Rien ne sert de courir, il faut voler à point [Terminé]

Losos, la ville aux dix couleurs et des feux d’artifices les plus impressionnant les un que les autres. Leynar était venu dans la ville autant pour faire quelques affaires que pour quitter Eoril, rester trop longtemps au même endroit quand on à rien a y faire est étrangement contre productif, et il devait bientôt retourner à Busad. Bien sûr il n’y retournerait avant d’avoir tissé quelques liens avec plusieurs artisans ou autres marchands des autres régions. Mais ce n’était pas la seule raison pour laquelle il avait quitté Eoril, le spectre de sa rencontre avec la tristement célèbre Zora Viz’Herei le suivait encore. Qui aurait pu croire que ceux qui auraient envoyé des mercenaires secouer Leynar auraient mal pris leur mort ? Si le khurmi n’appréciait déjà pas la situation qui se jouait auparavant il ne pouvait que détester ce qui se passait à présent, les relations qu’il avait avec les commanditaires des mercenaires étaient déjà glaciale, maintenant il ne pouvait que craindre des représailles, pour un fait dont il n’était pas l’instigateur pour une fois.


Il aurait très bien pu rester serein et se dire que tout irait bien, mais il n’était pas naïf et savait très bien que la réponse qu’on allait lui envoyer serait beaucoup plus violente que ce qu’il avait subit pendant les derniers mois. Mais c’en était trop, et il avait décidé de prendre des mesures, quitte à ce qu’il y ait de la casse il s’assurerait que ce qu’on lui infligerait serait rendu au centuple. Oh oui il avait eu l’occasion de ruminer sa rancœur pendant des mois et des mois, jamais tranquille à cause d’une petite erreur qu’il avait commise. Il continuait à hésiter, devait-il demander de l’aide aux Danseurs ? Ce serait sans doute une aide précieuse pour lui, surtout qu’il s’assurerait que cette aide soit largement récompensée. C’était l’avantage d’avoir pour ennemi des gens beaucoup plus riches que soit, les possibilités de vol étaient d’autant plus conséquentes et pourraient certainement motiver plus d’un voleur. Enfin, il aurait l’occasion d’y réfléchir plus longuement à Busad, même s’il était sous surveillance.


En attendant l’heure de sa vengeance il devait néanmoins s’évertuer à lier de plus en plus de contacts, ça lui serait certainement utile dans le futur et il fallait voir les choses à long terme, il ne comptait pas s’arrêter à Busad et il fondait de grands espoirs à développer ses affaires dans d’autres régions, en particulier Khurmag, et il visait surtout Reoni. Il y avait vécu longtemps et il savait que certaines affaires que l’on considérerait comme néfastes ailleurs y étaient autorisées, ce serait un bon point de départ pour des affaires moins conventionnelles. Mais ça restait un projet, il fallait encore le rendre réel.


C’est pour cela que Leynar continuait de mener ses petites affaires plus légales, marchant d’un bout à l’autre de Losos. Il ne passait pas vraiment inaperçu malgré sa capuche, il fallait dire qu’il était assez intriguant, étrangement le masque qu’il mettait pour cacher ses brûlures attirait plus d’attention qu’il ne l’aurait cru. Enfin, toute attention était bonne à prendre, tant que personne n’essayait de se faire passer pour lui bien sûr. Il ne faisait pas attention aux gens qui le dévisageaient pendant qu’il marchait tranquillement, ça l’amusait presque en fait, s’ils savaient ce qui se cachait sous ce masque ils tireraient des mines bien moins curieuses. Enfin, la curiosité restait un vilain défaut, il ne le savait que trop bien. Alors il continuait de marcher sans se presser, mais faisant attention tout de même, il portait à sa ceinture deux bourses, une qui contenait simplement des irys, mais l’autre contenait quelques pierres précieuses de petite taille, ce qui avait tout de suite plus de valeur à ses yeux. S’il ne craignait pas d’être volé pour une somme aussi dérisoire pour lui, que ce soit en pièces sonnantes et trébuchantes qu’en pierres précieuses, il n’avait pas envie de se lancer dans une course poursuite inutile. Aussi faisait-il attention, mais pas trop tout de même, il ne faudrait pas être inutilement paranoïaque, pourquoi un voleur craindrait-il de se faire voler après tout ?

Un pas après l’autre, la rouquine avançait dans ces rues inconnues en affichant toujours la même mine réjouis. Comme une enfant, elle s’amusait de ses découvertes, de ces nouvelles couleurs, de ces gens si différents des daënars, mais à la fois si semblable. Leur allure, leurs vêtements, leurs coutumes de distinguaient certes en tout point, mais leur regard restaient le même. Apanage des humains la méfiance se reflétait dans leurs yeux. Alors même si la voleuse avait veillé à dissimuler tout ce qui faisait d’elle un être à part, ses cheveux blonds vénitiens, presque roux attiraient forcément les regards, de même que ses grands yeux bleus à la lueur trop enfantine pour être parfaitement honnête.

Ash avait depuis bien longtemps l’habitude de susciter pareilles œillades et de ce fait, ne s’en souciait pas plus que cela. Rien ne l’empêcherait d’avancer, d’observer partout, autour d’elle comme si elle se trouvait constamment à la recherche de quelque chose… Sans jamais découvrir quoi. Elle avait entendu dire que se trouvait dans ce village si particulier quelques maîtres artificiers. Durant l’une de leur nombreuse conversation, souvent à sens unique, la menestrelle lui avait décrit ces lumières colorées fendant le ciel à la nuit tombée. Évidemment, de telles choses existent également en Daënastre, ce n’était pas comme si la rouquine n’en n’avait jamais vu. Mais Mey avait insisté sur leur particularité et il n’en fallait guère plus pour éveiller la curiosité de cette grande gamine aux cheveux roux.

Alors la voilà, marchant au milieu des autres visiteurs et locaux au plein cœur de ce marché si singulier jusqu’en faire le tour… À plusieurs reprise. Ce n’est que lorsque son estomac commença à gronder que la belle décida de déserter les lieux. Ce n’était pas dans ce coin de la ville qu’elle trouverait de quoi se sustenter après tout, sauf si l’on était friand de poudre… Ce qui n’était bien évidemment pas son cas. À son arrivée, la voleuse avait repéré un petit étale, devant laquelle se tenait une femme avec un certain embonpoint vendant des brioches à l’allure bien curieuse. Elle s’était promis d’y repasser, mais à force de faire le tour et de multiples détours, l’étrangère se trouvait totalement perdue. Forte de son caractère, ce n’était pas ce petit détail qui allait l’inquiéter alors elle se contenta de marcher, au petit bonheur la chance, pas après pas.

Son attention se portait sur tout et rien. L’architecture un peu sommaire. Sur les gens et leurs tenues colorées comme pour rappeler le surnom donné à ce village. Elle aimait particulièrement s’attarder sur les visages, cherchant leur histoire dans leurs multiples expressions… Un visage ridé indiquant plus une vie difficile qu’un âge avancé. Un sourire signifiant plus une joie précaire qu’un réel bonheur. L’air malicieux d’un enfant. Le regard sévère d’un vieillard...Tant de choses à apprendre sur un visage. Elle se perdait alors sur ces contemplations jusqu’à tomber sur l’un d’eux totalement dénué d’humanité. Qu’importe sa tenue, sa capuche probablement destinée à cacher le masque recouvrant un visage totalement dissimulé, il n’en fallait pas plus pour l’intriguer.

Il n’avait pu la voir de là où elle se trouvait. Il… Car sa stature indiquait forcément qu’il s’agissait d’un homme… ou d’une femme totalement dépourvue de féminité. Par habitude, Ash se dissimula en reculant, cachant sa silhouette frêle derrière une masse humaine grouillante des badauds peu pressés. Elle le laissa passer devant elle, sans jamais le quitter des yeux et une fois que celui-ci se trouvait assez loin, la voleuse aux instincts bien plus félins qu’humain commença à le suivre.

Elle guettait le moindre de ses faits et gestes, essayant de comprendre la raison de l’existence de ce masque. Sa façon de marcher indiquait que l’homme n’était pas confiant. Il fouilla à sa ceinture, d’un coté, puis de l’autre… Signe de l’existence de deux bourses, ou d’une seule… Et de la présence d’une arme. Méfiante, mais toujours plus curieuse, la voleuse accéléra sa marche, assez pour dépasser l’homme au masque, se plaçant devant lui sourire aux lèvres. L’objet en lui-même n’était pas très beau, plus grossier qu’autre chose. Ce n’était donc pas une sorte d’accessoire de mode, ou alors celle-ci lui échappait totalement. Fixant les orbites de l’objet, Ash cherchait à capter le regard de l’homme dissimulé, cherchant inconsciemment, ou non, à provoquer une réaction chez lui… Réaction totalement illisible, ce qui la frustrait au plus au point.

Alors, juste par jeu et esprit de provocation, Ash lui adressa un clin d’œil avant de faire une pirouette calculée pour attraper l’une des bourses au vol… Avant de disparaître dans la foule. Son pas se fit plus rapide cette fois, comptant sur ses réflexes aiguisés pour se frayer un chemin parmi les passants… Mais pas pour le voler, même si la bourse pesait lourd dans sa main, simplement pour attirer sa proie dans un lieu un peu plus reculé. Encore fallait-il qu’il morde à l’hameçon.

Une fois le bon endroit repéré, l’acrobate se hissa dans les hauteurs pour surplomber ce qui n’était autre qu’une impasse somme toute assez banale, mais suffisamment intime pour jouer. Elle l’attendait, là , guettant l’arrivée de son jouet occasionnel sans même chercher à découvrir le contenu de la bourse qui finalement ne l'intéressait pas plus que cela.

