Une étrange rencontre

C’était le milieu de l’après-midi durant la saison hivernale dans la région de Khurmag. Cependant le Khoral était conciliant aujourd’hui mais les températures restaient basses. C’était l’un des signes que dans plusieurs semaines, l’hiver allait commencer à se retirer pour laisser place au printemps. Les massives murailles de Cristal Blanc étaient désertes dû au froid et du fait que la majorité de la population s’affairait à ses activités. Il aimait cette endroit car tranquille du fait que même la garde ne venait que très rarement. Le lieu offrait une vue magnifique sur les monts de Foreal et du paysage englobant la cité. Le ciel était blanc avec peu de nuages et il neigeait légèrement. Le vent soufflait avec une faible intensité malgré la hauteur de la ville dans les montagnes. Salem était revenu avant l’arrivée du Khoral, logeant dans sa maison. Il attendait avec impatience le départ du fléau blanc afin de reprendre sa quête. Cela faisait quatre mois qu’il était bloqué à Cristal Blanc à cause des conditions climatiques. A ce moment de la journée, le jeune homme était assis seul sur le bord de la muraille et encapuchonné dans son manteau blanc, les pieds au-dessus du vide. Il regardait comme à son habitude le manteau neigeux présent et les cols montagneux s’étendant à perte de vue. Son regard fixant le paysage, ses songes ce perdirent dans l’immensité blanche.

Depuis le départ de sa sœur, il avait cherché un mage illusionniste dans l’ensemble de la région Khurmis afin de bénéficier de son enseignement pour améliorer ses pouvoirs mais en vain. En 1 an et demi, il avait parcouru quasiment toutes villes de Khurmag mais rien n’y faisait, aucun mage n’était disposé à le prendre comme élève et les autres étaient tout simplement absents. N’ayant pas de monture, il avait dû voyager avec des marchands en devant payer son transport et sa nourriture. Il avait remarqué que l’argent était l’une des obsessions des humains. Il ne c’était pas aperçu de cela avant, n’ayant jamais été dans le besoin, cependant ses économies commençaient à ce vider et il était toujours au même point. Salem commençait à s’impatienter et la solitude n’agissait pas positivement sur son esprit. Il avait quasiment vécu toute sa vie avec des personnes autour de lui et n’était pas habitué à être seul.

Toujours  en train de vagabonder dans ses pensées, il repensa à la disparition de son père et plus précisément à celle de sa mère dans les flammes. La vision, le bruit et l’odeur de l’incendie étaient encore présents dans son esprit comme ancré dedans pour la vie. Cela lui rappela son impuissance face à la tragédie ravageant son ancienne maison. Il ne voulait plus jamais vivre une telle situation et cela expliquait sa volonté d’acquérir un pouvoir beaucoup plus grand.

-Avec plus de puissance, j’aurai peut-être pu la sauver. Pensait-t-il, tout en serrant son poing et en regardant sa main contractée.

Puis ses yeux ce fixèrent sur la neige. La couleur blanche prédominante et la tranquillité l’apaisèrent. Pas de joie ou de malheur, ni de souffrance ou bonheur, un calme tout simplement parfait dans cette immensité en attente de la chaleur d’une nouvelle saison. Ainsi était les hivers dans les montagnes de Khurmag car la majorité des gens étaient rentré ce protéger au sein des villes et hameaux, du moins les plus censés. Une grande partie des fous qui osaient affronter l’hiver Khurmis décédaient congelés comme son père.

Les lois de la nature sont simples, la vie ou la mort, seul les plus forts s’en sortent, les faibles disparaissent. Ainsi fonctionne le monde dans lequel nous vivons.

Mais Salem voulait devenir plus fort, pour lui-même et pour protéger son peuple. Pouvait-il, un jour, devenir le maillon pouvant empêcher cette dure équation ?

