[Terminé] [Event mondial] Pavillon My'trän

Le Pôle My’trän


Ci-joint, une petite liste non exhaustive de ce que vous serez susceptible de trouver en ces lieux :

• La corrida : vous avez toujours rêvé de vous essayer aux montures volantes ? Obtenir un cours de vol de griphon, dragon, ovshin et autres joyeusetés ? Pour une chute mortelle obtenue, une barbe à papa offerte.
  
  
• Les Thermes J’raspyre : lassés des hurlements de vos bambins mal lunés ? Un bassin d’eau pure et chaude vous accueillera, entretenu par une poignée de mages de Zagash, accompagné des saunas de Zolios ainsi que de quelques massages revigorants, spécialité de Suhury. Maillot de bain obligatoire.
  
  
• La Foir’Dada : parce que les créateurs du concept ont su qu’il y avait de l’argent à se faire auprès des deux nations, découvrez des stands de tirs à l’arc, lances, et autres ustensiles charismatiques pour impressionner la galerie. N’oubliez pas de goûter aux confiseries ancestrales de Dyen ainsi qu’aux chur’rows de Khurmag.
  
  
• Le Ciné’ranma : étrange concept encore assez inconnu lancé par des fidèles de Khugatsaa, persuadés qu’une histoire racontée est infiniment plus marquante avec des illusions projetées. La « réalité virtuelle », qu’ils appelleraient ça. Films romantiques, comédies my’träns et aventures explosives au programme.
  
  
• La magie pour les nuls : démonstration artistique des différentes utilités de chaque magie d’Architectes. Un cours de mouvements de base est proposé aux néophytes.

Voyager avait ses inconvénients.  Il fallait prendre en compte l’inconfort de certains moyens de transport (sans parler des étapes!), prévoir suffisamment pour ne pas manquer de quoi que ce soit mais voyager assez léger pour ne pas s’encombrer inutilement…  Sans compter que les revenus de Meylan étaient bien plus incertains qu’à Darga, où elle avait désormais les bases d’une clientèle habituelle.  Mais elle avait une fois de plus cédé à l’appel de l’aventure promise par une certaine adepte d’Orshin.  Il faut dire que, depuis le temps, Mary savait exactement comment faire triompher la curiosité de Meylan.

L’Exposition Universelle, car c’est là que la ménestrelle se trouvait en ce moment, était un événement qui avait eu un retentissement international.  Partout on en parlait, on trouvait des affiches, on commentait la nouvelle…  Cela promettait d’être grandiose: certains (prompts à l’exagération) parlaient même de l’événement du siècle.  Pas question de manquer ça, donc, et Meylan se trouvait maintenant le plus loin de chez elle qu’elle ait jamais été.  Et elle ne le regrettait pas.

La chaleur du continent désertique était presque étouffante à l’extérieur, mais ici, sous la verrière du pavillon My’trän, elle était atténuée au point d’être parfaitement supportable.  Les merveilles de la magie…  Cela laissait Meylan parfaitement à l’aise pour vadrouiller entre les stands, tantôt émerveillée tantôt perplexe face à l’étalage diversifié qui se présentait à elle.  Un continent entier semblait avoir convergé vers cet espace somme toute réduit.

Le dernier objet de fascination de la ménestrelle se nommait Ciné'ranma.  En tant que ménestrelle, elle avait de solides connaissances en matière d’art du spectacle.  En tant qu’adepte de Khugatsaa, elle ne rechignait pas à agrémenter ses propres spectacles de l’une ou l’autre illusion pour le pimenter ou le mettre en valeur.  Mais ceci était un tout autre niveau d’art.  Les illusions étaient si détaillées, si apparemment parfaites, que Meylan elle-même se voyait tirée de la réalité et plongée dans l’aventure qui se déroulait sous ses yeux.  Elle connaissait bien l’histoire: elle l’avait chantée des dizaines de fois.  Et pourtant, elle avait l’impression de la découvrir pour la première fois.  C’était beau, poignant, et tout bonnement fascinant.  Ce n’est qu’après l’épilogue que Meylan reprit suffisamment ses esprits pour se faire la réflexion que quiconque avait réalisé ces illusions était un maître dans cet art.  Elle balaya l’assemblée du regard, à la recherche de quelqu’un à questionner à ce sujet.

Un rassemblement avec autant de gens de bonne famille a de quoi donner la bougeotte à des mains de voleur ! Sans parler des nombreuses innovations présentes à cette exposition pour la paix. Mais les Danseurs de l’Ombre ont été très clair : membre ou non de leur association, tout voleur prit lors de cet événement devrait se débrouiller seul ! Et mourir seul aussi sûrement, je ne pense pas qu’ils laisseraient une telle tâche sur leur réputation. Bref pas de petits larcins aujourd’hui ou les jours suivants. S’il faut risquer sa vie, il faut que ça vaille le coup !

En attendant, j’en profite pour découvrir le pavillon My’tran par pur curiosité. Et sait-on jamais peut-être qu’ils ont des techniques détournables pour ma profession. J’en trouverais plus à n’en pas douter côté Daënars mais moins surprenantes ou déroutantes pour mes compatriotes. Je fais donc un tour de l’ensemble des stands, sans m’arrêter, juste pour avoir une idée de ce qu’on peut y trouver. Celui avec les tests de vol me fait bien de l’oeil mais je décide de commencer par ce truc avec les illusions. Je patiente quelques instants le temps que la démonstration précédente se finisse pour voir le spectacle dans son ensemble et que les gens laissent la place aux nouveaux venus de s'installer.

Hmm, c’est un gâchis de compétence. Je vois bien que mes voisins s’amusent de la petite histoire mais je la trouve sans intérêt. Décevante. Enfin, heureusement la technique est intéressante : on peut projeter des gens ! Donner l’impression que le gardien surveille toujours sa porte par exemple ! Je ne manque pas de repérer les rapaces du commerce qui questionnent un my’tran non loin de moi. Je décide l’air de rien de m’incruster sans rien dire à leur côté. Voir si la conversation peut-être utile, ou encore même y participer !

« Vous saisissez l’idée ? Capturer des scènes comme vous venez de le faire ! Voir même rajouter des choses imaginaires ! Mais commençons de façon modeste, ça pourrait être un incroyable outil de communication.

-Encore mieux que la photographie où tout est figé ! Encore plus prenant et.. »

Là le bonhomme plein d’entrain fait une pause autant dans sa gestuelle que dans sa phrase pour interroger son interlocuteur sur un point qui lui semble crucial et qui viendrait de le frapper.

« Vous connaissez la photographie, n’est-ce pas ?! »

Aucun des trois ne remarquent ma présence pour l’instant. Mais je n’ai pas l’air d’être la seule à vouloir participer, une my’tran c’est approchée de l’autre côté du trio. Elle aussi est invisible à leurs yeux pour l’instant.

