Destinés à se retrouver

26 avril 939

« M’man tu peux porter ma valise ? »

Allys s’immobilisa, jetant un regard sur la frimousse blonde et bougonnante. La petite trainait les pieds, soufflant par le nez non pas parce qu’elle était essoufflée mais bien par bouderie. L’ingénieure n’était pas tombée de la première pluie, elle ne se laisserait pas avoir si facilement. Adorable ou pas, Ciri était grande maintenant. Dans deux jours elles fêteraient sa neuvième bougie. C’était d’ailleurs la raison de ce voyage : Allys avait vendu il y a quelques mois son ancien appartement pleins centre de Skingrad pour une petite bicoque en campagne. Il était grand temps que Ciri ait une chambre bien à elle lorsqu’elles se rendaient à Daënastre.

« On est bientôt arrivées. » L’encouragea-t-elle.
« Mais c’est trop lourd... »

La blondinette grommela, les joues gonflées. Il n’y a pas à dire l’enfant était comme sa tutrice aussi têtue et obstinée. Sa bouille ronde aux immenses yeux gris entourée d’une tignasse blond cendrée rebelle coiffée en deux tresses ingénues en étaient des aides efficaces. Soupirant, Allys s’abaissa à son niveau.

« Tiens tiens, je pensais que tu voulais devenir aussi forte que moi, aurais-tu changé d’avis ? »
« Si ! Mais... »
« A ton âge je pouvais en porter deux à moi toute seule. » L’ingénieure tendit la main vers la valise. « Mais si tu ne te sens pas à la hauteur, très bien je m’en charge. »
« Non ! » S’écria soudain la gamine, regonflée dans son égo. « Je peux le faire ! »

La jeune femme haussa les épaules puis se redressa, un sourire en coin étirant sa joue. Le reste du chemin elle n’entendit plus les semelles frotter le sol ni un seul soupire. Mais Allys avait raison, elles atteignaient déjà l’aéroport. Une fois à l’intérieur, elle intima à sa protégée de lui tenir la main de sa paume libre. Il n’était pas question de la perdre avec tout ce monde autour d’elles. La jeune femme ne perdit pas un instant pour s’avancer jusqu’au comptoir d’accueuil, elles n’étaient pas en avance mais si elles se dépêchaient, elles pourraient arriver à l’heure pour l’embarquement.

« Bonjour, j’ai réservé une frégate. » Allys farfouilla dans la sacoche pendant à son épaule et déposa les billets.
« Huhum, tout est en ordre. Porte cinq. Faites bon voyage. »
« Merci, au revoir. »
« M’ci monsieur. » Répéta Ciri avec un grand sourire.

Reprenant la main de l’enfant, Allys se dirigea vers le quai indiqué mais à fil de ses pas l’ingénieure se mit à ralentir. Le véhicule qui s’y trouvait n’était de toute évidence pas de prime jeunesse mais s’il avait de la bouteille, il ferait amplement l’affaire. Cependant, Allys avait une impression de déjà-vu. Cette frégate ne lui était étrangement pas inconnue, elle avait un air familier. Presque personnel. C’était troublant… D’où est-ce que cette impression lui venait ? A la réflexion, ce devait être ses souvenirs qui lui jouaient des tours. Des frégates à l’apparence militaire, ce n’était pas si rare. Secouant la tête, elle reprit ses esprits.

Le pilote n’avait pour l’instant pas prit la peine de sortir de l’habitacle, ce qui devait signifier que les deux blondes n’étaient pas arrivées aussi en retard que l’ingénieure le pensait. Qu’à cela ne tienne, Allys prit les devant en frappant quelques coups légers à la la porte.

Destinés à se retrouver

Le silence d'une machine éteinte était parfois perturbant. La vieille frégate était depuis déjà quelques temps devenu sa seule et unique maison, peut être le seul endroit ou Hex se sentait véritablement chez lui.
Il faut dire que tout ce qu'il avait cru construire jusque là avait été emporté par les feux de la guerre, chaque once de souvenir arrachée par un conflit qui avait été jusqu'à détruire la seule chose capable de le maintenir attaché à la nation.

Alors, ne restait que ce tas de métal et d'huile, une maison bricolée par un amour disparut et dernière demeure du blond qui passait désormais sa vie à l'intérieur.
Sa peinture avait été faite et refaite avec les années, sans pour autant réussir à cacher les traces tenaces d'échappement à côté des moteurs. L'engin exsudait d'une identité propre, comme une maison habitée pendant des siècles qu'on aurait soudain redécouvert.
Hex travaillait cela dit chaque jour pour la maintenir en condition : remplaçant, vidangeant, changeant des pièces qui avaient finit par trop en voir.

C'était d'ailleurs ce qu'il était en train de faire, ses mains gantées s'échinant à décoincer une bande d'alimentation de la paire de mitrailleuse arrière dont une cartouche c'était mise de biais. Imperméable aux alentours, il défaisait les maillons flexibles qui couraient au plafond, faisant au mieux pour ne rien abimer.
Fort heureusement, quand quelque chose cogna contre sa porte, il était justement en train de finir de le remonter, cigarette à la bouche.
Et ce ne fut que lorsque les coups redoublèrent qu'il se rappela qu'il attendait des passagers.

L'engin n'était certes pas des plus confortables comme certains bricks, mais il volait et pouvait aisément se défendre contre les pirates du ciel qui se faisaient de plus en plus nombreux, en témoignait des caisses à munitions stockées en surnombre dans les alcôves

-Ouais j'arrive !

Dit il à ses passagers mystère en actionnant une des manettes de la soute. Une succession de raclement lui répondant alors qu'une chaine de munitions se déversait le long du rail récemment réparé, alimentant par la même les machines de mort fixées dans le bulbe arrière.
Satisfait, le pilot refit demi tour, passant au dessus du berceau de la tourelle de ventre pour atteindre l'écoutille encore solidement verrouillée.

Avant d'ouvrir, l'homme prit le temps de fermer une petite réserve qui contenait ses rares photos et effets personnels, n'oubliant pas de garder son pistolet à portée en cas de mauvaise rencontre.
Le volant de déverrouillage grinça alors que la porte blindée se levait sur ses gond pour coulisser au plafond, révélant un duo détonnant qu'il regarda à peine, cigarette encore à la bouche avant de s'accouder contre l'un des côtés de la porte.

-Je suppose que c'est vous mes passagers de la journée, je vous dirait bien que vous êtes en retard, mais j'ai du régler deux ou trois choses, donc niveau horaire, on est parfait

Dit il en souriant, détaillant les valises de bonne taille et le faciès de la demoiselle et de sa fille. Inspirant une grande bouffée de tabac, Hex finit par tomber sur le visage d'un fantôme qu'il avait cru mort depuis bien des années.
Son sourire naissant se figea, sa main restant sur la cigarette qui continua à se consumer lentement entre ses doigts.
Difficile de dire qui était un fantôme, au vu de son propre teins fatigué... Allys semblait bien plus en forme que l'ancien soldat qui cru pendant un moment être victime d'une illusion, allant même jusqu'à laisser tomber le poison en barre qu'il tenait dans sa main

Codage par Libella sur Graphiorum

Une voix étouffée par la ferraille répondit lorsque la jeune femme frappa à nouveau. Il fallut patienter encore une minutes ou deux avant que l’homme n’enclenche l’ouverture de la lourde porte. Allys détourna le visage, distraite par la petite furie prête à bondir dans l’habitacle qu’elle retint d’un regard désapprobateur, les doigts toujours enlacés sur la petite main.

« Doucement Ciri, dis bonjour avant de te précipiter comme ça. »
« Bonjour ! »
« Je suppose que c'est vous mes passagers de la journée, je vous dirait bien que vous êtes en retard, mais j'ai du régler deux ou trois choses, donc niveau horaire, on est parfait. »
« Et bien dans ce cas je suis rassurée de l’entendre. » L’attention de la jeune femme encore focalisée sur la petite impatiente, elle en profita pour lui adresser quelques mots. « Tu peux y aller mais fais attention à la marche… Je te rejoins bientôt. »

Des étoiles brillant dans les yeux, la gamine se rua à l’intérieure, pressée de pouvoir jeter quelque part son paquetage encombrant et d’explorer de nouveaux horizons. Les joies de l’innocence. Cela allait l’occuper le temps que la jeune femme discute avec le pilote. Celui-ci dégageait une odeur de tabac, cela ne la dérangeait pas personnellement mais Allys avait apprit à devoir prendre soin de quelqu’un d’autre, au risque de paraître malavisée elle avait bien l’intention de lui en faire part.

« Pour la petite, pourriez-vous éviter de fum... » Levant enfin les yeux vers le pilote, la voix de l’ingénieure mourut dans sa gorge.

Devant elle était accoudé l’homme, une cigarette à la main. Blond, les cheveux attachés en arrière et le regard gris perçant. Allys n’avait eut besoin de poser les yeux qu’une demie seconde pour réaliser qui se tenait là sous ses yeux. Et pour cause, ce n’était pas n’importe quel homme, non, juste le seul qu’elle ait aimé d’un amour dévorant. A tel point qu’elle en avait perdu la raison… La dernière fois qu’elle avait posé les yeux sur lui Hex revenait littéralement d’entre les morts, quant à elle, Allys était une épave à cette époque. Dépravée, alcoolique, dépressive avec de forts penchants suicidaires. Clairement pas équilibrée en somme. On peut difficilement faire pire combinaison.

