et parce que deux fois n’est pas coutume non plus, elle s’accorda pour dire que Möchlog avait eu pitié de leurs âmes, et se déclarait leur guide le temps d’être sauvées une nouvelle fois. L’aire de repos était fort sommaire, mais Althéa n’était pas en mesure de faire la fine bouche. Elle choisit une couche à l’opposé de Zora, reprenant son souffle qu’elle avait perdu en arpentant les galeries au galop d’un cheval de course.

« Comment ça, c’est à MOI que revient la tâche de tout expliquer ? J’ai la tête d’un ménestrel peut-être ? Je te ferai avaler un sac de farine plutôt que de t’inviter à partager mon pain la prochaine fois. »

La guérisseuse était morose, irritée par les nombreuses estafilades qui s’enfonçaient parfois d’un doigt entier dans sa chair. De toute évidence il lui semblait avoir mieux à faire que de relater leurs exploits. Mais alors qu’elle extirpait un morceau de patte qui s’accrochait résolument et profondément dans son flanc, elle croisa le regard des mineurs. On y lisait la peur, l’angoisse et l’omission de toute attache, comme si le jour suivant et le jour précédent n’avaient plus aucune existence concrète sous terre. Cela la toucha malgré elle, et sa carapace se fit soudain moins résistante encore que celle des aracnobions. Elle prit une inspiration, tentant tant bien que mal de limiter ses blessures de ses paumes soignantes, puis elle demanda d’une voix plus conciliante :

« Avant toute chose, l’un d’entre vous est-il blessé ? Pour le reste sachez que nous sommes guérisseuses, et que le reste du groupe est en ce moment même à la recherche des survivants de l’explosion que vous mentionnez.  »

Le silence se fit entier, puis le plus courageux d’entre eux (et c’était peu dire) désigna une masse informe qui reposait quelques matelas plus loin. L’homme semblait inconscient, et pourtant le râle qui s’échappait de sa bouche était celui d’un athlète qui vient de courir plusieurs centaines de kilomètres environ. Pour avoir eu son lot de course à pied pour la journée, Althéa le plaignait. On remarquait à peine sa présence dans la pièce tant la vie ne s’accrochait que timidement à sa carcasse. Elle se rendit à son chevet, ignorant ses nombreuses douleurs. Elle préférait ne pas affronter les blessures dorsales pour le moment, malgré la restriction de mouvement qu’elles engendraient.

« Que lui est-il arrivé ?
- Il s’est coupé trois doigts en essayant de régler une des machines…
- Comment ça ?
- Avant l’explosion, il veut dire. Nous devions veiller sur lui jusqu’à ce qu’un infirmier descende. Lucas n’est jamais revenu avec l’infirmier. A vrai dire, l’explosion a retenti peu après son départ. Et lui, ben il a perdu de la couleur d’heure en heure depuis... »

Althéa repoussa son dégoût loin de l’affleurement de son esprit. Des odeurs nauséabondes de flétrissure et de gangrène parvenaient à ses narines irritées, rendues vulnérables par l’absence du foulard. Elle abhorrait par-dessus tout les amputations. D’autant plus lorsque la chair était infectée. Par ailleurs, elle n’avait plus aucune feuille soporifique en sa possession. Lorsque l’enchantement débuta, le patient ne mit donc pas bien longtemps pour se sortir de sa torpeur, et il agrippa de sa main libre (et qui comptait toujours cinq doigts) l’épaule d’Althéa pour la repousser loin de lui. Un des mineurs fut prompt à la rejoindre, et il l’aida à le maintenir.

Alors qu’elle mettait à l’œuvre ce qui lui semblait être sa centième opération de la journée, un bruit se fit entendre au dehors. Comme celui d’un feu ardent, dont les flammes se dirigeraient toutes dans la même direction (la leur !) plutôt que de laisser court à un crépitement anarchique (et naturel). Pourtant une nouvelle explosion ne survint pas, et leur vie ne s’arrêta pas non plus. Un mineur poussa un cri de joie incontrôlé, se collant à la porte pour mieux entendre le bruit qui le rendait euphorique.

« Ils sont là ! Les secours ! »

L’instant d’après, la porte fut projetée en arrière avec puissance, et le mineur avec. Althéa aperçut avec joie les visages des trois autres my’träns qui étaient descendus avec eux dans les souterrains. Elle ne se fit pas une grande émettrice d’émotions, mais son soulagement n’en parut pas moins évident sur son visage. Ils adoucirent toute trace d’inquiétude sur ses traits. Derrière les huit nouveaux arrivants, on pouvait apercevoir autant qu’entendre les cliquetis de dizaines de petites pattes qui déchiquetaient la chair d’arcnobions carbonisés.

Après un bref échange avec un membre de son clan, Althéa put faire le rapprochement entre les brochettes grillées d’aracnobions et les engins accrochés sur les murs de la mine à intervalle régulier, mais auquel elle n’avait certainement pas attribué une telle fonction. Ainsi donc, leur sauvegarde avait été à portée de main : des lance-flamme apposés là pour faire cuire de l'aracnobion !