L’histoire qui suivit la première aventure à laquelle Meylan avait assisté était plus simpliste, mais du point de vue de la réalisation tout aussi fascinante.  Vraiment, les mages qui tenaient le stand étaient des virtuoses.  Bien décidée à ne pas se laisser happer dans une autre histoire avant d’avoir pu mettre le grappin sur l’un d’eux, elle quitta l’attroupement dans lequel elle se trouvait pour tenter d’aborder un des responsables.  Elle n’était pas la seule à avoir eu cette idée, ce qui ne l’étonnait pas.  Plus étonnant était que les autres intéressés étaient habillés d’une manière qui les identifiait clairement comme des Daënastres.  Et leur discours était désespérément terre-à-terre.  Faute de pouvoir atteindre le niveau de ces maitres illusionnistes, ils tentaient de trouver une approximation de leur art qu’ils envisageaient probablement d’employer sans scrupule à des fins purement commerciales.  Désolant.

"Je ne connais pas la photographie, mais votre suggestion me paraît bien terne par rapport au spectacle offert ici.  Si vous ‘capturez’ ces images comme vous le dites, vous perdez le rapport qu’un artiste peut tisser avec son public et les petites improvisations et déviations qui rendent chaque représentation unique.  Quand à rajouter des choses imaginaires…que croyez-vous que vous venez de voir?  Vous avez été plongés tout entiers dans l’imaginaire."

Sa tenue, une tunique ambrée aux manches amples, des chausses et bottes brunes et une cape noire clamaient ses origines my’trännes aussi surement que son ignorance en matière de photographie.  Quand à sa réaction face à la suggestion de "mettre en boite" un tel art, elle trahissait immédiatement que Meylan elle-même était une artiste, ou au moins quelqu’un qui prenait l’art très à coeur.  Sa lyre attachée à son côté finissait de trancher ce point.  Son compatriote se tourna vers elle quand elle prit la parole, et un sourire traversa son visage quand son cerveau enregistra qu’il avait affaire à une consoeur.

"C’est exactement ce que je m’échine à leur expliquer depuis un quart d’heure!  Leur technologie est bien jolie, mais elle ne peut pas donner à une représentation le même souffle qu’un artiste en chair et en os.  Sans compter que cela serait une insulte à Khugatsaa."

Même arrière-plan culturel, mêmes réactions.  Meylan aussi trouvait que s’affranchir ainsi de l’aide du fameux griffon pour de tels spectacles était moralement très douteux.  Mais aussi typiquement Daënastre.  Une autre personne avait assisté à la scène sans piper mot jusque là.  Curieuse tout simplement?  Ou en quête d’une information particulière?  La suite des événements le dirait probablement.

Les mains dans les poches, je déambulais entre les différents stands de la fameuse Exposition Universelle de Gustave Wilson. Il n'y avait qu'un savant daënar pour organiser ça... J'avais été attirée par cette événement, légèrement attirée au début mais l'information avait fini par se perdre dans les méandres de mon esprit sous le poids de la vie quotidienne qui l'avait enfouie bien loin. Puis, les publicités et toutes les affiches avaient fini par envahir la rue, faisant revenir l'idée de m'acheter un billet.

Normalement, je n'aurai rien dit, seulement oublié l'évènement et continué ma vie mais cette fois-ci, c'était spécial. Les My'träns étaient aussi invités ! Ce peuple, séparé de nous par un océan, avait une toute autre culture, de toutes autres manières de penser. Je me devais d'aller les observer. J'avais bataillé pour obtenir l'autorisation de mon oncle. J'avais enchaînée les heures supplémentaires à la lueur d'une bougie pour simplement m'user les yeux et sortir de nouveaux travaux avant l'heure. Les nuits blanches étaient devenus un rendez-vous quotidien mais je voulais ces billets. C'était gagné, j'allais rentré de mon trajet commercial dans tout le nord de Daënastre et deux mois plus tard, je m'envolerais vers Zochlom.

Me voilà donc au milieu de stand les plus loufoques les uns que les autres. C'est avec un regard trainant que je regardais toutes ces nouveautés. Ces Architectes donnaient vraiment autant de pouvoir à ces gens ? Comment des Dieux mystiques pouvaient accordés leur pouvoir à de simples humains. J'étais beaucoup plus rassurée de pouvoir compter sur des rouages et des boulons que sur des êtres supérieurs pouvant reprendre et accorder leurs grâces comme ils le voulaient.

J'arrivais bientôt vers la fin de l'allée et malgré toutes les choses étranges que j'avais pu voir, je n'avais pas été subjuguée par cette culture que je connaissais fort mal... Du moins jusqu'à ce que je finisse au milieu d'illusions de toute sorte. Une jeune femme se tenait sur une estrade, chantant et déclamant des balades et autres histoires pendant que des images nés de sa propre imagination et de son pouvoir éclairait la salle, projetées sur le mur. C'était assez impressionnant et j'avais vraiment l'impression de voyager ailleurs que dans cette verrière bondée de monde.

Un peu en retrait des autres personnes, apparemment lancés dans une conversation mouvementée sur un sujet qui j'étais sûre ne m'intéresserait pas, je regardais le visage des gens. Eux aussi paraissaient émerveillés, des daënars à n'en point douter. Dispersés dans la foule je croisais aussi des gens ayant l'habitude de ce genre de choses mais néanmoins heureux d'assister à cette projection. Je découvrais une nouvelle face des my'träns, celle poétique, pouvant faire rêver même le plus froid des hommes par la magie des illusions. Je n'osais même pas imaginer ce que pouvait faire ces pouvoirs utilisés à mauvais escient.


C'était à la fois effrayant et merveilleux de voir ces images réalistes s'animer.

[Premier jour, le matin 2h après l'ouverture : Le Ciné’ranma]

Encore marquée par sa grossesse, Alises n'avait pas réussi à perdre la totalité du poids. Mais cela viendrait en son temps. Les filles avaient été laisser sous la garde de nourrices, matrones et gouvernantes très compétentes qui connaissaient leurs devoirs et éviteraient d'avoir toutes les angoisses et inexpériences d'une jeune mère. Jeune mère...elle se souvenait encore de son accouchement avec Hex à ses côtés. C'était trois semaines avant. Lorsque la date de l'exposition, elle avait laissé Hex partir, elle lui avait promis de le rejoindre pour le bal. Elle pensait d'abord ne pas venir aussi tôt. Mais au bout d'une semaine, elle ne tenait plus en place et se dirigea vers les terres perdues de Zochlom.

Habillée dans la plus grande simplicité d'une robe bleue, des gants blancs et un chapeau de paille. Elle paraissait comme n'ayant connu aucune prise de poids dû à deux bébés grâce au corset qu'elle avait enfilé. Elle avait ramené sa chevelure ébène en un chignon simple.

Si ses pas l'avaient conduits dans le pavillon my'trans c'est parce qu'elle souhaitait en savoir plus sur un peuple avec qui il fallait s'allier. Non, il ne fallait pas, cela devrait être un fait simple et évident. Dans ce but pacifique, elle parcourut les stands cherchant à juste circuler parmi la foule de curieux. Elle atteint enfin un stand qui attira sa curiosité. Des histoires visualisées. Le Ciné'ranma. Elle interrogea l'un des my'trans sur le concept et demanda si on pouvait faire visualiser des animaux et montrer ce qui a été vu ou non. Cela pourrait être intéressant pour son travail...