A présent Allys avait remonté la pente mais elle gardait en elle d’immenses regrets. Peut importe ses raisons, la jeune femme avait été incapable de se confronter à la réalité. Cela faisait quoi, quatre ans, cinq peut être ? L’ingénieure avait reprit en main sa vie après avoir eu le courage de se désintoxiquer, elle avait prit de bonnes décisions, sauvé une orpheline et lui avait donné une vie décente. Il lui était arrivé de tenter de reprendre contact avec le soldat mais entre la guerre qui avait fait rage et sa propre honte, elle n’y était jamais parvenue. Ca, il l’ignorait, elle l’avait juste abandonné comme l’armée l’avait fait juste avant. L’avait-il détestée pour ça ?

« J’aurais dû me douter que mon instinct ne me trompait pas. » Fini-t-elle par prononcer avec une pointe de mélancolie, un maigre sourire dessiné à ses lèvres. « Je finirais presque par croire au destin. »

Destinés à se retrouver

Il était difficile de faire sortir Hex de sa résignation quotidienne. Chaque jour se ressemblant et dessinant un horizon toujours plus sombre sans que rien ne vienne freiner le lent déclin du jeune homme.
Et voir son amour cru perdu était comme agiter un fantôme devant ses yeux. Plus exactement, comme lui enfoncer un tisonnier brulant dans le ventre pour lui rappeler que la vie qu'il pensait enterrée pouvait ressurgir à tout moment.

Sa voix demeura prisonnière de sa gorge, incapable de sortir, ou bien le refusant. La cigarette fut promptement écrasée sous sa botte, malgré un sourire qui ne parvint pas à venir.
Ses yeux passèrent de la petite fille qui plaçait sa valise sur un des râteliers à la demoiselle. Un millier de pensées saturèrent son esprit, suivit par une foule de questions qui demeurèrent sans réponses.

-Ton instinct ne t'a jamais trompé, contrairement au miens

Avoua t-il tristement en se reculant pour laisser son amour entrer dans ce qui avait été durant un temps, leur maison.
Prenant sa valise, il la logea dans un des filets d'arrimage au dessus de leurs têtes, faisant de même avec celle de la petite fille, son regard fixe.

-Le destin tu dit ? J'ai toujours trouvé qu'il avait un sens de l'humour étrange...

Sans vraiment insinuer quoi que ce soit néanmoins. Perdre Allys avait été un coup dur, et la blessure n'avait jamais vraiment cicatrisée comme le prouvait la photo de la jeune femme suspendu dans un coin du cockpit, l'image écornée et malmenée, mais toujours bien à sa place.
Le jeune homme finit par fermer la porte de l'engin, verrouillant cette dernière sans réellement parvenir à croire à ce qu'il voyait. S'il y avait de satanés dieux... Bon sang ce qu'ils aimaient l'humour noir.

-Te voilà donc mère de famille ?

Demanda t-il, à court de réel sujet de conversation. Ne sachant trop quoi dire à quelqu'un qu'il avait cru mort et sur la tombe de qui il avait pleuré.
Le terme "que deviens tu" lui semblant bien trop hors de propos

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Le cœur battait douloureusement dans sa poitrine alors qu’elle faisait face au silence de son ex fiancé. Il restait là, immobile, à la dévisager avec intensité, comme s’il ne la voyait pas vraiment. Était-ce trop d’émotion que de la revoir après tout ce temps au point qu’il refuse de se confronter à elle ? Détournant le regard, Allys sentit sa faible assurance la quitter. Après tout, elle pouvait comprendre, il avait toutes les raisons de se sentir blessé et perdu. Elle-même n’en menait pas large à vrai dire...

Finalement, Hex s’anima, écrasant la cigarette sous sa botte. L’expression distante, il laissa son regard passer de la jeune femme à la fillette. Lorsqu’il s’exprima enfin, sa voix était chargée de tristesse. Qu’est-ce qu’il voulait dire par là ? Il était clair que l’ingénieure était pire que lui. Après l’avoir cru mort deux ans, même s’il fallait avouer que l’armée l’y avait fortement poussé à en être convaincue, elle s’est murée dans le déni lorsqu’il avait resurgit. Oh elle pouvait bien y trouver toutes les excuses du monde, le fait est que la jeune femme avait gâché des années entière de sa vie en préférant s’écrouler en même temps que son monde plutôt que de l’affronter.

Au moins Hex n’avait pas l’air contrarié mais pourquoi était-il si abattu ? Elle ne savait que répondre en retour. Oui, le Destin était affligeant, capricieux, absolument sadique et il se riait d’eux depuis des années… Depuis toujours pour être honnête. Allys l’avait haït et ça l’avait dévorée. Pourtant aujourd’hui ne se montrait-il pas clément ? N’était-ce pas une occasion de réparer ce qui avait été brisé ? La jeune femme n’avait jamais fait son deuil, au sens propre comme au figuré, l’alliance toujours accroché à la chaine pendant à son cou, masqué par le tissu de son vêtement. Mais simplement, elle ne savait plus ce qu'elle signifiait à ses yeux. Jamais le milliards de questions n’avait trouvé de réponse face à l’immensité de l’absence.

« Je sais... » Soupira-t-elle avec lassitude.

Machinalement, Hex laissa la jeune femme entrer à son tour et s’affaira à ranger leurs valises. Il restait atone, comme abattu. Allys ne pouvait s’empêcher de l’observer, le cœur lourd. Après toutes ces années les traits du jeune homme s’étaient estompés dans son esprit, seulement évoqué sur des croquis qu’elle gardait caché dans son atelier. Avec la guerre, la maison d’enfance de l’ingénieure avait été détruite et tout ce qu’elle contenait avec. Allys l’avait découverte il y a un an, lorsqu’elle avait put s’y rendre à nouveau… De ses souvenirs précieux il ne restait, hélas, plus grand-chose à présent. Alors le revoir, c’était comme faire renaitre de cendres depuis longtemps froides des braises. C’était étrange, agréable et en même temps tellement fragile… Une simple brise pourrait la raviver tout autant que l’éteindre pour de bon.

« Te voilà donc mère de famille ? » Demanda Hex d’une voix atone, la sortant de sa torpeur.
« Je… C’est... » Allys s’interrompit, se pinçant la lèvre inférieure. Qu’est-ce qu’elle était en train de déblatérer au juste là ? Elle émit un soupire, incapable de fournir une explication sans paniquer. « On peut dire ça, oui. Elle n’a que moi. »

A vrai dire la question l’avait prise de court. C’était pourtant évident qu’il la pose, seulement… Si elle avait eu l’occasion ce n’est pas comme ça qu’elle aurait souhaité le revoir. A quoi devait-il penser ? Ciri était sa miniature, la même expression revêche peinte sur son visage encore poupon et au vu de son âge il était clair que Hex aurait très bien pu être le père si Allys n’était pas stérile. L’explication était évidemment tout autre, mais cela avait quand même de quoi perturber.

En principe, du moins, parce qu’il était clair que le jeune homme ne dégageait aucune émotion depuis qu’il avait ne serait-ce que poser les yeux sur la cendrée. Déviant le regard, Allys soupira à nouveau avant de prononcer avec amertume des paroles qu’elle n’aurait jamais cru adresser à celui qui avait pourtant toujours de l’importance à ses yeux.

« Ecoutes, si ma présence t’insupporte ne te sens pas forcé, je peux repartir, ce n’est pas trop tard, je trouverais bien une autre frégate. »

Elle n’en avait aucune envie mais elle ne souhaitait pas non plus passer le voyage en sachant qu’elle ne lui inspirait plus qu’indifférence. La colère aurait été préférable. Qu’il passe ses nerfs sur elle, ça elle aurait pu le supporter, n’importe quoi même pourvu que ça ait une once d’émotion, quelle qu’elle soit. Mais pas ça.

Destinés à se retrouver

Encore perdu, Hex ne parvenait qu'à peine à réaliser ce qu'il se passait. La dernière image d'Allys étant pour lui une tombe anonyme érigée dans le jardin d'une maison en ruine.
Surprenant au point de le laisser vide de toute émotion. A vrai dire, cela faisait bien quelque temps que le temps glissait sur lui sans trouver de réelles prises.

Ecoutant l'explication avec plus d'intérêt qu'il ne le montrait, il partit dans le compartiment passager pour s'assurer que tout était bien verrouillée, craignant que la nouvelle fille d'Allys ne finisse par se glisser dans un endroit un peu trop dangereux pour son âge.

-Que toi ? Je vois... J'en ai vu assez pour comprendre sans avoir besoin de plus

Les orphelins étaient devenus légions depuis la "fin" de la guerre. Depuis que des idiots avaient décidés de vendre leurs nation pour un gain quelconque.
Et si désormais, toutes ces histoires ne concernaient plus Hex, voir son amour disparut refaire surface avec une petite version d'elle même était plus que perturbant.
Un des verrou grinça alors qu'il fermait le râtelier à fusil situé à côté des couchettes, peu désireux de voir une petite curieuse tirer dans l'habitacle par inadvertance.

L'engin était certes robuste, mais aussi rustique qu'il était, le pilote comptait bien garder sa précieuse machine jusqu'à la fin.