La neige tombante avait pris en intensité.  Dans un simple mouvement de la main gauche comme pour balayer la solitude et l’attente interminable ; Salem créa deux illusions spectrales d’aigles animées qui se mirent à tournoyer autour de lui muées par sa volonté. Tel le voulait son imagination, les rapaces avaient une apparence majestueuses et fantomatique. Ils possédaient une teinte bleue proche du turquoise et laissaient une trainée de la même couleur sur leurs passages, disparaissant en fine poudres illuminées. Salem aimait les illusions car il pouvait les façonner à sa guise et laisser libre cours à son imagination. Les images ne sont pas des êtres réels et n’étaient pas victimes des lois de la nature. Cela le rassurait intérieurement de savoir qu’il y’avait quelques chose dans ce monde de mortel échappant au temps et à ses conséquences. Mais un mirage restait un mirage. L’illusionniste contempla durant plusieurs minutes ses créations et la poussière d’étoiles bleutées pleuvant doucement autour de lui.

Le jeune homme enleva sa capuche pour libérer sa chevelure blanche et la rabattit en arrière. Il regarda le ciel dans son infini en remettant ses mains dans son manteau. Puis Salem ferma les yeux paisiblement, la tête levée en direction des nuages, laissant la neige tomber sur son visage comme pour refroidir sa peau chauffée de ses réflexions. Les deux illusions tournoyaient toujours autour de lui ; le jeune mage ne faisant plus attention à l’environnement qui l’entourait.

-Khugatsaa, aidez-moi dans ma quête. Murmura-t-il, toujours les yeux clos, avec l’infime espoir que l’architecte écoute son appel et réalise son vœu.

C'est la première fois qu'elle arpente les rues de Forëal. La cité nourri nombre de légendes. Et de convoitises. Son sous-sol étant réputé pour les richesses qui s'y trouvent, il est tout naturel que la cité attire les regards envieux. Elle aura du moins réussi à attirer le sien! Si elle disposait de telles richesses, elle aurait de quoi entretenir une armée digne de ce nom. Sa conquête de My'trä pourrait fort bien commencer ici si les my'träns refusent de lui offrir la place qui lui revient de droit! Mais la tâche serait ardue: les tours et les massifs remparts sont plutôt dissuasifs. Sans parler de la position géographique avantageuse de la cité...

Mais si les promesses financières du Cristal Blanc sont séduisantes, son architecture reste agaçante. Comment ne pas se sentir écrasée par la hauteur démesurée de ces bâtisses. La fanatique se sent bien petite à côté de ces colosses de pierre. Presque insignifiante. Elle n'a jamais réellement réussi à composer avec ces considérations frustrantes. Peut-être qu'elle devrait la raser lorsque l'occasion se présentera? Après tout, seul le ventre de la Forëal l'intéresse. Le bien-être de ses habitants relève de l'anecdote!

Un mouvement dans l'extrémité supérieure de son champ de vision finit par attirer son attention. Ce qu'elle prenait peut-être pour de la neige se révèle être la présence de deux volatiles. Un spectacle inattendu mais quelque peu captivant. Et puisque elle a troqué les pierres précieuses contre les irys que Vithis désirait et qu'elle dispose d'un peu de temps libre, elle décide de laisser sa curiosité la guider.

Elle monte ainsi sur les remparts en prenant bien soin de ne pas chuter dans l'escalier recouvert de neige. Les lieux semblent désertés par la garde. En plein Khoral, ces derniers doivent sûrement se réchauffer dans l'un de leurs locaux. Mais elle ne s'inquiète guère. Ici, il ne semble pas y avoir énormément de visiteurs autres que des marchands. Les rumeurs à son sujet ne sont s'en doute pas parvenues jusqu'à Forël. Sans quoi on lui aurait probablement refusé l'accès de la ville!

Finalement, lorsqu'elle perçoit la chevelure aussi blanche que les flocons qui écrasent Khurmag depuis de long mois, elle marque un temps d'arrêt. Ophélia? Les pensées de la rouquine s'orientent vers la vaironne un instant. Puis elle se rend compte qu'il s'agit d'un jeune homme. Elle surprend alors le murmure que le vent d'Amisgal choisit d'emporter dans sa direction. Zora ajuste alors sa capuche puis s'avance dans sa direction en prenant soin d'indiquer sa présence d'un léger rire.

