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Chroniques d'Irydaë
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 Chasse à l'homme [Terminé]

Invité
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Chasse à l'homme [Terminé] - Page 2 EmptyDim 12 Nov - 20:58
La rouquine s’était emmitouflée comme elle le pouvait, créant une petite bulle de chaleur réconfortante autour d’elle. Plongeant doucement dans un univers bien différent de la réalité, glissant dans des songes beaucoup plus apaisants. Nulle tribu cannibale dans ses songes, nul marchand d’armes étrange, nul blessure et œil contourné de noir. Aurore s’était endormie profondément, ne laissant que sa respiration intense et calme être perceptible dans son environnement, son abdomen se gorgeant d’air et se dégonflant au rythme de ses inspirations et expirations. La rouquine n’avait jamais connu de sommeil réparateur, ni même de nuit sans rêve, sa conscience prenant toujours un malin plaisir à lui souligner les événements marquants de la journée, dans des représentations toutes aussi originales que perturbantes. Ces quelques heures d’endormissement ne furent pas différentes de celles habituelles, et son repos fut perturbé par quelques mouvements annonciateurs des troubles qui pouvaient animer son esprit pourtant endormi. Un mort, un stress important et cette incompréhension grandissante que l’homme sans magie avait insufflé en elle, se métamorphosait sous la forme d’un Chuluun géant doté du don de la parole. Grand imposant, qui pourrait tout détruire d’un simple battement d’aile, ou même d’un tout petit. L’animal dont la moustache qu’il ne devrait pas avoir frémissait n’avait de cesse de lui demander le but de sa vie, la raison de son existence. Il l’a regardait avec cet air réprobateur, ce jugement au fond des prunelles, comme-ci elle n’était rien, comme-ci elle n’avait jamais été rien hormis un être vivant sans objectif, sans raison d’être. Cette question revint à plusieurs reprises du bec de la créature : «  Aurore, de quoi as-tu peur ? Pourquoi restes-tu seule ? »

Ce fut un cri de douleur, féminin, qui la fit ouvrir les yeux dans un sursaut important. Plus de Chuluun, plus de moustache, plus de voix grave murmurant à son oreille. Juste un homme se jetant sur elle, se faisant interrompre par le non-mage et une femme au loin, déposant sa main sur sa blessure, appuyant avec force sur celle-ci. Aurore ne réalisa pas immédiatement ce qui était en train de se passer, son esprit encore embrumé et perturbé par ce songe étrange, elle se précipita néanmoins sur son arc, encocha une flèche qui fusa droit sur celle qui était déjà blessée, d’un geste de la main, la femme dévia la flèche, permettant à la rouquine d’identifier le don qu’elle possédait. Amisgal, contre Amisgal. Duel intéressant. La jeune mage avait un avantage, celle de connaître la faiblesse de son adversaire, le corps à corps, le même que le sien. Il ne fallait pas réfléchir, pas lui laisser le temps d’agir, sans quoi, elle perdrait son avantage. Des bourrasques, c’est tout ce que la rousse était parvenue à créer dans un premier temps, déséquilibrant celle qui lui faisait face. C’était un véritable duel de courant d’air, qui provoquait de brusques changements de température, ou menaçait de faire trembler l’environnement.


- «  Traîtresse ! » hurla la sauvageonne plus enragée que jamais «  Comment oses-tu te servir du don d’Amisgal contre ses adeptes ?! Meurs ! »