Un dernier tour et il revint devant Allys, laissant la petite Ciri dans le compartiment duquel il laissa la porte se refermer doucement pour lui laisser le temps de faire ses marques.
Lui même vérifiait les derniers préparatif quand le demoiselle finit par se remettre à parler, déclenchant un sursaut à même de le faire sortir de sa torpeur émotionnelle.

-Non reste !

Dit il légèrement surpris par son propre ton alors qu'il saisissait la main de la cendrée, redécouvrant un contact chaud et familier qu'il pensait avoir enterré avec son ancienne vie.
Un contact qui déclencha un léger frisson le long de son dos et lui fit lâcher la main tout aussi rapidement

-Ta présence ne m'a jamais insupporté. Que cela ai été avant, maintenant ou bien dans des années;
C'est simplement... Que je ne sais pas comment réagir

Dit il en s'appuyant contre la paroi qui séparait cabine et poste de pilotage, une façon comme une autre de se mettre dos au mur pour se forcer à parler

-Quand tout ça à commencé, je t'ai cherché longtemps, très longtemps, j'ai cru pendant un moment que la guerre était passée à côté de toi.
Jusqu'à ce que je tombe sur ton ancienne maison.

Un triste jour qui avait marqué un tournant dans sa vie, mais qu'il avait tenté de noyer comme il le pouvait, que ce soit dans l'alcool ou les drogues plus ou moins licites.
Et s'il avait réussit à s'en sortir, c'était au prix d'une part de lui même.

-Après des années, j'ai fini par me faire une raison, mais à te voir ainsi, aussi belle que lorsque je t'ai connu, j'avoue ne pas savoir comment réagir.

Était-ce à cause d'une vieille douleur qui ressurgissait dans son cœur qu'il devenait plus loquace ? Probablement, car l'amour véritable ne saurait réellement mourir, tout juste pouvait il être enfoui sous autre chose.

-Je comprendrais d'avantage que tu veuille prendre une autre frégate cela dit, peut être le passé est il plus loin derrière toi

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« Non reste ! » S’écria soudain l’ex-soldat.

Allys resta interdite, les yeux arrondis par la surprise. Alors qu’elle s’apprêtait à rejoindre sa fille pour l’enjoindre à partir, voilà que soudain le jeune homme s’était saisit de son poignet. Le contacte fut bref mais suffisamment intense pour secouer l’ingénieure. Assez pour qu’elle daigne à nouveau poser les yeux sur lui. Cette supplique dans la voix, cet air désemparé…. Allys s’était trompée : Son ancien amour n’était pas indifférent, il était au contraire extrêmement troublé, en proie avec des émotions dont il ne savait que faire.

Par réflexe Allys jeta un regard vers le compartiment des passagers. La porte était fermée, tant mieux. Quoi qu’il se passe la petite Ciri n’avait pas besoin d’assister à ça. Or il était clair qu’ils n’en étaient plus à des échanges de banalités. Ils ne pouvaient se le permettre. Ni l’un ni l’autre, pas après ce qu’ils avaient traversé par le passé et surtout pas depuis leur dernière rencontre qui s’était révélée chaotique. Depuis Hex l’avait cherchée, désespérément jusqu’à même s’attendre au pire. Cette révélation fit naitre en la jeune femme un désarroi cruel, appuyant un peu plus sur sa culpabilité.

« Tu croyais que j’étais morte ?... » Souffla-t-elle, atterrée, lorsque le silence revint entre eux. « Je… Je suis partie et toi tu… Mais pourquoi ?… »

Le poids des remords était insoutenable. Allys avait seulement pris de mauvaises décisions et lui… Lui il l’avait pleurée ? Le destin n’avait pas un humour noir, non il était juste complètement tordu. Difficile d’en vouloir à son ancien amour, Allys savait exactement ce que cela faisait de revoir un être cher revenir d’entre les morts, surgissant brusquement dans sa vie. Cette fois, c’était elle le fantôme. Et elle n’avait pas l’excuse d’avoir été abandonnée en terrain ennemi, seulement d’avoir combattu ses propres démons en fuyant son passé. C’était pitoyable… Il aurait dû la détester non pas la rechercher. Après tout, elle l’avait abandonné, même si elle avait cru, à tord, que le soldat serait mieux sans elle. Mais Allys était certaine qu’il était déjà trop tard lorsqu’elle avait eu le courage d’affronter ses responsabilités alors elle avait simplement laissé les choses telles qu’elles étaient restées : En suspens. Cela faisait bien trop longtemps que les choses étaient restées ainsi. Aussi difficile que ce soit, Allys lui devait bien la vérité.

« J’ai littéralement gâché quatre années de ma vie à pleurer la perte de mes proches un a un pour au final espérer que la mienne s’arrête aussi puisqu’elle n’avait plus aucun sens. Alors, oui, c’est vrai, le passé est loin et je préférerais qu’il le reste. J’ai eu une meilleure vie loin de tout et surtout de la guerre car pendant presque trois ans j’ai pu prendre soin d’une orpheline que je peux sans hésiter appeler ma fille... Après si longtemps je suis enfin heureuse. J’ai toutes les raisons de vouloir que ça reste ainsi, partir et faire comme si rien ne s’était passé. »

Pourtant Allys ne fit pas demi-tour pour retrouver sa fille et quitter les lieux. Au contraire, elle s’avança de quelques pas vers lui, s’arrêtant toutefois à mi-chemin, hésitante.

« Mais ça j’en suis incapable. Depuis que tu as ressurgis dans ma vie, littéralement revenu d’entre les morts je… Je n’ai aucune idée de ce que je suis sensée faire, dire ou ressentir. Quand je t’ai revu y a cinq ans, je n’étais même pas capable de me rappeler de la moitié de ce que je faisais à cette période, j’étais complètement névrosée, dépressive, alcoolique, alors j’ai fais que je pensais être le mieux, je suis partie. Comprends-moi je n’étais plus celle que j’étais avant et il fallait que je me reconstruise… Comment aurais-je put savoir ce qu’il en était de nous alors que je ne savais même plus qui j’étais et si je pouvais toujours en valoir la peine ? Alors non… Je suis loin d’avoir laissé mon passé derrière moi parce que je ne sais toujours pas ce qu’il en est et c’est entièrement de ma faute. Si je décidais de partir, là maintenant, je ne le saurais jamais.»

Destinés à se retrouver

Hex resta un moment interdit devant les explications, les recevant de plein fouet, sans parvenir à opposer la moindre barrière. A vrai dire, il n'en avais ni l'envie ni la force. Depuis bien trop d'années, il affectait un air impassible, sautant sur la moindre occasion de ressentir un peu de danger. Trop souvent avec bien trop de risques, comme si, incapables de mettre fin à ses jours, il cherchait une façon digne d'en finir avec tout ça.
Mais jamais encore la mort n'était venu le visiter.
Il ne pouvait que comprendre la demoiselle, et était bien incapable de lui en vouloir.

-Lorsque que tu es parti, en me laissant ce petit mot, j'ai espéré avoir de tes nouvelles... Mais la guerre...
Je crois que je t'ai menti... J'ai fini par y retourner... Ma famille m'attendait à Vereist, du moins ce qu'il en restait. J'ai lutté autant que j'ai pu, j'ai essayé de retrouver ta trace.

Il préféra lui passer le déroulé du conflit, ou comment il c'était retrouvé le dernier parmi son maigre régiment, la région succombant rapidement au chaos ambient comme le reste du pays.
La mort, le sang, la débandade générale... Son propre rejet de cette nation perdue.
Mais tout cela était derrière, et le rôle de héro tragique ne convenait guère au soldat qui rejeta en bloc toute cette histoire, préférant se concentrer sur l'essentiel.

-Parce que je me rappelle de nos engagements, aussi fous aient ils été.

Son bras se porta au petit rangement proche, ouvrant la porte d'acier pour révéler une sorte de petit sanctuaire, une porte directe vers le passé qui tranchait avec le reste de l'appareil tant il était rempli de souvenir. Que ce soit de vieille photo de son régiment, un couteau de combat usé, ou quelques lettres épinglées à la cloison, tout rapportait à un passé qui, s'il était douloureux, n'en était pas pour autant chéri et gardé avec soin.
Une chainette trônait en son centre, au bout de laquelle était pendue une petite bague, faisant écho à celle que possédait encore Allys.
Le jeune homme la décrocha avec précaution, son poids pourtant infime semblant un peu plus lourd désormais.

-J'ai juré de t'aimer jusqu'à la mort, et si beaucoup d'eau à coulé sous les ponts, le temps n'a jamais remis en cause ce que j'avais dit alors

Lui même avait conscience d'être un brin ridicule. Tel un héro de comte ayant porté l'amour au dessus de toutes les autres valeurs.
Et pourtant... S'il était loin de l'image du chevalier blanc, au vu du nombre de personne qu'il avait tué durant ses dernières années, c'était ce seul idéal qui l'avait poussé à ne jamais dépasser la limite et à gâcher sa vie.
Comme une dernière rembarde au devant d'un précipice de débauche.

-Je serais bien incapable de te reprocher quoi que ce soit, pour avoir vécu la même situation que toi, et la vivre encore aujourd'hui.