***

Le groupe était de plus en plus hétéroclite. Les deux adeptes de Möchlog souffraient d’une apparence altérée par les égratignures et les coupures ; les réfugiés soutenaient tant bien que mal leur camarade amputé ; et le groupe de sauveteurs semblait être le plus préservé des trois, mais n’avait pas fière allure pour autant. Ils partageaient cependant l’adrénaline d’avoir presque achevé leur périple sans subir des pertes trop conséquentes. Au moins, il y avait pour le moment plus de sauvés que de décédés. A deux galeries de là, ils s’engouffrèrent dans la fameuse galerie 78.

« Hey, Zo’ ; on y était presque, mine de rien. Heureusement que j’étais là pour nous mener sur le droit chemin.  »

Au bout de la galerie, qui occupait une place centrale d’après le chef Däenar, se trouvait une salle sécurisée -aussi sécurisée que les circonstances le permettaient. En cas d’incendie violent ou d’éboulement, le règlement stipulait que les rescapés devaient soit se diriger vers les ascenseurs si cela était possible, soit se rassembler dans celle salle, et envoyer une vague d'éclaireurs une fois l’accalmie recouvrée, et ce toutes les deux heures. Ces informations abstraites franchirent les oreilles d’Althéa sans jamais atteindre son cerveau. Elle retint seulement qu’un éboulement condamnait la sortie traditionnelle vers les étages supérieurs (soit pas celle que Zora et elle-même avait empruntée) et qu’il faudrait probablement employer de la daenamythe pour dégager le passage.

Quoi qu’il en soit, à peine la porte du bout de la galerie 78 fut entrouverte que déjà des murmures de soulagement se firent entendre, bientôt recouverts par une clameur sans précédent.

« On est sauvés !
- C’est pas trop tôt ! On y croyait plus !
- Quelqu’un a vu ma lampe ?
- Houra ! Ils sont là !
- Thomas et David sont revenus ! Gloire à eux et aux sauveteurs qu’ils ont ramenés !  »

La phrase anodine porta plus loin que ses consœurs, et octroya à deux des quatre mineurs qui les accompagnaient un air hautement embarrassé. Ces deux-là étaient donc les éclaireurs envoyés par leurs compères, et pourtant ils semblaient davantage s’être réfugiés dans l'aire de repos que d’avoir bravé les dangers de la mine pour la sauvegarde de la communauté. Daënar et lâcheté rimait donc à merveille !

« Je me disais bien que quatre personnes pour surveiller un blessé, c’était pas très crédible, fit-t-elle pour elle-même. »

Désintéressée de cette bassesse humaine, la guérisseuse se mêla plutôt à la vingtaine de rescapés, dont la plupart étaient à terre, pour s’enquérir de leur état et leur fournir les soins nécessaires.
Althéa n’avait pas l’altruisme d’un bienfaiteur, cependant elle appréciait ces moments intimes que la magie lui réservait, comme un entretien sensuel avec Möchlog en personne, qui lui accorderait volontiers ses faveurs.

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La vapeur se dissipe EmptyJeu 28 Sep - 5:15

Althéa est retombée dans ses travers altruistes. Du moins est-ce la conclusion à laquelle la rouquine parvient lorsqu'elle pose son regard sur la guérisseuse puis sur le patient dont cette dernière se charge. Contre sa volonté, d'ailleurs, si elle se fie à la manière dont il tente de la repousser. Ces daëners... Zora lâche un énième reniflement de dédain, s'étonnant de la facilité avec laquelle ces hérétiques arrivent constamment à l'irriter. À ce niveau-là, c'est pratiquement de l'art...

