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Chroniques d'Irydaë
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 :: Les terres d'Irydaë :: My'trä :: Khurmag
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 Nous sommes tous le fruit d'un rêve de papillon. [PV Thorleif]

Adramus
Adramus
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Nous sommes tous le fruit d'un rêve de papillon. [PV Thorleif] EmptyJeu 18 Jan - 18:55
Irys : 304179
Profession : Aventurier, maître d'armes
My'trän +2 ~ Mistral
Il était temps pour Adramus d’honorer sa promesse. Une promesse qu’il avait passé il y a un an de cela, dans le même endroit, cette forêt perdue dans les hauteurs de Khurmag. A l’abri de l’effroyable Khoral, il y avait rencontré Donovan de Cendre, un gharyn affable, ambitieux, mais qui manquait peut-être un peu de maturité spirituelle pour mener à bien l’entreprise qui était la sienne. Il avait fondé une petite colonie dans ces montagnes, Cedren, qui était maintenant devenue un village rempli d’espoir. L’espoir de pouvoir construire quelque chose avec ces mains qui ont longtemps été décrite comme tenant le glaive qui mettait à mal tout My’trä depuis des siècles. Adramus avait été tant et tant admiratif d’une telle détermination qu’il avait juré à cet homme de revenir sur ses terres, un an jour pour jour après leur rencontre, et qu’il permettrait à sa jeune population de survivre un peu plus longtemps. Il leur apprendrait à se battre.

Cela faisait donc plusieurs jours que lui et Mary, alors jeunes mariés, vivaient parmi les Cedreniens, se mêlaient à eux, vivaient à leur manière, tandis que des sessions d’entrainement étaient organisées plusieurs fois par jour, par petits groupes de villageois, afin de les former à se défendre contre tout ce qui pourrait les assaillir. La faune, la flore locale, même le règne minéral pouvait parfois réclamer de se battre dans ces bois hostiles. Mais Adramus était un nomade solitaire depuis bien une douzaine d’années maintenant. Un temps immensément long durant lequel il ne côtoyait presque personne afin de se perfectionner dans son art. Evitant les villes, préférant les petits bourgs où il pouvait trouver du travail rapidement faisable, nécessitant un guerrier émérite, et qui lui permettrait de s’éloigner à nouveau de la civilisation pendant de longs moments.

Il était en quelque sorte, par la force des choses, devenu un ermite. Et on ne pouvait réclamer d’un ermite de changer du jour au lendemain. Il avait besoin de ce temps qu’il avait pris aujourd’hui. Ce temps de paix solitaire, loin de tous, même de son épouse bien-aimée. Elle comprenait fort bien ce sentiment, le ressentant en même temps qu’Adramus par le biais de son don unique. Elle le laissa donc partir une journée entière, dans cette forêt primaire où rien d’autre ne pouvait briser la paix qu’une folle déclaration de guerre. La nature demandait une soumission sans condition, ou bien il fallait être prêt à subir son courroux. Dans sa recherche séculaire de se rapprocher de la Grande Amisgal, le guerrier avait bien compris ce précepte et il se contentait de rester perché sur une hauteur, torse dénudé, subissant le froid et le vent avec stoïcisme, tandis qu’il admirait sous ses yeux le spectacle muet d’une forêt en train de vivre. Perché sur une branche épaisse, il méditait, à mi-chemin entre la concentration et une lente dérivation vers le sommeil. Somme toute, il s’empressait à gagner la paix, vider son être de toute énergie lourde, de toute pression, pour simplement s’alléger et pouvoir ainsi voguer de nouveau sur l’océan infini et nuageux dont sa déesse était la reine.

Une neige légère lui brûlait la peau, les flocons, transportés par le vent, se ruaient sur lui comme des flèches minuscules, mais qui se heurtaient simplement à la carapace de pierre dont seul les natifs de Kharaal Gazar ont le secret. Non pas que la magie du Sculpteur, Delkhii, l’aide en quoique ce soit, mais il était simplement taillé de cette manière. Il ne ressentait pas plus le froid que la douleur, la brûlure ou la fatigue, dans cet état de méditation transcendantale. L’esprit d’Adramus avait laissé ce corps suffisamment solide pour survivre à toutes les épreuves et c’était envolé loin, là-haut, regardant la forêt avec la fascination qui lui était coutumière. Toutefois, le corps du guerrier pouvait bien résister à toutes les intempéries, à toutes les péripéties, il y avait bien une chose contre laquelle il n’arrivait jamais à lutter, qui le vaincrait toujours et obligerait l’âme virevoltante de son propriétaire à revenir plus vite que prévu dans cet écrin de pierre : la surprise. Un bruit insolite, peut-être même inquiétant, raisonna dans le ciel, fit bruisser les branches de la forêt, trembler chacun de ses habitants avec la subtilité d’une plume se posant sur l’eau. Mais même la plus légère poussière, une fois qu’elle touche la surface d’un lac, se met alors à créer une onde destinée indubitablement à se propager envers et contre tous les obstacles. Même s’il avait voulu être discret, ce dragon n’aurait pas pu échapper à l’oreille de la forêt.

Ouvrant les yeux avec la lenteur d’une fleur qui s’ouvre, Adramus était pourtant bien plus surpris que n’importe quelle créature, animale ou végétale, présente ici. Ces montagnes n’étaient pas assez hautes, pas assez escarpées, pour que les dragons s’y abritent en toute logique. Et pourtant le voilà, devant lui, à seulement quelques dizaines de mètres. Et comble de l’étonnement, que voit-il perché sur le dos de ce roi du ciel ? Un homme. Vêtu d’une lourde armure qui renvoyait, à qui voulait bien les voir, les maigres rayons de soleil qui passaient à travers les nuages, mais un homme. A cet instant, la paix demeurait toujours dans l’esprit du guerrier, et il ne nourrissait qu’une curiosité contemplative face à ce spectacle. Espérons que cet homme, ce dragonnier, ne ruine pas tout le travail d’une journée.

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Nous sommes tous le fruit d'un rêve de papillon. [PV Thorleif] EmptyDim 21 Jan - 0:22
Il était temps pour Thorleif d'honorer sa promesse. Une promesse qu'il avait passé il y a beaucoup moins de temps que cela. Dans un autre endroit, dans une autre contrée, sur un autre continent, dans le pays de Dyen. Cela faisait désormais deux mois que le dragonnier parcourait le territoire de Khurmag. Au début, il n'avait pas escompté s'y arrêter car son objectif était de s'éloigner le plus possible de son pays d'origine. En effet, on l'accusait d'être l'assassin de son propre frère et de l'organisation d'un coup d'état contre le Roi-Père afin de prendre sa place. Ce n'était nul autre que son autre frère, l'aîné, qui était parvenu à réaliser ce coup de maître. Par fierté et dans le désarroi, Thorleif ne s'était pas laissé capturer car d'une manière ou d'une autre, son frère se serait probablement débarrassé de lui en contournant les règles comme il l'avait déjà fait. Sa promesse deviendrait donc son nouveau combat, son nouveau souffle, sa nouvelle vitalité. Il ignorait toujours comment mais il parviendrait à rendre justice par ses propres moyens. Son frère paierait allègrement pour tout cela et son honneur serait rétabli. Thorleif n'avait jamais vraiment abandonné l'idée de devenir le Roi-Père de Dyen mais il n'avait aucune solution, aucun droit légal pour assouvir ce désir, cet objectif de longue date. En effet, Aedrar l'avait déjà vaincu pendant les Jeux de la Succession. Le dragonnier s'était donc arrêté « durablement » à Khurmag à cause du Khoral, le contraignant donc à une séparation temporaire avec Nitthog, son dragon noir de poids moyen. Durant quelques semaines, ils vécurent séparément jusqu'à ce que les vents glaciales aient terminé de souffler en continu sans laisser aucun répit à la faune et à la flore de Khurmag. Globalement, Thorleif vagabonda entre Tarluru et Foreäl, offrant ses services à la populace et d'autres individus de plus grande renommée. Même sans la moitié qui composait son redoutable binôme, il n'en demeurait pas moins un excellent maître-lame et ses capacités martiales durent servir plus d'une fois.