Voilà que la my’trane sort du silence pour dévier la conversation. Je lui lance un regard peu amène. Non mais vraiment : en plus elle affiche son ignorance tout en critiquant le domaine qu’elle ne connaît pas ! Bien sûr l’exposant est d’accord avec elle. Nul doute que les deux daënars n’ont pas besoin de moi pour se défendre, même si je doute de leurs motivations. Non, si j’interviens c’est que je trouve cette réaction aberrante. dans ce lieu de rassemblement. On n’arrivera jamais à sortir du conflit avec des gens comme ça ! Et je ne veux vraiment pas vivre dans un monde de chaos. Ma motivation première passe donc au second plan quand je prends la parole.

« Mais ça n’a pas de sens non plus ce que vous dites ! Vous êtes bien venu ici pour partager, échanger ! Chacun s’approprie les choses à sa façon et qu’est-ce que vous savez de ce qu’il pense ? »

Non mais vraiment !

Bon d’accord, j’aurais peut-être pas dû dire la dernière phrase, je me suis un peu laisser emporter. Bien que je le pense vraiment, ce n’est peut-être pas la chose à dire à ses my’trans qui font tout comme leur dit ces « Architectes ». Je ne comprends pas cette attitude : pourquoi se soumettre ainsi ? Enfin, c’est dit et je ne compte pas m’excuser ! Et je ne détourne pas mon regard de ces deux my’trans, j’assume ce que je dis. Je suis prête à discuter !

« Sans aller aussi loin, vous savez que vous ne pouvez pas critiquer notre idée sans savoir ce qu’est la photographie ! Surtout qu’on veut aller plus loin que cette dernière grâce à vous. Ce serait génial, un don que vous nous ferait ! »

Le beau parleur a repris la parole sans laisser le temps à l’autre de rebondir sur mes propos virulents, heureusement en un sens, peut-être ? Quoique, je suis quelque peu déçu de cette façon de fuir les problèmes. Je n’ai pas échappé pas à son regard courroucé -que je lui ai rendu !- qui s’était vite mué en un regard faussement bienveillant accompagné d’un sourire conciliant pour son interlocuteur. Eux-non plus je ne peux pas les sentir avec leur parlote et leurs léchage de pompe. Je ne les laisse parler que parce qu’il pourrait me faire découvrir des choses intéressantes.

« La photographie permet de capturer un instant et d’en garder l’image. C’est beaucoup moins bien que ce que vous avez là, sans couleur et figé même s’il existe de belle pièce ! On pourrait vous en montrer ? »

L’autre daënar lui donne un coup de coude moyennement discret apparemment, la discussion n’allait pas dans le sens qu’il souhaitait. Mais je crois que ça n’aurait rien changé, l’expert semble un poil énervé, en tout cas il est rouge écrevisse. Je crains que ce ne soit pas avec lui qu’aucun de nous trouvera son compte. D’ailleurs les premiers mots qui sortent de sa bouche ne sont guère conciliants...

Ah doux Zochlom...

Pour la plupart des gens ce continent est inhospitalier, insipide ou effrayant. Pourtant Allys avait voyagé l'esprit apaisé mais contenant malgré tout une certaine hâte. Son pays d'enfance lui manquait. A elle et à Alky sa fière monture. Le premier pas dans le sable chaud illumina le visage de la belle d'un sourire éclatant de pur bonheur.

Après s'être reposée au domicile familiale, la jeune femme se prépara. Elle enfila une longue robe blanche, ample et légère complétée par de fines dorures. Des sandales confortables mais élégantes et un long voilage, pour protéger sa tête et ses bras du soleil de braise, complétaient la tenue. Quant à ses prothèses, elle les recouvra de longs gants en dentelle délicate. Le tout était de rendre sa silhouette harmonieuse. Après tout elle était sur son propre terrain. Ni une my'tranne ni une daënare. Une femme du désert dans toute sa splendeur. La jeune femme empaqueta quelques affaires supplémentaires pour le chemin jusqu'à l'exposition en cas d'imprévus.

Par curiosité, Allys préféra se diriger vers le pavillon My'tran. Après tout, elle avait la ferme intention de se rendre sur le continent dans peu de temps, autant prendre quelques marques. Et puis, elle ne souhaitait pas spécialement croiser des groupies au pavillon Daënar. A coup sûre, elle aurait été fortement sollicité à expliquer ses inventions et ça il en était hors de question, elle ne venait pas ici pour être dérangée mais avant tout pour découvrir et c'était également un prétexte pour revenir chez elle.

Ses pas la menèrent tout d'abord dans les allées de la Foir'Dada, fortement animée à cette heure et elle se fit aussitôt interpellée par une dame à la forte corpulence habillée comme un arc-en-ciel croulant sous les bijoux.

« Mademoiselle, vous êtes aussi belle d'un saphir ! Mais à l'état brute. Il vous manque un petit quelque chose rayonner de milles feux, vous verrez ! Laissez-moi dont vous montrer ! »

Au fur et à mesure de ses paroles, elle avait empoignée la jeune femme et la tira vers un tabouret de bois dont elle l'y fit asseoir en ignorant les protestation de la mécanicienne. Il fallait avouer qu'elle avait une force de titan et le regard plus impitoyable que la daënare. N'ayant pas envie de se fatiguer pour rien, Allys fini par capituler et se laissa faire.

La bonne femme la poudra à l'exès, faisant voler des tonnes de pigments dans les airs et l'ingénieure éternua à plusieurs reprises. Elle se fit maquillée les lèvres d'un rose pale et souligné son regard de biche puis ses cheveux subirent eux aussi une coloration rose bonbon avant de se faire coiffer. Tirés, tournés, puis affublés d'un bijoux, la My'tranne fini par les laisser tranquilles. Elle se contenta de munir la jeune femme de bijoux à ses oreilles, son cou et son poignet. Visiblement satisfaite, la bonne femme se recula en admirant Allys.

«  Paaaarfaite ! »

Elle tendit un miroir et Allys battit des cils d'étonnement. Elle ressemblait à une souris géante ou lapin, au choix, mais étrangement élégante. Après tout, pourquoi pas ? Elle tendit une pièce à l'étrangère mais celle-ci repoussa sa main.

«  Pas la peine, je vous offre la transformation. »

Allys haussa alors les épaules et préféra changer de direction pour préférer l'exposition imagée. La pièce était bondée de monde, autant my'trans que daënars. Une jolie image de paix en somme... Peut être un brin utopique mais autant profiter de l'instant. Allys ne s'aventura pas au devant de la scène, préférant rester à bonne distance pour observer cet étrange spectacle. Vibrant de vie, les histoires s’enchaînaient, illustrées d'images projetées par la magie si bien que l'esprit de la jeune femme ne parvint plus au final à distinguer ce qui était vrai ou faux. Tout paraissait réel. Trop même.