Leynar était confiant, peut-être trop pour son propre bien d’ailleurs, ce dernier était presque persuadé de ne rien risquer, trop confiant dans ses capacités à repérer ce qui pouvait lui faire du tort en quelques instants. On pourrait presque dire qu’il en devenait suffisant, ce n’était pas comme si quelques mois plus tôt il s’était fait voler par un homme qui était devenu quelques heures plus tard son collègue. La vie était bien étrange parfois, et d’une ironie amère, mais il devait avouer que ce qui lui était arrivé relevait plus de la bonne fortune que de la malchance. Bien sûr il avait perdu des marchandises dans l’opération, mais ce n’était pas le pire de ce qui lui était arrivé, loin de la même, et quand il comparait les gains à la perte de ce que lui avait volé Oskar il ne pouvait s’empêcher de penser qu’il avait gagné au change. La vie de voleur était parfois plus rentable que celle d’arnaqueur, le point positif étant qu’on ne pouvait plus l’accuser de vendre de fausses marchandise, même s’il s’y prenait plutôt bien pour l’écouler et qu’il donnait une partie des bénéfices aux Danseurs du crépuscule. Il était dans l’organisation, il fallait bien qu’il paie sa part, d’autant plus s’il voulait demander leur aide pour régler l’épineux problème qui était le sien. Mais il  pouvait y réfléchir plus tard, tant que personne n’essayait de le coincer dans une ruelle sombre pour l’assassiner il considérait que ce problème pouvait être retardé dans la mesure du raisonnable. Non il n’attendrait tout de même pas de recevoir un coup de couteau dans le torse pour agir, il fallait être fou pour ça, ou suicidaire.


Mais toutes ces pensées si distrayante à propos des Danseurs ou de vengeance ne pouvaient le détourner de ce qui jouait devant lui. Il était assez étonné d’ailleurs, derrière son masque il haussait les sourcils qu’il n’avait pas, une certaine réaction de stupeur s’était formé sur son visage soigneusement caché derrière le masque. C’était presque un atout, personne ne pouvait décoder ses réactions puisqu’elles ne pouvaient être vu, il aurait fallu lui arracher son masque pour ça. Toujours était-il qu’il y avait quelqu’un devant lui, quelqu’un qui l’empêchait d’avancer et de continuer son chemin dans la foule. C’était une femme, elle lui souriait, il ne savait pas pourquoi et il était presque sûr qu’il se fichait éperdument du pourquoi. Oh il y avait une certaine part d’interrogation et de curiosité, mais c’était nettement moins dans ses priorités de savoir pourquoi on s’arrêtait devant lui en lui souriant que de tailler sa route et de continuer à mener ses petites affaires afin de mener à bien ses ambitions. Aussi comptait-il continuer son chemin sans tenir compte de l’obstacle devant lui, mais il semblait que l’obstacle était bien plus difficile à surmonter qu’il n’aurait cru.


Un clin d’oeil, c’était la dernière chose que la femme devant lui lui adressa avant de réaliser une pirouette fort acrobatique et s’engouffrer dans la foule, dérobant une des bourses accrochées à sa ceinture au passage. Bon sang, c’était bien celle qu’il pensait… ? C’était bien celle qu’il pensait, celle qui contenait quelques pierres précieuses. Ah il était nettement moins confiant d’un coup, l’irritation le submergea tandis qu’il se frayait un chemin dans la foule pour suivre péniblement celle qui l’avait volé avec tant d’adresse. On ne volait pas un voleur hein ? Qu’est-ce qui venait de se passer alors ? Il était presque furieux contre lui-même d’être aussi négligeant et de ne pas prendre au sérieux ce qui l’entourait alors qu’il voyait le résultat de sa négligence s’enfuir devant lui.


Il faisait de son mieux, vociférer contre lui-même ou contre la foule serait contre productif, alors il continuait dépasser petit à petit la foule, essayant de ne pas perdre de vue celle qui lui avait soutiré ce qui avait une grande importance pour Leynar. Il avait lui-même taillé les pierres après tout, plus que de la marchandise, c’était de l’artisanat dont il ne pouvait qu’être fier, il avait du talent après tout, et il ne comptait pas laisser en profiter quelqu’un qui le lui avait soutiré, même s’il devait avouer qu’il s’était fait voler en beauté. Oui parfois il fallait quand même qu’il avoue ses erreurs, c’était humain après tout.


Alors il continuait de suivre la voleuse, il remarqua qu’au fur et à mesure qu’il la suivait elle prenait des rues de plus en plus étroite, jusqu’à ce qu’il la perde de vue et qu’il dû chercher lui-même jusqu’à trouver ou elle s’était réfugiée. C’était une impasse, quelle curieuse idée que de venir se nicher dans une impasse, mais elle était en hauteur, elle pourrait s’échapper quand elle le voulait. Malin. Alors il commençait à réfléchir à un moyen de s’en sortir, pour le moment il privilégiait le dialogue, mais peut-être que cela changerait, il était patient après tout, enfin jusqu’à un certain point.  


-Bien, maintenant que cette petite filature est terminée, je veux récupérer la bourse que tu as prise. Ce n’est pas une demande si déraisonnable, si ? Je ne suis pas particulièrement rancunier alors j’oublierai cette histoire. A condition que tu me rende ce qui m’appartient.

Rien de plus facile pour la jeune femme de circuler parmi les passants sans rien perdre de son aisance. Il la suivait et ce constat ne fit qu'accentuer son plaisir et son excitation de joueuse invétérée. Il n'existait rien de plus amusant que lorsque que le chat et la souris inversaient les rôles… Enfin, plutôt, lorsque la souris pensait, à tort, être le chat tandis que le félin ne perdait strictement rien de son instinct de prédateur. Elle le guida jusqu'à cette impasse, sans prendre réellement la peine de se cacher. Ash tenait à être vue, tout en restant hors de sa portée pour des raisons évidentes. Un couteau dissimulé dans sa manche, prêt à être saisis, assurerait sa sécurité en cas de dérapage, même si la voleuse préférait ne pas en arriver là.

Au bout d'un certain temps à l'observer, l'inconnu décida finalement d'ouvrir la bouche parlant d'une voix posée, mais ferme.

-Bien, maintenant que cette petite filature est terminée, je veux récupérer la bourse que tu as prise. Ce n’est pas une demande si déraisonnable, si ? Je ne suis pas particulièrement rancunier alors j’oublierai cette histoire. A condition que tu me rende ce qui m’appartient.

La prenait-il pour une imbécile, une amatrice peut-être ? Pensait-il que la femme face à lui était assez stupide et naïve pour obéir aveuglément à cet ordre déguisé ? Cela serait bien trop facile, pas assez amusant… D'autant que cela ne répondrait en rien à toutes ses interrogations.

-C'est ce que tu ferais à ma place? lui demanda-t-elle en le toisant de son poste d'observation. Tu obéirais bien gentiment à ta victime après t'être donné taaaant de mal à la guider jusqu'ici ? Tu n'es pas très joueur malgré ton visage de pantin.

Provocatrice la voleuse ? Si peu… Elle jouait, simplement, cherchant à découvrir la personnalité que ce masque si laid servait à dissimuler. Tout comme ce visage, encore inconnu, invisible qui attisait tant sa curiosité.

-Qui a-t-il là-dedans? lança-t-elle en agitant le sac par pure provocation. Je ne sais pas pourquoi, mais je doute que tu m'aies suivi pour quelques pièces.

Sa curiosité ne se portant absolument pas sur le contenu du sac, la voleuse ne prit nullement la peine de l’ouvrir. Elle se contentait de le secouer pour en écouter le son, bien différent de celui des pièces qui s’entrechoquent. Le poids aussi ne ressemblait pas à celui de l'argent, bien plus lourd, un peu comme s'ils s'agissaient de cailloux de petite taille… Mais de grande valeur, sans quoi, il ne l'aurait jamais suivis. Inutile donc de l'ouvrir pour deviner, aussi son sourire ne fit que s'élargir.

-Je me demande… minauda-t-elle en lui offrant son plus beau sourire. Que serais-tu prêt à faire pour récupérer ton bien ? Que dirais-tu d'un petit jeu ?

Comme cela la frustrait de ne voir aucune expression sur ce masque impassible, inhumain par nature. Point de réaction. Point d’interrogation, de surprise visible… Ce qui ne faisait qu’accentuer cette curiosité insatisfaite. Rien ne lui permettait d'anticiper ses réactions, elle ne pouvait lire dans ses regards puisque ceux-ci restaient tout aussi invisible que le reste. Était-ce là le but de ce masque ? Empêcher quiconque de le voir, lui, par-delà ce morceaux d'inhumanité, par delà la chair qu'il cachait… Pour Ash, l'objet ne dissimulait pas seulement un visage, mais l'humain en son intégralité. Tout se jouait dans les regards, les mimiques, absolument tout… Elle, le savait plus que quiconque puisque son propre masque était fait de chair, de sourires et de regards aguicheurs… Bien peu ressemblant à ce qui existait derrière cette facette perpétuellement exposée au monde. Ce masque-là, Ash ne l'avait fait tomber qu'une seule et unique fois en quatre ans avec une certaine mage… Une seule. Pour l’heure, celui-ci restait bien en place et attendait la réponse que la souris déguisée en chat.

