A l'ombre des montagnes.

- Nito ! Attends-moi bordel !

Le géant peinait à suivre le petit bonhomme qui se faufilait à travers la foule.

- Poussez-vous !

Alors que Nito atteignait les portes d'Aildor, il fut plaquer au sol par la masse de muscles hauts de deux mètres qui le poursuivait. À bout de souffle après avoir bousculé la foule, celui-ci retourna Nito sur le dos pour lui faire face.

- Je ne te laisse pas sortir tout seul !

- Lâche-moi Borge...

- Non ! Je t'accompagne !

- Je reviens ce soir et je n'ai pas besoin de toi dehors. Retourne aider ta mère.

- Je ne te laisserai pas partir sans moi !

Les passants commençaient à s'agglutiner autour d'eux. Nito soupira.

- Borge...

- Non !

Borge sentit alors le contact d'un fin tube contre son torse: une moitié du canon de pistolet dépassait du burnous de Nito. Celui-ci avait d'ailleurs enfilé son masque et son ton froid vint claquer comme une balle aux oreilles de Borge.

- Je t'ai sauvé la vie il y 4 ans... Je peux toujours te la retirer. Après tout, nous sommes à Aildor...

Borge essaya de le fixer à travers les trous du masque. Il ne trouva qu'un regard vide d'expression. Ravalant sa fierté, Borge se releva les mains tremblantes de rage le long de son corps.

-Tu n'oserais pas Nito...

Tandis que qu'il se relevait, Nito releva son masque sur le haut de sa tête et fit disparaitre le canon dans son burnous. Son ton reprit sa chaleur habituelle.

- Pour le travail tout est possible Borge, tu le sais mieux que moi.

Ignorant le regard noir que lui jetait Borge, Nito tapota ses vêtements afin d'en chasser la poussière qui s'était installée lors de leur chute.

- L'année dernière ont ta retrouver a moitié mort Nito ! Comprends-moi bordel !

Nito chassa l'argument d'un geste de la main.

- Erreur de débutant, ça ne se reproduira pas.

- Mais...

-Écoute ! Si d'ici trois jours je ne suis pas revenu, là, potentiellement, va chercher de l'aide. Pas avant.

Profitant d'une nouvelle vague de passants encapuchonner, Nito sorti d'Aildor en se faufilant entre eux. Le géant tenta de l'attraper à nouveau mais sans succès.

- Tu as intérêt à revenir entier avec tes foutus plantes Nito !

Celui-ci lui adressa un geste de la main sans se retourner. Borge le regarda s'éloigner impuissant, avant de commencer à hurler aux curieux:

- Allez ! Le spectacle est terminé ! Retourner à vos occupations ! J'ai des cadavres à nettoyer moi...

....

Le froid n'était pas aussi mordant qu'en plein hiver, mais il n'en était pas moins présent. Afin de lutter contre celui-ci, et en plus de ses habituels habits, Nito avait enfilé un épais pull en laine blanc ainsi que des gants en cuir. Son écharpe lui recouvrait tout le cou et était remontée de manière à recouvrir son nez et ses oreilles.

La tête enfoncée dans la capuche de son burnous, il progressa le long du chemin allant vers arrières contrés de Marnaka avant de dévier pour rejoindre les montagnes situées sur la péninsule Sud. En chemin il croisa plusieurs figures encapuchonnées qui se dirigeait dans le sens inverse.

Alors qu'il s'approchait des montagnes, leurs ombres vinrent peu à peu recouvrir tout l'environnement et avec elle l'apparition de neige. Nito sorti alors des chemins battus et s'aventura au milieu des arbres, ses bottes s'enfonçant jusqu'à mi-cheville. Alors qu'il arrivait au milieu d'une petite clairière, Nito commença à observer le sol a la recherche de petite combe à neige. Trouvant ce qu'il cherchait, il se mit à creuser tout autour jusqu'à l'apparition d'une racine pourpre.

