Simple couturière ou monstrueuse sorcière ?

Un billet entre les mains, Ruby contemplait l’aéronef sensé l’emmener à Cerka afin qu’elle prenne le premier bateau en direction de My’trä. De nombreux passagers y montaient après avoir déposer leurs bagages en soute. Il aurait suffit qu’elle se glisse entre deux inconnus pour qu’elle ne quitte une terre devenue hostile et regagner un semblant de paix. Mais Ruby n’aimait pas qu’on dicte sa conduite et elle n’avait aucune envie de retourner sur les terres de sa patrie. Il y avait encore tant de prouesses technologiques qu’elle désirait découvrir voir même posséder. Oh, elle ne les utiliserait pas puisque cela la rendait malade mais elle avait une théorie sur cette étrange réaction physiologique des mages envers les machines et elle avait dans l’idée de voir si elle pouvait avoir raison.

Sans se laisser le temps de regretter son geste, la my’träne déchira le billet plusieurs fois jusqu’à n’en faire que des confettis. Le second billet subit d’ailleurs le même sort alors qu’elle se détournait de cet endroit qui lui inspirait rien de plus que du dédain. Mais qu’on ne s’y méprenne pas, la jeune fille n’avait plus rien d’une gamine pleurnicharde, elle avait à nouveau pleinement conscience qu’elle avait sa place sur cette terre. Elle ne savait juste pas encore ce que son architecte attendait d’elle. Il l’avait sortie d’une mort certaine en plaçant Fabius sur son chemin qui lui avait offert un toit ainsi qu’un travail stable quelques mois plus tôt et à présent il voulait la tester à nouveau.

Ruby n’avait aujourd’hui plus de travail, bien qu’elle y était restée jusqu’aux nouveaux événements qui ébranlaient le continent. L’imminence d’une guerre dont l’ombre planait déjà depuis quelques temps et l’envie du peuple à s’insurger rendait l’atmosphère dangereuse et électrique. Malheureusement cela impliquait que le gouvernement invitait les mages à quitter le territoire ou se faire placer d’immondes bracelets anti magie. Les amis et collègues de Ruby à l’élevage avaient bien sur eu vent de tout cela malgré leur localisation particulièrement excentrée des villes. Les rumeurs allaient toujours bon train et l’exagération due aux multiples colportations de l’information les avaient rendues encore plus effrayantes que ce qu’elles étaient en réalité. C’est donc en se cotisant tous qu’ils offrirent à Ruby ces deux billets ainsi qu’un sac rempli d’irys et de victuailles en lui expliquant qu’elle risquait de ne plus être en sécurité ici.

Ce n’était pas la première fois qu’une porte se fermait pour la jeune fille, mais avec autant de gentillesse beaucoup moins. Dans un premier temps elle avait cédé devants leurs mines déconfites et inquiètes mais une fois arrivée sur place elle n’en avait fait qu’à sa tête comme d’habitude. Cette fois-ci elle se sentait forte et déterminée. Dans son cocon loin des villes, elle s’était beaucoup entraînée à la maîtrise de son don et elle était persuadée de pouvoir survivre en Daënastre tant qu’elle saurait se montrer plus maligne que ces benêts de miliciens.

C’est avec une certaine détermination qu’elle entreprit de monter les bases de son plan. Pour commencer, fini cette longue chevelure indisciplinable. Pour commencer elle se fit faire une fausse carte d’identité, qu’elle agrémenterait de magie d’illusion en cas de contrôle de son identité. Elle était Samira Garett, une simple couturière habitant dans un modeste studio. Enfin, en réalité particulièrement vide et dans les bas-fond de la ville mais ça, la magie enjoliverait très bien la situation.

Elle se fit couper les cheveux et mécher d’un brun plus ordinaire. Quelques touches de rouges restèrent mais le rendu était naturel comme s’il ne s’agissait qu’un dégradé à la mode. Quant à ses tenues, elle avait reprit ses vieilles habitudes en se tenant à la page de ce qu’il se faisait à Hinaus depuis ces derniers mois. Elle portait donc des vêtements passe partout ici et agrémentés de bijoux purement daënars. Dans son sac, bien cachés à la vue des passants se trouvaient son cithare et Lamya et elle avait opté pour une arme un peu plus passe partout, obtenu chez un artisan d’armes atypiques. Petit de prime abord mais capable de se déplier en cas de besoin et de déployer une lame aiguisée à son bout. Cela lui avait coûté le reste de ses économies mais cela en valait la peine.

Cela faisait maintenant plusieurs jours que la jeune fille tenait son rôle à la perfection. La plupart du temps, elle tenait un stand dans la rue, vendant des objets cousus à la main. Porte-monnaies, poupées de chiffon, vêtements, foulards etc. Elle en profitait pour tendre l’oreille et se mettre au parfum des rumeurs, écouter les histoires des passants et capter les tournures de phrases typiques de la région, afin d’obtenir le plus d’informations possibles pour être le meilleur déguisement possible. Ainsi, elle était capable d’ajuster sa manière de s’exprimer, elle s’était d’ailleurs beaucoup entraînée à prendre l’accent de ces nordiens et s’en sortait plutôt bien. Niveau imposture, c’était un bon début.

Cela n’aurait d’ailleurs pas dû tourner à son désavantage lorsque quelques soldats débarquèrent sur la place publique. La jeune fille était tout à son rôle et incitait les passants à s’arrêter à son stand tout en restant parfaitement détendue malgré la présence des forces de l’ordre qui commençaient à faire le tour des étales en vérifiant les identités des vendeurs. Ruby, quant à elle, interpella un homme à la chevelure cendrée. Il n’était pas très grand mais comparé à la minuscule et frêle silhouette de la mage, il était assez imposant. Cependant cela ne l’empêcha pas le moins du monde d’attirer son attention, armée de son sourire le plus charmant.

« Bonjour monsieur, avez-vous un peu de temps pour regarder ma marchandise ? J’ai ici de très belles bourses solides pouvant remplacer la votre dont les fils commencent à lâcher. N’hésitez pas survoler mon stand, j’ai peut-être également d’autres objets qui pourraient vous intéresser. »

La jeune marchande avait capté l’attention de l’inconnu et elle comptait bien éveiller son intérêt mais elle fut interrompue par lesdis soldats qui effectuaient leur patrouille de contrôle. Ils étaient au nombre de trois et circulaient indépendamment sur la place. L’un d’eux s’arrêta devant Ruby, qui lui adressa son air le plus aimable.

« Bonjour monsieur l’agent, que puis-je pour vous ? »
« Excusez-moi de vous déranger je n’en ai pas pour longtemps. Simple contrôle de routine. Puis-je voir vos papiers ? »
« Bien sûr, attendez je les ai rangés dans mon sac. »

La jeune fille se pencha afin d’ouvrir la petite poche avant de sa besace et d’en sortir le document souhaité. Il apparaissait clairement l’identité qu’elle s’était choisit et une simple illusion de persuasion crée d’un mouvement de la main engloba toutes les personnes susceptibles de regarder dans un rayon de vingt mètres autour d’elle. Aussi, son client et le soldat purent attester de la véracité des documents sans avoir même l’idée de lui demander d’autre justification.

« Merci madame Garett, je vous rend à votre client, bonne journée. »

Cela dit, alors qu’il les quittait, le regard de Ruby se posa sur une forme particulière arrêtée non loin d’eux. Il s’agissait d’un soldat qu’elle connaissait bien. Fabius Solar. C’était une bonne personne au souvenir de la jeune fille. Elle lui avait adressé au mois de mai une enveloppe contenant les irys qu’elle lui devait depuis son sauvetage ainsi qu’un mot de remerciement. Elle ne savait pourtant pas si c’était une bonne chose de le revoir. Il connaissait sa véritable identité et s’il venait la voir cela mettrait surement en péril sa couverture. Serait-ce une chose qu’il accepterait d’ailleurs ? Serait-il ravi de la revoir et surtout avec une aussi fière allure ou bien ne pourrait-il pas résister à son code d’honneur qui lui dicterait de demander le renvoi de la jeune fille au pays ou de brimer le potentiel de la jeune fille avec ces horribles fers anti-mage ? Ruby n’en avait pas la moindre idée...

J’ai profité que mon aéronef se trouvait pour révision et approvisionnement à Ankar après une semaine complète de patrouille, pour avoir allez visiter la jeune Ruby que j’avais laissé dans un endroit protégé et éloigné de la capitale régionale. Les récents évènements m’inquiète un peu et j’aimerais prendre des nouvelles de la My’tran, c’est pourquoi, j’ai pris la route sur le dos de Fab, mon griffon afin d’y arriver rapidement et ne pas à avoir à passé des heures dans un chariot tiré par un cheval, car ce genre de transport me fais vomir immanquablement.

Mais une fois sur place, les éleveurs et anciens collèges de travail de la jeune femme m’indiquent qu’elle est partie quelques mois plus tôt, en direction de son continent d’origine. Je suis bien sûr un peu triste que mon amie soit partie, mais c’est soit un départ volontaire, soit des bracelets anti-magie, et même si ses pouvoirs de sorcières sont loin d’être développé, d’après ce que j’ai vu à l’auberge, je comprends qu’il est difficile de renoncer aux pouvoirs donné par son dieu.

Je repars donc de cet endroit beaucoup plus tranquille qu’à mon arrivé, persuadé que ma protégée va bien, étant en sécurité sur les terres des Architectes, et après avoir laissé ma monture volante à l’écurie, je pars me promener un petit peu, histoire de me détendre après ce long vol. Alors que je marche dans les rues de cette grande ville, je croise un visage qui me semble familier, il me faut un peu de temps pour la reconnaitre, car la jeune femme s’est coiffé différemment et a des vêtements qui semble tout droit sortit de la boutique de mode d’Alexandria ! Bref, elle est méconnaissable et si je ne savais rien de son histoire, je n’aurais jamais imaginé, qu’elle a pu un jour toucher le fond, voir même dormir dans la neige.

Je vois la jeune femme jouer le rôle d’une vendeuse de maroquinerie et lorsque je m’approche, je constate que sur son étal se trouve des articles de bonnes qualités et qui semble être solides. Je vois également que la camelote m’a reconnu et je m’approche donc d’elle avec un grand sourire :

Bien le bonjour Ruby, vous allez bien ? Je suis passé aujourd’hui sur votre ancien lieu de travail, mais on m’a indiqué que vous étiez repartit chez vous, et pourtant je vous retrouve ici ! C’est une très bonne nouvelle, car j’ai compté le nombre de pièce que vous m’avez envoyé et nous avons de quoi nous faire un véritable festin.

J’hésite pendant un moment à lui parler des liens anti-magique qu’elle doit porter sous ses vêtements, car la décision a dû être difficile à prendre, et je ne veux pas la mettre mal à l’aise, c’est pourquoi je décide d’être subtil et je lui dis à voix basse, de manière à ne pas être entendu :

Je suis désolé que vous ayez dû subir ce genre de désagrément et j’espère vraiment que les choses vont s’améliorer et qu'un jour les choses vont revenir à la normale.

Puis je reprends d’une voix beaucoup plus enjouée :

Dans tous les cas, vous avez une bien meilleure allure aujourd'hui et je suis très content pour vous. Si vous avez du temps, ce midi, nous pourrons aller manger ensemble, à quelle heure avez-vous prévu de faire votre pause déjeuner ?

Elle m’avait en effet promis un repas ou bien c’est moi qui lui avais forcé la main, je ne sais plus exactement, lors de notre première rencontre, mais je connais un très bon restaurant près d’ici qui font des fondants au chocolat, absolument divin. Je vais donc aujourd’hui pouvoir me régaler et entendre mon amie me raconter tout ce qu’il c’est passé pendant les longs mois où je n’ai pas reçu de nouvelles.

Chafouin leva la tête de son dessin alors qu'une voix de jeune adulte attirait ses oreilles. Il se tourna vers la jeune fille qui tenait son étable de bibelots et autres chiffons. Elle le regarda avec un grand sourire qui avait malheureusement, peu d'impact sur Chafouin, il eut du mal à partager son enthousiasme communicatif.

-Mouais, je cherche plutôt à me vider les bourses en ce moment. Mais bon, voyons ce que t'as en stock.

Il laissa parcourir son regard sur les bibelots et les fameux « autres objets » qui pourraient l'intéresser, mais il n'était pas vraiment disposé à faire des emplettes. Son regard se porta plutôt sur cette jeune couturière, il leva le portrait dessiné de celle qu'il cherchait, à part la silhouette plutôt fine qu'on lui avait décrite, son visage n'était pas vraiment ressemblant avec celui qu'on lui avait décrit. Il allait lui dire qu'il partait quand une patrouille de miliciens vint s'intéresser à la jeune fille. Contrôle d'identité de routine, la base, auquel la jeune fille répondit avec un air avenant, Chafouin ne s’empêcha pas de jeter un coup sur les papiers de la jeune fille, Samira Garett qu'elle s'appelait. Et vu son expression, elle ne semblait avoir rien à cacher, cet air si souriant, s'en était presque énervant pour Chafouin qui était la plupart du temps, eh bien tout le contraire de Samira. Il y avait pourtant quelque chose de bizarre avec cette pièce d'identité, Chafouin avait beau analyser toutes les composantes de cette pièce, elle ne comportait aucun défaut qui aurait pu faire penser à un document frauduleux. Tout était trop beau pour Chafouin, cette jeune fille semblait bien trop pure, remarque c'était peux être juste son esprit de vieux con qui ne croyait pas qu'une personne gentille pouvait juste l'être, naturellement.

Finalement le flic rendit ses papiers à la couturière et indique qu'il les laisse tranquilles, mais Chafouin n'est pas franchement disposé à rester non plus.

-Désolé petite, mais je suis pas tellement intéressé, allez bon courage à toi.

Il s'éloigne en ruminant ses pensées, quelque chose le titille mais quoi ? Ce ne serait pas le rapprochement entre la finesse de la jeune fille, la même qu'on lui a décrite en parlant de Ruby Nyë ? Non ce serait un peu trop facile, basé ses recherches sur ce genre de spéculation ne le mènerait qu'à des pistes improbables et des situations gênantes. Il repensa à ces mots «  J’ai ici de très belles bourses solides pouvant remplacer la vôtre dont les fils commencent à lâcher. «  Vachement observatrice la petite couturière, ce genre de détail, c'était surtout les voleurs qui le remarquaient. Il s’arrêta d'un coup, est ce qu'on lui avait décrit Ruby comme une voleuse ? Pas vraiment, à moins que...

Bien le bonjour Ruby, vous allez bien ? 