Pourquoi Leynar avait-il donc l’impression que la voleuse allait rendre les choses difficile ? Ah, oui, parce que c’était le cas. Et en plus elle se moquait de lui, un pantin, lui ? Au mieux il s’en moquait, au pire ça lui faisait grincer des dents, mais il n’était pas de mauvaise humeur -pas pour le moment en tout cas- alors il ignora tout simplement cette remarque désobligeante. Surtout qu’il se doutait que cette remarque visait à le faire sortir de ses gonds. Il devait rester calme, ne pas se laisser emporter et attendre le bon moment pour récupérer ce qui lui appartenait. Alors il scrute, il regarde et il attend, sa patience serait sûrement récompensée, restait simplement à supporter les remarques de celle qui lui avait dérobé ses possessions si importantes.


Si en soi les pierres qui étaient dans la bourse n’étaient pas les plus chères que Leynar possédait, celui-ci tenait tout de même particulièrement à les récupérer. Pas pour leur valeur non, mais pour son égo, il n’aimait absolument pas l’idée de se faire déposséder, ça avait le mérite de lui rappeler qu’il n’était pas infaillible, mais c’était une leçon amère qui mettait à mal la fierté de l’arnaqueur. Il ne manquerait pas de maudire son manque de prudence et cette suffisance stupide dont il avait fait preuve.


Joueur il ne l’était pas vraiment, du moins il n’aimait pas vraiment suivre les règles des autres, il préférait de loin suivre les siennes. Après tout on ne peut pas perdre en jouant à un jeu dont on est le seul à connaître les règles. Mais il allait devoir faire une exception, pas parce que ça lui plaisait, mais parce qu’il devait bien récupérer ce qui lui appartenait. Bien sûr il aurait pu recourir à la violence de son arme ou de ses pouvoirs, mais aurait-ce été vraiment efficace ? Elle était en hauteur, il suffisait qu’il perde quelques précieuses secondes pour qu’elle disparaisse sans laisser de trace, comme un mirage. Et cette éventualité ne lui plaisait absolument pas, aussi allait-il devoir se plier à ce petit jeu qu’instaurait la voleuse. Avec déplaisir certes, mais il devait bien devoir coopérer s’il voulait récupérer ses possessions.


-Ce qu’il y a là-dedans ? Tu ne m’arracheras aucune réponse, si tu souhaite tant le savoir tu n’as qu’à regarder toi-même. Tu as réussi à voler ce qui était à moi, ce n’est pas un petit coup d’œil qui va te déranger… si ? Il n’y a rien de mal à regarder de plus près ce qu’on a volé après tout. Il prit un instant de réflexion, semblant gratter de sa main gantée une parcelle de peau inexistante sur son masque si froid. Un petit jeu ? Quel genre de jeu ? Exprime ta pensée et donne moi des détails, dis moi en quoi il consiste.


Derrière l’inexpressif se cachait l’expressif, tant de réactions cachées par ce masque froid et impassible si pratique. Mais pratique était-il bien approprié ? Après tout cela faisait déjà plusieurs années qu’il cachait son visage, le masque n’était que très récent et auparavant c’était une barrière de tissu qui maintenait à l’écart cette chose si horrible et infâme qu’il appelait son visage. La plupart du temps il s’évertuait à dire que ce masque, cette « protection » s’il avait osé l’appeler ainsi, n’était présent que pour épargner un triste spectacle aux autres. Est-ce que cette protection n’était pas tout simplement qu’une barrière pour éviter que quiconque ne s’intéresse trop à lui ? Après tout maintenant il portait ce visage impassible, froid et inhumain, mais ne portait-il pas ce visage depuis une dizaine d’années maintenant ? N’avait-il pas remplacé l’ancien ? C’était bien ce qu’il était, un homme qui cachait son visage. Un homme sans visage.

Voilà un jouet peu loquace, plutôt barbant. Celui-ci éludait chacune de ses questions, se contentant de rester planté là, bien caché derrière son masque hideux et inexpressif. Que cachait-il à la fin ? Cette question obsédait totalement la voleuse à la curiosité frustrée si bien que son regard se fit bien plus inquisiteur.

-Tu n'es pas drôle, n'est-ce pas ?

Sa voix, d'ordinaire presque chantante, si fit naturellement plus dure, plus rauque. Elle savait que peu importe la réponse que l'homme lui fournirait, celle-ci ne ferait que la frustrer davantage. S’il lui répondait, évidemment, or, la rouquine en doutait fortement.

-Mais tu es malin...

Jusque-là, debout en équilibre sur une corniche, l'acrobate s'assit, les yeux toujours rivés sur sa “victime”. De quand datait la dernière fois que la belle s'était retrouvée face à un homme intelligent… Pourquoi celui-ci semblait pouvoir mener le jeu avant même qu'elle n’ait énoncé les règles. Décidément, la voleuse ne savait plus comment agir. Alors elle l'observait, en serrant les dents puisqu'elle ne pouvait interpréter ses réactions. Elle réfléchissait, tout en empoignant fermement la bourse au contenu mystérieux, mais qui ne l’intéressait absolument pas. Ash volait par besoin, ou par envie… Pour le jeu, pour se distraire. Néanmoins, l'enjeu perdait tout intérêt.

-Que caches-tu à la fin ? grogna-t-elle à voix basse.

Qu'il tombe le masque, l'inconnu. Le tangible comme l'abstrait, car toutes ses questions ne faisaient que la contrarier, encore et encore… Ne sachant que faire, ni quel jeu lui proposer, la rouquine finit par ouvrir la bourse pour en découvrir finalement le contenu… Au fond, reposaient sagement quelques pierres colorées, finement taillées… La voleuse se saisit de l'une d'elle, petite, brillante et d'une couleur rouge orangée. La tenant entre ses doigts fins, elle ensuite la porta sous un rayon lumineux pour en admirer les détails.

-C'est du beau travail… Sacrée précisions même…

D'aussi bel ouvrage, Ash en avait déjà vu, en Daënastre. Là où les joailliers s'aidaient de technologie de pointe à la précision remarquable. Elle ne savait donc pas, qu'ici, sur les terres mages où la technologie était proscrite, une telle chose était possible. La voleuse avait décidément, beaucoup de choses à apprendre sur ces gens-là.

-Volées ? Achetées ? s'enquit-elle en laissant de nouveau glisser ses perles d'azur sur sa victime

Pouvait-il en être le façonneur ? Difficile à dire, même ses mains étaient gantées. Comment savoir si celles-ci se voyaient marquées par quelques cicatrices provoquées par des outils de précision. Elle ne savait donc rien, ne pouvait rien deviner et tout ceci commençait à l'agacer. Un jeu… C'est bien ce qu'elle avait proposé, mais lequel ? La pierre rejoignit ses sœurs au fond de la bourse avant que la belle ne la referme dans un geste vif pour la placer à sa ceinture.

Quelle était sa magie ? Était-elle puissante ? Était-il confiant ou non ? Les questions pleuvaient sans jamais trouver de réponse. S'il l’avait poursuivi, s'il restait là, c'était bien parce qu’il tenait à ses cailloux, non ? Quel jeu ? La voleuse poussa le fond de sa réflexion, avisant une nouvelle fois, ses mains et son visage si bien cachées. Un sourire étira ses lèvres, elle l'avait trouvé.

-C'est simple, lança-t-elle en se laissant tomber sur ses pieds agiles. Récupère ta bourse, puis va t'en…

Un jeu bien risqué, il est vrai. Sachant, en plus de cela, qu’elle ne pouvait savoir s'il était armé sous sa cape. La voleuse ne pouvait compter que sur son agilité si féline. Elle ne serait certainement pas si facile à atteindre, pas entraînée comme elle l'était. Restait à savoir si l'inconnu voulait effectivement jouer… Peut-être qu'une dernière provocation l'inciterait à jouer tout en satisfaisant un peu sa curiosité. Son sourire s'élargit lorsqu’elle s'approche de sa proie avec sa démarche féline. Son corps tendu frôle celui de l'homme quand ses doigts se posent sur sa nuque pour la parcourir lentement, de bas en haut, l'effleurant délicatement. Et tandis qu'elle lui offrait sourire et regard enjôleurs, la main se saisit prestement du masque pour lui ôter tout en s'éloignant rapidement sans lui laisser la possibilité de faire le moindre mouvement dans sa direction.

Elle avisa d'abord le masque entre ses mains avant de relever les yeux vers le visage mis à nu.

Il était satisfait, persuadé d’avoir réussi si facilement à reprendre la main dans ce petit échange, il allait récupérer ce qui lui appartenait et il ferait comme si rien ne c’était passé, après tout lui aussi était un voleur, même si son sens de la solidarité était très peu développé la plupart du temps. Mais il ne s’attendait clairement pas à la suite, sa méfiance s’accentua et il plissa les yeux en voyant la voleuse s’approcher de plus en plus de lui. Il ne sût comment réagir avant qu’il ne soit trop tard.

Exposé, mis a jour, démasqué au sens propre comme au figuré, l’objet qui lui permettait de ne pas troubler les autres lui avait été ôté avec une facilité déconcertante, il y avait derrière cette action un certain talent de la part de la voleuse, mêlé à un manque de vigilance constant ces derniers temps chez Leynar. C’était troublant, mais ce n’était pour le moment pas dans les priorités du marchand. Il  prit une longue inspiration avant d’expirer, cherchant à rester le plus calme possible alors que la chair déformée de son visage était révélée au grand jour. C’était frustrant, on ne pouvait donc pas laisser ce masque où il était ? Les gens ne pouvaient-ils donc pas comprendre que s’il le portait c’était parce qu’il y avait une bonne raison. Le khurmi fulminait, quoi de plus normal la voleuse se jouait de lui et ça ne faisait qu’accroître son irritation.

