Le début d'une nouvelle vie !

Lorsque l’activité était basse, ils ne voyaient défiler qu’une dizaine de personne dans la journée. Mais aujourd’hui comme tous les jours précédents depuis les attentats ce n’était pas calme, loin de là. Les membres de permanences étaient plus ou moins heureux de cet état de fait. Certes, c’étaient du travail rémunéré mais c’était aussi des heures sups à n’en pas finir. Et lorsque l’on aimait plus être avec son dragon que parlait avec des gens en quête de service, c’était une véritable torture. Et chacun qui croyait que sa requête était particulière ! Ça le faisait bien rire Éole ! Enfin pas tant que ça, parce qu’il était obligé d’être là.

Ce ne fut donc pas un sourire qui accueillit Ezechiel lorsqu’il arriva devant son bureau. Plutôt une grimace alors qu’une oreille inattentive était tournée vers lui. Bien plus intrigué par ce singe que par ses désirs en somme Des gens qui voulaient devenir dragonnier, il y en avait à la pelle : rien de nouveau sous le soleil. Heureusement qu’ils les prenaient pas aussi vieux que ce type sinon ils n’en verraient pas le bout. Il l’aurait dégagé sans ménagement s’il n’y avait eu cette lettre de recommandation.

« Donne moi ça, ce n’est pas que je te crois pas - mais totalement – c’est pas si rare les gens qui feraient n’importe quoi pour devenir dragonnier. »

Il parcouru le papier en diagonale surprit qu’une dragonnière aussi connue ait accordé son crédit à un type qui avait l’âge d’être apprenti comme lui et non aspirant. Enfin, pas le choix. Que ça lui plaise ou non il devait emmener ce gus voir un dragonnier, ce n’était pas de son ressort de refuser ou non une candidature si exceptionnelle. Et puis, ça faisait une bonne excuse de se bouger de là. Il rendit la lettre à son propriétaire avant de s’adresser à sa collègue.

« Héloïse, j’accompagne – il se tourna vers le quémandeur comme pour réfléchir – Ezechiel voir Aksinya Machir. »

C’était bien connu que le dernier élève du vétéran Zak'Val, avec cet Toen, était Freyr Eindride mais il ne prenait pas d’apprenti ni ne s’en occupait contrairement à Aksinya. Si ce n’était pas le maître de Éole, il la connaissait comme bon nombre d’apprenti et d’aspirant : cette dernière était après tout une professeure draconique de bonne réputation !

« Suis-moi »

Il les fit sortir pas l’arrière pour éviter de fendre la foule. Ainsi, ils traversèrent un couloir où des portes fermées de chaque côté garderaient leurs secrets pour le jeune homme jusqu’à ce qu’il vint officier à son tour ici. Éole n’était pas vraiment d’humeur à lui faire une visite guidée. Il préféra embrayer sur des questions que lui se posaient avec toujours autant de délicatesse.

« Tu viens d’où comme ça ? T’es pas d’une famille de dragonnier, hein ? Tu sais que normalement les aspirants sont beaucoup plus jeunes que toi ?! »

Bien sûr, ce qui l’intéressait vraiment, c’était comment il était arrivé à avoir une lettre de recommandation de Luka Toen ! Les potins à son sujet allait toujours bon train parmi les plus jeunes. Elle avait marqué sa génération même si ça avait mal fini pour elle. Même lui qui n’avait pas particulièrement de tact, il connaissait aussi les limites.

Les gens dans la rue ne leur prêtait pas particulièrement attention même si Éole avait la tenue des aspirants, ce n’était pas chose rare par ici. Aucun enfant pour les interrompre, rien qu’une rue passablement bondée à remonter jusqu’au logement des Dragonniers. Les dragons qui survolaient la ville étaient aussi ignorés, spectacle trop courant ici pour que toutes activités cessent à chacun de leur passage. C’était un moyen infaillible pour repérer les nouveaux venus : immobile, la bave aux lèvres.

« Je ne sais pas si à ce point c’est de l’inconscience ou du courage ! Enfin, si tu restes dans les parages sache que je m’appelle Éole. Et c’est pas une invitation pour venir me demander conseil !»

Ils avaient le temps d’échanger bien d’autres paroles avant d’arriver aux quartier de la dragonnière. Si Ezechiel n’était pas totalement rebuté par l’accueil quelque peu rêche.

Ezechiel donna sa précieuse lettre à l’homme, sans doute d’un âge proche du sien, doté du regard désabusé de celui qui voit passé d’innombrables personnes depuis plusieurs heures. Zéké le vit parcourir du regard sa lettre et crut lire sur son visage un soupçon de surprise, pourtant il devait bien y avoir d’autres personnes qui se présentaient avec des lettres de recommandation, Mme Toen était elle connue ?

Ezechiel récupéra sa lettre que l’homme lui tendit, puis celui ci se tourna vers sa collègue et dit:


Zéké lui emboita le pas, découvrant au même moment que l’homme portait l’uniforme des apprentis dragonniers, et le suivi dans un couloir, auparavant dissimulé à la vue de la foule. Il le traversa et découvrit de nombreuses portes closes, sa curiosité le saisissant il eut envie de s’arrêter et poser d’innombrables questions sur ce que cachait ces pièces mais l’aigri ne lui en laissa aucunement le temps et pressa le pas, obligeant Ezechiel à accélérer le rythme pour le suivre. L’homme brisa tout de même le silence et posa quelques questions à notre tatoué:


Quel acariâtre ! Il lui parlait comme à un chien et se permettait de lui rappeler de suite qu’il n’était pas dans les normes. Il serra les poings mais ne dit mot, il ne pouvait prendre le risque de gâcher son unique chance de devenir dragonnier en répondant aux provocations d’un apprenti dédaigneux. En plus d’être non admissible à la formation par la suite il finirait sans doute banni. Ses familiers ressentant sa colère réagirent en conséquence, Horus se rapprochant de son maître et le survolant plus bas qu’à l’accoutumé comme pour le garder à l’oeil, se permettant un cri perçant, et Seth, montrant les dents , eu l’extrémité de sa queue qui s’embrasa. Ezechiel répondit à ses questions, quelque peu froidement tout de même:


Il fixa un instant Éole puis se mit à contempler le vol des dragons, qu’est ce qu’il aimait voir ces créatures fantastiques survoler la cité en toute liberté. Voir leurs dragonniers les chevaucher, imaginer le lien les unissant… Et espérer connaître cela un jour.

Un natif du coin alors, c’était moins pire que ce qu’il pensait. Même si évidemment il ne venait pas d’une lignée de dragonnier. Au moins n’aurait-il pas la pression que lui avait subit de la part de ses aînées, de ses parents proches et lointains. Si Ezechiel avait connaissance du passé d’Éole, il comprendrait certainement ce comportement de vieux aigri. Bien que ce dernier n’en eut pas conscience : c’était normal pour lui. D’ailleurs, il ne se formalisa pas du ton froid de son interlocuteur, il n’en avait cure. À peine avait-il décoché un regard vers celui-ci quand ses bestiaux avaient fait des leurs.

« Tant mieux, l’entre-aide coutumières risque de te filer sous le nez. »

C’était dit sans animosité mais sans compassion non plus. C’était un fait. Les dragonniers n’avaient pas pour coutume d’être tendre avec les exceptions. Et le fait qu’il eut obtenu une lettre de recommandation de cette Luka attiserait vite des jalousies. Puisque ce fait, bien sûr, n’était déjà plus un secret.

« C’est un maître dragonnier. Elle s’occupe des cas comme toi. Elle te dira si tu peux ou non entrer comme apprenti… »

Voilà, c’était déjà beaucoup pour un type comme lui. Pourtant il se pourfendu d’un autre commentaire dans son incroyable élan de partage. De façon très laconique, il ne fallait pas exagérer non plus.

« C’est une bonne formatrice. »

Le reste du chemin, il se tut. Il voulait bien profiter de l’occasion de sortir du bureau mais ce n’était pas pour papoter, juste dégourdir ses jambes et échapper aux requêtes incessantes des gens. Il n’ouvrit la bouche que lorsqu’ils arrivèrent à proximité de la Tourelle siège des dragonniers. Pas le moins du monde essoufflé par la montée plutôt raide.

« Maître Odward, vous ne sauriez pas où se trouve le maître dragonnier Aksinya Machir ? Nous devons la voir. »

L’homme qu’il venait d’interpeller venait du centre d’atterrissage. Un quinquagénaire étonnamment bedonnant pour sa profession. Un visage ouvert, bienveillant, venait parachever une drôle impression de décalage avec ce que d’aucun attendrait d’un maître dragonnier. Peu de monde circulait autour d’eux, à cette heure la plupart était en train de travailler pour gagner de l’argent ou pour finir leurs études.

« Oui, essayez du côté du lac, je l’ai vu avec son dragon. Et vous jeune homme, retournez à vos obligations dès votre tâche accomplie. »

Éole se retint de soupirer. S’il était d’aspect sympathique cela voulait nullement dire qu’il était laxiste ou hésitait à apprendre la discipline aux plus jeunes. Il n’avait d’autres choix que de s’exécuter.

« Bien maître, je vous remercie. Viens, suis moi. »

Il entraîna à sa suite le jeune homme alors qu’il contournait la Tourelle pour accéder au lac. Une pente douce les mena a destination. Il n’y avait pour ainsi dire personne : seule une frêle silhouette d’apparence solitaire. En s’approchant, les deux jeunes gens découvriraient une trentenaire brune aux cheveux attachés, petite en tenue de vol quelque peu poussiéreuses. Une sortie matinale sûrement. En reconnaissant Éole, elle fronça les sourcils : il n’avait rien à faire ici. Ce dernier ne se fit pas prier pour donner les informations et prendre congé.

« Et bien bonjour jeune homme. Avez-vous la lettre en question ? »

Comme Éole plus tôt, elle la parcourue des yeux sans commentaire pour la rendre à son propriétaire. Si elle était impressionnée, elle n’en laissa rien paraître. Bien sûr, elle avait reconnu le nom de l’auteur : qui ne l’aurait pas fait. Tout en réfléchissant à son contenu, elle questionna le candidat.

« Ce n’est pas très courant comme connaissance. Ni comme lettre de recommandation. Mais vous ne seriez pas parvenu jusqu’à moi sans ça. Je préfère être franche : ce ne sera pas une partie de plaisir au début pour vous ni par la suite. Avez-vous de solide motivation pour devenir dragonnier ? »

Derrière elle, son dragon émergea de l’eau pour y replonger à grand renfort d’éclaboussement. Son lien avec lui était tel qu’elle n’avait nul besoin de se retourner pour sentir sa présence. Son regard resta rivé sur celui de son interlocuteur.

HRP:

« Tant mieux, l’entre-aide coutumières risque de te filer sous le nez. »

Mmh, alors comme ça les nouveaux arrivants, ou peut être les… Exceptions, sont mal vues ici… Il faudra sans doute que je fasse mes preuves pour gagner le respect de mes camarades. Mais j’y arriverai.

