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Chroniques d'Irydaë
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 La chaleur d'une étreinte

Althéa Ley Ka'Ori
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Les deux jeunes femmes avaient parcouru plusieurs lieues, en direction d’une capitale qui par temps de Khoral semblait plus éloignée que le Kharaal lui-même. Lors de ce délicieux séjour, elles avaient partagé une tente qui faisait davantage office d’attentat à la pudeur que de réelle protection contre le froid. Le tout dans une joyeuse promiscuité, qui n’avait été paisible que depuis que le froid engourdissait suffisamment leur antipathie mutuelle. La nuit couleur de neige qu’Althéa avait passé à méditer, puis à organiser la mise en scène d’un faux massacre, n’avait guère été compensée par de grasses matinées. Il semble donc plus que nécessaire de faire le point sur ce périple, où l’on ne saurait estimer qui, de nos deux aventurières, fût la plus malheureuse.

Ce qui est sûr en revanche, c’est que leur feu manqua rapidement de bois, et leur ventre de nourriture. Et le plus étrange, dans cette gigantesque étendue d’eau glacée qu’est le Khurmag, est qu’elles manquèrent bientôt d’eau, celle sous forme liquide j’entends, car la neige ne fondait guère, et le feu n’était plus là pour l’encourager. Un cercle vicieux somme toute, qui avait tôt fait de transformer un simple voyage de routine en un calvaire invivable.
Allongée en boule sur le flanc, Althéa humectait régulièrement ses lèvres gercées, pour le regretter instantanément lorsque le froid en profitait pour se déposer sur l’humidité nouvellement fournie ; pour parfaire le cycle, elle reproduisait minutieusement la même erreur quelques minutes plus tard.

« Nous arrivons demain au prochaine village. Demain… oui, demain. Si nous marchons bien. »

Elle avait parlé à voix haute, mais ses yeux regardaient dans le vide. Elle avait parlé à voix haute, mais sa voix avait tout juste la vigueur minimale pour être audible. L’inconfort de la situation valait-il la confiance de Zora ? Avait-il été pertinent de prétendre sa tribu morte, plutôt que de convaincre la rouquine qu’ils étaient plus utiles en vie ? L’assassinat de Matthew lui revint en mémoire. Encore une fois, elle payait ses désirs meurtriers par des galères impayables. Elle entrouvrit les lèvres pour recevoir une goulée d’air frais. Au moins elle était parvenue à la convaincre de faire un tour via la capitale avant de se précipiter en Daënastre pour y entreprendre un génocide. Elle ne connaissait guère ses façons, mais il lui semblât que c’était une lourde décision à prendre, ainsi que la marque indirecte d’une certaine estime. Restait à survivre au voyage pour apprécier cet effort !

« J’ai tellement froid… déclara-t-elle sans but, en regardant avec envie les couvertures de Zora (ou bien fixait-elle toujours le vide ?). »

La guérisseuse intensifia un tantinet la magie qui renforçait son corps, espérant limiter la congélation progressive de ses membres. Sa compagne n’avait rien à lui envier en terme d’incommodité, comme elle put le constater en glissant son regard de ses couvertures à son visage, lequel lui faisait presque directement face. A ses lèvres violacées on devinait la violence du Khoral qui clamait son paroxysme, et sa peau était plus blême que lorsqu’elle l’avait récupérée dans la neige. Entre deux claquements de dents, Althéa lui dit, tout en ouvrant un peu ses couvertures comme pour l’y inviter :

« Tu me fais de la peine. Tu veux partager ? »

***

Quelques heures plus tard, un bruit sourd couvrit le sifflement du vent, pendant un court instant, le temps d’une seconde tout juste. Puis un second, plus fort semblait-il. En réalité, peut-être était-il identique, mais l’éveil progressif et la concentration aidant, il avait semblé plus bruyant. Plus Althéa y prêtait attention, et plus les sons lui semblaient perceptibles. Elle peina à se dégager des couvertures. D’abord parce qu’elles étaient entassées en de multiples couches sur son corps glacé, mais également parce qu’il fallait se faire violence pour quitter leur réconfortante, quoique relative chaleur. Elle ne ménagea pas les bruits pour réveiller Zora, fouillant les sacs à tout juste quelques pouces de sa tête en quête d’une cape chaude dont elle connaissait pertinemment l’emplacement. Elle pouvait d’ores et déjà sentir les extrémités de ses doigts geler à l’idée d’affronter le monde extérieur, mais une perspective bien plus chaleureuse surpassait cette angoisse viscérale.

Une fois que Zora eut émergé de son sommeil, elle sortit de leur abri, et prit la direction des bruits de tambours, prenant garde à ne pas distancer la rousse. Si des complications se présentaient, elles avaient à deux le double du potentiel d’une seule ! De quoi effrayer toute la population Khurmis après tout. Elles débouchèrent bientôt sur un campement, qui avait pu être envoyé par les architectes eux-mêmes tant il leur sembla tombé du ciel.
Althéa s’engouffra la première dans le cercle de tente, et se dirigea vers la principale, et la plus vaste, qui servait de pièce commune à la tribu inconnue. Elle ne reconnut guère les symboles qui paraient les toiles. Comment aurait-elle pu faire le lien, quand la dernière rencontre avec ce clan remontait à bien des années en arrière, lorsqu’elle savait tout juste soigner des piqûres de moustique ? Elle écarta le pan qui servait de porte, et elles purent s’incorporer à la chaleur tenue, mais pas moins bienvenue, que diffusait un foyer central. La tribu l’encerclait, et le silence se fit en ses rangs au fur et à mesure que les têtes se tournaient vers les nouvelles venues.

« Vous vous êtes perdues, mesdemoiselles ? demanda une voix bourrue depuis le coin opposé du pavillon.
- Oh non ! Nous tenions simplement à vous signaler que le son de vos tambours empêche vos plus proches voisins de dormir. Mon amie et moi, en l’occurrence, fit-elle avec un humour qui se devinait davantage à son sourire qu’au ton employé.
- Hahahaha ! Vous souhaiteriez peut-être que nous mettions fin à une fête si bien commencée ?
- Plutôt que vous nous y invitiez, à vrai dire… !
- Mais qu’y gagnerons-nous, très chère ?
- Une charmante compagnie, pour sûr, assura-t-elle en tirant une révérence qui se voulait théâtrale, sans jamais se départir de son sourire. »

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La chaleur d'une étreinte EmptyVen 6 Oct - 14:25
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Au fur et à mesure que les jours s'écoulent Zora peut mesurer tout l'optimisme dont elle a fait preuve. Le Khoral est un terrible adversaire qui ne se contente pas de noyer les Hommes et les animaux sous un épais tapis blanc: il engloutit également les espoirs et la volonté de celles qui sont assez téméraires pour le défier. Et il ne semble jamais rassasié. Cet ennemi implacable est sûrement le plus cruel auquel la rouquine ait été confrontée. Pourtant le fait qu'elle ne soit pas seule face à lui lui apporte un réconfort bienvenue. Et si on lui avait dit quelques cycles plus tôt qu'elle en viendrait à apprécier la compagnie d'Althéa, elle se serait sûrement fendue de l'un de ces sourires narquois dont elle a le secret...

L'adepte pose son regard sur le visage délicat qui lui fait face et les détails harmonieux qui le composent. Elle ne tarde cependant pas à le détourner lorsque celui de la noiraude lui répond. Les épreuves, pour peu qu'elles soient remportées ensemble, forgent la solidarité. Elle a déjà entendu plusieurs fois ce qu'elle considérait alors comme une croyance destinée à rassurer les plus faibles. Mais elle comprend maintenant qu'il n'en est rien. Et si cette évidence aux antipodes de l'indépendance dont elle est fière devrait l'irriter ou même l'effrayer, Zora se contente de l'accepter au même titre que la chaleur bienvenue - quoique dérisoire - apportée par les couvertures dans lesquelles elle se love.

La rouquine se contente d’acquiescer lorsque sa camarade lui indique que le prochain village pourrait être atteint demain. Elle ne demande qu'à la croire. Pourtant, même si elle ne peut se vanter de connaître les impératifs de la région aussi bien que la noiraude, elle a compris que les choses ne peuvent être considérées comme acquises en ces lieux. Alors elle octroie un espoir relatif aux propos d'Althéa. Mais elle garde avant tout à l'esprit qu'elles risquent tout aussi bien de ne pas atteindre le village en question...

Elle n'a pourtant jamais autant voulu croire le jugement d'autrui. Mais elle se discipline lorsqu'elle se met à trop appréhender l'avenir. La moindre énergie, la moindre pensée se doit d'être réservée uniquement à l'instant présent. Les douces promesses de l'avenir n'ont que peu de poids face à la menace de la mort qui les suit à la trace, prête à bondir sur les deux infortunées demoiselles. Il faut la repousser. Inlassablement. Constamment.
"Tu me fais de la peine. Tu veux partager?"
"Moi je te fais de la peine?"
Si elle se voyait... Mais c'est davantage l'habitude de défier les autres qu'une véritable plainte qui s'exprime à travers sa réponse. Elle n'a pas la force de batailler avec Althéa. Et elle n'a pas non plus le luxe de refuser l'invitation de sa camarade. Elle écarte ses propres couvertures et glisse en direction de la noiraude avec empressement, acceptant ainsi une offre qu'elle hésitait elle-même à soumettre à sa camarade.