De son côté l'adepte est trop occupée avec ses propres blessures pour songer à soulager celle des autres. Maintenant que l'adrénaline est retombée elle ne peut que constater les plaies qui maculent sa peau ainsi que la suie ou le sang qui les accompagne. Elle grimace en retirant ce qui devait être une patte de son écrin de chair. Davantage encore lorsque elle se coupe le bout de l'index suite à une simple pression contre cette dernière. La disciple de la Chouette observe ensuite d'un air absent l'arme du crime. Jusqu'à ce que l'étrange porte qui les séparait du danger vole en éclat, emportant dans la foulée l'un des mineurs.
"Ho...!"
La rouquine se contente de marquer son étonnement, trop absorbée qu'elle était pour tenir compte de l'annonce de l'arrivée des renforts. Et pendant que sa camarade échange avec l'un des membres de son clan Zora, de son côté, observe avec un semblant d'intérêt les nouveaux arrivants. L'avantage? Et bien il n'y a pas que des daëners... L'inconvénient? Le groupe est désormais trop important pour qu'elle puisse espérer le purifier dans son ensemble. Si seulement ces secours avaient eu la décence d'attendre quelques heures...

~~~~~

Elle aurait bien profité d'un peu de repos. Il faut dire que c'est devenu une denrée rare ces dernières heures. Heures? Zora a l'impression que cela fait des jours qu'elle arpente les profondeurs de ces mines. Et si elle n'a guère eu l'occasion de s'ennuyer la fatigue, elle, est bien présente. Suffisamment pour qu'elle choisisse de se mettre en retrait et éviter les discussions que certains essaient d'engager avec elle. À croire que les rapports sociaux sont une pierre angulaire de l'existence de ce groupe hétéroclite. Bien trop hétéroclite à son goût, d'ailleurs.

Pourtant lorsque Althéa se porte à sa hauteur elle n'a guère la force de la repousser. Elle n'en a d'ailleurs guère envie. La présence de la guérisseuse est tolérable. Même si la rouquine est bien incapable d'expliquer pourquoi. Peut-être que côtoyer la mort en sa compagnie a contribué à forger un lien caractérisé par le danger ou les joutes verbales. Ce n'est pas forcément agréable. Mais - il faut le dire - ce n'est pas non plus désagréable pour autant.
"Hey, Zo’; on y était presque, mine de rien. Heureusement que j’étais là pour nous mener sur le droit chemin."
"Pour nous précipiter dans le premier trou que tu as trouvé, tu veux dire?" nuance-t-elle en retour.
Elle lui décoche un sourire furtif qui contraste quelque peu avec l'ironie perceptible dans le ton de sa réponse. Peut-être à cause de son jeu de mot. Ou encore parce qu'elle a un certain don pour l'irriter et l'amuser en même temps. Ce n'est pas donné à tout le monde. Et, dans le fond, ce n'est pas plus mal. Une armée d'Althéa serait sûrement bien trop éprouvante pour les nerfs.
"Mais oui, heureusement que tu étais là!" confirme-t-elle. "Je me disais justement que ma vie n'était pas très palpitante sans une Althéa locale pour la mettre constamment en danger..."
Toujours est-il que le groupe ne tarde guère à atteindre une autre étape de leur périple sous la forme d'une autre salle. Zora n'est guère capable de définir ce qui l'irrite le plus: le fait qu'on la considère comme une sauveuse? La joie perceptible dans les clameurs ou sur les visages de cet autre groupe de survivants? Ou le simple fait qu'il y ait encore davantage de daëners en vie? Sûrement un mélange de tout ceci...

La rouquine compte une vingtaine de parasites et scelle définitivement ses espoirs de meurtre. Et tandis qu'Althéa se mêle à ces gens, Zora, elle, cherche l'endroit susceptible de lui offrir une bien relative tranquillité. Elle enjambe ainsi les blessés qui jonchent le sol et écrase au passage une paire de doigts gentiment offerts à la morsure de ses bottes. Elle lâche une vague excuse mais n'arrive pas à réprimer un sourire de contentement. On s'amuse comme on peut, non?

~~~~~

L'adepte frissonne à chaque fois que le bruit assourdissant de l'une de ces explosions arrache des cascades de poussière à la roche qui les enveloppe. Un tel bruit n'a rien de naturel. Et par conséquent, ne devrait pas exister. L'hérésie daëner ne se contente plus de polluer son champ de vision. Il faut désormais qu'elle titille ses sens auditifs. À croire qu'elle cherche à s'insinuer dans les cœurs ou les âmes de ceux qui sont trop faibles pour y résister.

Mais la rouquine ne va pas faire la fine bouche: si elle se fie à ce que les mineurs disent, les résultats de ces explosions sont encourageants. Et avec un peu de chance la voûte de pierre cédera sa place à la voûte céleste d'ici quelques minutes. Il était temps! Mais pour l'instant Zora ne peut que prendre son mal en patience tandis qu'elle observe, adossée à la paroi, bras croisés, les hérétiques poursuivre leur oeuvre de déblaiement.
"Tu as remarqué, Althéa?" s'amuse-t-elle en tournant le regard vers sa comparse. "Ces daëners sont aussi subtils que toi lorsqu'il s'agit de trouver des solutions pour rester en vie!"
Le fait est que c'est plutôt efficace, même si ça l'ennuie de le reconnaître et malgré le ricanement qu'elle lâche pour ponctuer sa pique. Une énième explosion retentit et la rouquine se crispe, se sentant impuissante et menacée à la fois. Que peut-elle faire sinon attendre que cette technologie leur ménage une sortie?

Cette technologie, justement, est un brin simpliste. Qui pourrait penser qu'un simple bâton de ce genre peut provoquer une telle déflagration et un bruit pareil? D'autant plus que sa conception semble plutôt simple. Et que son observation ne provoque pas de désagréables sensations comme peuvent le faire, par exemple, ces cercles dans lesquels une aiguille se balade.Ce ne sont pas des boussoles, c'est évident. Mais ce qu'ils indiquent relève encore du mystère pour l'adepte. Et c'est sûrement mieux ainsi!

Une autre explosion retentit et est cette fois-ci accompagnée d'une vague de fraîcheur étonnante. Zora comprend rapidement que le chemin a été déblayé et que l'air froid du Khoral se fraie désormais un passage jusqu'à leur position. Elle frissonne. Et dire qu'elle avait presque oublié cette sensation mordante. L'avantage d'être sous terre, c'est qu'au moins il y fait chaud. Et ce, même si des essaims d'insectes ou des risques d'éboulement vous menacent à chaque instant.