En passant de le dos de l'homme, elle hésite un instant à le pousser dans le vide. La tâche serait aisée. Peut-être même amusante. Mais elle n'entend pas tuer un homme qui vient de s'adresser à un Architecte. Ce ne serait pas... décent! Et puis elle n'a d'ailleurs aucun intérêt à le faire. Ellese dévoilera en tant qu'ennemie de Forëal quand le moment sera venu. L'heure est donc à la patience et à la retenue...

"Les dieux aident ceux qui se donnent les moyens d'être aidés..." souffle-t-elle en s'accoudant dans l'un des creux du rempart. "Ce serait bien trop facile sinon, tu ne crois pas?"

La rouquine tourne la tête et lui décoche un vague sourire avant de laisser son regard vagabonder sur le paysage que le Khoral a épargné de son manteau brumeux. Un frisson remonte le long de son échine, la poussant à puiser dans sa magie pour animer ses muscles et remonter sa température corporelle. Comment les khurmis font-ils pour survivre sur ces terres désolées? Comment réussissent-ils à le désirer?

"Tu as l'air d'une personne qui a besoin de se confier!" ajoute-t-elle. "Et moi, j'ai fort besoin d'un peu de distraction..."

Ses iris ambrées glisse à nouveau dans sa direction avant de reprendre leur observation des environs. L'apprentissage de la nécromancie la pousse dans ses derniers retranchements. Vithis exige une attention constante et récompense durement l'échec. Ces moments loin d'elle représentent de véritables oasis de sérénité. Ici, elle redevient une prédatrice! Ici, elle n'est plus la proie que la vieille persiste à voir en elle. Et ça fait un bien fou!

Suffisamment, en tout cas, pour la pousser à rechercher la discussion avec un parfait inconnu. Les choses changent...

Alors qu’il venait de s’adresser à son architecte, Salem entendit un léger rire à proximité qui le tira de ses songes. Perdu dans ses pensées, il n’avait pas remarqué qu’il n’était plus seul. Il ouvrit les yeux et posa son regard calme vers la personne qui venait de s’adresser à lui. Il fit disparaitre ses illusions laissant une poudre étoilée derrière elles.

C’était une femme à la chevelure grenat possédant beaucoup de charme et une sombre élégance.  Le jeune homme regarda son visage possédant une beauté apparente, la couleur des yeux ambrés similaires aux siens et malgré le sourire donné à l’instant elle semblait ne posséder aucune émotion. Cela troubla Salem mais c’était surtout le fait qu’elle dégageait une aura perturbante, sous ses airs féminin semblait se cacher une certaine puissance et cela été captivant. Il comprit que la jeune femme cachait ce qu’elle était réellement mais il n’arrivait pas à discerner ce que c’était. Etait-elle une noble d’une riche famille ? Une puissante mage ? Il ne saurait dire.

Elle lui adressa la parole, l’intonation était différente des Khurmis, il comprit qu’elle n’était pas originaire de la région. Il y’avait peu de chance que ça soit une Daenars, race quasiment absente à Khurmag. Comme le voulait son éducation il se leva et descendit de la muraille sur laquelle il était assis pour se mettre à sa hauteur, Salem était légèrement plus grand qu’elle. Il s’inclina pour la saluer. Le visage sans émotion de la dame ne troublait pas le jeune mage, au contraire cela lui rappelait les paysages hivernaux de sa région, un calme figeait dans le temps. Etait-ce cela le prix à payer de vénérer un des autres architectes ? De ne plus pouvoir ressentir aucune souffrance ? Cela ne semblait pas si grave que ce qu’il avait entendu parler. En effet c’était la première fois que Salem avait l’occasion de s’adresser à une personne venant d’une autre région de Khurmag. Il ne pouvait pas se risquer de la tutoyer, ne voulant pas commettre de faux pas envers cette personne venu d’elle-même discuter avec lui. Elle était son ainée et surement une mage beaucoup plus expérimentée que lui, novice de son état ; il devait le respect tel le voulait son éducation. Aux propos tenus par l’intrigante inconnue, il comprit qu’elle avait entendu sa prière adresser à l’architecte Khugatsaa.