Leur corps se mêlent avec une douceur des plus agréables. Et tandis que leurs courbes font de même, Zora enveloppe sa comparse de ses bras avant d'enfuir son visage dans le creux du cou d'Althéa. Le souffle de la jeune femme ne tarde pas à glisser contre le sien en retour. Elles frissonnent toujours. Mais à l'unisson cette fois-ci. Et cette simple différence couplée à la couche doublée des couvertures rend leur situation davantage supportable. Presque agréable.
"On ne laissera pas cette saloperie de Khoral avoir notre peau!" promet-elle à sa comparse. "Ni quiconque, d'ailleurs..."
Elles survivront à chacune des épreuves imposées par Möchlog ou les autres Architectes. Parce que c'est leur destin mais également parce qu'elles sont désormais deux pour les affronter. Zora raffermit son étreinte sur Althéa tout en poursuivant sa quête désespérée de chaleur. Et lorsqu'elle finit par s'endormir dans les bras de la noiraude, c'est avec l'assurance qu'elle se réveillera. Une différence qui lui accorde une sérénité dont le Khoral l'a privée depuis de bien longues heures maintenant...

~~~~~

Un sommeil ne peut être vraiment réparateur dans des conditions pareilles. Mais lorsque Zora ouvre difficilement les yeux c'est pour découvrir qu'elle n'est pas aussi fatiguée que d'ordinaire. Les bienfaits de la chaleur humaine? La réponse, elle la connait. Suffisamment, du moins, pour tenter de retenir Althéa lorsque celle-ci s'écarte d'elle. La température chute en quelques instants et le froid reprend ses droits, implacable.
"Qu'est-ce que..."
La rouquine pose la question par pur réflexe, cherchant à obtenir une réponse qu'elle n'aura pas l'honneur de recevoir. Émergeant d'un sommeil précieux qu'elle regrette déjà, elle se force à quitter l'amoncellement de couvertures en s'accordant toutefois un bref instant de répit pour clarifier son esprit encore embrumé par le voile du rêve qu'elle vient de quitter. Puis elle pousse un juron résultant de l'imprévisibilité de sa partenaire avant de s'élancer à sa suite. Si la noiraude meurt...

Au fur et à mesure que les secondes s'écoulent et qu'elle rejoint sa camarade, Zora comprend toutefois que ce n'est pas une bête impulsivité qui pousse cette dernière à s'enfoncer dans le blizzard. Elle entend à présent les tambours qui évoquent une certaine forme de musique. Cette alliance improbable entre le bruit de ces instruments et celui du vent titille sa curiosité. Et lorsqu'elle arrive à hauteur de la noiraude et pose le regard sur un amoncellement de tentes, l'idée de lui faire une remarque sur sa fougue a déjà disparu de son esprit.
"Et bien au moins il y en a qui trouvent matière à s'amuser..."
Ce qui est parfaitement irritant si l'on considère la situation des deux adeptes de la Chouette... Althéa, quant à elle, est déjà en train de rejoindre le cercle formé par les diverses tentes. Zora n'est pas certaine que ce soit une bonne idée. Mais elle se force une nouvelle fois à se rappeler que sa partenaire est bien plus familière de la culture locale qu'elle ne le sera probablement jamais. Ce qui ne l'empêche pas de lever les yeux au ciel et de pousser un soupire avant de lui emboîter une nouvelle fois le pas.

Le duo se retrouve rapidement dans une tente bien plus spacieuse - et également bien plus peuplée - que celle qu'elles viennent de quitter. Et il devient rapidement évident que leur présence n'était pas du tout prévue au programme. La preuve arrive quelques instants plus tard lorsque le silence remplace le semblant de musique et que les regards se tournent vers eux avec un mélange de surprise et de curiosité.

Et pendant qu'Althéa prend la peine de répondre aux interrogations de ceux qui occupent les lieux, Zora, quant à elle, se rapproche du feu auquel elle ne tarde pas à offrir ses deux paumes ouvertes. Le tout en prenant bien soin de garder un oeil sur ce qui se passe autours d'elles. Et en tentant d'ignorer en retour les regards malsains posés sur elle. Ou, plutôt, sur les courbes masquées par l'épaisse couche de vêtements mais que l'imagination de certains parviendront sans doute à déjouer. La noiraude n'échappe pas non plus à ce... traitement de faveur, d'ailleurs.

Toujours est-il qu'elle s'en sort remarquablement bien. Et fait preuve d'une assurance et d'une patience que Zora aurait sûrement remplacé par de la violence ou de l'arrogance. Le fait est que la perspective de pouvoir compter dans les rangs de cette fête deux charmantes créatures ne semble pas déplaire à celui qui doit être le chef de cette tribu. Il observe encore un instant d'Althéa avant de se rapprocher de la rouquine:
"Et toi? Qu'est-ce que tu en dis?"
"J'en dis que la diplomatie n'est pas le rôle qui m'est dévolu!"
"Ha non? Et c'est quoi ton rôle, alors?"
Si elle écoutait son coeur alors elle lui répondrait sans doute qu'il consiste à massacrer l'insulte sur patte qu'il est pour Möchlog. Car la cicatrice qui forme une ligne dénudée au milieu de son sourcil droit ne lui a guère échappée. Mais un regard à Althéa et un brin de bon sens lui commandent de ne pas céder à l'envie qui lui ronge les entrailles. C'est donc sur un ton radoucit qu'elle daigne finalement répondre à son interrogateur:
"Disons que je... que je mets l'ambiance!" s'amuse-t-elle. "Talent que je mettrais d'ailleurs volontiers à disposition de cette charmante fête pour peu que vous nous fassiez le privilège de nous y inviter..."
"Haha! Et bien ma belle on peut dire que tu es tombée au bon endroit pour ça!"
Elle sent une main se poser sur ses fesses et tente d'en faire abstraction. Dans l'intérêt de la cause. Mais sa main, elle, est déjà posée sur le poignard qui pend docilement sur son flanc. Un geste dont elle ne s'est même pas rendue compte mais qui est heureusement éclipsé par les bras levés de l'homme qui tourne sur lui-même pour embrasser du regard les membres de sa tribu.
"Mes amis, accueillons comme il se doit nos deux charmantes invitées!" clame-t-il. "Qu'elles boivent tout leur saoule! Et que la musique reprenne, par Khugatsaa!"
Le rythme effréné des tambours ne tarde pas avant de déchirer le silence relatif qui s'est installé. Les discussions reprennent peu à peu tandis qu'on glisse des chopes taillées dans des défenses de morses entre les mains des deux servantes de Möchlog. Zora détaille un bref instant les runes gravées à la surface de la sienne avant de se risquer à boire une petite gorgée. Elle réprime une grimace, l'alcool étant étonnement fort. Mais la chaleur qui glisse le long de sa gorge n'est pas désagréable, loin de là.

La rouquine sonde son corps à la recherche d'un éventuel poison mais ne trouve rien d'anormal. Elle n'hésite alors que brièvement avant d'en prendre de longues gorgées pour attiser le feu qui commence à se répandre dans son anatomie. Après quoi elle rejoint sa camarade et se penche à son oreille:
"T'as vu? J'ai géré!" lui fait-elle remarquer avec un semblant de fierté. "Par contre la prochaine fois que tu veux faire la fête j'apprécierais que tu m'en parles avant. Que je sache pourquoi je crapahute à ta suite dans la neige, au moins..."
Elle se fait bousculer une première fois par une sorte de ronde de danseurs qui se tiennent tous par la main. Puis elle observe le mouvement de leurs jambes avec un semblant d'intérêt. Intérêt visiblement remarqué par les fêtards qui viennent rapidement la saisir pour l'incorporer à leur danse tribale. Elle tente bien de protester avant de finalement se rendre à l'évidence: elle n'y coupera pas. Elle vide alors d'un trait sa coupe pour retrouver une certaine mobilité. Le tout en jetant au passage un regard noir à sa camarade. Elle et ses idées...

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La chaleur d'une étreinte EmptySam 7 Oct - 18:54
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Le clan avait innocemment convié à leurs célébrations une criminelle avec foi et sans lois, ainsi qu’une guérisseuse aux mœurs de moins en moins fiables, à l’heure où son unique contact humain se réduisait à la rousse présentée plus en arrière. Il fallait acclamer l’hospitalité khurmis, qui avait le mérite de ne point être très regardant. Contre toute attente, il se pourrait que cette convivialité ne soit pas à l’avantage des invitées…

Althéa reçut sa corne d’alcool ; elle avait tant soif qu’elle ne put se permettre de faire la fine bouche. Le breuvage grossier brûla son œsophage et déclara un véritable incendie dans son estomac, mais elle tint bon et le but d’une traite. Il y avait bien un peu d’eau mélangé à l’alcool fort qui saurait apaiser ses besoins de désaltération.

« T'as vu? J'ai géré! Par contre la prochaine fois que tu veux faire la fête j'apprécierais que tu m'en parles avant. Que je sache pourquoi je crapahute à ta suite dans la neige, au moins... »

Force est de constater que lorsqu’elle n’était trop occupée à décimer un grand pourcentage de la population, Zora savait faire preuve d’une certaine sympathie qui rendait sa compagnie bien plus agréable. Devant sa fierté revendiquée, elle lui adressa un simple sourire qui en disait long. Devant sa plainte, qui n’en était une que pour la forme, elle se contenta d’hausser les épaules.

« Je te l’aurais dit, si j’en avais été certaine. Mais je n’étais pas sûre que cette fête en soit une. Par ici, les tambours sont surtout usités pour des rituels sacrificiels. »

Zora n’eut pas le temps de déterminer si son ton trahissait sérieux ou taquinerie, et à vrai dire, Althéa savait adopter la neutralité inhérente au cynisme ; sa sauvage interlocutrice fut embarquée bon gré mal gré par une folle ronde. Althéa se surprit à savourer la vision de la Faucheuse, tout de noir vêtue, se cambrer et frapper dans ses mains au rythme des tambours et des danseurs. La danse réchauffait les cœurs et les corps, et rien qu’à les contempler, le rayonnement chaleureux qui émanait de leurs mouvements la pourvoyait de l’étreinte torride de ce que l’on nomme le bien-être. Pourtant il lui semblait que cette chaleur trouvait plutôt son origine au creux de son ventre, et provenait ainsi de ce qu’il y avait de plus profond en elle, dans ses entrailles-mêmes. L’alcool faisait déjà effet dans son corps à jeun.

La ronde s’arrêta soudain, pour lancer la deuxième phase de la danse. Un premier cercle se forma, constitué de femmes uniquement (et de Zora), qui tournèrent sur elles-mêmes en avançant vers le foyer du feu ; puis, elles marquèrent un arrêt net lorsque le cercle ne put plus se rapprocher davantage sans gêner ses plus proches voisins. Le second cercle, vous l’aurez compris, les hommes, poursuivit sa ronde autour du feu sur un cercle de plus grand rayon. Althéa se retrouva donc bien malgré elle partie intégrante du cercle qui s’était refermé sur elle, l’incluant dans ses rangs, et par extension, dans la danse. Motivée par l’alcool qui commençait à engourdir ses sens autant que son sens de la raison, elle se laissa entraîner par les mouvements qu’elle tentait d’imiter. La ronde reprit à vive allure, et elle dut trottiner une seconde pour reprendre sa place originelle dans le cercle.

Les tambours imprégnaient à présent toutes les fibres de son corps, les battements de son cœur se mariaient avec leurs percussions, et ses inspirations suivaient le rythme de la chamade dans sa poitrine. Le tout donnait une harmonie parfaite et réconfortante qui lui fit regretter d’avoir quitté cette belle contrée autrefois. Une courte nostalgie toutefois, puis qu’elle manqua de percuter la danseuse devant elle, qui s’était arrêtée, et n’était autre que Zora.

« Tu seras donc toujours sur mon chemin ? »

Elle l’avait dit sans animosité, pour conserver contenance en dépit de son faux pas. L’homme, qui avait eu l’insigne honneur de s’arrêter en face d’elle lorsque son propre cercle avait cessé de tourner, la saisit par la taille pour l’inciter à poursuivre la danse. Cette dernière se pratiquait en couple cette fois. Althéa se dégagea sans violence de ce bras impudique et reproduisit ses mouvements en miroir, au début avec un temps de décalage, ensuite de manière synchrone. Le divertissement était plaisant, mais le regard de son partenaire l’était moins. Elle porta son regard ailleurs, car l’expression de prédateur qu’il affichait l’embarrassait, comme aggravée par la douce ivresse qui parcourait maintenant ses veines.

Et puis l’homme s’arrêta de danser, alors même que les tambours continuaient leur chant sauvage. Il la reluquait. Il profitait qu’elle dansait pour se rincer l’œil. L’enflure ! Althéa redressa son menton de l’index pour porter son regard à hauteur de visage, et sa seule excuse fut un sourire des plus carnassiers. Althéa fit la moue, et remercia Möchlog de faire ralentir les tambours. Ces derniers marquèrent un "Badum Boum" plus retentissant que les précédents qui mit instantanément fin à la danse. Elle soupira de soulagement, heureuse de se délester de son partenaire.

« C’est l’heure de la tradition ! »

Une clameur sans précédent emplit l’atmosphère confinée du pavillon. L’étonnement céda place à la crainte lorsqu’Althéa fut embarquée par les danseurs au centre du pavillon. Elle tenta de mettre un peu de distance avec son partenaire de danse, mais celui-ci la suivait résolument.

Alors, la tente ne fut plus. Le feu disparut, la lumière également. Le ciel étoilé prit place au-dessus de leur tête comme s’il avait toujours été là. Des volutes de fumée venaient à lui comme des rangées d’animaux pressés rentreraient au terrier. D’ailleurs, ces animaux se discernaient clairement dans les nuages artificiels. Althéa comprit que le tout n’était qu’une parfaite illusion, destinée à ravir les fêtards. Elle chercha du regard sa comparse, espérant la trouver ahurie par ce qu’il venait de se produire. Zora s’était laissée berner par une œuvre de Khugatsaa pas plus de quatre jours auparavant, saurait-elle faire la différence cette fois-ci ?

La musique reprit de plus belle, et la fumée se dissipa dans la pénombre. Un vent chaud parcourut l’audience, et soudain la neige se mit à tomber le plus naturellement du monde ; à l’exception près qu’elle scintillait de mille couleurs, comme autant de bébés vers luisants, et qu’aucun nuage ne montrait la moindre courbe. Devant tant de magnificence, même créée par de vulgaires soûlards, Althéa affichait un sourire naïf et enfantin. La magie dura encore quelques secondes dédiées à l’émerveillement, et les illusionnistes se résolurent à clore le spectacle. Une belle tradition que voilà ! Mais celle-ci était loin d’être terminée, à son plus grand désarroi futur.

La violence du retour à la réalité la fit cligner des yeux, avant de se poser sur des mets fumants qui avaient été apportés au cours du spectacle, et plus particulièrement, des sortes de douceurs joliment dorées. Son partenaire de danse la bouscula pratiquement pour lui en offrir une part. Elle aurait voulu l’envoyer valser (pas littéralement !), mais son don avait l’air de lui tenir à cœur. Elle goûta donc cette sucrerie, et manqua de cracher sa bouchée.

« Il y a vraiment des personnes assez arriérées pour faire des gâteaux au gingembre… ? déplora-t-elle.
- Il faut tout manger ! Avec l’alcool, ça passe mieux. Cela fait partie de la tradition ! ajouta-t-il devant son écœurement apparent. »

Elle fronça un sourcil, mais déjà il lui mettait dans les mains son deuxième verre de la soirée. Elle put ainsi témoigner que le liquide permettait une meilleure ingurgitation de l’ensemble, et révélait par la même occasion des saveurs que seul un cuisinier sans le sens du goût aurait associées. On y trouvait une touche de safran, de la vanille que l’anis étouffait presque totalement, et à sa plus grande surprise, des clous de girofle que l’on n’avait pas pris la peine de réduire en poudre. Lorsqu’elle en avala la dernière bouchée, seul un goût âcre demeura sur son palais, mais elle était trop affamée pour en avoir cure. En revanche, le regard pressant de la tribu l’intrigua. Beaucoup l’observait sans se cacher, et l’intensité de leur joie avait ce quelque chose de pervers que l’on décelait seulement en leur rendant leur attention. Elle se rendit compte qu’elle n’était pas la seule à avoir englouti ce présent.

« Clamée ! hurla l’homme. »

Son partenaire de danse avait levé un bras bien haut en signe de victoire, et d’autres, dont le gâteau avait manifestement été dévoré, reprirent son cri de guerre. Leurs confrères leur répondirent par le même geste en hurlant à leur tour. Ils répétèrent l’action un nombre incalculable de fois, ponctuant leurs coups de poing qui pourfendaient l’air par des "Ahou Ahou !".

« J’ai dû rater quelque chose…
- Ne t’inquiète pas, la suite de la tradition ne reprend qu’aux aurores, lorsque la fête est terminée et que le gâteau aura fait effet. Pour le moment, profite de la fête, ma jolie ! »

Il affichait un grand sourire lorsqu’il s’éloigna d’elle. Sans le vouloir, Althéa rougit. Elle comprenait maintenant la curieuse décision de faire un gâteau d’ingrédients aussi contraires. Ils se rassemblaient au moins en un point ; ils étaient tous aphrodisiaques. Du regard elle chercha Zora, en quête d’un soutien. C’est une réelle détresse qui s’affichait dans ses yeux, telle que même le Khoral n’avait su lui arracher. Elle se dirigea vers sa partenaire en ce qu’elle considéra être une ligne droite, mais qui n’était en réalité qu’un zigzag tant elle était grisée.

« Zo’, je crois que c’est moi qui n’ai pas géré… T’as pas mangé de gâteau, hein ? »


Dernière édition par Althéa Ley Ka'Ori le Mar 10 Oct - 22:09, édité 2 fois

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Cette danse n'est guère désagréable. Zora découvre ainsi avec étonnement une facette de la culture locale qui n'est pas pour lui déplaire. Elle s'abandonne peu à peu au rythme entraînant qui donne le ton, sublimé par la synchronisation des différents danseurs. Enfin, des autres danseurs. La rouquine a constamment un temps de retard sur ces derniers malgré ses efforts soutenus pour appréhender les mouvements à exécuter. Mais plus les secondes s'égrainent et plus elle se prend au jeu. Le sourire qui s'installe peu à peu sur ses lèvres, dans le fond, ne fait rien d'autre que le confirmer.

Mais l'effort donne soif, dit-on. Et un verre vide est fait pour être rempli. La servante de la Chouette marque ainsi une pause dans sa danse effrénée lorsqu'un homme se précipite à sa rencontre avec de quoi alimenter en alcool sa corne. Et, par extension, un estomac bien vide après des jours passés à lutter contre le Khoral. Mais son arrêt - que certains pourraient qualifier de brutal - à des conséquences. Zora se fait ainsi bousculer par sa noiraude de camarade. Et bien entendu, une remarque ne tarde pas à suivre:
"Tu seras donc toujours sur mon chemin?"
"Et toi, à mes basques?"
Le ton employé est égal à celui dont Althéa a usé: il ne contient pas la moindre trace d'animosité. Tout au plus une légère trace d'espièglerie. La rouquine prend une nouvelle rasade d'alcool et recule par réflexe lorsqu'un barbu entend la saisir par la taille. Ha, les réflexes... Comprenant qu'il ne s'agit de rien d'autre qu'une invitation à danser, elle cède finalement à l'insistance de cet homme. Non sans s'être auparavant assurée que son visage n'est pas marqué par une quelconque cicatrice le qualifiant d'office comme un être impur.

Les mouvements sont plus sensuels cette fois-ci même s'ils restent teintés de la brutalité que l'on prête volontiers aux tambours. Et si Zora repousse inlassablement les mains qui entendent découvrir son corps d'une manière que la morale réprouve assez largement, elle ne se libère pas pour autant de l'étreinte du mâle. Peut-être à cause de l'alcool. Ou tout simplement parce que cela fait bien longtemps qu'elle n'avait pas réussi à s'amuser de cette manière. Peu importe, dans le fond...

Quelques minutes plus tard les tambours se taisent à nouveau. La jeune femme cherche du regard d'éventuels nouveaux arrivants à l'entrée de la grande tente avant de le poser sur Althéa, un peu plus loin. Elle est aussi la cible de l'attention de l'un des membres de la tribu. Un brin suspicieuse, elle observe l'homme en question avant de se focaliser une nouvelle fois sur sa comparse. Est-ce qu'elle plaisantait avant lorsqu'elle parlait de rituel sacrificiel? Est-ce que cette fameuse "tradition" annonce des prochaines minutes sanglantes?

Elle est rapidement rassurée lorsqu'un étrange spectacle s'offre à elle et capte son attention. Toute son attention. De mémoire elle n'a jamais pu observer une chose alliant avec une telle perfection magnificence et étrangeté. Le visage levé vers les cieux qui ont subitement remplacés la toile qui les enveloppait, prise de vertige face à la majestueuse ménagerie qui la surplombe, elle se sent tomber au sol. Elle s'y réceptionne avec une absence flagrante de grâce sans parvenir à détacher son regard de la beauté qui s'exprime dans son champ de vision.

Elle lâche un vague mot de regret lorsque l'oeuvre mue mais retrouve bien vite du plaisir à contempler ce qu'elle est devenue. La neige qui tombe en scintillant, exprimant des nuances colorées qu'elle ne soupçonnait même pas, est tout simplement fascinant. La bouche entrouverte pour former un sourire absent, la rouquine est totalement absorbée par cette improbable mais non moins merveilleuse pluie solidifiée.

Le retour à la réalité, quant à lui, est brutal. Zora donnerait beaucoup pour pouvoir contempler une nouvelle fois cette féerie semblable à un rêve qu'elle ne saurait confier avec docilité aux abysses du souvenir. Elle reste ainsi de longues secondes, coupée du monde qui l'entoure. Mais la main qui la relève avec un mélange de délicatesse et de fermeté la ramènent à une réalité plaisante, certes, mais dont elle aurait voulu pouvoir s'échapper quelques instants encore.

Son cavalier - car il s'agit évidemment de lui - glisse entre ses mains un morceau de gâteau qu'elle observe d'abord avec circonspection. Mais le bruit que fait son estomac à la simple vue de cette nourriture, bien qu'il soit couvert par les divers instruments de musique qui ont repris leurs chants, chasse bien vite les doutes qui l'assaillent. Elle découvre ainsi un goût qui n'a rien de bien séduisant mais que la faim se charge pourtant d'adoucir. Puis elle sursaute lorsqu'un cri retenti et est bientôt repris en cascade par de multiples gorges.
"Clamaaaayyyy!" crie-t-elle en écho.
Elle ne remarque pas les regards surpris qui se tournent vers elle, occupée qu'elle est à dévorer sa part de gâteau ou à vider le reste de sa corne. L'alcool achève de faire disparaître le goût disgracieux de la pâtisserie au moment où Althéa se porte à sa hauteur. La rouquine accueille la noiraude d'un sourire évocateur, prête à lui dire tout le bien qu'elle pense de cette fameuse tradition tribale qui l'émerveillait quelques secondes plus tôt. C'est pourtant sa comparse qui prend la parole en premier:
"Zo’, je crois que c’est moi qui n’ai pas géré… T’as pas mangé de gâteau, hein?"
"Si, pourquoi?" s'étonne-t-elle. "C'est vrai que le goût n'est pas terrible mais je pourrais dévorer n'importe quoi avec cette faim qui me tenaille le ventre! Ce n'est pas le moment de faire la difficile..."
Elle la gratifie d'un clin d’œil entendu avant d'engloutir le reste de la pâtisserie, déglutissant avec peine lorsqu'elle se fraie douloureusement un passage le long de son œsophage. C'est ce moment que choisi son partenaire pour crier à son tour le fameux mot dont elle peine à comprendre le sens:
"Clamée!"
"Clamaaaaaaaaayyyyyyyy!" surenchérit-elle.
Quelle étrange coutume, tout de même... Elle a à peine le temps de finir son verre qu'elle se fait à nouveau entraîner par son partenaire de danse. Et tandis que l'alcool continue inlassablement de s'insinuer dans son sang, elle perd lentement la retenue qui devrait caractériser toute étrangère au sein d'un clan dont elle ne connaît pas les moeurs. Pourtant c'est le dernier de ses soucis en cet instant alors que les aléas de la danse l'emmènent une nouvelle fois loin d'Althéa.

~~~~~~~~~~~

Combien de verres a-t-elle bus? Elle est tout bonnement incapable de s'en souvenir. D'un autre côté, elle n'a pas vraiment compté. Ce qui est certain, en revanche, c'est que sa capacité à raisonner s'est perdue quelque part entre les heures les plus sombres de la nuit et les timides lueurs qui annoncent l'aurore à travers la mince ouverture qui les sépare du Khoral.