« C’est un maître dragonnier. Elle s’occupe des cas comme toi. Elle te dira si tu peux ou non entrer comme apprenti… » Répondit Éole à la question posée par Ezechiel quant à la personne qu’il allait rencontrer, Éole ajouta après un bref laps de temps: « C’est une bonne formatrice. »

Ma formatrice… Mon futur mentor, si par Amisgal, mère des dragons, elle l’accepte.

« Merci Éole. »

L’excitation et l’impatience le gagnait au fur et à mesure qu’il se rapprochait de sa destination. le reste du trajet se faisant dans le silence il se mit à imaginer cette Aksinya Machir. Était elle grande ? Petite ? Blonde ? Brune ? Charismatique ? Autoritaire ? Ou plutôt laxiste ? Joviale ? Sévère et dure ? Tant de questions sans réponse. Il lui fallait être patient et attendre de la rencontrer en personne. Ils arrivèrent alors, après une montée raide qui le fit se remercier d’avoir garder une activité physique quotidienne, à la Tourelle des Dragonniers, véritable phare au sein du ciel de Dyen. Éole pris la parole face à un homme replet, qui ne semblait physiquement pas correspondre à l’idée qu’on se faisait d’un dragonnier, mais sa tenue ne laissait pas planer le doute, ainsi que sa façon de se tenir droit cet homme devait sans nul doute être un Maître.

« Maître Odward, vous ne sauriez pas où se trouve le maître dragonnier Aksinya Machir ? Nous devons la voir. »

« Oui, essayez du côté du lac, je l’ai vu avec son dragon. Et vous jeune homme, retournez à vos obligations dès votre tâche accomplie. »

« Bien maître, je vous remercie. » Répondit Éole, ajoutant en se retournant vers Zéké: « Viens, suis moi. »

Ezechiel lui emboita le pas et ils contournèrent la Tourelle, pour rejoindre le lac en question. Ils arrivèrent sur les lieux rapidement, et ce fut avec surprise qu’Ezechiel découvrit les lieux vides, peuplés d’une seule et unique personne. Une femme, brune aux cheveux attachés, pas très grande et vêtue d’une tenue de vol. Lorsqu’ils arrivèrent à son niveau elle fixa Éole en fronçant les sourcils, celui s’empressa d’ailleurs de faire son rapport sur la situation, le femme ajouta donc:

« Et bien bonjour jeune homme. Avez-vous la lettre en question ? »

Ezechiel répondit à son bonjour et lui tendit la lettre de recommandation, la femme la parcourue du regard, ne laissant paraître aucune émotion lors de la lecture, et lui rendit son précieux bien. Elle le fixa de son regard empreint d’une vive intelligence, mais également d’une grande autorité et lui dit:

« Ce n’est pas très courant comme connaissance. Ni comme lettre de recommandation. Mais vous ne seriez pas parvenu jusqu’à moi sans ça. Je préfère être franche : ce ne sera pas une partie de plaisir au début pour vous ni par la suite. Avez-vous de solide motivation pour devenir dragonnier ? »

Son dragon choisi cet instant pour émerger de l’eau dans de grandes éclaboussures et pour replonger aussi promptement qu’il en était sorti en son sein. Seth sursauta un instant et poussa un léger cri, Horus lui vira en plein vol, et plongea vers le bras de son maître, ne souhaitant guère finir en repas pour dragon. Impressionné par la créature, Ezechiel ne put s’empêcher de la fixer, il se reprit cependant rapidement, focalisant de nouveau son attention sur son interlocutrice.

« Madame, je ne crains pas la difficulté. Je me permettrai de dire que dans chaque difficulté se cache une opportunité d’avancer. Mon objectif est de devenir Dragonnier, et si Amisgal le veut, j’y arriverai et donnerai tout ce que j’ai pour ce faire ! Questionnez moi, mettez moi à l’épreuve, demandez moi ce qu’il vous plaira, et vous pourrez juger par vous même. » Répondit il, braquant sur la femme un regard déterminé.

Une bonne chose que ce jeune homme ait du bagout et du répondant, il en aurait besoin ! Aksinya ne put manquer son regard sur son dragon, pas une mauvaise attitude non plus. Quant à ses petits compagnons, ils devraient se faire à la présence de ces prédateurs. La première impression n’était en somme pas mal, l’instructrice en vint presque à sourire : certains jeunes devraient en prendre de la graine !

« C’est un bon état d’esprit jeune homme ! Mais effectivement cette réponse seule ne suffira pas pour vous faire entrer dans l’Ordre des Dragonniers. »

Elle fit une pause. Discuter c’était bien beau, mais elle en apprendrait bien plus en le voyant agir. À situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle. Elle était loin d’avoir la renommé de Zak’val. Elle ne pouvait prendre un cas controversé juste avec une lettre de recommandation, même provenant de Luka Toen. Il faudrait plus. Un challenge qu’elle n’avait pas peur de relever. Son entrée à elle ne s’était pas fait en douceur non plus, ce n’était pas facile pour les simples paysans de se faire accepter. Ce n’était pas pour autant qu’elle allait se montrer tendre : ce ne serait pas lui rendre service. Non, elle allait lui offrir une chance de prouver sa détermination avant d’accepter officiellement qu’il soit aspirant. Elle s’occuperait des contestataires et des vieux réactionnaires si jamais il passait son petit test.

« Je vous demande de revenir ici demain à l’aube, à la piste d’atterrissage. Vous aurez l’occasion de montrer votre détermination. »

Aujourd’hui, elle avait d’autres choses à faire dont des cours de vol avec des apprentis. Elle ne pouvait tout lâcher pour un potentiel aspirant. Et son épreuve risquait de prendre du temps. Outre le fait qu’elle voulait y réfléchir. Quand aux présentations plus détaillées, elles auraient lieu une fois ce test passé. Inutile de le faire avant.