Il voulu lui poser une main sur l'épaule, mais se ravisa au dernier moment, par pur respect plutôt que par crainte. La relation qu'ils avaient eu par le passé n'étant peut être pour elle qu'un souvenir qui s'accrochait depuis trop longtemps à ses pensées.

-Mes souvenirs son assez flou je l'avoue. Même dans ton état d'alors, tu restais la femme que j'aimais, celle qu'il m'a lancé ses affaires quand j'ai dépassé les bornes, celle pour qui j'étais prêt à tout abandonner.

Et s'il brûlait d'envie de la prendre dans ses bras, une pudeur toute humaine l'empêchait de le faire, mêlé de crainte : celle de voir son espoir aussi vite soufflé que la flamme d'une bougie qui n'avait que trop brûlée.

-En tout cas, si cette petite orpheline t'a donné ce que je n'ai jamais pu, et t'a permis de devenir quelqu'un de plus stable, je ne peux qu'en être heureux

Dit il en tentant un sourire maladroit qui peina à s'afficher sur ses traits

Codage par Libella sur Graphiorum

Des nouvelles. Oui, Allys aurait du lui en donner. Au moins ne serait-ce que pour lui dire qu’il n’avait pas à s’inquiéter pour elle… S’il avait su qu’elle retournerais à Zochlom jamais il n’aurait été aussi anéanti. Qu’il soit retourné sur le champ de bataille n’avait rien d’étonnant. Hex était un soldat et malgré ce qu’il lui était arrivé jamais il n’aurait tourné le dos à sa patrie. Mais la guerre faisant son office… Elle avait tout détruit sur son passage. Allys ne pouvait que l’imaginer. Loin des conflits, la jeune femme avait au moins correspondue avec sa mère du mieux qu’elle pouvait et les rares fois où elle avait remis les pieds à Daënastre l’horreur de la guerre avait laissé des traces indélébiles.

« Je suis tellement désolée... » Souffla la jeune femme.

Il n’y avait pas besoin d’être explicite, elle comprenait parfaitement ce qu’il sous-entendait. Peinée pour lui, elle voulut lui prendre la main mais elle se retint. Le temps passé et ses décisions lui en avaient retiré ce droit et de toute façon il s’était écarté d’elle pour se diriger vers un rangement qu’il déverrouilla tout en continuant son récit. Les mots qu’il employait étaient douloureux à entendre tant ils étaient significatifs. Hex n’avait jamais cessé de penser à elle depuis tout ce temps… Et à raison. Allys l’avait dit elle-même : Ils n’avaient jamais eu l’occasion de savoir ce qu’ils étaient encore l’un pour l’autre. Se raccrocher à leur promesse d’amour était aussi déchirant qu’un réel espoir dans leurs vies parties en ruines. Allys le savait tout aussi bien mais il fallait que ça cesse. Ils ne pouvaient pas continuer de vivre ainsi, seulement plongés dans leurs souvenirs qui ne faisaient que maintenir éternellement un sentiment délavé par une séparation bien trop longue.

Cependant, ce n’était pas aussi simple pour Allys que ce ne l’était pour lui. Le jeune homme était encore désespérément amoureux ou du moins en était-il intimement persuadé car c’était la seule chose qui pouvait donner du sens à son existence. Peut-être se leurrait-il d’ailleurs ? L’ingénieure avait changé, elle s’était assagie et avait en partie perdu de sa fougue d’antan. Elle avait traversé traversé seule un enfer qu’elle n’avait jamais été préparée à traverser et il lui avait fallut du temps pour s’en remettre. Du temps et cette petite bouffée d’oxygène haute comme trois pommes, c’est vrai, mais il y avait plus que ça. Le bonheur n’était pas nouveau, elle l’avait déjà vécu avec lui, d’une autre manière.

« J’ai toujours voulu être mère. A l’instant-même où on m’en a déclarée incapable je savais qu’on m’avait arraché quelque de précieux que je pourrais plus jamais retrouver… A côté de ça perdre une jambe, un bras et manquer de peu d’être paraplégique n’avait rien de tragique. » Un pâle sourire désabusé flotta sur ses lèvres. « Tu sais, je crois bien que c’est pour ça que j’ai été folle de jalousie envers Alises, parce qu’à elle il ne lui avait fallut qu’une nuit pour tomber enceinte non pas d’un mais de deux enfants et avant même qu’elle n’en ait ne serait-ce que l’envie alors que moi… Je n’aurais jamais put nous permettre ce bonheur. »

Elle aurait tout fait pour avoir cette chance. Ce n’était pas un hasard si la jeune femme n’avait jamais put se résoudre à rester impassible face aux injustices. Ce n’était pas la première fois qu’elle tentait de sauver une enfant… Au fond ce n’était pas surprenant qu’elle finit par y arriver. Mais pour autant, les paroles du jeune homme étaient douloureuses à encaisser.

« Mais tu me rendais heureuse, tu sais. Ce n’était pas toi le problème, ça ne l’a jamais été… Alors je t’en prie ne dis pas ça. » Las, elle laissa un soupire lui échapper. « Tu n’y es absolument pour rien si je me suis toujours sentie aussi vide… »

Ce serait cruel de lui faire croire qu’il était responsable de son propre malheur. Ce n’était pas lui qui faisait défaut, qu’aurait-il pu lui apporter de plus qu’il ne l’avait déjà fait ? Il l’avait choisie, elle. Il aurait tout sacrifié pour elle si seulement elle le lui avait demandé… Et il avait promis de l’aimer jusqu’à son dernier soupire. S’il y avait quelqu’un à blâmer ici ce n’était certainement pas Hex. L’ingénieure en avait conscience et elle se rappelait très bien ses propres promesses. Attrapant la chaine qui pendait à son cou elle fit apparaître ses pendentifs : La tête de loup qui lui venait de son père et l’alliance qu’elle aurait dû un jour porter à son doigt.

« Je n’ai pas oublié ce que je t’ai promis, seulement ça me faisait trop souffrir et je pensais que tu serais bien mieux sans moi… Du moins tant que je n’en valais plus la peine. Tu sais je… Ce n’est pas juste Ciri qui m’a redonné l’espoir d’une vie normale. C’est parce que tu es revenu que j’ai fini par reprendre ma vie en main. Seulement… Je… Je n’ai jamais eu le courage… J’aurais dû t’écrire… C’est de ma faute, j’espérais bêtement que tu serais plus heureux sans moi mais je t’ai fais encore plus souffrir. »

Destinés à se retrouver

Il aurait pu la haïr pour tout cela, lui reprocher ces années de désespoir. Mais cela aurait été aussi injuste envers elle que lâche envers lui même.
Et d'une façon assez étrange, il ne tenait pas nourrir ce genre de pensées. Surtout après tant d'année. Une petite partie de lui espérant que ce destin injuste lui offrait une nouvelle opportunité.
Mais la peur de voir cet espoir réduit à néant lui serrait les trippes aussi surement que l'avais fait sa première mort.

-Je ne t'en veux pas

Finit il par dire dans un soupir. Depuis bien trop longtemps, le soldat en voulait au monde entier, aigri par une vie passée à lutter pour avoir le simple droit de vivre.
Alors tenir rancune à la seule femme qu'il avait réellement aimé ? C'était trop lui demandé.
C'étaient certes ses nerfs qui le maintenaient éveillés depuis des années, mais il avait commencé à dépasser le cap de cette haine perpétuelle.

-Si tu as survécu jusque là... Je ne peux qu'en être heureux Allys, mourir est bien la dernière chose que je souhaite à la femme que j'aime.

Peut être était-ce trop théâtral, et si l'ancien Hex avait été une boule de sentiment un peu incontrôlée, les catastrophes l'avait rendu plus sage et moiins prompt aux débordements comme avant.
Néanmoins, Allys déclenchait toujours chez lui un torrent d'émotion difficilement incontrôlable.
Un léger rictus apparut sur ses traits à la mention d'Alises. Personne qu'il avait totalement oubliée avec le temps, secouant la tête, il refusa d'un bloc l'affirmation de la demoiselle.
Repoussant sa propre réserve, le soldat s'avança de quelques pas, finissant par prendre la main de son amante, plongeant ses yeux dans ceux de la demoiselle avec une intensité jusque là invisible.

-Je n'ai jamais eu besoin que de toi pour être heureux, pas d'un enfant ou une vie pleine de richesses. Juste toi, comme tu est.

Il n'était plus question de familles, de richesses, ou même de physique. La demoiselle avait toujours fait vibrer le blond avec une intensité folle.
Intensité qui avec le temps n'était pas allée en reculant.

-Tu n'as pas à t'excuser Al', assez bêtement, le fait de te revoir suffit à chasser tout ce que j'ai bien pu penser. Le chaos ambiant semble bien plus loin, même si ce n'est que dans cette cabine exiguë

Son alliance était encore suspendue à son autre main. Et, repoussant la peur et l'angoisse qui se mêlaient lentement pour l'empêcher de parler, le jeune homme éleva cette dernière à la vue de tous, déglutissant avant de demander.