D'autres clameurs irritantes retentissent et confirment ce qu'elle pressentait. Des groupes sont ainsi rapidement organisés pour remonter à la surface. Pour une raison qui lui échappe, ils ne peuvent tous suivre la voie nouvellement ménagée. Là encore, elle ne cherche pas à comprendre. Ce qui est sûr, en revanche, c'est qu'elle ne sera pas la dernière à quitter les lieux.
"J'imagine que ça ne gêne personne si je passe la première?" demande-t-elle. "Ainsi que les my'träns qui sont venus à votre rescousse, bien entendu. Ce n'est qu'un maigre paiement si l'on considère l'aide que nous vous avons apportée. Ou encore ce qu'elle nous a coûtée!"
La vie de Selph, par exemple. Zora tourne d'ailleurs une nouvelle fois le regard vers la noiraude en espérant déceler de la tristesse dans son regard. Puis elle traverse le groupe de mineurs restés en retrait et rejoint la galerie d'accès qui la guidera vers la surface. Ce faisant, elle glisse dans l'une de ses ceintures l'un de ces fameux tubes. Elle vient de leur trouver une utilité!

Ainsi donc elle s'engage la première sur le chemin de la liberté. L'escalade n'est guère aisée. Mais la motivation ne manque pas. Et au bout de quelques minutes elle peut prendre appui sur le sol gelé de Khurmag. Elle s'y accroche avant de se hisser en sécurité. Si tant est que le terme soit adapté en plein Khoral, bien sûr...

Les my'träns ne tardent pas à suivre. Et tandis que la rouquine se blottit dans les vêtements chauds mais troués en de multiples endroits, ses compatriotes la rejoignent un à un. Althéa est la dernière. Et ce n'est que lorsqu'elle se hisse à son tour sur la corniche gelée que Zora glisse dans les flammes agonisante d'un brasier l'étrange mèche du bâton qu'elle tient en main. Elle s'étonne ensuite des étincelles soutenues qui commence à ronger la ficelle en question.

Certains commencent à comprendre. Et si elle se fie à l'expression qui se lit sur le visage du daëner qui suit la noiraude, il fait partie de ceux-là. Mais il est trop tard. Il ne peut qu'assister impuissant à la réalité qui se dessine sous ses yeux. L'adepte lâche le tube dans le tunnel avec un sourire mauvais sur les lèvres.
"Ça va faire BOUM!" indique-t-elle alors joyeusement à Althéa.
À peine a-t-elle terminé sa phrase que le souffle de l'explosion soulève un flot de poussière et de flammes de la galerie. Le bruit qu'elle provoque résonne en écho dans les environs, éclipsant un bref instant le mugissement de la tempête de glace. Puis la terre et la roche, implacables, commencent à ensevelir les hérétiques. Les My'träns survivent et les daëners succombent. N'est-ce pas l'expression d'un monde parfait? Et le meilleur moyen de solder définitivement la mort du camarade de la noiraude?

Althéa Ley Ka'Ori
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La vapeur se dissipe EmptyVen 29 Sep - 0:55
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Quant au reste de leurs péripéties, Althéa les vécut étrangement comme un esprit dépourvu de corps physique et de toute expérience sensorielle. Elle n’était guère plus impliquée dans la suite d’évènements qui se déroula alors que fascinée par les dires d’un enfant de deux ans qui bafouille sans cohérence.

Son alliée temporaire l’avait divertie de sa langue fielleuse, mais cette aventure cessa d’en être une à l’instant où le groupe de renfort se joignit au leur. Les deux my’tränes furent abaissées au statut de sbire plutôt que d’électrons libres, et cela perdit en saveur, et cela fit chuter l’adrénaline dans ses veines.

Une part d’elle-même s’horrifiait à l’idée de rencontrer un nouvel aracnobion, mais la majeure partie de son esprit se réjouissait des nombreuses égratignures qu’ils lui avaient infligée. La peur et le vertige d’une chute d’une paire de mètres ne constituaient pas des émotions sensiblement plaisantes, en revanche la douleur qu’elle avait opérée la ramenait à la vie comme peu de choses étaient à même de le faire. Tous les maux que les récents évènements avaient administrés à son enveloppe charnelle intensifiait la présence de son âme, et par la même de sa foi. Vive une aventure, aussi sombre soit-elle d’environnement comme de dénouement, lui rappelait l’existence que lui avait offert Möchlog. Il en résultait un état second où ce qui l’entourait ne comptait plus dans sa réalité. Paradoxalement, les sensations physiques se muaient aussitôt en des sentiments spirituels qui lui faisaient perdre pied de ce qui l’entourait mais la rapprochait de son architecte. Peut-être sa semi-transe fut visible sur les soins qu’elle opéra alors, car ils ne furent jamais égalés dans les semaines qui suivirent. Quoiqu’il en soit, une simple goutte de sang qui longeait la ligne de vie de sa paume était un prétexte supplémentaire pour bénir la vie dont elle était dotée.