Soudain, un cri déchira le ciel. Nito fit pivoter son fusil qu'il tenait en bandoulière et glissa une cartouche de papier dans la chambre avant de la fermer dans un claquement à l'aide du loquet. Il resta immobile, accroupie, à scruter le ciel.

Sa respiration se coupa quand il vit deux énormes bestioles se battre dans les airs et rapidement tomber vers lui. L'onde de choc, quand les deux bêtes percutèrent le sol, le projeta sur le dos lui faisant lâcher son fusil qui alla s'écraser un peu plus loin. Légèrement sonner, il releva lentement la tête afin d'observer les bêtes s'affronter, restant le plus immobile possible.

Les bêtes s'échangèrent de violents coups puis, après ce qui avait semblait une éternité à Nito, l'une d'entre elles s'envola rapidement suivi de la deuxième et leurs cris se perdirent dans les montagnes. Nito patienta encore quelques secondes avant de reposer la tête au sol en expirant l'air qu'il avait retenu jusque-là.

- Oh Möchlög... ne fait plus jamais ça s'il te plaît.

Nito resta allonger sur le sol, les yeux fermes, la respiration rauque et les bras tendus le temps de reprendre ses esprits.

Froid, il faisait très froid... Je m'en souviens encore, c'était il y a de cela quelques mois, alors que j'étais en Suhury, dans ce bar, là où tout à débuter, à commencer par mes malheurs, d'ailleurs... Mais trêve de rêverie, il est tôt, et ma venue en terre de grand banditisme n'était pas le fruit de ma curiosité débordante. Oh, que non ! Excentrique, peut-être, mais pas suicidaire ! Ce voyage à Aildor, et plus précisément dans les terres glaciales et blanchâtres bordant la redoutée Marnaka, devait me permettre, entre autres, de subvenir à mes besoins en plantes... Des plantes ? Oui, des plantes. Végétaux qui, à leurs tours, devraient subvenir à mes nécessités diverses et variées pendant un petit moment, du moins je l'espère. Et que dire de cette sensation de liberté ? Quel grand bien elle me fait. Il faut avouer que ces mois passés dans une cellule ne m'avaient pas aidé à prendre le grand air, l'oxygène nécessaire au développement de mes poumons encrassés par les émanations d'hémoglobine et de pourriture commençaient à peser sur le reste d'humanité encré en moi.

J'étais bien habillé, ou du moins, je l'étais assez pour ne pas ressentir cette sensation de gel du bout de mes extrémités. Plusieurs couches de laines bien emmitouflées, des bottines hautes de cuir brun bien rembourrées, des gants, une cagoule aux apparences squelettiques, signe de l'éveil d'un style beaucoup trop longtemps intériorisé et enfin, un col de fourrure bestiale très imposant, car... Je suis sujet au rhume ! Vous me pardonnerez ce manque de style, mais cette pathologie envahissante me pourrit la vie, alors mieux vaut s'en prévenir, que devoir en guérir.


C'était dur, c'est un fait. Mais le simple fait de vivre ne vaut-il pas tous les sacrifices ? Du moins, c'était mon idéologie du moment. Ainsi, je continuai ma route en direction des frontières de Marnaka, vers l'Ouest, et non pas pour y aller ! Je ne souhaite pas faire de victime plus que nécessaire ! Mon tableau en est déjà exténué... Mais bien pour m'enfoncer encore plus dans ces terres redoutées de tout homme, de toute femme, de tout enfant... Une sorte de challenge qui, à la finalité, au point culminant de son apogée, verra naître un nouvel homme en moi, un survivant, une anomalie... Combative ! Gare à mon régisseur et sa peste de chien renifleur, car rien ! Rien n'est plus dangereux qu'un animal se sentant piégé, et plus douloureuse sera la désillusion d'un nouvel échec face à ce dernier.