Cette voix si particulière... Chafouin se retourna et un vilain sourire se dessina sur ses lèvres quand il reconnut ce fameux capitaine, c'était quoi le nom de son bric déjà ? Oh Chafouin s'en fichait en fait. Le jeune capitaine venait de l'aider magnifiquement malgré lui.

*Fabius Solar, Heureusement que les architectes t'aient fait aussi con mon gars.* Pensa-t-il bien fort.

Il continue de capter l'attention de Ruby Nyë et non pas de Samira Garett comme elle voulait le faire croire à la milice. Fabius parle de nombreuses choses qui échappent à Chafouin vu qu'il ne connaît pas vraiment le contexte de leur discussion. Mais lui il s'en fiche pas mal, le capitaine vient de lui épargner des heures voir des jours de travail exténuant. Il fait semblant de siffloter en jetant un nouveau coup d’œil au portrait que son employeur avait dessiné. En regardant bien, il voit une petite mèche rouge sur la chevelure de Samira Garett, ah tu as salopé le travail Ruby, se dit-il avec un sourire. Voyant qu'elle lui jette aussi quelques regards en coin, il range sa feuille et regarde innocemment autour de lui. Se doute-elle de quelque chose ? Possible, il ne croit pas qu'elle est particulièrement dangereuse, mais baisser sa garde à ce niveau-là est une erreur. Après tout, une personne qui a fait autant d'effort pour cacher son identité n'est pas idiote, dommage que ce capitaine soit venu tout foutre en l'air avec quelques mots.

Chafouin jette un œil sur un groupe peu avenant, le genre de type qu'il a l'habitude de converser avec. Il est arrivé suffisamment longtemps à Änkar pour avoir entendu parler d'eux avec leurs tatouages d'ours sur les bras et le crâne rasé à l'iroquoise. Ces types se font appeler « la montagne noire » Une mafia assez importante dans le coin, il les a déjà vus à l’œuvre, ce ne sont pas des rigolos. Mais vu comment ce groupe de trois se dirige vers la jeune couturière et son ami capitaine, Chafouin peut déjà dire ce qu'ils ont en tête, extorsion, menace ou peux être une promesse de protection exorbitante pour cette nouvelle boutique. En clair, ils veulent montrer à cette petite commerçante que ceux qui font la loi ici, c'est eux. Pour Chafouin c'est tout bénef, on lui a décrit  Ruby comme une magicienne, cette altercation va lui donner pas mal d'information intéressante, comment elle réagit face à l'adversité et surtout s'il a de la chance, quel genre de magie elle possède.

Dommage pour le client, celui-ci préféra passer son chemin. Ruby le gratifia de paroles courtoises en guise d’au revoir. Toujours se montrer polie envers les clients c’était la base. La gentillesse était communicative et même si les gens ne s’arrêtaient pas toujours, le souvenir d’une personne aimable était toujours une motivation suffisante pour y revenir une autre fois. Quoi qu’il en soit Ruby avait déjà fait quelques ventes et n’était pas à une près. La journée ne faisait que commencer de toute manière.

Ce qui perturbait la jeune fille en revanche était la présence de Fabius. Elle n’osait pas jeter de regard supplémentaire dans sa direction de peur qu’il ne vienne la saluer. L’agent de contrôle était encore trop proche à son goût et elle était persuadée que ses vieux démons la poursuivaient toujours. Malheureusement, le capitaine avançait d’un bon pas vers son stand. Il jeta tout d’abord des coups d’œils sur ses marchandises mais indubitablement il l’avait reconnue. Avec un grand sourire, il ouvrit le dialogue, n’hésitant pas à jeter des informations haut et fort entre son nom et le fait qu’elle n’était pas sensée se trouver là. Ruby déglutit et dirigea son regard tout d’abord vers l’agent puis un plus circulaire autour d’elle.

«Bonjour, oui, je me suis dis que je pourrais m’ouvrir à d’autres environs, mais je me plais bien ici finalement. »

Fabius dût sentir sa gêne car il se mit alors, enfin, à parler à voix basse. Il évoqua l’idée que la mage devait porter des bracelets anti-magie. C’était au moins une bonne chose qu’il le croit, elle n’aurait pas à justifier outre mesure sa présence en ces lieux, d’autant plus qu’il semblait heureux de la voir en meilleure santé et ayant un travail stable. Ruby fronça tout de même son petit nez fin en lui répondant d’une voix amer, tout bas afin que lui seul puisse l’entendre :

« Désagrément ? Un rhume est un désagrément. Je ne pense pas que vous accepteriez qu’on vous enchaîne comme un animal sauvage juste parce que vous êtes différent. Sans compter le fait de subir des vérification tout les jours  et si cela ne convient pas de se fait parquet puis chassés comme des malpropres. Ce qu’il se passe est inadmissible. C’est du racisme. C’est tout. »

Ruby ne cessait de garder son attention vigilante. Même si elle s’exprimait à voix basse, Fabius avait gaffé en l’abordant et elle craignait que des oreilles mal intentionnées ne l’ai entendue. Notamment l’homme qui observait un document depuis un moment déjà. Il s’agissait du client non satisfait. Quoi qu’il puisse observer avec tant d’attention, le fait est qu’il s’était arrêté non loin et jetait des regards dans sa direction avant de ranger ladite feuille et de laisser son regard dériver ailleurs. Mais il ne s’agissait pas de la menace la plus évidente et importante. Non, loin de là… Malgré que les agents de contrôles soient passé près de Ruby, ils s’en allaient. En revanche un groupe bien moins recommandable s’avançait dans le marché. Ruby les avait repérés de loin. Un look aussi particulier ne passe pas inaperçu. Elle se contenta de relancer Fabius tout en rangeant son matériel assez rapidement.

« Je peux prendre ma pause tout de suite. Autant en profiter et se réchauffer devant une boisson chaude et un repas. »

Elle ne mit pas bien longtemps à plier bagages, laissant un mot d’absence sur son étal redevenu vide et commençait à emboîter le pas vers la sortie du marché en compagnie de Fabius. Elle eut une bouffée de soulagement en constatant qu’elle avait put partir sans encombres mais ils se firent stopper à la sortie par ces trois types peu recommandables.

« Pardonnez-nous pour cette interruption. J’aimerais m’entretenir avec la jeune femme, question professionnelle voyez ? »

Deux d’entre eux s’étaient positionnés de manière à intimider Fabius tandis que le troisième avait planté son regard insistant dans celui de la mage. Au vu de leur attitude il était clair que les Vipers étaient de la pisse de chat à côté. D’ailleurs ils firent en sorte que Fabius n’ait pas l’occasion de dégainer, ce qui de toute manière aurait été dangereux alors qu’ils se trouvaient aussi proches d’une foule. Ruby lança un regard qui se voulait rassurant envers Fabius. Même s’il l’ignorait, elle possédait toujours sa magie et elle savait même mieux la maîtriser en cas de besoin.

« Merci de votre compréhension. Pour que les choses soient claires, ce petit marché appartient à la Montagne Noire. J’ai vu ton petit étal depuis quelques semaines et j’ai laissé faire car tu es nouvelle ici mais saches que je suis pas le seul à t’avoir repérer et croies-moi, ils sont bien moins avenants que moi. Personne n’est à l’abri un petit… Accident. Je viens donc t’offrir ma protection en échange de disons, la modeste somme de milles irys. »
« Je vous remercie de cette attention mais je possède de trop maigres revenus pour me permettre d’accepter votre proposition. De plus je n’ai pas besoin de protection. »

L’homme attira Ruby à lui, plaquant un canif contre la gorge de la damoiselle et lui susurra quelques mots à l’oreille. Il pensait voir le visage de la jeune femme blémir mais elle se contenta de lui répliquer sur un ton sec:

« Il n’y pas de négociation effectivement, mais c’est vous qui m’avez mal comprise. »

Elle jeta un œil à Fabius mais au diable son avis, il aurait le temps de la réprimander plus tard de lui avoir menti. Il était temps qu’elle leur montre qu’elle n’était plus une victime et qu’elle leur donne une bonne coulante histoire de calmer leurs ardeurs. Ruby en avait plus qu’assez de subir les violences et la terreur de ces gangs de basse cour sans réagir. Pour l’instant elle se contenta d’une légère intimidation. Les personnes présentent autour d’elles purent ainsi constater que les armes de ces messieurs se mirent à plier au point d’être devenues inutilisables, quant à celle à sa gorge, elle se transforma en plume chatouillante. Cela créa un début de confusion dans les esprits, en faveur des deux amis. Cela dit elle ne comptait pas s’arrêter là.

« Vous devriez nous laisser tranquilles maintenant, avant que je ne déchaîne sur vous ma créature. Cela fait des jours que je ne l’ai pas nourrie et elle adore la chaire fraîche. »

Laissant son sac tomber au sol, elle communica par la pensée avec Lamya, l’intimant de sortir et lui promettant que rien ne pourrait lui arriver. La petite peluche en sorti mais son apparence était bien plus effrayante d’autant plus qu’elle se mit à grandir. Des griffes et des crocs immenses déformèrent sa mâchoire baveur et des yeux d’un rouge sanglant dévisagèrent les trois protagonistes alors qu’elle ressemblait à un véritable molosse tout droit sorti des enfers, aussi haut qu’un poney mais tout de muscles saillants et dont se dégaea une aura horrifique. Ruby eut un large sourire mauvais.

« Je vous conseille de courir vite, dans trois secondes je la lâche. Un… Deux… Trois ! »

D’un claquement du doigt Ruby détacha l’illusion posée sur Lamya, qui se mit à courir derrière les trois hommes, subitement affolés tandis que la véritable boule de poils, invisible aux yeux de tous, rentra à nouveau dans le sac que Ruby s’empressa de remettre sur son épaule avant de héler Fabius :

« Ça va les occuper un moment mais pas éternellement. On se barre avant que de pires ennuis nous tombent dessus ! »

N’attendant pas l’opinion du capitaine, la jeune fille s’élançait déjà en dehors de ce marché de malheur et s’engageait dans les ruelles avec l’agilité d’un chat. Tout ce qui venait de se passer n’était qu’un enchaînement d’illusions que seuls les personnes proches de Ruby avaient put constater mais la petite mage n’avait pas dans l’idée de vérifier la portée que cela avait eu ni si quelqu’un avait compris qu’il s’agissait de magie ou tout simplement si on la viserait. Dans le doute elle avait déjà mit les voiles avant que quiconque se pose la question. D’autant que le gang lui ferait la peau pour son arrogance et ses tours de passe-passe.

Curieusement Ruby ne semble pas contente de me voir, un peu comme si je le gênais ou l’embarrassais. Elle me fait penser à moi quand mes parents venaient me chercher à la sortie de l’école et que j’avais honte de cette gentillesse. Est-ce que moi aussi je suis devenu trop vieux ? Je vais avoir 22 ans le 2 août, est-ce déjà trop pour qu’une adolescente éprouve de la honte à être vu avec moi ?

Ou alors c’est à cause de son bracelet, car elle me dit à voix basse qu’elle n’arrête pas de subir des vexations de la part des autorités. Je dois dire que je la comprends, sa situation n’est pas facile mais le gouvernement ne veut pas de pogrom contre les My’trans et toutes ces mesures sont là pour les protéger. Grâce à ces bracelets nous avons réussis à rassurer la population Daënar et ainsi, nous avons pu maitriser la situation. Cela étant, s'il refuse de les porter, il reste toujours la possibilité qu’ils rentrent en sécurité sur le continent bénis par leurs Architectes pour revenir une fois que les choses se seront calmés.

Nos ancêtres n’ont pas eu cette chance et ont dû fuir pour sauver leur vie. Je trouve donc la remarque de la jeune femme injuste, mais comme sa vie est difficile, je peux la compatir. De toute façon, la nouvelle brune ne semble pas m’en vouloir personnellement car elle accepte de déjeuner en ma compagnie, finalement je ne dois pas être aussi vieux que cela. Je l’aide donc à replier ses affaires présentes sur son stand et nous prenons le chemin de la sortie du marché, mais juste au moment où nous quittions les lieux, nous sommes abordés de manière bien familière par trois individus.

Deux des malotrus m’encadrent, m’empêchant ainsi de dégainer mes armes et le dernier s’approche de Ruby. Alors que j’allais leur dire qui j’étais et si besoin mettre un coup de pieds bien sentit à un des bandits afin de me dégager, je remarque que mon ancienne protégée n’a pas peur et semble me demander avec son regard, de ne pas intervenir. Je reste donc calme, lui faisant confiance mais je reste vigilant, près à intervenir si besoin.

La discussion qui s’ensuit m’apprends qu’il s’agit bien de vulgaires bandits qui veulent prendre les maigres revenus de mon amie, et d’un coup les choses dérapent. Tout d’abord c’est une arme qui est sortit et qui menace la jeune femme, puis avant même que je puisse bouger, les armes de nos agresseurs se transformèrent et devinrent comme inutilisable, enfin un monstre apparut, venant d’une sacoche beaucoup trop petite pour l’accueillir.

Je dois dire que je reste saisi et que je ne comprends pas ce qu’il se passe. C’est donc tout à fais mécaniquement que je commence à courir derrière elle, mais au fur et à mesure du temps, mon esprit se remet à fonctionner et je comprends alors que j’ai été victime d’un tour de magie ! Et d’après ce que j’ai put constater de la magie d’illusion d’un bon niveau, est-ce que c’est l’ancienne mendiante qui a été capable de faire ça ? Qu’est-ce qui s’est passé pendant les quelques mois pour que d’un coup, un mage incapable de maitriser son pouvoir puisse arriver à ce degré de maitrise ?

Mon esprit s’emballe de plus en plus et je comprends également autre chose, la jeune femme ne porte pas de bracelets anti-magie ! Si elle se fais prendre, elle risque le bannissement sans espoir de retour ! C’est çà qui m’embête le plus, et dès que je la vois ralentir après avoir couru pendant plusieurs minutes, je lui montre un square où joue de nombreux enfants sous la surveillance de leurs parents et où nous pourrons parler dans une relative sécurité.

Une fois assis, je vais lui acheter une boisson car elle doit avoir soif après avoir couru et j’en prends une pour moi aussi, puis je lui pose la question à voix basse de manière que personne ne puisse nous entendre :

Tu sais que tu risques gros à utiliser tes pouvoirs en pleine rue, si tu veux rester ici, tu dois être plus prudente. Si tu veux te défendre, tu ferais mieux d’utiliser l’arme que je t’ai acheté, et d’ailleurs tu aurais dû la garder à portée de main.