Zora mit cependant fin à sa torpeur, et elle lui en voulut de se mettre en travers de sa communion mentale avec la chouette. Ce fut la première fois qu’elle abandonna toute ironie à son égard, et lorsqu’elle parla on eut pu déceler la sécheresse du désert de Zochlom lui-même dans le timbre de sa voix :

« Si tu avais un meilleur instinct de survie, je n’aurais pas eu besoin de trouver un moyen de sauver ta peau, aussi peu subtil soit-il.»

Après tout, Matthew aurait su les guider à travers ce dédale de galeries ! Et Matthew aurait eu connaissance des lanceurs de flammes accrochés au mur ! Il les aurait de surcroît invitées à emprunter l’échelle plutôt que de tomber de façon peu grâcieuse sur un empilement de cadavres carbonisés. Toutes ces mésaventures, elles auraient pu les éviter, si tant est que Matthew fût encore en vie. Qu’elle lui reproche son manque de subtilité, cela outrepassait la discourtoisie. Malgré tout, il eût été plus raisonnable de rejeter la cause de son énervement sur ses nerfs à fleur de peau plutôt que sur un quelconque prétexte raisonnable. Plus que jamais, elle rêvait de la liberté qu’éprouve l’oiseau lorsque la brise froisse ses plumes et que la lumière du jour se dépose sur son plumage. Et tant pis si la brise prenait la forme de la bise du Khoral, et tant pis si la clarté ne provenait moins du soleil que de sa réflexion sur la neige.

« J'imagine que ça ne gêne personne si je passe la première ? Ainsi que les my'träns qui sont venus à votre rescousse, bien entendu. »

Althéa ouvrit la bouche pour protester, car le ton de sa voix et sa suffisance ne lui inspiraient qu’une grandissante méfiance. Etait-elle si imbue de sa personne ? Celle dissimulait-il un dessein plus machiavélique qu’il n’y paraissait ? Mais déjà Zora s’engageait dans la montée, et les Daënars s’écartaient respectueusement, certains moins docilement que d’autres, pour laisser place aux my’träns. Quel mal pourrait bien arriver ? La liberté était si proche, si atteignable ! Il aurait été injuste qu’elle leur fût dérobée à cet instant précisément. Et puis, Zora ne pouvait pas tous les tuer à coups de pelle ! Après une brève hésitation, et une fois tous ses frères de clan dans le passage, elle leur emboita donc le pas, presque lavée de sa précédente suspicion.

La jeune femme fut leurrée. Gravement, et naïvement. Le souffle chaud de la déflagration lui lapa les mollets à l’instant où elle se hissait sur le manteau de neige, mais ce fut comme si Zora avait mesuré son acte pour qu’elle fût la dernière à remonter vers l’extérieur. Impuissante, elle contempla la terre, la roche et la poudreuse ensevelir ceux qu’ils avaient secourus pendant tant d’heures et ménageant tant d’efforts, au péril de leur vie à plusieurs reprises. Tout implosa comme si une aspiration irrésistible faisait s’affaisser le paysage, et après un terrible tintamarre et les impressionnantes vibrations de l’éboulement survint un calme absolu que la neige préservait avec délicatesse en insonorisant toute autre perception auditive que le faible courant d’air qui s’échappait de l’ancien passage, maintenant obstrué.

La guérisseuse se tourna bouche bée vers Zora. Et puis, sans prévenir (comme si quelqu’un l’aurait fait ?), elle lui asséna un coup dans la tempe avec le plat de ses quatre phalanges, lui octroyant la précision et la rapidité que lui avait enseignées Faye quelques semaines auparavant. Elle gémit dans l’effort, et recueillit sa main violentée par la deuxième en sa possession, plus réconfortante, et sa voix se fit un tantinet moins paisible qu’à son habitude :

« Je vérifiais simplement qu’il y avait un cerveau sous ce crâne.

- Elle est surtout dépourvue d’un cœur, rétorqua un membre de son clan dans une murmure, les yeux rivés vers le désastre qui venait de se produire. »

Un bref coup d’œil alentour leur apprit qu’une poignée de Daënars avait assisté à la scène. Et ils ne lui réserveraient pas qu’un simple coup de poing lorsqu’ils s’extirperaient de leur stupeur, de leur incompréhension, de leur détresse. Ils l’utiliseraient, Zora, l’emploieraient comme coupable attitrée de l’ensemble de cette catastrophe. Les actes d’une my’träne effaceraient l’aide que cinq my’träns avaient apportée aux Daënars. Cette trentaine de morts primeraient sur des centaines d’autres, parce qu’ils seraient les victimes d’un meurtre de sang-froid, alors que les autres n’auraient que le luxe de blâmer leur propre peuple pour exploiter de la magilithe dans des conditions ambigument idéales.