- Je tiens à vous remercier de votre proposition. J’espère ne pas vous ennuyer avec cela et que vous aussi, êtes une croyante d’un architecte. dit-il.

Disons que je ne cherche pas à une aide à proprement parler mais plutôt un signe. Pensez-vous qu’il existe une unique voie et que rien n’avance si on est en dehors du chemin prévu par les architectes eux-mêmes ? Dois-je changer ma vision des choses et partir sur une autre voie afin de découvrir ce que réservent mon destin et la volonté des dieux ? Le sait-on quand on a enfin trouvé sa propre voie ?

Bref tant de question pour le fidèle de Khugatsaa que je suis et ma volonté de faire de mon mieux pour mêler croyance et ambition.

Salem se surprit lui-même à poser autant de question à une personne qu’il ne connaissait pas, surtout à une My’tran originaire hors des frontière de sa région alors que son oncle lui avait toujours dit de se méfier des autres habitants de leur continent. Cela était-il dû à l’absence de contact humains durant ces quatre derniers mois où il errait à Foreal comme un lion en cage ou à se regard ambré similaire au sien ? Il ne saurait également le dire. Mais elle n’avait exprimé aucune menace, du moins en apparence. La jeune femme était mystérieuse et cela rajoutait à l’envie de la découvrir un peu plus et puis c’était la première My’tran hors Khurmag qu’il rencontrait. Il remarqua qu’elle était prise à des moments par des courts frissons et de sa posture émanait une certaine fatigue. Il avait oublié que les non-natifs du pays froid ne résistaient pas aussi bien que lui et son peuple à l’hiver intense de la région.

- Puis je vous proposer l’hospitalité et une boisson chaude, afin de continuer cette conversation, si vous le souhaitez ? Dit-il de la plus grande politesse et sincérité. Ma maison ce situe à quelques minutes à pied d’ici. Proposa-t-il.

Une réflexion lui traversa l’esprit, il ne savait toujours pas qui était cette personne qui avait fait le premier pas pour venir lui parler. Il se devait de corriger cela n’ayant pas envie d’offenser la jeune femme sensiblement plus âgée que lui. Surtout s’il s’agissait d’une noble ou d’une personne importante de par l’étrange charisme qu’elle laissait transparaitre par son allure élégante.

- D’ailleurs je me prénomme Salem, illusionniste disciple de Khugatsaa et originaire de cette cité ; également puis-je avoir l’honneur de savoir qui vous êtes ? Dit-il, sans prendre la peine de dissimuler son identité.

Vous ne semblez pas originaire de Khurmag, à moins que je me trompe ?

Elle ne s'était pas trompée: il a bel et bien le désir de se confier. Ou, plutôt, de converser. Elle ne s'attendait pas à une telle loquacité de la part d'un inconnu mais elle a déjà pu se rendre compte que le climat difficile de Khurmag avait tendance à réchauffer le coeur de ses habitants plus qu'ailleurs. Les Khurmis compensent le froid mordant de leur terre par la chaleur de leur comportement. D'une certaine façon, la rouquine a l'impression d'être tombée dans le piège qu'elle s'est elle-même tendu...

La fanatique garde le silence quelques secondes sans pour autant détacher son regard ambré des prunelles à l'éclat similaire. Elle suppose que les questions qu'il se pose sont légitimes. Les réponses lui semblent tout aussi évidentes. Pourtant elle comprend le désarroi de cet inconnu dans la mesure où l'avenir et le destin sont des concepts qui sont parfois étrangers aux disciples de Möchlog eux-mêmes. Elle a été confrontée aux mêmes interrogations que lui autrefois. Et elle est probablement capable de lui apporter une réponse satisfaisante.