« Vous avez le temps de visiter la ville si vous le souhaitez. En tout cas, soyez ponctuel demain. »

Elle n’en dirait pas plus, c’était le moment pour son interlocuteur de prendre congé. Quant à elle, elle se dirigeait vers son dragon tout récemment sorti de l’eau. Tel un lézard, après s’être ébroué, il s’étendit pour  sécher ses écailles au doux soleil d’automne.

Le lendemain, elle l’attendait de pied ferme à l’heure prévu. Son dragon à côté d’elle, la dominant du haut de ses trois mètres. Un prédateur que nul ne voudrait contrarier, entre sa queue hérissée de pique et sa mâchoire puissante. Sa couleur nuit cendre n’était pas là pour rassurer. Le contraste que cela offrait avec ses yeux mordorés ne rendait le regard que plus acéré.

« C’est un bon état d’esprit jeune homme ! Mais effectivement cette réponse seule ne suffira pas pour vous faire entrer dans l’Ordre des Dragonniers. »

Oh il s’en doutait, il savait pertinemment que ce serait un chemin semé d’embûches, qu’il aurait beaucoup d’épreuves à passer. Il savait qu’il devrait se donner corps et âme dans cet apprentissage, qu’il devrait faire des sacrifices, laissez des choses en arrière pour avancer sur cette voie. Sa voie. La voie qu’IL a choisi, et sa détermination ne faiblira pas, quelques soit les critères attendus, il se donnera pour les atteindre !

« Je vous demande de revenir ici demain à l’aube, à la piste d’atterrissage. Vous aurez l’occasion de montrer votre détermination. Vous avez le temps de visiter la ville si vous le souhaitez. En tout cas, soyez ponctuel demain. »

« Je le serai, Madame. Je vous remercie de m’accorder la chance de faire mes preuves. »

Il salua bien bas Aksinya Machir et tourna les talons, se dirigeant vers les portes de la cité. Il ne souhaitait pas gaspiller son temps à visiter Dyen, il connaissait la ville, ce qu’il voulait c’était se préparer. Plus d’une heure après il arriva dans sa cabane, prenant soin de préparer en premier lieu de la nourriture pour ses familiers et pour lui. Il déjeuna, puis pris le temps de méditer afin de ressourcer son énergie, s’en suivit des exercices de Sharak’Haï pour manipuler son flux et le mouvoir en son sein afin de le canaliser. Il s’entraîna pendant plusieurs heures en effectuant divers mouvements de son art martial, pour tonifier ses muscles et les préparer à ce qui l’attendait demain. À la fin de son entrainement, au crépuscule, il partit en forêt afin d’effectuer une balade apaisante au milieu de la nature avec ses familiers, profitant de la pureté de l’air ambiant, de la douce mélodie nocturne des grillons et autres créatures de la forêt. Il ferma les yeux se mettant à genoux, les mains plaquées sur le sol. Il orienta ses yeux clos vers le ciel tout en gardant ses mains ancrées dans la terre et dit tout bas:

« Orshin, Maître de la Création, Amisgal, Reine des vents de ce monde, je vous remercie, pour tout. Pour ces dons que je possède, pour ce qu’ils m’ont permis d’accomplir, grâce à vous, mon rêve est à portée. Je continuerai de vous servir et de vous honorer jusqu’à ce que je retourne à l’état de poussière… »

Il fit alors marche arrière et retourna vers sa cahute afin de se coucher. Demain la première épreuve de sa longue route vers l’Ordre des Dragonniers l’attendait. Et il comptait bien la surmonter !

Il se réveilla bien avant l’aube, trop excité, trop impatient pour profiter d’encore quelques heures de sommeil. Il en profita pour, comme à son habitude, pratiquer son art martial, puis il se prépara, il enfila sa tenue habituelle, son équipement, prenant soin de ne rien oublier, arc, carquois, flèches, sa dague, et ses couteaux de lancer, il fixa également à sa taille une corde enroulée avec un grappin à une des extrémités. Sait on jamais. Après cela il siffla ses familiers et partit de pieds ferme vers la ville, vers la piste d’atterrissage. Il arriva sur les lieux en tant voulu apercevant Aksinya avec son dragon cendreux derrière elle, véritable mastodonte des cieux. Prenant soin de saluer la dame en arrivant devant elle, il hocha même la tête respectueusement vers le Dragon, puis il lança:

« Dame Machir, je suis prêt, qu’attendez vous de moi ? »

La réponse à la question aurait pu être développée, longue et détaillée mais fidèle à sa ligne de conduite avec l’aspirant, elle fut courte. Tout dire reviendrait à prémâcher le travail et ça, il en était hors de question. De même que de montrer son plaisir à le voir plein d’entrain et ponctuel. Ou encore, la marque de respect qu’il n’avait pas omis envers son voisin. Comme avec ses autres élèves, elle montrait un visage impassible.

« Je t’emmène avec moi sur une mission pour te voir moi-même à l’oeuvre. Olorin, mon dragon va nous y emmener. Ce n’est pas un long vol, ça ne devrait pas poser de souci même si c’est ta première fois et lui-même ne sera pas trop fatigué par le surplus de charge. »

Ce qui était un problème non négligeable. Dans le cas contraire il risquait tous un accident. Mais bien connaître son compagnon était indispensable pour un dragonnier tout comme connaître les limites de ce qu’on pouvait lui demander. Ce n’était pas dans ses habitudes de lui demander de transporter le premier venu, une exception qui passait bien comme telle.