« Pars… Pars très loin, et ne reviens jamais. »

Son ordre était sans appels. Et si les trois autres my’träns ne comprenaient qu’à des degrés moindres les raisons d’une telle injonction, ils étaient suffisamment confiants en la sagesse d’Althéa (ou trop abêtis par l’ampleur du massacre) pour mettre en doute ses paroles. L’adepte de Möchlog, pour sa part, doutait elle-même du bien-fondé de son commandement. Mais une stratégie, bancale certes mais une stratégie tout de même, avait émergé dans son esprit, et elle escomptait la mener à bien.


Dernière édition par Althéa Ley Ka'Ori le Sam 10 Fév - 15:54, édité 2 fois

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La vapeur se dissipe EmptyVen 29 Sep - 5:41

Elle s'était attendue à une certaine reconnaissance de la part de son alliée de circonstance. Peut-être même à des remerciements pour avoir ainsi contribué à venger cet homme dont elle n'arrive désormais plus à se rappeler le nom. En fait, à beaucoup de choses. Mais certainement pas à un coup de poing contre sa tempe. Aussi sonnée que surprise, la rouquine titube sur le sol recouvert de glace noire avant de reprendre ses esprits. En d'autres circonstances... Non, avec une autre personne, elle aurait sûrement répondu en usant du langage qu'elle maîtrise le mieux: celui de la violence.
"Un simple merci aurait suffit..."
Pourtant ce n'est pas vraiment de la colère qui l'anime en cet instant. Enfin, pas seulement. Il y a une part de déception. Suffisamment importante pour la faire douter et la plonger dans une forme de léthargie qu'elle ne se connaît pas. Finalement elle lâche un soupire désabusé en passant son regard sur Althéa puis sur les membres de son clan. Nulle trace de gratitude. Uniquement l'expression d'un jugement soumis à une morale qui ne devrait plus exister depuis longtemps si l'on considère le monde dans lequel ils évoluent. Mais à quoi s'attendait-elle, finalement?

Sa vision s'affine lorsqu'elle remarque les silhouettes d'abord floutées par les ombres du Khoral qui s'approchent. Des Daënars. Elle lâche un second soupire. De frustration, cette fois-ci. Elle n'est guère en état de se battre. Pas contre autant d'hérétiques. Et elle peut sûrement faire une croire sur le soutien de ses compatriotes. Pourtant il leur serait sûrement aisé de se débarrasser de cette poignée de survivants. Et, ce faisant, d'apporter une contribution au bien-être de My'trä.
"Qui se soucie encore d'avoir un cœur aujourd'hui?" souffle-t-elle en aparté. "Qui serait assez bête pour ne serait-ce que le souhaiter?"
La réponse, toujours incompréhensible pour la rouquine, se trouve pourtant sous ses yeux. Elle sait qu'elle a raison. Elle le sent. Et pourtant elle se heurte encore à l'hostilité des siens. Althéa a perdu un proche dans cette mine. Et pourtant elle réprouve l'acte de Zora. Que faire pour ouvrir les yeux de ce peuple dont elle est pourtant issue mais qui lui semble si... différent. Une étrangère parmi ses compatriotes. Voilà ce qu'elle est. Et si ce constat ne la blesse pas, il a l'inconvénient d'être hors de portée de sa compréhension. Un jour, peut-être, ils ouvriront les yeux! D'ici là il semblerait qu'elle soit condamnée à rester une louve parmi les brebis...

L'adepte de la Chouette puise dans sa foi pour imprégner son corps de la magie qu'elle lui octroie. Elle luttera contre tous ceux qui se dressent face à elle. Et, par extension, contre Möchlog. Pourtant la suite échappe une nouvelle fois à la logique: Althéa lui commande de fuir et de ne jamais revenir. Pourquoi fait-elle ça? Elle a l'avantage. En s'unissant avec les hérétiques, elle pourrait se distancer de la purification de masse qui vient d'avoir lieu. Et pourtant...

Alors Zora comprend, finalement: la noiraude approuve son acte. Elle ne peut juste pas l'assumer décemment devant les membres de son clan. Le coup de poing était destiné à donner le change, rien de plus. Mais au fond d'elle, la jeune femme sait sûrement que la rouquine a fait ce qui devait être fait. Qu'elle en ait conscience ou non. Peu importe, dans le fond. Cette opportunité que sa camarade lui offre est, en soi, une promesse d'espoir.
"Je vais partir, oui!" lâche-t-elle, un léger sourire au coin des lèvres. "Mais je reviendrai, sois-en sûre! Du moins, tant qu'il y aura des hérétiques pour insulter nos dieux et défigurer notre continent avec leurs... machineries infernales!"
La jeune femme n'est pas certaine du terme exact. Toujours est-il qu'elle n'a pas besoin de l'approbation de celle qui fut sa comparse quelques heures durant. Et encore moins de son autorisation. La rouquine pose son regard sur les daënars qui approchent et qui semblent peu à peu émerger de leur surprise léthargique. Il vaut mieux qu'elle s'en aille, en effet. Mais pour mieux revenir, comme elle l'a laissé entendre. Et qui sait: ce jour-là peut-être qu'Althéa sera à ses côtés...