-La seule chose qui me fait encore peur, c'est de te demander si ces anneaux ont encore une valeur pour toi, ou s'il vaudrait mieux les enterrer une bonne fois pour toute

Une demande qui pouvait sembler assez obscure, mais qui tenait à cœur du jeune homme, fallait il encore espérer, ou tourner la page une bonne fois pour toute ?
Secrètement, il espérait que quelque part.... un espoir demeurait, mais seule la demoiselle saurait ou non le lui confirmer

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« Je ne t'en veux pas. »

De tout ce qu’il aurait put lui répliquer c’était bien la seule chose qu’elle avait eu désespérément besoin d’entendre. Sans qu’il ne s’en rende compte, il venait tout simplement de la libérer. Aussi surement qu’une clé est destinée à ouvrir une serrure, d’une seule phrase il avait ouvert la porte poussiéreuse solidement bloquée depuis des années, lui permettant enfin de laisser s’échapper ses mauvaises pensées. Tristesse, honte, regrets, angoisses, culpabilité mêlés cessèrent d’étreindre son cœur pour lui permettre enfin de respirer en toute quiétude.

En dehors des mots vint le geste. S’avançant à son tour, franchissant ainsi ce qu’il leur restait de distance, Hex fit ce qu’aucun des deux n’avait osé jusqu’à présent : Il venait de lui prendre la main. Ce n’était pourtant pas grand-chose, ce pourrait même être anodin, simplement amical si ses propos ne délivraient pas un autre message. Pourtant il aurait put ne dire dire du tout, seulement la toucher car la chaleur de sa paume suffit à provoquer en elle une intense émotion. Enfouie sous son immense montagne d’excuses, un sentiment remontait à la surface, doucement, lentement… Jusqu’à dissiper entièrement tout le reste.

Une larme solitaire roula jusqu’à sa joue. Allys ne s’en rendit pas compte, bien trop distraite par ce qu’elle éprouvait. Depuis quand n’avait-elle pas ressenti un tel soulagement ? Cette sensation douce et réconfortante qui réchauffe le cœur et éloigne les mauvais démons. S’il n’était pas si anxieux et préoccupé, il aurait surement remarqué le changement d’attitude de la jeune femme. Son regard était bien moins hésitant mais au contraire plus appuyé et il ne se lisait plus dans ses pupilles du désarroi, seulement de la quiétude.

« La seule chose qui me fait encore peur, c'est de te demander si ces anneaux ont encore une valeur pour toi, ou s'il vaudrait mieux les enterrer une bonne fois pour toute. »
« Les enterrer... » Murmura Allys en retour. « C’est ce que tu veux, toi ? »

De sa main de métal elle vint se saisir du poing brandit tenant l’anneau comme un étendard, l’abaissant avec délicatesse. Dans le même temps elle rompit le contacte pourtant agréable de leurs paumes enlacées pour venir se saisir de sa propre chaine. Sans tergiverser elle l’ouvrir et en sorti sa propre alliance avant de remettre à nouveau son pendentif, désormais plus léger. La jeune femme se saisit alors à nouveau de la main de son plus grand amour pour y déposer son anneau.

« Ce n’est pas ce que je souhaite... Mais je... Je ne peux pas la porter à nouveau… Cette alliance c’est… C’était une promesse qui ne s’est jamais réalisée… Devenue rien de plus qu’un souvenir dont j’étais incapable de me débarrasser. Ce n’est pas un stupide objet qui a de l’importance à mes yeux… C’est toi qui m’importe. »

Insidieusement, les braises de cet amour abandonné s’éveillaient en elle, crépitant faiblement mais avec insistance. Rien ne pouvait effacer le passé mais était-ce pour autant une raison de ne pas continuer à avancer ? Allys ignorait ce qu’il pourrait advenir à présent mais elle serait incapable de réduire à néant ce qu’il restait de ses sentiments. Ils étaient encore là, quelque part en elle, ne demandant qu’à s’exprimer à nouveau.

Destinés à se retrouver

Les enterrer ? La simple évocation de ce fait suffit à le faire frissonner. Enterrer ces anneaux serait comme renié une partie de sa vie. On pouvait certes tourner la page, mais de la dénier son existence ?
Ce serait trop. Un sentiment d'angoisse monta quand son amante parla de ne plus les porter cela dit.

-Un anneau est un symbole, un souvenir qui sert à ancrer nos dire dans la réalité. Si nos chemins n'ont plus à se séparer, je saurais faire sans.

La dernière déclaration termina d'ailleurs de ranimer des braises que le blond avait cru mourante. Telle une machine qui était restée trop longtemps à l'arrêt, ses émotions commencèrent doucement à remonter. Dans un processus aussi libérateur que douloureux.
Essuyant la larme d'Allys du bout du doigt, ce fut au tour d'Hex d'avancer dans sa propre guérison.

-Alors, si notre précédente promesse n'a jamais pu se réaliser, peut être qu'avec le temps... nous pourrions simplement vivre sans promesses.
Mais cette fois... ensemble ?

Avaient-ils jamais eu une réelle occasion de devenir plus que des amants ? Chaque occasion ayant été avortée par un coup du sort aussi terrible que désespérant.
Cette frégate avait été pendant un court instant leur maison, sera-t-elle également l'endroit ou renaitrait leur amour depuis trop longtemps ignoré ?
Peut être était-il trop tôt ? Mais des années après leur première tentative de mariage, pouvait-on imaginer que le temps n'était pas encore venu ? Le fantôme de ses souvenirs était revenu, plus belle, et plus brillante que sa mémoire ne voulait bien se l'avouer.

-Je n'ai guère plus de raison de partir loin de toi, plus de famille, plus de devoirs ou de contraintes. Libre comme cette frégate que nous avions construit naguère.

Sa voix regagna un peu de sa vigueur d'avant, et son dos se fit un peu plus droit, la présence d'Allys étant plus efficace que n'importe quelle magie pour redonner à l'ancien soldat une stature plus humaine

-S'il faut prêter un nouveau serment, quand le temps s'y prêtera, je n'hésiterai pas plus que la dernière fois

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Peut-être ne partageait-il pas l’avis de la jeune femme mais, pourtant, il respectait son choix. Après tout la cendrée lui avait laissé un espoir, aussi infime soit-il. Les années passées n’y changeait rien, Hex aurait toujours de l’importance à ses yeux. C’était bien suffisant pour que l’ex soldat ose espérer un possible futur. Avec douceur, du bout des doigts, il vint chasser la larme solitaire. Sur l’instant Allys frissonna, surprise par le geste, avant de réaliser que sa joue était humide. Avait-elle pleuré ? Sans doute… Elle avait toujours été ainsi en sa présence : Sensible, délicate, fragile. Hex avait toujours eu cet étrange pouvoir sur elle, comme s’il parvenait à briser sa carapace d’un simple regard. Il était certain qu’elle n’y était toujours pas indifférente malgré son indécision.

« Hex.. Je… Je ne sais pas ce que j’éprouve encore pour toi. Ce dont je suis certaine c’est que je refuse d’être à nouveau une source de souffrance… La seule chose que je désire c’est que tu sois heureux. »

Aussi vrai que soit ses propos elle ne faisait que garder une distance entre eux. Il lui demandait de croire en eux, de leur donner une chance de s’aimer à nouveau. Lui qui n’avait plus rien, plus de famille, plus d’attaches, seulement son indépendance, il lui proposait de rester auprès d’elle. C’était ce qu’elle avait toujours désiré par le passé. Assez égoïstement Allys avait toujours eu cette envie folle de tout quitter, d’explorer les confins de ce monde avec lui pour seul compagnon. Et voilà… Voilà qu’ils aient dû traverser des drames pour en arriver là ? Allys avait envie d’y croire mais était-ce raisonnable ? Si elle s’abandonnait à l’aimer à nouveau en souffrirait-elle encore une fois ? C’était sans doute déjà trop tard pour prétendre qu’elle ne voulait pas l’avoir à ses côtés, elle qui avait tant regretté de s’être enfuie. Elle avait peur, c’est vrai, mais… Pouvait-elle se permettre d’ignorer encore ce dont elle avait envie ?

Tendrement, la jeune femme referma les doigts de son ancien amant sur ce qu’elle avait eu de plus précieux. Les deux paumes enserrant sa main, elle chercha à capter le regard de son ancien amant.

« Garde-la, tu veux bien ? Je ne peux pas te dire si elle aura un jour à nouveau un sens à mes yeux mais si c’est le cas j’aimerais que ce sois toi qui m’en fasse prendre conscience. »

Mais cela ne répondait toujours pas à la question formulée quelques instants plus tôt. Le cœur battant, elle relâcha sa main. Il ne lui avait fallut que de fermer les yeux une fraction de secondes pour se rappeler à quel point elle était capable de perdre la tête à ses côté. Depuis le début de leur relation, Allys n’avait fait que vibrer d’un amour aussi passionnel que dévorant… Et dangereux. Combien de fois avaient-ils frôlé la mort ensemble ? Combien de fois s’étaient-ils mis en danger pour se sentir vivants ? Combien de fois s’étaient-ils déchirés pour mieux se retrouver ? Est-ce que ce serait différent si elle se décidait, là, de leur redonner une chance ? En avait-elle envie ?