« Je t’expliquerais le tout une fois sur place. »

Ils n’avaient pas de temps à perde, c’était une vraie mission pas juste un test. Elle en avait choisie une parmi les requêtes de la veille qui lui permettrait de voir le jeune homme en action et de préférence dans une situation différente de celle avec Luka Toen. Dans l’idéal, elle n’aurait pas à intervenir juste à observer. Sauf en cas de grosse surprise. Même si elle n’avait aucune arme sur elle, elle serait capable d’intervenir en cas de besoin.

Aksinya s’installa sur le dos de son dragon, invitant l’aspirant à faire de même sous les yeux curieux et observateurs de ce dernier. Une fois en place, le dragon les emmena sur le bord du perchoir avant de se jeter dans le vide tout en déployant ses ailes. Ils plongèrent tous avant que les coups d’ailes vigoureux de Olorin les ramène vers des hauteurs moins inquiétantes. Sa maîtresse n’avait rien à faire : il savait où se rendre. Les montagnes défilaient sous eux pour bientôt être remplacées par la forêt, sur le chemin ils avaient survolés le Relais des Vaillants et ses innombrables pierres invisibles de leur point de vue. Ils s’arrêtèrent à l’extérieur du premier village au nord des montagnes. Une fois les deux humains pieds à terre, le dragon s’envola de nouveau non sans avoir avancé sa tête juste devant celle d’Ezachiel.

« Le reste du chemin nous allons devoir le faire à pied. Des brigands, un groupe de quatre individus, ont enlevé le fils de Jenhere, un marchand plutôt prospère. Son fils était en déplacement pour lui quand il s’est fait kidnapper. Ils demandent une rançon pour le libérer. Le lieu où l’échange doit avoir lieu est au pied des montagnes, sous le couvert des arbres. »

Elle lui tendit une carte des lieux avec leur emplacement à eux et à celui présumé des bandits entourés. Ce qui leur avait pris quelques minutes à survoler, se trouvait maintenant à plusieurs heures de marche.

« Y allait avec Olorin aurait pu les alerter et mettre en danger la vie du jeune homme. Mais les dragons dans cette région sont assez courant pour nous permettre de nous arrêter ici sans problème. Je te laisse décider de la marche à suivre pour régler au mieux cette situation. »

Ce n’était pas un test ou même une mission qu’on proposait aux aspirant en temps normal, mais le fait qu’il soit aussi âgé changeait la donne. Et puis, Aksinya ne lui confierait pas cette tâche si elle ne le pensait pas un minimum capable.

« Je t’emmène avec moi sur une mission pour te voir moi-même à l’oeuvre. Olorin, mon dragon va nous y emmener. Ce n’est pas un long vol, ça ne devrait pas poser de souci même si c’est ta première fois et lui-même ne sera pas trop fatigué par le surplus de charge. »

Excité à l’idée de toucher du doigt la liberté d’un Dragonnier, Ezechiel ne put retenir le sourire qui apparut su son visage, il se voyait déjà parcourir les cieux sur le dos d’Olorin, le dragon de son Mentor. Il se demanda tout de même quelle mission pouvait bien l’attendre une fois rendu à destination. Encore plus excité par sa curiosité grandissante il fixa son regard pâle sur sa tutrice.

« Je t’expliquerais le tout une fois sur place. »

Déçu de ne pas pouvoir en savoir plus dès maintenant, il accepta tout de même l’invitation d’Aksinya à monter sur le dos de la créature ailée. Une fois bien sanglé sur la selle, les pieds correctement placé dans les étriers, il se tint solidement à la selle, plaçant au passage Seth dans sa tunique afin que celui ci reste bloqué contre lui durant le vol, il siffla Horus qui s’envola de l’endroit où il s’était posé, prêt à suivre son maître depuis les airs. Le dragon se mit alors en branle et s’élança vers le bord du perchoir avant de se jeter dans le vide tout en déployant ses ailes membraneuses. Après une chute qui parût interminable le dragon commença enfin à reprendre de l’altitude et à se stabiliser. La joie à peine contenue d’Ezechiel se fit sentir lorsqu’il bascula sa tête en arrière, savourant le touché du vent qui frôlait son crâne tatoué, la douce caresse du soleil levant, et l’adrénaline de la vitesse. Hélas l’exaltation fut de courte durée car ils arrivèrent rapidement à destination, les deux humains mirent dès lors pieds à terre, Olorin reprenant son envol. En avançant au passage sa tête vers Ezechiel, qui ne put contenir un geste de recul instinctif.

« Le reste du chemin nous allons devoir le faire à pied. Des brigands, un groupe de quatre individus, ont enlevé le fils de Jenhere, un marchand plutôt prospère. Son fils était en déplacement pour lui quand il s’est fait kidnapper. Ils demandent une rançon pour le libérer. Le lieu où l’échange doit avoir lieu est au pied des montagnes, sous le couvert des arbres. »

Elle lui tendit une carte marquée des lieux importants, il la saisit et l’observa attentivement, repérant une croix symbolisant leur localisation et un rond représentant la zone où sont situés les bandits. Il en aurait bien pour 1h de marche pour rejoindre la forêt, avec un peu de chance il aurait le temps d’inspecter les lieux avant que l’échange débute.