Zora observe un instant la noiraude et hésite encore un bref instant avant de tourner les talons. Le voile formé par le Khoral ne tarde pas à l'absorber tandis qu'elle laisse derrière elle un message qu'elle estime suffisamment clair pour Daënastre: l'hérésie a un prix!

Althéa Ley Ka'Ori
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La vapeur se dissipe EmptySam 30 Sep - 21:57
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Althéa observa Zora s’éloigner avec une pointe de regret. Pas celui de l’avoir frappé au visage, non ; son absence de sens commun la condamnait à pire de façon certaine. Il s’agissait plutôt d’amertume, du fait que l’unique témoin de ses desseins les plus sombres lui était arraché prématurément. Lorsque sa silhouette se dissipa dans le blizzard, seule ses phalanges martyrisées furent témoin de son passage. Un Daënar cria à l’assassin, et s’élança à sa suite avec quelques de ses confrères. Mais leurs efforts étaient vains, le Khoral serait leur pire ennemi, effacerait les traces avant même que l’empreinte de pied ne soit marquée, brouillerait les pistes, rendrait invisible les personnes les plus proches.

Pour sa part, le restant de son clan s’était déjà dirigé vers la véritable entrée de la mine pour rejoindre les autres éclaireurs my’träns qui ne les avaient pas suivis dans les souterrains. Restait à venir en aide là où elle celle-ci s’avérait encore bénéfique. Aussi la guérisseuse se détourna du point de fuite de Zora, et procéda à effacer ses émotions. Elles étaient trop confuses, trop volatiles pour qu’elle leur accorde quelque importance. Et plus que tout, c’était une mauvaise influence, qu’il fallait craindre par-dessus tout dans le cadre de ses ambitions personnelles. Quelle ironie du sort, donc, que de la retrouver le lendemain sur son chemin !

Mais l’heure n’est pas à cet autre récit.
Pour le moment, Althéa se dirigeait vers l’infirmerie improvisée, et d’un accord tacite les infirmiers et elle-même n’échangèrent pas une parole pendant toute la durée de leurs soins. La perte des quelques rescapés eût tôt fait de faire le tour du campement, et l’abattement se fit pesant dans cette atmosphère saturée de poussière et de détresse. Avec eux était enseveli l’espoir de retrouver un proche, de revoir un camarade, d’apercevoir un visage familier ayant défié la mort. Ce désespoir était si palpable qu’Althéa elle-même y était sensible, mais un objectif accaparait suffisamment ses pensées pour qu’elle ne se départisse guère de sa froidure intérieure. Après une heure supplémentaire, ce qui semblait être le responsable de la mine fit un discours pathétique sur la tragédie qui les avait frappés. Il eut l’honnêteté de reconnaitre la faute à une machine défaillante, qui avait aussitôt embrasé la mine de part et d’autre, la faisant s’écrouler sur elle-même comme le pied d’un enfant aurait enseveli une fourmilière. Il leur ordonna un jour de repos, mais annonça malgré tout la reprise de leurs activités d’ici quelques semaines s’ils étaient efficaces pour remettre la mine sur pied.

Althéa avait trouvé son homme, son objectif. Elle trottina pour se mettre à sa hauteur, et quit une discussion des plus sérieuses.

« Je pense qu’il est nécessaire de faire le point sur la situation. Vis-à-vis de ce qu’elle implique dans les clauses de la paix entre nos deux peuples, j’entends. »

L’homme haussa les épaules, visiblement peu enclin à lui accorder audience. Elle y lut sont désintérêt total pour les my’träns, qui se muait en une haine silencieuse. Que la catastrophe se passe dans un pays étranger ou le sien ne lui importait point. Il s’engouffra dans son baraquement, une cigarette dans la bouche, et quêta pendant plusieurs secondes pour un briquet qui fonctionnât encore.

« J’vous écoute puisque vous êtes là… maugréa-t-il entre ses dents sans courtoisie aucune.

- J’aimerais mieux que vous soyez disposé à m’écouter. Si vous endormez vos mineurs daënars de vos paroles, cela vous regarde, mais mon clan est venu à votre rescousse et ne souffrira pas qu’une pareille tragédie se déroule à nouveau dans notre contrée.

- Les mineurs my’träns aussi sont prêts à reprendre le travail dès le surlendemain, puisqu’ils n’ont pas protesté !

- Il n’y a pas de mineur my’trän.

- Oh, si, quelques-uns pour être franc avec vous. Ne croyez pas que les Daënars soient les seuls à essuyer des pertes aujourd’hui.

- Et cela vous ravit ?

- Pas plus que ça. Les morts c’est pas mon domaine, me faire un paquet d’fric contre de la magilithe, ça, c’est mon domaine…

- J’imagine que vous vous fichez parfaitement de la notion d’’éthique, ainsi que du risque encouru par vos propres mineurs si les conditions de votre exploitation ne sont pas améliorées ?