Petit à petit, Thorleif acquit davantage de connaissances sur Khurmag et son histoire. Cette dernière avait été suffisamment rude et sévère envers eux pour qu'il ait envie de les juger davantage, ce n'était pas son rôle. A vrai dire, on pouvait critiquer Dyen pour son autarcie légendaire. Lors de la précédente guerre, ils s'étaient engagés auprès de My'trä au tout dernier moment pour éviter que la nation toute entière ne tombe entre les mains de Daënastre. Il se rendit compte que les habitants de Khurmag essayaient en grande partie de redorer leur blason trop de fois bafoué. Au fond, n'était-ce pas ce qu'il cherchait lui-même à accomplir du haut de sa propre échelle… ? Au détour d'une conversation quelque part, dans un autre endroit, Thorleif entendit parler d'un village perché dans les montagnes : Cedren. Instinctivement, le dragonnier eut envie de s'y rendre sans savoir ce qu'il pourrait y trouver. Dyen était puissante, légendaire, autonome, crainte, respectée, considérée et toute une panoplie d'adjectifs pouvaient encore l’embellir. Toutefois, Thorleif n'y était plus le bienvenu et même si cela lui coûtait énormément, il ne pourrait pas accomplir sa promesse tout seul. En effet, il ne pouvait pas se contenter de retourner de front à Dyen pour régler ses comptes. Ainsi, c'était pour cela qu'il avait débuté un long périple qui le mènerait sûrement à découvrir beaucoup d'endroits différents à My'trä. Au fond de lui, il espérait trouver quelqu'un, une entité ou quelque chose capable de lui venir en aide. Il avait besoin d'entretenir la flamme de la passion et d'écarter toute hypothèse d'accepter la fatalité. S'il était à Dyen l'un des plus éminents dragonniers de son ère, à My'trä, il n'était encore rien d'autre qu'un insecte (avec un dragon, certes ! …) De ce fait, il ne pouvait pas laisser passer une quelconque éventualité de trouver un nouveau fourreau pour sa lame.

Thorleif s'estimait heureux d'être parvenu à s'enfuir de Dyen en étant vivant et en bonne santé. Il ne ressentait ni fierté, ni honte et il redoutait peut-être un peu le jour où le jugement d'Amisgal serait rendu. Son amour, sa fidélité, sa dévotion envers elle ne s'était pas éteint. Il eut envie, il en était persuadé, d'aller à elle pour subir son potentiel courroux mais il estimait que ce temps-là n'était pas encore venu. Il le ferait, le jour où la vérité et son honneur seraient rétablis. Mais… Pouvait-on impunément échapper au regard de la plus belle et la plus puissante de toutes les Déesses ? Se pouvait-il que la rencontre à venir était le fruit du hasard… ?

Thorleif et Nitthog n'étaient plus qu'à quelques lieus de rejoindre le village de Cedren mais il avait estimé plus sage de se poser plus loin. Effectivement, on risquait d'être surpris de voir un dragon se poser directement aux portes du village. S'il était évident qu'un dragonnier vagabondait avec son compagnon aux écailles noires dans le pays de Khurmag depuis quelques semaines, Thorleif préférait éviter de le montrer au premier venu. Pourtant, leur attention fut attirée par la présence d'un homme vraisemblablement inconnu au bataillon. A une dizaine de mètres de lui, il devinait qu'il était torse-nu et semblait être en pleine séance de méditation. Thorleif n'était pas frileux, loin de là mais il se demanda tout de même comment il pouvait tenir comme cela en plein milieu de l'hiver. Par curiosité, le dragonnier intima à sa créature l'ordre de se rapprocher très lentement, en vol stationnaire.

« Toi ? »

Il balbutia presque. S'agissait-il vraiment d'Adramus ? Fichtre, il avait pris un coup de vieux. Mince, c'était également son cas. En fait, l'homme qui lui faisait face était tout simplement inoubliable et de son point de vue, très tristement connu de Dyen. Pour lui, Thorleif ne devait être qu'un dragonnier parmi tant d'autres car s'il avait sûrement été présent lors des hostilités lancées à Aedrar en personne, Roi-Père de Dyen, il ne s'était pas interposé devant lui. Comme bon nombre de ses pairs, il avait assisté à la déclaration de guerre d'un fou. De plus, il avait vaincu dans un duel à mort l'un de ses frères d'armes et après son arrestation, il fut relâché dans les montagnes avec sa seule carcasse comme moyen de se défendre. Avec le temps, ils apprirent que ce semblant de chien, trop téméraire et très hardi avait survécu. Il devint alors très tabou à Dyen d'évoquer ce sujet car pensez-vous, comment accepter l'idée qu'Amisgal ait retenu ses progénitures ? Pour la cité-état draconique, il était tout bonnement contre-nature que Adramus soit encore… en vie. En quelques secondes seulement, le temps de se remémorer tout cela, plusieurs émotions traversèrent jusqu'à l'échine même de Thorleif.

« C'est… inattendu. »

Thorleif planta son regard dans celui d'Adramus. Le premier se méfiait, considérant assez justement l'intensité qui pouvait amener à la combustion à tout instant. Après tout, n'était-il pas jusqu'à preuve du contraire deux ennemis naturels ? Certes, son prochain interlocuteur n'avait plus fait parler de lui à Dyen mais comment oublier ce qui s'était passé ? Thorleif ne pouvait pas faire comme si rien ne s'était passé. Il ne pouvait se douter que même si cinq ans s'étaient écoulés, Adramus avait peut-être… évolué ? Tout comme son interlocuteur devait à présent le voir comme un potentiel danger pour lui, estimant sûrement qu'il était là en mission quelque part pour le compte de Dyen.

« Tu ne te souviens probablement pas de moi… Je n'étais qu'un parmi d'autres, ce jour-là. Mais moi, je ne t'ai guère oublié. »

Nitthog commença presque à se montrer menaçant, ressentant toute l'animosité de son maître envers son interlocuteur. Le dragon noir montrait les crocs et Thorleif ne souhaitait pas déclencher un incident irréparable d'entrée de jeu. Il piqua donc en contrebas pour rejoindre un semblant de clairière dégagé. Là, il pourrait descendre de Nitthog sans quitter du regard Adramus. Escomptait-il seulement le rejoindre… ?


Dernière édition par Thorleif Gunnar le Jeu 25 Jan - 20:52, édité 2 fois

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Nous sommes tous le fruit d'un rêve de papillon. [PV Thorleif] EmptyDim 21 Jan - 15:04
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A sa grande surprise, une surprise qu’il s’évertua à ne pas exhiber, le dragonnier semblait l’avoir repéré et se dirigea vers lui. Quelle étonnante initiative. Peut-être qu’il cherchait de l’aide ? Du secours ? Ou bien Adramus était sa cible. Dans tous les cas, le guerrier continua d’observer, avec circonspection, cet homme qui s’approchait de lui, sur le dos de ce majestueux reptile aux écailles noires. Il était vieillissant, ce dragonnier, mais son visage ne lui disait rien. Hormis celui dont il avait tranché la tête, Adramus ne se souvenait pas de beaucoup de dragonniers qu’il avait rencontrés lors de son passage à Dyen. Le dragon se plaça face à lui, battant puissamment des ailes, faisant trembler les branches. Mais le guerrier ne broncha pas, continuant de dévisager celui qui venait l’importuner.

- C'est… inattendu.

Inattendu, ce n’était pas le mot qu’Adramus avait à l’esprit lorsqu’un tel personnage venait à sa rencontre ici, en pleine forêt perdue dans les montagnes. « Malheureux » serait plus à propos. Il n’y avait rien d’inattendu dans le monde, tout était écrit à l’avance par les plumes de Möchlog et donc rien ne découlait du simple hasard. Malgré tout, l’adepte d’Amisgal ne pouvait nier qu’il était étonné, lui aussi, mais son visage n’exprimait qu’un stoïcisme qui allait de pair avec son état de méditation dans lequel il s’était plongé pendant des heures durant. Les poussières que projetait le souffle des ailes de sa monture finissaient par atterrir dans ses yeux, ce qui le fit cligner abondamment. Tandis qu’il frotta une main contre son visage abimé, le dragonnier s’exprima de nouveau.

- Tu ne te souviens probablement pas de moi… Je n'étais qu'un parmi d'autres, ce jour-là. Mais moi, je ne t'ai guère oublié.


Effectivement, il n’avait pas tort. Après cinq ans de réflexion, de voyage et d’aventures multiples, même si un quelconque résidu de souvenir était resté marqué dans l’esprit du guerrier, cela ferait bien longtemps qu’il se serait envolé dans le néant où toutes les mémoires des hommes sont destinées à finir. Malgré tout, Adramus essaya, vainement, de tenter de se reproduire la scène dans son esprit, mais ne parvint pas à se rappeler du moindre visage, hormis celui d’Aedrar, le Roi-Père. Celui qu’il avait provoqué, celui qu’il avait insulté, celui qu’il avait tant obsédé depuis. Le voyageur prit le temps de regarder le dragon que le chevalier montait. Il était agressif, nerveux, on l’aurait dit malade, réagissant comme un être vulnérable qui se ferait attaquer. Partageait-il les sentiments de son maître ? Ou essayait-il de le protéger du maître d’armes ? De le menacer ? Cela faisait bien longtemps qu’Adramus n’avait plus aucune crainte des dragons, quand bien même ceux-ci se montreraient menaçants. Il avait la protection de sa bien-aimée Amisgal, il le savait et abordait chaque rencontre avec sérénité. Mais les dragons de Dyen étaient différents. Endoctrinés, dominés, ils n’avaient plus de volonté propre. Rien d’étonnant donc à ce que ce magnifique lézard lui voue une haine coriace par avance. Lui, l’ennemi de Dyen.