Pourtant elle peine à se montrer loquace en retour. Notamment parce qu'elle sait maintenant qu'elle échange avec un fidèle de Khugatsaa. Le masque recouvrant le visage de Leynar se juxtapose un instant au visage de cet homme tandis que les souvenirs refluent. Elle sert ses doigts autours de sa main lacérée par la lame de cet insecte puis finit par détourner le regard. A quoi joue-t-elle? Elle sait pourtant qu'il faut éviter ces mages comme la peste...

"Sois rassuré: tu ne peux pas te perdre! Tu peux avoir l'impression de t'écarter de la voie que Möchlog t'a attribuée, oui, mais ce n'est qu'une illusion. Personne ne peut se soustraire à son destin!" finit-elle par répondre. "Tes doutes et tes interrogations ne sont que les cris dissonants de la logique humaine. C'est ainsi: nous avons besoin de trouver une raison! D'obtenir une explication satisfaisante! Mais nous oublions constamment que nous n'avons pas besoin de comprendre la Volonté de la divine Chouette pour nous y conformer..."

Elle lui décoche un pâle sourire avant de hausser les épaules et reprendre son observation du paysage qui lèche le flanc du piton rocheux de Forëal. Elle suppose que Möchlog souhaitait qu'elle rencontre ce jeune homme pour l'aider à y voir plus clair. Un rôle aux consonances sociales dans lequel elle n'excelle que rarement. Mais elle n'entend pas se rebeller contre la décision de son Architecte. Elle n'en a de toute façon pas les moyens.

"Le choix est un concept destiné à nous donner l'impression que nous sommes aux commandes de nos vies! C'est un mot qui rend plus acceptable - et tolérable - notre absence de contrôle sur nos propres existences. Rien de plus!" conclue-t-elle. "Laisse-toi simplement guider par ton instinct ou tes envies. Écoute les chuchotements de ton âme et les cris de ton corps. Accepte le fait de ne rien contrôler et les réponses que tu recherches tant te sembleront alors évidentes..."

C'est plus facile à dire qu'à faire et elle en est consciente. Pourtant Zora estime qu'elle a donné les informations nécessaires à la paix de l'âme de cet inconnu. À lui de faire le reste! La rouquine suppose par ailleurs que sa mission est achevée et que leurs routes vont bientôt se séparer. Tout ceci n'était peut-être qu'une vague interlude dans leurs vies respectives. Aura-t-elle réussi à lui fournir la clef qui le libérera des chaînes tissées par son humanité? Dans le fond, elle s'en fiche! Et la réponse est de toute façon déjà écrite...

L'apprentie nécromancienne se redresse et glisse une main glacée dans sa nuque. Elle frissonne à son contact. Puis elle cherche les mots qui pourront mettre fin à cette fugace discussion. Mais l'autre ne l'entend visiblement pas de cette oreille puisqu'il lui propose de lui offrir le gîte et le couvert. Une proposition qui pousse la fanatique à arquer un sourcil: qu'attend-t-il vraiment d'elle? Cela fait des années que personne ne lui a fait une telle proposition. Sait-il qui elle est? Cherche-t-il à la leurrer pour mieux la capturer? Aurait-il profité de ces quelques instants pour fouiller dans son esprit?

L'offre, cependant, reste alléchante. Elle hésite, plongeant son regard dans celui de son interlocuteur. Elle y perçoit une forme de sincérité dont elle ne peut être sûre. Cela fait des années que la méfiance l'accompagne partout où elle va. À tel point qu'elle a tendance à oublier que certaines personnes sont capables d'agir dans le plus grand désintérêt et par pur altruisme. Est-ce son cas? Le fait est qu'elle ne peut décemment pas refuser un abri contre le froid et de quoi regagner les forces si précieuses pour affronter le Khoral.

"Pourquoi pas..." finit-elle donc par accepter. "Quitte à converser, autant que ce soit devant un feu ronronnant plutôt que sur ces remparts glacials!"