Alors que je me perdais dans mes songes les plus réfléchis et visionnaires, un fracas sourd et dénudé de sens fît irruption dans cet hostile décors glaciaire, comme une atteinte directe à la sérénité des lieux, du moins, c'est ce que je pensais. Avançant avec précautions et curiosités, j'avais adopté une posture digne des plus grandes tribus de chasseur, une main armée d'une dague, il est vrai, émoussée. Et l'autre, prônant mon non moins redoutable pistolet à Aqua-magilithe, une pure beauté ! Mais dont les ravages une fois la balle au contact de votre peau, sont irréversibles. Allais-je trouver de simple brigands en pleine action ? Ou alors un féroce animal à la carrure démesurée ? Tout ce que je sais, c'est que j'étais prêt, c'était derrière cette immense dune poudrée, je l'avais traversé de trois quarts à n'en point douter, ne restait plus que le dernier, après cela, mon destin serait scellé.

Nito resta au sol. Sa respiration c'était calmer mais il était perdu dans ses pensées, ignorant l'eau qui commençait à s'infiltrer dans ses vêtements. Après quelques minutes, il releva le buste et commença à tater les différentes parties de son corps en gardant un oeil sur le ciel. Il perçut un cri lointain, ce qui le rassura concernant les deux griffons qui s'étaient écrasés près de lui. Constatant qu'il n'avait rien si ce n'est que de légères éraflures, Nito se releva.

- Et Borge qui va m'emmerder à cause de deux piafs...

Le froid sur son visage vint lui signaler que son écharpe s'était desserré lors de sa chute. Il glissa une racine de Nya'Rak dans sa bouche avant de resserrer le morceau de tissu tout autour de son visage. L'effet de la drogue fut immédiat et toute l'adrénaline disparut pour laisser place à l'apaisement dangereusement habituel.

Il ferma les yeux un instant, savourant l'agréable sensation puis commença à s'étirer les bras avant de remettre sa capuche. Il se retourna et franchit rapidement les quelques pas le séparant de son arme.

En se baissant pour ramasser son arme, Nito perçu un mouvement à la limite de la clairière. Il prit le temps de lentement ramasser son fusil avant d'examiner, immobile, la forêt qui se tenait face à lui. Le fusil qu'il tenait de sa main droite, pointait vers le sol. Un nouveau cri retentit dans les montagnes. Nito tourna lentement la tête vers celle-ci et contempla le ciel gris.

Il fut sorti de sa contemplation par un tas de neige qui tomba d'un arbre. Considérant que la menace était éloignée, Nito fit claquer la culasse de son fusil et récupéra la cartouche de papier qu'il avait installé plutôt. Refermant la culasse, il remit en bandoulière son fusil et se retourna pour contempler les conséquences de l'affrontement des griffons.

D'immenses plumes trainaient ici et là tandis que des trainées de sang parcouraient à divers endroits la neige. En s'approchant de plus près, il constata amèrement que le trou qu'il avait commencé à creuser était recouvert par une nouvelle couche de neige.

"Il vaut mieux que je recouvre le sang avant qu'il attire une autre bestiole."

La tache fut rapide et facile considérant la neige qui recouvrait le sol. Une fois toute trace de sang disparu, il retourna vers ses outils et commença à creuser de plus belle à la recherche de sa drogue.

Cette odeur, ce vent... Je la connaissais bien ! L'hémoglobine émise par une coulée de sang frais, telle était l'origine de cette odeur qui m'était bien familière au demeurant. Familière ? Oui monsieur, familière. Et pourtant, je ne reculais pas, pourquoi ? Là où une personne lambda et craintive du danger potentiel qu'imposait cette zone géographique en prenant ses jambes à son cou, moi... Petite anomalie de Blumar, j'engageai le pas. Il ne restait que quelques mètres, ah ! Je peux dès à présent voir de l'autre côté du versant, et... Que fût ma surprise quand je surpris ce jeune homme aux allures de chercheurs de trésors enfoncer ses mains dans cette neige impitoyable et glaciale qu'était celle de Marnaka, outils en main, alors même que, bien dissimulée, je pouvais sentir et percevoir l'aspect rosâtre d'un sang étouffé dans la neige fraîchement retournée.