« Y allait avec Olorin aurait pu les alerter et mettre en danger la vie du jeune homme. Mais les dragons dans cette région sont assez courant pour nous permettre de nous arrêter ici sans problème. Je te laisse décider de la marche à suivre pour régler au mieux cette situation. »

« Très bien Maîtresse Machir, c’est un honneur pour moi que vous me permettiez de venir au secours de ce jeune homme. Rejoignons la forêt, je démarrerai alors mes recherches pour retrouver le campement des bandits. »

Il s’élança alors au pas de course vers la forêt, son endurance étant bonne, dû à son temps passer à s’entraîner dans les bois près de Dyen, il n’eut aucun mal à garder le rythme pendant une heure. Arrivant à l’orée de la forêt il pris soin de grimper au premier arbre venu afin d’être difficilement repérable par les éventuelles sentinelles. Envoyant Horus survoler l’étendue boisée, il plaça Seth sur son épaule, vérifiant au passage si tout son équipement était présent et facilement accessible en cas de pépin. Une fois satisfait il commença son avancée dans le coeur de la forêt observant chaque recoin, écoutant attentivement les bruits environnants, rien de suspect ne lui parvenait. Il décida alors d’user de ses dons, il se plaça dos contre le tronc de l’arbre sur lequel il était assis et ferma les yeux, entrant en communion avec Horus et prenant le contrôle de son familier.

Depuis le corps d’Horus, il put survoler la forêt et grâce à sa vue perçante repérer les moindres mouvements louches, il repéra aisément une tâche beige autour de laquelle il perçut des déplacements. Se rapprochant de celle ci il se mit en vol stationnaire et fixa les lieux repérant six mouvements différents, cinq en déplacement et un dernier qui bougeait tout en restant sur place, Il devina que cela devait être le jeune homme prisonnier.

Ezechiel revint à lui et reprit sa route vers le lieu repéré depuis le corps d’Horus. Il l’atteignit au bout d’une quinzaine de minutes et put découvrir ce qu’il avait aperçu depuis les cieux. Un camp, avec une grande tente beige au centre et une cage sur le côté contenant un homme, pieds et mains liés. Les autres mouvements aperçus précédemment appartenait à quatre hommes dont l’un était en plus accompagné d’un molosse. Un des quatre hommes, restait autour de la cage veillant sur leur pactole vivant, les trois autres patrouillaient dans un périmètre de quelques dizaines de mètres autour du camp. Ezechiel réfléchit alors. Il ne pouvait se lancer dans un assaut frontal, le geôlier abattrait sans aucun doute le prisonnier, il devait la jouer fine, opter pour une approche furtive. Il saisit alors son arc, encocha une flèche à l’empennage noir et visa un des patrouilleurs isolé, l’homme simplement armé d’un gourdin était le plus éloigné du camp et invisible à la vue de ses camarades s’il en venait à s’écrouler. Ezechiel retint sa respiration, bloqua son bras gauche, tirant son coude droit pour donner un maximum de force à son tir, puis il ouvrit les doigts. La flèche fusa à une vitesse prodigieuse et vint se ficher avec un bruit sourd dans la tête du bandit, qui s’écroula sans bruit sur le sol, dissimulé parmi les buissons. Très bien, il devait maintenant agir vite les trois derniers vauriens remarqueraient rapidement qu’il manquait un membre de leur petite troupe. Il ordonna à Seth d’aller voler la clé de la cage accrochée à la ceinture du geôlier, pendant ce temps là il prit soin de viser un deuxième patrouilleur, hélas l’homme était dans la ligne de vue de celui accompagné du chien, il ne pourrait faire autrement que déclencher les hostilités en tuant le coupe jarret. Il attendit calmement que Seth réussisse à récupérer les clés discrètement, et lui ordonna mentalement de les agiter près du geôlier et de s’enfuir, le petit singe secoua alors le trousseau et partit en courant, le geôlier se mit alors à sa poursuite en gueulant à tout va. C’était la diversion qu’il attendait, alors que les deux patrouilleurs se retournaient au même moment vers leur camarade gueulard, il ouvrit ses doigts et planta sa flèche dans la tête du second patrouilleur. Accrochant de nouveau son arc autour de son buste, il leva deux doigts en direction du molosse et ses yeux s’illuminèrent en même temps qu’il usa de sa magie, il ordonna au molosse de se retourner contre son maître, ce que la bête n’hésita pas à faire, sautant au visage du bandit. Alors que l’homme était occupé à tenter d’éviter les coups de mâchoire du chien, Ezechiel descendit de son arbre et se dirigea à toutes enjambées vers le geôlier qui tentait d’attraper Seth, sifflant Horus qui descendit en piqué à travers les feuillages l’aigle lacéra le visage de l’homme avant de s’envoler de nouveau, hurlant de douleur en se tenant le visage il n’eut pas le temps d’esquiver la dague qui vint se planter dans ses reins. L’homme s’écroula, sans vie. Ezechiel se tourna vers le dernier homme dont le corps déchiqueté par endroit ruisselait de sang. Il renvoya la bête d’un geste, celle ci partant en courant vers le coeur de la forêt. Il s’accroupit vers le bandit et avisa ses blessures, il survivrait, s’il trouvait un disciple de Möchlog rapidement, mais ne retrouverait sans doute jamais l’usage de son bras gauche, déchiqueté par les morsures de l’animal. Il braqua ses yeux  pâles dans ceux du vaurien et lui dit calmement:

« Je te laisse la vie, mais transmets ce message aux autres pourritures de ton espèce: Nislegiin est sous la protection de l’Ordre des Dragonniers. Maintenant fuis, sinon je te ramène à la Tour et te livrerai aux dragons de l’Ordre. »

Sachant très bien qu’il n’était pas dragonnier, et même pas encore aspirant, il ne put se retenir à l’idée de lancer une telle menace auprès du bandit. Il se releva et siffla ses familiers, Horus vint alors se placer sur son avant bras droit et Seth, portant les clés de la cage et les flèches utilisées par son maître, vint se poser sur l’épaule gauche d’Ezechiel, plaçant les flèches dans le carquois et les clés dans la paume de celui ci.