Et puis elle se fera moins remarquer chez un habitant que dans l'une des auberges de la cité. Là où quelqu'un serait susceptible de la reconnaître. Cet inconnu, lui, ne semble donc pas savoir qui elle est. Pourquoi ne pas en profiter? C'est si rare de percevoir de la sympathie dans les regards qui se posent sur elle. Bien trop rare pour qu'elle ne savoure pas ces instants qui semblent extirpés d'une réalité devenue banale depuis de longues années maintenant. Elle invite donc d'un signe de tête son hôte à ouvrir le chemin avant de lui emboîter le pas. Mais il semble qu'elle n'échappera pas à l'habituel jeu classique des présentations...

"Soraya! Une disciple de Möchlog comme tu dois sûrement t'en douter..." répond-t-elle après une vague hésitation. "Et je ne suis pas d'ici, en effet! Je suis une suhur. Ou du moins, je l'étais..."

Son visage s'assombrit un instant en repensant à ses réelles origines. Cette My'trä qu'elle aime tant n'a pas accueilli ses premiers cris. Elle est une étrangère à ces terres, dans le fond. Et cette évidence lui fait de la peine. Suffisamment, en tout cas, pour qu'elle ne souhaite guère s'attarder sur le sujet. Elle espère que l'autre ne percevra pas ses derniers mots comme une invitation à creuser le sujet. Jusqu'à présent il a réussi à se montrer agréable et elle espère que cela continuera ainsi!

"Je suppose qu'il existe des illusionnistes dotés d'un certain sens moral et je me plais à croire que tu es de ceux-ci!" ajoute-t-elle. "Mais, dans le doute, je préfère avoir ta parole: me jures-tu que tu n'useras pas de tes dons contre moi? Je suis obligée de considérer le fait que ton invitation puisse cacher des desseins plus sombres que la simple convivialité..."

Elle estime qu'il n'est pas dans son intérêt immédiat de recourir aux menaces pour obtenir l'assurance d'être traitée convenablement par celui qui entend se poser en hôte. Et elle n'est pas venue ici dans l'idée de faire couler le sang. Et pourtant elle n'hésitera pas une seule seconde à la tuer pour peu qu'elle en vienne à le soupçonner de jouer un double-jeu. Mais puisqu'il s'est montré avenant jusque-là, elle préfère simplement opter pour une certaine politesse en retour.

"Tu habites seul, en fait?"

La rouquine espère pouvoir échapper à une réunion de famille dans laquelle elle n'aurait guère sa place. Converser ne la dérange pas. Bien moins qu'avant, en tout cas. Mais elle n'est pas pour autant prête à endurer la présence d'enfants gigotants dans tous les sens. Elle ne souhaite pas substituer les cris des gamins aux hurlements du vent...

Salem écoutait attentivement les paroles de l’inconnue. Elle semblait connaitre le sujet, comme si ce genre de réflexion était banal finalement. Le jeune illusionniste remarquait une éloquence pleine d’assurance et rassurante. Elle semblait posséder des affinités avec ce sujet qu’est le destin. Peut-être qu’elle citait des vérités dans son discours. Cependant certaines phrases heurtèrent l’esprit du jeune homme. Les paroles prononçaient firent ressurgir des souvenirs douloureux. Pendant que la nostalgie l’envahissait, Salem essayait de ne pas laisser transparaitre ses émotions.

…Personne ne peut se soustraire à son destin!

Ces quelques mots résonnaient dans la conscience de Salem. Ferait il partit de ceux avec un destin glorieux ou au contraire ponctué d’échec ? Ou bien similaire à ses parents ? Cette pensée lui donnait des frissons. Sans compter son échec à trouver un maitre pouvant lui enseigner la magie de l’esprit. Il existait la possibilité qu’il était actuellement en train de faire fausse de route. Qu’il valait mieux pour l’illusionniste de changer ses objectifs. Devenir le disciple d’un mage adepte de Khugatsaa plus puissant n’était peut-être pas ce que le destin avait prévu pour lui. Fallait-il qu’il apprenne de lui-même ?