La fête a pris une toute autre tournure. Et si une bonne moitié des membres de cette amusante tribu sont toujours en train d'honorer la partie centrale de leurs pas de danse, certains couples occupent les extrémités de la danse et honorent leurs corps de caresses et autres plaisirs charnels. Zora les observe un instant avec une curiosité dépourvue du moindre jugement tandis que la bouche de son cavalier parcourt le creux de sa nuque.

Elle s'appuie contre le torse puissant qu'il lui offre en guise de dossier et relève la tête pour lui faciliter la tâche, frissonnant d'un plaisir aussi instinctif que désiré. Et lorsqu'elle se retourne, c'est pour unique sa langue à la sienne pendant de longues secondes avant de vider un énième verre. La plus simple notion de retenue à purement et simplement disparu de son esprit. Tout ce qu'elle souhaite, c'est profiter de l'instant présent. Profiter d'une vie qui semble si fragile dans cet environnement qui n'est rien de plus qu'un tombeau de glace...

La rouquine pose ses yeux mi-clos sur Althéa, à quelques mètres d'elle. Elle l'observe un instant en se demandant brièvement pourquoi elle s'est montrée si désagréable avec celle qui s'est acharnée à sauvegarder son existence. Elle ressent de la honte. Et leurs points de désaccords semblent si futiles en cet instant...
"Je reviens!"
Elle rigole lorsque son partenaire tente de la retenir avant de s'en détacher sauvagement, titubant sur quelques pas avant de retrouver un semblant d'équilibre. Arrivée près de la noiraude, elle repousse négligemment le mâle qui danse avec elle pour se l'accaparer entièrement.
"Danse avec moi!"
Elle joint le geste à la parole et se rapproche de sa camarade. Leur promiscuité n'égal guère celles des heures passées serrées l'une contre l'autre sous les couverture. Pourtant cette fois-ci Zora n'a plus froid. Et elle ne saurait invoquer un quelconque besoin de chaleur pour justifier le rapprochement qui s'opère entre leurs corps. La rouquine laisse quelques s'écouler, se laissant bercer et entraîner par le rythme des tambours, avant d'approcher ses lèvres de l'oreille de la noiraude:
"Je m'excuse, Althou... Je m'excuse pour tout..."
Elle ne juge pourtant pas utile de préciser pour quoi exactement. À défaut, elle se contente d'envelopper Althéa de ses bras pour la gratifier d'une douce étreinte et d'un baiser sur la joue...

Althéa Ley Ka'Ori
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Il y avait une délicate naïveté dans son intonation. Une douceur, une candeur. Ce sentiment d’invulnérabilité, de ceux qui rendent plus vulnérable que jamais. L’enfant qui a faim dévore sable et baies empoisonnées ; l’adulte qui a faim ne fait qu’une bouchée de substances aphrodisiaques. L’enfant qui a soif s’abreuve d’eau croupie ; l’adulte qui a soif se désaltère à l’alcool trompeur. On pense avoir acquis maturité et discernement, mais l’on ne fait que transposer les erreurs du passé en de mauvais jugements présents.

Elle s’était trouvée un fin sens de l’humour lorsqu’elle avait mentionné les sacrifices tribaux, mais cette perspective lui paraissait moins morbide maintenant qu’elle réalisait l’ampleur de sa stupidité. Malgré tout, elle trouvait chez Zora cet enjouement irréel, qu’elle ne lui connaissait guère, et elle se serait sentie bien déplacée d’y porter atteinte de quelque manière. En cet instant, elle eut l’instinct maternel qui à « Il dort, papy ? » fait répondre avec bienveillance « Oui, il dort ».

Elle la laissa donc boire et manger tout son soûl, danser jusqu’à en perdre la cadence, fourrer sa langue dans une bouche indigne, et se frotter à un corps rude. Parce qu’elle était égoïste, parce qu’elle ne saurait raisonner un énergumène pareil, parce qu’elle était lasse, parce qu’elle était perfectible. Pour une fois, elle apprécia le laisser-aller, elle accepta que celle qui était devenue inconsciemment sa protégée fasse des erreurs pour mieux se relever. Elle ne devait rien à personne, et certainement pas à Zora.

Althéa prit donc part à la fête, complètement, volontairement. Elle but plus que de raison, et mangea jusqu’à ce que sa panse proteste. Elle espérait ainsi couvrir les effets du gâteau, et même se donner le courage d’affronter le moment fatidique où son cavalier exigerait quelque acte de sa part, auquel elle avait consenti contre son gré. Elle redécouvrit quelques danses tribales, en apprit de nouvelles que son [/i]clamant[/i], puisque c’est ainsi qu’ils s’appelaient entre eux, voulut partager avec elle.

Tous sans exception transpiraient la virilité à l’état pur. Elle les supposa chasseurs, voire mercenaires. Il y avait trop peu de femmes parmi eux pour que ce groupe soit un clan à part entière. D’ailleurs, les rares représentantes de la gente féminine n’étaient pas des femmes attitrées, mais plutôt des électrons libres qui aguichaient, charmaient à qui mieux mieux. Certaines avaient été clamées, et se préoccupaient plus que d’un unique mâle, mais c’était là les seules relations consumées en tout exclusivité.

« Mange pas trop, ma jolie. Enfin, si tu n’veux pas vomir quand j’te prendrai ! »

Althéa lui sourit froidement. Elle n’était pas une adepte des idylles romantiques, de celles qui vous noient dans l’eau de rose, et qui ont des relents d’hypocrisie et de fausse modestie. Mais des allusions aussi bestiales prononcées aussi disgracieusement étaient loin de combler ses attentes. Ces hommes étaient des animaux, et leur hospitalité facile se justifiait davantage par leurs besoins primaires que par une quelconque bonté de l’âme.

« Quelle prévenance… »

Elle s’empara d’un morceau de viande séchée et mordit dedans avec lenteur, savourant chaque bouchée avec un regard insolent pour son clamant. Elle s’humectait les lèvres régulièrement, mesurant chacun de ses gestes, et il la dévora du regard avec autant d’appétit qu’elle dévorait la viande.

« Aussi indomptable qu’une chatte !
- J’ai une préférence pour les animaux à plumes. »

***

Elles dansent, avec une maladresse évidente en vue du peu de sang qu’il reste dans leur alcool, mais elles tiennent encore assez debout pour effectuer quelques pas timides. Althéa l’a remerciée du regard lorsqu’elle l’a arrachée à son insistant prétendant. Qui l’aurait crue se réjouir à l’idée de retrouver la rouquine ? Il faut croire que les aventures rapprochent les âmes contraires, et le Khoral unie les corps qui se repoussent.

Les deux partenaires étaient ainsi collées l’une à l’autre. Elles n’avaient plus aucun différend en cet instant ; on aurait pu croire à une fusion de leurs fois, de leurs enveloppes charnelles, de leurs ivresses, de la kyrielle d’émotions qui les submergeaient. L’on pouvait assister à la réunion du bien et du mal, même si les deux n’étaient pas si blanc ou si noir.

« Tu t’excuses de quoi ? D’avoir oublié comment me détester ? »

Althéa plaisantait, la tête enfouie dans la chevelure enflammée. Son ton trahissait son émoi plus que son hostilité. Elle profitait de cet instant d’intimité au milieu d’un collectif duquel elles se détachaient nettement, chacune à sa façon. Möchlog était le plus grand des réunificateurs. L’alcool était peut-être un autre facteur en jeu, et… Elle a du mal à se l’avouer, mais le gâteau n’était de surcroît pas étranger à cette effusion de bons sentiments.

« Je suis désolée aussi… D’avoir pu être injustement sèche avec toi. »

Elle marqua une courte pause, hésitante malgré son ébriété à en dévoiler davantage. Mais elles étaient à un point de non-retour, et quitte à s’être trempé l’orteil, elle plongea toute entière dans l’océan des confessions.

« C’est pas toi tu sais, moi dans l’fond j’t’aime bien ! C’est… tes façons de faire, tes meurtres, ton manque de logique, et tout ça… C’est pas facile… J’ai pas envie d’mourir au nom de tes conneries, tu vois ? »

Ma parole, sa voix se brisait, et venait à lui manquer ! Elle s’éclaircit la gorge, peu désireuse de perdre toute crédibilité à ses yeux. Puis, elle entrouvrit les yeux à nouveau, les sourcils froncés.

« C’est ta langue ou tes lèvres, cette sensation humide sur mon oreille ? »

Malgré son apparent agacement, elle soupira d’aise, ne se défaisant point de son étreinte. Au contraire, elle laissa durer le plaisir plus longtemps, se laissant porter par le rythme toujours plus entraînant des tambours. Ce n’était plus deux mains mais quatre qui tapaient sur les percussions, et la cadence était bien déréglée comparé au début de soirée, mais qu’importe ! Après tout le sol pouvait bien se dérober sous ses pas, elle continuerait à danser ; et si le décor tournait, c’était probablement à cause des illusions de Khugatsaa ! Abandonnant son indifférence le temps d’une question, elle s’enquit avec une pointe d’inquiétude :

« Tu as compris ce qu’il compte faire, celui qui… qui t’a clamée tout à l’heure ? Je crois que dans leurs mœurs, t’es un peu sa femme dorénavant. Si j’ai bien compris… Etrange façon de s’unir, non ? »

Leur bulle fut percée, toujours par ce même rustre égocentrique qui lui servait de compagnon depuis leur arrivée. Il fut bientôt rejoint par le clamant de Zora, qui semblait lui aussi contrarié. Le premier leur attrapa rudement l’épaule, et les força à se détacher l’une de l’autre. Althéa murmura un « non » déchirant qui mourut aussitôt, absolument dérisoire devant le grondement de l’homme (qui lui semble-t-il montre presque les dents tant il est furieux). Son confrère grogne :

« C’est ma clamée…
- Et elle a un nom ! s’indigne-t-elle en le toisant sans amitié.
- Elle ne reste qu’une clamée, et toi aussi, rétorque l'autre clamant calmement, maintenant sans difficulté la noirceur de son regard qui s'est posé sur lui lorsqu'il a pris la parole.
- Nous sommes des personnes ! Je suis Althéa, du clan Mahere, et c’est ainsi qu’on se doit de me connaître ! persiffle-t-elle. »

La montagne le dominait de toute sa taille, la regardant en contre-plongée tant leur différence de niveau était grande. Il était si proche d’elle qu’elle pouvait sentir la chaleur de son corps, la fièvre de son emportement et même le souffle de son haleine sur son visage, empestant l’alcool vulgaire et la viande. Mais au moment où elle prononça son identité, et plus précisément, son nom de clan, il recula d’un pas de surprise, et le temps s’arrêta momentanément. L’espace de quelques secondes, le mouvement ne fut plus. La stupeur se lisait sur les visages, et c’est presque un frisson synchrone qui avait parcouru leurs hôtes.
Oops, murmura une petite voix repentante dans son subconscient.


Dernière édition par Althéa Ley Ka'Ori le Dim 15 Oct - 21:05, édité 2 fois

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Elle écoute ce qu'Althéa lui dit comme elle écoute le vent de la tempête qui sévit au-delà de la mince protection de toile sous laquelle la fête bat son plein. Le visage noyée dans la cascade sombre des cheveux de sa camarade, elle réplique à ses propos par une étreinte dont la force varie à chacune de ses remarques. Une manière de lui faire comprendre qu'elle n'est pas insensible à ce qu'elle entend.. Ou tout simplement qu'elle ne dispose pas du vocabulaire nécessaire pour lui expliquer ce qu'un simple geste peut traduire.
"Tu ne mourras pas!" lui promet-elle à l'oreille. "Möchlog ne laissera pas une telle chose arriver! Et moi non plus!"
Elle juge toutefois inutile de débattre sur l'absence de logique dont Althéa l'accuse. Ce n'est ni le moment, ni le lieu. L'heure est aux festivités et à un semblant de douceur sauvage. Non à la guerre des mots ou des convictions. Zora remarque alors qu'elle mordille tendrement ladite oreille de sa camarade qui lui répond par une remarque à laquelle elle ne saurait répondre sans balbutier. À défaut, elle se contente de modérer quelque peu le besoin irrépressible de partager sa joie autant que son corps avec les personnes présentes. Ou, en l'occurrence, avec la noiraude. Ce désir saphique est tout à fait nouveau pour elle. Mais il n'est pas dérangeant pour autant. Juste... étrange.
"Tu as compris ce qu’il compte faire, celui qui… qui t’a clamée tout à l’heure? Je crois que dans leurs mœurs, t’es un peu sa femme dorénavant. Si j’ai bien compris… Étrange façon de s’unir, non?"
"Comme s'il suffisait de m'offrir un bout de gâteau et de me faire danser pour m'épouser..." s'amuse-t-elle, la remarque de sa camarade lui semblant marquée par l'alarmisme. "En plus il embrasse comme un phoque, mon clamé!"
Elle part d'un éclat de rire cristallin qu'elle a de la peine à réprimer. Elle n'a jamais embrassé de phoque. Qui voudrait faire une telle chose? Mais sur le moment la comparaison lui semblait judicieuse. Encore une preuve que son esprit est embrumé par l'alcool, la fatigue ou encore la nourriture qu'elle a engloutit voilà maintenant des heures de cela.

Toujours est-il que le clamé en question revient à la charge. Qu'il est collant celui-là... Althéa se charge néanmoins de la défendre des assauts de ce prédateur. Elle se délecte de la façon qu'elle a de s'ériger en protectrice. Et bien qu'elle n'ait pas réellement besoin d'une telle attention, elle lui en est reconnaissante. C'est suffisamment rare pour qu'elle ait matière à l'être. D'ordinaire on lui court plutôt après avec des fourches ou des épées. Le tout sous une copieuse avalanche de jurons en tout genre. La politesse est décidément une denrée qui se perd...

Pourtant l'intervention de la noiraude provoque un silence bien trop pesant. Les tambours se taisent et les regards se tournent vers la duo. Non, pas le duo. Seulement Althéa. Zora cherche du regard ce qu'elle a pu faire, s'attendant presque à trouver le sang de son "époux" sur une lame que sa camarade tiendrait en main. Mais... rien de tout ceci. Simplement un profond malaise qu'elle a de la peine à expliquer.
"Qu'est-ce qu'il y a? Elle dit la vérité!" s'étonne-t-elle. "Même qu'elle a massacré tout son clan pour faire plaisir à Möchlog!"
Elle est encore fière de la noiraude, d'ailleurs. La rouquine part dans un nouveau rire amusé tandis qu'elle sautille sur place comme pour appeler à nouveau la musique de ses voeux. Pourquoi tant de sérieux? Et pourquoi des murmures continuent-ils de se propager dans cette assemblée alcoolisée. Ne croient-ils donc pas Althéa? Pourquoi leur mentirait-elle? Ces gens sont décidément d'une bizarrerie sans nom. Mais pourquoi s'en étonne-t-elle encore après tout? L'étrangeté est un qualificatif qui convient à merveille à cette étrange région de Myt'rä.
"Elle est donc la dernière des siens?" continue la montagne avec un ton qui trahit une forme de satisfaction.
"Ben... ouais!" réplique-t-elle sur le ton de l'évidence.
"Tu en es bien sûre?" persiste-t-il, son regard mauvais ne quittant pas la noiraude.
"Ouais!"
Elle hoche avec une innocence et un entrain tout à fait juvénile la tête comme pour donner plus de poids à son affirmation. Elle a vu de ses propres yeux les corps alignés sur le sol, en partie dévorés par l'appétit insatiable du Khoral. Et tandis qu'elle continue à danser sur une musique qui n'existe plus que dans son esprit, Zora remarque la satisfaction qui se lit à présent sur les lèvres de son clamé. 'Fin, de son clameur! Elle s'apprête d'ailleurs à lui faire une remarque sensée calmer son manque de tact mais ce dernier la devance, brandissant une hache surgit d'elle-ne-sait-où.
"Vous entendez vous autre? La dernière Mahere vivante daigne nous honorer de sa présence!"
Des cris de joie teintés d'une sauvagerie qui ne demande qu'à se déverser retentit, s'extirpant des rares gorges encore en état de s'exprimer. La rouquine comprend qu'il s'agit avant tout d'un cri guerrier. Et que le clan d'Althéa n'était vraisemblablement pas en très bon terme avec celui qui a eu la délicatesse de les convier à cette petite fête. Orgie? Elle hésite encore sur le mot. Mais est-ce vraiment important si l'on considère la sale situation dans laquelle elles se sont fourrées?
"Hé ho!" interpelle-t-elle son clameur en agitant son doigt sous son nez. "Tu vas te calmer tout de suite, toi!"
"Tais-toi, femme!" réplique-t-il immédiatement, la gratifiant d'une gifle en revers qui l'envoie au sol. "Ta langue n'existe que pour me satisfaire. Et non pour me dire que faire!"
Le choc est tel et la surprise si totale qu'elle reste un instant allongée sur le sol, main sur sa lèvre à présent ensanglantée. Sonnée, elle cherche à comprendre ce qu'il vient d'arriver. Elle n'était pas préparée à une telle attaque. Ce manque de considération la sidère. Tout comme la douleur qui s'installe à présent sur le flanc de son visage. Que s'est-il passé?