Après avoir prononcé ses derniers mots, le dragonnier commanda à sa monture de descendre un peu plus bas dans la forêt, dans une clairière où ils pourraient se poser. Invitait-il Adramus à le rejoindre ? Quelle drôle d’idée. Décidément, ces hommes restaient hors de sa compréhension. Il aurait pu le tuer sur-le-champ, le faire dévorer par sa docile monture. Pourtant, il préférait se poser, en descendre, sur un terrain où le guerrier avait déjà fait ses preuves. Il avait provoqué et battu un de ses compatriotes alors même qu’il était blessé et à bout de force. Aujourd’hui, il était plus âgé, plus expérimenté, et pas le moins du monde fatigué. Alors, était-ce vraiment la confrontation que ce dragonnier cherchait ? Des questions dont Adramus réclamait la réponse. Voilà pourquoi il mit pied-à-terre, descendant de son perchoir, et entreprit de descendre la pente douce qui le séparait de la clairière où l’homme s’était arrêté.
 
Sortant des bois sombres comme un loup interrogé, le maître d’armes s’approcha du chevalier qui était en train de donner quelques attentions affectueuses au dragon noir. Il resta à bonne distance toutefois, préférant éviter la fureur de ce reptile entrainé, depuis son éclosion, à obéir à l’homme qui se tenait à ses côtés. Croisant les bras, Adramus dévisagea de nouveau son interlocuteur d’un visage neutre. Froid, mais dépourvu d’une haine particulière. Son esprit s’était glissé dans la sérénité et ne demeurait plus qu’une curiosité tranquille ainsi que, tout de même, une méfiance de circonstance.

- Ce jour-là, vos visages ne m’intéressaient pas. C’était votre ordre que je voulais détruire, pas les vies de chacun d’entre vous. Il soupira, continuant de plonger son regard dans celui du dragonnier. Bien que je fus contraint d’en prendre une peu de temps après.

Autant calmer le jeu tout de suite. Adramus insistait sur ce point : le guerrier, dont il avait oublié le nom, était celui qui comptait le capturer. L’adepte d’Amisgal avait saisis sa chance de mourir noblement, mais en aucun cas il était celui qui avait attaqué le premier. Son interlocuteur serait-il sensible à cela ? Rien n’était moins sûr, mais il valait mieux essayer.

- Que fais-tu ici, dragonnier ? Est-ce par hasard que tu étais dans les parages ? Peut-être, mais c’est toi qui a choisi de m’approcher et de me parler. Souhaites-tu venger la mort de ton ami ? L’affront fait à ton roi, à ta cité ? Dans tous les cas, j’espère que tu sais ce que tu fais.

Rien dans sa voix, dans ses gestes, dans ses yeux, ne traduisait la moindre animosité. Et pour cause, il n’en avait aucune envers cet homme. Il s’était détaché de toute haine, après cinq années passées à méditer et bien qu’il considère toujours les agissements de Dyen comme une pure insulte faite à Amisgal, il n’en avait jamais voulu à la vie des chevaliers en eux-mêmes. A la manière de leurs montures qui sont entrainées, depuis leurs premiers instants, à se soumettre et à obéir, Adramus se doutait qu’il en était de même pour les enfants de Dyen, éduqués pour soumettre les enfants d’Amisgal et rien d’autre. Dragons comme cavaliers étaient les victimes d’un système hérétique, et c’était ce système qu’il fallait cibler et non ceux qui vivaient sous sa coupe.

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Nous sommes tous le fruit d'un rêve de papillon. [PV Thorleif] EmptyDim 21 Jan - 22:15
Thorleif descendit de Nitthog et caressa dans la foulée son museau écailleux. Le dragon noir, de poids moyen, l'observait avec sa curiosité naturelle. Le dragonnier comprit, son compagnon attendait une quelconque instruction. Devait-il rebrousser chemin, fondre sur Adramus et l'attraper entre ses crocs ? S'agissait-il plutôt de gonfler ses poumons à bloc et de relâcher sur lui son puissant cri ? Et si Thorleif n'escomptait pas ouvrir des hostilités avec ce vieil ennemi de Dyen ? Le regard de Thorleif se perdit pendant un instant dans celui de son dragon. Que devait-il faire ? Adramus était là, il s'apprêtait à quitter sa hauteur pour les rejoindre. De prime abord, le dragonnier avait manqué une initiative immanquable. Certainement, dans un excès de confiance ou de zèle, le guerrier-ennemi de Dyen avait fait face au duo du Brise-Ciel. En fait, c'était peut-être ce qu'il lui avait sauvé la vie, ce qui avait convaincu en amont Thorleif de ne pas donner l'ordre fatidique et impardonnable. Plusieurs scénarios s'offraient à lui, il pouvait tout d'abord défier Adramus en duel à mort, dans le but de rendre sa propre justice et de venger son frère d'arme tombé au combat. Mais non, il s'en souvenait très bien, le dragonnier avait délibérément affronté Adramus au péril de sa vie et il avait perdu. Pourquoi donc prendrait-il ce risque à son tour… ? Cela n'avait pas de sens. Alors, pourquoi ne pas tout simplement essayer de le capturer ? Et si… ? Pourquoi pas, le ramener à Dyen en offrande et en guise de sa bonne foi lui permettrait peut-être de regagner la confiance de son peuple. Non, c'était insuffisant, son frère aîné l'attendait au tournant. Nitthog, par son biais, avait tué leur autre frère et il n'avait pas encore été juger pour cela et au fond de lui, il savait très bien qu'il ne pourrait pas se soustraire éternellement. Peu importe, il fallait maintenant prendre une décision.

Il arrive. Adramus arrive.

« Quelle différence ? L'ordre des dragonniers est la puissance militaire principale de Dyen. De plus, tu as menacé et déclaré la guerre au Roi-Père. Tu n'es pas assez naïf pour croire que tu peux gagner une guerre sans prendre des vies sur ton passage, n'est-ce pas ? »

Thorleif soupira très profondément, lui-même agacé par ce qu'il venait de dire. Pourquoi cela arrivait-il maintenant ? Vraiment, cette rencontre avait le potentiel pour dégénérer à tout instant, à tout moment. Son instinct de membre éminent de l'ordre des dragonniers tendait à lui faire ouvrir les hostilités, à bondir sur Adramus et le défier, pour donner suite à ces vieilles querelles, à ces vieilles menaces. Mais à quoi bon ? Son interlocuteur l'ignorait mais Thorleif avait été banni de l'ordre des dragonniers. En quelque sorte, cela ne le regardait plus vraiment. Le dragonnier était-il donc tombé si bas ? Son influence et sa notoriété étaient inexistantes ici, c'était douloureux de devoir se l'avouer.

« Nitthog ! »

Le dragonnier attira subitement la curiosité de son compagnon, ce dernier redressant sa tête, aux aguets. Il fallait dire que la créature mesurait 2,93m au garrot et avait de quoi imposer un mélange de peur et de respect par sa seule présence. Pour un individu lambda, ce devait être effrayant que d'admettre qu'un tel animal pouvait obéir à la volonté d'un être humain. Pas pour Adramus, Thorleif le ressentait et à vrai dire, cela faisait monter en lui une pointe d'agacement. Nitthog avait environ une vingtaine d'année, la bête était certainement à l'apogée de ses différentes caractéristiques. La résistance de ses écailles, sans pour autant former une double-couche, n'avait rien à envier à la plupart des dragons de poids lourd. Le dragon puisait son charisme dans sa puissance, sa résistance et son souffle d'air. En contre-partie, il était moins rapide que bien d'autres de ses congénères, manquant donc d'une certaine dextérité et d'endurance. Dans le cadre d'une bataille aérienne rangée, il ne s'agissait pas vraiment d'un problème car ayant appartenu tout les deux à la division des poids moyens, d'autres dragonniers avaient la tâche de palier à leurs faiblesses pour pouvoir leur donner une initiative destructrice. Certes, tout cela n'avait jusqu'à présent mené qu'à différentes simulations car Dyen était en paix depuis des décennies mais leurs combinaisons, leur entente et leurs différentes capacités leur avaient valu le surnom de Brise-Ciel, rien que cela !

