L’aube pointait à peine de bout de son nez, éclairant de sa lumière blanchâtre les rues d’Eoril. Les oiseaux gazouillaient, et l’odeur de pain frais se répandait dans le triangle supérieur, signe que les boulangers avaient déjà mis la main à la pâte. Pourtant la capitale Zolienne était bien loin d’être endormie. Les fêtards les plus endurants sortaient à peine des tavernes qui étaient restées ouvertes toute la nuit, et beaucoup d’échoppes préparaient déjà leur devanture en prévision de la journée à venir. Même la place centrale était en pleine effervescence : les étals du marché se remplissaient à vue d’œil, et les premiers convois marchands passaient les portes de la ville. Oui, la moitié nord de la ville était en pleine effervescence, tandis que la partie sud, elle, était encore plongée dans la torpeur matinale.
Quelques silhouettes cependant animaient les rues presque désertes du quartier résidentiel. Parmi elle un jeune garçon aux boucles brunes emmêlées qui galopait sur les allées pavées, un petit Aitah au pelage doré perché sur son épaule. Tobie était en retard, comme à son habitude. C’était à lui d’ouvrir la boutique familiale aujourd’hui, mais il avait une fois de plus passé toute la nuit sur les quais du port. Cela devenait de plus en plus fréquent, et il revenait sans cesse au même endroit, là où le sol encore rougit semblait le narguer impitoyablement. Il lui arrivait de passer la nuit assis sur le toit d’un des bâtiments alentours, fixant d’un air vide cette tâche qui semblait ne jamais vouloir disparaître, et de finir par s’endormir au sommet de ce toit, ne s’éveillant que lorsque le soleil commençait à apparaître. Et ce fut le cas aujourd’hui encore.
C’était pour cela que le jeune Zolien courait ainsi dans les ruelles résidentielles. A cette allure, il atteignit rapidement la place centrale, où l’agitation grandissait au fur et à mesure que les marchands rejoignaient leurs étals. Son avancée aurait pu s’en retrouver fortement ralentie, mais Tobie avait l’habitude de traverser la masse grouillante, et se débrouillait à merveille lorsqu’il s’agissait de slalomer entre les passants. Il arriva dont rapidement de l’autre côté, et s’accorda une pause de quelques minutes, le temps d’acheter son petit déjeuner chez son boulanger préféré. Il aimait ce petit moment qui lui permettait de commencer sa journée sereinement, où il échangeait des banalités avec cet homme qu’il connaissait depuis l’enfance et qui l’avait vu grandir dans ces rues. Il se sentait chez lui.
La boutique n’était qu’à quelques mètres, dans une artère secondaire située non loin du centre de la capitale, aussi fut-il arrivé en quelques enjambées supplémentaires. Il déposa Mouche au sol et s’affaira rapidement, ouvrant les lourds panneaux de bois qui couvraient la vitrine le soir venu, balayant le sol encore jonché de débris de métaux, et disposant les derniers ouvrages confectionnés par sa sœur la veille. Tout était prêt pour l’arrivée des clients, et Tobie se dit avec un sourire aux lèvres qu’il n’était peut-être pas bon à rien, finalement.
Il n’y avait pas foule dans la boutique depuis que le jeune Zolien l’avait ouverte. Rien d’étonnant à cela : les festivités de l’été étaient si bien entamées que les touristes qui passaient les portes d’Eoril ne venaient pas pour affaires, mais plutôt pour le loisir. Et à cette heure de la journée, la plupart étaient encore plongés dans les bras de Morphée. Pour s’occuper l’esprit et les mains, Tobie ressortit son ouvrage en court : une broche en métal représentant une rose grande ouverte, commandée par une bourgeoise Eorienne. Faisant naître de petite flammes au bout de ses doigts, il chauffait le métal avant de le tordre à a main dans la position qu’il souhaitait. La chaleur créée par ses flammes ne lui faisaient jamais mal. Il était donc appliqué à façonner les épines de la tige quand un petit son de clochette retentit dans la pièce. Un client ! Tobie se redressa et afficha son plus large sourire à l’attention du nouvel arrivant.
- Bonjour, et bienvenue dans notre humble échoppe. En quoi puis-je vous être utile ?
Mouche était allongé en boule sur le comptoir, ouvrant à peine un œil pour jauger l’inconnu de sa prunelle noire. Tobie, lui, tenait dans la main sa broche encore chaude, se demandant ce que ce client attendait de lui.
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Lun 30 Sep - 13:46