Voltige marcha vers la cage, et l’ouvrit avec les clés du geôlier, levant sa main libre en l’air paume ouverte pour calmer le prisonnier.

« Je viens au nom de l’Ordre des Dragonniers de Dyen, calmes toi jeune homme, je suis là pour te libérer et te permettre de rejoindre ton père Jenhere. »

Le jeune homme visiblement terrorisé, ne pouvait contenir ses larmes, tendant désespérément ses mains vers Zéké pour qu’il le détache et lui enlève son bâillon. Ce qu’Ezechiel s’empressa de faire, coupant les liens avec sa dague et enlevant la lanière de cuir servant de bâillon.

« Merci merci merci… Merci messire… Je vous dois la vie, qu’Amisgal, symbole de notre patrie, vous bénisse. J’ai cru que j’allais mourrir, qu’ils me tueraient devant les yeux de mon père après avoir empoché l’argent, comme ils le disaient… J’étais terrorisé messire ! »

Plaçant une main sous le bras du jeune homme il l’aida à se relever, le menant vers Aksinya Machir.

« C’est terminé mon ami, tu n’as plus rien à craindre. »

Ils rejoignirent Aksinya et Ezechiel lui lança en abaissant au préalable légèrement la tête:

« La mission est accomplie Maîtresse Machir. Voilà le fils de Jenhere, sain et sauf, on ne peut cependant pas en dire autant des voyous. »

Il replaça sa capuche sur son crâne et attendit le jugement de son Mentor, espérant son approbation, mais se tenant prêt à recevoir des critiques. Après tout il était là pour apprendre.

Comme elle le lui avait dit, elle n’interféra pas dans son sauvetage. Bien qu’elle s’était positionnée, elle même assez proche pour observer à la fois Ezechiel et le camp au cas où il y aurait besoin. Son utilisation de ses familiers et de la bête sauvage ne passa pas inaperçu, pas besoin d’avoir le don d’Orshin pour le remarquer, pas plus que ses attaques avec les armes. Il utilisait tout ce dont il avait à disposition. Une bonne chose. La prise de risque avait été minime. Mais comme toujours, il y avait de quoi améliorer, peaufiner ses actions.

« Certes, non. Et si c’est une bonne réussite d’avoir pu tirer ce jeune homme de là sans une égratignure, on peut se demander s’il était nécessaire de tous les tuer. Notamment le dernier, alors que deux étaient morts et l’autre incapacité. Je ne doute pas que tu puisses mettre un tel homme hors état de nuire aussi promptement que tu l’as tué. »

Elle fit une pause avant de poursuivre sur cette idée. Nullement fâchée, mais ferme sur ses propos. Sa route, son parcours serait scrutée par nombre de ses compères, elle ne pouvait être laxiste avec lui pas plus que lui ne devait l’être dans ses actions.

« Cela représentait peut-être un risque de ne pas le tuer et de juste de l’assommer ou de le blesser. Toutefois vivre du côté de la justice est plus difficile que de celui des brigands et encore plus quand on représente cette dernière et qu’on n’est pas de simple mercenaire. Dire qu’on est dragonnier n’est pas anodin et implique des responsabilités. Si l’un de nous dénigre l’image ou agit mal cela rejaillit sur l’ensemble de l’Ordre. »

Cela étant dit, ils pouvaient avancer. Ils devaient retourner à la ville pour être sûr que le fils embarque dans une caravane pour retourner à Dyen. De là, ce serait à lui de se débrouiller : il était inenvisageable que Olorin transporte trois humains.

« Quant à la mission, elle n’est pas totalement terminée. Nous ne pouvons laisser Dilan seul dans cette forêt. La mission se terminera quand il sera à l’abri. »

Elle lui laissait de nouveau la main pour gérer la situation, qu’il puisse finir ce qu’il avait commencé. Et même si elle n’en avait rien dit pour l’instant : il avait passé son test, sans quoi elle n’aurait pas donné cette réponse là ni ne serait restée sans intervenir. Il avait accompli sa partie, de retour à Dyen se serait à elle de remplir la sienne et de tenir tête aux dragonniers récalcitrants. Mais elle ne se faisait pas de souci, elle avait de bonne base pour le faire.

« Certes, non. Et si c’est une bonne réussite d’avoir pu tirer ce jeune homme de là sans une égratignure, on peut se demander s’il était nécessaire de tous les tuer. Notamment le dernier, alors que deux étaient morts et l’autre incapacité. Je ne doute pas que tu puisses mettre un tel homme hors état de nuire aussi promptement que tu l’as tué. »

« Cela représentait peut-être un risque de ne pas le tuer et de juste de l’assommer ou de le blesser. Toutefois vivre du côté de la justice est plus difficile que de celui des brigands et encore plus quand on représente cette dernière et qu’on n’est pas de simple mercenaire. Dire qu’on est dragonnier n’est pas anodin et implique des responsabilités. Si l’un de nous dénigre l’image ou agit mal cela rejaillit sur l’ensemble de l’Ordre. »

« Quant à la mission, elle n’est pas totalement terminée. Nous ne pouvons laisser Dilan seul dans cette forêt. La mission se terminera quand il sera à l’abri. »