« Une arme glaçante de beauté. » Lança une voix à ses côtés, mettant à voix haute sa propre pensée.
« Je suis bien d'accord. »

Allys avait renchérit sans vraiment faire attention à la personne placée à ses côtés. Pourtant, si elle avait été plus attentive, elle aurait remarqué qu'il s'agissait d'une jeune femme avait qui elle avait combattu quelques mois plus tôt pour sauver une My'tranne.

Premier jour au  Ciné’ranma en discussion avec Gwen, un responsable et deux daënars (pnj)

Les relactions entre Daënars et My’träns étant ce qu’elles étaient, leurs mentalités respectives étant ce qu’elles étaient, Meylan s’était attendue à des chocs culturels.  N’était-ce après tout pas le but de cette exposition?  Que chacun soit confronté à la culture de l’autre histoire d’obtenir une meilleure compréhension mutuelle?  C’était ce qu’elle avait cru comprendre des bribes d’échanges qu’elle avait saisies.  En revanche, elle ne s’attendait pas à une réaction aussi véhémente alors que son seul tort avait été d’exposer son point de vue.  Certes, elle avait critiqué une technique daënastre…  Mais avoir des opinions divergentes était encore autorisé aux dernières nouvelles.  

Le regard soutenu de la nouvelle intervenante donnait l’impression à Meylan qu’elle était mise au défi de riposter, mais une voix mielleuse lui en ôta temporairement l’opportunité.  En tant qu’actrice, elle savait reconnaître un rôle de composition quand elle en croisait un.  En ce moment, tout dans le ton et les manières des deux premiers Daënars était empreint d’un maniérisme tout simplement exaspérant à trop forte dose.  Et il semblait que cette trop forte dose ait déjà été atteinte en ce qui concernait le My’trän attaché au stand.  À moins qu’il ne fulmine toujours à cause de l’attaque lancée par la jeune femme un peu plus tôt.

"Alors, tout d’abord, personne ne ‘s’appropriera’  quoi que ce soit: cet art est un don de Khugatsaa, un don qui a pour but d’être partagé, mais qu’on ne peut pas posséder.  Si c’est ainsi que vous raisonnez, alors oui: ça en dit long sur votre façon de penser, quoique vous prétendiez."

Bon, et bien apparemment c’était bien la jeune femme qui l’avait fait sortir de ses gonds: pas de doute possible au sujet de la cible du regard assassin dont il accompagna sa tirade.  Bien que Meylan soit assez d’accord avec lui sur le fond, elle doutait que s’emporter ainsi soit une excellente idée.  Elle fut donc satisfaite de voir que l’homme s’était au moins un peu calmé pour s’adresser aux deux autres Daënars.  Une pointe d’indignation perçait toujours dans sa voix, mais au moins elle était contenue.

"Image figée ou non, en couleur ou non, ce que vous décrivez revient à contraindre de l’art dans un carcan qui n’évoluera plus.  Le propre de ces représentations est de toucher le public en faisant précisément l’inverse: c’est une adaptation continue à ses réactions pour le plonger au coeur de l’histoire.  Même si vous parvenez à fixer des bribes de cette représentation sur un quelconque support à l’aide de votre technologie et même si ces images bougent et sont colorées, vous aurez perdu l’âme de la personne qui se trouve à leur origine.  Votre résultat sera froid, invariable, impersonnel."

Là, ce fut aux deux autres de prendre la mouche apparemment.  En tout cas, leurs expressions avaient perdu un peu de leur superbe et de leur bienveillance (frôlant le paternalisme), ce qui n’était pas plus mal.  Bien que Meylan se réjouisse de les voir un peu remis à leur place (elle tolérait en général assez mal la condescendance, même enrobée de fausse modestie), elle ne souhaitait pas franchement voir une bagarre en règle (fût-ce-t-elle verbale) se déclencher.  Cela aurait probablement jeté un voile sur l’ambiance de l’événement, du moins aux alentours de ce stand.

"Oui, je suis en effet venue par curiosité, pour découvrir de nouvelles choses et pour échanger.  Un échange suppose que les deux partis apportent quelque chose de constructif au débat.  J’ai donné mon point de vue au sujet de cette proposition, mais je ne vous ai pas entendu apporter d’élément constructif pour soutenir le vôtre.  C’est une chose de s’exprimer avec force, c’en est une autre de soutenir ce qu’on exprime avec des arguments."

Son ton restait calme et mesuré, car elle voulait éviter de jeter de l’huile sur le feu.  En revanche, elle ne pouvait empêcher ses yeux de se planter fermement dans ceux de l’inconnue.  Elle lui rendait en quelque sorte son défi: parviendrait-elle à la convaincre?  En faisant cela, Meylan ignorait complètement les deux autres Daënars: elle ne tenait pas à leur tendre des perches pour les voir reprendre leur charge mielleuse.  L’autre n’avait apparemment pas sa langue en poche et un avis bien tranché sur la question.  Cet avis l’intéressait plus que les calculs de deux hypocrites.

[Premier jour, le matin 2h après l'ouverture : Le Ciné’ranma]

Après avoir discuté et posé toutes ses questions, Alises notait une discussion entre trois compatriotes et deux my'träns. Elle attendit que les my'trans acheva leurs discours.

- Veuillez m'excuser de m'incruster ainsi et j'espère ne pas être hors sujet mais je me permets de revenir sur ce que vous avez dit.

Impersonnel... Je crois que cela serait impossible. Imaginons un simple fait : une personne debout devant la porte. Elle n'exprime aucune émotion. Selon l'angle, la lumière ou la distance vous parviendrez à faire ressentir différentes émotions. Et si vous ne me croyez pas, il suffit de voir les tableaux. Les émotions du peintre sont perceptibles, un tant soit peu qu'on y soit sensible. Il en sera de même avec une amélioration de la photographie. L'auteur des images pourra y transmettre son idée, de même qu'un my'trän utilisant sa magie.

Il ne pourra seulement pas expliquer son idée, ni s'adapter au public. En cela, je pense que l'auteur d'une telle œuvre via cette technologie sera plus sincère envers ce qu'il veut faire. Car il ne pourra pas se cacher derrière un public ou derrière une réadaptation de son projet.

L'avantage que vous aurez, c'est que vous pouvez représenter tout ce que vous voulez sans limite du support. Ce qui permet une plus grande souplesse.

Deux de ses compatriotes semblaient bouches bées devant cette concession. Aussi Alises se tourna vers eux :

- C'est une évidence. Même si nous développons notre technologie jusqu'à atteindre une qualité comme la leur, nous aurons toujours un support. Ce qui impliquera aussi une sélection de base sur les personnes pouvant ou non se permettre d'utiliser la dite technologie.