Il serrait les dents, sa posture trahissant une colère qu’il peinait à maîtriser, faisant de grands gestes avant de finalement se rétracter afin de ne pas faire quelque chose qu’il pourrait regretter. Il se contenait avec une certaine difficulté, cherchant à retrouver son calme sans jamais y parvenir, marchant d’un côté, puis de l’autre sans jamais quitter la voleuse des yeux. Ce n’était plus une question de bien volé, on lui avait retiré une carapace, une manière de se protéger du monde, mais aussi un formidable outil qui lui permettait de ne jamais être trahi par une expression quelle qu’elle soit.

Il chercha le pommeau de son épée, elle lui serait utile si jamais la situation devenait totalement hors de contrôle et qu’il n’avait pas d’autre choix. Il n’y avait pas de négociations possible dans cette situation, plus que récupérer les pierres, il voulait son masque, c’était sa priorité pour le moment, même s’il voulait clairement récupérer son œuvre également. Il tendit alors sa main, regardant avec insistance la voleuse.

-Le jeu est fini, rends moi mon masque. Maintenant.

Un ton sans équivoque, clair et net. Il ne voulait pas laisser de place au doute d’autant plus qu’il était d’une humeur irascible. Mais il n’en était pas au point ou toute discussion était impossible, du moins tant qu’on lui rendait son masque, et éventuellement ses pierres, mais il était ouvert à la discussion. Tant qu’on répondait à sa demande et qu’on ne le faisait plus tourner en bourrique.

Je le vois bien… Il est en colère, sans nul doute. Je tiens son masque hideux entre mes mains, je l'observe avec attention avant de reposer mon regard sur son visage. Son vrai visage. Ses yeux sont expressifs, enfin. Je le vois lui, plutôt que cette ignoble pièce de métal froid et rigide. Bon sang, ce machin doit être sacrément inconfortable… Alors pourquoi le porter au juste ? C'est stupide… Tellement stupide.

Cet objet glacial, je le trouve simplement méprisable. C'est un mensonge tangible. Un mensonge sordide… Son visage, le vrai, lui il est réel, franc, expressif. Il peut bien me détester, au moins maintenant que je le vois, je peux ressentir ses émotions… Sa gêne aussi ? Craint-il le regard des autres ? Oui, forcément… Pourquoi se cacherait-il ainsi sinon ? Pourquoi aurait-il pris la peine de choisir un masque aussi ouvragé sinon… quitte à se blesser davantage. Le tissu à l'intérieur est humide, évidemment. Sa peau peut bien être abîmée, il sue, comme n'importe quel être humain.

J'observe l'objet une dernière fois avant de le lui rendre. Ce masque lui est probablement vital pour qu'il réagisse de la sorte, même la disparition de ses pierres n'a pas provoqué une telle réaction.

-Est-ce douloureux? , lui demandé-je.  

Je ne sais pas moi-même ce que ma question signifie. Elle est sortie naturellement, juste comme ça. Néanmoins, force est de constater qu'elle peut aisément tout englober. La cicatrice, marque que je peux facilement reconnaître comme une brûlure. Je connais ça, j'ai la même, bien qu'elle ne se trouve pas sur mon visage. Le regard des autres ? Peut-être bien, même si le mien reste particulièrement neutre. Je n'ai vu qu'un visage en colère, pas seulement une vilaine balafre. Le fait de porter ce machin-là, si peu naturel ?

Je finis par me rapprocher, venant me placer face à lui. A cette distance, s'il veut me blesser, il peut le faire sans difficulté. Je l'ai rendu vulnérable quelques secondes, alors je fais de même. C'est ma manière à moi de lui présenter mes excuses sans avoir à les formuler de vive voix. Je ne m'abaisserais certainement pas à cela… Oh, non, sûrement pas.

D'ici, je peux les voir sans problème, ses prunelles bleu clair légèrement assombries par la colère que j'ai volontairement provoquée… Et peut-être un peu par la surprise. Je devine ses traits plutôt facilement, malgré les marques laissées par les flammes. La cicatrice n'est pas vraiment récente, mais elle est assez propre.

-Tiens, lui dis-je en posant son masque dans sa main.Mais je trouve vraiment dommage que tu dissimules ton humanité sous cette chose. Tu as un beau regard et ton sourire doit l'être également. Du moins, si tu es capable de sourire, même si j'en doute pour l'instant. Mais je ne peux pas vraiment t'en vouloir vu les circonstances.

Je suis on ne peut plus sincère, comme à mon habitude. Je me fiche de ce qu'il en pense , je dis ce qui me passe par la tête avec cette franchise souvent déroutante qui me caractérise si bien. Néanmoins, il l'a dit lui-même, le jeu est terminé. Je n'ai donc plus aucune raison de le taquiner. Je recule de quelques pas, juste histoire de me laisser la possibilité de fuir si besoin. J'ai toujours ses pierres sur moi, après tout. Et je suis bien trop loin de chez moi pour y renoncer aussi facilement. Il faut bien manger, après tout.

Malgré tout, je ne peux pas résister à l'envie de m'amuser encore un peu avec lui. Je le trouve intéressant, même s'il a de mauvais goûts en matière d'accessoires. Je recule encore, laissant volontairement tomber une pierre tout en lui offrant mon plus beau sourire malicieux. Je n'ai plus qu'à disparaître, pour l'instant. S'il veut jouer, il n'aura plus qu'à suivre ses précieuses pierres, je les laisserai derrière moi. Au pire, elles feront le bonheur de quelques personnes, sinon, je pourrai toujours lui offrir un verre s'il lui prend l'envie de me retrouver.

La main sur la garde de son épée se détendit, jusqu’à se relâcher complètement. Leynar haussa l’un de ses sourcils inexistant devant la question de la voleuse. C’était inattendu, surprenant, il en était quelque peu déstabilisé. La lueur de sa confusion pouvait momentanément se voir dans ses yeux, avant qu’il ne comprenne. La cicatrice, bien sûr. Un sujet de conversation adapté, et l’un des plus courants lorsqu’il ne portait pas son masque. Enfin, adapté si Leynar était dans l’humeur de discuter, ce qui n’était curieusement pas le cas.

-Douloureux ? Ça l’était. Inconfortable ? Assurément. Le masque maintenant, allez.

Il répondait habituellement assez vite à ce sujet, mais pas aussi vite. L’irritation le rendait impatient, pressant. Les pierres précieuses n’avaient que peu d’importance pour le moment. Bien sûr, il pourrait tout simplement tisser une illusion pour remplacer le masque, mais c’était d’abord une question de principe. Personne n’aime particulièrement qu’on touche à ses affaires après tout, et le khurmi n’y faisait pas exception. Il tendait la main avec insistance, et la voleuse lui rendit enfin le masque. Il s’empressa de l’enfiler de nouveau, et lorsqu’il fût de nouveau à sa juste place, il prit une longue inspiration, suivit d’une toute aussi longue expiration. C’était comme s’il était devenu maître de la situation. La colère semblait s’être envolé, laissant place à une  Ce qui était toujours loin d’être le cas, étant donné qu’il n’avait toujours pas récupéré ses créations qui pendaient toujours à la main de la voleuse.

Leynar inclina légèrement la tête aux mots de celle qu’il l’avait volé. Sa surprise était considérable, et elle continuait à s’accumuler d’avantage. Ses yeux sondaient le visage de la voleuse, cherchant une quelconque trace de mensonge ou de tromperie. Il n’en trouvait pas. Ce qui voulait dire qu’elle était honnête et sérieuse ? Ou qu’elle mentait très bien. Il ne savait pas vraiment quelle hypothèse était la plus probable. Dans le doute, toujours partir sur la pire hypothèse.

La voleuse recula de quelques pas, et Leynar savait déjà qu’il ne récupérerait probablement pas ses biens de la manière qu’il aurait voulu. Si les rôles avaient été inversé, il aurait probablement fait la même chose, mais quand même. Il n’était pas vraiment d’humeur à engager une course-poursuite. Surtout une qu’il n’était pas sûr de gagner. Bon il devrait quand même s’y résigner si ça arrivait, mais il fallait bien faire ça pour récupérer ses possessions.

En voyant le sourire malicieux de la voleuse, il n’avait absolument plus aucun doute. Il allait devoir travailler pour récupérer son dû. Elle laissa tomber une pierre précieuse par terre, avant de disparaître dans l’une des ruelles de la ville. Leynar récupéra la pierre, avant de tourner le regard dans la direction de la ruelle. Il y avait d’autres pierres, formant une piste. Est-ce qu’il aurait le temps de récupérer toutes les pierres ? Probablement pas malheureusement. Elles feront au moins le bonheur de quelques passants. Pour le peu que ça importait à Leynar. Il était temps de suivre la piste. Et de récupérer autant de pierre qu’il pouvait.

Une autre pierre qui ponctuait la ruelle, une autre qui indiquait un chemin. Quand est-ce qu’il s’arrêterait, là était la vraie question. Leynar ne prenait pas la peine de toutes les ramasser, il en perdrait trop de temps. Celles qu’il laissait derrière lui ne serait probablement pas perdu, et seraient des pertes acceptables. Surtout que cette piste ne restait pas inaperçue. Déjà les plus observateurs pouvaient voir certaines pierres briller au soleil, et s’empressaient de les ramasser. C’était sans grande conséquences, quoique dommageable pour le khurmi. Il n’aimait pas particulièrement l’idée qu’on garde ses créations sans les avoir payés au préalable. Tant de travail qui ne serait pas récompensé. Mieux valait ne pas trop s’attarder sur ces pensées, ou elles resteraient persistantes. Ce serait une tragédie pour le khurmi que de ne pas être l’individu tempéré et ouvert d’esprit qu’il était habituellement.