« Va. »

Il accrédita son compagnon de longue date d'une longue caresse sur le museau puis de trois tapes successives. L'intelligente créature comprit. Soudain, elle s'appuya sur ses pattes arrières, se donna suffisamment de force et d'impulsion et en soulevant la couche de neige du sol, Nitthog déploya ses ailes à plusieurs reprises pour s'envoler. Ainsi, dans le doute, si Thorleif avait l'intention de défier Adramus, il le ferait seul avec honneur.

« Crois-tu au hasard, Adramus ? »

Les questions d'Adramus étaient ô combien intéressantes. Oui, en tant que membre de l'ordre des dragonniers, il avait envie de venger la mort de son frère d'arme mais cette affaire commençait à prendre la poussière. Quelque part, ne fallait-il pas considérer que le guerrier face à lui n'avait pas causé d'autres problèmes à son pays ? Doucement mais sûrement, Thorleif commença à avancer dans la direction d'Adramus. Les mètres, la dizaine qui les séparaient, se réduire bientôt au nombre de deux. Évidemment, le dragonnier prit soin de laisser ses deux mains en évidence, pendant le long de sa large silhouette d'armoire à glace, ne montrant aucun envie de se saisir de son épée. Lorsque Adramus évoqua le fait de venger l'affront fait à son roi, il eut un rictus nerveux.

« Le Roi-Père est probablement assez… assez... » dit-il, portant son index sous son menton. Mais qu'essayait-il de dire… ? « Fort ? Est-ce le terme ? Oui, assez fort pour se défendre tout seul. Crois-moi, lorsque tu l'as défié, ce n'est probablement pas moi qui me serait interposé. »

Et pour cause, la fidélité de Thorleif envers Aedrar tenait sur un fil d'argent prêt à rompre à tout instant. Certes, suite à sa défaite contre lui aux Jeux de la Succession, Thorleif avait reconnu son échec mais n'avait jamais abandonné son droit, son désir, son envie, de devenir un jour le Roi-Père de Dyen. Ironiquement parlant, cela n'aurait-il pas fait les affaires de Thorleif si Adramus était parvenu ce jour-là à trancher la tête d'Aedrar… ? Il ne ressentait aucune honte à penser que c'était effectivement le cas. Mais jusqu'à présent, Thorleif ne l'avait jamais trahi et n'avait jamais montré le moindre signe. Bjergsen, son frère, s'était seulement servi de ses ressentiments avec brio pour monter le complot menant à l'éviction de son frère cadet. Si la loyauté de Thorleif ne tenait qu'à un grain de sable, de poussière ou plutôt dans le contexte présent à un fragile flocon de neige, c'était parce qu'il avait dans son esprit développé maintes et maintes hypothèses pour prendre le pouvoir. Au final, son tord était peut-être de s'être montré trop patient. Désormais, il le payait très amèrement.

« Tu as été capturé et relâché dans les montagnes. Tu as été jugé par la Déesse et tu es toujours là… Je n'en comprends pas vraiment les raisons mais je suppose que c'est ainsi que cela doit être. Je respecte le choix d'Amisgal, je ne te traiterai pas en ennemi du moment que tu ne m'en donnes pas la raison, Adramus. J'ignore si notre rencontre est le fruit du hasard mais je suis à la recherche d'un village du nom de Cedren. Cela va te paraître plutôt curieux mais j'ai tout et rien à y faire. »

L'honneur, la sincérité et l'authenticité de Thorleif prenaient le dessus. Il n'avait pas vraiment de raison de mentir à Adramus si ce n'était que de dire ce qui lui passait par la tête. Bien sûr, il n'était pas souhaitable pour le moment de lui dire qu'il était lui aussi un Banni de Dyen. A vrai dire, il ne savait pas vraiment comment pourrait réagir son interlocuteur. Après tout, Thorleif ne connaissait pas les raisons qui avaient motivé Adramus à se lancer dans une guerre ouverte contre Dyen. A l'époque, ils avaient réagi dans la précipitation à une agression, pire même, une véritable transgression.

« Ce n'est pas équitable car je connais ton nom mais toi tu ignores le mien. Je suis Thorleif, juste Thorleif. Je n'ai pas l'impression que tu es l'intention d'en découvre avec moi car je suis un dragonnier, me tromperai-je ? Toutefois, j'ai besoin de comprendre ce qui est arrivé il y a cinq ans. Pourquoi… Pourquoi As-tu attaqué toute une nation avec autant d'opportunisme et d'impétuosité ?»

Par mesure de précaution, si Adramus s'était renseigné au sujet de ses potentiel ennemis à Dyen, la famille Gunnar avait du faire pour lui un très excellent candidat après le Roi-Père. De façon très ancestrale et officielle, sa famille cautionnait depuis des générations le système de soumission des dragons et l'ensemble de la société qui composait Dyen. Les Gunnar avaient toujours été de fidèles serviteurs du Roi-Père ou de la Reine-Mère en place. Certes, Thorleif commençait à devenir une exception mais il y avait fort à parier que sa propre famille avait ses responsabilités à assumer dans ce fait. En tout cas, le dragonnier venait de faire un premier pas vis à vis du guerrier. Une porte vers un sincère dialogue venait d'être ouverte.

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Nous sommes tous le fruit d'un rêve de papillon. [PV Thorleif] EmptyMar 30 Jan - 17:06
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Profession : Aventurier, maître d'armes
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Les bottes d’Adramus faisaient grincer la neige sous ses pieds. Il avançait lentement, lourdement, tout en écoutant les paroles du dragonnier. Il le provoquait, se moquait de son idéal, sans pour autant se tromper sur certains points. Adramus savait qu’on ne gagnait pas une guerre avec le seul sang des combattants. Il l’avait compris il y a de cela bien longtemps. C’est pourquoi, si la remarque de Thorleif destinait à doucement réveiller sa colère, il n’en était rien. Le guerrier s’arrêta simplement à une distance raisonnable du chevalier et de sa monture, l’énorme dragon noir fulminant vers Adramus comme s’il s’agissait d’une menace qui emporterait son pauvre maître. Même les esclaves de Dyen avaient donc entendues parler de lui ? C’en était presque drôle. Le maître de cette créature l’appela alors par son nom. Nitthog. Une apostrophe suivie d’un ordre, un simple mot, mais qui suffit pour commander au dragon de s’envoler, laissant Thorleif seul avec l’ennemi de sa cité. Quelle désolation que de voir un des enfants d’Amisgal si facilement dominés. Le mage suivit le reptile volant du regard alors qu’il s’éloignait, croisant les bras face au dragonnier.

- Crois-tu au hasard, Adramus ?

Quelle question étrange. Un caboteur qui connaît les branches du fleuve qu’il parcourt croit-il toujours qu’elles ne mènent nulle part ? Un My’trän qui connaît l’existence et le pouvoir de Möchlog s’abaisse-t-il encore à penser que sa vie est le fruit du hasard ? Bien sûr que non.

- Je ne crois pas plus au hasard qu’à l’innocence de mes actes. Répondit-il calmement.

Il faisait évidemment référence à ce que Thorleif avait énoncé plus tôt. Non, le guerrier n’avait plus, depuis longtemps, cette naïveté qui fait la beauté des idéalistes. Il n’en était plus un lui-même d’ailleurs, à bien y réfléchir. S’il nourrissait toujours, dans la partie la plus obscure de son cœur, commune à tous, l’envie d’abattre la tête de cet ordre, il ne s’imaginait pas non plus le faire seul et sans sacrifices. De toute manière, n’allait-il pas tout bonnement y renoncer, maintenant qu’il s’était définitivement lié au monde des hommes en épousant Mary et en concevant cet enfant qu’elle portait ? Sans aucun doute, sa femme ne pourrait accepter qu’il laisse tomber tout ce qu’ils avaient construis tous deux pour poursuivre un destin qui n’était peut-être pas le sien finalement. Mais, encore une fois, à cet instant, dans cet endroit, il demeurait un ennemi de Thorleif. Quelqu’un qui le méprisait, lui et ce qu’il représentait. Peu importe sa célébrité ou sa puissance. Aucun dragonnier ne pourrait résister à Adramus, il se l’était juré et savait qu’Amisgal était de son côté si un tel combat devait être mené.

Arriva le moment où le chevalier évoquait ce jour si marquant, le jour où Adramus était venu en personne défier un Roi-Père récemment couronné, brûlant de confiance et qui avait pris comme une insulte la provocation et la déclaration de guerre que lui faisait ce vagabond sorti de nulle part. Est-ce que, en apprenant la mort de l’un de ses nobles, cette opinion avait évolué dans son esprit ? Avait-il ressenti de la crainte ? Même un petit peu ? En imaginant tout ceci, l’adepte d’Amisgal eut un bref sourire. Un écho à celui qui avait étiré les lèvres de son interlocuteur en une grimace peu convaincante. Malgré tout, il demeurait une zone d’ombre. Qu’entendait cet homme lorsqu’il affirmait qu’il ne se serait pas interposé face à Adramus ? Au vu de sa carrure et de son armement, ce n’était pas question de bravoure, oh que non. Mais quoi d’autre alors ?