J’en crois pas mes oreilles. Tant de mauvaise fois ! L’un comme l’autre critique quelque chose qu’ils n’ont jamais vu ! Sont-ils aussi méprisant envers les peintres ? Eux aussi font des images figés. Et que des dire des livres sans aucune illustration ?! Je sais qu’ils n’ont pas d’imprimante mais ils ont des livres : j’en ai vu dans les librairies vendu hors de prix. Sa façon de pensée comme il disait été très réductrice. L’autre my’trane m’agaça encore plus avec son histoire « d’arguments ».   Les trois autres étant accaparés par la nouvelle venue que j’ignore totalement, j’ai tout le loisir de répondre à son semblant de bonne volonté tout aussi factice que celle des deux daënars au final.

« J’ai du mal à voir les arguments dont vous parlez ?! Vous avez dénigré une chose que vous reconnaissez n’avoir jamais vu ! Quel sens du partage vous donnez quand vous le refusez quand on vous le propose ! Ça marche dans les deux sens ! »

Mon ton est loin d’être aimable. J’ai abandonné l’idée d’apprendre des choses utiles à ce stand : vu la mauvaise grâce de ce my’tran, je doute que le détournement de ces illusions pour notre technologie viendra d’ici. Peut-être qu’au final je suis aussi déçue qu’énervée, je ne sais pas pourquoi je pensais les my’trans différents. Ce n’est pas faute d’avoir une mauvaise réputation par chez nous…

« Quant au spectacle s’il est très bien exécuté, il manque cruellement d’intérêt. Pour voir une scène aussi banale, je peux simplement me promener dans n’importe quel petit village. Plus insipide que bien des livres que j’ai pu lire ! »

Bon, j’ai dévié quelque peu la conversation. Je ne peux guère dire que mon intérêt dans le projet des deux n’est nullement artistique et que je ne suis intéressée que par la potentielle utilisation de cette technique à des fins criminelles.

Alors que je me tais, j'entends les derniers mots de l'autre conversation :

«C'est une évidence. Même si nous développons notre technologie jusqu'à atteindre une qualité comme la leur, nous aurons toujours un support. Ce qui impliquera aussi une sélection de base sur les personnes pouvant ou non se permettre d'utiliser la dite technologie. »

Je tourne mon regard vers l'oratrice, pour découvrir Alisthiana. Ça ne m'étonne pas du tout d'elle ces propos élitistes. Voilà qui devrait plaire à la my'trane en face de moi ! Son discours à l'air bien plus aux normes qui l'intéressent.

Une exposition universelle ouverte aux deux partis. Quelle merveilleuse et pourtant ô combien étrange idée. Certaines de ses confrères avaient été beaucoup moins enthousiaste qu’elle suite à cette annonce, de sorte qu’elle ne pensait pas que beaucoup de Khorog se rendrait là-bas. Un piège pour certain, une infamie pour d’autres ou encore de l’espionnage. C’est vrai que l’on pouvait se méfier : n’y avait-il pas une préparation guerrière caché derrière l’innocence des démonstrations ? L’idée que les daënars puissent étudier leur magie pouvait effectivement être inquiétante, mais le monde n’avancerait jamais si l’on laissait la méfiance étouffée toute velléité de paix.

C’est pour cela qu’Ayael s’y était rendu. Malgré les risques et le trajet à dos de créature volante qui lui avait donné le mal de l’air – un comble pour une Khorog d’Amisgal – elle était venue. Car elle voulait voir dans cette exposition l’occasion de poser les premiers jalons d’une paix durable. La coopération passait par la compréhension et s’était exactement les conséquences de cette exposition : chaque peuple exposait ses merveilles, montrait le beau chez lui… Du moins, c’est ce qu’elle souhaitait.

Le fait est que, sa haine de la technologie était viscérale. Elle avait voulu bravement entrer dans le pavillon daënars mais elle avait aussitôt crachée ses tripes prises de terribles nausées à la simple vue de quelques rouages judicieusement assemblés. Son lien avec son Architecte était trop fort pour toléré la présence d’autant de technologies et elle en était navrée. Elle qui était venue pour faire connaissance avec les daënar dans l’espoir un peu fou de mieux comprendre ce peuple, n’avait pas physiquement les moyens de son ambition…

Par dépit – et parce qu’elle n’avait pas fait ce trajet pour rien – Ayael décida donc de déambuler dans le pavillon de son peuple pour admirer les merveilles qui étaient proposées. Après tout, c’était aussi l’occasion de voir ce qui se faisait de plus exaltant à travers son continent, le tout réunis à un même endroit ! Elle qui adorait voyageait et qui amassait le savoir comme un lithophiliste collectionne les pierres ne pouvait pas manquer cette opportunité.

De toutes les attractions, c’est le ciné’ramna qui avait trouvé grâce à ses yeux. Un nouveau moyen de conter des histoires : elle ne pouvait pas manquer ça. C’est ainsi qu’elle pu admirer les images champêtres qui coulaient sous les yeux, criante de réaliste au point qu’elle se sentait hypnotisée. Ses plaines verdoyantes elle voulait les parcourir pied nu et sentir les brins d’herbes effleurer sa peau. Quel dommage cependant que l’histoire racontée était si creuse, presque inexistante. En fait, c’était une scène pas une histoire.

Silencieuse, elle regardait de loin la dispute – ou du moins conversation houleuse qui avait éclaté – mais avant qu’elle n’ait pu chercher à comprendre de quoi il retournait, elle fut attirée par quelques paroles murmurées dans le bruit.

« Une arme glaçante de beauté. »
« Je suis bien d'accord.

La présence des daënars autour d’eux suffisaient à lui provoquer de légers vertiges. Leur montres, leur étranges lunettes et autres accessoires farfelues alourdissait l’air et les énergies, mais fidèle à elle même, Ayael dissimulait son trouble et ses nausées sous un sourire affable et chaleureux.

« Voilà de bien tristes pensées », commenta-t-elle ouvertement en s’adressant aux deux jeunes femmes qui semblaient tomber d’accord sur ce point.

Ne cherche pas la guerre mais soit y toujours préparé.
Elle pouvait comprendre leur réflexes, leur méfiance, mais cela restait dommage.

« Qu’est-ce qui vous inspire tant de crainte dans ce tour de magie ? », demanda-t-elle ensuite curieuse, penchant légèrement la tête sur le côté ce qui fit tintinnabuler ses éternels colifichets.

Plus que jamais, elle n’avait pas cherché à cacher sa spiritualité - c'était une occasion de se faire remarquer après tout - mais face à tous les costumes extravaguant et les illusions, elle passait presque inaperçu dans sa robe pale, pieds nus, les cheveux émaillés de plumes et de petits minéraux mais maintenant que ses yeux trop clair étaient plongés sur eux, elle doutait de passer inaperçu.

La réponse l’intéressait réellement, car elle même n’arrivait pas à songer quel mal pouvait naître de ces jolies illusions qui portaient bien leurs noms : elles n’étaient pas tangibles. Certes, elle en avait rarement vu d’aussi complexes et complètes, mais elle restait du vent.