Cependant suivre les pierres n’était que l’un des objectifs de Leynar. Ce dernier sondait les environs, observant minutieusement pour essayer de trouver celle qui les semait. Il ne voyait rien qui ne se distingue de l’ordinaire à première vue. Ce qui voulait soit dire qu’il n’était pas très observateur -ce qu’il refuserait catégoriquement d’admettre- , soit qu’il ne regardait pas où il fallait.  Le point positif d’avoir rejoint les Danseurs du Crépuscule, c’est qu’on avait donné au khurmi quelques petits conseils. Par exemple, les gens ne pensent pas si souvent que ça à regarder en hauteur. Quel intérêt cela aurait au quotidien à part admirer les ciel ? Mais dans un cas comme celui-ci, ou quelqu’un voudrait s’assurer de ne pas être vu, c’était une possibilité. Ça, ou des capacités assez affûtés d’invisibilité. Dans les deux cas, il pouvait le vérifier. A part si bien sûr, la voleuse était plus douée que lui, ce qui serait un autre problème pour lui. En tout cas si elle ne laissait pas une traîne de pierre précieuses volontairement derrière elle.

Même s’il échouait à localiser la voleuse, la piste ne s’arrêtait pas au moins. Elle le menait directement à ce qui semblait bien être une taverne. Curieux choix, ou pas si curieux que ça. Difficile d’entreprendre la moindre action répréhensible en étant à la vue de tous. Malin.

Leynar passa le seuil, entrant dans le bâtiment, et immédiatement fouilla la salle du regards. Un main qui s’agitait capta rapidement son attention. Ah, un individu caché par une capuche, il se demandait qui ça pouvait être. A pas lent et mesurés, il s’approcha de la table de la voleuse, ignorant tout simplement les autres individus présent dans la taverne. Lorsqu’il fût au niveau de la table, la voleuse abaissa légèrement sa capuche pour confirmer son identité avant de poser le sac contenant les pierres sur la table.

Le khurmi ouvrit le sac, avant de prendre l’une des pierres dans sa main, comme pour vérifier qu’il s’agissait bien de ce qu’il avait taillé. Il avait l’air curieusement décontracté, et laissa s’échapper un petit rire contenu.

-Ah, de si petites choses qu’on peut égarer si facilement. J’aime me dire que je suis doué dans ce que je fais, après tout ces petites choses représentent tellement de travail. Il replaça la pierre dans le sac. Mais je ne suis pas le seul à être doué, pas vrai ? Mais je me demande… Pour quelle raison me les rendre ? Ça aurait pu être tellement simple de s’enfuir avec. Oh, mais ça n’aurait pas été amusant peut-être ? Il s’assit à son tour. Je vais me risquer à rester pour prendre un verre. Ce n’est que mérité après tout, n'est-ce pas ? Oh, j'allais presque oublier, je paierai.

Je n’aime décidément pas ce masque qui me rendrait presque aveugle tant il m’est impossible de jauger ses réactions. C’est vraiment perturbant de se retrouver face à un visage si expressif, impassible, gravé dans un matériaux si froid qu’il semblerait presque mort… Comment savoir ce qu’il pense s’il m’est impossible de voir son regard ou simplement ses lèvres. Un froncement de sourcil en dit long, tout comme la naissance d’un sourire… Néanmoins, malgré la gêne que je ressens, je veille à garder mon rictus bien en place, comme s’il s’agissait là de mon propre masque, fait de chair celui-ci.

Je le laisse observer le contenu du petit sac, s’emparer de l’une des pierres s’y trouvant sans réellement savoir ce qu’il est en train de faire… Je suppose qu'il vérifie simplement qu’il s’agit bien des siennes, c’est l’hypothèse qui me paraît la plus logique. Mais comment le savoir avec certitude quand je ne peux être le témoin d’un simple regard scrutateur ? Je trouve cela presque aussi inquiétant qu’intrigant.

C’est finalement lorsqu’il prend la parole que je comprends qu’il est l’artisan dont je viens de vanter les talents. Je pourrais trouver cela étrange, pourtant il n’en est rien. Quelque part, je le savais déjà, probablement à cause de son obstination à vouloir les retrouver en participant à ce petit jeu.

-Pourquoi te les rendre ? répété-je en m’engonçant un peu plus dans ma chaise tout en plaçant mes bras derrière ma tête.Parce que tu l’as mérité, évidemment. Tu as joué le jeu jusqu’au bout et puis…

Je me redresse sur ma chaise, venant appuyer mes bras pour lui faire face tout en ajoutant, sur le ton de la confidence:

-Je te trouve intéressant.

Je reprends ma place initiale, demeurant aussi décontractée que possible. Après tout, j’ai toutes les raisons de l’être puisque je m’apprête à boire gratuitement.

-A vrai dire, même si j’ai trouvé cela très amusant, je n’ai pas besoin de toutes ces pierres. Je ne vole que pour combler un besoin vital, pas pour m’enrichir… Et puis, honnêtement, voler m’apporte un certain plaisir. C’est une occupation ou plutôt une passion qui m’est aussi vital qu’un morceau de pain. Or, avec le contenu de cette bourse, je pourrais manger, boire et dormir dans un lit douillet pendant des semaines… Et comme je m’efforce de ne chaparder que lorsque c’est nécessaire… Je finirai simplement par dépérir ou à m’engraisser sur ton compte. Avoue que ce n’est pas très intéressant. Et toi, pourquoi ne pas t’être contenté de partir après avoir récupéré ton bien ?

Là encore, sans pouvoir voir son visage, il me faut me fier à ses mots pour espérer le comprendre. Mais rien n’est moins sûr. Après tout, j’ai rencontré des dizaines et des centaines de menteurs durant ma bien courte existence. Il peut très bien n’être que l’un d’entre eux, d’autant plus qu’il bénéficie de l'accessoire idéal pour le faire sans aucune gêne. Alors, je tente, une question, une seule:

-Dis, je suis curieuse, comment fais-tu pour boire ou manger en public ?

Leynar devait-il se sentir flatté ou méfiant ? La réponse serait probablement un peu des deux, attirer l’attention était une chose inévitable avec un accessoire pareil, restait encore à savoir si c’était une bonne ou une mauvaise chose. Et qui pouvait dire ce qu’il pensait et comment il réagissait derrière son masque ? C’était perturbant, voire agaçant pour ses interlocuteurs, ce qui bien sûr l’amusait follement. Pour en rajouter une couche, il lançait parfois même une illusion sur son masque pour qu’il bouge et ait les mêmes expression qu’un vrai visage. Bien sûr il se permettait toujours de cacher ses propres expressions parfois, il ne voudrait qu’on voit qu’il soit déstabilisé ou surpris. Ce serait beaucoup trop facile et si peu divertissant.

-Oh, ce n’est donc pas par avidité, mais par passion que tu vole ? Ça et d’autres besoins vitaux, ce serait tellement dommage de les oublier. Comme c’est curieux, je n’avais encore jamais entendu ça. Ah, et pourquoi est-ce que je ne suis pas parti ? C’est que c’est une bonne question… Voyons voir, par curiosité peut-être... Oui ? Par curiosité.

Il agissait et parlait de manière tellement décontracté que c’en était curieux si on se rappelait sa colère quelques minutes auparavant. C’est qu’il s’amusait presque en vérité, ça devait être curieux et perturbant pour quelqu’un qui ne pouvait pas déchiffrer ses expressions. Est-ce qu’il était honnête, ou est-ce qu’il était juste un très bon menteur ? La réponse était bien évidemment : oui.

Vint ensuite une question à la fois appropriée et un peu indiscrète. Comment est-ce qu’il faisait pour boire et manger avec son masque.

-Oh, mais c’est que c’est une très bonne question. Permets-moi de te montrer comment.

Les arts de Khugatsaa étaient d’un pratique. Leynar tissa une illusion à même son corps, changeant la perception que les autres pouvaient avoir de lui. Lorsqu’il retira son corps, ce n’était plus un visage rongé par les cicatrices, mais un visage tout ce qu’il y avait de plus normal. C’est qu’il avait même de nouveaux des cheveux, des sourcils, et une barbe de trois jours, assorti de la même couleur, un mélange de rouge et de violet, d’une teinte plus sombre.

Il adressa un léger sourire à la voleuse. Il croyait déjà deviner une question évidente qu’elle devait se poser, il n’avait pas besoin de lire son esprit pour ça.

-J’imagine déjà la question : pourquoi porter un masque ? Il laissa s’échapper un petit rire. Eh bien, la réponse est assez évidente. Mais je vais-y répondre en posant une autre question, ce serait bien trop facile sinon. Est-ce qu’il y a vraiment une différence entre un masque concret et une illusion ? Les deux ne sont pas le véritable visage après tout.

Il jeta un coup d’œil distrait en direction de son masque, qu’il venait de poser sur la table. Une petite chose tellement pratique, et qui était si distrayante. Il braqua de nouveau ses pupilles bleus sur la voleuse, cette journée était beaucoup plus intéressante que ce qu’il aurait pu croire au premier abord.

-Oh mais j’oublie mes manières. Je crois que cette occasion requiert une présentation, non ? Je suis Leynar, enchanté, malgré ce qu’on pourrait croire.

Il s’amusait beaucoup trop pour son propre bien.

Avidité… Pourquoi ce mot semble si péjoratif dans sa bouche ? Évidemment que je vole par avidité, c'est pour moi un besoin vital et tellement plaisant qu'il me serait impossible de vivre sans. Je ce que je désire ardemment plus que tout c'est de vivre tout en jouissant d'une liberté absolue. Alors oui, pour moi il s'agit d'avidité même si je ne suis nullement guidée par le désir immodéré de m'enrichir inutilement.