« Je t’envoie des signaux contradictoires, je sais bien mais… Je ne sais pas, est-ce que tu es sûr que c’est ce que tu veux vraiment ? Parce que moi je suis seulement morte de trouille… On a toujours fait que se perdre et se retrouver, se déchirer l’un l’autre… Je me suis toujours sentie perdue sans toi et j’ai tant de fois faillit mourir dans tes bras… Est-ce que ce serait différent cette fois ? » Inconsciemment, elle s’était à nouveau rapprochée de lui, à tel point qu’elle pouvait sentir son souffle chaud. « … Je te mentirais si je disais que je n’en avais pas envie... »

Abaissant les cils, elle rétrécit encore l’espace qui les séparait, ses lèvres venant frôler leurs homologues… Lorsque soudain un bruit vint interrompre son élan. Elle se détourna vers la porte qui commençait à s’entrebâiller derrière elle. Aussitôt après une petite tête blonde bien connue apparu.

« M’man, tu viens ? Je m’ennuie... »
« Oui. Oui j’arrive ma chérie. » Balbutia Allys, brusquement rappelée à la réalité. « Attends-moi j’en ai pour une seconde. »

Allys eut à nouveau un regard vers Hex, duquel elle s’était détachée avec l’intervention spontanée de la jeune enfant. Elle tenta de reprendre contenance un instant, après tout, ils étaient sensés décoller… Elle aurait tout le loisir de s’interroger sur émois plus tard.

« Il faut que je la rejoindre. On ferait mieux de décoller maintenant… On parlera plus tard, d’accord ? De toute manière je comptais aller dans notre nouvelle maison alors… Je te propose de nous y emmener et de rester le temps qu’on y voit plus clair. C’est tout ce que je peux te proposer de mieux pour l’instant. »

Sur ces dernières paroles Allys se dirigea à son tour vers le compartiment des passagers. Après tout, l’intervention de Ciri était tombée à point nommé… Le coeur de la jeune femme battait encore à tout rompre alors qu’elle était saisie par ce qu’elle s’était apprêtée à faire. En y repensant elle sentit ses joues se réchauffer sous l’embarras.

Destinés à se retrouver

Comme elle l'avait si bien résumé, tout les signaux étaient contradictoires, faisant à la fois espérer et désespérer à égale mesure, et alors qu'une foule de questions, auxquelles Hex n'avait aucunes réponses se firent jours et que le leur proximité se faisait douloureusement tentatrice, la petite d'Allys brisa le sort qui c'était jusque là installé.
Rappelant autant sa mère à l'ordre que son amant qui se séparèrent. L'une pour aller s'occuper de la petite, l'autre pour mettre en branle la frégate.

De toutes les questions qu'elle avait posé, il ne se sentait pas à y répondre, de peur de la perdre une nouvelle fois. Hex n'était plus celui qui se jetait tête baissée dans les ennuis, plus calme qu'auparavant, la guerre lui avait appris à réfléchir bien d'avantage. Mais la demoiselle aimerait-elle cette version mature de son amant ?
Retournant à son mutisme et plus troublé que triste, il regagna sa cabine ou il lança machinalement la procédure.

Une succession de claquement retentit dans tout l'appareil, des mécanismes jusque là endormis se réveillant en claquant. Le pilote vérifia chaque paramètre, lançant un moteur qui pétarada quelques secondes avant de monter en régime.
La procédure absorbait toute son attention, et pour éviter de réfléchir d'avantage, le jeune homme était plus qu'heureux de s'abandonner à cette activité mécanique.

En une dizaine de minutes, la machine était au bout de la piste, ses deux moteurs grondant à bas régime. En quelques instant, les machines gagnèrent en volume alors que les hélices faisaient accélérer la frégate qui décolla doucement du sol, laissant derrière elle le Tyorum. Sans réel regret.
Gagnant de l'altitude jusqu'à réduire les hauts bâtiments de la ville à de petits points distant, Hex orienta sa machine vers la prochaine destination, finissant par remarquer la crispation de ses mains sur les commandes.

Loin de l'avoir tranquillisé, les paroles d'Allys ne cessaient de roder au fond de son esprit, menaçant de revenir le hanter au moindre instant de libre.
Le petit pare brise ne laissait voir qu'une mer de nuages, et encouragea l'homme à relâcher temporairement son attention.
Appuyant sa tête contre le dossier de son fauteuil, il poussa un long soupire, tachant de chasser par la même occasion la pression qui ne cessait de s'accumuler.

Dans la cabine, Allys devait s'occuper de sa fille, lui enseignant par la même occasion les endroits ou elle ne devait pas mettre les pieds, à moins de vouloir avoir une vue vertigineuse sur le sol dans le compartiment de mitrailleuse dans le ventre de l'engin.
Sa tête se pencha vers le compartiment toujours clos.

Si elle voulait parler, elle viendrait... pour le moment, lui se devait de les convoyer jusqu'à chez elles... en sécurité

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Assise sur la seule banquette de l’étroite pièce, Ciri balançait ses jambes avec énergie. Difficile de croire en regardant la fillette qu’elle avait déjà plusieurs heures de voyage à son actif. Un bout en train inépuisable, voilà ce qui résumait bien le modèle miniature de l’ingénieure. Elle-même à son âge était aussi turbulente mais elle arrivait toujours à se canaliser avec une activité manuelle… Ciri était un peu plus compliquée à satisfaire, c’était même étonnant qu’elle ait patienté aussi longtemps.

« Dis maman, tu le connais le monsieur ? »
« Et qu’est-ce qui te fais penser ça petite futée ? »
« Je l’ai vu dans un cadre à la maison. »

Dans un cadre ? Pourtant l’ingénieure était certaine d’avoir laissé le portrait à l’abri des regards, en particulier de son adorable fouine. Décidément Allys était incapable de garder des secrets. D'un côté Allys n'était pas vraiment étonnée, dissimulé sous une pile de vêtement dans un tiroir, il y a mieux comme cachette magique… Surtout avec une détective aussi affutée.

Cela dit après avoir proposé à son ancien amant de rester avec elles une fois arrivés ce n’était sans doute pas un mal de lui en parler… au moins juste assez pour satisfaire la curiosité débordante de la jeune fille. Allys vint s’assoir à côté de l’enfant.

« Bien vu détective Ciri mais je n’en dirais pas plus, c’est un secret. »
« Mais aller… S’il te plais ! C’est qui c’est qui c’est qui ? » Trépigna l’enfant, surexcitée.
« Bon très bien. » Fit semblant de grommeler la cendrée, captant l’entière attention de sa jeune protégée. « Tu te souviens de l’histoire que je t’ai racontée sur les pirates du ciel ? »
« Oui ! C’est le super soldat qui t’as appris à tirer au fusil ? Et qui a tout dégommé avec des obus et tout et tout ? »
« Ca se pourrait. » Susurra Allys d’un ton énigmatique. « Mais ce n’est pas tout. J’ai habité dans dans frégate il fut un temps, j’ai même conçu la moitié de ce qu’elle contient. »
« Nooooon... » Souffla Ciri, les yeux écarquillés. « Je peux visiter, dis ? Dis ? Dis ? »
« Seulement si tu me jure de ne toucher à rien. »
« C’est promis juré ! »

Sautant à pieds joints, la jeune fougueuse se saisit du bras de sa mère, l’extirpant de son siège avec une impatience plus que palpable. Allys ne put s’empêcher de sourire devant l’attitude adorable de l’enfant. Mais au moins, elle venait de lui trouver une occupation.

La frégate n’était pas bien grande il fallait bien l’avouer mais elle n’était pas conçue pour transporter un régiment. Cependant, elle disposait de nombreuses caches et d’un agencement prévu au millimètre près pour offrir le maximum de confort et surtout de praticité… Après tout rien d’étonnant lorsque l’on sait que les mains d’une ingénieure sont passées par là. Allys évita toutefois de lui montrer les caches d’armes destinées aux mitrailleuses, qu’elle interdit au passage à la jeune intrépide de toucher.. Malgré tout, si elle surveillait avec grande attention les faits et gestes de l’enfant il était clair que Ciri était bien plus à l’aise dans cette partie du véhicule… La vue plongeante sous leurs pieds n’était pas pour détendre la jeune femme.

« Je te tiens m’man t’inquiète pas. » Lui avait assuré Ciri en lui attrapant la main.

Une fois le tour du propriétaire effectué, les deux blondes remontèrent dans le compartiment passager. Ciri, toujours aussi éblouie par la vue du ciel se posta à la fenêtre. Le nez collé à la vitre, il y avait fort à parier qu’elle aurait toutes les difficultés du monde à s’en extirper. Au cas où Allys sorti de son sac un livre illustré et un jouet en bois qu’elle déposa à côté de la jeune fille. Elle se pencha pour déposer un baiser sur le front de la petite avant le la prévenir qu’elle allait se rendre à l’avant de la frégate. C’est à peine si Ciri lui répondit, bien trop occupée à observer le paysage.

Allys se releva alors, prenant soin de refermer la porte derrière elle. Tâchant de ne pas surprendre Hex, elle toqua de deux coups léger sur la paroi fine avant de rejoindre le poste de conduite. Dire qu’il y a quelques années elle avait eu l’audace de lui faire une scène… Elle s’en souvenait parfaitement. Aussi furieuse qu’elle avait été, Allys avait surtout été terrifiée à l’idée qu’ils s’écrasent.

« Je peux me joindre à toi ? » Demanda-t-elle doucement.