- Tout à fait,  affirma-t-il en expirant un large nuage de fumée qu’Althéa dut éjecter de ses poumons en toussant discrètement. Vous savez, je ne suis que l’exécutant. Moi on m’donne de l’argent pour faire tel boulot, j’me pose pas la question deux fois.

- Vous avez une trentaine de morts que vous auriez pu éviter. Au nom de votre inconsidération. Cela fait beaucoup moins de magilithe à vendre, n’est-ce pas ? Il aurait été agréable de bénéficier de leur travail après cet accident.

- Trente ? De quoi parlez-vous ?

- De la My’träne qui a réduit à néant notre espoir de ramener les rescapés à la surface en leur lâchant un bâton de Daënarmythe à la figure.
- C’est donc vrai, cette histoire ?

- Vous ne le croyiez pas ?

- J’espérais surtout que vous seriez capable de maîtriser vos pairs à vrai dire.

- Elle n’était pas mon pair. C’était une fanatique qui passait au mauvais moment pour vous. Et le fanatisme, ça ne se bride d’aucune manière. Il faut l’anéantir complètement ou aller dans son sens. Elle ne sera pas la seule à réagir ainsi à vos manquements de façon si véhémente, et s’il vous faut un tel coup de force pour vous en rendre compte, alors je ne saurais la blâmer malgré toute ma bienséance. En revanche, vos mineurs, et ceux des mines voisines, cela est peu sûr qu’il considère son intervention comme bénigne. D’autant plus lorsque je leur annoncerai qu’elle a promis de revenir les terrasser sans distinction, et que d’autres s’offensent déjà de vos pratiques. Si vous ne prenez pas au sérieux le mal que vous faites, au moins trouvez une valeur en votre main-d’œuvre. Vous exploitez le matériau des architectes sans respect aucun, pour les habitants alentour, pour vos ouvriers et pour les architectes eux-mêmes. Et espérez quand même poursuivre votre entreprise paisiblement ?

- Je m’en contrefiche pas mal de toutes ces choses moi ! Je vous l’ai dit, je ne suis que l’exécutant. Si vous voulez convaincre quelqu’un de changer les choses, c’est les commanditaires, pas moi. En revanche j’aurais bien besoin de votre compte rendu sur toute l’histoire si vous avez la foi de parler autant. J’ai des devoirs administratifs, moi. Ça va être un sacré bordel à résumer sur une feuille.

- En échange de quoi vous me fournissez les noms de vos supérieurs et leur localisation.

- Et bien nous avons au moins trouvé un terrain d’entente.  »


Et il s’en alla quérir les infirmiers, et deux de ses sous-fifres pour rendre un recensement formel. Quelques heures plus tard, Althéa sortit du baraquement avec deux papiers en poche, et plus une goutte de salive dans la bouche. Ils avaient tour à tour nommé les morts qu’ils pouvaient recenser (ou les vivants), et le responsable s’était appliqué (à sa façon du moins) à les retranscrire fidèlement. Il avait fallu discuter conséquences, redressement et pertes pendant si longtemps qu’Althéa finit par ne répondre que machinalement, comme si un mort n’était qu’un numéro perdant, un blessé un incertain et un vivant un maigre réconfort.
Elle glissa le premier papier – le plus petit- dans sa poche ; il correspondait à la part du marché acquittée par le Daënar. L’autre était une copie du compte-rendu (sa version abrégée) signé de la main d’Althéa et des autres témoins, et qui servirait de preuve tangible de ce qu’elle avancerait à l’avenir. Il se présentait sous cette forme :

Citation :

Compte-Rendu : Situation de crise n°4


Nature de la crise : Défaillance technique - explosion d’une machine de forage, déclenchement d’explosions, incendies et éboulement en chaîne. Invasion d’arcnobions.

Nombre de morts estimé : 206
Dont My’träns : 23 + 1 extérieur
Dont Daënars : 182

Circonstances :

  • 27 morts à la surface (ensevelis ou blessés par la déflagration).
  • 2 morts au moins victimes d’un éboulement souterrain.
  • 30 de la main d’une dénommée « Zo », my’träne a priori.
  • 147 morts pour raison indéterminé en sous-sol.


Blessés entre la vie et la mort : 11

Rendus inaptes à l’exploitation de la magilithe (Amputation, traumatisme, …) : 5

Autres observations :
Le clan Khurmis des Mahere nous sont venus en aide sans compensation.
« Zo » (identité complète inconnue) est une fanatique hostile à la présence Daënar en My’trä à tenir éloigner de nos mines. Description physique : Rousse, environ 1m70, tenues sombres, disciple de Möchlog. Individu dangereux.

Fait à 21h le 9 Novembre 932,
Signature sur l’honneur que les informations sont jugées exactes en tout point.
Carl Rowlett

D’après les informations données par :


  • Les infirmiers :
    Kate Coldbreath
    Glen Burkhill

  • Responsables du recensement :
    Earl Boothby-Gosling
    Mayme Wardyworth

  • Agent extérieur :
    Althéa Ley Ka’Ori (clan Mahere)



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