Mais le fait est que les habitudes ont la peau dure. Et que Zora n'a jamais été du genre à tendre l'autre joue docilement. Elle se redresse et titube un bref instant avant de retrouver un équilibre qui semble résolu à la fuir depuis quelques heures. Et alors que son improbable époux s'apprête à abattre sa lourde hache sur Althéa, son sang ne fait qu'un tour. Elle pousse l'indélicat. Juste un peu. Comme une douce brise ayant pour ambition de renverser une véritable montagne.

Pourtant elle a donné l'élan nécessaire pour déstabiliser l'assaillant de la noiraude, le prenant à contre-pied au moment le plus opportun. Déséquilibré, aviné, l'homme chute sur le flanc. Droit dans les flammes au centre de la tente. Un cri de souffrance retentit à la suite du captivant geyser d'étincelles provoqué par la masse de chair s'offrant bien involontairement au brasier ardent.
"Je divorce! Tu ne me convenais pas, de toute façon!" clame-t-elle avec toute l'insolence qui la caractérise. "Et maintenant, musique! Je veux danser!"
Ce qu'elle s'emploie une nouvelle fois à faire, inconsciente du danger qui les guette. Là, enfermée dans un monde qui n'a qu'un faible pied dans la réalité qui l'entoure, elle s'emploie à retrouver le plaisir qu'elle a eu tout au long de la soirée. Les choses sont réglées, non? Pourquoi s'inquiéter des cris qui achèvent de mourir au fond des flammes? La vie est si belle pour l'obscurcir avec des inquiétudes qui n'ont pas lieu d'être...

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La situation déjà déplorable parvint à empirer encore, par elle ne savait quoi de miraculeux ou d’hasardeux. Un scintillement anormal capta son regard, et elle comprit plus qu’elle ne vit la hache être brandie, comme une scène qui lui aurait été décrite plutôt qu’une tragédie à laquelle elle aurait pris part. Le temps se figea pour immortaliser cet instant ; Möchlog lui donnait le temps d’une inspiration pour constater l’imminence de sa mort, la proximité de son baiser mortel. Quelle ironie, elle qui croyait que son clamant serait le seul à la baiser ce soir !

Avec un fatalisme tranquille, son regard glissa de l’arme à son détenteur, mais aucun membre de son corps ne mut dans ce mouvement purement oculaire. A l’exception il est vrai d’un léger tressaillement, qui lui parcourut l’échine, s’insinuant tout d’abord à la base de sa nuque pour s’enrouler en spirales désordonnées autour de sa colonne vertébrale, en embrassant chaque vertèbre se dressant sur son chemin, pour enfin mourir au creux de son bassin. Le destin, incarnée par la hache, allait la frapper, mais son corps s’était débarrassé de toute appréhension.

La disciple de Möchlog cligna de ses yeux ambrés, et la scène s’évapora. Non pas pour l’enlacer des ténèbres réconfortantes du trépas, mais plutôt pour lui offrir une odieuse scène de bucher qui jurait avec l’atmosphère de fête qui régnait jusqu’alors. En même temps que tout espoir de mourir se dissipait, les limbes de l’alcool la libérèrent de leur prison. Ces sensations de douce ivresse semblèrent suinter par les pores de sa peau pour que ne demeure dans son sang qu’une terreur vivace mêlée d’un soulagement contradictoire. Zora gagnait ainsi son titre d’émissaire de la couette somptueuse ; elle décidait de sa survie, et Möchlog dictait ses gestes. Elle lui adressa un sourire mi-figue mi-raisin en prononçant à voix basse en guise de remerciement :

« On mange du phoque ce soir ? »

Dans toute situation, l’ironie constituait sa meilleure arme. Cependant, un « ARRRRRGGHHHHHH » fou furieux interrompit leurs brèves réjouissances. Furibond, son propre clamant tentait de sortir la carcasse horriblement entamée par les flammes de son confrère, et Althéa profita de la diversion pour tirer Zora hors de sa portée et la propulser vers la sortie. Elle lutta contre ses protestations par la fermeté de ses gestes, et si la rousse opposa quelques résistance supplémentaire (la fête avant tout !), celle-ci fut bien vite balayée par les exclamations furax de l’endeuillé.

« TUEZ-LES ! DEMEMBREZ LA BRUNE ET BRÛLEZ LA ROUSSE ! »

Elles n’avaient aucune chance, malgré leur proximité privilégiée avec l’extérieur par rapport à leurs adversaires. Ils étaient en surnombre, et quand bien même elles sortaient en premier, ils les rattraperaient sans mal dans la poudreuse. Zora n’était guère coutumière des longues marches enneigées, encore moins des poursuites, et Althéa souffrirait vite de sa petitesse.
Il leur fallait une stratégie plus concluante si elles espéraient échapper à ces solides gaillards, qui plus est enragés par la mort de leur frère. Indirectement, sa partenaire avait fixé un thème, celui du feu ravageur. Aussi Althéa se saisit d’une torche qui brûlait contre un des piliers du pavillon, et elle lui fit décrire un large arc-de-cercle bien au-dessus de sa tête. La toile supérieure s’embrasa plus rapidement qu’elle ne l’escomptait, et elle dut se précipiter au dehors à la suite de Zora pour ne pas recevoir une partie de la charpenterie sommaire sur la figure. L’action ne dura qu’une fraction de secondes, et elle-même fut étonnée par son efficacité. La totalité de la toile s’embrasa, et le feu vorace s’attaqua bientôt aux composantes internes de la tente, y compris les êtres humains qui s’y trouvaient.

A bout de souffle, Althéa se reçut dans la neige. Cette dernière apaisa bien vite de sa température glaciale les quelques brûlures occasionnées par le souffle de cendres. Derrière elles, le brasier naquit, et grandit, plus vite qu’aucune bête féroce n’aurait su le faire à l’état naturel. Elle put constater, avec une certaine fierté, que sa flamme avait engendré un incendie majeur, alimenté par les sacs et les victuailles qui avaient plus tôt alimenté leurs estomacs.

Mais à son plus grand effroi, son propre clamant jaillit indemne de la fournaise, suivi bientôt par un brûlé à vif qui s’étala sans plus tarder dans la neige. Deux femmes fort peu habillées rejoignirent cette triste procession. Elles s’efforcèrent aussitôt d’éteindre le feu létal en le couvrant de poignées de neige, comme une offrande à Süns elle-même. Le reste de la tribu était pour l’instant empêtrée dans la tente affalée, les tables renversées, et les corps tombés. L’intensité de la chaleur donnait des allures d’été à ce Khoral bien entamé.

La jeune femme tenta vainement de s’écarter du clamant qui marchait vers elle, mais la vivacité qu’il lui avait manqué pour éviter la hache lui fit également défaut pour échapper à sa poigne. Dans un ultime effort, elle emmena avec elle une poignée de neige alors qu’il la soulevait ; elle l’envoya de toutes ses forces dans la figure de son opposamant. Il libéra une main pour essuyer les particules glacées qui avaient fouetté ses yeux, la maintenant de l’autre à près d’un pied du sol. La haine défigurait son visage, lui octroyant une expression qu’elle jugea inhumaine, et qui la dissuada presque de s’agripper à son bras pour ne pas suffoquer.

« Elle a dit faux ! Les Mahere sont encore en vie, je peux vous amener à eux si vous le souhaitez !
- Tu penses pouvoir sauver ta peau avec un mensonge pareil ? rétorqua-t-il avec un rictus peu engageant, attrapant sa gorge de sa main libre.
- Qu’est-ce que je vous ai fait ? s’exclama-t-elle en désespoir de cause, les larmes perlant aux coins de ses yeux alors que l’air commençait à se raréfier dans ses poumons.
- Tu fais partie des Mahere, et tu n’as pas su reconnaître le clan des Kashrakh ? Je commence à douter de ton appartenance. »

La stupeur se lut sur son visage, mise en évidence par la clarté octroyée par le feu avoisinant. L’emprise de ces mains assassines se fit plus lâche autour de son cou, comme si l’homme se délectait de sa détresse et souhaitait la prolonger quelques secondes avant de l’achever pour de bon. Elle comprenait désormais toute l’ampleur de son fourvoiement. Ce vestige du passé lui revint en mémoire, mais il prenait dans son enfance des allures de conte extravagant dont il était parfaitement dépourvu en cet instant. La tribu Kashrakh était de celles qu’il fallait craindre à tout prix, et éviter quoi qu’il advienne. Quand bien même nous mourrions de faim, de soif, et de tout autre manque, le supplice inhérent à la privation vaut mieux que les souffrances qu’ils sont à même de nous infliger.
Pourquoi diable avait-elle jugé cette histoire futile autrefois ? Les symboles dessinés sur les tentures lui revenaient à présent, de même qu’une description fort concise des mœurs déplorables de ces individus primaires. Elle s’en serait mordu les doigts si elle l’avait pu.

« Alors ne me tuez pas ? implora-t-elle. »

Sa précédente acceptation de la mort disparut ; son instinct de survie reprit le dessus. De toute ses forces, elle envoya un coup de botte dans les parties intimes de son clamant. Quelle meilleure entrée en la matière pour une nuit de noces ? Bien malgré lui, il lâcha prise pour diriger ses deux mains vers son entrejambe endolorie, et la guérisseuse put de nouveau respirer à pleins poumons (ou du moins prendre l’équivalent d’une bouffée d’air par temps de grand frais).
Elle parvint à se redresser, son pied d’appui s’enfonçant allègrement dans la neige lorsqu’elle tituba en arrière. Mais un coup de poing impitoyable anéantit ses efforts pour se maintenir de bout : il la cueillit au creux de la tempe, et elle retourna à la position allongée tout juste quittée, à quelques pieds de son emplacement originel. La blancheur de la neige céda la place à celle, absolue, du malaise nauséeux. Elle était sonnée, et la douleur vibra de longues secondes dans toute sa boite crânienne. Elle en ressentit les vibrations jusque dans sa cage thoracique.

Althéa nota mentalement comme énième règle de survie apprise à ses dépens de toujours satisfaire les hommes à l’avenir, et de ne les contrarier sous aucun prétexte. Un homme frustré devient irraisonnablement violent.

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La chaleur d'une étreinte EmptySam 21 Oct - 5:31
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Elle rigole. D'un rire frénétique, motivé par l'ivresse d'une nuit qu'elle ne voudrait jamais voir se terminer. Les cris du phoque couvrent délicieusement l'absence de musique. Et pendant que cette sérénade morbide anime les mouvements qui ont pour vocation d'être une danse, Zora se laisse bercer par l'ataraxie qui envahit chacune des fibres de son être et inonde son âme d'un plaisir aussi doux que dangereux. Mais Althéa l'extirpe de ce rêve éveillé - ou du moins tente-t-elle de le faire - lorsqu'elle agrippe pour la guider vers la sortie de cette tente pourtant si accueillante.

Alors la rouquine tente vaillamment de résister à cette emprise de fer. D'abord en tentant de lui échapper malhabilement grâce à des mouvements dissidents. Puis en prenant appui sur ses jambes pour freiner l'inexorable rapprochement avec le Khoral qui hurle à l'extérieur. Elle gémit de contrariété et fronce les sourcils comme pour souligner l'irritation qui l'anime. Et lorsque il lui semble clair que ses pathétiques tentatives sont vouées à l'échec, elle se décide à faire entendre sa voix:
"LÂCHE-MOI!" hurle-t-elle. "JE VEUX ENCORE CRA... CLAMER DES GENS! J'AI LE DROIT DE M'AMUSER!"
Mais la noiraude capte bien vite son attention lorsqu'elle saisit une torche pour bouter le feu à leur abri. Zora laisse un bref instant son regard vagabonder sur les flammes qui commencent à lécher l'épaisse toile, savourant un spectacle aussi hypnotique qu'amusant. Et, semblable à un enfant qu'on aurait réussi à détourner de son caprice, elle se laisse finalement guider à l'extérieur. Elle s'étonne presque immédiatement de la douceur d'un froid dont elle se souvenait pour le caractère impitoyable de sa morsure. Mais elle n'a évidemment pas conscience que son esprit - et l'alcool - lui joue des tours:
"Althéa! Möchlog m'a octroyé un nouveau pouvoir!" s'étonne-t-elle, excitée comme une puce. "Je ne ressens plus le froid! Le Khoral ne peut plus rien me faire! Je suis la reine des neiges! La dompteuse de glace! La...
La... La...
"
Elle manque de superlatifs pour se qualifier. Mais ça n'a pas grande importance. Car lorsqu'elle relève les yeux c'est pour remarquer qu'elle est seule au milieu de l'épais brouillard blanc. Quand à elle perdu la noiraude? Où est-elle encore passée? Sourcils froncés, titubant dans la neige qui s'acharne à emprisonner ses jambes, la rouquine cherche vainement du regard celle qui l'a si injustement empêchée de s'amuser. Et les cris qu'elle entend - ceux des gens restés bloqués dans la tente? - semblent se répercuter en écho dans le vent. Même la clarté du brasier est étouffée par le puissant voile dressé par le Khoral.

Pourtant elle continue d'avancer à l'aveuglette. Et sa témérité porte ses fruits lorsqu'elle s'écrase de tout son long sur le manteau blanc qui recouvre le sol. Après une brève enquête, elle en déduit que c'est bien le coin de cette tente qui l'a faite trébucher. Une autre fête? En tout cas elle n'hésite que brièvement avant de s'y enfoncer comme une furie. Mais la rouquine déchante bien vite en arrivant à l'intérieur. Il n'y a pas le moindre tambour. Pas la moindre once d'alcool. Juste une bande d'enfants qui semblent terrorisés par les événements inhabituels qui animent le campement.
"Coucou! Moi c'est Zora!" se présente-t-elle, encore étonnée par cette rencontre. "Et je suis insensible au froid!"
Elle enlève d'ailleurs le reste de ses vêtements comme pour leur prouver ce qu'elle avance. Mais le regard empli de fierté qu'elle leur lance est récompensé par des insultes mêlées au dégoût des plus jeunes. La rouquine secoue la tête comme pour clarifier une situation dont le sens lui échappe. Puis, à défaut, elle se contente d'allumer une torche dans le feu qui brûle au centre de ce cercle de couvertures. Après quoi elle prend congé de ces gamins aussi ignares que mal éduqués.

Pourtant son altruisme la pousse à hésiter lorsqu'elle se retrouve à l'extérieur. Ces enfants doivent mourir de froid, eux. Ils étaient d'ailleurs bien plus vêtus que les gens qui se trouvaient dans la tente qui accueillait la fête. Alors elle n'hésite que brièvement avant de bouter le feu à ce nouvel édifice de toile. Un acte de pur bonté qui est rapidement désavoué par les hurlements terrifiés puis agonisants qui émergent de l'intérieur. Par contre elle ne distingue pas le moindre remerciement dans cette marée de cris. De quoi l'irriter au plus haut point.
"BANDE DE PETITS N'INGRATS!"
Elle lâche quelques remarques sur l'absence d'éducation de ces enfants ou sur le manque de reconnaissance dont ils font preuve avant de chercher une nouvelle fois du regard autours d'elle. C'est à ce moment que le Khoral décide de marquer une brève accalmie - Möchlog est grand! - et de dissiper quelque peu le brouillard qui bloque la vision. Zora découvre ainsi avec un certain étonnement une grande colline contre laquelle le campement est dressé. Et une poignée d'hommes qui remarquent sa présence au moment où elle prend acte de la leur.

Une flèche l'atteint au bras. La douleur est fulgurante, vivace comme l'un de ces lézards qu'elle tentait d'attraper en étant petite. Mais l'étonnement est encore plus puissant. Elle baisse le regard sur la hampe de bois qui dépasse de sa chair et sur le sang qui glisse en deux fines rivières le long de son bras blessé. Une deuxième flèche la frôle de si prêt qu'elle entend son sifflement caresser ses oreilles. Puis le Khoral redouble de violence et la cache à nouveau au regard de ces hôtes au caractère quelque peu impulsif.

Mais les cris qu'ils échangent se rapprochent. Signe qu'ils ne tarderont pas à débouler sur elle. Zora fait alors ce qui lui semble le plus indiqué: elle invoque sa magie et focalise un bouclier en forme de cercle à l'endroit où se trouvait le flanc de la montagne. Elle ressent de la résistance. Résistance qui s'accentue au fur et à mesure qu'elle en amplifie le rayon. Une main tendue vers sa création, elle y insuffle la magie nécessaire pour qu'elle prenne tout son sens. Et sans s'en rendre vraiment compte, elle hurle lorsque l'effort devient trop grand.

Et alors qu'elle s'apprête à abandonner, vaincue par la difficulté d'une tâche qui lui semble bien trop titanesque pour être réellement abordable, un grondement sourd éclipse celui du Khoral. Le soucis c'est qu'elle se rend maintenant compte que son idée était tout sauf excellente. La rouquine puise dans ses forces pour se relever et court à l'opposée de bruit assourdissant qui s'accentue au gré des secondes. Elle croise dans sa course un homme qui s'étonne à peine de sa présence, l'air inquiet sur son visage trahissant les inquiétudes qui l'animent.