Adramus n’eut guère le temps de se poser plus de questions. Il était maintenant temps pour le dragonnier d’évoquer ce qui avait suivi le duel de son interlocuteur tatoué. Ce n’était pas des souvenirs spécialement douloureux pour ce dernier, mais quel était donc le but de retracer avec minutie chaque détail de cette funeste journée ? Thorleif voulait-il prouvé à Adramus que son attaque avait eu l’effet escompté, à savoir faire parler d’elle ? Et il voulait vraiment se rendre à Cedren ? C’était une petite bourgade qui, certes, commençait à gagner en importance, mais de là à attirer un envoyé de Dyen… Adramus avait fermé les yeux, écoutant attentivement les propos de cet homme de plus en plus étrange.

- Viens en au fait. Dit-il au bout d’un moment.

Ils étaient face à face, et effectivement Thorleif en vint au fait. Il se posait au moins autant de question sur celui à qui il parlait qu’inversement. Ses questions, Adramus se les étaient posées maintes fois durant toutes ses années. Ce jour-là, il y a cinq ans, le guerrier avait agit par pur instinct et convictions religieuses. En aurait-il été autrement s’il avait réfléchi un peu aux conséquences de ses actes ? Aujourd’hui, il en doutait encore. Peu importe la sagesse qu’il pouvait acquérir, la réflexion qu’il allait se donner, Adramus restait à jamais un fidèle de sa déesse tant aimée. A ce titre, il n’accepterait pas, peu importe le temps passé, que cette mascarade d’ordre chevaleresque continu. Il pouvait tolérer que les habitants de Dyen vivent en paix, mais il ne trouverait pas le repos avant d’avoir accompli sa mission. Oui, voilà pourquoi il avait fait tout ça, et pourquoi il n’allait pas cesser le combat.

- Regarde. Invita Adramus en levant pointant le ciel de son menton.

Dans ce ciel évoluait, placide, le dragon Nitthog. Être patient et docile qui attendait les prochains ordres de son maître aimé avec impatience.

- Nitthog est d’une immense puissance, tu le sais mieux que moi. Pourtant, un mot et il t’écoute, un mot et il t’obéit, un mot et il se soumet. Des mortels, à force de détermination, ont réussi à soumettre quelques uns des êtres les plus puissants et majestueux de la création. Pour moi, c’est là votre blasphème, c’est là la perversion de Dyen.

Décroisant les bras, le guerrier passa à côté de Thorleif sans le regarder, ne pouvant quitter des yeux le dragon aux écailles sombres qui faisait des cercles au milieu de l’azur.

- Tu es né dans cette cité. On t’a appris ce que tous tes ancêtres ont appris. Vous pouvez appeler ça comme vous voulez. Vous pouvez dire que ces dragons sont vos amis. Le fait est que quand j’ai tué ce chevalier, il y a cinq ans, on m’a rapporté le suicide immédiat de son dragon. Un tel lien de fidélité, ce n’est pas de l’amitié, c’est contre-nature. L’image d’Amisgal sur Irydaë, l’incarnation de la déesse de la liberté, et voilà que ses enfants sont à jamais enchainés à un humain dès leur naissance et devront périr à l’instant où l’être fragile que sont leurs maîtres meurent à leur tour.


Finalement, son regard se tourna vers Thorleif, resté muet durant toute son explication. Une explication qu’il acheva en plongeant son regard illuminé par la foi dans celui du dragonnier.

- Comprends-tu l’absurdité de tout ceci ? Comprends-tu que moi, qui voue ma vie à Amisgal, j’ai été choqué en voyant ce spectacle ? Comprends-tu ma colère et mon incompréhension quand on m’a dit que de telles personnes se revendiquaient comme de fidèles serviteurs de ma déesse ? Comprends-tu, qu’alors, il ne me restait plus d’autre choix que de faire comprendre à votre Roi qu’il était dans le faux jusqu’au bout, que votre ordre bafouait chaque valeur qu’Amisgal nous invite à suivre ? Si tu comprends tout ceci, alors je pourrais te considérer comme un véritable fils d’Amisgal. Sinon, tu restes une progéniture ingrate et impétueuse qui ne vaudra jamais l’amour que la déesse des cieux vous porte.

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Nous sommes tous le fruit d'un rêve de papillon. [PV Thorleif] EmptyMar 6 Fév - 14:17
Thorleif dévisageait Adramus du regard, son interlocuteur dégageait quelque chose de très étrangement respectable. C'était comme s'il ne ressentait pas la peur, comme s'il était persuadé que Nitthog ne lui ferait aucun mal avant de s'envoler. Pourtant, la réalité était toute autre car au moment-même où le maître-d'armes aurait osé lever le petit doigt sur le maître-lame, le dragon noir de poids moyen aurait essayé de le croquer pour défendre son vénérable maître. Cette possibilité, Adramus ne semblait pas l'envisager et sans aucune once de pudeur, il s'était approché pour les rejoindre. Combien d'ennemis de Dyen, car c'était toujours ce qu'il était, auraient osé se comporter ainsi ? Thorleif ne pouvait que se résigner, Adramus en avait quelques unes bien solides dans le pantalon.

« Dyen est ancestrale et puissante, nos fondations reposent durablement. Il est également reconnu que nous vivons en parfaite autarcie, nous n'avons besoin de personne et nous mêlons des affaires extérieures pour nos propres intérêts. »

Thorleif prononçait cela comme une dictée, quelque chose qu'il avait appris par cœur il y avait bien longtemps. Il conforterait davantage Adramus dans son opinion de lui, quelqu'un matraqué dès son plus jeune âge par un système martial et sociétal presque calculé sur le bout des doigts. Mais aujourd'hui, la raison de sa venue n'avait pas vraiment à voir avec Dyen. Il n'était pas un émissaire mais un banni, détail qui sauterait aux yeux d'Adramus pour le moment. Fondamentalement, Cedren ne représentait pas le moindre intérêt pour un éminent membre de l'ordre des dragonniers de Dyen, Adramus avait bien raison de se poser des questions.

« Cedren est un village très récent selon les dires. Je suis curieux de voir de mes propres yeux comment est-ce que l'on peut bâtir un nouvel havre. Cela ne fait pas parti des mœurs de Dyen, nous avons l'habitude de nous reposer sur nos solides lauriers, il faut bien le reconnaître. »

Si Adramus y verrait désormais plus clair, la raison évoquée par Thorleif lui paraîtrait sûrement toujours aussi saugrenue. De notoriété publique, Dyen ne faisait et ne laissait rien au hasard. Pourquoi donc un émissaire de Dyen s'intéressait-il à un hameau encore sans importance et sans influence ? Ce n'était pas comme s'il se situait juste à côté de la cité-état draconique après tout. Non, en réalité, Adramus et Thorleif avaient un adversaire en commun et si l'un des deux l'ignorait, le second n'avait pas abandonné l'idée de prendre sa place. Toutefois, Thorleif ignorait encore comment s'y prendre et il se verrait peut-être obligé de chambouler profondément les habitudes et les rites de sa nation pour y parvenir. Par conséquent, il pouvait être intéressant de voir comment un petit monarque comme celui de Cedren pouvait mener les siens, obtenir leur confiance, les conforter dans les choix qu'il faisait.

« Ton aversion ne regarde que toi. Nous créons un lien avec nos dragons dès la naissance, certains d'entre nous consacrent leur vie entière à eux. La Déesse ne s'y est pas opposée, en des temps immémoriaux, elle a même accordé cela afin de permettre à mes ancêtres de survivre. »

Adramus et Thorleif ne croiseraient probablement pas le fer aujourd'hui mais une bataille d'idéaux semblait débuter. Les bras croisés et le regard vif, Thorleif écoutait très attentivement ce qu'il avait à lui dire. Il avait l'impression de faire face à quelqu'un de très différent de lui, persuadé que ses idées étaient véridiques et qu'il suivrait coûte que coûte sa ligne de conduite. D'un regard, il supposait que le maître-d'armes avait quelques années de moins que lui, cinq ou six tout au plus. Dans la fougue de sa jeunesse, il s'était donc rebellé contre un système qui lui était plus que tout insupportable et on pouvait dire qu'il avait eu le mérite de s'écouter et de suivre ce pour quoi il croyait jusqu'au bout. C'était respectable même si Thorleif pouvait estimer qu'il ne s'agissait pas de la bonne solution.