Tes doutes et tes interrogations ne sont que les cris dissonants de la logique humaine. C'est ainsi: nous avons besoin de trouver une raison! … nous n'avons pas besoin de comprendre la Volonté de la divine Chouette pour nous y conformer...

La suite des paroles de la My’tran vinrent contrebalancer les émotions de Salem en lui apportant un certains réconfort. Si tout était tracé alors le jeune homme avait la possibilité d’atteindre son objectif quoiqu’il arrive. Son précédent choix d’insister à rester dans le territoire Khurmi n’était peut être pas le bon. Son horizon devait'il s'agrandir et ne pas se limiter à Khurmag? Peut-être devait-il enfin partir de sa région natale pour découvrir le reste du continent? Au final il en était le seul décideur.

Après tout quel que soit notre destin, nous avons le choix de nos actes. se dit-il

Puis l’inconnue àla chevelure rousse l’ayant abordée se présenta. La personne se tenant en face était une disciple de l’architecte du destin du nom de Soraya. Une coïncidence de plus alors que c’est justement l’avenir qui perturbe Salem. Elle était originaire de la région de Suhur, lieu connu de l’illusionniste par la présence d’une immense étendue d’eau, le lac Mergen. Il s’imaginait ce paysage et ne remarqua pas l’hésitation de la jeune femme concernant son ancienne appartenance à cette région. Une voyageuse ayant quitté sa région depuis longtemps sans doute. Peut-être était-elle de ceux qui s’identifient à une communauté plus large; ne se résumant pas à un seul peuple.

Soraya accepta l’invitation et adressa des propos négatif à l’encontre des capacités des illusionnistes. Il semblait qu’elle avait déjà eu à faire à un des disciples de Khugatsaa possédant le don de manipuler l’esprit d’une façon désagréable. Le type de pouvoir qui intéresse Salem. Il fut surpris de cette demande ne comprenant pas pourquoi elle se méfiait. Le jeune homme avait la chance jusqu’à présent de n’avoir jamais eu de mésaventure avec des personnes malintentionnées. Cette réaction était incompréhensible pour le jeune idéaliste.

- Il n’y’a aucune raison que je fasse cela. Répondit-il en haussant les épaules. Je ne suis pas là pour expérimenter ma magie à l’encontre de quiconque.

Si cela peut vous rassurez, je vous jure de ne pas utiliser ma magie sur vous. De plus j’ai été garde dans cette ville durant quelques années. Notre devise était «protéger et servir », ce qui est encore la mienne actuellement.   Dit-il en s’inclinant légèrement comme signe de bonne volonté.

Puis Soraya posa la question fatidique.

- Tu habites seul, en fait?

Cette parole résonna et fit remonter les souvenirs que Salem voulait enfouir. Il pouvait encore sentir l’odeur de des matériaux brulés par les flammes de l’incendie. Il se revoyait à la fenêtre durant plusieurs jours à attendre son père. Son impuissance face au destin tragique de ses proches. Il comprit enfin que son avenir était tracé quel que soit les évènements. Cela renforça sa pensée de vouloir quitter Khurmag et d’aller découvrir de nouveaux horizons. Et ainsi, peut être acquérir les capacités d’améliorer ses arts d’illusionnistes.

- Oui.  Se contenta-t-il de répondre après un bref silence empli de nostalgie.

Il invita Soraya à le suivre puis Salem commença à prendre la direction des escaliers.  Ils descendaient en direction d’une des rues pavés de Foreal et allaient commencer à traverser la rue. Ils marchaient d’un pas tranquille et Salem devançait légèrement son invitée. Suite au discours faisant preuve d’une certaine expérience en tant que mage de l’architecte Mochlog ; le jeune illusionniste se demandait si elle avait des instructions à lui donner.

- Auriez-vous des conseils à donner à une personne voulant visiter le continent My’tran ?

Il espérait qu’elle puisse lui donner des informations utiles dans le cas où il devait enfin quitter sa région natale. Il restait encore quelques minutes avant d’arrivée à la maison des Maes et la neige tombait toujours.