« Voilà de bien tristes pensées »

Allys était perdue dans ses pensées, aggripée à l'idée que la magie my'tranne provoquait en elle autant de fascination que d'angoisse. C'était étrange, elle qui avait pourtant grandit auprès d'une des leurs. Mais... Il s'agissait de sa mère et la seule My'tranne qu'elle connaisse réellement. Il y a deux mois, elle avait volé au secours d'une jeune mage mais celle-ci n'était qu'une enfant, bien loin de sa patrie qui plus est, comme le fut Allys auparavant. Cela n'avait rien à voir avec le fait de se tenir au cœur d'une foule My'tranne et de voir l'étendue de leur puissance, aussi gentillet que fut cette démonstration.

Pourtant, malgré sa confusion intérieur, elle revint à elle grâce à la douce voix chaleureuse d'une mage. La femme du désert se tourna alors afin jauger sa nouvelle interlocutrice. Il se dégageait d'elle une douceur maternelle. Sa tenue dessinait ses courbes de manière sensuelle mais le tissu était simple, passe-partout et l'étrangère ne portait pas l'ombre d'une chaussure. Autre élément intéressant, sa longue chevelure était parfaitement entretenue et sa peau aussi pâle que son regard. Il devait s'agir d'une femme de haute stature tant sa peau semblait immaculée et sa stature fière et droite. Allys contrastait parfaitement. Sa peau avait retrouvé rapidement des couleurs au contact du soleil de braise de zochlom, comme s'il s'agissait d'un vieil ami. Elle portait une tenue simple mais plus adaptée à cette contrée. Quant à son allure, il était clair que malgré son statut d'ingénieure, la jeune femme n'avait pas peur des travaux manuels, elle en avait gagné une silhouette svelte malgré ses formes au combien généreuses. En revanche, contrairement à July, Allys n'avait rien d'une daënare en apparence. Ses prothèses étaient masquées à la perfection et elle ne portait pour l'occasion aucun élément perturbateur pour les My'trans. Elle représentait seulement fièrement la contrée de Zochlom.

« Qu’est-ce qui vous inspire tant de crainte dans ce tour de magie ? »

La question était tout aussi légitime que la réaction des deux femmes. Les My'trans ne pouvaient voir la dangerosité de leurs dons puisqu'ils craignaient ceux des daënares. Ce qui effrayait les deux nations relevait d'une peur de l'inconnu.

« Ce n'est pas le tour en lui-même qui m'inspire de la crainte. Ce qui me glace le sang c'est d'imaginer l'usage qu'il peut en être fait si les événements dégénèrent encore plus entre les deux nations. L'illusion est certes inoffensive physiquement mais elle est si réelle qu'elle peut facilement retourner les esprits. »

« Je suis bien d'accord. »

Je me retournais pour voir d'où venait ces paroles qui m'avaient surprise tant je pensais avoir parler bas. Quelle ne fut pas ma surprise de reconnaître une jeune femme à l'allure sportive, dont les cheveux blancs, semblables aux miens, contrastaient avec sa peau halée. Nous avions combattu ensemble et ça ne s'effaçait pas facilement d'une mémoire. Sans même connaître son nom, un lien s'était créé entre nous lors d'une bagarre générale et même après que des mois se soient écoulés, je me souvenais parfaitement de l'amie de Hex.

« Voilà de bien tristes pensées »

Des pensées réalistes plutôt, ne pus-je m'empêcher de penser. Les utilisations du pouvoir de l'illusion étaient tellement variées, alliant à la fois beauté et horreur, des rêves éveillés à des cauchemars sans noms. La personne qui venait de parler était une my'trän, cela se voyait à des kilomètres à la ronde. Sa tresse était peut-être ce qui la rendait la plus magicienne : entremêlés dans ses cheveux, des breloques de toutes sortes scintillaient. Elle paraissait profondément gentille, dégageant une aura d'amour et de paix. Sauf que j'avais appris à être méfiante en toutes circonstances. Il était possible que derrière ce visage angélique se cachait une manipulatrice de renom. A l'instar des illusions, tout n'était peut-être qu'une façade trompant habillement la vérité.

« Qu’est-ce qui vous inspire tant de crainte dans ce tour de magie ? »

Cette question me stupéfia tant elle était un signe d'une naïveté profonde. Du moins, c'était comme ça que je le percevais. Ne voyait-elle pas toutes les utilisations perverses et retorses qu'une simple illusion pouvait receler ? Avec un brin d'imagination et de pouvoirs, tout était possible. Si une guerre éclatait, nul doute que les deux côtés utiliseraient leurs habilités. Et je n'osais imaginer nos pauvres soldats face à leurs pires cauchemars. Nous retrouverions des corps sans âme, des coquilles vides aux cerveaux retournés. Alors ne pas comprendre, et encore moins imaginer cette crainte me paraissait ébahissant et naïf. Réfléchir à tout ça me mit profondément mal à l'aise et dans un toc absurde, je m'empressais de remettre mes lunettes posées sur mon front, droites, bien qu'elles l'étaient déjà.

« Ce n'est pas le tour en lui-même qui m'inspire de la crainte. Ce qui me glace le sang c'est d'imaginer l'usage qu'il peut en être fait si les événements dégénèrent encore plus entre les deux nations. L'illusion est certes inoffensive physiquement mais elle est si réelle qu'elle peut facilement retourner les esprits. »

Le point de vue d'Allys me conforta dans mon idée. Je n'étais pas la seule à penser à la guerre et aux multiples usages de ces illusions. Tout le monde était tellement à cran ces derniers temps que cela ne me parut pas étrange du tout. Entre les attentats perpétrés par des mages fous et la rengaine de l'UNE sur la sécurité, il était devenu impossible de ne pas y penser. Même les journaux se mettaient à en parler chaque jour, avec leurs propos ressemblant plus à de la propagande qu'autre chose.

« L'esprit non préparé des daënars ne verraient pas la différence, même si nous connaissons l'existence de vos illusions. Un cauchemar éveillé pour des milliers de soldats, imaginez donc. Et ça, certaines personnes l'ont bien compris. Je paris que certains sont venus jaugés les atouts et faiblesses des deux peuples. Nul doute que les illusions ne manqueront pas de les intéresser. Et pas pour leur côté esthétique j'en ai peur. »

Je n'étais pas venue pour ces raisons, fort heureusement mais en voyant toute la pourriture sévissant dans le monde, il me paraissait probable que des individus sans scrupules soient venus précisément dans ce but. Si seulement chacun pouvait vivre de son côté, sans espérer profiter des ressources des autres.

Entre le responsable du stand qui campait sur ses positions et la première Daënar qui, quand elle ne s’emportait pas, faisait de même, la conversation était fort mal partie.  Si elle était totalement honnête envers elle-même, Meylan devait admettre qu’elle avait peut-être été un peu rapide à condamner quelque chose qu’elle ne connaissait même pas sur base de bribes d’une conversation.  Mais en ce moment, l’irritation générale commençait petit à petit à la gagner.  L’arrivée dans la conversation d’une voix plus modérée, plus nuancée, était donc une excellente chose, car elle permit à la ménestrelle de prendre un peu de recul.