« Oui, c'est horrible de s'imaginer que de telle créatures puissent être poussées à la folie et à la mort lorsque leur maître tombe au combat. A une autre époque, il existait une pratique qui consistait à tuer des dragonniers sous leurs yeux pour les faire enrager afin de faire pleuvoir la mort sur nos anciens ennemis. Heureusement, elle a été banni et il existe un certain nombre de règles qui protègent nos compagnons. Moi-même, je m'insurgerai contre notre gouvernement si une telle pratique devait être réhabilitée un jour. »

Le regard de Thorleif était devenu grave et il avait du mal à demeurer insensible face à la détresse d'Adramus. Il réalisait qu'avec toute la sincérité du monde, il se souciait du bien être des créatures façonnées à l'image de leur Déesse. Malgré tout, il ne parvenait pas à être en accord avec toute l'argumentation de son interlocuteur et le défi pour y parvenir était titanesque.

« Je ne crois pas que nos dragons sont malheureux. J'ai partagé avec Nitthog des moments chaleureux et j'ai connu avec lui la désolation. Pour me protéger... »

Thorleif s'éteignit subitement, son regard partant à la dérive. Tant pis, il espérait qu'Adramus ne le jugerait pas trop durement pour la révélation qu'il s'apprêtait à lui faire.

« Nitthog a tué mon propre frère. »

Et le dragonnier n'en voulait absolument pas à son compagnon. Évidemment, sans contexte, il serait très difficile pour Adramus de comprendre ce qui en résultait véritablement. Ce qu'il pourrait en déduire en revanche, c'était que Thorleif semblait avoir quelques ennuis avec sa propre famille.

« Et je ne lui en veux pas. Je l'ai vu naître, je suis allé chercher moi-même son œuf dans les montagnes de Dyen car oui tu as raison, nous forgeons ce que nous apprenons lorsque nous sommes encore enfants mais c'est ainsi que nous apprécions et aimons grandir. Je n'aime pas Nitthog comme un frère ou un fils… C'est… Différent. Il m'apparaît évident que je serai incapable de supporter sa perte si quelque chose lui arrivait. J'ai plus de respect, d'amour et de détermination pour lui que pour les miens. Est-ce peut-être là ce que tu appelles contre-nature ? Je n'ai jamais fait preuve de violence avec lui, pas même pour l'éduquer lorsqu'il était encore au berceau, façon de parler. »

Il y avait peu de chance qu'après ce discours, Adramus parvienne à considérer Thorleif comme un véritable fils d'Amisgal. En réalité, cela lui était bien égal. Il aimait et respectait la Déesse chaque jour comme n'importe quel autre habitant de Dyen. Contrairement aux Nomades d'Amisgal, il y avait peut-être quelques disparités dans la façon de l'honorer. Dans la cité-état draconique, la pratique de sa magie était extrêmement rare. Lorsque l'on embrassait une carrière de dragonnier, il n'y avait certainement pas le temps de s'adonner à la pratique de la magie. D'autant plus que l'acquisition était plus pénible en dehors de My'trä là où c'était presque inné, puisant d'une façon encore différente dans l'Architecte en question.

« Amisgal a accordé le droit à mes ancêtres de vivre en harmonie et de combattre en temps de guerre aux côtés des dragons. Ils ne sont pas tous asservis comme tu sembles le penser, un bon nombre d'entre eux vit librement dans les montagnes de Dyen, tu as bien du t'en apercevoir pour avoir échappé au jugement de la Déesse alors que tu y as été envoyé, non ? »

Dyen avait été construite à l'image d'Amisgal. Immensément élevée, surplombant le commun des mortels, permettant de mettre son peuple à l'abri avec une architecture qui représentait la Déesse. Régulièrement, des fêtes étaient organisées pour la célébrer et il était indigne pour un dragonnier d'en manquer une seule.

« Je peux entendre ta colère et ton désarroi, Adramus. Notre autarcie est-elle vraiment ce qui nous permet d'être les enfants les plus proches de la Déesse ? Parfois, il m'arrive d'en douter. Par contre, il m'insupporte de te laisser penser que nous sommes un Mal pour nos dragons. C'est notre fierté et notre façon de vivre, c'est notre liberté, nous l'avons choisi et peut-être serait-il acceptable de considérer qu'en vivant avec et parmi nous, il en est de même pour les enfants de la Déesse ? Dans le cas contraire, dis-moi comment devrait agir et comment devrait se comporter le prochain Roi-Père de Dyen lorsque Aedrar ne sera plus sur le trône ? »

En désaccord partiel avec son interlocuteur, Thorleif avait décidé de ne pas le considérer comme un idiot car il n'en était pas un. De prime abord, cette conversation était beaucoup plus intéressante qu'il ne l'avait imaginé et il était curieux de découvrir si Adramus avait encore des cordes à son arc. Que pensait-il vraiment de tout cela ? Il n'allait plus tarder à le découvrir.

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Nous sommes tous le fruit d'un rêve de papillon. [PV Thorleif] EmptySam 17 Fév - 3:01
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Adramus écouta avec attention les propos de Thorleif. Il parlait bien calmement, d’une manière assez réfléchie, pour un homme qui semblait plutôt tailler pour l’action tonitruante tout en demeurant muet. Peut-être que c’était bien là son rôle au sein de cette lointaine cité, ambassadeur, ou diplomate. C’était le genre de profession qui demandait un verbe particulier, que le dragonnier possédait sans l’ombre d’un doute. Il parlait bien, beaucoup, et toujours de manière construite. Mais le guerrier ne s’intéressait pas à tout cela, à ce monde si étrange et politique, auquel il ne comprenait rien, d’autant plus quand c’était celle d’un peuple qui n’était pas le sien. Bien plus attentif sur le fond que sur la forme, donc, c’est là qu’Adramus continuait de voir des lacunes dans le discours de son interlocuteur. A quoi bon soigner son discours quand il est tout autant rempli d’idées nauséabondes que celui d’un escroc de grands chemins ? Lorsque l’homme décrivait la politique de Dyen, celle de l’autarcie et de l’action seulement lorsque les intérêts sont servis, le jeune homme ne put se retenir de commenter avec cynisme.

- Ce que tu décris là, nous appelons ça l’égoïsme.

Mais visiblement, cela n’avait pas atteint le dragonnier. C’était cocasse, comme situation. Celui que l’on décrivait partout comme un fanatique par trop étroit d’esprit en ce qui concernait ses valeurs et ses croyances venait de rencontrer quelqu’un avec au moins une aussi grande fermeté face aux opposants de son idéologie. Mais dans tout combat de la sorte, l’un se doit d’être le vainqueur, et le guerrier ne douterait jamais de la justesse de son combat, surtout quand il affrontait une cité qui se décrivait elle-même comme refermée sur elle-même et ne s’occupant que de ses ambitions personnelles. Un tel peuple ne pouvait pas être le favori aux yeux d’Amisgal. L’esprit d’Adramus se teinta d’un certain agacement, alors que le chevalier revenait sur Dyen et les raisons qui le poussaient à vouloir s’y rendre.

- J’arrive de Cedren, j’y vis avec ma femme en ce moment en attendant la fin de l’hiver, mais ne compte pas sur moi pour t’y conduire, désolé. Répondit-il simplement.

Il n’avait aucune raison valable de ne pas l’aider, à part la profonde antipathie qu’il voulait à tous les êtres de son espèce, mais il ne jugea pas utile d’inventer une quelconque raison à son refus. Il ne l’aiderait pas, voilà tout. Et vu la prestance du dragonnier, on pouvait gentiment espérer que ça ne le pique pas trop au vif non plus, ou bien il ne vaut pas ce que son image dit de lui. Mais voilà que le débat revenait sur Dyen, encore et toujours. La mine lascive, Adramus se dirigea vers un arbre dans le dos de son interlocuteur et s’assit contre le tronc, une jambe fléchie, les mains posées au sol au contact de la neige qui lui piquait les paumes. Cela lui faisait du bien, détournant quelques instants son esprit de cet être exaspérant tant il mettait d’ardeur à vouloir convaincre un esprit connu de tous pour son intransigeance qui frisait l’obsession.

- Ton aversion ne regarde que toi. Nous créons un lien avec nos dragons dès la naissance, certains d'entre nous consacrent leur vie entière à eux. La Déesse ne s'y est pas opposée, en des temps immémoriaux, elle a même accordé cela afin de permettre à mes ancêtres de survivre.

- Tu peux survivre en synergie avec une autre espèce, tous les animaux le font, même nous, mais c’est justement un cadeau qu’Amisgal vous a fait, une faveur, vous n’aviez pas le droit de vous en emparer pour asservir cette espèce comme si elle vous était acquise. Rétorqua-t-il avec vigueur.