Destinés à se retrouver

La mer de nuage était calme, et nul appareil ne venait troubler le vol. Pas même un Tengeriin'ava qui se serait laissé dériver dans la région.
Tout était d'un calme Olympien, et mis à part le ronronnement constant des deux gros moteurs de l'engin, Hex n'avait rien d'autre à faire que d'observer le chronomètre, l'aiguille tournant bien lentement, seul réel repère pour savoir ou et quand amorcer la descente. Mais pour le moment ils étaient loin d'avoir atteint le bon point.
Et quelques heures seraient encore nécessaire pour penser à réduire la hauteur.

Par réflexe plus que par nécessité, il serra le pistolet toujours fixé à sa cuisse, en ouvrant le mécanisme pour nettoyer une énième fois le système qui brillait déjà par sa propreté, les commandes de vol callées pour les faire aller tout droit sans plus de manœuvres.
Et quand les coups furent frappé à la paroi, il releva la tête de sa tache, refermant l'arme avec un reflexe dut à des années de pratiques, tournant la tête pour voir la demoiselle approcher.
Il hocha la tête avant de lui désigner le siège de l'autre côté du poste. Un geste bien inutile, car elle le connaissait mieux que personne.

-Bien sur, fait comme chez toi

Tenta-il de dire avec humour, bien que cela puisse être un peu étrange au vu de leur situation si floue.
Faisant mine d'observer la consommation des moteurs, il lui laissa reprendre sa juste place avec une étrange appréhension.

-Ciri à trouver de quoi s'occuper derrière ?

D'expérience, il savait qu'un vol pouvait être ennuyeux, surtout quand ces derniers n'étaient que de longs trajets paisibles. Mais d'un autre côté, si les pirates des airs pouvaient les laisser tranquille, il ne s'en tirerait pas plus mal.
Le pilote ne doutait pas des attentions que son amante pouvait déployer pour sa fille adoptives, mais une enfant dans un si petit espace...

-C'est tout de même étrange tu sais, te revoir avec une petite fille qui te ressemble autant

Si leur vie c'était déroulée normalement, cela aurait presque pu être la leur, une constatation qui ne faisait que renforcer le lourd sentiment d'échec que ressentait Hex.
Un sentiment tempéré par toute la passion qu'il ressentait dans les gestes d'Allys envers ce petit être.
Une légère correction de cap ramena la machine dans le bon axe, le vent l'ayant délicatement déporté. Avec une certaine appréhension, l'ancien soldat finit par remettre sur le tapis la dernière proposition.

-Pour ce que tu m'a dit avant que l'on décolle...
Si tu pense que cela ne perturbera pas ta fille, je suis tenté d'accepter

"Tenté", le mot était faible, car il mourrait d'envie de se retrouver une nouvelle fois avec la demoiselle. Même si un sentiment de crainte pointait à chaque fois qu'il y pensait.
Machinalement, sa main se porta à son étuis à cigarette, sortant un des morceaux de tabac avant de s'immobiliser. N'avait il pas dit qu'il éviterai pour Ciri ?

Dans un soupir, Hex fit machine arrière, décrochant sortant l'étuis métallique de sa poche pour le laisser tomber dans un bac sur le côté ou il ne pourrait plus le toucher.

-Mais je dois bien t'avouer... Que j'ai terriblement peur, je ne sais pas si je suis suis toujours comme celui que tu as connu

Les sentiments étaient bien là, mais une bonne partie de sa hargne avait fini par disparaitre.

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Allys laissa son regard flotter sur l’arme qu’il rangea rapidement. Cela faisait des années qu’elle n’en portait plus, les seules fois qu’elle y touchait étant à son atelier lorsqu’elle devait travailler sur des commandes spécifiques. Mais sa vie était bien plus calme et paisible que devait sans doute être le quotidien du jeune homme. Entre de possibles raids aériens et de mauvais payeurs, il devait avoir de quoi se défendre sur lui. Ca et l’habitude, sans doute.

La jeune femme s’installa lorsqu’il l’y invita d’un geste. Chez elle… C’est vrai, d’une certaine manière elle y était. De tous les endroits où elle avait élu domicile, cet endroit avait toujours été son préféré, ce qui est assez ironique lorsque l’on connaît sa phobie du vide. Avec Hex aux commandes elle s’était pourtant toujours sentie en sécurité.

« Ciri à trouver de quoi s'occuper derrière ? » Entama-t-il la discussion.
« Elle a le nez écrasé contre la vitre. Je crois bien que si elle pouvait avoir la tête dehors et les cheveux au vent elle serait au paradis. » Elle ne put réprimer un sourire amusé. « Je peux m’estimer tranquille pour un moment. »
« C'est tout de même étrange tu sais, te revoir avec une petite fille qui te ressemble autant. »

Allys ne sut que répondre cette fois-ci. Il n’avait pas tord cela devait être perturbant. La jeune femme ne pouvait que comprendre, après tout cela faisait beaucoup de nouveauté à assimiler et il arrivait souvent à Allys d’oublier d’où venait Ciri. Elle n’avait que quatre ans lorsque l’ingénieure l’avait sauvé. Elle n’était qu’une orpheline condamnée à finir dans un ghetto pour mages… Difficile de l’imaginer en la voyant aujourd’hui. Elle ne lui ressemblait pas que physiquement, c’était plus que cela, Allys l’avait élevée comme sa propre enfant et il était certain que la petite en avait acquis certains très de caractères similaires.

Rompant le silence étrange qui s’était installé, Hex remit sur le tapis la proposition un peu folle de la jeune femme. Il était hésitant et cela se comprenait parfaitement. Allys n’était pas la seule à avoir changé, il n’y avait pas besoin d’être perspicace pour remarquer les attitudes de son ancien amant. Hex était mesuré, autant dans ses propos que ses attitudes, ce qui était loin de ce dont la cendrée se souvenait de lui. Son franc-parler, sa désinvolture et son impulsivité avaient disparus pour laisser place à une autre personne bien plus compréhensive et dans la retenue.

« Moi non plus je ne suis plus la même... Mais peut-être que c’est une bonne chose après tout. » Elle posa la tête sur le dossier, le regard tourné vers lui. « Il faut le reconnaître, notre relation n’a jamais été stable. »

Cela n’empêchait pas Allys d’avoir peur pour l’avenir mais elle était au moins certaine qu’elle n’aurait pas géré des retrouvailles aussi désastreuses que la dernière fois. Malgré la force qu’il semblait se dégager d’elle, l’ingénieure se savait fragilisée. Elle n’avait pas besoin de nouveaux drames dans sa vie.

« Pour ce qui est de Ciri ne t’en fais pas… Croies-moi c’est plutôt toi qui risque de le regretter. » Elle eut un pâle sourire devant l’air confus du jeune homme. « Disons que j’ai l’habitude de lui raconter quelques histoires… Et il se pourrait bien qu’elle te prennes pour un super héro... »

Destinés à se retrouver

A la mention du chaos qu'avait été leur relation jusque là. Hex ne put que hocher la tête en guise de confirmation. Par le passé ils avaient été comme la glace et le feu, débordant sans cesse l'un sur l'autre, capable de s'insulter comme de s'embrasser en quelques minutes.
Et si les sentiments du jeune homme étaient toujours un abysse bouillonnant, il n'était pas non plus faux de dire que cela avait quelque peu changé.

-Il est vrai qu'à force de courir le monde, essayer de découvrir la trame de tout ce monde qui ne semblait pas prêt de tourner bien rond... Essayer de sauver ce qui pouvait l'être
Nous en avons fini par nous oublier au passage

Au final, malgré leurs efforts, le monde était bien devenu un chaos sans nom, la machine finissant par s'emballer avant de plonger définitivement dans le chaos.
Aujourd'hui encore, bien des gens tentaient maladroitement de recoller les morceaux, faisant comme ils pouvaient pour survivre.

-Peut être que maintenant qu'il n'y a plus rien à sauver, les choses iraient en s'arrangeant ?

L'hypothèse méritait d'être posée. Sans risque d'être appelé à l'autre bout du monde, les deux auraient sans doute un peu de temps.

-Même si le monde regorge encore de mystères... J'ai trop longtemps mis de côté celle qui comptait à mes yeux.

L'île céleste resterait pour le moment un mystère. Et sans doute le resterait elle à jamais. Pour le moment, si la chance lui était offerte, il échangerait tout les secrets du monde sans hésiter contre une nouvelle chance avec son amante.
Ses yeux s'écarquillèrent avant qu'un petit rire ne s'échappe d'entre ses lèvres

-Un super héro ? Que lui à tu donc raconté comme histoire ? Je vais avoir une pression folle désormais

Si rencontrer un dieu faisait parti de ses hauts faits, il ne se souvenait pourtant de rien de remarquable.

-Peut être devrais-je lui raconter des histoires sur toi alors, sa mère est une héroïnes à bien des égards, bien plus que moi

Même si Ciri devait déjà voir Allys avec une aura divine. Au vu de la situation de laquelle elle l'avait sortie

Codage par Libella sur Graphiorum

« Un super héro ? Que lui à tu donc raconté comme histoire ? Je vais avoir une pression folle désormais. Peut être devrais-je lui raconter des histoires sur toi alors, sa mère est une héroïnes à bien des égards, bien plus que moi. »
« Oh je t’assure que j’en fais déjà bien assez. »

Pour une fois Allys laissa échapper un rire franc. Reprenant contenance, elle se passa la main dans les cheveux. S’il savait le nombre d’histoires qu’elle lui avait déjà racontées… C’était son petit plaisir personnel, son moment privilégié qu’elle accordait à Ciri au moment du coucher.