Elle continue sans lui prêter d'attention en retour, maintenant son bras blessé contre son ventre comme pour lui éviter des mouvements douloureux. L'adrénaline se charge de faire le reste et de lui donner la force de se focaliser sur autre chose que cette blessure. Et alors qu'elle se retourne pour tenter de deviner une quelconque menace dans son dos, elle chute une nouvelle fois. Sur Althéa, cette fois-ci. Le visage de la rouquine s'illumine d'un sourire absent.
"Coucou! Ça va?" lui demande-t-elle, son sens des priorités étant quelque peu douteux. "J'crois que j'ai fait une bêtise..."
Le peu de doutes qu'elle a à ce sujet se dissipent lorsqu'une vague blanchâtre emporte l'homme qui se ruait sur elle. Le clamant d'Althéa? Elle ne se questionne pas davantage. Elle n'en a pas le luxe. C'est cependant plus par réflexe que véritable volonté qu'elle dresse un nouveau bouclier qui l'englobe, elle et Althéa. Le tout pendant qu'un nouveau rire hystérique quitte ses lèvres avant de se noyer dans la marée neigeuse qui ne tarde pas à les submerger. Cette fête est décidément épique!

Althéa Ley Ka'Ori
Althéa Ley Ka'Ori
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Irys : 507592
Profession : Guérisseuse du Troisième Cercle
My'trän +3 ~ Suhury (femme)
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Althéa haletait sous l’effort, suffoquait de terreur. Elle était sonnée, et le hurlement du Khoral lui-même ne parvenait pas à assourdir les acouphènes dans ses oreilles. Ignorante des faits et gestes de son assaillant, elle s’était résolue à ramper dans la neige hostile dans l’espoir de se dérober à sa vue. Elle savait ses efforts vains, mais paradoxalement, elle ne trouva pas la force de s’abandonner dans la neige. D’autant que l’homme ne lui asséna plus aucun coup une fois qu’elle entreprit de lui échapper. A la place de cette menace, un bourdonnement affreux se substitua au sifflement aigu qui tourmentait ses tympans, et un vrombissement alarmant se transmit depuis le sol sur lequel elle reposait jusqu’à son corps endolori. Un séisme ? crut-elle.

La guérisseuse cligna des yeux à moultes reprises, comme pour éclaircir le flou devant ses yeux. Elle ignorait si sa vision était troublée à cause du froid qui devenait de plus en plus lancinant alors qu’elle s’éloignait (lui semblait-il du moins) du brasier qu’elle avait créé, ou davantage à cause du coup à la tempe. Ce qu’elle savait en revanche, c’est que les couleurs et les contours qu’elle commençait à percevoir plus nettement peignaient un tableau sinistre. En toute franchise, elle n’aurait pas hésité à demeurer dans sa cécité temporaire si le choix lui avait été offert.

Une voix surgit de nulle part, se muant de la note continue aux mots distincts en l’espace d’une demi-seconde, soit le temps qu’une poussée d’adrénaline lui permette de reprendre le contrôle sur la totalité de ses sens. Elle se redressa en titubant pour se placer dans une position défensive, prête à employer sa magie de la même façon qu’elle l’avait employée dans la mine Daënar.

Althéa se retrouva alors nez à nez avec Zora, et retint de justesse un coup malheureux. La rouquine lui avait parlé, mais elle ne parvenait à trouver ni un ordre ni un sens aux mots proférés, comme un rêve que l’on sait avoir vécu mais dont la précision des détails nous échappe. On ne retient que l’essentiel, que les généralités. Peut-être avait-elle parlé en une langue étrangère ?

Et puis la neige les engloutit, et Althéa se couvrit instinctivement le visage de ses bras.
Les giclées de neige furent projetées au-dessus de leurs têtes, et bientôt la divinité blanche recouvrit la totalité de leur petite bulle. Quelque peu hébétée, Althéa y vit là une très belle analogie de sa relation avec Zora. Elles étaient en quelque sorte piégées dans ce pacte tacite qui les unissait à la vie à la mort, et c’est de cette union qu’elles s’accrocheraient davantage à la première qu’à la seconde entité de Möchlog. Elle tressaillit ostensiblement et canalisa l’énergie en elle pour s’ajouter au bouclier de son alliée.

Sa tentative échoua, et une vague de panique la parcourut.
Sors de mes pensées ! ordonna-t-elle alors, à voix haute peut-être. Mais sous ses paupières, elle voyait son frère ; il lui offrit un sourire narquois auquel elle était habituée, et elle comprit qu’elle ne parviendrait pas à matérialiser de bouclier. Möchlog l’abandonnait dans une situation critique. Ou réservait-il ses forces pour l’avenir ?
Fort heureusement l’avalanche ne dura que le temps de quelques de secondes, qui semblèrent éternelles pour les deux comparses. Elles ignoraient l’épaisseur de la neige qui formait un plafond artificiel au-dessus du bouclier, mais il fallait profiter du répit pour remonter. Le bouclier de Zora vacilla, et Althéa tendit le bras vers le ciel, enveloppant son visage dans sa cape de son autre main.

La neige les ensevelit complètement, et la gravité s’estompa par la même occasion. Elles se retrouvaient comme portées par les innombrables flocons qui les enveloppaient dans une chaleur relative, puisqu’elles les isolaient des vents violents du Khoral tout en les livrant à la froidure inductive de la poudreuse. Elles furent emportées dans la foulée, mais Althéa fit au mieux pour garder son bras levé vers le ciel dans sa chute. Lorsque la neige finit de s’écrouler, elles ne pouvaient plus que se reposer sur leur instinct respectif pour déterminer la direction du ciel. Elle espéra que son bras lui indiquerait la bonne direction, car la puissance de la chute pouvait très bien lui avoir fait (ou lui jouer) des tours. Elle s’insuffla la force d’un fauve, car vous vous en doutez, cette vigueur lui manquait à l’état naturel. Elle fut extatique de constater que Möchlog vivait à nouveau à travers son corps, lui qui lui avait fait défaut plus tôt.

L’adepte dégagea alors la neige autour de son bras tendu, creusant les couches qui l’entouraient, puis elle s’efforça de pousser la neige vers le haut supposé. Lorsque le bras emprisonné fut complètement dégagé de l’emprise de la neige, elle employa ses deux mains à cet effet. Sa cape, qui enveloppait ses voies respiratoires, et son bras tenu en demi-cercle devant son visage lui avaient ménagé suffisamment d’espace pour respirer convenablement le temps de l’opération. Mais bientôt, ce fut un air plus libre qui fouetta ses doigts transis ; la neige n’était donc pas si épaisse qu’elle l’appréhendait. Elle se hissa vers la surface, le noir absolu cédant la place à une blancheur aveuglante, et elle redoubla d’efforts pour sortir ses jambes empêtrées. Elle inhala avec avidité cet air moins saturé et oppressant. Pour la première fois sans doute elle bénit la morsure de l’hiver sur sa peau, car il était synonyme de liberté.

« Zora ?! »

Son cri se perdit dans les rafales. Sans attendre, elle s’était mise à creuser frénétiquement, profitant de la force qui parcourait toujours son corps. Ses mains finirent par entrer en contact avec un corps familier, et elle tira de toutes ses forces pour la faire revenir à la surface. Dans le procédé, elle stimula sa condition physique pour limiter les dégâts du froid de l’asphyxie. Une fois auprès d’elle, elle vérifia spontanément les indices vitaux de la rousse. Elle la tenait allongée dans ses bras dans une pose qu’aucun autre contexte n’aurait permise.

Un léger bourdonnement prit écho dans son dos, et une quantité minime de neige dévala la colline pour s’arrêter bien en amont de leur emplacement. Il était courant qu’une avalanche en suive une autre. Les séries étaient plus fréquentes que les singularités dans ce domaine. En tant que Khurmis aguerrie, Althéa s’appliqua dès lors à anticiper la suite des évènements. Il fallait se dégager du trajet direct de l’avalanche.  

Il est insensé de dévaler une pente, aucun homme ne court plus vite qu’une avalanche ! Il faut fuir latéralement, c’est là que réside le salut, lui rappela une voix de son passé, de sa tribu. Au loin, elle avisa une pente escarpée, que dis-je, verticale, derrière laquelle elles pourraient se mettre à l’abri des coulées de neige. Cela impliquait une chute de plusieurs mètres et un atterrissage abrupt dans la poudreuse, mais elle espérait que sa magie de renforcement leur servirait à nouveau pour survivre à cette nouvelle mise à l’épreuve. Cette dernière devait par ailleurs être décidée par Möchlog en personne, sinon quoi d’autre justifiait une telle infortune ?

« On avance par là ! s’exclama-t-elle par-dessus la tourmente en indiquant la direction à prendre. »

Althéa commença à progresser dans la direction indiquée. Elle s’empêtrait à nouveau dans la neige, mais elle refusait de mourir bêtement. Ce serait le déshonneur pour sa patrie que d’être emportée par la neige ! Et puis une voix entendue plus tôt lui revint, et elle put enfin distinguer les différents mots que Zora lui avait dits lorsqu’elle était encore sonnée par terre. A retardement, elle répondit, oubliant momentanément le bon sens et le fait que Zora ne se souvenait peut-être même pas de ce qu’elle avait bien pu lui confesser à ce moment-là. A vrai dire, elle était mal en point, et il est probable qu’elle délirait un peu ; une pensée taraudait son esprit inapaisé, et l’adrénaline était retombée pour laisser place à l’engourdissement des sens par l’alcool.

« Oui oui, ça va mais… Quelle bêtise as-tu faite ? Et... tes vêtements sont en vacances ? »

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La chaleur d'une étreinte EmptyJeu 2 Nov - 6:03
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Roulée en boule dans cet écrin de neige qui ambitionne de la voir pousser son dernier souffle, Zora perd toute notion de temps ou d'orientation. Elle flotte dans les frêles nimbes qui séparent la conscience de l'inconscience. Ses pensées sont résignées mais également - et c'est étrange! - apaisées. Vivre lui semble un exercice aussi pénible que fatiguant. La mort, quant à elle, n'est plus une issue qui mérite d'être crainte. Le froid, la fatigue ou encore la douleur qui l'étreignent ne la tourmenteraient plus. Elle serait en paix.   Et elle pourrait renaître à nouveau.

Peut-être dans une vraie famille. Une famille qui la verrait grandir et s'émerveillerait de ses progrès, qui l'encouragerait ou la réprimanderait lorsqu'elle le mérite. Et en retour elle pourrait voir les siens évoluer à ses côtés jusqu'à ce que l'Oubli se manifeste. Möchlog la bénirait-il à nouveau? La choisirait-il encore pour appliquer sa volonté sur le monde? Ou confierait-il cette tâche à une personne qu'il jugerait davantage digne? Cette simple idée l'aurait plongée dans une colère noire encore quelques minutes plus tôt. À présent elle lui semble... insignifiante. Acceptable. Peut-être même préférable...

Ce qui était son orgueil lui semble à présent être devenu un poids. Elle a voué sa vie à satisfaire la sublime Chouette. Ce faisant, elle s'est coupée de ce qui caractérise une existence paisible. Elle n'a eu d'autre foyer que la foi qu'elle voue à l'Architecte qui a dirigé les multiples facettes de son vécu. Et pourtant le monde n'a guère changé. Les coups qu'elle a portés à l'hérésie ou à l'impureté qui le consument semblent vains. Si... dérisoires. À quoi bon se battre contre l'inéluctable?

Elle lâche un vague soupire qui se transforme immédiatement en volute. Puis elle ferme les yeux quelques secondes. Un infime instant pourtant suffisant pour l'éloigner de cette désagréable réalité qui est sienne. Un son retentit. Très faible. Presque entièrement étouffé par cette marée neigeuse qui l'a submergée. Cette voix lui est familière mais elle ne se souvient plus de celle qui la possède. Est-ce son esprit qui lui joue des tours? Le Khoral qui se moque d'elle une dernière fois?

Une main la saisit et l'extirpe de la neige en même temps que de ce rêve conciliant réalité et délire. La morsure du froid se fait plus intense. Le vent fouette sa peau et éprouve jusqu'à son âme. Elle regrette déjà la sépulture de glace et la relative tranquillité qui la caractérisait. Un visage se dessine au milieu de la grisaille qui envahit ce qu'il reste de son champ de vision. La cascade sombre des cheveux qui le flanquent lui évoque un souvenir qui n'a rien de lointain. Le bruit sifflant du vent s'accentue subitement tandis qu'elle émerge de son océan de torpeur. Et la réalité la frappe avec la même intensité qu'une vague s'écrasant contre des récifs. Althéa!
"J-j-j-je..."
Elle abandonne bien vite l'idée d'exprimer le moindre son cohérent: ses lèvres vibrent avec violence tandis que ses dents s'entrechoquent. La rouquine baisse le regard sur son corps dénudé, livré aux caprices de l'environnement le plus mortel de My'trä. Elle sent une force la soulever et son bras être glissé autours des épaules de sa camarade. Et elle se laisse faire avec la docilité qui sied aux cadavres. La disciple de Möchlog tente malgré tout d'ériger un bouclier qui la couperait quelque peu du froid et du vent. Mais sa tentative est condamnée au néant. Zora n'arrive même pas à tenir sur ses jambes. Pire encore: chacun de ses pas sur ce sol glacé est une véritable torture.

Elle tourne lentement son visage vers Althéa, cherchant comment exprimer le fatalisme qui lui commande d'abandonner les vagues espoirs qu'elle nourrit encore. Mais c'est la noiraude qui prend la parole. La rouquine entend les mots qui caressent ses oreilles mais n'en saisit guère le sens. Elle ne cherche d'ailleurs pas à le faire. Elle tente une nouvelle fois de parler mais le seul son qui quitte ses lèvres se résume à un râle qui brille par son absence de conviction. Elle oublie à nouveau l'idée de s'exprimer. La communication n'a jamais été son fort de toute façon...

~~~~~~~~~~

Lorsqu'elle ouvre les yeux le Khoral répand toujours grisaille et désolation autours du duo. Mais cette fois une tâche informe se trouve en face d'elle. Il faut de longues secondes à Zora pour comprendre qu'il s'agit d'une tente. Et l'espoir renaît en elle comme un feu se propage dans une forêt. Et avec lui une nouvelle énergie. Peut-être est-ce l'oeuvre d'Althéa qui aura eu recours à la magie pour l'épauler. Ou un présent de Möchlog en cet instant crucial. Ses pieds ne lui répondent plus. Mais elle ne s'en offusque guère. Et même si son équilibre est précaire elle se bat avec rage pour soulager le fardeau qu'elle représente pour Althéa.

Une fois à l'intérieur de cette havre de vie, elle se laisse sans grande difficulté choir au sol. Et plus exactement sur ce qui semble être de la paille. Des respirations ressemblant davantage à des reniflements agressent ses oreilles. Et une chose gluante envahit son visage tandis qu'un souffle chaud se déverse sur son visage. Elle frisonne et se laisse glisser sur le dos. Deux grands yeux l'observent avec un manque d'intelligence évident. En tournant le regard elle remarque alors que d'autres créatures semblent s'intéresser à elle. Et lorsque ses pensées s'accordent avec ses observations, elle comprend qu'il s'agit d'animaux.

Avec davantage de temps elle en aurait peut-être déduit qu'il s'agit du troupeau du clan qui les a accueillies. Que cette large tente dressée à l'écart de ce qui formait les demeures de ces autochtones sert à les abriter pendant l'incomparable hiver de cette région. Mais Zora ne voit rien d'autre qu'une opportunité. Elle sait ce qu'elle doit faire. Mais le doute qui subsiste n'est pas relatif à la théorie mais bien à sa mise en pratique. Il lui faut d'ailleurs un temps qui lui semble interminable pour ramper vers la lame accrochée à l'un des supports en bois de la tente. Davantage encore pour l'en déloger, manquant de peu de se blesser lorsque l'objet qu'elle convoite choit au sol. Elle a besoin de ses deux mains pour s'en saisir tant ses tremblements lui compliquent sa mission.

La rouquine se sent vidée, aussi faible qu'un enfant qui viendrait de naître. Ce constat fait naître en elle une rage qu'elle ne connaissait pas. Peut-être parce que c'est la peur qui l'anime et non l'habituelle haine des autres. C'est réconfortant et déstabilisant à la fois. Mais également suffisant pour lui donner la force qui lui fait tend défaut. Elle frappe une fois. Elle réitère sa frappe. L'animal s'effondre sur le sol d'un coup sec tandis qu'un flot de sang chaud se déverse sur la paille de ce qui fut sa couche.

Elle rampe alors sur le flanc du cadavre, haletante, focalisant toute sa attention sur la mission salvatrice qu'elle s'est elle-même confiée. Puis elle enfonce une troisième fois sa lame dans le ventre de la bête. Elle s'appuie ensuite de tout son poids sur la poignée pour forcer la lame à déchiqueter le cuir épais de l'animal. Les viscères apparaissent à leur tour. Ses mains se referment avec volonté sur les boyaux qu'elle extirpe lentement de leur écrin. Puis elle les remplace, se glissant à l'intérieur avec difficulté. Althéa l'a-t-elle aidée? Elle ne saurait le dire tant elle est incapable de se concentrer sur autre chose que cette promesse de survie.

La chaleur oppressante se substitue peu à peu au froid implacable qui ravage ces terres. Elle ne le savoure pas tout de suite. Tout comme elle ne prête pas attention à la chaire, aux organes ou au sang qui entendent lui disputer le peu d'espace dont elle dispose. C'est même un sourire qui se dessine sur ses lèvres gercées lorsqu'elle se sent à nouveau tomber dans l'inconscience. Car cette fois, elle sait qu'elle se réveillera...