Je m’arrête une seconde, pour boire une gorgée de ma boisson et lui faire comprendre que le baton ferré aurait pu dissuader ces agresseurs, avant de reprendre :

Je suis désolé si je te semble trop protecteur, mais je m’inquiète pour toi. Si tu le souhaites, je peux te donner des leçons de self défense, car même si je sais que tu peux te débrouiller toute seule, on est toujours plus fort en étant bien préparé.

Je sais qu’il est plus facile pour les adeptes de la magie d’utiliser leurs pouvoirs pour se sortir des difficultés mais dans ce pays, surtout en ce moment, c’est fortement déconseillé. C’est pourquoi j’essaye de me montrer prudent mais sans être trop envahissant, ce qui est difficile et je ne suis pas sûr d’y avoir réussis, mais au moins j'aurais essayé.

Alors que les trois types entouraient le petit duo, Chafouin concentrait son attention uniquement sur la petite Ruby. Ils regardaient les montagnes noires faire le speech habituel des braves gars voulant juste faire de la protection, mais la jeune fille n'était vraisemblablement pas intéressée, ça ne plut pas aux malandrins qui sortirent les couteaux, Ruby cilla à peine ce qui provoqua le respect de Chafouin. Mais ce qui s'ensuivit le troubla encore plus, les armes des bandits se plièrent et une bête infernale toute droite sortit de l'enfer se mit à les poursuivre. Chafouin suspicieux, chercha dans ses souvenirs, il ne connaissait aucune magie pouvant plier le métal à sa guise, ça ressemblait plus à des tours de passe-passe qu'autre chose. Il se souvenu alors de Laurelin et ses pouvoirs si particuliers.

-Bordel, c'est une illusionniste. Murmura-t-il.

Puis Samira Garett ou plutôt Ruby Nyë et son acolyte Fabius s’éclipsèrent en fuyant l'étal. Chafouin se mit à leur poursuite discrètement, il se demandait combien de temps les gars de la montagne noire allaient mettre pour comprendre qu'ils s'étaient fait rouler. Pour lui-même ça compliquait les choses, il s'était toujours dit qu'on craignait les mages pour leurs pouvoirs, mais qu'on sous-estimait largement ceux de Khugastaa, et son périple avec Laurelin des mois auparavant l'avait largement conforté dans cette idée. Remarque il n'avait rien à craindre d'elle pour l'instant. Il pouvait même se la mettre dans la poche, après tout il n'était pas vraiment en accord avec la politique actuelle de son gouvernement concernant les « droits » des concitoyens my'träns. S'il se montrait en soutien de Samira, il pourrait peux être se la mettre dans la poche. De plus il imaginait très bien comment Fabius allait agir, c'était un bon petit soldat, le genre de brave homme qui exécutait les ordres sans réfléchir, mais c'était drôle qu'il se retrouve lié d'amitié avec une my'träne, qui sait, cette amitié allait peux être vaciller. Ce serait sa brèche dans laquelle s'engouffrer pour gagner la confiance de Ruby.  

Il arriva juste au temps dans ce square pour entendre les dernières paroles de Fabius, naturellement il y trouva l'occasion parfaite de se trouver en tant qu'antagoniste des idées du capitaine. Il vint à pas de loups se présenter devant lui.

-Moi je pense que la jeune fille n'a pas de problème pour se défendre toute seule capitaine Solar. Il lui serra la pogne vigoureusement. Une surprise de vous trouver ici capitaine, une bonne surprise. Je vous aurais plus imaginé rendu dans les cieux.

Il porta son attention sur Ruby Nyë. Et lui dit en ajoutant un clin d'oeil :

-T'inquiètes pas Samira, j'ai vu ce que tu as fait et je ne suis pas du genre à vendre la mèche, j'ai déjà aidé une personne comme toi autrefois à échapper à quelque chose de... Bien pire que la montagne noire. Alors je comprends un minimum dans quelle merde tu te trouves.

Il se posa d'un côté de Ruby, précisément du côté opposé à Fabius, comme pour accentuer la dualité qui allait sans doute opposer leurs schémas de pensées. Il fallait dire que si Chafouin respectait le capitaine pour le post qu'il occupait et pour son dévouement à l'armée, même s'il avait quelques doutes sur l'obtention légitime de son poste alors qu'il était aussi jeune. Il avait en revanche beaucoup plus de mal avec les idées de Fabius qui semblaient bien trop rigides de son point de vue.

-Tu sais Samira, je pense que tu devrais continuer à exploiter tes dons pour te défendre, y a pas mal de my'träns qui arrivent à vivre en cachant leurs pouvoirs. Et contre la montagne noire, ce sera plus utile que n'importe quelle lame, après tout, ces types ne vont pas jouer selon les règles.



Le trio arriva essoufflé devant l'entrepôt, cet endroit de la ville était plutôt désert et il faisait une bonne planque pour n'importe quelle organisation digne de ce nom. Après la frayeur qu'avaient éprouvés les membres de la montagne noire, ils avaient clairement besoin d'aide et une personne pouvait les aider à s'en tirer contre cette salope de sorcière. Ils entrèrent dans l'entrepôt. Au sommet d'une pile de caisse, se tenait un grand homme, fin et élancé, se curant les doigts avec un long poignard.

-Zakhran on a besoin de ton aide d'ur...

-Ton revolver Marco, je l'ai senti dès que tu es rentré, j'avais pourtant été clair la dernière fois.

La voix de Zakhran était puissante et pourtant d'un calme effrayant, comme s'il vous prévoyait votre mort à chaque parole le tout avec sang-froid. Le trio se dégonfla alors qu'une lueur rouge naquit dans les yeux du lieutenant de la montagne noire.

-Alors, pourquoi vous ne poursuivez pas ? Vous avez des ennuis ?

-Oui, on a été au marché pour racketter les minables, le truc habituel quoi, mais yavait une my'träne, cette salope nous a balancé ses tours de magie, elle a jeté son animal démoniaque contre nous, nos armes se pliaient, on pouvait rien faire.

-Ferme-là, ça n'a aucun sens ce que vous bavez, ressortez vos lames. Les malfrats prirent leurs couteaux, ils avaient un état on ne peut plus normal. Zakhran pesta. Khugastaa... Dites-moi tout ce que vous savez sur cette fille, nom, depuis combien de temps elle est arrivée, quel âge ?

-Heu, Samira Garett me semble bien, à peine une adulte, pas plus de dix-huit ans à vue de nez. On l'avait repéré il y a une semaine, elle est vraiment nouvelle dans le coin.

-Je vois. Zakhran descendit de sa pile de caisse monté. D'habitude une my'träne pourrait nous être utile, mais si ce que vous me dites est vrai, une personne assez jeune et avec un niveau de maîtrise assez avancée est un danger pour l'organisation. Il prit une voix plus carnassière. Je vais m'occuper d'écraser cet oisillon dans son nid avant qu'il ne devienne un aigle.

Le malfrat s'approcha de Marco et plaça une main sur la joue du membre de la montagne noire. Pour le gang, ce geste n'avait rien de bienveillant.

-Marco, je t'avais déjà dit que je détestais sentir de la technologie dans les endroits où je crèche.

Il disait cela avec un calme olympien et Marco trembla comme une feuille, mais il décida de prendre les devants. Avant que Zakhran ne puisse faire quoi que ce soit, il dégaina son revolver et lui braqua sous le menton avant de presser la détente, une gerbe de sang explosa de son crâne et l'homme recula et titubant.

Mais c'est alors que quelque chose de très étrange se passa, Zakhran se stoppa, la gerbe de sang se mit à flotter dans l'air, se transformant en un groupe de corbeau, la silhouette du lieutenant disparut dans un nuage de fumée.

-Bordel quoi ?

Marco se fit faucher les jambes, l'instant d'après Zakhran plaqua ses mains sur son crâne et écrasait ses pouces sur les orbites du brigand. Du feu apparut au bout des doigts du mage et la tête de Marco se transforma en véritable allumette en hurlant. Les deux autres hommes regardaient horrifiés le spectacle, le pire étant que Zakhran ne perdait à aucun moment son calme alors qu'il se laissait allé à sa vengeance. Quand ce fut fini, il ordonna aux deux hommes de le suivre. En regardant le torse du lieutenant de la montagne noire, ils purent apercevoir une montagne stylisée, tous les membres du gang l'avait, mais on rajoutait des monts et des sommets seulement pour les membres qui avaient commis les plus de meurtre et de forfaits, on peinait à discerner ceux Zakhran tant ils étaient nombreux.

Zakhran -Calme et serein. -Un regard cependant inquiétant -Et il aime tuer les gens aussi. -Oui c'est assez inquiétant tout ça. -N'aime pas la concurrence.

Ruby avait entraîné Fabius dans une course folle mais il fini par reprendre les rennes, se remettant sans doute de la surprise et la confusion que le jeune fille avait provoqué. Ils lui montra un square, endroit calme où des voyous ne songeraient pas à aller en premier. La mage hocha la tête, pas contre le fait de s’asseoir sur un blanc pour récupérer son souffle. Fabius la laissa là pour récupérer des boissons mais lorsqu’il revint, Ruby n’osait pas relever les yeux vers lui, se contentant de prendre le verre entre ses mains et de boire afin d’éviter de se confronter à lui.

Le fait est que cela avait tourné exactement comme elle ne le voulait pas. Fabius était un homme d’honneur avec des principes et des convictions qui ne pouvaient aller à l’encontre des règles et non seulement Ruby venait de lui avoir menti effrontément mais cela impliquait également qu’elle vivait en dehors des lois actuellement. Ce n’était pas quelque chose qu’il était en mesure d’accepter et s’il ne l’avait pas arrêtée c’était simplement parce qu’elle avait une importance à ses yeux. Lui aussi d’ailleurs. Elle lui devait la vie. Elle lui devait même plus que cela. Il lui avait prouvé qu’elle pouvait faire confiance à quelqu’un et que sa propre vie avait une importance. Même la jeune fille s’était égarée d’une autre façon, elle avait tout de même retrouvé une rage de vivre et sa force de caractère qui la poussait à ne suivre que son instinct et ses convictions profondes. Même s’il le lui demandait, et c’est ce qu’il faisait, elle ne pourrait plus jamais à renoncer à qui elle était.

Ruby soupira et leva finalement son regard gris vers Fabius. Malgré son air angélique et innocent, elle avait ce je-ne-sait-quoi qui brillait dans ses pupilles. Une prise de conscience des réalités qui n’appartenait qu’aux enfants qui devaient grandir trop vite et prendre des décisions sans l’aide de leurs parents. Une maturité qui n’allait pas avec un esprit d’enfant, qui allait en contradiction. Mais alors qu’elle allait intervenir, un nouvel arrivant vint se poster devant eux. Ruby sentit ses yeux s’arrondir d'étonnement en constatant qu’il s’agissait de son client, qui avait eut un comportement étrange d’ailleurs. Il connaissait Fabius, cela expliquait sans doute le fait qu’il avait gardé un œil sur leur échange un peu plus tôt.

Ruby resta sur le moment muette à l’intervention de ce drôle de personnage qui non seulement venait de l’appeler par son nom de couverture mais affirmait l’avoir vu utiliser sa magie et se plaçait même de son côté à ce niveau-là. Il s’assit d’ailleurs à la gauche de la jeune fille, qui se retrouva entre les deux hommes. Elle sentit le rouge lui monter aux joues alors que l’inconnu lui avait littéralement coupé l’herbe sous le pied avant qu’elle n’ait eut le loisir d’expliquer sa situation et ses agissements.

« Je… Pardon, excuse-moi Fabius, je sais que tu veux bien faire et que je te dois beaucoup… Et je suis vraiment navrée de t’avoir menti. Mais tu ne comprend pas, je ne crois pas que tu le puisse même avec tous les efforts du monde. »

Elle jeta un regard à l’inconnu qui lui montrait bien plus de soutient que ce qu’il devrait contrairement à son ami. Il venait tout bonnement d’accélérer ce qu’elle avait prévu de confier à Fabius, voir même cela la confortait d’autant plus à oser aller contre son opinion.

« Ton ami à raison, je suis une mage. C’est ce que je suis, cela n’a rien d’un caprice que d’utiliser ma magie. J’en ai eu peur trop longtemps mais ça fait parti de ce que je suis. C’est de la nier et la dissimuler qui m’a rendue instable. Je refuse que l’on me dicte qui je dois être. »

Une fois lancée, Ruby fut difficile à arrêter et même si l’un d’entre eux le désirait, il n’y parviendrait pas tant le flot de mots se bouscula entre les lèvres de la mage. Bien que parlant à voix basse pour que seuls ses interlocuteurs puissent l’entendre, elle y mettait toute la force de ses convictions.

« J’ai agis exactement comme je devais le faire. Utiliser mon arme, comme ça devant tout le monde était bien plus dangereux que de brouiller l’esprit d’une poignée de personnes. Et oui je manque de formation pour utiliser une arme de toute manière ! Tu m’as bien vue non ? Je suis une plume en comparaison de ces gangs qui font leur loi ! »

Elle se mordit la lèvre intérieur et renchéri, le regard sombre.

« Tu as bien vu le résultat lorsque j’ai voulu faire les choses à la loyale. J’ai perdu, j’ai failli en mourir. Alors non, plus jamais je ne me laisserai faire, Fabius. Même si cela va à l’encontre de tes principes, même si tu ne respecte pas mon choix de rester libre et de me battre à ma manière. Je suis désolée de te décevoir mais c’est ce que je suis et je ne le changerai pas, même pour toi. »

Je suis surpris en voyant une vieille connaissance arrivée, mais je suis content de le rencontrer à nouveau, car nous avons vécu beaucoup de chose ensemble, même si c’était dans un court laps de temps. Il existe une expression qu'utilise souvent mon père pour décrire ce sentiment « frère d’arme », et c’est exactement ce que je ressens pour l’homme plus âgé que moi et qui vient de se rappeler à mon bon souvenir. Je lui sers donc la main avec enthousiasme et lui réponds en souriant :

Je suis content également de vous revoir. Je ne vis pas dans les cieux comme vous le savez, même si j'aime beaucoup y être.

Je suis surpris par les paroles suivantes prononcé par Chafouin, qui pousse Ruby ou Samira, je ne sais pas lequel est son véritable prénom et peut importe d’ailleurs, à utiliser ses pouvoirs pour se défendre. Ruby me surprend également, quand après s’être excusé de m’avoir mentit, elle dit qu’elle continuera à utiliser ses pouvoirs, quelle que soit les conséquences. Elle indique qu’elle veut rester libre, mais pourtant elle risque le bannissement si elle continu dans cette voie.