La comparaison entre la photographie et un tableau était une très bonne idée.  Si Meylan ne connaissait pas la première technique, elle avait beaucoup de respect pour les peintres et leur art et il ne lui viendrait pas à l’idée de les dénigrer.  Le changement de ton non plus n’était pas sans effet, et il fit sortir la My’tränne de la position défensive dans laquelle elle avait commencé à se retrancher.

Bon, évidemment, cela n’aurait pas dû être une surprise que l’autre Daënar remette de l’huile sur le feu.  Meylan sentait son compatriote bouillir à côté d’elle, aussi elle lui coupa la parole avant qu’il puisse en rajouter une couche lui aussi.  Contrairement à ce qu’on pouvait penser d’elle, elle ne souhaitait pas créer une scène en plein festival sensé célébrer les cultures my’tränne et daënar.

"En effet, si votre photographie est capable de reproduire des effets semblables à la peinture, elle n’est pas aussi froide que je l’imaginais.  Quant à la question de la sincérité… il me semble que sa réponse est plus nuancée.  Le but de l’adaptation à un certain public est avant tout de le faire résonner à l’unisson avec la représentation, pas de faire office d’écran de fumée.  L’artiste en tant que personne seule n’est rien.  C’est son art qui compte, et sa manière de se lier à son public.  Un artiste, qu’il soit peintre, acteur ou chanteur, qui ne prend en compte que son propre point de vue risque très vite de s’enfermer dans une tour d’ivoire.  Dans ces conditions, la sincérité dont vous parlez peut trop vite se muer en arrogance, bien que cela ne soit pas nécessairement le cas."

C’était clairement la ménestrelle en elle qui parlait, la jeune chanteuse qui avait débuté dans les spectacles de rue et ne devait son succès actuel qu’au bon plaisir du public.  Elle aimait ce qu’elle faisait, mais si elle voulait continuer dans cette voie, elle ne pouvait pas se permettre d’être la seule à aimer son art.  Sans compter qu’elle aimait l’alchimie subtile qu’était sa relation avec son public lors de chaque représentation et rien ne la comblait plus que quand elle avait le sentiment que leurs coeurs battaient à l’unisson.  Une fois ce point clarifié, elle se tourna vers la plus catégorique des Daënars, heureusement assez calme cette fois.

"L’exécution d’un tel spectacle est précisément l’intérêt principal de cette démonstration.  Pour en montrer toutes les possibilités, il faut offrir du contenu diversiféi.  Si vous étiez arrivée un peu plus tôt, vous auriez pu constater que le programme varie afin que chacun puisse trouver un sujet à son goût.  Au fait, regardez derrière vous."

Dans 90% des cas, les personnes entendant cette phrase se retournaient, ne fut-ce que par réflexe ou par curiosité.  Et, heureusement pour Meylan, cette femme faisait partie de la majorité des cas.  À peine se fut-elle retournée, elle pourrait voir une silhouette couleur de feu se rapprocher à toute vitesse d’elle.  Ladite silhouette s’arrêta à un demi-mètre de son visage en ouvrant ses ailes, révélant qu’il s’agissait d’un phénix crépitant et d’un réalisme assez impressionnant.  Ledit phénix ne dura pas longtemps et disparut sans faire de bruit quelques instants plus tard.  L’instigatrice de la scène avait les yeux pétillants et un sourire sur les lèvres quand elle conclut.  Rien de moqueur là-dedans, mais le plus honnête des amusements.

"Je tiens à préciser que ma maîtrise de l’art des illusions est assez basique: je ne peux exécuter que très peu d’illusions avec un tel degré de détail.  Les maîtres illusionnistes, en revanche, sont capables de plonger une personne toute entière dans un univers imaginaire, comme vous avez pu en avoir un avant-goût.  C’est une expérience qui peut être déroutante au premier abord, même pour un My’trän.  Pensez-vous que la moyenne des Daënars visitant ce stand seraient ravis de se trouver nez-à-nez avec un dragon plus vrai que nature?"

[Premier jour, avec Gwen, Meylan, un responsable pnj et deux daenars pnj : Le Ciné’ranma]

Elle écouta alors avec attention la réponse de la deuxième my'trane qui était présente. Cette dernière semblait une demoiselle calme et ouverte à une discussion argumentée et posée:

- En effet, si votre photographie est capable de reproduire des effets semblables à la peinture, elle n’est pas aussi froide que je l’imaginais. Quant à la question de la sincérité… il me semble que sa réponse est plus nuancée. Le but de l’adaptation à un certain public est avant tout de le faire résonner à l’unisson avec la représentation, pas de faire office d’écran de fumée. L’artiste en tant que personne seule n’est rien. C’est son art qui compte, et sa manière de se lier à son public. Un artiste, qu’il soit peintre, acteur ou chanteur, qui ne prend en compte que son propre point de vue risque très vite de s’enfermer dans une tour d’ivoire. Dans ces conditions, la sincérité dont vous parlez peut trop vite se muer en arrogance, bien que cela ne soit pas nécessairement le cas.

Elle avait donc parlé sans connaitre. C'était une erreur fréquente qui conduisait à des discussions stériles et fâchées tout le monde. Elle ne le savait que trop bien et tout scientifique avait conscience qu'il valait mieux demander et poser des questions. Mais la jeune femme poursuivait et s'adressait à Gwen. Alises ne l'avait pas vu tout d'abord et lui sourit simplement. Le service que lui avait rendu la voleuse n'avait pas de prix à ses yeux et la jeune zoologue savait se montrer reconnaissante.

Elle observa alors l'illusion et sourit quand la my'trane suggéra un dragon :

- J'espère qu'ils apprendraient à apprécier de voir un dragon en illusion. Cela serait d'une telle utilité pour l'enseignement des jeunes générations. Une question me taraude l'esprit. Je suppose que cet art, Alises avait fait bien attention à employer le terme utiliser par la my'trane pour ne pas la vexer a une sorte prix à payer, comme toute chose de la vie. Y a-t-il le moindre danger pour les créateurs ou les observateurs ? Je sais que certaines personnes atteintes de maladie psychiatrique vivent dans des mondes étranges et irréelles. Certains peintres daënars se perdent dans leurs toiles et leurs univers. Cela peut-il arriver à ces artistes ? ou alors une personne qui chercherait à trop en voir ?

Elle espérait sincèrement ne pas avoir choqué mais il est vrai qu'elle se disait que tout don ou art avait son lot de...poids. Sa propre passion pour la science avait mis en danger ses adorables bébés. C'était surement la pensée de ces dernières qui l'avait poussé à demander cela.

Ma mine reste dubitative tout le long de son discours. Elle parle d’arrogance mais de quoi eux-mêmes avaient-ils fait preuve sinon de ça ?! Ne parlons pas de l’argument vaseux, c’était mieux avant… Peut-être, mais ça ne change pas le fait que le spectacle auquel j’ai assisté n’avait d’intérêt que l’aspect technique, la création magique. Enfin bon, pourquoi pas me retourner et voir si elle n’a pas mieux à offrir ?