-Avec avidité, si,  mais pas par cupidité. Pour moi, tout est histoire de nuances. Rien n'est tout blanc ou tout noir en ce monde. Tu ne trouves pas ? lui demandé-je en retour sans pour autant soulever l'expression de sa propre curiosité préférant ainsi lui demander comment il pouvait se sustenter en public tout en portant ce masque ignoble.

Sa réponse ne tarde pas à venir, même si celle-ci n'est nullement composée de mots. J'observe d'un regard abasourdi, son masque disparaître au profit d'un visage inconnu et visiblement tout aussi artificiel que ce bout de métal.

-Je vois, dis-je en souriant. Mais tu te trompes, ce n'est absolument pas la question que je me pose. Je ne comprends pas… pourquoi tu ne te contentes pas de rester toi-même ? Pourquoi te cacher ? Crains-tu que l'on te reconnaisse ? Serais-tu un criminel recherché ?

Je ne vois vraiment pas pour quelle autre raison aurait-il besoin de se dissimuler ainsi. Peut-être craint-il pour sa liberté ou simplement pour sa vie comme c'est le cas pour moi… À moins que celui-ci le fasse par soucis plus superficiel. Non, ça, j'ai bien du mal à le croire. J'ai vu des hommes au visage lacéré par de multiples balafres, ils ne se cachaient pas et se fichaient bien de ce que les autres pouvaient en penser… Ou alors, peut-être cherche t-il à préserver les autres d'une vision potentiellement gênante. Les marques de brûlure laissent des cicatrices étranges. Je suis bien placée pour le savoir. Je vois bien la différence entre ces marques-là et celles laissées par des balles ou des lames … Les chairs apparaissent comme déformées, je peux donc comprendre que certains aient du mal à les affronter, plus particulièrement lorsque celles-ci sont apposées sur un visage. Mais je m'égare...

- Je dois bien avouer que ce masque là est bien plus plaisant que le précédent. Il est plus expressif, plus humain. Je peux voir tes yeux, alors je ne vais pas m'en plaidre, raillé-je gentiment avant de répondre à ses présentations. Enchantée, Leynar. Je me nomme Ash. Alors, dis-moi, quelle est la spécialité du coin en matière de boisson ?

Ma dernière question n'a rien d'innocente puisque de là où je me trouve, je peux voir le tenancier s'approcher de nous à grands pas. À son regard, je peux voir qu'il est assez impatient de voir ses tables se vider. Nous ne sommes pas installés depuis longtemps, mais peut-être nous juge-t-il trop long à son goût… Et, dans ma position d'étrangère , je ne suis pas vraiment disposée à me faire un ennemi dans l'immédiat.

-Qu'est-ce que je vous sers, nous demande-t-il de sa grosse voix. C'est pour boire ou pour manger?

- C'est monsieur qui invite alors c'est à lui de décider, rétorqué-je en offrant un grand sourire au fameux Leynar.

Un criminel, comme c’était cocasse. Bon ce n’était pas entièrement faux, mais il n’était pas recherché. Il n’était pas encore assez ambitieux, ou il réussissait toujours à se faire discret. Ç’aurait pu être une réponse valide pour la présence d’un masque. Ç’aurait pu. Mais la raison de la présence de cet accessoire peu orthodoxe ne trouvait pas sa source dans un crime qu’il avait commit. Ou il ne s’agissait pas d’un crime à Reoni en tout cas. La cité était certainement laxiste sur certains délits, et Leynar avait profité pendant un temps de ce laxisme.

-Oh ce serait une façon originale de passer inaperçu. Et tellement efficace qu’il attire l’attention. Ce serait une solution si je n’avais pas d’autres moyens plus efficace pour cacher ce petit désagrément. Et je ne voudrais pas rendre les adeptes de Süns mal à l’aise. Mais si tu veux savoir pourquoi…

Il s’approcha légèrement, comme pour faire une confidence, avant de sourire légèrement et de chuchoter.

-C’est un secret.

Son sourire s’élargit alors qu’il reprenait sa position initiale. Il n’allait quand même pas tout dire à quelqu’un qu’il ne connaissait que depuis quelques minutes. Qui plus est quelqu’un qui l’avait effectivement volé. Il s’amusait, mais sa curiosité et sa volonté de laisser s’échapper des informations avait des limites. Peut-être plus tard, mais pas maintenant, ce serait si peu intéressant.

Venait ensuite la question des boissons. C’est qu’avec toute cette discussion il en avait oublié le principal : c’était lui qui payait, étant donné qu’il était le seul à encore avoir de quoi payer.

-Oh, la boisson, j’aurai presque oublié. Il n’y en a pas beaucoup d’autre que le vin de la région que je trouve buvable. Je ne serai pas une grande aide pour ce sujet, mais libre à toi d’expérimenter si ça te chante.

Et il trouverait certainement ça très amusant. Lui-même n’avait pas expérimenté particulièrement l’alcool local, alors autant laisser quelqu’un d’autre essayer à sa place. Et puis, ce serait une petite vengeance appropriée, et tout à fait innocente. Enfin, peut-être que ce ne serait pas le cas, le tenancier avait la tête de quelqu’un qui voulait fermer le plus vite possible. Curieux, il n’était pas si tard pourtant. Ou peut-être Leynar s’était-il trop acclimaté au rythme d’Eoril ? Oh, ça n’avait pas beaucoup d’importance pour le moment.

Le khurmi regarda le tenancier, ses sourcils légèrement haussés et un léger sourire au visage.

-C’est pour boire. Deux verres de vin, pour l’instant.

Il avait dit qu’il était d’accord pour payer un verre, il n’avait jamais parlé de plus. Bien que ça pouvait changer selon la suite des événements. Il y avait des fois ou il pouvait changer d’avis particulièrement rapidement, particulièrement quand sa curiosité était piquée. Certaines fois il pouvait tout simplement satisfaire sa curiosité en fouillant dans l’esprit de ses interlocuteurs, mais est-ce que ce serait vraiment aussi amusant ? Il n’avait même pas fait attention au fait que le tenancier était repartit rapidement, et était revenue de manière tout aussi rapide avec deux coupes de vin qu’il posa brutalement sur la table, avant de repartir de nouveau. Si peu de politesse, quel dommage. Cependant il ne s’embarrassa pas trop de questions, et se contenta de prendre sa propre coupe en main avant de regarder cette fameuse Ash.

-Hm, je me demande... A quoi pourrions-nous bien boire ? Aux coïncidences ? Ou peut-être as-tu une autre idée ?

Il est vrai que lorsque l'on veut passer inaperçu, mieux vaut ne pas s'accommoder d'un accessoire aussi voyant qu'un masque tel que celui-ci. Sa réponse est logique, certes… Mais j'ai vu des hommes se vêtir de noir de pied en cape en se masquant le visage en espérant évoluer incognito. Évidemment, il n'y a rien de plus suspect et, d'ailleurs, ces hommes en question ne sont plus là pour témoigner de leur bêtise. En revanche, je ne connais pas suffisamment ce Leynar pour jauger sa propre intelligence, même si, à première vue, il n'a rien d'un idiot. Néanmoins, je ne comprends toujours pas ce besoin de cacher son visage mais je réalise bien vite que mieux vaut pas attendre d'explication de sa part. Cet homme-là, aussi étrange soit-il, a visiblement de l'humour. Tant mieux, cela le rend d'autant plus intéressant. Alors, à sa réponse, qui n'a finalement rien de surprenant, je ne peux que rétorquer par rire tout ce qu'il y a de sincère.

À sa mention d'adepte de Süns pouvant éventuellement être mal à l'aise à la vue de sa balafre, je comprends que l'un d'eux pourrait possiblement en être à l'origine. Néanmoins, je peux me tromper. Il pourrait également s'agir d'une blague My'tranne dont le sens m'échappe totalement. Mais ne voulant ni passer pour une ignare, ni exposer mon statut d'étrangère, je préfère garder mes interrogations pour moi.

Je l'interroge donc sur les spécialités du coin, du moins en matière de boisson. Il me parle de vin, ce qui n'a strictement rien de bien original mais qui a le mérite d'être une valeur plus ou moins sûre. Je le laisse donc passer commande, ne manquant évidemment pas de retenir le "pour l'instant" prononcé avec un sourire plutôt contagieux. Comme je l'avais remarqué plus tôt, le tenancier était si pressé que les boissons ne tardent pas. Il pose les deux verres devant nous avant de disparaître en bougonnant quelque chose dans sa barbe.

Le lieu est animé. En entrant tout à l'heure, j'ai remarqué quatre hommes assis à une table et qui me semblaient déjà bien imbibés. La petite troupe jouait aux dés depuis un bon moment, du moins c'est ce que le tas de pièces entassées sur le coin de la table laisse penser… Et si je l'ai remarqué, je ne peux que constater que je suis loin d'en être la seule en voyant un jeune garçon aux cheveux bruns lorgner la scène du coin de l'œil de façon plus ou moins discrète.

- Hm… Je n'aime pas particulièrement porter de toast. Je trouve cela ennuyeux. Les paris en revanche sont beaucoup plus amusants, lui dis-je en désignant la petite tablée de joueurs de l'autre côté de la salle tout en contournant la nôtre pour aller m'asseoir à côté de mon compagnon. Je ne parle pas de parier sur eux, ils ont tous perdu mais ils sont bien trop ivres pour s'en rendre compte. En revanche, regarde bien tout autour… Je paris que d'ici quelques minutes il y aura beaucoup d'animation ici.