« Je me dis qu’il serait sans doute mieux pour elle de pouvoir prendre exemple sur de vraies bonnes actions plutôt que de simplement lire des contes. Mais ne t’en fais pas, je lui ai seulement raconté notre premier rencontre. Les pirates du ciel, tu te souviens ? » A cette évocation le ton de la jeune femme s’était fait plus léger. « Je n’avais jamais rien vécu de tel et pourtant je t’ai suivi sans une once d’hésitation, je me rappelle encore du fusil entre mes mains... »

… Et surtout du cours particulier qui l’avait accompagné malgré le danger. Il ne lui avait fallut qu’un seul moment pour qu’elle ne commence à s’éprendre de lui. S’il fallait trouver un souvenir à effacer pour que leur histoire n’ai jamais commencé Allys en était certaine c’était ce moment précis.

« Enfin, voilà c’est tout. » Termina-t-elle. « Ciri est intelligente, elle a très bien compris qu’on se connaissaient alors je lui ai fais comprendre que c’était de là mais elle n’en sait pas plus… et je ne tiens pas à ce qu’elle soit au courant pour notre histoire. »

C’était sans doute abrupte mais la jeune femme était déjà suffisamment angoissée, il était hors de question qu’elle ne mêle Ciri à tout cela, pas tant que cela n’irait pas dans une direction. Elle lui expliquerait sans doute un jour, parce qu’elle restait intimement persuadée que quoi qu’ils décident ils ne rompraient pas tout contacte cette fois-ci… Mais elle ignorait encore s’il restait suffisamment d’amour pour un nouveau départ ou si ce n’était plus qu’un profond attachement sans passion.

« Pas pour l’instant en tout cas. » Le rassura-t-elle malgré tout. « Pour elle le monde tient encore debout, je ne tiens pas à la perturber. »

***

Le reste du trajet se fit dans un calme relatif. Allys avait dû à nouveau retourner à l’arrière afin de s’occuper de la turbulente blondinette. Elle avait déplié une mince table de bois précédemment cachée sous le placard de fortune renfermant à ne pas douter les rares pièces de vaisselle de cette maison flottant. Se plaçant de chaque côté, les deux blondes entamèrent alors un duel sur le jeu en bois que l’ingénieure avait apporté. Elles jouèrent ainsi plusieurs parties jusqu’à ce que finalement l’appareil entame la descente. Le temps que la manœuvre prenne fin, Allys intima à la jeune fille de l’aider à ranger puis de tout replacer dans leurs sacs.

Une fois la frégate mise à l’arrêt il était grand temps de récupérer les bagages. Hex les rejoignit d’ailleurs, aidant à les en extirper des filets de sécurité. Cette fois Allys prit l’initiative de porter les deux valises, ayant jeté un œil sur l’enfant qui paraissait bien plus épuisée qu’elle ne voulait bien l’admettre. En sortant la jeune femme réalisa que la journée touchait déjà à sa fin. Il fallait bien avouer qu’elles avaient passé toute la journée dans les transports mais cela en valait bien la peine.

La maison n’était pas bien imposante mais elle disposait un grand terrain vague, ce qui avait facilité la pose de la frégate. Ici pas de voisins pour hurler au scandale si ce n’est la faune sauvage. Plus tard Allys aménagerait l’espace mais il s’agissait d’un achat plutôt récent.

Il était agréable autant pour Allys que la petite Ciri de se dégourdir les jambes dans l’herbe fraiche avant de pénétrer à l’intérieur de la bâtisse. L’ingénieure sentit d’ailleurs le regard appuyé de l’enfant le temps qu’elle ne trouve la clé de la porte d’entrée. La maison était neuve, c’était une première pour la petite qui se pressait déjà de pouvoir la découvrir.

L’intérieure était chaleureux. La jeune femme s’y était déjà rendue dans le mois afin de pouvoir le meubler avant l’arrivée de l’enfant. Quelques rares cadres familiaux avaient été accroché au mur. Il s’agissait des seuls que la cendrée avait put sauver de ce qu’il restait de la vieille demeure familiales à Cerka. Outre cela les peintures au mur avaient été choisies avec soin. Dans l’entrée se trouvait sobrement un porte-manteau et un meuble à chaussure. D’ici on pouvait accéder aux différentes pièces : Une à leur gauche, des escaliers menant aux deux chambres et la salle de bain et une autre salle à leur droite.

A leur gauche se trouvait la salle à manger disposant d’une cuisine ouverte. Peu meublée et uniquement décorée par une peinture représentant un paysage désertique, elle était toutefois bien agencée. De l’autre côté du couloir il y avait un salon. Dans le coin où se trouvait la cheminée était placé un canapé, une table basse et une multitudes de coussins posés à même le sol. Allys n’avait pas perdue cette fâcheuse habitude de s’installer à même le sol pour se détendre. En dehors de cet espace de détente se trouvait une table de jeux et des malles encore bien fermées renfermant des trésors d’imaginations pour l’enfant. Tout au fond de la pièce se trouvait une autre porte menant à son espace le plus personnel et intime : Son atelier.

« Ciri tu veux bien monter nos affaires ? » Demanda Allys une fois déchaussée. « Je te laisse découvrir ta chambre et t’amuser un peu le temps que je nous prépare de quoi nous remplir le ventre, d’accord ? »
« D’accord, merci maman. »

La frimousse disparut bien vite dans les escaliers, laissant les deux adultes seuls pour le moment. Cela n’avait d’ailleurs pas été une surprise pour Ciri de savoir que leur pilote se joigne à elle, Allys avait prit le temps de lui expliquer que son très vieil ami passerait quelques jours avec elles. L’enfant n’y avait émit aucune objection, après tout elle ne se préoccupait pas vraiment des affaires des grandes personnes et elle comptait bien profiter du fait d’avoir un possible nouveau compagnon de jeu.

« Fatiguée comme elle est je pense qu’une fois le repas terminé j’irai la coucher. »

Commença Allys en traversant la salle à manger après s’être saisit d’un sac contenant probablement les quelques mets qu’elle avait pensé à acheter avant leur voyage. Elle vint le déposer sur le comptoir, sortant son contenu tout en poursuivant :

« Ca nous laissera le temps de nous retrouver…. Enfin, discuter, reprendre où on en était… Qu’est-ce que tu en dis ? »

Destinés à se retrouver

L'arrivée fut sans histoire et le terrain de la maison assez grand pour poser la vénérable machine sans terminer dans un bosquet. Et si une piste en bonne et due forme aurait moins secouée les passagers, ces derniers ne se plaignirent pas vraiment d'être déposés au pied de la nouvelle maison d'Allys.
Hex descendit jusqu'à cette dernière sans ses affaires, comme elle l'avait dit plus tôt, tout était encore à voir et à faire, et il n'avait de toute manière pas grand chose de vital dans l'appareil.

Il visita encore curieux la maison qui se voulait chaleureuse, mais pour l'instant vide de tout réel souvenir. Ou du moins pas ceux de la nouvelle famille Terasu.
Ciri s'empressa de regagner une chambre avec ses affaires pendant que son amante faisait une rapide visite des lieux.

-Oui, ce n'est pas tout les jours qu'on change de vie, encore moins qu'on prend une frégate pour aller à l'autre bout du pays.
Mes avis qu'elle va avoir besoin de toi, mais que pour dormir, cela se fera sans soucis

Il se fendit d'un sourire, lui même ne savait même pas ou il allait loger ce soir, ne désirant pas vraiment gêner et installer des souvenirs qui n'avaient pas lieu d'être dans cet endroit.
Tout du moins pour le moment.
Encore son sac sur le dos, Hex suivit la demoiselle, le posant sur l'un des meubles pour en tirer quelques boites de conserves qu'il présenta avant de dire.

-Je n'ai toujours pas ton talent pour la cuisine, mais j'ai quelques réserves s'il faut.

Ce n'était pas de la première qualité, mais c'était là tout ce qu'il avait pour aider.
Souvent, ses repas à bord se résumaient à une boite de viande cuite avec un brûleur à côté de son lit. Rien qui n'aidaient à gagner du gout.

-Mais oui ça vaudra mieux, en attendant, laisse moi t'aider à préparer

Dit il en se lavant consciencieusement les mains, frottant quelques minutes pour enlever les taches de graisses et d'huile moteur qui c'étaient accumulées, et ce jusqu'à ce que ses mains retrouvent leur couleur d'origine.

Il ne fallut qu'une dizaine de minutes au duo fraichement reformé pour accoucher d'un diner tout à fait respectable.
Mais la partie la plus étrange fut sans doute de manger convenablement assis, observé par de grands yeux curieux qui le mirent un peu mal à l'aise.
La discussion fut mince, car l'enfant tenait à peine debout, la fatigue finissant fatalement par la rattraper
Et ce fut avec une étrange impression qu'il regarda Allys monter le petit être jusqu'à sa chambre

Tournant un petit moment dans le salon alors que son amante devait raconter une nouvelle histoire à la petite, il en profita pour se débarbouiller le visage à l'eau chaude, tachant d'efface les marques de fatigues inhérentes à sa nouvelle condition, lui même se sentant épuisé par la journée

Codage par Libella sur Graphiorum