J’ai un mouvement de recul réflexe lorsque je vois la bestiole s’avancer vers moi. Une illusion hmph ! Bien fait, alors pourquoi se contenter de ces scènes insipides ! La my’trane a donc peur que les gens éprouvent des émotions, quel non sens. Les daënars sont capables d’apprécier un bon spectacle si tant est qu’on les prévient de la supercherie. Et ce serait tellement plus utile pour moi !

Je ne peux qu’approuver les dire d’Alisthiana. Décidément, cette scientifique me surprend : ces questions sont pertinentes même si leur origine m’intrigue. Bien sûr je lui ai rendu son sourire plus tôt : la voir est un signe de richesse, chaque fois j’ai le droit à une somme rondelette.

« Je dirais même plus que ça captiverait les enfants ! Les histoires de dragons restent célèbres. Je ne comprends pas l’intérêt de ces scènes insipides quand on peut faire ça. »

Pas la peine d’en rajouter des masses, je ne cherche pas spécialement l’affrontement. Même si je n’hésite pas à dire ce que je pense au risque de froisser les autres. Bien loin des efforts de ma voisine pour parlementer.

Et puis, j’aimerais entendre les réponses des deux my’trans à ces questions. Il faut croire que les deux autres daënars aussi puisqu’ils n’ont rien ajouté. Ou alors sont-ils sur le point d’abandonner la partie ? Pour ma part, je reprendrais mon chemin dès cette discussion close. Il n’y a rien de plus à voir et si j’apprécie la compagnie d’Alisthiana, nous ne sommes pas amies. Ne parlons même pas de cette my’trane.

Le ton plus calme de la discussion semblait désormais s’être étendu à tous ses participants, et même le compatriote de Meylan avait perdu la teinte (intéressante mais inquiétante) rouge pivoine qu’il avait arboré jusque récemment.  Bien, la conversation ressemblait maintenant plus à un échange de points de vue qu’à une série de déclarations de guerre.  Le thème des dragons parlait apparemment au responsable du stand, car il s’empressa de justifier leurs choix de programme.  D’adepte de Khugatsaa offensé, il était redevenu le responsable de la communication d’un stand du festival.

"Navré, mais pas de dragons en vue pendant ce festival.  Nous avons eu quelques ennuis dans le public ce matin après une interprétation de la légende de Khar Darsan, donc notre programme a été revu à une taille plus…humaine.  Par contre, si vous préférez une histoire complète à des scènes servant surtout de démonstrations techniques, je vous conseille de repasser en milieu d’après-midi, au crépuscule et deux heures après la tombée de la nuit.  Nous jouerons les trois volets de l’Epopée des Songes, une légende khurmaguienne généralement assez appréciée."

En entendant les noms de ces deux oeuvres, les yeux de Meylan s’illuminèrent.  Bien qu’elle n’ait pas d’oeuvre préférée à proprement parler, celles-ci auraient été d’excellentes prétendantes au titre si cela avait été le cas.  Rien que le thème et l’arrangement musical pouvaient les rendre captivantes.  Si en plus ces illusionnistes y ajoutaient leur art, l’expérience promettait d’être exceptionnelle.  Par conséquent, sa voix se teinta d’une admiration non feinte.

"Vous avez une version de la légende de Khar Darsan sous cette forme?  C’est… ça doit être captivant!"

Les mots étaient son domaine, mais en ce moment ils lui faisaient défaut face à l’énormité que l’autre venait de lâcher.  "Captivant" était un terme bien faible comparé à ce qu’elle voulait exprimer.  Mais vu le sujet de cette légende, pas étonnant qu’elle ne soit pas adaptée à tous les publics: elle était déjà impressionnante rien qu’en version orale.  Les yeux de Meylan brillaient quand elle se tourna à nouveau vers les Daënars qui venaient d’assister à son enthousiasme spontané.

"Je ne sais pas pour combien de temps vous aviez prévu de rester, mais je vous conseille d’assister aux trois volets de l’Epopée.  Bien sûr, le dernier est le plus spectaculaire…mais vous manqueriez toute la beauté de l’histoire si vous décidez d’ignorer les deux premiers."

De son côté, Meylan préférait la poésie du second volet aux images grandioses évoquées par le dernier.  À force de jouer différentes versions de l’histoire, elle avait en tête son déroulement entier en images aussi vivaces (voire plus) que ses propres souvenirs.  La différence était qu’elle aurait été incapable de projeter le quart du tiers de ces images sans s’effondrer d’épuisement.  Une chose était sûre: elle savait où elle se trouverait durant les trois créneau horaires indiqués.  Son humeur grandement améliorée, elle se souvint soudain que l’une des Daënars avait posé une question il n’y a pas si longtemps, et qu’elle attendait toujours une réponse.  Bon, autant lui en offrir une alors.

"J'imagine que rien n'est absolument sans risque.  J'ai en effet entendu parler de mages qui se sont épuisés à la tâche ou qui ont fini leur vie à moitié fous.  Cependant, je pense que ça en dit plus long sur leur personnalité que sur un quelconque danger lié aux dons de Khugatsaa.  Créer une illusion recquiert de la concentration, et se concentrer pendant trop longtemps est épuisant.  Mais c'est vrai de n'importe quelle activité physique ou mentale intensive, et il faut connaître ses limites.  Quant à la folie, vous l'avez dit vous-même: d'autres artistes en sont parfois les victimes aussi.  À nouveau, c'est la personnalité d'un individu qui compte, plus que sa qualité de disciple de Khugatsaa."

Les mages animant le Ciné'ranma étaient un exemple excellent pour illustrer le discours de Meylan: ils avaient une maîtrise de leur art qu'elle n'avait jamais vue égalée, mais ne semblaient ni fous ni au bord de la syncope.  Tout était une question de discipline personnelle et de garder les pieds sur terre et la tête sur les épaules.

"Pour ce qui est des spectateurs...  Je dirais qu'il n'y a pas de danger à proprement parler pour eux, mais certaines personnes réagissent assez mal à ce genre d'illusions.  Ça peut aller d'un simple mouvement de recul dû à la surprise à une véritable crise de panique.  Les réactions sont les plus marquées chez ceux qui ont le moins de familiarité avec les pouvoirs de Khugatsaa: soit ils s'émerveillent, soit leur esprit a une réaction de rejet catégorique.  Et, bien sûr, plus une illusion est réaliste et stimule de sens, plus la réaction sera forte."

Ce qui expliquait les conséquences que la légende de Khar Darsan avait eues durant la matinée et les précautions que les illusionistes prenaient depuis.  Si les suppositions de Meylan étaient correctes, cette illusion-là n'avait très probablement pas été uniquement visuelle, mais également auditive, olfactive, sensible et peut-être même un brin émotionelle.  Une entreprise ambitieuse, surement grandiose, mais probablement trop poignante pour un public encore peu accoutumé à cet art.