D'ailleurs, je me sens mal, par rapport à ce qu’elle m’a dit, comme quoi je ne pourrais jamais la comprendre. Pourtant ce n’est pas la question et je lui indique clairement :

Ruby, ou quoi que soit ton nom, je ne te demande pas de changer, juste de faire attention, ce continent est devenu dangereux pour les mages et je n’ai aucune envie que tu sois mis dans le premier navire en partance vers le continent des Architectes où je ne te verrai plus jamais. Utiliser ton don pour te défendre est une folie, la loi existe ici et la police peut te protéger, mais pour cela, il faut respecter les règles de cette nation.

Ensuite, je me tourne vers l’homme qui nous as rejoint :

Je ne vous comprends pas, vous avez vu comme moi ce qui est arrivé à la mage nommée Sélène, la petite amie de Komoroh Rax ? Elle a été emprisonnée à vie ! Nous l’avons arrêté ensemble et j’ai pu voir à quel point les gens ont peur des utilisateurs de pouvoir. Je ne veux pas qu’il arrive la même chose à Ruby, comment comptez-vous la protégez ? Vous comptez la cachez durant tout sa vie ?

Je m’emballe un peu, mais quand je vois un suicide collectif, je ne peux pas rester indifférent. Ils vont finir au mieux sur un navire, au pire étendu sur le sol, avec des balles dans la peau. J’ai affronté des sorciers à de nombreuses reprises et oui, ils sont redoutables, et sur leur continent, ils sont pratiquement invincibles, mais là, nous sommes sur Daenastre, et pour un mage rebelle, il y a des centaines voir des milliers de soldats et ils ont de leur côté des millions de citoyens qui seraient content de dénoncer ce qui est pour eux, un véritable danger public.

Pourtant j’ai beau parler, je sais que la décision de la jeune My’trans est déjà prise et que tout ce que je pourrais dire, ne servira à rien, alors je pose une dernière question d’un air désabusé, à l’ex-mendiante qui est maintenant prête à défier toute une nation :

Et maintenant que comptes-tu faire ? Tu sais que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour t’aider mais qu’il y a des limites que je ne peux pas franchir.

En disant ces mots, je sais bien que je nous fais du mal à tous les deux, mais je ne peux pas passer dans la clandestinité pour l’aider, ni aider la jeune femme à faire des choses illégales. J’ai choisi un côté de la barrière il y a bien longtemps de cela et j’y resterai jusqu’à ma mort.

En entendant Ruby parler, il se rendit compte qu'il avait fait une bourde, elle ne semblait pas avoir révélé son pouvoir à Fabius, mince, remarque il aurait fait pareil à sa place. Et au final ce n'aurait été qu'une question de temps avant qu'elle ne soit contrainte de s'en servir, il n'a sans doute fait qu’accélérer le processus. Le jeune fille se met alors à déblatérer d'un air gêné, puis, d'un ton bien plus assuré elle décréta qu'elle ne souhaitait plus se cacher, elle et sa magie. Qu'elle préférait faire selon sa manière, quitte à déplaire à Fabius, et en ça, Chafouin se mit à la respecter, un sourire trahissait cette expression sur son visage. Elle n'était pas bien grande, mais elle avait des couilles à revendre la petite, une expression de Chafouin, oui ce n'est pas vraiment le genre de choses qui se disaient tout haut.

Ce que répondit Fabius en revanche, ne plut pas énormément à Chafouin, surtout sa vision idéalisée de la loi et la protection policière qu'il fallait respecter à tout prix, en entendant cela, Chafouin roula des yeux et murmura pour lui-même :

-Ouais ben on vit pas dans le même monde.

Puis comme si ça l'avait attiré, il se mit à lui parler directement, cette fois en entendant ses mots, toute trace d'amicalité disparut des traits de Chafouin, il faut dire qu'il le lançait sur un sujet assez glissant. Il n'avait jamais partagé son point de vue sur le destin de Sélène.

-Oh tu veux qu'on parle de Sélène ? Eh bien figure toi que si cette fille avait eu plus de jugeote, elle nous aurait tué pour se barrer. Sa vie était réduite en miette, et maintenant elle devient quoi ? Juste une coquille vide qui pourrit dans un tôle ? Plutôt crever que de finir comme ça.

Il allait renchérir sur ce qu'il disait ensuite, d'un certain sens Fabius avait raison, survivre était difficile surtout si on se mettait les gangs à dos, difficile mais pas impossible. Et Chafouin allait bien sûr renchérir sur le fait qu'il comptait bien sûr aider la jeune fille. Mais il se stoppa net en ne formant qu'un son muet avec sa bouche. Il n'était pas là pour l'aider, il n'avait jamais été là pour l'aider.
Si les choses avaient été différentes, il aurait pu aider Ruby Nyë, d'ailleurs il n'avait même pas tiqué quand Fabius l'avait appelé par son nom. Mais s'il était là c'était surtout pour trouver cette jeune fille. S'il les avait abordés, c'était pour gagner la confiance de la jeune fille en se mettant de son côté, son but original n'avait jamais été de l'aider. Il ravala ses mots en se souvenant de ça, et d'un certain sens, il sentit assez mal de devoir faire ce pourquoi il était venu originellement. Il trouva quand même la motivation de répondre aux dernières paroles de Fabius.

-De toute manière c'est son choix de choisir comment elle va mener sa vie, t'as pas à l'influencer selon les règles du gouvernement.

Il tourna la tête vers Ruby, maintenant il n'arrivait même plus à penser à elle en tant que Samira, même Ruby était bien plus agréable à dire que ce nom d'empreint. Il essayait de garder une expression neutre maintenant qu'il la regardait, il avait du mal et cela devait se sentir.

-Hey, c'est toi Samira Garett ?

Chafouin tourna la tête vers le nouvel arrivant. Il le détailla de haut en bas, pas commode, pas d'armes apparentes mais un large de manteau de cuir ouvert qui lui servait juste de cape, il l'avait accroché au col, une chemise assez ouverte dévoilant un tatouage de montagne assez détaillé. Chafouin eu froid dans le dos en comprenant ce qu'impliquait tout ce truc, il avait suffisamment entendu parlé des montagnes noires par ses autres contacts du monde souterrain pour savoir comment leur organisation fonctionnait. Et d'après ce qu'il avait compris de leurs codes, il avait en face de lui une pointure. L'homme les observa, mais son attention était bien porté sur Ruby. Sans dire un mot il sortit une cigarette et claqua des doigts, une petite flammèche apparut au bout de l'un d'eux. À ce moment Chafouin eut bien envie de dire ironiquement à Ruby que d'autres my'träns comme elle vivait dans la société daënar, mais le membre de la montagne noire ne semblait pas être un bon exemple. En parlant de lui il se mit à s'approcher doucement d'eux. Chafouin comprit ce qu'il comptait faire, malgré tout il eut un mouvement de recul, ce type lui rappelait un félin à sa manière de bouger, il avait comme l'impression qu'il se rapprochait d'une proie. Il dit d'une voix calme à ses camarades :

-Ne faites rien qui pourrait nous poser problème, on est dans un square, il veut juste nous intimider un peu, pour l'instant il ne peut rien faire d'autre.

Pourquoi avait-il l'impression de ne pas être convaincu lui-même ? Le my'trän de la montagne noire s’arrêta devant Ruby et seulement Ruby, les deux autres adultes ne semblait plus exister pour lui. Maintenant qu'il était devant eux, Chafouin put se rendre compte qu'il était très grand, il dut plier les genoux pour se mettre au niveau du visage de Ruby, un calme serein lui servait d'expression en regardant ce qui s’apparentait à une petite proie pour lui. En regardant la jeune fille il tira longuement sur sa cigarette, puis recracha doucement la fumée sur son visage. Chafouin espéra qu'elle ne répondrait pas et surtout qu'elle ne montrerait aucun signe de faiblesse envers ce type. C'était généralement ce qu'ils recherchaient. Aucun signe n'émana de Ruby, soit elle était très forte, soit elle simulait avec une illusion. Le grand gaillard à la peau tanné rigola d'un air calme et pourtant effrayant.

-Je t'aime bien toi. Il se releva et commença à s'éloigner. On va se revoir très bientôt Samira.

Chafouin agrippa le poignet de Ruby pour lui éviter de faire un truc idiot.

-Attends avant d'agir, t'as vu son tatouage ? Les montagnes noires rajoutent des cimes au sommet de leur montagne avec le nombre de meurtre qu'ils accomplissent, est-ce que tu as réussi à compter combien yen avait ? Parce que moi perso j'ai pas réussi.

Un peu stressé, il se mit à sortir une cigarette et l'alluma. Puis il s'adressa autant à Ruby que Fabius.

-Vous voyez à quoi elle a affaire ? Tu penses vraiment que ta loi et tes flics vont protéger Samira d'un type comme lui ? Je vais te dire, ce genre de gars, il te transforme en steak et avant même que tu te rendes compte de quoi que ce soit, tu finit en 33 morceaux dans un sac.

Il tira une bonne taffe et se mit à réfléchir, il n'avait vraiment pas envie de se frotter à ce type, oh et après tout ce n'était pas son combat. Il n'avait qu'à faire ce pourquoi il était venu et après il se tirait aussi sec.

-Bon écoutez, j'ai des amis dans le coin, ils ont une planque où ils crèchent... Je dis pas que c'est des gars bien, mais on aura une chance de nous défendre contre ce genre de type. À toi de décider Samira. Et désolé Fabius c'est pas contre toi, mais je pense que si on suit tes méthodes, ton amie a toutes les chances de se faire suriner dans le dos.

Fabius était confus suite aux paroles franches de la mage. Il doutait même de son identité, n’ayant pas saisi qu’elle utilisait Samira simplement comme nom d’emprunt. Mais peut importe, Ruby n’avait pas la tête à lui expliquer et si le nouveau venu pouvait l’ignorer aussi celui lui allait. Cependant, elle gonfla sa poitrine, inspirant fortement avant d’expulser l’air avec un certain agacement. Respecter les règles ? Protection ? Mais sur planète vivait Fabius ? Lui-seul pouvait siffler pour faire venir des soldats miraculeux. La petite mage, non. Et il n’allait pas la chaperonner toute sa vie, il avait bien mieux à faire. Les bandits qui rodaient dans cette ville ou même dans d’autres étaient tout sauf des citoyens honnêtes qui respectent les lois. Ruby se souvenait parfaitement de sa dernière mésaventure : Elle s’était montrée discrète, travaillant honnêtement et lorsque les ennuis ont commencé sérieusement, elle à tenté d’avertir les autorités en leur demandant de l’aide. L’a-t-elle eue ? Non ! Est-ce que ne pas user de ses dons incroyables l’avaient protégée ? Non plus ! Alors aujourd’hui les choses allaient recommencer… Hors de question. A ses côtés, l’homme à la chevelure claire marmonna des paroles sensées qu’elle partageait également.

« Tu es trop idéalistes Fabius. » Renchérit-elle, les dents serrées.

Elle n’eut pas le temps d’épiloguer à ce sujet puisque les deux hommes échangèrent quelques paroles ensemble. Ils avaient évoqué une certaine Sélène. Une mage qu’ils auraient emprisonnée parce qu’elle utilisait sa magie et que cela effrayait les gens d’ici. Une femme dont la vie avait été réduite à néant, ce qui semblait ébranler bien plus l’homme cendré que le soldat.

« Je compte vivre, voilà ce que je vais faire. Je ne laisserai personne m’enfermer pour me laisser dépérir et plus jamais je ne laisserai des monstres attenter à ma vie. Tu crois vraiment que tout est facile Fabius ? Je n’ai pas miliciens prêt à voler à mon secours pour me protéger de malfrats et crois-tu que m’ôter ma plus grande défense m’aiderait à survivre à un nouveau gang qui me prendrait en grippe, hein ? Je te rappelle que j’ai déjà tenté de suivre vos lois, ça m’a menée à agoniser dans la neige alors que la loi justement laissait ces salopards faire ce qu’il leur plaisait. En quoi m’accepter telle que je suis serait pire que de laisser des monstres en liberté ? Je ne fais de mal à personne. »

Elle souffla, excédée. Elle ne demandait pas grand-chose : Simplement de pouvoir mener sa vie. Qu’elle triche un peu au passage pour s’en sortir, où était le mal ? Extorquait-elle des gens ? Non. Blessait-elle autrui ? Non. Devait-elle se laisser intimider ? Non, pourquoi diable ? Que ce soit de son bâton qu’elle gardait soigneusement contre elle en cas de besoin ou grâce à sa magie, bien sûr que oui elle avait le droit de l’utiliser pour protéger sa vie.

Personne n’eut l’occasion d’intervenir après la tirade de la jeune fille. Un nouvel arrivant décida de montrer le bout de son nez à cet instant. Et il ne semblait pas amical...

« Hey, c'est toi Samira Garett ? »
« Qui êtes-vous ? » Répliqua-t-elle pour toute réponse.

Ruby sentit un long frisson la parcourir. L’inconnu qui lui faisait face et s’avançait avec la lenteur d’un prédateur prêt à bondir sur sa proie lui nouait l’estomac. Malgré l’allure nonchalante de l’homme, la mage sentait dans toutes les fibres de son corps qu’il n’avait pas de bonnes intention. Pourtant, ce à quoi elle ne s’attendait pas était de constater qu’il s’agissait d’un mage. Et au vu de son attitude, il était certain qu’il faisait partit de ces gens hors-la-loi dont la loi, justement, ne faisait rien pour éteindre l’arrogance. L’ami de Fabius fut un pas en arrière, impressionné sans doute devant la prestance de l’inconnu. Ruby ne bougea pas d’un iota. Elle fixa l’étranger avec insistance, son éclat sauvage brillant dans ses pupilles. Face au danger, la jeune fille avait tendance à hérisser ses poils et armes ses griffes. La fuite n’était pas une voie qu’elle connaissait. Les proies chassées finissent toujours par voir leur vie s’éteindre. En revanche, celles qui osaient affronter s’en sortaient parfois. Elle faisait parti de cette catégorie-là.

Le mage s’arrêta, à quelques centimètres de la petite rouquine. Le silence autour d’eux était glaçant tendit qu’ils se fixaient avec insistance. Lui, jaugeant celle qui lui faisait face, intimidant de toute sa hauteur. Elle, défiant sans ciller, le corps tendu vibrant d’hostilité. L’immense mage se mit alors à fléchir le genou pour se mettre à la hauteur de la mage, qui ne mesurait qu’un mètre cinquante-cinq. Elle ne quitta pas son attitude de défiance, pas même lorsqu’il lui souffla la fumée de la cigarette sur son visage poupon. Au contraire, son petit nez fin se plissa mais elle n’émit aucune remarque acérée ni ne fit un mouvement. Cela le fit rire, un rire dérangeant et qui donnait la chaire de poule.