Le jeune garçon, probablement un voleur novice, n'est pas le seul acteur de la scène. On peut noter la présence d'un grand-père occupé à converser avec un interlocuteur dont on ne voit que le dos. Sa canne traîne légèrement par terre et le gamin, trop focaliser sur les humains ne regarde pas spécialement ce qui se trouve au sol… Erreur de débutant, il manque cruellement de discrétion et le sens de l'observation lui fait clairement défaut. Aussi, lorsqu'il avance vers la table en regardant autour de lui en restant à hauteur de ses yeux, il se prend rapidement les pieds dans la canne du grand-père avant de s'étaler sur la table des joueurs. Le tavernier peste presque aussi fort que les quatre hommes qui voient leur jeu saccagé par l'intru affalé sur la table.

-Ce n'est pas fini, regarde, chuchoté-je à l'oreille du tailleur de pierres fines tout en pointant du doigt une jeune femme aux cheveux blond qui ne tarde pas à profiter de l'agitation pour s'emparer de quelques pièces trônant encore sur la table avant de disparaitre. Pas mal… Tu ne trouves pas ? déclaré-je en buvant une gorgée de vin tandis que les acteurs de cette comédie commencent à s'échauffer en criant "au voleur" lorsque l'un d'eux, sûrement le moins bourré du groupe, réalise que le montant des gains a sérieusement baissé. Que va-t-il se passer ensuite ? Je me le demande… Qu'en penses-tu ?

Eh bien, eh bien, la situation ne devenait-elle pas plus intéressante qu’elle ne l’était déjà ? L’animation gagnait la salle alors que les esprits déjà échauffés par l’alcool risquaient de s’embraser rapidement. Et pendant ce temps Leynar sirotait tranquillement son vin, une expression légèrement amusée sur le visage. Le khurmi observait la petite distraction qui se profilait devant eux, et les possibles troubles qui en découlaient.

-Oh, ce pauvre garçon va prendre pour celle qui a raflé la majorité de la mise. Hm, l’un des joueurs  va probablement essayer de s’envoler avec le reste de la mise aussi. La question reste, que vont faire les autres ?

Et cette question sera rapidement répondue. Pendant que ses compagnons de jeu s’égosillaient à crier au voleur, le moins alcoolisé du lot perçu rapidement une opportunité. Aussi furtivement que son alcoolémie le lui permettait, il commençait à ramasser le maigre reste du butin resté sur le table.  Bien sûr, il ne fallait pas oublier que le jeune garçon d’auparavant était toujours étalé sur la table. Et ce, dans une position fâcheuse. C’est-à-dire entouré par les autres joueurs qui n’étaient pas spécialement heureux de l’avoir vu interrompre leur petite partie. Inutile de dire qu’il avait de gros ennuis. Et ce sans parler du tenancier qui commençait à crier lui aussi. Certains autres clients commençaient aussi à s’éclipser. Et Leynar aurait parié qu’ils le faisaient sans régler leur note, ce qui ne calmerait pas la colère du tenancier. Le khurmi se demandait bien combien de temps il restait avant que les gardes ne viennent interrompre ce petit spectacle.

Le joueur qui était en train d’essayer de récupérer tout le magot se leva soudainement, avant de crier sur le jeune qui était toujours sur la table. Le pauvre garçon avait l’air tout apeuré, et il allait probablement se faire passer à tabac par les joueurs restant. Celui qui s’était levé commença alors à partir un peu rapidement, alors que le tenancier commençait à en venir aux mains avec l’un des autres clients.

-Tu vois celui-ci ? Le khurmi demanda en pointant du doigt le joueur qui se faisait la malle. Il s’est rendu compte que ses gains ont drastiquement baissés, et a probablement décidé qu’il ne perdrait pas tout ce soir. Mais est-ce qu’il le mérite vraiment ? Hm ? Avec tes propres problèmes d’argent, tu pourrais certainement en avoir plus besoin que lui, tu ne pense pas ? Il demandait ça d’une façon et d’un air décontracté et innocent, tout en donnant à sa comparse un léger sourire. Je pense que je vais rester ici un peu pour ma part. Ce garçon pourrait avoir besoin de l’aide de quelqu’un complètement désintéressé. Ce serait dommage qu’il lui quelque chose de grave, après tout on apprend de ses erreurs. Et il a toute la vie devant lui.

Il termina sa coupe de vin avant de regarder de nouveau le jeune voleur apeuré et les joueurs particulièrement ivre. Leurs esprits ne seraient pas si difficile à abuser dans leur état.

Ah les humains et l'alcool, voilà une bien étrange association qui, généralement, ne s'entend pas le moins du monde. Ajoutez à cela le jeu et l'appât du gain et vous changerez un agneau en louveteau. Oui, louveteau puisqu'on ne peut décemment parler de loup lorsque l'on voit pareille improvisation tenant plus de l'irréfléchi qu'autre chose. La grande gagnante de la soirée ne peut donc être que la demoiselle assez maligne pour s'emparer de la mise pile au bon moment, mais certainement pas le joueur tout aussi perdant que les autres qui visiblement souhaite faire de même. Sauf que, lui agit de manière grossière, saccadée. L'empressement lui fait commettre beaucoup d'erreurs, plus particulièrement celle de laisser ses "amis" s'en prendre au jeune homme qui s'avère être plus gêneur que voleur. Je trouve cela injuste, simplement parce qu'un gamin ne vole jamais sans bonne raison. Ça aussi, je le sais par expérience mais aussi par observation. Quoi, il est évident que ce gosse ne savait absolument pas comment s'y prendre…

C'est au tour de Leynar de deviner la suite des événements. Ce n'est pas un jeu très difficile, évidemment, mais qui a dit qu'un jeu devait être compliqué pour être amusant ? Je l'écoute sans détacher le regard de la scène, observant tout ce qui se passe autour sans me dépêtrer de mon éternel sourire.

-Hum,hum, acquiesé-je tout en ingurgitant le reste de mon verre avant de me lever. Dis-moi, Leynar, sais-tu reconnaître l'ordre dans le chaos,lui demandé-je sourire aux lèvres avant de me mettre à crier aux joueurs occupés à menacer le pauvre gamin. Hey, les gars, votre ami semble avoir raflé la mise, mais pas de façon très honnête, voyez...

À ces mots, la bande d'ivrogne se redressa comme un seul homme. Il ne leur en faut pas plus pour abandonner le gosse à sa table avant de se lancer à la poursuite de leur camarade de jeu. Ils ne lui laissent même pas le temps de quitter la taverne que l'un d'eux se jette sur celui qui vient de s'improviser voleur… Le premier coup en entraînant toujours un autre, une bagarre ne tarde pas à se déclencher au milieu de la salle. Et, d'expérience, je sais également que l'alcool réchauffe suffisamment le sang pour entraîner les autres, même s'ils n'ont rien à voir avec le conflit de base. Il suffit d'une remarque lancée par un ivrogne qui soit suffisamment mal reçu par un autre pour envenimer les choses.

- Voilà le chaos, dis-je tout en observant d'autres hommes se lancer dans cette bataille grotesque.

La gamin en profite pour fuir sans demander son reste. Le tenancier s'égosille dans son coin en ordonnant à sa clientèle de se calmer… En vain, évidemment…

- Maintenant, "l'ordre", déclaré-je une fois que l'agitation ambiante a atteint le point que je juge intéressant.

Ce sont mes gestes qui sont ordonnés. Chacun de mes mouvements est parfaitement calculé, mesuré. À ce moment-là, je n'ai plus qu'à compter sur ma discrétion et mon agilité pour contourner les différentes mêlées avant de ramasser une par une, en plusieurs passages, évidemment, les pièces abandonnées sur le sol par le voleur devenu proie de ses anciens compagnons de jeu. Il n'y a là que quelques misérables Irys. Pas de quoi investir dans un château, pas même dans une vieille masure branlante. Avec ce butin-là, j'ai de quoi me payer un bon repas ainsi que la location d'une chambre dans la plus miteuse des auberges My'tranne. Mais je juge cela amplement suffisant. Une fois le montant de ma prise en poche, je vais rejoindre Leynar à la table, pile au moment où un individu empestant la vieille vinasse décide que l'homme au masque doit, lui aussi, entrer dans la bataille.

D'une simple clé de bras j'arrête l'idiot dans sa course tout en lui demandant gentiment de retourner dans la mêlée plutôt que de venir nous importuner puis je lance à Leynar:

-Je pense qu'il est grand temps de partir. Que dirais-tu de me faire visiter la ville ? Enfin, sauf si tu as mieux à faire, évidemment.

Un spectacle ça se contemple, s’observe, et s’apprécie. Il fallait encore attendre un peu avant d’entrer en scène, jauger un peu plus ceux qui participaient. Oh ce ne serait probablement pas très difficile avec tout ces imbéciles éméchés, il savait très bien comment abuser leur esprit. Et leur potentiels dons que leur accordait Süns pesaient tout de même dans la balance, d’où la légère prudence et attente du khurmi. Oh ça, il ne se ferait pas brûler une seconde fois, il était beaucoup plus capable d’éviter cela que bien des années auparavant.

Les paroles d’Ash le sortirent de sa distraction passagère. En l’écoutant, il afficha un regard surpris, et même un peu curieux. Ses sourcils se soulevèrent, et il laissa s’échapper un « Hm ? » interrogatif. Avant qu’elle ne redirige l’attention de la bande d’ivrogne sur leur compagnon de jeu. Le jeune voleur goûtait de nouveau la liberté alors que la bande d’ivrogne faisait allégrement savoir leur mécontentement à coups de poing. Le khurmi n’aurait certainement pas aimé être à la place de leur ancien camarade de jeu.