Adramus n’en revenait pas. Autant d’aveuglement, autant de… conditionnement. Il ne pourrait pas raisonner Thorleif, il le savait, tout comme c’était probablement réciproque. Ces deux hommes ne s’entendraient pas, mais à défaut de devoir se faire la guerre ils pouvaient simplement s’ignorer. L’adepte d’Amisgal n’était pas là pour tuer. Cette neige était blanche, cette forêt vierge de toute effusion de sang ambitieuse, alors pourquoi commencer maintenant ? Mais une colère insidieuse naissait au creux de ses tripes, une lassitude mêlée d’indignation, car le dragonnier s’obstinait encore et encore à se justifier, comme s’il avouait en sous-main la culpabilité de son peuple. Il évoquait même une pratique qu’Adramus ne connaissait pas, mais qui avait tout d’horrible. Sacrifier des dragonniers pour enrager leur monture… A quel moment est-on arrivé à un tel niveau de barbarie dans l’humanité ? Mais pourquoi une cité qui se dit la plus juste et vertueuse qui existe pouvait avoir un passé aussi noir ? Comment ne pas avoir honte d’être né derrière des murs bâtis sur les cadavres de milliers d’hommes et de dragons ?! Mais Thorleif ne lui répondrait pas, il le savait, il ne pouvait que hurler ses questions vers le ciel, implorant sa déesse de lui fournir la réponse…

- Je ne crois pas que nos dragons sont malheureux. J'ai partagé avec Nitthog des moments chaleureux et j'ai connu avec lui la désolation. Pour me protéger... Nitthog a tué mon propre frère.

Le guerrier leva les yeux, intrigué, et écouta la suite de ce récit, ma foi, bien personnel. Visiblement, cet homme aimait le dragon qu’il montait, et même, Adramus n’avait jamais remis en question ce sentiment réciproque. Il se doutait bien que les dragonniers s’attachaient à leur monture, au moins quelques-uns, mais c’était autre chose d’entendre un de ces chevaliers mettre en mot cet amour. La colère du mage s’estompa quelque peu, il faut bien l’admettre, au profit d’une curiosité muette. Il ne poserait pas plus de question sur la relation entre Thorleif et Nitthog, car cela ne le regardait pas, quand bien même son interlocuteur semblait enclin à se livrer. Mais il ne pouvait nier que sa description ne manquait pas d’affectes, de sincérité. Adramus continua de dévisager le chevalier, alors que ce dernier continuait son plaidoyer en faveur de Dyen.

- Dans le cas contraire, dis-moi comment devrait agir et comment devrait se comporter le prochain Roi-Père de Dyen lorsque Aedrar ne sera plus sur le trône ?

Le guerrier soupira. L’interlude émotionnel ne dura qu’une fraction de seconde comparée à l’étendue des moyens déployés pour parler politique. Mais qu’importe la politique… C’était sur les sentiments qu’Adramus se focalisait, sur cette lueur humaine qui était passée fugacement dans les yeux de Thorleif lorsqu’il évoquait sa relation avec le dragon noir. Peu importe les traditions, peu importe ce qui est gravé dans le marbre, rien n’était plus important que ce qui était ressenti par les dragons. Comme l’avait justement précisé le dragonnier, Adramus avait été lâché, seul, blessé et sans ressources au milieu de ces créatures sauvages et magnifiques. Et malgré les siècles que Dyen avait passé sur le flanc de cette montagne, leurs voisins reptiles continuaient de demeurer ainsi, sauvages et magnifiques. Ils continuaient de se protéger des hommes, de protéger leurs enfants de leurs épreuves dangereuses et insensées, quand bien même plus aucun de ces dragons ne pouvait avoir connu l’époque où Dyen n’existait pas. Il y avait une transmission chez eux, une transmission de la crainte, de la méfiance, face aux humains. Si ce n’était pas là une preuve que les dragons continuaient de répudier le comportement de ces derniers, rien ne pourrait plus convaincre Thorleif.

L’adepte d’Amisgal se leva après avoir attendu quelques instants, immobiles, les yeux vers le sol. S’il s’obstinait à vouloir obtenir l’avis d’Adramus sur la politique de sa patrie, il le lui donnerait. S’approchant à pas lents de son interlocuteur, il reprit l’emplacement qu’il avait un peu plus tôt, mais cette fois-ci il était beaucoup plus proche du visage d’un homme qu’il ne parvenait pas à comprendre totalement.

- Il devrait dissoudre l’Ordre des Dragonniers.

Voilà, tout simplement. C’était dit sans haine, mais avec conviction, une absence totale d’ouverture à la contre-argumentation. Voilà le prix d’Adramus pour que, selon lui, Dyen cesse d’être cette hérésie complète depuis sa base jusqu’au sommet de ses tours. Bien évidemment, il ne s’attendait pas à autre chose que du mépris, au mieux un rire moqueur, mais le dernier dragonnier qui s’était amusé des idéaux du guerrier n’était plus de ce monde. Une preuve, s’il en est, qu’Adramus avait les moyens de faire valoir ses ambitions et ses convictions. Malgré tout, il recula très légèrement, en prenant un ton moins dur, et compléta.

- Je ne veux pas la chute de Dyen. Je ne veux pas la mort de ton peuple. Je ne veux pas son malheur, ni qu’il tombe dans la misère. Tout ce que je veux, c’est que plus un homme n’arbore avec fierté l’appartenance à une organisation, aussi vieille soi-t-elle, mais qui possède des fondations aussi sclérosées et nauséabondes. Pour moi, les dragonniers sont des criminels au regard d’Amisgal, des enfants ingrats, aveuglés par une fierté qui ne repose que sur l’esclavage et l’égoïsme. J’ai promis au Roi-Père, ce Aedrar, que je parviendrai un jour à atteindre mon objectif, et le dernier qui n’a pas voulu me croire, tu sais ce qui lui est arrivé.

Adramus ne faisait pas cette précision par peur d’être moqué, il s’en fichait pas mal, et le fait est que rire de son ennemi était bien plus préjudiciable pour nous que pour lui, mais c’était sa manière de prévenir Thorleif de qui il avait en face de lui. Malgré son long discours, rien n’avait ébréché la motivation du mage, et cela l’avait même conforté dans son idée que personne ne parviendrait à le faire. Il faudrait bien Amisgal en personne, descendant de son empire céleste pour lui montrer la voie de la raison, pour qu’il se dédouane de cette ambition démesurée qui était la sienne.

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Nous sommes tous le fruit d'un rêve de papillon. [PV Thorleif] EmptyVen 23 Fév - 12:27
Thorleif ne sourcilla pas, demeurant impassible face à Adramus lorsqu'il lui envoya sa première pique en plein visage. Ce dernier l'accusait de faire la description-même de l'égoïsme et à vrai dire, Thorleif pouvait comprendre. En fait, il comprenait la portée de ses mots, il n'était pas aveugle sur ce sujet-là et savait parfaitement que l'on ne pouvait pas susciter intérêt ou admiration chez un interlocuteur qui vivait probablement pour des notions contraires de l'autarcie. Oui, Adramus avait raison, ce gouvernement, ce régime, cette façon de régner, cela pouvait paraître égoïste aux yeux des étrangers. Dyen le savait peut-être mieux que quiconque dans le fond mais voilà, la cité-état draconique jouissait jusqu'à présent d'une paix de plusieurs millénaires, aucune menace n'étant parvenue à accéder à son territoire de façon dangereuse. En retour, Dyen ne cultivait pas les hostilités, ni-même la guerre. Déjà, elle ne possédait pas d'armée conséquente pour espérer faire plier quelqu'un sur la durée et il paraissait ô combien fou et irresponsable d'engager les dragons pour un morceau de terre supplémentaire inutile.

« Appelle cela comme tu le veux, tu ne me blesseras pas de cette façon-là dans mon amour propre. »

Il était inutile d'essayer de se justifier, Adramus ne le comprendrait pas. Du moins, Thorleif n'avait peut-être pas les mots car il sentait bien qu'ils ne venaient pas du même monde et qu'ils ne vivaient pas de la même manière. Après tout, n'était-ce pas déjà louable de concevoir que l'ennemi de l'ordre des dragonniers discutait convenablement et poliment avec un membre de ce même ordre ? Il fallait savoir parfois se contenter de petits acquis pour creuser quelque chose de plus gros. Aussi, lorsque Adramus lui expliqua qu'il vivait actuellement à Cedren avec son épouse jusqu'à la fin de l'hiver et qu'il ne l'y conduirait pas, Thorleif ne s'en offusqua pas. Bien sûr, il haussa un sourcil étonné car il ne s'y attendait pas du tout. Mais à quoi bon répondre avec véhémence ? Il gardait à l'esprit qu'à tout moment, une pique mal placée, une insulte, une blessure réveillée, pouvait mener cet endroit à devenir un nouveau champ de bataille. Thorleif ne considérait pas Adramus comme un ennemi mais il était pour le moment impensable de le percevoir comme un allié ou encore un ami. A la place, il vint tout à coup d'avoir une autre idée. Cette dernière prendrait la forme d'une question simple.