« Je t'aime bien toi. On va se revoir très bientôt Samira. »

Cela n’avait rien d’amical. Il comptait lui faire du mal, c’était certain. Un jour, quand elle ne s’y attendrait pas. Il voulait la voir baisser sa garde et là il l’attaquerait comme le félin qu’il était sans aucun doute. Mais elle aussi était sauvage. Elle pouvait très bien le prendre par surprise, là, tout de suite. L’homme cendré l’avait senti venir et il lui saisi le poignet, lui indiquant de ne pas faire cette erreur. Il lui donna ensuite les raisons. Le tatouage était immense, et il représentait le nombre de vies qu’il avait déjà prises.

« J’ai vu. J’ai compté. »

Elle n’ajouta rien de plus, laissant les adultes s’exprimer à leur tour. Ruby se contenta de déglutir, réalisant que non seulement ses instincts ne l’avaient pas trompée, mais qu’elle se demandait comment faire pour échapper à ce prédateur atypique. Elle pouvait gérer les daënars, ils étaient bien trop sensibles à sa magie. Mais elle ne tromperait pas forcément un autre mage. Et contrairement à ce tueur en série, elle n’avait jamais ôté la vie de qui que ce soit. Mais elle n’allait tout de même pas se laisser faire sans réagir ? Non, pas question. Elle l’avait dit. Elle se défendrait corps et âme si on lui cherchait des noises. Le cendré eut alors une idée à laquelle Ruby réagit immédiatement, sans laisser le temps à Fabius de lancer une contre-proposition.

« Je viens. S’il y a une chance que vos amis puissent m’aider, je prend sans hésiter. Il va me chasser, et il va y trouver du plaisir, je le sais, j’ai déjà chassé. Mais moi je ne suis pas une proie, moi je mord. Et je veux le mordre. »

Le problème avec une enfant sauvage, c’est que les vieux réflexes restent malgré le temps et une bonne éducation. Ruby était aussi sauvage et indomptable que honnête et affectueuse, ce qui était un mélange explosif et bien plus dangereux que quelqu’un qui s’affirme de but en blanc être une mauvaise personne. La jeune fille pouvait être d’autant plus redoutable qu’elle semblait adorable. Et elle comptait bien faire mordre la poussière à celui qui avait osé tenter de l’effrayer ainsi. Aussi fort et puissant soit-il. Et si cet homme voulait l’aider, tant mieux. Cela ne plairait pas à Fabius mais tant pis, elle était largement prête à courir ce risque. Soit il l’aiderait parce qu’il était son ami soit il n’en ferait rien pour tenir à ses principes.

Ça sent l’embrouille, Chafouin commence à me répondre sur Sélène, comme quoi elle aurait dû nous tuer pour gagner sa liberté, sauf qu’on était au cœur de la jungle la plus dangereuse du continent, et que l’on était armé, alors elle s’est rendu et a eu la vie sauve, c’est déjà plus qu’elle n’en a laissé à son ex-amant. Je n’ai aucun problème avec çà, la justice a été rendu, point finale.

Le problème c’est qu’il ne me répond pas sur le comment et surtout le pourquoi il prend une inconnue dans la rue et veux la sauver. D’après le peu que je connais de sa personnalité, il n’est pas du genre à se sacrifier et à aider les gens sans rien demandé en retour. Mais je n’ai guère le temps d’y penser car Ruby, comme je le craignais est d’accord avec lui et m’indique qu’elle veut utiliser son don, quoi qu’il en coûte.

Toute cette affaire va se terminer par un immense gâchis, je le sens bien, Ruby aurait pu rester dans les montagnes et continuer à s’occuper des griffons, avec juste une paire de bracelet anti-magie, ou bien rentrer dans le pays ou elle est né. Elle a préféré faire le plus mauvais choix possible, et rester sur un continent où elle risque à tout moment d’être arrêté par des forces de police aux aguets et renvoyé chez elle manu militari.

Lorsqu’elle eu fini, je ne savais pas quoi répondre et je reste un moment silencieux. Un autre homme en profite pour se joindre également à notre conversation, et je soupire d’agacement, car j’ai vraiment l’impression que tout le monde veut donner son avis aujourd’hui ! On se croirait dans un repas de famille où chacun donne son avis sur le prénom du futur bébé pendant que les parents écoutent, gênés. Sauf que là ce n’est pas la grand-mère Frida, mais plutôt l’oncle Fétide, d’après son accoutrement et sa dégaine.

Il est en effet simplement vêtu d’une espèce de manteau avec une chemise largement ouverte, montrant un quelconque tatouage. Il allume sa cigarette, grâce à un sort, donc j’ai en face de moi un mage, encore un ! Lorsqu’il s’approche de nous, Chafouin recule, sans que je comprenne pourquoi, ce sorcier ce la joue un peu trop, c’est tout et je le vais le remettre à sa place quand le vétéran me dit de ne rien faire. J’avoue que je ne comprends pas, si un type vient nous importuner, on lui dit gentiment de partir, c’est tout.

Bon, je reste quand même calme, car pour moi, il n’est pas menaçant et se contente juste de projeter de la fumée en plein dans visage de la jeune femme, ce qui au collège signifiait que l’on aimait la personne, est-ce que je suis tombé sur un admirateur de Ruby ? A moins qu’entre My’tran, ce geste veut dire autre chose ? De toute façon, mon amie ne bouge pas et reste stoïque, jusqu’à ce que le type s’en aille.

Chafouin nous explique le principe des montagnes, mais pour moi, çà ne veut rien dire, personnellement j’ai déjà tué sept bandits, deux hommes de la pègre, quatre Shimeghs, un dragon et six mages My'tran, ce qui aurais fait vingt montagnes, et je suis sûr que mon interlocuteur qui semble pourtant effrayé par ce type en a tué autant que moi, sinon plus. En plus ce gars peut marquer ce qu’il veut sur sa peau, personne ne viendra contrôler. Tout çà pour dire que je ne suis absolument pas impressionnée et que j’imagine très bien la police s’occuper de lui sans problème. Il existe même des troupes spécialisées pour régler ce genre de problème et qui prouvent chaque jours ou presque que même les plus grands maitres peuvent se faire dégommer.

Mais l’homme avec qui j’ai combattu n’a pas terminé, car il propose une retraite sûre chez des amis et à nouveau une lumière rouge se met à clignoter, depuis quand Chafouin a des amis ? Et en plus, il se met quand même gravement en danger, et est prêt à affronter un homme qui lui fait de toute évidence très peur, toujours pour une personne qu’il connait que depuis cinq minutes ? Évidement Ruby, sans même prendre une minute de réflexion accepte la proposition, sans essayer de savoir si moi j’avais une autre solution. Alors que j’avais une très bonne idée, je connais un village de My’trans, dans la montagne, où elle sera à l’abri et pourra continuer à vivre normalement. Au lieu de ça, elle veut se battre, encore et encore, comme si son aventure avec l’autre bande, les Vipers à Hinaus n’a pas suffis, elle retombe dans le même piège ; on veut lui veut du mal, elle riposte et le cercle infernal continu de plus en plus vite jusqu’à ce qu’elle perde.

Toutefois, c’est mon amie, et j’espère vraiment qu’elle prendra conscience qu’il faut choisir ses luttes, et que parfois, il vaut mieux partir. En plus, rien ne la maintient ici, elle ne semble pas s’être fais d’amis et travail sur un marché, elle peut donc tout quitter du jour au lendemain. C’est sans doute une question d’honneur My’tran que je ne peux pas comprendre. Je soupire et lui dit d’un air désabusé :

Je te suis Samira, puisque c’est ton nom, je ne vais pas te laisser lorsque tu as besoin de moi.

Je n’ajoute pas que je n’ai aucune confiance dans l’homme qui est en face de moi et qui propose son aide, ni en ses amis d'ailleurs, car Ruby pensera que je dis cela dans l’unique but de l’influencer. Dans tous les cas, je reste vigilant et faire très attention à là où je vais mettre mes pieds, car comme dirai une personne que je connais bien : « je mets les pieds où je veux et c’est souvent dans la gueule ».

Ruby accepta de le suivre, prête à se battre contre la montagne noire, Chafouin fit mine de paraître satisfait et dans un certain sens, il l'était. Fabius en revanche allait commencer à poser problème. Il sentait que quelque chose n'allait pas ça se voyait et il rechignait à suivre Ruby, il les suivait à reculons. Chafouin prit les devants suivis de Ruby et Fabius, au moins la formation ne semblait pas trop mauvaise, l'homme aux cheveux cendrés jetaient des coups d’œil dans les angles morts qu'ils dépassaient et tachait de surveiller la foule et d'éviter les endroits trop bondés ou au contraire trop clairsemés. L'endroit qu'il recherchait n'était pas si loin que ça. Il commença vraiment à questionner sa moralité, chose qu'il ne faisait d'habitude jamais. Cette fois, non seulement il se mettait en danger, mais il allait en plus foutre d'autres personnes dans la merde, bon Fabius honnêtement cela ne lui faisait ni chaud ni froid, par contre Ruby... Il se retourna pour lancer un regard à la jeune fille, ils se dévisagèrent.

-Non rien. Il tenta de lui sourire. Quoi qu'il se passe, je suis sûr que tu t'en sortiras.

-Et donc cette jeune fille elle se trouve dans les faubourgs d'Änkar ?

-Exactement, mais on sait pas vraiment où, et si elle repère le moindre d'entre nous, elle prendra la poudre d'escampette.

-Donc vous m'envoyez seul ? Comment je la reconnaîtrais ?

-Elle est pas bien grande, des cheveux noirs, des yeux gris, pas le genre de fille qu'on croise habituellement. Mon pote là en un fait un dessin si ça peut t'aider. Ah et au fait, tu risques de vouloir le savoir, mais on pense que c'est une magicienne.

-Une my'träne ? Le prix risque de monter les gars.

-Bon écoute, on a fait tout ce chemin depuis Ünellia, on tiens vraiment à la mettre la main dessus. Alors si tu la trouves rapidement on est prêt à te donner un bonus.

-Très bien messieurs, et quand je vous la ramènerait, vous lui ferez quoi au juste ?  

-T'en pose des questions pour un simple homme de main. On décidera selon ce qu'elle sera prête à expier. Mais ça c'est pas tes oignons, contente toi juste de nous ramener Ruby Nyë ici. 

Sur le chemin, Chafouin semblait plus bougon qu'avant, il lui avait bien clairement apparu que ses employeurs étaient des salopards qui s'étaient faits roulés par la jeune fille et qui souhaitait maintenant se venger. Cela lui semblait juste, même si d'après ce qu'il voyait de Ruby, il ne l'imaginait clairement pas les avoir roulés pour les mauvaises raisons. Et dans cette affaire, le tort était plutôt du côté des employeurs. Mais pourquoi il se souciait de ça lui en fait ? Il regarda Ruby, ouais elle méritait peux être mieux, après tout, il se disait qu'elle était à peu près dans la même situation que lui dans sa jeunesse, il aurait bien aimé avoir le coup de pouce qu'il feintait de lui proposer.  Il tâcha d'étouffer cette lueur de compassion qui naissait dans son esprit.

Arrivé à une centaine de mètres de l'endroit où il devait l'emmener. Il jeta un coup d’œil à Fabius, on y était, il allait devoir s'occuper de son cas, sinon il allait lui poser problème. Chafouin posa une main sur l'épaule de Ruby.

-Surveille le coin, faut que je cause seul à seul avec Fabius. Garde les yeux bien ouverts ça marche ?

Il fit signe au capitaine de le suivre et ils s'éloignèrent suffisamment pour que Ruby ne puisse plus les entendre. Il se rapprocha du capitaine, suffisamment pour qu'ils leur soient impossible de détourner les regards, mais aussi pour une autre raison, celle de rester bien proche de lui en cas de  mauvaises surprise. Fabius avait bien commencer à se douter d'un coup fourré, il était peut être idéaliste, mais pas stupide non plus. Il avait ses idéaux et sa loyauté envers Daënastre et Chafouin comptait bien jouer dessus pour arriver à ses fins.

-Bon Fabius, t'es pas stupide, t'as bien du remarqué que je me suis incrusté assez gratuitement. Je vais te dire la vérité, je sais parfaitement que cette fille s'appelle Ruby Nyë, et on m'a chargé de la retrouver. Je suis sûr qu'elle ne t'a pas tout dit sur elle. Si je la cherche, c'est parce qu'elle a porté préjudice à des personnes d'Ünellia, eh oui, ton amie est une criminelle fugitive. Et elle doit réparation aux personnes qu'elle a flouées, alors, si tu aimes vraiment Daënastre et que tu souhaites rendre service à la nation, laisse-moi m'occuper de son cas et ne me gène pas. Vu comment je t'ai sauvé la vie quand on chassait Komoroh Rax, tu me dois bien ça, pas vrai ?

Ce qui était bien avec les personnes comme Fabius Solar, c'est qu'on pouvait facilement retourner leur honneur contre eux. Et si ça ne marchait pas eh bien... Chafouin était assez proche pour se servir de ses grappins et de son poignard au corps à corps. Cependant, il jeta un coup d’œil pour voir si Ruby surveillait bien toujours, il y avait à présent un vide là où se tenait auparavant la jeune fille.

-Bordel elle est passée où ? Demanda Chafouin en s'éloignant de Fabius.

Fabius n’approuvait pas et cela n’avait rien d’une surprise. Cela peinait toutefois la jeune mage qu’il soit aussi crédule sur le nom qu’elle se donnait. N’avait-il pas compris qu’il ne s’agissait que d’une couverture pour avoir un semblant de paix ? Même si cela ne l’avait pas aidée au final… Pourquoi fallait-il que les ennuis viennent toujours à elle alors qu’elle se faisait discrète ? Elle mordait bien aux hameçons aussi, à leur décharge, mais tout de même. Ruby s’était entourée d’une équipe de choc cette fois-ci, même si le soldat avançait à reculons, freinant des quatre fers tout en surveillant l’homme à la chevelure cendrée.