~~~~~~~~~~

Cette dernière pensée est également la première qui se manifeste lorsqu'elle quitte le néant du sommeil. Sa demeure de chair est encore tiède mais le froid, cette menace qui fut un bref instant lointaine, n'est pas encore un mauvais souvenir. Zora s'extirpe de ce que certains auraient pu considérer comme un cercueil, ne prêtant guère d'attention au sang qui ruisselle sur sa peau ou ses cheveux. Tout comme elle ne s'attarde pas non plus sur les immondices qui la maculent. Ce qui l'inquiète, en revanche, c'est la couleur bleutée de ses extrémités. Fort heureusement les quelques heures de repos - peut-on appeler ça ainsi? - qui la séparent à présent de cette nuit étrange lui ont permis de reconstituer une part de ses réserves de magie. Des halos dorés ne tardent ainsi pas à envelopper les zones meurtries de l'anatomie de la rouquine.

Mais le temps prend également une part prépondérante dans un processus de guérison. Et le froid a été si intense qu'il faudra sans doute de nombreuses heures avant que la magie fasse réellement effet. Des heures pendant lesquelles elle devra faire preuve de patience. Or la plupart des gens savent que ce n'est pas son fort. À commencer par Althéa qui est allongée un peu plus loin. Dort-elle ou n'a-t-elle simplement pas envie de discuter. Si les rôles étaient échangés alors la rouquine n'aurait peut-être pas envie d'échanger avec la personne qui représente plus un poids qu'un avantage. Zora est consciente qu'elle n'a pas été une alliée digne de ce nom.

Mais elle sait également qu'elle aura l'opportunité de payer cette dette grandissante envers la noiraude lorsqu'elles seront sur d'autres terres. Là où ses connaissances surpasseront celles, impressionnantes, qu'Althéa à de sa région. Fort heureusement le monde ne se limite pas qu'à Khurmag. Il existe des endroits où le soleil brille. Où elle pourra faire face avec moins d'insouciance aux dangers qu'elle connaît. Elle saura se faire pardonner. Pour peu qu'elle en ait besoin...
"Cette avalanche n'était pas une bonne idée..." déplore-t-elle sur le ton de l'évidence. "La prochaine fois que je commets une erreur aussi stupide que celle-ci, laisse-moi mourir!"
L'alcool et ces curieux biscuits ont altéré son jugement, bien sûr. Mais ce serait trop facile de rejeter la faute sur ces poisons. C'est elle qui a porté la coupe à ses lèvres et dévoré ce qu'elle savait par la suite être une sorte d'aphrodisiaque. Elle s'est mise elle-même dans cette situation. Et elle s'en veut suffisamment pour le reconnaître. Un exercice auquel elle n'est guère habituée. Et suffisamment difficile pour qu'elle n'ait pas envie de s'attarder sur le sujet.
"Enfin... On aura tout de même réussi à s'amuser un peu!" tente-t-elle de relativiser. "Jusqu'à ce que tu leur donnes le nom de ta tribu, tout du moins. Qu'est-ce que les tiens leur ont fait pour qu'ils se mettent dans un état pareil?"
Elle n'a que de vagues souvenirs de la nuit écoulée. Des rires, de la musique, quelques bribes de dialogues qui résonnent péniblement dans son esprit. Mais elle se souvient du contexte général. Et, surtout, de ce qui a déclenché les hostilités. Pousser cet homme dans le feu n'était pas non plus une bonne idée. Pourtant elle doute qu'Althéa aurait pu désamorcer le processus qui s'était alors engagé. Ils auraient voulu leur peau. Ou, du moins, celle d'Althéa. Et cette idée est suffisamment déplaisante pour pousser la rousse à agir. Qu'elle le veuille ou non, Möchlog la souhaite à ses côtés. C'est peut-être ce qui a poussé la noiraude à la sortir de la neige et à la mener jusqu'à la relative sécurité de cette tente. Qu'elles le veuillent ou non, elles sont liées. Avec toutes les contraintes que ça implique. Les côtés positifs de cette alliance, de leur côté, se font un peu attendre. Mais le temps aidera. Il aide toujours.
"Hey? Tu m'écoutes?"
Elle se penche en avant pour saisir l'épaule de la jeune femme mais un brusque courant d'air traverse la tente. Et avec lui, la lumière pâle qui filtre à travers le Khoral. Deux silhouettes font leur apparition. Deux femmes qui marquent un temps d'arrêt sur le seuil de l'entrée. Une lame se lève dans leur direction. Mais pas pour offenser. Plutôt pour indiquer que la main qui la tient est prête à se défendre.

Zora observe la seconde personne. Elle est également mal en point même si elle a la chance d'être vêtue. La rouquine reste pourtant silencieuse et se contente d'attendre, les mains repliées contre son corps pour le préserver de ce froid inopportun qui se mêle à la douce chaleur dégagée par les animaux présents. Elle garde les yeux rivés sur les deux intrus qui s'installent en face d'elle, visiblement éprouvées par l'effort.

La disciple de la Chouette n'a pas le force de s'en prendre à elle. Ni l'envie, à vrai dire. Peu importe les griefs qui séparent les deux camps, il est ici uniquement question de survie. Alors elle leur adresse un vague signe de tête comme pour leur signifier qu'elle accepte cette trêve imposée par le Khoral.

En sera-t-il de même pour Althéa?



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La neige étouffe les sons, la clarté se fait rare. Althéa est plongée dans une immobilité mortuaire, baignée dans un manque de sensations qui décuple les sentiments.
La guérisseuse reposait ainsi, inerte dans le foin, peu certaine que ce support lui procurait une réelle isolation du froid hurlant. A plusieurs reprises, un Erch s’était aventuré près d’elle, mais elle avait râlé jusqu’à ce qu’il fuie. La couchette était loin d’être de premier choix, mais elle avait le mérite d’être plus enviable que leur lit de neige précédent. Elle jeta un coup d’œil à Zora, qui gémissait dans son sommeil. Incapable de rejoindre les bras de Morphée pour l’instant, elle se tira donc bon gré mal gré à ses côtés, réalisant par la même que le foin avait bel et bien des qualités isolantes puisque sa présence réconfortante céda la place à la morsure de l’air ambiant. Elle ôta une mitaine pour prendre la température de la rousse, et constater sans surprise que sa température s’élevait au-delà de la moyenne – et pour une fois, ce n’était pas une prouesse que de battre un record. Le choc thermique avait probablement altéré ses défenses naturelles Actimel !, d’autant plus qu’elle était entièrement… dévêtue… Althéa retira sa cape et la jeta à regret sur le corps fiévreux, dans un souci de pudeur autant que de guérison.

Plus tôt dans la nuit, elle avait peiné à la porter sur son épaule. Son projet initial de sauter en contrebas, et rejoindre leur tente avait été avorté lorsque la rousse s’était évanouie contre elle, dans son plus grand désespoir. Lui attribuait-elle des airs de sauveuse ? Toutefois, elle avait employé ses forces restantes pour renforcer sa vigueur physique, et elle s’était exécutée. Elle avait basculé ce corps pâle, qui la dépassait d’une dizaine de centimètres pourtant, et qui reposait sur son instinct de survie seul pour préserver la vie qui l’animait. Elle l’avait traîné sur une distance qui lui avait paru interminable, dans un environnement paraissait-il de plus en plus hostile. Elle n’en voyait la fin mais elle ne pouvait raisonnablement se permettre de la reposer au sol, sans quoi elle ne trouverait plus jamais la force d’avancer. Sans la présence de cette chaleur ténue sur son épaule, elle se serait abandonnée dans la neige qui avait été là pour elle toutes ces années durant.

Finalement, elles s’étaient toutes deux écroulées là, dans cette ménagerie improvisée, parmi les cochons et les erchs, avec une Zora nue comme un ver pour compléter l’animalerie. Exténuée, Althéa n’était point parvenue à fermer l’œil, et la voilà à présent qui recouvrait Zora de sa cape pour qu’elle survive un peu plus longtemps à la froideur. Elle n’avait pas porté ce fardeau pour qu’il dépérisse ensuite du gel !

Elle s’effondra tout près, et s’endormit profondément, lavée de toute pensée contrariante.

***

« AAAAH ! »

Dans un mouvement de recul, elle avait poussé ce cri du cœur, visiblement apeurée. Il était rare de la voir paniquer, mais il fallait dire que la situation s’y prêtait ! Zora l’avait prise de court, plus surprenante que jamais ! A côté d’elle, un animal éventré sommeillait, ou plutôt, la rouquine sommeillait en son sein. Ce tableau insolite, et abject plus que tout, poussa Althéa à s’écarter quelque peu pour vomir ses tripes. L’ironie du sort ! Vomir ses tripes devant la vision de celles, à ciel ouvert, de l’animal écartelé ! Il fallait accorder aux architectes un sacré sens de l’humour !

« Möchlog, préserve la vie autrement, je t’en prie, je t’en supplie à genoux ! Tu connais ma répugnance de… l’intérieur… des corps, et mon admiration pour tes créations si belles lorsqu’elles sont indemnes. »

La disciple de Möchlog, après sa parodie de prière, s’empara de la cape délaissée par la rouquine. Elle s’allongea de nouveau dans la paille, affligée de cette étrange impression de toucher indirectement le corps nu de sa comparse en s’enveloppant ainsi du tissu dont elle seule s’était parée jusqu’à ce jour. Elle tourna ainsi le dos à l’entrée de la tente et à la clarté de la lune qui descendait sur elles malgré (ou grâce) au vent du Khoral, dans une trêve bienvenue ; elle tourna le dos à cette vue abominable digne des contes d’horreur à ses yeux.

Une perle refléta la lueur indirecte de la lune, parfaitement sphérique, entièrement humide. Elle scintilla timidement sur son perchoir, avant de rouler le long de l’arête du nez, laissant une trainée de son essence le long de la peau claire. Elle s’écrasa sans bruit sur le sol, éclatant en de milliers de mini-clones que créèrent les fétus de paille en s’interposant à sa chute. D’un geste rageur, Althéa essuya la larme suivante avant qu’elle ne clame sa liberté, irritée d’une telle démonstration de faiblesse. Son frère s’accrochait à ses pensées, et une constatation troublante s’ajoutait à leur flux désordonné.

Quevven avait infiltré son caractère et sa personnalité, ses ambitions et ses pensées. Avec une détermination farouche, et sans le moindre effort, il dictait sa destinée aussi sûrement que les architectes. Au-delà de cette vérité qu’elle avait acceptée depuis longtemps, elle pouvait maintenant compléter son analyse par une idée pénétrante, qui la faisait frissonner avec plus d’assurance que la neige qui s’infiltrait à travers le tissu de la tente et leurs coussins de paille. Son frère, son mentor, limitait ses capacités magiques. Il était la figure de l’effroi qui paralysait sa foi. Et quelque part elle retrouvait ses valeurs, celles inculquées dans son enfance, dans les faits et gestes de Zora. Et cela expliquait en partie son blocage, lorsqu’elles avaient été avalées par l’avalanche, et qu’elle s’était trouvée incapable de matérialiser quelque bouclier salvateur.

La jeune Ley Ka’Ori se rappelait mieux que jamais les nombreuses sessions où il avait attisé sa haine à l’encontre des anomalies, des Daënars, de la Technologie, qu’elle pourchassait à présent. Poursuivait-elle ses desseins ou les siens ? Où s’arrêtait son ego, et où commençait celui de son alter ego ? Zora était-elle vouée à prendre la place d’un être qu’elle avait tenté, vainement, momentanément seulement, de repousser ? Quelques mois auparavant, par un plein mois d’été, elle avait discuté avec une pérégrine, qui répondait au nom de Luka. Elle n’en avait rien montré alors, mais cette dernière l’avait persuadée de prendre de la distance avec cette entité supérieure en tout point, ce frère tyrannique qui décidait de tous ses désirs. Inconsciemment, elle s’était affiliée à une autre personne, identique en de multiples points, et qui s’incarnait en Zora. Tout en elle ramenait à sa mémoire les préceptes de vie fraternels.

Ce destin, elle l’embrassait sans hésitation, mais un doute poignant subsistait quant aux réelles intentions de Möchlog. Il lui faudrait résoudre cette interrogation, appréhender sa place. Ces signes sur son chemin lui indiquaient-ils une vie sans émotions, en tant que sbire sans scrupules et exécutant de la volonté divine, ou portaient-ils davantage à la mener vers une indépendance qu’elle n’avait su prendre jusqu’alors ? Il y avait des avantages à se laisser porter par le courant… Ses paupières recouvrirent ses iris et ses ennuis.

***

Une seconde à peine après s’être endormie, une main secoua son épaule pour la réveiller. La difficulté avec laquelle elle entrouvrit les yeux lui apprit que son sommeil avait été plus long que ce que sa perception lui dictait. Par ailleurs, des rêves illogiques parsemaient ses pensées de nudité, de monstres yétis des neiges et de paillettes suivant l’air du vent, ce qui indiquait deux possibilités ; soit elle devenait givrée, soit elle avait dormi une bonne heure au moins. D’un sommeil peu réparateur, certes, mais une bonne heure tout de même ! Alors qu’elle se redressait, deux femmes s’invitèrent dans leur refuge, et personne n’eut la force d’adopter une posture plus agressive que de raison. Elles s’assirent en face d’elles, ménageant l’espace nécessaire pour marquer deux camps distincts, les deux intruses d’une part et Althéa et Zora de l’autre. Un silence malaisant s’installa entre les quatre jeunes femmes, et Althéa s’éclaircit la gorge comme pour le combler. Deux regards interrogateurs se posèrent sur elle, comme interpellés par cette toux. Elle était maintenant forcée de prendre la parole, elle qui au contraire souhaitait l’inciter chez autrui.

« Je tiens à m’excuser pour la discorde que nous avons semée… lança-t-elle à tout hasard.
- Epargne ta salive, mon enfant, nous n’avions aucune affiliation avec ces rustres.
- Nous sommes des filles de joie, précisa la deuxième, visiblement plus jeune.
- Enfin quand même, vous avez tué notre gagne-pain. Et la concurrence est rude ces derniers temps !
- Ah… Nous n’étions pas vraiment au courant des aléas du marché de la prostitution, croyez-moi. Nous vous aurions certainement ménagé un ou deux clients, fit-elle avec son cynisme habituel, évidemment peu convaincue de ses propres paroles.
- Malgré tout, reprit la première, vous auriez pu épargner les gosses. »

Althéa fronça les sourcils, mais se retint de regarder dans la direction de Zora (elle était nue par ailleurs, cela ne l’aidait guère à établir un contact visuel). De quels enfants parlait-elle ? Il n’y en avait aucun à la fête ! A moins que … Elle improvisa donc un rebondissement :

« Que diriez-vous d’aller chercher de quoi vêtir mon amie, et la vôtre ? »

La plus âgée opina du chef, et elles s’engouffrèrent hors de la tente. Elles allèrent fouiller les deux tentes qui avaient survécu à l’incendie et constituaient principalement des abris aux vivres et aux ressources de la tribu. Elles finirent par dénicher une couverture, et un manteau (lequel elles trouvèrent à même le mannequin !). Althéa en profita pour jeter un coup d’œil à la scène avec un regard plus global qu’auparavant, lorsqu’elle était motivée par l’urgence de survivre. Deux tentes avaient brûlé entièrement, l’une étrangement bien éloignée du foyer du feu. Quelques braises se consumaient çà et là, mais les cadavres se faisaient discrets. Néanmoins, elle devina que la deuxième tente, en vue de sa grandeur, devait être un dortoir pour les enfants, si son sens de la déduction faisait le bon lien entre les cadavres de taille réduite qui y étaient calcinés, l’absence de Zora lorsqu’elle se faisait laminer, et les dires de la fille de joie. Elle soupira.

« T’es troublée, chérie, je le sens.
- Vous devez être devin, ironisa-t-elle.
- A vrai dire… Je lis les volontés des architectes, oui. Mais il m’a suffi de lire ton esprit pour comprendre. »

Althéa lui lança un regard noir, accompagné d’une pensée violente qu’il serait inapproprié de retranscrire ici. La femme eut un sourire qui mêlait bienveillance et amusement, sans doute habituée à de telles réactions de rejet et à de pires insultes.