« Et qu'est-ce que ta femme pense de ton aversion, de ta guerre ouverte vis-à-vis de l'ordre des dragonniers de Dyen ? »

Il ne montra ni agacement, ni colère, ni amusement. Demeurant parfaitement stoïque, la question de Thorleif était réellement sincère. Il ne savait pas depuis combien de temps Adramus partageait sa vie avec quelqu'un mais il était sûr d'une chose, l'homme en face de lui s'était rendu à Dyen seul quelques années auparavant. Thorleif avait beaucoup de respect et de considération pour les femmes en général, elles pouvaient avoir une influence particulière sur eux et il était simplement curieux de savoir si la dame de ce monsieur cautionnait ce qu'il faisait. Dans une guerre, une bataille, même un simple combat, il fallait être prêt à gagner ou malheureusement à perdre. Qu'était-il donc prêt à perdre, exactement ? C'était ce que sous-entendait en vérité la question ouverte de Thorleif. Toutefois, il s'attendait plutôt à ce qu'Adramus balaie la question d'un regard ou d'un soupire, lui lançant à la figure que cela ne le concernait pas.

« Les dragons ne sont pas nos objets, ils ne nous appartiennent pas ! »

Il gronda presque, visiblement atteint par les accusations d'Adramus. La corde sensible était-elle en train de rompre ? Il grinça des dents et serra des poings pour contenir l'animosité dont il était en train de faire preuve. Thorleif refusait de considérer Nitthog comme un animal de compagnie, quelqu'un sur qui il avait le pouvoir. Au contraire, il considérait plutôt avoir noué un solide et profond lien avec son compagnon et le considérait comme son égal. Il fixa alors Adramus droit dans les yeux, reprenant son calme.

« Le lien entre un dragon et son humain se détermine lors de l’éclosion de l’œuf. Évidemment, j'ose imaginer que tu répugnes l'éducation que nous leur donnons, cette façon d'altérer leur état sauvage. Ce doit être cela qui te dérange, ce système que tu considères comme cruel et pervers. Nitthog obéit à mes ordres, il est vrai, du moment que cela entre en corrélation avec ce que je suis parvenu à lui enseigner et que ce n'est pas contraire à son caractère. Mais ils ne sont pas nos jouets, ils ont une personnalité et des sentiments. A l'état sauvage, nous ne pourrions pas tisser de tels liens avec eux. Ne prend pas ceci comme une justification car je sais déjà que tu ne seras pas d'accord avec cette vision. Ce n'est que mon explication. Si la légendaire Vhalia n'avait pas tissé un profond lien avec Drakas, notre peuple n'aurait pas survécu. »

Et pourtant, l'histoire ne l'enseignait peut-être pas forcément aux enfants de Dyen mais la découverte d'un œuf de dragon avait attiré les foudres de sa tribu à Vhalia. En effet, les ancêtres de Thorleif avaient craint, somme de toute logique, la colère d'Amisgal et d'Orshin pour s'être approprié un de leurs enfants. La première Reine-Mère de Dyen avait même essayé de rendre Drakas à la nature sauvage, sans succès, prenant ainsi ce revirement de situation comme un signe de la Mère des Dragons.

« Dyen est le refuge des dragons, ils vivent en harmonie avec notre peuple. Qui es-tu, Adramus, pour remettre en cause cet état de fait ? La Déesse n'a jamais envoyé le moindre signe de mécontentement, en quoi ton opinion surpasserait-il son absence de foudroiement ? »

Cette fois-ci, il tenta sans trop de subtilité de retourner la situation. Thorleif souhaitait le déstabiliser à son tour, l'accusant très grossièrement de se considérer au dessus d'Amisgal. Ô, cela n'allait sûrement pas plaire au mage et il était bien curieux de voir comment est-ce qu'il allait accueillir et traiter cet affront. En tout cas, il commençait à devenir évident que Adramus et Thorleif ne se comprendraient certainement jamais. Ce dernier ne parvenait pas à concevoir l'idée selon laquelle son peuple pouvait causer le moindre tord aux dragons, même ceux qui vivaient à l'état sauvage. Certes, lui-même s'était aventuré dans les montagnes de Dyen et avait dérobé un œuf de dragon à une mère, lui infligeant très certainement une profonde peine. Aux yeux de quelqu'un qui prônait la défense de ces créatures sauvages, cela ne pouvait être qu'un affront, un blasphème, quelque chose d'horrible et sans fondement. Mais ce mal engendrait pour Thorleif d'autres biens. Les dragons étaient capable de souffrir comme les humains et pour cela, ils devaient être considérés comme leurs égaux.

« Dissoudre l'Ordre des Dragonniers ? »

Thorleif ferma les yeux, poussant un profond soupire. Machinalement, il expulsa un soupçon de mépris à la tête de son interlocuteur qui ne s'était jamais trouvé aussi proche de lui.

« C'est toi qui es égoïste et imprudent. »

Mais qu'est-ce qui pouvait bien autant déranger que cela Thorleif ? Évidemment, un membre de l'ordre des dragonniers ne pouvait pas cautionner une telle recommandation. C'était une demande impossible de prime abord, inconcevable, dénuée de sens. Désormais, le noble politicard comprenait que son interlocuteur s'intéressait principalement aux sentiments et qu'il avait très peu de considération pour l'attrait géo-politique, du moins, c'est ce qu'il commençait à penser profondément.

« My'trä ne s'est pas effondrée parce que l'Ordre des Dragonniers existe. Votre magie vous permet bien des choses mais certainement pas de gagner une guerre face à l'arsenal technologique de Daënastre. Sans la participation de Dyen, le Tulaan Khonzo se serait achevé par une victoire totale de notre ennemi commun. »

Cette fois-ci, il se sentait presque désolé d'en revenir une énième fois à un point de politique mais Adramus l'avait bien cherché. Le noble de la famille Gunnar considérait ses propos comme totalement irresponsables et au-delà de toute considération, c'était même une insulte à la mémoire de son propre père, Einar Gunnar, qui s'était battu héroïquement pendant la bataille finale du Tulaan Khonzo.

« Comprend, Adramus, que la suppression de l'Ordre des Dragonniers condamnerait non seulement Dyen mais également My'trä. En temps de guerre, nous avons besoin l'un de l'autre, c'est un fait et cela va au-delà de toute considération sentimentale ou politique. Je regrette, personnellement, que la génération avant moi ait attendu tant de temps pour intervenir. Tu vois, si j'étais le prochain Roi-Père de Dyen, je ferai plutôt en sorte que Daënastre ne représente plus jamais aucun danger ni pour toi, ni pour moi, ni pour ce à quoi nous tenons chacun. »

Il ne s'était pas davantage approché mais n'avait pas non plus reculé. C'était peut-être une leçon malvenue mais son cœur l'avait poussé à faire ces reproches à Adramus. Après tout, c'était chacun son tour. Il le fixait toujours, sans l'ombre du signe de la moindre agression à venir car comme il venait si justement de le dire, il n'avait aucun intérêt à se battre contre lui, au contraire.

« Je ne peux pas te souhaiter de la réussite dans ton entreprise contre l'Ordre des Dragonniers, c'est contraire à ce en quoi je crois. Je vais te faire un aveu, je n'en fais plus parti et je suis probablement aussi malvenu que toi à Dyen, cela nous fait enfin un point commun. » dit-il, avec un sourire légèrement amusé. « Je suis esseulé et n'ait plus le soutien des miens, tu as devant toi l'un des anciens représentants de ce que tu détestes et combat depuis des années. Est-ce que cela te suffirait pour me tuer, Adramus ? Est-ce que tu es prêt à rendre Nitthog fou de rage, de colère et plein de peine ? Moi, je crois que nous avons chacun une façon différente de servir notre Déesse et qu'elles se valent. Je ne prétendrai pas l'aimer plus que toi mais je n'ai pas à te jalouser. »

Derrière la provocation, Thorleif cherchait à en comprendre toujours davantage sur la façon de penser de son interlocuteur. Il ignorait tout bonnement comment il allait prendre cette nouvelle, s'il la considérerait avec une totale indifférence ou si au contraire, cela allait mener la situation présente à une toute autre tournure.

« Je dois la vie à Nitthog, c'est mon compagnon le plus précieux et il est ce que j'ai de plus cher à protéger à mes yeux. Ma vie est dictée depuis que nous nous connaissons à essayer de lui apporter protection, bien-être et sérénité, même si cela doit parfois vouloir dire faire des concessions, des choses qui ne me plaisent pas. Je n'ai qu'une seule revendication et ne la prend pas personnellement car elle concerne le monde entier, je ne laisserai rien ni personne menacer mon lien avec lui. »

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