En tête, celui-ci guidait le groupe tout en restant sur ses gardes à la moindre intersection. Il devait avoir d’habitude de ce genre de situation, ce devait être un homme du peuple plus habitué à se débrouiller par lui-même que de demander de l’aide extérieure. C’était l’opposé de Fabius mais il avait accepté d’aider Ruby alors il ne devait pas avoir un mauvais fond. C’est ce qu’elle pensait en tout cas au moment où il se retourna pour lui décocher un regard insistant. Il allait déclarer quelque chose mais se ravisa, pour lui dire qu’elle s’en sortirait. Ruby lui décocha un sourire entendu, affirmant en retour :

« Bien sûr puisque vous voulez bien m’aider. Et vous en faites pas, je rend toujours la pareille, Fabius peut en attester d’ailleurs. »

Oui, parce que gratuit ou non, elle prenait à cœur de rembourser ceux qui lui tendaient la main, peut importe la manière d’ailleurs. Elle était de nature honnête et optimiste, bien qu’elle ait subit une sacrée dépression récemment dont elle remontait la pente doucement. Mais l’homme semblait contrarié, grognon et quelque peu nerveux. Ruby porta la main sur son dos, diffusant sa magie pour apaiser celui-ci et elle attira à nouveau son attention.

« Dites c’est quoi votre nom m’sieur le cendré ? »

Vu que les deux autres connaissaient les noms de chacun, il n’y avait pas de raison qu’elle l’ignore. Une fois cette nouvelle information reçue, elle retourna dans le silence, suivant Chafouin sans plus le déranger. Elle jetait des regard autour d’elle afin de garder une image visuelle du chemin qu’il utilisaient pour pouvoir se repérer par la suite au besoin. Elle remarqua qu’il choisissait soigneusement les allées et outre le fait de connaître le chemin. C’est alors qu’il s’arrêta, posant une main sur l’épaule frêle de la jeune fille.

« Surveille le coin, faut que je cause seul à seul avec Fabius. Garde les yeux bien ouverts ça marche ? »
« Entendu. Grands ouverts. » Affirma-t-elle.

Et c’est ce qu’elle avait prévu de faire. Se tenant prête à bondir, elle observait les environs avec attention. Si la moindre chose étrange se produisait, elle réagirait et appellerait ses deux chaperons. Malheureusement, elle n’avait pas envisagé le fait de ne rien voir… Brusquement elle se sentit partir en arrière mais fut totalement incapable de crier ni de remuer ses bras qui venaient d’être saisi avec force. Elle tenta toutefois, grognant de douleur en manquant de se déboîter une épaule. Celui qui la tenait était bien plus fort qu’elle et savait comment maîtriser une cible. Quant à la bouche de la jeune fille, à part mordre dans le tissu épais qui compressait sa bouche, elle ne pouvait rien faire.

« Tut shh petite sauvageonne. Réserve tes forces pour plus tard, j’ai envie de jouer avec toi. » Sursurra à son oreille une voix qui lui glaçait le sang.

Ruby se débattit de toutes ses forces, son instinct la poussant à user de sa magie pour la retourner contre son agresseur mais elle sentait son énergie la quitter. Que se passait-il ? Pourquoi sa vision se brouillait-elle ? Elle avait sommeil… Tellement… Impossible de lutter. Inévitablement, Ruby ferma les yeux, son corps s'affaissant telle une poupée de chiffon.

« Bonne nuit Samira. »

Tout près se trouvait les deux acolytes de la jeune fille, en pleine discussion. Mais soudain Chafouin se rendit compte qu’il se passait quelque chose. Il recula, regardant les environs sans voir la silhouette Zakran, pourtant tout proche, ni celle de Ruby, évanouie dans ses bras, masqués par un voile d’illusion.

Tic Tac. La montre tourne. Seront-ils assez rapides et futés pour la sortir de ces griffes qui venaient de l’arracher à eux ?

Et on marche, encore et encore, comme d’habitude je suis complètement perdu et je ne prends même pas la peine d’essayer de me souvenir du chemin parcouru, car je sais que ce sera voué à l’échec. Je vois Chafouin inspecté chaque rue comme si nous étions en zone de guerre, chose que je ne comprends pas, Änkar est une ville relativement sûre, bien que très froide à cette période de l‘année, au moins Ruby est habillé chaudement et je n’ai pas besoin de lui laisser mon manteau, c'est un progrès.

Nous arrivons enfin à destination, du moins je le pense car Chafouin s’arrête avant de demander à me parler seul à seul, entre homme. Je regarde brièvement Ruby, car la laisser seule ici semble être une mauvaise idée, elle n’est pas censée être une cible pour le groupe des Montagnes Grises ou un autre nom aussi ridicule que celui-ci ? Mais si je fais une réflexion à la jeune femme, les deux personnes que j’ai en face moi vont à nouveau me dire que la My’tran peux se débrouiller toute seule et je préfère me taire.

Je suis donc le vétéran un peu plus loin, et il commence à me serrer d’assez près comme s’il craignait une réaction violente de ma part. Je suis de plus en plus en alerte, car je connais bien ses grappins et son revolver et je sais les dégâts qu’ils sont capables de faire. De son côté il connait mon habilité à l’épée mais vu comment il s’est placé, j’aurais du mal à dégainer. En cas de combat il aurait donc l’avantage, mais il ignore que j’ai maintenant un pistolet et que je me suis longuement entrainé avec, je reste donc calme et j’attends ses explications.

Ces dernières ne tardent pas à venir et au fur et à mesure qu’il parle, je sens la colère monter en moi, je sais très bien ce qu’il s’est passé à Unellia, avec les problèmes qu’elle a eus, mais il pense vraiment que je vais lâcher une amie car elle a eu des problème avec une bande de malfrat ? Et il est prêt à trahir une jeune femme qui lui a fais confiance pour de l’argent ? Je me doutais qu’il y avait anguille sous roche, mais je ne m’attendais pas à tant de bassesse de la part de mon ami, il a bien changé, et je ne reconnais même plus l’homme qui a risqué sa vie pour sauver des otages. Il ose même me demander le prix d’une vie pour m’avoir aidé !

Je suis persuadé qu'il est en plus près à me tuer pour accomplir cette mission, je vois gros comme une maison que si je ne réponds pas d’une manière qui lui satisfais, il va m’étriper, là, dans cette ruelle sans aucune hésitation, pour un paquet d’Irys, comme le premier assassin venu. Je me demande si je ne devrais dégainer également et lui vider mon chargeur dans le ventre, bien sûr je risque de ne pas en sortir indemne de cet affrontement mais je préfère perdre ma vie que renoncer à tout honneur et abandonner une jeune femme qui compte sur moi.

J’allais donc poser ma main sur mon revolver quand Chafouin quitte brusquement sa position et s’éloigne de moi, me tournant même le dos ! Et quand je regarde dans sa direction, je comprends aussitôt la raison de son inquiétude et si j’éprouve également ce sentiment, ce n’est pas pour les mêmes raisons, lui doit penser à l’argent qu’il va perdre alors que je suis inquiet pour la santé de la My’tran.

Je cours donc et passe devant Chafouin, juste à l’endroit où elle était il y a une seconde. Elle n’a pas dû bouger car les traces de pas dans la neige s’arrête nette. Je lève un coup d’œil dans les airs mais aucun aéronef n’est assez proche pour l’avoir enlevé, il n’y a donc qu’une solution, c’est une illusion ! J’essaye de me rappeler dans mes cours à l’académie ce que j’ai appris sur la façon de lutter contre les adeptes de Khurmag, mais le seul conseil que je me souvienne, c’est de bombarder une zone suspecte avec de l’artillerie et si on voit des cadavres, c’est qu’on avait raison de la trouver suspecte.

Là, je ne vais pas tirer dans tous les sens car je risquerai de blesser voir de tuer celle que je veux justement sauver. J’ai alors un souvenir qui me revient à l’esprit, lorsque Ruby avait cauchemardé, son pouvoir s’était réveillé, je l’avais prise dans mes bras et emporté et sa concentration avait été brisé !

Je ferme les yeux pour ne pas être ralentit par une illusion et je cours les bras bien écartés devant moi, espérant ainsi attraper quelque chose. Je sais que d’un point de vue extérieur je dois être ridicule mais dans la précipitation, c’est la seule solution que j’ai trouvé.

Posant ses yeux sur l'endroit où se trouvait Ruby quelques instants plus tôt, sa main se posa instinctivement sur son revolver tandis qu'il analyse la scène, pas de trace de sang, la jeune fille semble s'être purement et simplement volatilisée. Non ce n'est pas possible, si quelqu'un était venu l'enlever, elle se serait forcément débattue et aurait hurlé. On la forcément enlevé, mais on a trompé sa vigilance. Il aurait dû faire plus attention à ça, mais il n'avait pas vraiment le choix s'il devait composé avec Fabius. En parlant de lui, le voilà qui se met à courir comme un dératé vers une destination que lui seul semble connaître, en écartant les bras comme s'il comptait faire un câlin à son ami imaginaire. Il s’arrête finalement en voyant qu'il n'a rien attrapé et que les passants ainsi que Chafouin le toise d'un air interrogatif ou moqueur.

-Ok... Je suis bien content de pas m'être engagé dans l'aéronautique, j'aurai pas aimé finir maboule comme toi.

Le côté moqueur est clairement assumé pour Chafouin, seulement Fabius indique quelque chose que Chafouin n'a pas remarqué sur le coup, deux empreintes viennent de se former à un endroit où elles n'y étaient pas avant. Bizarrement, une espèce de voile légèrement scintillant se lève de ses empreintes et semblent se mouvoir. C'est clairement quelque chose qui n'a rien à voir avec de la technologie, de la magie my'trän serait-elle à l’œuvre ? Oh, Chafouin commence à avoir une petite idée de qui ou quoi pourrait avoir fait disparaître Ruby. Le voile semble être de taille bien humaine, quoiqu'un peu plus grand que la moyenne. Chafouin lève son bras, bien décider de tirer dans la direction de cette apparition.

Une forme se rue alors sur lui et il a peine le temps de bloquer le coup de poignard avec ses deux mains qui l'aurait touché à coup sûr l'instant d'après. L'homme en face de lui fait clairement partie de la montagne noire, même s'il ne distingue pas son tatouage significatif sur le moment. Chafouin est bien plus occupé à maintenir le bras de son attaquant bloqué. Il y voit un peu plus clair maintenant. Ce type, le my'trän d'avant les suivait à la trace, attendant son occasion il a sauté sur la pauvre Ruby pendant que cet autre type surveillait si tout se passait bien et se tenait prêt à intervenir si quelque chose tournait mal. Zakhran devait s'attendre à ce que les deux types autour de Ruby représente un problème finalement.

Chafouin jette un regard vers la rue principale alors que le criminel l'a acculé dans la ruelle où il avait emmené Fabius, le jeune capitaine s'est volatilisé évidemment, il n'est pas venu lui porter secours. Malgré son air plutôt niais il a au moins l'intelligence de comprendre qu'aider Chafouin en ce moment desservait ses intérêts, le petit fumier. Remarque il aurait fait exactement pareil que le militaire s'il s'était retrouvé dans une situation semblable, mais ça ne l’empêchera pas de se venger à sa manière. Car Chafouin peut s'en sortir sans lui dans cette situation. Une main relâche son effort pour maintenir le blocage du poignard et son adversaire sourit en voyant la pointe de son arme chatouiller dangereusement le menton de l'homme aux cheveux cendrés. Cependant il ne s'attendait pas à la lame de grappin qui lui perfore une première fois et une deuxième fois les côtes. Il s'écroule sur le côté, pas encore mort. Mais ayant clairement besoin de soins, soins que Chafouin ne compte clairement pas lui apporter. Seulement il ne l'a pas tuer sur le coup pour une raison bien précise.

-Ton pote a enlevé la fille, il est parti où ? Demande-t-il d'une voix impétueuse.

-Je vois pas de quoi tu parles le cendré, j'étais seul ici.

N'ayant pas le temps de supporter son petit numéro et ayant vraiment besoin de savoir où Ruby se fait emmener. Il chope le gars de la montagne noire pour l’emmener vers une caisse où il lui dépose la main dessus. Il décroche alors son poignard et lui tranche l'index sans autre forme de procès. Le criminel hurle alors de douleur et de surprise.

-T'as intérêt à arrêter de jouer au con et de me répondre rapidement, t'en as encore beaucoup que je peux trancher comme ça.

-Ok ok. Il y a un entrepôt vert au sud-ouest de la ville, c'est là qu'il passe son temps, et qu'il aime emmener ses victimes.

-Il ? C'est qui il ?

-Tu crois vraiment que je vais te le dire ? Chafouin lève une nouvelle fois son poignard. Ok ok ! Zakhran, il s'appelle Zakhran, c'est un des lieutenants de la grande cime, c'est un my'trän coriace. Personne dans le coin n'a jamais réussi à le battre.

-Ok t'as assez parlé.

Chafouin le relâche par terre, mais la montagne noire a à peine le temps de lever la main que Chafouin lui perfore le crâne avec un grappin. Maintenant qu'il a parlé il ne lui est plus d'aucune utilité et mieux vaut réduire ce genre de pourriture à néant dès qu'on le peut. Cependant il repense à ce qu'il vient de lui dire sur Zakhran.

-Lieutenant de la grande cime hein ? Vous et vos noms grandiloquents, vous commencez vraiment à me soûler.

Il décolle avec ses grappins en visant la pierre la plus haute et une fois sur les toits, il se lance en direction du sud-ouest. Il ne peut s’empêcher de ressasser plusieurs choses pendant sa course cependant. Il semble bien que ce Zakhran semble fort, il faudrait faire attention aux abords de son entrepôt, il risque d'y avoir posé des pièges. Mais si ce lieutenant est si fort que ça, alors cette cime noire qui semble être le chef, à quelle point est elle dangereuse ? Il va aussi devoir composer avoir Fabius, il espère réussir à le dépasser en arrivant à l'entrepôt car clairement, ce n'est plus un allié maintenant. Et il ne peux s’empêcher de s'interroger, pourquoi fait-il ça au juste ? Quand il accepte une mission il la mène jusqu'au bout, mais cette fois qu'elle est son but, empocher juste l'argent qu'on lui a promis ou vraiment venir en aide à Ruby ? Il tente de ne pas vraiment penser à cela tandis qu'il parcoure les toits à la recherche de son objectif.

Ruby ne sut rien de ce qui se déroula pourtant devant elle. La jeune fille se trouvait désormais dans les les bras du mage qui avait aisément esquivé la course aveugle du capitaine. Il eut un rictus mauvais en voyant la détresse des deux hommes devant la situation qu’ils ne maîtrisaient ni l’un ni l’autre car il s’agissait maintenant d’une embuscade servant au mage à prendre la poudre d’escampette. Une diversion était exactement ce qu’il lui fallait pour quitter les lieux rapidement et emmener la pauvre enfant dans son repère, ne laissant sur place que le sac de Ruby, contenant la petite Lamya.