Et que se passait-il lorsque les esprits s’échauffent trop dans une taverne ? Une joyeuse bagarre générale. Le tenancier devait vraiment passer une mauvais moment. Leynar se demandait même s’il aurait toujours quelques meubles intacts à la fin de la journée. Certains pouvaient servir d’arme de fortune après tout, et il fallait tout envisager face à des clients qui ont le sang particulièrement chaud. Le chaos, voilà comment Ash appelait cette scène. Et elle n’avait pas vraiment tort. En revanche il était beaucoup plus sceptique face à ce qu’elle pouvait appeler « l’ordre ». En tout cas jusqu’à ce qu’il voit ce qu’elle voulait dire.

C’était impressionnant et curieux, presque artistique en vérité, cette façon de passer outre la mêlé des différents groupe se frappant dessus joyeusement. Un spectacle d’acrobatie et d’agilité, voilà ce que c’était. Des compétences fort pratique, mais qui semblait bien trop aiguisé juste pour ramasser quelques irys. C’était presque triste de récolter un si maigre butin avec de telle habiletés. Mais l’argent l’intéressait moins que le frisson du chapardage. Il avait trouvé cela curieux lorsque c’est ce qu’elle lui avait expliqué, il le trouvait toujours d’ailleurs. Mais c’était une bonne raison pour ne pas rester oisif et laisser ses compétences dépérir.

Si l’ambiance dans cette taverne était à la bagarre générale, Leynar n’avait pas vraiment rejoint le reste de la mêlée. Il devait être le seul assis encore à une table, sirotant tranquillement son vin. Bon il ne l’avait pas encore payé, et il ne le ferait sûrement pas, mais il comptait bien le finir. Et ce plus ou moins tranquillement. Même s’il voyait déjà du coin de l’œil un autre client qui semblait vouloir le faire entrer lui aussi dans la mêlée. C’était le problème avec les bagarres générale, il y en avait forcément un qui visait là ou il ne fallait pas. Il aurait au moins pu avoir la décence d’aller rejoindre le reste de la mêlée pour se faire casser la figure. Au moins Leynar n’aurait pas besoin de s’occuper de cet individu, Ash le faisait pour lui. Elle gâchait presque un peu son plaisir. Il y avait peu de chose que le khurmi aimait autant que de voir quelqu’un essayer de frapper dans le vide avant de se prendre une chaise sur le coin de la figure.

L’individu repartait déjà la queue basse pour aller ennuyer quelqu’un d’autre. Pas très déterminé celui-là. Le regard de Leynar se tourna de nouveau vers Ash, qui n’avait pas tout à fait tort pour ce qui était de partir. L’ambiance était un peu trop chaotique pour son goût, et il préférait partir avant que les gardes ne viennent remettre de l’ordre dans l’établissement.

-Eh bien n’est-ce pas une bonne idée ? Je n’ai rien à faire d’autre qui ne puisse être remit à plus tard. Et puis, il vaut mieux laisser la charmante clientèle de cet établissement derrière nous.

Il prit son masque qui était toujours posé sur la table, avant de l’accrocher à sa ceinture. Il pouvait continuer à utiliser son illusion pour l’instant, c’était bien mieux que d’utiliser un masque après tout. C’était un masque immatériel plus efficace que le matériel.

Leynar enjoint Ash à le suivre d’un rapide geste de la main, sortant du bâtiment. Même de l’extérieur on pouvait toujours entendre les cris des clients et du tenancier. Le khurmi ne voyait aucun protecteur dans la rue. Ils étaient probablement occupés ailleurs, ce qui expliquerait leur retard, au grand dam du tenancier. Alors que Leynar se remettait déjà un route, il jeta un coup d’oeil rapide à Ash, comme pour vérifier si elle était toujours là. Comme c’était toujours le cas, il se remit en marche, ce qui ne l’empêchait pas de parler, bien au contraire.

-Alors, c’est ta première visite à Losos ? Il y a un endroit en particulier qu’il faut obligatoirement visiter lorsqu’on vient en ville pour la première fois. Ou chaque fois qu’on vient en ville, ça dépend de chacun. Je connais certains qui font leur commerce exclusivement avec cette marchandise. Mais après tout, c’est ce qui a fait la renommée de la ville.

Il disait beaucoup, sans vraiment dire quoi que ce soit. Ce qui bizarrement ne fonctionnait absolument pas si Ash connaissait un tant soit peu la réputation de la ville. Mais même si c’était le cas, le khurmi s’amusait beaucoup à jouer le guide. Il prenait une ruelle, puis une autre, il connaissait quelques raccourcis. Même si la ville qu’il connaissait le mieux restait Reoni, il avait reçu quelques conseils des Danseurs du Crépuscule locaux. Comme ils étaient sympathique après avoir reçus quelques irys pour les aider à partager leurs conseils.

D’un œil extérieur, on aurait pu croire que le khurmi ne savait absolument pas ou il allait, tout en ayant parfaitement l’air de le savoir. Et pour cause, il le savait. Il humait un léger air alors qu’il rejoignait enfin l’une des rues principales de la ville, et de rejoindre l’endroit si important dans tout Losos. Le grand marché pyrotechnique, une chose obligatoire à visiter lorsqu’on était de passage. De nombreux étals s’étalaient, tous de couleurs différentes, tout comme les feux d’artifices qu’ils proposaient.

-Bienvenue au grand marché pyrotechnique de Losos, un endroit unique dans tout My’trä. Comme tu peux t’en douter, les feux d’artifices sont la marchandise principale qui se vend ici. Des couleurs et des formes différentes, oh c’est certainement quelque chose à voir. Et la concurrence est forte dans tout ce marché.

J'étais pratiquement certaine que Leynar préférerait me laisser ici plutôt que de m'offrir une visite de la ville. La plupart des gens trouvent plutôt ennuyeux de faire découvrir un lieu à un inconnu. Je ne peux pas leur en vouloir, moi-même je considère le tourisme comme une perte de temps. Enfin, c'était bien le cas en Daënastre. Allez savoir pourquoi, j'ai toujours trouvé ce pays particulièrement assommant, ne trouvant rien de particulièrement intéressant dans leur architecture tantôt guindée, tantôt bancale… Que dire de ce peuple si semblable à l'allure de leurs bâtiments ? Probablement la même chose.

Néanmoins, depuis que mes pieds ont foulé la terre My'tranne, j'ai réalisé que ma façon de penser avait diamétralement changé. Ici, je veux tout voir, tout découvrir, tout comprendre. Je me sens l'âme enfantine et trouve dans ce jeu de découverte un intérêt qui me semblait, jusque-là, presque perdu. Je suis donc ravie d'attendre mon compagnon adhérer à ma proposition. Le sourire que j'affiche ne laisse nullement place au doute quant à mon ressenti. Je sautillerais presque sur place si je ne devais pas me retenir un tant soit peu pour ne pas me faire remarquer plus que nécessaire.

Je le suis jusqu'à l'extérieur lançant un énième regard amusé à la scène chaotique si aisément provoquée. Je pourrais me sentir responsable et probablement aussi quelque peu désolée pour le tenancier qui hurle à plein poumon en espérant calmer sa clientèle… Mais non, cela m'amuse beaucoup trop pour éveiller un quelconque remords… Et puis, cet homme s'était montré plutôt désagréable au moment de venir prendre notre commande… Il ne fait que récolter la monnaie de sa pièce, je suppose.

Mon guide m'interroge sans réellement exiger de réponses. Il est après tout évident qu'avant aujourd'hui je n'ai jamais mis les pieds dans cette ville. Sa question est donc rhétorique, voilà pourquoi je me contente de marcher derrière lui, les bras négligemment posés derrière ma nuque. Je le suis à travers un certain nombre de petites rues trop étroites pour ne pas éveiller ma méfiance. Je n'y suis pour rien, mon instinct se réveille dès lors où je ne peux contrôler une situation. J'observe avec attention tout ce qui se trouve sans vraiment réaliser que l'une de mes mains est allée trouver le manche de ma dague. Je reste silencieuse, malgré moi… C'est comme cela à chaque fois que je me sens inquiète. Je n'aime pas ce genre de ruelles étriquées plus particulièrement lorsque celles-ci me sont inconnues. Je prends sur moi pour ne pas céder à mes instincts de fuite. Je sais, quelque part, que Leynar ne me veut pas de mal. Mais l'on ne contrôle pas toujours ses instincts, n'est-ce pas ?

Au bout de quelques minutes, nous arrivons finalement sur une grande place occupée par de nombreux étals colorés. Je suis déjà passée par ici sans pour autant m'attarder sur les marchandises puisque je n'en avais pas besoin. Quoique ce soit, cela ne se mange pas alors… À quoi bon ?

-J'en ai entendu parler, en effet… Mais je t'avouerai que je n'y vois aucun intérêt, lui dis-je avec désinvolture avant de me justifier. Ce genre de chose n'est intéressant que lorsqu'ils explosent dans le ciel, non ? En l'état ce ne sont que des boîtes et des trucs bizarres en forme de cône. Tu trouves cela amusant, toi ?

Je me penche sur l'un des étalages devant moi, cherchant à découvrir un intérêt notable dans tous ces objets. Je n'y connais strictement rien en pyrotechnie. Aussi, il m'est bien difficile de me rendre compte de quoique ce soit. Sans démonstration spectaculaire, puisque c'est bien ainsi que les gens qualifient ces trucs-là, cela ne représente vraiment rien.

-Est-ce réellement aussi impressionnant que l'on le raconte ? lui demandé-je sincèrement curieuse.