Il avait fauté, même si le ton de la voix de son interlocutrice ne laissait ressentir aucun reproche, il le prenait ainsi. Il souhaitait faire bonne impression et se montrer sous son meilleur jour. Hélas il s’est laissé allé et a fait le choix de tuer ces hommes au détriment de ce qu’aurait pu attendre de lui l’Ordre. Il savait que tuer n’était pas la solution parfaite, mais peut être que dès demain ces hommes s’en seraient de nouveau pris à des innocents, peut être auraient ils tués des villageois ou pire… Ce genre de coupe jarrets ne sont bons qu’à une chose détrousser, violer, tuer les pauvres gens de sa patrie d’accueil. Même s’il aurait dû réfléchir à deux fois avant d’agir, il n’arrivait pas à regretter son acte. Ces hommes méritaient leur sort. Il regarda dans les yeux sa supérieure, baissa légèrement la tête pour signifier son assentiment et son respect à l’écoute de précieux conseils.

« Je retiens ce que vous m’avez dit Maîtresse Machir, et ferais en sorte d’honorer l’Ordre lors de mes futurs actions. Vous ne me verrez plus entacher le nom des Dragonniers. »

Il se tourna vers l’ancien prisonnier et le saisit sous l’aisselle pour l’aider à marcher. Le trajet de retour serait long et pénible mais le dragon de sa tutrice ne devait sans doute pas être en mesure de supporter le poids de trois adultes. Il pris se dirigea alors vers la capitale et prit soin d’envoyer son aigle en éclaireur afin de s’assurer qu’aucun désagrément ne les attendait en chemin. La route se passa sans embuche si ce n’est les plaintes récurrentes du jeune Dilan. Ils l’emmenèrent jusqu’à une caravane qui lui permettrait de rejoindre son village sans risques et de retrouver son père. L’homme les remercia bien plus que chaleureusement, les louant de lui avoir sauvé la vie et que jamais il ne les oublierait. Même si Zéké se doutait que l’euphorie de la survie le faisait dire tout cela, il ne put s’empêcher d’être flatté et fier d’avoir pu sauver une vie en ce jour. Une fois l’homme partit, il se tourna vers Aksinya, à la fois curieux et impatient de savoir ce qui l’attendait par la suite.

Satisfaite par sa réponse, elle hocha la tête. Comme sa présentation et son attitude l’avaient suggérées jusqu’à présent, il était capable d’encaisser les critiques et de les prendre en compte. Une bonne chose, une très bonne chose indispensable dans son cas. Du fait de son âge, les autres seraient moins enclin à lui pardonner des travers qu’ils avaient pourtant eux-même eus à leur début. Enfin, si ce n’était pas ça, ils trouveraient bien autre chose pour le taquiner voir le brimer. Les premières semaines allaient être déterminantes.

Aksinya réfléchissait à cela tout en suivant son tout nouveau aspirant, le laissant gérer la victime qu’il avait sauvé. Ce fut seulement une fois qu’ils se retrouvèrent de nouveau seuls qu’elle reprit la parole ainsi que la direction des événements.

« Une bonne chose de faite ! Comme tu as pu le voir, les gens à qui l’on vient en aide sont très reconnaissantes sur le moment. Il serait malséant d’en profiter pour leur soutirer des promesses. »

Elle grimaça légèrement à cette pensée. Tous les dragonniers n’étaient pas aussi scrupuleux dans ce domaine. Mais elle aurait honte qu’un de ses élèves se comporta de la sorte, d’ailleurs elle s’assurait de le prendre la main dans la sac et de lui faire regretter amèrement sa cupidité si jamais le cas se présentait.

« Par contre, cela crée des liens, c’est indéniable. Et il n’y aucun mal à retourner voir des interlocuteurs bien disposés envers toi en cas de besoin. »

La suite de la discussion devrait attendre leur retour à Dyen, Olorin les avait rejoints. Cette fois pas de saut dans le vide, juste une longue montée dans les airs. Ils dépassèrent la caravane dans laquelle avait pris place le jeune Dilan. Impossible à cette hauteur de distinguer où il se trouvait ou si même on pouvait apercevoir sa tête.

« Bien, ton apprentissage a déjà bien commencé. J’ai des choses à faire, je vais reprendre ta lettre de Luka Toen et je te la rendrais quand tu me rejoindras à dix-sept heures au pied de la Tour. Récupère tes affaires avant de venir, tu logeras en haut de la Tour dans les quartiers des aspirants, le chef des aspirants t’indiquera une chambre libre. En attendant, tu vas retourner au bureau des requêtes et te mettre au service des apprentis présents. Ils te donneront de quoi faire. »

Olorin était quant à lui déjà reparti vaquer à ses propres activité et ce dès qu’il les avait déposé à l’aire d’atterrissage. Eux se trouvait au pied de la dite Tour, à son entrée.

« Ce sont tes aînés dans l’Ordre, tu leur dois le respect. »

Eux aussi en théorie devaient respecter les plus jeunes mais ils n’étaient pas rare qu’ils bizutent plus ou moins gentiment les nouveaux venus. Enfin, tout n’était pas du ressort de Aksinya.

« Pour les jours prochains tu devras te renseigner auprès du maître des Aspirants pour le tour des corvées : la nourriture, le nettoyage, le soin des chevaux -nous en avons aussi- et des chiens. Le reste du temps tu seras au bureau des requêtes ou avec moi en tant qu'écuyer, nous en reparlerons plus en détail. Prépare toi à avoir de longue journée et avoir besoin de tes journées de repos ! »

Voilà, elle lui avait tout dit. Pas de traitement de faveur, ce ne serait pas lui faire un cadeau.