« Debout Samira ! »

Ruby poussa un cri, s’éveillant en sursaut, les sens en éveils. Elle sentait la morsure d’une gifle sur sa joue mais ses yeux ne parvenaient à trouver le coupable. Au lieu de cela, elle n’aperçut que des caisses à perte de vue. L’endroit était grand et contenait nombre de marchandises diverses. Un entrepôt. Oui, c’est ça, elle devait se trouver dans un entrepôt. Pourquoi diable ce mage l’avait-il emmenée ici ? Elle se souvenait très bien comment il s’y était prit d’ailleurs. Il l’avait droguée avec ce tissu rempli de ce poison pour l’esprit ! Serrant les dents, elle jetait des regards furieux autour d’elle.

« Qu’est-ce que vous me voulez à la fin ?! Montrez-vous ! »
« Non, ça ne serait pas amusant sinon. Tu es en ma possession à présent et il n’y a que deux choix qui s’offrent à toi maintenant : Le premier est de me résister et le second est de me rejoindre, corps et âme. »
« Ou bien je vous trouve et on règle les choses à ma manière. »

Grogna-t-elle en touchant son bâton qu’il lui avait laissé pour raison mystérieuse, sans doute car sous cette forme il était inoffensif. Elle l’attrapa, tendant l’objet devant elle avant d’actionner le mécanisme permettant de lui rendre sa taille réelle ainsi que de faire déployer la lame aiguisée à son bout. C’est alors qu’elle entendit le rire déranger de son futur tortionnaire.

« La première option donc. Très bien, voilà comment les choses vont se dérouler. J’ai posé des pièges mortels partout dans l’entrepôt et je vais me faire une joie certaine de te torturer à petit feu jusqu’à ce que tu n’expire ton dernier soupire. Si tu es assez maligne tu essaieras de t’enfuir plutôt que de m’affronter. Je suis bon joueur, je te laisse une chance de m’échapper. Si tu y parviens, je te laisse en vie, mais si tu échoue, et bien, tu m’auras divertie. »

Comme pour annoncer que le jeu avait commencé, Ruby entendit un bruit sourd au dessus d’elle et esquiva en bondissant l’immense caisse qui venait de s’écraser lourdement à côté de sa botte. Elle se redressa aussitôt car son tortionnaire décida de se joindre à elle, bondissant à quelques pas de sa proie avant de s’élancé droit sur elle. Ruby resserra sa prise sur le bâton et envoya l’objet faucher les jambes du mage mais il disparut purement et simplement de sa vision pour réapparaître derrière elle et lui décocher un coup de pied qui la repoussa violemment en avant. Elle faillit perdre l’équilibre mais elle se retourna vivement pour se défendre. Heureusement car son assaillant était armé lui aussi et elle put ainsi non seulement dévier le coup mais repousser son adversaire par un coup d’estoc à l’estomac. Ce geste lui coupa le souffle momentanément et elle en profita pour prendre ses jambes à son cou.

Elle émit un cri en entendant une détonation sur sa droite. Des flammes apparurent, commençant à lécher le bois condamnant inévitablement ce côté car il se propagerait. Il ne restait donc que deux chemins possibles. Soit elle continuait tout droit dans ce dédale de couloirs soit elle devait prendre à sa gauche. Ruby usa alors d’une illusion, créant pour son tortionnaire un double d’elle-même courant tout droit alors elle se cacha entre deux immenses boites à sa gauche. Elle ignora s’il avait mordu à l’hameçon mais si c’était le cas cela lui ferait bénéficier de quelques minutes…

Elle reprit alors prudemment le chemin qu’elle avait choisit, mais elle arriva à nouveau dans un carrefour. Cet entrepôt était un véritable labyrinthe en plus d’être l’antre d’un psychopathe. C’est en s’engageant à nouveau dans une direction qu’elle sentit un fil toucher son pied. Elle se figea, sentant on sang se glacer. Il s’agissait d’un piège et celui-ci serait bien moins gentil que celui qu’elle avait subit dans la boutique d’Ophélia… Elle jeta un coup d’œil circulaire, tentant de trouver d’où le danger viendrait si elle venait à bouger l’un des fil qui tapissait le sol. La source n’était pas difficile à percer à jour, il s’agissait d’un chaudron contenant une source de chaleur prête à s’enflammer qui se déverserait au moindre mouvement mal ajusté.

Prenant une grande inspiration, la jeune fille entreprit de se mouver tel un chat, posant le pied prudemment entre les fils tendus. Elle remercia intérieurement son mode de vie difficile qui lui avait apprit à maîtriser son corps bien mieux que bon nombre de gens. C’est donc non sans angoisser mais avec succès qu’elle déjoua ce piège. Mais elle n’était pas au bout de ses peines car à peine celui-ci déjoué qu’elle eut le malheur de mettre le pied sur un sol instable qui se déroba sous ses pieds. Elle se raccrocha par chance au rebord mais son corps pendait dans le vide. Comment était-ce possible une chose pareille ? Un trou sans fond dans un entrepôt ?! Ruby regarda sous ses pieds et en eut la nausée. Le vide semblait la happer comme si elle n’était qu’un aimant irrésistiblement attiré par son opposé, ne parvenant pas à remonter peut importe la force qu’elle y mettait. Prise d’un élan de panique, elle ne réalisa pas qu’elle s’était fait dupée par un tour de magie pur et simple, une illusion qui amusait l’homme qui l’avait retrouvée. Il marchait avec lenteur vers elle, son air de prédateur fiché sur les lèvres et alors qu’il s’arrêtait près d’elle, il leva le pied et l’appuya fermement sur les doigts de la jeune fille dans le but de la faire chuter. Mais c’est là qu’elle compris. Elle ne ressentait aucune douleur, tout était faux, il n’était pas là et ce n’était pas un véritable piège !

« Non, vous ne m’aurez pas ! » Rugit-elle, faisant éclater l’illusion comme une bulle, la vision du mage y compris.

Elle se redressa, prête à s’élancer à nouveau mais elle sentit une main puissante la saisir à la gorge. Le visage horriblement satisfait du mage était à quelques centimètres du sien et elle sentait son souffle malfaisant lui chatouiller la peau. Avec facilité il fit décoller la jeune fille du sol, la plaquant contre ces maudites caisses omniprésentes. Son bâton tombé au sol, elle agrippait les mains de l’homme dans l’espoir de pouvoir s’en défaire et ses jambes battaient furieusement mais il se contenta de se rapprocher davantage, resserrant sa prise sur le cou de Ruby.

« C’était presque trop facile. Moi qui pensais que tu tiendrais plus longtemps... »

Le mage passa alors sa main libre contre la joue de la jeune fille, dans une caresse brûlante qui fit hurler de douleur la jeune fille, la faisant s’étouffer davantage. Il relâcha sa main, laissant Ruby s’effondrer telle une poupée de chiffon. Tout était calculé, il savait qu’elle tenterait à nouveau de prendre la fuite et c’est sans surprise qu’il l’intercepta à nouveau en lui saisissant le bras. Il eut un sourire satisfait alors qu’il lui tordit le bras avant de la saisir par les cheveux et la jeter plus loin. Oui il s’amusait, oui il y prenait du plaisir, oui il voulait juste la faire souffrir encore et encore, se délectant de sa peur. Mais lorsqu’elle se redressa à nouveau c’est elle qui lui saisit le poignet. Le fixant avec intensité, elle laissa libre court à sa magie la plus sombre. En Zakhran s’insinua de la folie pure. Une illusion immense entièrement tapissée de ses peurs les plus profondes. Une illusion à laquelle il ne pouvait s’échapper et qui le tortorerait juqu’à ce qu’il en devienne fou ou l’accepterait.

Ruby en profita pour fuir à nouveau, laissant le mage à ses pires tourments. Pourvu qu’elle parvienne à quitter cet endroit maudit, qu’il n’arrive pas à se dépêtrer de son cauchemar, qu’il ne la rattrape pas à nouveau pour finir le travail...

Zakhran fais-moi peur:

Je cours pendant une minute, les yeux fermés, les bras bien écartés, mais à part entendre des rires près de moi, il ne se passe rien, je ne heurte personne. J’ouvre alors les yeux, pour me rendre compte que je suis passé à plus de dix mètres des empreintes de pas ! Chafouin commence à me chambrer, mais pour toute réponse, je lui montre les traces dans la neige qui sont brusquement apparus après ma piètre tentative.

Je fonce dans sa direction, laissant mon ancien ami derrière moi, pour suivre à la trace les marques de chaussures laissés dans la neige, je réussis à les suivre pendant cinq minutes mais elles disparaissent brusquement, encore une de ces fichues illusions ! Je me retrouve donc le bec dans l’eau, d’après une vieille expression de mon père, en plus, je suis à nouveau perdu et incapable de retrouver la place où se trouve le mercenaire, s’il m’a attendu, ce dont je doute fort.

D’ailleurs je me demande quelle sera mon attitude quand je serais face à lui, est-ce que je vais devoir le tuer lui aussi, pour éviter qu’il emmène Ruby ? Je verrais bien si je le revois un jour, car il ne va pas risquer sa vie pour sauver une jeune femme de dix-huit ans, qui ne représente rien pour lui à part une somme d’argent. Dans tous les cas, il faut que je fasse quelque chose pour secourir la My’tran, car elle est surement terrifiée à l’heure qu’il est !

C’est alors que je vois un cab et je me dirige droit vers lui, montrant immédiatement ma plaque militaire pour éviter toutes complications :

J’ai besoin de rejoindre au plus vite la caserne des forces célestes, vous aurez droit au double du prix de la course si vous y arrivez dans moins de dix minutes.

Je vois les yeux de l’homme s’ illuminés et il me fait un grand sourire. Puis dès que je suis installé, démarre sous les chapeaux de roues, au plutôt sous les sabots de cheval. Je me tiens désespérément à l’habitacle car je suis balloté dans tous les sens, mais heureusement, le trajet est très court, et dure huit minutes exactement. Un peu étourdis je sors du véhicule et après avoir payé le cocher, je me dépêche de monter les marches menant à l’armurerie. J’avise alors la personne en charge des armes et je lui dis d’un ton autoritaire :

Franck, j’ai besoin du « paquet » et de deux cartouchières pleines.

Ce dernier me regarde avec des yeux ronds, il faut dire que c’est un ami, qui garde pour moi mes dix grenades que j’ai acheté chez un armurier dans son dépôt et pour le moment, je ne m’en suis jamais servis. Pourtant, il va chercher ce que je lui demande et me donne les deux cartouchières de cinquante balles pour pistolet modèle crotale, ce qui me fait une centaine de balle. En posant le matériel devant moi, il ne peut s’empêcher de me demander, d’une voix amusée, comme s’il voulait détendre l’atmosphère :

Tu pars en guerre ?

Je le regarde droit dans les yeux pour lui dire :

Exactement.

Je mets tout mon matériel dans le grand sac à dos qui contient les grenades et je vais jusqu’à un autre bureau, où est marqué sur la porte « M. FREUK, INTENDANT ». Je frappe à la porte, mais je n’attends pas de réponse et rentre directement car je suis très pressé, attablé à un bureau ce trouve un homme en train de travailler à qui je demande :

Sigmund, aujourd’hui tu vas pouvoir payer ta dette, j’ai besoin d’un renseignement et d’un transport rapide.

L’homme en face de moi fais partie des services de renseignements de notre nation et son métier actuel n’est qu’une couverture. Ce dernier surpris lève la tête et me demande :

Tu m’as sauvé la vie lors de cet entrainement, que veux-tu savoir ?

Je hoche la tête à ce souvenir et je lui réponds :

Je cherche un My’tran, assez puissant, il fait partie d’une organisation, les Montagnes Noires et il semble maitriser l’illusion. Assez grand et musclé, cheveux noirs, il a de très nombreuses montagnes tatouées sur le corps. Il porte une boucle d’oreille à l’oreille gauche.

Je vois l’homme en face blêmir un peu et après être allé chercher un rapport dans les casiers situés derrière lui, il m’indique :

Nos services le connaissent bien, et en cas de guerre avec les My’trans, c’est un des premiers que nous prévoyons d’éliminer, car c’est un des lieutenants de la grande cime et un puissant illusionniste. D’après nos dernières informations, il est le plus souvent au sud-ouest de la ville, dans l’entrepôt B11.

Je ne peux qu’être d’accord avec lui sur les capacités de ma cible. Puis je vois Sigmund me lancé une clé de cadenas en m’indiquant :

Mon vélocipède à vapeur est garé sur la place T77, mais il s’appelle revient, tu as bien compris ? Et maintenant, nous sommes quittes ?

Je souris à ces paroles, et je lui indique :

Nous sommes quittes.

Je fonce toujours mon sac en bandoulière vers le parking et après avoir enlevé la chaîne avec le cadenas, j’enfourche le véhicule, ce qui me fais arriver très vite sur les lieux, même si j'ai faillis écraser six piétons dans l'affaire. Je vois en effet le bâtiment et pour bien me confirmer que c’est l’endroit, il y a deux gardes armés devant la porte, comme s’il y avait écrit en grand « ICI REPAIRE DE BANDITS ».

Le parcours sur les toits de pierre de cette région si particulière du monde fut un peu plus difficile que la normale pour Chafouin, il fallait dire que composer son parcours avec toute cette neige qui s'accumulait sur les toits ne rendait pas les choses faciles. Malgré la difficulté supplémentaire, il arriva finalement en vue de cette bâtisse verte. De l'extérieur, on pouvait lire : « compagnie uulyn » bon évidemment, la montagne noire n'allait pas afficher ses couleurs à la vue de tous, Chafouin se demandait à quel point l'organisation était étendue et surtout, quel contrôle avait-elle sur Änkar et ses environs ? C'est en se faufilant doucement sur son observatoire qu'il étudia la structure. Assez espacée par rapport aux autres bâtiments, l'entrée principale était gardée par deux hommes en armes et plutôt bien verrouillée à première vue, bon cette entrée, c'était mort. Il repéra une petite ruelle adjacente à l'entrepôt, celle-ci était plus rapproché avec un autre bâtiment, donnant à cette ruelle un air de coupe-gorge. D'ailleurs en s'y rendant  sur le toit par la voie des airs, faisant légèrement lever l’œil à un des gardes qui avait cru voir un oiseau, il se rendit compte de quelque chose. En contrebas, de nombreux sacs étaient disposés près d'une porte d'entrée, ils étaient nombreux, bien trop en fait pour ne contenir que des déchets, bon ça donnait l'ambiance du lieu et une indication de son intérêt pour les montagnes noires. Il regarda le passage qui menait à la rue principale, bloqué par un épais grillage, hum, certains avaient sans doute déjà essayé de fuir avant que les grandes pontes de la montagne noire ne décident qu'un petit obstacle à cet endroit serait très bénéfique.