Avançant prudemment mais surement, je me mis à adopter, non moins rapidement, un style de pas dont je connaissais bien le secret, la discrétion, celle que j'utilise constamment en présence de mon régisseur. Pattes de velours et oreilles affûtées, j'étais comme la proie devant son dînée. Mais cet homme ne me semblait point agressif, alors...


Malgré ma tentative très maladroite d'approche de l'individu, je ne pouvais prévoir sa réaction. Alors, allait-il ouvrir le feu avec l'arme qui lui couvrait le dos ? Donnant corps et âme pour me mettre à terre. Ou tout simplement m'accueillir après avoir instauré un bon feux de camps et quelques racines locales ? Quoi qu'il en soit, je m'étais préparé à toutes éventualités, car... Nous sommes bien en Aildor, et non dans les campagnes d'où je suis originaire, qui sais ce que ce petit homme, dont l'age ne devait pas trop dépasser le miens, serait capable de faire ?

À genoux dans la neige, il ne fallut pas longtemps avant que la neige ne commence à fondre et imbiber le pantalon de Nito. Heureusement, avec l'effort, celui-ci ne sentait à peine le froid ambiant. Les coups répétés d'outils sur la neige puis la terre produisaient des bruits sourds qui allaient se perdre dans les arbres. À la fois bercer par ce bruit méthodique, et concentrer dans sa recherche, Nito perdu la notion du temps et de son entourage.

Un petit tas de terre et de neige mêlées commençaient à se former sur sa gauche lorsqu'il aperçut enfin une partie de racine. Prenant son temps, Nito retira la terre entourant la racine afin de dégager de la place pour l'étape suivante. Une fois la place disponible, il attrapa ses kamas qu'il positionna de manière à former une sorte de ciseaux autour de la racine. Alors qu'il allait pour couper une première fois, il fut interrompu par la soudaine voix d'un inconnu:

† "Hey, l'amis ! Moi c'est Luciole, Luciole Aldebarra... Tu cherches quelque chose, je me trompe ? Ah moins que tu essayes de dissimuler... Un cadavre ?! Peut-importe ! Je cherche des plantes de la région, serais-tu d'avis de te joindre à moi pour une cueillette hivernale ?! Ih, ih, ih... Je suis sûr que l'on va bien s'entendre !"

Dans un premier temps, Nito ne prêta que très peu d'attention au discours du curieux personnage qui venait d'apparaitre face à lui. En effet, ses yeux étaient rives sur le pistolet. Celui-ci était pour sur modifier par la magalithe Daënar, mais Nito était incapable de déterminer de quel type celle-ci était. Malgré le Nya'Rak, un pic d'adrenaline parcourut rapidement le petit herboriste avant d'être rapidement résorbé.

Il resta immobile un instant afin de jauger le nouvel arrivant. Celui-ci bien que l'arme dégainée, ne semblait pas ouvertement hostile, et à travers sa cagoule pouvait s'entendre un air enjoué et très amusé. Ses habits et accessoires très extravagants étaient un contraster particulier par rapport aux précédents voyageurs que Nito avait croisés en venant jusqu'ici. Bien qu'il considérât surtout le fait que ceux-ci ne semblaient pas bien pratiques pour voyager.

Brisant enfin le silence tendu, Nito fit siffler ses lames et extraya un morceau de Nya'Rak qu'il nettoya rapidement avant le glisser dans sa bouche. Il prit enfin la parole de son ton enjoue venant contredire son air blase:

- Nito. Le cadavre que tu cherches se trouve probablement dans les montagnes a l'heure qu'il est. Un griffon ça vole assez vite. Pas sur que tu le retrouves entier par contre.

Tandis qu'il parlait, Nito continua d'extraire un à un des morceaux de Nya'Rak, les déposant soigneusement sur le petit monticule qu'il avait extrait juste avant.

- Tu dis chercher des plantes de la région. Lesquelles ?

Il prit le temps de lever les yeux vers son interlocuteur avant de se remettre au travail.