« Ne sois pas si véhémente, je n’utilise pas mon savoir à mauvais escient. Au contraire, on dit de moi que j’illumine le chemin par temps d’obscurité.
- De grands mots pour pas grand-chose, je suppose. Quant aux gosses, ils sont mieux là où ils sont qu’orphelins. Il n’y a pas de place pour les abandonnés. »

Elles s’engouffrèrent dans la tente, et Althéa présenta le manteau à sa partenaire, détournant inconsciemment le regard de ce corps nu, et maintenant ensanglanté par son séjour au plus profond de l’intimité de l’animal qui gisait mort. A cet instant plus que jamais elle appréciait que le port de vêtements fût un standard chez la majorité des my’träns.

« J’ai ressenti votre présence depuis longtemps, annonça la doyenne du groupe sur un ton bien trop mystique au goût d’Althéa. Mais j’ai préféré lire votre avenir, et déterminer mon rôle dans votre présent, avant d’engager une telle conversation. Désirez-vous en apprendre plus ? »

Althéa leva les yeux au ciel, s’enfonçant profondément dans la botte de foin où son empreinte était à présent ancrée comme une trace de pas dans la neige. Devant le regard impénétrable, mais pressant, qui reposait exclusivement sur elle, la guérisseuse haussa simplement les épaules, sur la défensive car elle se sentait comme acculée.

« Je n’y croirai pas quoi qu’il advienne.
- Je peux vous prouver ma bonne foi. Ma jolie, reprit-elle en s’adressant à présent à Zora. Qu’aimerais-tu savoir sur ton amie brune ? Que ce soit sur son passé, son présent ou son avenir, j’entends. »


Dernière édition par Althéa Ley Ka'Ori le Dim 26 Nov - 22:56, édité 1 fois

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La rouquine jette un regard offensé à Althéa lorsque cette dernière s'excuse auprès des deux intervenantes. Pourquoi mériteraient-elles une telle considération? Les deux disciples de la divine Chouette n'ont rien fait sinon se protéger de ce clan qui entendait les soumettre aux instincts de leurs représentants mâles puis, finalement, les tuer. Présente-t-on des excuses au moustique que l'on écrase alors qu'il tente de vous subtiliser du fluide vitale? S'excuse-t-on d'être placé au sommet de la chaîne alimentaire? Les propos de la noiraude sont parfaitement déplacés. Et le soupire agacé de Zora ne fait que souligner la considération qu'elle a leur égard.

Mais lorsqu'elle apprend que les deux nouvelles arrivantes sont des prostitués, son ressenti se reporte immédiatement sur elles. Voilà bien une... profession pour laquelle elle n'a que peu d'estime. Ou plutôt, aucune estime. Vendre le corps offert par Orshin et vouer l'existence octroyée par Möchlog à autrui? Cela ressemble à une mauvaise plaisanterie khaaralite... Forcément, parmi tous les gens qui auraient pu rejoindre cet endroit de calme au milieu de la tempête, il a fallu qu'il s'agisse de la lie de l'humanité. Voilà qui accentue une humeur qui n'a jamais rien de bien agréable au réveil...

Et forcément, Althéa ajoute encore une petite touche irritante à cette situation déjà bien déplaisante. Leur ménager des clients? "Et puis quoi encore...". Ces mots quittent ses lèvres sans qu'elle s'en rende vraiment compte. La rouquine exprime à haute voix ses pensées, rien de plus. Ce n'est pas l'expression d'un désir de communiquer avec ces intervenantes qui mériteraient de crever dans le Khoral. Des enfants sont finalement évoqués. Des souvenirs semblant déjà lointains remontent peu à peu des tréfonds de sa mémoire. Ha oui, c'est vrai...
"Ils ont été particulièrement désagréables!"
Une justification un brin déplacée pour un tel acte de cruauté. Zora pourrait invoquer son esprit obscurcit par l'alcool ou la drogue. Ou encore le fait que la situation ne laissait que peu de place à la plus élémentaire des pitiés. Mais le fait est qu'elle n'estime pas nécessaire de répondre de ses agissements. Seuls les coupables tentent de se justifier. Et elle, elle est l'instrument de Möchlog. La rouquine se contente d'exposer un fait. Le tout en haussant les épaules pour mieux trahir une absence totale de remords. Un sourire vague s'installe même sur ses lèvres. Comme si elle se remémorait un souvenir particulièrement plaisant.

Toujours est-il que la noiraude démontre une nouvelle fois son utilité en proposant à l'une des prostitués d'aller chercher des vêtements pour vêtir la rousse. Et, accessoirement, l'autre personne présente. Zora se retrouve ainsi rapidement en compagnie d'une personne qu'elle est sûrement trop faible pour tuer mais qu'elle rêve pourtant de voir trépasser. Le regard qu'elle adresse à l'intéressée est d'ailleurs fort semblable à celui d'une enfant découvrant un jouet voué à subir le plus flagrant des manques de soin.

Le silence est vite pesant mais la rouquine s'en accommode plutôt bien. Son regard se balade partout sauf sur la femme qui lui tient compagnie. Le tout pendant qu'elle se recroqueville pour mieux garder captive une chaleur qui ne demande qu'à s'envoler. Mais toute bonne chose à une fin. Et pendant que la disciple de Möchlog se surprend à attendre avec impatience le retour de son alliée, l'autre décide de prendre la parole.
"Vous savez vous avez..."
"Ha non! Non non non!" prévient-elle. "Je ne sais pas si tu as remarqué mais j'ai passé une sale nuit! Inutile de me pourrir ma journée en prime! Mon mal de crâne s'en charge déjà très bien tout seul! Économise ta langue pour tes futurs clients!"
Comme si elle se recouvrait par plaisir de sang et autres résidus d'organes... Et puisque sa magie est focalisées sur les engelures et autres désagréments imposés à son corps par le froid, elle n'a pas vraiment l'énergie de contraindre au silence les suppliques de son crâne. Dès lors elle n'entend pas subir une discussion qu'elle estime déjà aussi stérile que vaine avec cette créature dénuée de la plus élémentaire fierté. À chaque jour suffit sa peine, dit-on. Et force est de constater que cette journée s'annonce des plus désagréables à ce niveau-là...
"Mais vous avez un morceau de... chose juste-là, dans vos cheveux!"
"Dernier avertissement!" siffle-t-elle en retour.
"C'est dégoûtant..." insiste l'autre.
"Et c'est parti pour la purification!"
Elle se penche en avant et tente péniblement de se rapprocher de l'indélicate. Sa seule envie? Refermer ses mains autours de la gorge de cette dernière. Elle ne sait pas si elle en sera capable. Mais comment pourrait-elle en avoir le coeur net si ce n'est en essayant? Des bruits de pas l'interrompent toutefois dans son effort et la forcent à la retenue. Ce n'est que partie remise...Toujours est-il que des voix qui portent des propos déformés par le khoral précèdent l'arrivée de la noiraude et de la vieille qui l'a accompagnée. Zora accueil à bras ouverts la protection vestimentaire qu'Althéa lui a apportée. Elle se drape rapidement dans ce gage de survie avant de décocher un vague regard de remerciement à sa comparse.

Mais il s'avère rapidement que la doyenne de cet improbable quatuor a la langue encore plus pendue que sa cadette. La rouquine lève les yeux au ciel pour marquer son agacement avant de décocher un regard noir à celle qui prétend connaître l'avenir. Une prostitué maîtrisant de tels pouvoirs? Ces inepties lui donnent envie de vomir. À moins que ce ne soit l'odeur pestilentielle qui émane des restes de la bête qui lui a servi de litière? La question est ouverte...
"Mais par tous les Architectes!? Les prostituées ne savent donc pas se taire?" s'emporte-t-elle. "Le fait que nous partagions la même tente n'implique pas que nous ayons à subir ta folie, la vieille!"
Que faire? Les payer pour qu'elles se taisent? Le but des prostitués n'est-il pas de satisfaire les clients, peu importe leurs fantasmes? Seulement les irys sont une denrée dont Althéa et elle auront besoin dans un futur proche. Les gaspiller pour un peu de tranquillité n'a pas le moindre sens. Et Zora doute que la noiraude accepte l'idée de s'en débarrasser. Or seule contre ces deux impies, la rouquine n'a aucune chance. Elle se sent prisonnière d'une situation aussi désagréable que réelle. Ô joie...
"Et je ne suis pas ta jolie! Je suis ta future Impératrice!" nuance-t-elle avec l'agressivité qui la caractérise. "Et si j'étais toi je ne me soucierais pas du rôle que tu peux avoir dans notre présent mais de celui que je te réserve - à toi et à ta chienne de compagnie - dans le futur!"
Pour une personne qui prétend lire l'avenir, ses capacités semblent fort limitées si elle est passée à côté de cette information capitale. Mais elle doit pourtant reconnaître que la doyenne vient de lui proposer un jeu amusant: la questionner à propos d'Althéa! Ce n'est pas vraiment la réponse qui l'intéresse. Elle ne pourrait de toute façon pas se fier à ce qui naît dans l'esprit tourmenté de cette vieille folle...

Quant au présent ou au passé d'Althéa, ça ne l'intéresse pas! Seul le futur importe. C'est la seule facette du temps qui échappe à la plupart des certitudes. Et, donc, la seule véritablement digne d'intérêt. Zora pousse un soupire résigné alors que l'irritation laisse peu à peu place à la curiosité. Cette vieille souhaite jouer? Soit!
"Très bien..." cède-t-elle. "Une question, hein? Alors dis-moi, la vieille: que fera Althéa pendant que je te couperai les doigts pour te les fourrer dans la gorge? Mmmh?"
D'avantage que les inepties qui ne manqueront pas de franchir ces lèvres souillées, c'est davantage la réaction de la noiraude qui intéresse la rouquine. C'est donc vers elle que le regard ambré de Zora est tourné. Mais Zora, justement, est loin de se douter que la vieille en question est une Maîtresse des arcanes de Khugatsaa. Et que les apparences n'ont jamais été aussi trompeuses qu'en cet instant...

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Althéa écouta les élucubrations exténuantes de la doyenne d’une oreille distraite. Son attention se portait toute entière sur un détail de la scène qui lui avait échappé jusqu’alors ; une hideuse balafre déformait impitoyablement un certain minois à un mètre de leur interlocutrice - celui de la plus jeune des deux péripatéticiennes. Elle se devinait très mal dans la pénombre, mais l’œil attentif savait la discerner. Elle formait une crevasse sans grâce qui pourfendait la délicate joue du sommet de la pommette gauche à la commissure des lèvres. Ce faisant, elle empiétait quelque peu sur la supérieure, en cela qu’elle l’amincissait drastiquement en cet endroit, tant et si bien que la lèvre paraissait moins charnue qu’ailleurs, voire inexistante. La chair se précipitait volontiers dans le fossé ainsi formé, comme l’eau s’effondre en haut d’une cascade, afin d’enlacer la chair homologue de l’autre côté du vide. Mais cette étreinte n’avait rien de romantique ; le tout se résumait en un portrait difforme sorti de la genèse-même d’une infâmie.

Outre l’interrogation qui portait sur son habilité à satisfaire la gente masculine avec une telle laideur en travers du visage, une question d’un autre ordre moins érotique occupait ses pensées. Quelle était son histoire, quelles étaient ses épreuves ? La guérisseuse était réputée (parmi ses proches, il faut le préciser) pour son indifférence aux maux d’autrui. Malgré tout, sa curiosité lui procurait un sens aigu de l’insatisfaction perpétuelle, de la soif inassouvie qui jurait avec l’impassibilité avec laquelle elle recevait toute information nouvelle.
Curiosité et indifférence font de bien piètres amants.

La disciple de Möchlog garda ainsi le silence, mais tenta tout de même, avec force de micro-mouvements, à capter le regard de la jeune femme. Cette dernière se contenta de se balancer d’avant en arrière, les yeux résolument fixes. Elle finit par suivre la trajectoire de son regard pour s’arrêter au sommet du crâne de Zora. Elle mit quelques instants avant de distinguer nettement cette proéminence sur sa tête qui n’avait rien de naturel. A moins que des cornes n’aient poussé sur sa tête ? Althéa s’en trouva fortement agacée que la Khurmis se focalise ainsi sur cette broutille. Elle tendit le bras pour retirer le morceau de viscères qui s’entremêlait encore avec la rousse chevelure, et manqua de céder à sa nausée au contact aussi visqueux qu’il n’était inattendu. Elle le jeta très loin derrière, essuyant avec dégoût le sang sur ses vêtements, et en regrettant de ne pas avoir réfléchi à ce dont elle allait se saisir avant de passer à l’acte.
Pendant ce temps, l’autre femme déblatérait toujours.

« Tu ne feras rien de tel, Zora, répondait-elle avec assurance. Althéa t’en empêcherait, et même si elle ne le faisait pas, je pourrais te convaincre de manger tes propres doigts sans bouger celui-ci. »

D’un air provocateur, elle fit danser son petit doigt sous leurs yeux. La situation allait s’envenimer. Ou tourner au vinaigre, selon si l’on avait affaire à un serpent ou une salade.

« Elle dit vrai, Zora, intervint Althéa. Elle maîtrise les dons de Khugatsaa. Autant écouter sagement les prédictions si gentiment offertes. »

Il valait mieux l’inciter au calme avant que la prostituée ne fasse une démonstration de ses pouvoirs. Elle avait pu voir le griffon ivoire à l’œuvre, et le résultat n’était pas souvent à l’avantage de la victime. Elle les gratifia néanmoins d’un sourire rassurant, comme pour signifier qu’elle était toujours disposée à leur dispenser ses dires de bonne aventure.

« A mon tour, n’est-ce pas ? Jusqu’alors rien ne prouve que vous ne soyez pas une simple liseuse de pensées. Prédire le futur, c’est une autre paire de manches. Dites-moi si...
- ... Zora sera bel et bien impératrice ? … (Elle prit une longue respiration, manifestement ravie)… vous serez toutes deux impératrices… d’une certaine façon. Du moins si votre alliance perdure.
- Le futur semble aussi trouble pour vous qu’il ne l’est pour nous.
- Il est vrai, les possibilités sont innombrables. Mais je peux vous assurer en revanche que votre entrevue avec Aldin se déroulera si bien que vous gagnerez presque instantanément sa confiance.
- J’en tombe des nues. Somme toute, vous n’êtes clairvoyante qu’en ce qui concerne le futur immédiat et inévitable, ce qui limite considérablement la portée de votre don. J’ai presque cru que vous étiez bénie des architectes.
- Je peux également vous donner le secret de votre possible réussite. Je n’ignore pas l’aspiration qui vous unit, toutes les deux, Zora et Althéa, deux êtres si … opposés de nature. Althéa, tu as déjà la réponse, si ce n’est partiellement. Ce n’est pas uniquement par la violence que vous triompherez. Ce qui vous mènera au pouvoir, ce n’est ni une gratuité dans la violence, ni les élans impulsifs du meurtre. Ils feront partie de vos machinations, à n’en point douter ! Et même plus que de raison. Mais c’est beaucoup de ruse et de fortuité dont il faudra user. Vous êtes ambitieuses de croire que vous pourrez réduire à néant la Technologie sans aide extérieure. Ou intérieure. »

Althéa soupira sans retenue. Tant de mots futiles ! Sans but, sans bien-fondé, sans cohérence, sans valeur ! Somme toute, sans intérêt ! Elle-même aurait su mieux mentir, mieux mystifier, mieux manipuler.
Devant son apparent scepticisme, la deuxième prostituée crut bon d’intervenir afin d’égaler le niveau de pénibilité de son amie.

« Vous feriez mieux d’accorder de la valeur à ses mots, les remettre en cause m’a valu une… une refonte de mon visage… J’étais incrédule comme vous, elle m’a prévenue qu’un client me voudrait du mal, elle m’a prévenue qu’il fallait refuser ses folies faites au nom d’un prix plus fort. Elle m’a prévenue que ça n’en vaudrait pas la peine. Mais je n’ai vu que sa bourse… et puis sa lame, si… si proche… »

Althéa, une fois n’est coutume, retint une plaisanterie acerbe sur le terme de "bourse" qui aurait été de mauvais goût en vue des circonstances. Elle se contenta de l’observer d’un air grave, presque compatissant. C’était le masque qu’elle arborait lorsqu’elle œuvrait au dispensaire. C’était le secret de tout adepte dévoué de Möchlog ; s’en moquer éperdument en ayant l’air parfaitement investi. Des histoires de filles de joie, elle en avait récolté par centaines, et si elles ne la touchaient qu’en surface, elles avaient le mérite de satisfaire sa collecte frénétique de détails sur les vies étrangères. Après tout, elle avait enfin obtenu une réponse à son interrogation muette.

« J’en suis navrée,  déclara-t-elle en dépit de son détachement. »

La doyenne afficha un sourire dur face à l’hypocrisie de la guérisseuse qu’elle dissimula néanmoins aux yeux de son amie, par égard pour sa sensibilité de toute évidence.