Un bruit attira son attention, la porte venait de claquer et une Ruby hors d'haleine en sortait, cherchant une échappatoire. Elle était bien là alors, la jeune fille s'élançait vers le côté le plus proche de la rue principale pour se stopper en face du grillage, cherchant comment contourner ce maudit obstacle, elle semblait avoir la mort aux trousses et Chafouin se dit que ce n'était peut être pas tant une image que ça. Elle haleta, se retournant, son regard se posa sur les sacs à ses pieds, elle sembla comprendre ce qu'il y avait à l'intérieur et fit un pas en arrière. Chafouin décida de descendre rapidement en rappel avant que le type qui l'avait enlevé ne la rattrape pour lui régler son compte.

Atterrissant à côté d'elle, il lui agrippa la taille avant de remonter, n'ayant pas envie de perdre du temps à lui expliquer, elle devait être en état de choc sûrement. Il remonta en croyant entendre un cri de sa part et la sentant se débattre quand ils furent sur le toit, il la relâcha non sans subir une griffure sous le menton de sa part.

-Ru... Samira, c'est moi ! S'exclama-t-il en lui agrippant les épaules pour la ramener à la raison.

Elle croisa son regard, regagnant un peu son calme, Chafouin tâcha de lui rendre un sourire réconfortant, mais qui disparut bien vite quand il remarqua la rougeur intense sur l'une des joues de la jeune fille. On lui avait brûlé la joue. Chafouin jura, il nota aussi silencieusement que Ruby ne semblait pas avoir remarqué sa vilaine gaffe qu'il avait faillit faire sur son nom. C'était passé à peu de choses près, heureusement qu'elle était en état de choc, il fallait qu'il fasse lui-même plus attention à l'avenir. Elle risquait de très mal réagir, même sa réaction la plus logique serait d’abord de ne pas comprendre.

-Ta joue, elle est brûlée. Fait voir ça. Il se pencha dessus, la blessure avait l'air assez grave, mais récente. Est-ce que ça te fait un mal de chien ? Oui ? Tant mieux, ça serait plus grave si tu ne sentais plus rien. Ça devrait pouvoir se soigner, mais tu garderas une petite marque pendant deux-trois semaines. Ne sachant trop comment la réconforter, il lui tapota l'épaule avec vigueur en lui disant qu'elle s'était bien battue.

Un bruit de vapeur attira son attention, il fit signe à Ruby de ne pas bouger d'un pouce en s'avança doucement à genoux pour espionner le nouvel arrivant. C'était Fabius qui arrivait sur une espèce d'énorme vélo crachant de la vapeur. Il avait dégoté ce bestiau mécanique où celui-là ? Cela n'était que secondaire cependant. Le capitaine transportait de plus un sac en bandoulière et bien trop de munitions sur lui pour faire mine d'avoir des intentions pacifistes. Cependant afficher comme ça ses intentions belliqueuses risquaient de le mener rapidement dans une impasse. Les deux gardes allaient clairement le faire tourner en rond, ils n'étaient là que pour défendre un entrepôt après tout, il était même possible qu'ils ne soient même pas au courant que leur petite entreprise servait juste de couverture à des activités criminelles. Chafouin avait déjà vu ça par le passé, et la meilleure façon de couvrir une mafia, c'était encore de faire croire aux subalternes qu'ils bossaient pour des gens plus que digne de confiance. À moins que Fabius ne décide de passer lui-même à l'attaque, risquant ainsi de passer pour un psychopathe, il n'avait que peu de chance de passer frontalement autrement.

Un autre bruit retentit dans la ruelle où Chafouin avait récupéré Ruby, l'homme aux cheveux cendrés se pencha doucement vers la direction du bruit malgré les mises en garde de la jeune fille. En contrebas, Zakhran était sorti par la porte, il titubait en cherchant visiblement sa victime qui venait de lui filer entre les doigts. Il tomba à genoux devant le grillage en l'agrippant de ses deux mains. Il semblait haleter bruyamment, puis il rampa dans la ruelle en grognant quelque chose avant de se mettre à dégobiller sur les pavés. Chafouin fronça les sourcils en l'entendant murmurer quelque chose « les aiguilles, pas les aiguilles » semblait-il dire. Il s'éloigna du rebord avant que le criminel ne remarque sa présence. Il retourna en cati mini vers Ruby.

-Je sais pas ce que tu as fait à Zakhran, mais en tout cas il a l'air secoué, Faudrait qu'on en profite pour dégager au plus vite.

Il espérait que son instinct de survie l'emporterait et qu'elle serait encline à suivre Chafouin vers une échappatoire. Cela servirait ses intérêts et les siens en même temps et surtout, il espérait qu'elle n'avait pas entendu ou vu Fabius arriver devant l'entrepôt.

Cet homme était un véritable psychopathe et malgré l’intervention magique de Ruby s’échapper de cet endroit de malheur se révélait toujours aussi ardu et lorsqu’elle se retrouva finalement devant la porte de sortie, elle se rendit compte qu’il l’avait bloquée avec un amoncellement de caisses. La jeune fille tenta de les pousser mais avec sa force de mouche la seule chose qu’elle parvint à faire était de s’épuiser pour rien. Le souffle court, elle posa les yeux sur son bâton qu’elle avait rattaché à sa taille. Elle s’en saisit, le déploya et entreprit de briser les obstacles avec. Une chance qu’elle ait eu la bonne idée d’échanger son vieux bâton contre celui-ci car la lame à son bout déchiqueta sans résistance la boiserie et lui permit de libérer le passage.

Repliant son arme, elle poussa avec force la porte et s’élança à l’extérieur du hangar. Ruby se stoppa pourtant net. C’était une cour fermée. Merde ! La mage n’avait pas des dons pour l’escalade et encore moins le temps de trouver de quoi la faire monter. Zakhran finirait tôt ou tard par la retrouver, bien avant qu’elle ne parvienne à s’extirper d’ici. Pourtant elle n’avait pas le choix, elle ne pouvait pas retourner à l’intérieur… Tournant le dos au grillage, elle laissa son regard explorer les lieux mais ses yeux se firent happés par la présence de sacs. Portant une main à ses lèvres tremblantes, elle eut un haut-le-cœur en réalisant ce qui se trouvait à l’intérieur. L’odeur qui s’en dégageait était tout aussi nauséabonde et ne laissait pas non plus le doute planer.

Reculant d’un pas, horrifiée, son effroi s’empira alors qu’elle se fit saisir à la taille et projetée en l’air. Elle poussa un cri à la fois terrifié et mêlé d’une hargne qu’elle s’empressa d’exprimer à son assaillant par des gestes destinés à lui faire lâcher prise. Qui que ce soit, il tient bon jusqu’à ce que leurs pieds foulent la toiture mais il eut la mauvaise idée de la lâcher car l’enfant sauvage s’empressa de l’attaquer comme elle l’avait souvent fait par le passé : en usant de ses ongles comme des griffes acérées.

« Ru... Samira, c'est moi ! » S'exclama l’homme en la saisissant par les épaules.

Ruby se figea, dévisageant son agresseur qui n’était en fait que Chafoin, surement venu la délivrer de cet enfer. La jeune fille abaissa alors ses mains et rangea ses canines à découvert bien sagement sous ses lèvres qui restaient entrouvertes pour l’aider à se ventiler et retrouver peu à peu son calme. Chose qui lui était difficile tant son cœur battait la chamade. L’homme qui la poursuivait était un malade, un sadique, et il arriverait à la retrouver où qu’elle se trouve, elle en était persuadée. Ce qu’il lui avait fait, cette brûlure à la joue, son cou meurtri, ce n’était rien par rapport à ce qu’il devait lui réserver après ce qu’elle lui avait fait à lui.

Pourtant, pour le moment, Ruby était en sécurité sur ce toit. C’est pour cette raison elle obtempéra aux paroles de Chafoin lorsqu’un bruit de vapeur parvint à leurs oreilles. La jeune fille resta tapie sur le toit, les yeux seulement fixés sur la porte qu’elle avait traversée un peu plus tôt. Celle-ci s’ouvrit à la volée.

« Baisses-toi Chafoin ! » Intima-t-elle aussitôt d’une voix basse mais pressante.

Elle eut un frisson en découvrant qu’effectivement elle n’était pas passée loin des griffes brûlantes de ce taré de mage. Heureusement pour elle, Zackhran était l’ombre de lui-même pour l’instant. Semblable à un fou il marmonnait inlassablement la même phrase, titubant comme un ivrogne. Il se retrouva à même le sol, déployant sur le sol son petit déjeuné. Cette vision était satisfaisante à vrai dire et redonna à la jeune fille un peu d’aplomp lorsqu’elle lui répondit :

« J’ai plongé cette ordure dans son enfer personnel. »

A ces mots, le sourire carnassier de la mage apparut et il est certain qu’à ce moment précis elle se retrouvait devant la tentation de mettre fin à la vie de ce salaud tant qu’il était vulnérable. Mais tuer n’était pas dans sa nature. Elle n’était pas un monstre. C’était d’ailleurs ce qui la perdait toujours… Ruby était trop gentille et c’était tout le problème.

« Tu as raison. » Son sourire s’effaça au même titre que ses épaules s’affaissèrent. « Je devrais le tuer, là, tant qu’il est faible, mais… J’peux pas faire ça… Je sauve des vies moi, pas l’inverse. »

Elle détourna le regard de Zakhran, en contrebas, et le posa sur son interlocuteur. D’un hochement de la tête, elle lui signifia qu’elle le suivait. Il n’en fallait pas plus à Chafouin pour qu’il ne l’extirpe d’ici, non sans faire en sorte qu’ils ne croisent Fabius de près ou de loin, bien évidemment. Ruby était d’ailleurs à des années lumières de savoir que son ancien protecteur l’avait retrouvée lui aussi. Pour elle c’était déjà un miracle que Chafouin y soit arrivé.

Tandit qu’il la guidait à nouveau vers leur objectif premier, qui n’était en réalité qu’un piège, elle restait persuadée qu’il était son seul espoir de ne pas quitter une ville, encore, à cause de criminels. Elle s’en voulait d’ailleurs pour son grossier mensonge, et persuadée qu’elle pouvait lui faire confiance après tout le mal qu’il avait du se donner pour la retrouver et la sauver, elle décida d’être honnête avec lui. Elle stoppa ses pas, et intima Chafoin à en faire de même.

« Il faut que je te dise quelque chose… Samira, c’est pas mon vrai nom. C’est pas la première fois que j’ai des ennuis comme ça et je m’étais bêtement persuadée que si je changeais d’identité on me laisserai tranquille mais j’attire les problèmes quoi que je fasse. Tu es vraiment sûr que tes amis peuvent m’aider ? Je ferais peut être mieux de partir… Ce Zakhran il est… Si ils sont tous comme lui, je te mets en danger et tes amis aussi. »

Je descends de ma monture, mon pistolet dégainé et mon sabre au clair. Alors que j’allais me diriger droit vers l’entré, j’entends une porte et je vois l’homme qui a sans aucun doute enlevé Ruby, sortir. Alors que j’allais l’abattre d’une balle entre les deux yeux, il se met à vomir sur le sol, semblant aussi inoffensif qu’un nouveau né. Je rengaine mes armes à regret, si j’avais agi dans le cadre d’une opération de l’armée, je l’aurais abattu sans l’ombre d’une hésitation, mais ici mon but est d’ordre purement privé, et je ne me sens pas capable de tuer un homme aussi misérable sans consigne de mes supérieurs.

Je pense que Chafouin a dut arriver avant moi, et aussitôt je regarde sur les toits, car avec ses grappins, c’est son moyen de locomotion préféré. D’ailleurs, il faudrait que je m’en achète un jour moi aussi, c’est bien pratique ces machins-là. Je vois alors deux silhouettes juste au-dessus de l’entreprise, mais je n’ai même pas le temps de crier qu’ils disparaissent à ma vue. Bon sang, c’est tellement énervant ! Chafouin n’a plus qu’à la ramener jusqu’à ses commanditaires et elle va le suivre comme l’agneau que l’on mène à l’abattoir !

Pourtant, je ne sais pas quoi faire, avec mon sens de l’orientation, je suis incapable de retrouver l’endroit où j’ai eu mon altercation avec le mercenaire qui a faillis se finir avec un de nos deux corps sur les pavés, peut-être même les deux. Il ne me reste qu’une seule solution, tourné dans cette ville et avec beaucoup de chance, les croisés avant qu’ils n’atteignent le lieu fatidique pour la My’tran. Je retourne donc en vitesse sur mon vélocipède à vapeur, et faisant crisser la neige lors de mon demi-tour, je commence à rouler à travers la ville.

Le problème de regarder en l’air quand on conduit, c’est qu’un accident est vite arrivé, et bien sûr, ça ne loupe pas, en voulant éviter un enfant qui courrais derrière un ballon, je freine trop fort et ma machine part en glissant sur une plaque de verglas. Heureusement pour moi, je roulais à vitesse réduite, mais mon véhicule est mort, ce qui va mettre en rogne Sigmund, et quant à moi, je suis redevenu piéton, dans un secteur de la ville, que je ne connais absolument pas, avec le pantalon de mon uniforme complètement déchiré. Je perds même un peu de sang à cause de multiples écorchures, mais je ne sens pas la douleur, tellement je suis inquiet.

Je vois alors passer un cab et je me dis, que je suis vraiment bête, je me souviens qu’à l’endroit où Ruby a disparu, il y avait un bar nommé « Le Profit ». Je lève donc la main pour arrêter le taxi, mais qui vu mon état, fais semblant de ne pas m’avoir vu. Je sors alors ma bourse, et là, comme par magie, je vois le conducteur s’arrêter et me faire un grand sourire.

Je lui indique comme destination la taverne, espérant ne pas avoir mis trop de temps et arrivé sur place, je me mets bien en vue, au milieu de la place, mes mains sur mes armes toujours dans leurs fourreaux, dévisageant avec attention tous les passants. Bien vite, tout le monde fait un détour afin d’éviter de me croiser, je fais en effet peur à voir avec mon uniforme déchiré, mon air farouche, mon pistolet et mon épée, semblant prêt à défier le monde entier, et c’est exactement ce que je compte faire pour sauver Ruby.