« Je ne vous demande pas de me croire, après tout, je ne me croirais pas moi-même si j’étais à votre place. Mais je puis cependant vous proposer un marché qui devrait vous convenir. Je peux employer mes dons de voyance à mettre en évidence les axes majeurs de votre destinée, c’est-à-dire les plus plausibles à l’heure actuelle. Pour certifier mon honnêteté, j’en prédirai des détails que vous ne pourrez manquer selon la voie que vous emprunterez. Cela peut être une gravure, une couleur, un sentiment fugace, un nom de taverne… Des choses dont je ne peux même pas supposer l’existence mais que vous reconnaitrez instantanément en les voyant. J’appelle ces signes des "totems" ou des "reliques". Ils seront les garants que je n’emploie pas de belles paroles à simplement deviner ce qu’il adviendra, et qu’une bonne prédiction de ma part ne sera pas le résultat d’une chance inouïe dont je serais dotée.

En échange de quoi, je vous demande une faveur. Si jamais mes prédictions s’avèrent correctes, vous reviendrez vers moi pour me rendre un service que je n’ai guère déterminé la nature pour l’instant. Vous n’aurez d’autre choix que de vous y soumettre puisque les chemins du futur fusionneront alors en une unique allée à parcourir. Je saurai lorsque vous serez convaincues de mon talent, et mieux, je saurai où vous trouver.

- Vous mentez effrontément ; il n’y a qu’une ligne du destin pour chaque individu. Tout est défini, mesuré, calculé au cheveu près, il n’y a qu’à se laisser guider sur le chemin tracé par les architectes. Votre magie vous fait défaut si elle vous indique plusieurs futurs potentiels.
- Je ne vois pas l’œuvre des architectes directement. J’en ai une vision incomplète, qui justifie cette multitude d’avenirs qui n’existe pas dans leur perception d’êtres divins. Pensez-vous qu’un architecte aurait donné un tel pouvoir, celui de connaître tout ce qui est à venir, à une femme comme moi ? Il leur fallait complexifier ce pouvoir avant de le déléguer à un être humain.
- Et si nous refusions tout simplement d’écouter ce que vous souhaitez nous prédire ? Je ne crois pas une seconde à vos visions.
- Cela éliminerait une grande partie de vos avenirs les plus probables. Votre ignorance vous mènerait à l’échec de votre quête d’absolu. Peut-être que Möchlog n’a pas décidé de ce destin que vous vous attribuez, dans ce cas-là il serait cohérent que vous refusiez mon aide. »

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La chaleur d'une étreinte EmptyJeu 7 Déc - 7:46
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Elle ne sait pas vraiment ce qui l'ennuie le plus... Le fait que cette vieille cinglée semble certaine qu'Althéa l'empêcherait de la purifier? Ou le semblant de considération que la noiraude semble accorder à ses capacités? La rouquine plisse les yeux et balade son regard de l'une à l'autre, indécise sur ce qu'il convient de faire. Elle a bien envie de vérifier si cette fameuse voyante est réellement capable de lui faire manger ses doigts avant qu'elle ait eu le temps de lui trancher la gorge. Les défis ne sont-ils pas faits pour être relevés? Et l'arrogance, pour être châtiée? Elle pèse encore un instant le pour et le contre et conclue sa réflexion par un haussement d'épaule résigné, un soupire et enfin un regard adressé brièvement aux cieux.

Zora décide donc de se focaliser sur la guérison des séquelles causées par le froid et de laisser sa comparse discuter avec ces invités envahissants. Elle continue ainsi à propager les arcanes de sa magie sur son anatomie malmenée tout en gardant une oreille relativement attentive à la discussion qui s'installe. Mais après quelques secondes déjà, elle redresse les yeux pour les river sur la disciple de Khugatsaa. Comment a-t-elle pu deviner qu'elle deviendrait Impératrice? Ou, du moins, qu'elle caresse ce rêve depuis de longues années maintenant? Le scepticisme fond comme neige au soleil, remplacé par l'attente d'une réponse qui se fait bien trop longuement désirer à son goût...

L'appréhension de s'être trompée sur le compte de l'aînée de cet étrange quatuor se mêle à la déception du manque de clarté dont cette dernière preuve. Elle lâche un nouveau soupire agacé mais s'obstine dans le silence. Elle ne veut pas leur laisser croire qu'elle accorde un quelconque crédit aux propos tenus. Et ce, même si c'est bel et bien le cas. Mais lorsque la voyante y va de sa petite touche de morale sur la violence et l'absence de doigté, elle se sent dès lors obligée de faire entendre sa voix. Ce que, évidemment, elle ne se prive pas de faire:
"Garde tes conseils sur la façon de traiter avec les daënars pour toi, l'ancêtre!" cingle-t-elle. "La seule chose que ces gens comprennent, c'est la violence! Et de la violence, ils vont en avoir! Ho ça oui!"
Un sourire malsain déforme un instant ses traits délicats à la simple idée de pouvoir faire couler du sang hérétique. Ce sera... grandiose! Une véritable ode à la purification! Les cris de tous ces animaux honoreront les dieux et pas un seul n'échappera un sort qui est destiné à ces traîtres qui ont tourné le dos aux Architectes. Mais Zora n'est pas aussi stupide que l'aînée semble le croire. Si elle a accepté le marché proposé par Loud'wig quelques mois plus tôt, c'est bien parce qu'elle sait qu'une tâche aussi énorme que la purification de Daënastre demandera bien plus que de la foi, aussi profonde soit-elle.

Il faudra d'ailleurs qu'elle évoque le sujet avec Althéa lorsqu'elles auront un peu de temps et d'autres soucis en tête que leur survie. La rouquine (ascendant viscères) jette un vague regard à la noiraude avant de reporter son attention sur ce qui doit donc être la servante de la voyante. L'intéressée en question tente d'ajouter un peu de crédit aux pouvoirs de son aînés en prenant à témoin son histoire personnelle. De quoi arracher un bâillement partiellement volontaire à celle qui oscille entre le désir de croire et le besoin de douter.
"J’en suis navrée."
"Et bien pas moi!"
Zora se contente d'exprimer une vérité sur le ton de l'indifférence. Et bien entendu, elle ne se prive pas de l'enrober d'une petite dose de méchanceté gratuite. N'est-ce pas la meilleure qui soit? L'intéressée se mure une nouvelle fois dans le relatif silence qu'elle a observé jusque-là et laisse à nouveau le doyenne du groupe poursuivre son petit spectacle. Et encore une fois, elle ne se prive pas de lâcher de vagues reniflements de dédains ou des sourires moqueurs lorsqu'elle juge que c'est nécessaire. Pratiquement tout le temps, donc...

Car cette étrange femme semble s'acharner à rendre cohérent une logique qu'elle n'arrive jamais entièrement à étayer. Elle se contente de fermer une à une les portes du scepticisme au fur et à mesure que le duo les ouvre. Et s'il semble indéniable qu'elle est douée pour observer et évaluer les deux adeptes de Möchlog, il n'en reste pas moins que ses arguments restent en grande majorité boiteux aux yeux de la rousse. Elle lâche ainsi un rire narquois pour venir conclure la dernière tirade de celle qui s'acharne à vouloir prouver sa crédibilité.
"Alors si je résume la situation, la réussite ou non de la quête dont Möchlog nous a chargées repose en grande partie sur notre capacité à te croire sur parole?" se moque-t-elle. "J'ai plutôt l'impression que tu essaies de profiter de la foi absolue que nous vouons à la Chouette dans ton seul intérêt..."
"Et quel serait selon toi cet intérêt, Zora?"
"L'assurance de vivre un peu plus longtemps, par exemple?" siffle-t-elle. "Ou encore le fameux service que tu comptes nous demander lorsque nous serons Impératrices? J'hésite encore..."
"Prendriez-vous le risque d'ignorer ainsi les possibles destinées que je peux mettre en évidence?"
"Ce n'est pas un risque! C'est du bon sens!" s'emporte-t-elle avant de tourner le regard vers sa camarade. "Althéa, nous n'avons pas besoin de ses sornettes. Möchlog veillera sur nous comme il l'a toujours fait jusqu'à présent! Il nous montrera la voie que nous devons emprunter et nous guidera à travers chacune des épreuves qui se dresseront sur notre route! Lui! Pas cette vieille folle qui entend se mettre entre la Chouette et nous! Depuis quand peut-on se fier à l'un des disciples de Khugatsaa?"
Zora est bien décidée à ne pas rentrer dans ce jeu de dupe dans lequel la vieille les invite avec tant de patience. Les choses sont parfaitement claires à ses yeux: elle ne se fiera qu'aux signes délivrés par Möchlog! C'est ce qu'elle a toujours fait jusqu'à présent. Et c'est ce qu'elle continuera à faire quoi qu'il arrive. Envisager de croire cette femme revient à reconnaître que la Chouette n'est plus suffisante. Et c'est une idée qui révulse la rouquine au moins autant qu'elle l'irrite.
"Tu ne vas quand même pas prêter de l'attention à ces hérésies?!"
C'est davantage de la crainte que du reproche qui pointe dans cette dernière phrase. Car si elle ne juge pas nécessaire d'avoir recours aux dangereuses affirmations de l'illuminée de Khugatsaa, elle en est revanche absolument convaincue que le duo qu'elle forme avec la noiraude est nécessaire pour appliquer la volonté de Möchlog...

Althéa Ley Ka'Ori
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La chaleur d'une étreinte EmptyLun 18 Déc - 19:47
Irys : 507592
Profession : Guérisseuse du Troisième Cercle
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Une impasse sans horizon. Un mur de pierres qui s’élève sans fin. C’était une barrière similaire qui se dressait entre les deux partis, les filles de joie d’un côté, les alliées de l’autre, interrompant net toute fluidité de conversation. L’on distinguait aisément cette séparation, largement soutenue par Zora, qui empêchait toute forme de dialogue constructif.

Les quatre femmes en étaient là, à tergiverser sur une prédiction qui éveillait tout juste la curiosité d’Althéa, et irritait passablement sa partenaire. Non pas qu’elle-même crût à ces foutaises - une maîtresse des arcanes réduite à la prostitution, avait-on jamais vu ça ? Mais disons plutôt qu’elle aurait apprécié savoir jusqu’où menait cette farce. A quel moment apparaitrait une faille ? Une imposture révélée ? Une allégation erronée ? La rousse s’opposait fermement à ce qu’une telle erreur ne se dévoile en lui refusant la parole. D’une certaine manière, elle ne pouvait qu’abonder dans son sens, d’autres affaires les appelaient. Pourtant un désir ardent de savoir davantage lui brûlait le ventre, comme si elle jubilait d’avance de trouver une preuve qui démentît enfin tous les propos de la doyenne. Ce fameux désir, elle l’admettait à regret, tournait à la perversion tant il était passionné.

« Je crois que cela ne nous mène nulle part. Zora et moi devons reprendre la route.
- Je m’en doutais.
- Décidément, rien ne vous échappe. »

Lentement, Althéa tendit les bras vers le ciel pour se délier les membres après cette rude nuit dans la paille. Il lui semblait approprié d’écourter leur discussion, sans quoi elle ne pouvait plus garantir qu’elle retiendrait Zora de se jeter à la gorge de la prostituée. Elle se leva alors avec un aplomb recouvré, étrangement en pleine forme. Se tournant vers Zora, elle l’informa en ces termes – elle ne devait rien aux deux réfugiées - :

« Je m’en vais récupérer nos affaires, et te trouver de quoi t’habiller, qu’il y ait quelque chose sous ton manteau ! »

Son air paraissait sérieux, presque satisfait, comme si dès lors ses pensées se tournaient à nouveau vers l’avenir et ses promesses susurrées. Au cours des derniers jours, elle avait ressassé le discours qu’elle tiendrait auprès du khorog de Reoni, afin non seulement de s’innocenter, mais également de préserver la vie de Zora. Et soudain le tout s’était agencé à merveille dans son esprit et paraissait aussi limpide que l’eau d’un grand lac par temps clément. Elle ressentait un contentement identique à celui qui nous assaille à la résolution d’un problème mathématique après moults journées passées en vain à étudier la question.

Toutefois, elle n’aurait pas craché sur une prédiction pour affirmer son succès (ou une raison de douter encore plus des pouvoirs de la vieille si elle niait ce même succès), aussi elle fut presque ravie lorsque la doyenne se leva à son tour en proposant de lui prêter la main. La plus jeune, pour sa part, regarda avec appréhension la neige qu’emportait le vent sur son passage au dehors, puis ses yeux d’agneau se posèrent sur Zora. Elle sembla décider qu’un danger était plus désagréable que l’autre, et après un bref moment de réflexion, elle sauta sur ses jambes menues, avant de trottiner jusqu’à la doyenne qui emboîtait le pas d’Althéa.

Une fois dehors, la plus âgée leur faussa compagnie, au plus grand dam d’Althéa. Elle ne pourrait donc pas lui soutirer sa prédiction ! En revanche, elle se vit contrainte d’échanger quelques paroles sans intérêt avec son ignorante consœur. Si cette dernière eut le mérite de l’aider comme elle le put à rassembler les affaires, elle était loin de briller par son intelligence. A chaque fois qu’elle ouvrait ses lèvres charnues pour proférer des mondanités absurdes, Althéa réprimait en elle des pulsions meurtrières. Tous les sujets superficiels de conversation ayant déjà été abordés à l’aller, le retour se fit par contraste dans un silence gêné et haletant, que l’on devait surtout au poids qui pesait à présent sur leurs épaules. La doyenne les attendait maintenant à une bonne distance de la tente où elles avaient abandonné Zora sans vraiment s’en cacher. Et à vrai dire, on ne pouvait leur en vouloir de tenir à leur vie.

« Je te le demande une dernière fois, chérie, accepte ma prédiction, murmura-t-elle à son attention.
- Je n’ai rien à y perdre, convint Althéa avec un haussement d’épaules désinvolte. »

Oh, en son sein, elle palpitait, en dépit de son détachement apparent. La vieille usait de la ruse pour lui remettre ses visions sans impliquer Zora, et elle ne résista pas à ses machineries. Cela lui convenait. La doyenne lui servit un sourire entendu. Elle sortit de sa poche un ensemble de petits morceaux de vélin, dont la qualité paraissait démesurée en vue de sa condition de fille de joie. Le tout formait un petit paquet fermé à la va-vite par une ficelle excessivement grossière comparée au papier. La noiraude s’empara du paquet tendu, et glissa un pouce curieux sur la surface du premier parchemin. L’écriture griffonnée lui paraissait presque inlisible, mais en faisant un effort elle put en distinguer le sens.

« Tu peux les lire, tous, dans l’ordre qu’il te siéra. Mais n’oublie pas que certains sont plus mystérieux qu’ils n’en ont l’air au premier abord. (…) Bien, nul besoin de s’attarder. Amalhy, partons. »

Avant qu’elle ne pût faire un pas, la guérisseuse lui saisit l’avant-bras et la maintint en place, le regard dur et plus du tout accaparé par les cartes dans sa main.

« Pas si vite. Vous vous doutez que je ne peux pas vous laisser partir sans m’assurer que vous ne raconterez pas des sornettes sur mon compte. Par rapport à cette nuit, entre autres. »

Un sourire aimable s’afficha sur ses lèvres usées, peut-être d’avoir trop été violentées, par les hommes ou le froid, ou les deux à la fois.

« Althéa, mon enfant, j’ai tout intérêt à plaider ta cause. Plus tard, lorsque tu comprendras que toutes mes prédictions étaient justes, tu me le revaudras. Alors il me sera bien plus profitable que tu aies un poste d’influence plutôt que la réputation d’une criminelle en cavale. Ton amie, en revanche… Je ne peux rien garantir. Elle n’a pas accepté mon marché.
- Oh, Zora… ça ne lui ferait ni chaud ni froid. Pourvu que Möchlog approuve ses actes, elle n’a pas besoin de vos éloges.
- C’est bien vrai. Il est probable que je mentionne son identité à qui voudra comprendre ce présent massacre, je ne te le cache pas. Mais nous savons toutes les deux que toi, chérie, tu n’es arrivée qu’après coup, n’est-ce pas ? Pour venir en aide aux rescapés et chercher des survivants. Ensuite, tu es partie en direction du sud, alors que Zora s’en était déjà allée vers Zagash. Oui, ça s’est vraiment déroulé de cette manière. »

Ses dons de voyance pouvaient être moqués, en revanche l’ampleur de son pouvoir était indéniable. Elle lisait en autrui comme Althéa comprenait d’instinct les maux corporels. La doyenne connaissait l’âme, Althéa connaissait le corps. Cette interconnexion fortuite l’incitait à la croire.
Ainsi elle décida de lui donner le bénéfice du doute, se fiant à l’intuition plus qu’à la raison. Il est des jours où il vaut mieux laisser le monde vaquer à ses occupations plutôt que de s’acharner à tout contrôler sans répit. Si on diffamait à son sujet, ma foi, elle retrouverait ces deux débauchées, et elle se vengerait comme il se doit. En attendant ce jour, elle laissa les deux silhouettes s’éloigner, peinant dans la neige, s’étrécissant à vue d’œil.


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