Une bourrasque plus impressionnante provoquée par la colère fut chuter la rouquine, l’envoyant rouler un peu plus loin contre l’engin technologique. Un peu sonnée, Aurore mit quelques secondes à se relever, avisant celle qui la dominait à présent de sa hauteur plus imposante que la sienne. Trop sûr de sa supériorité, la jeune femme avait formé une tornade autour d’Aurore, supprimant petit à petit l’oxygène tant nécessaire à la vie. À genoux sur le sol, la rousse suffoquait, tentant tant bien que mal de former sa propre tornade au sens opposé, sans réussite. Elle était à un niveau bien plus important que le sien, chose plutôt logique vis-à-vis d’une croyante en deux architectes. C’était le prix à payer d’aimer deux créateurs à la fois. Aurore ferma les yeux un instant, fouillant dans sa mémoire la façon dont étaient installés les éléments sur le campement de fortune avant de lever un courant d’air plus puissant juste au-dessus de son bourreau. L’adepte se mit à rire, certaine que la jeune femme venait de louper son attaque, son unique moyen de survivre, un craquement n’avait pas tardé à se faire entendre, avant que la branche ne s’écroule sur la silhouette tatouée. Stoppant immédiatement l’attaque qui venait de manquer de coûter la vie à Aure. Sur le sol, reprenant de grandes bouffées d’oxygène, la jeune femme semblait avoir quelque difficulté à retrouver une vision convenable, ou à remplir ses poumons d’oxygène. Se redressant néanmoins, elle n’avait absolument plus rien de la charmante petite pacifiste. Épuisée par cette lutte, par le fait que pour la deuxième fois en peu de temps elle manque de perdre la vie, lasse de se retrouver à de devoir prouver sa force,  a se justifier, à montrer qu'elle n’était plus une enfant. Elle s’approcha de son assaillante inconsciente, jusqu’à s’installer à califourchon sur elle, déposant ses doigts fins autour de sa gorge, serrant jusqu’à ce qu’elle celle-ci soit dans l’obligation d’ouvrir les yeux.

- « C’est toi, la honte d’Amisgal, toi et tous ceux qui agissent avec comme arme la même connerie. »

Serrant davantage son emprise, la rousse sentit peu à peu son incapacité à stopper son agissement. Animé uniquement par cette envie de se soulager, d’apaiser par un quelconque moyen la colère qui grondait en son for intérieur.  Son don se déclencha involontairement, plongeant dans l’esprit de l’assaillante, visualisant malgré elle ce qu’elle avait pu faire endurer a d’autre, ce qu’elle avait prévu de faire subir à son partenaire. Les yeux comme des billes, la rousse semblait avoir refait surface après un petit moment d’absence qui avait permis à sa victime de reprendre un peu d’air. Elle eut ce petit sourire provocateur à l’intention d’Aure, ce petit air étrange, celui de la victoire.

- «  Tu ne lui feras rien de tout ça, meurs. Tu ne feras plus rien de tout ça. » Souffla Aurore «  Ton cycle prend fin maintenant, que les architectes te pardonnent. »

La victime n’eut pas le temps d’entendre la fin de la phrase de la jeune femme, que déjà son corps s’anima de quelque soubresaut, ses yeux encore ouverts sans la moindre once de vie à l’intérieur. Elle était morte, son cycle venait en effet de connaître son point final. Constatant l’état de fait, Aurore finit par s’effondrer, les larmes roulant le long de ses joues, alors que les sanglots faisaient vibrer ses cordes vocales, elle semblait comme hystérique. Frappant le buste de sa victime, la tenant pour responsable de sa mort, de cette obligation, du fait qu’elle avait dû tuer par sa responsabilité.

- «  C’est de ta faute » hurla la rousse frappant davantage ce buste inanimé «  C’est toi, toi et ton attaque et ta vision, c’est de ta faute, je ne voulais pas… »

Ses doigts entrelaçaient les morceaux de tissus, ses ongles s’infiltraient sous la peau du cadavre, laissant des marques qui n’étaient pas prêtes de disparaître. Enfouissant sa tête au niveau de la nuque de sa proie, la rousse continua à sangloter un petit moment, laissant sortir cette foule d’émotion toute plus contradictoire les unes que les autres, sans jamais parvenir à se calmer. Un petit hoquet s’était même installé entre deux sanglots. Lentement, elle avait fini par se relever, sans pour autant donner l’impression d’être vivante, les traits de son visage déformé par le passage de ses larmes. Aurore s’avança jusqu’à ramasser son arc et son carquois, ignorant l’état du non-mage pour l’instant, ou plutôt ne le remarquant pas. État de choc, contradiction entre ses pensées et ses actions. Peu importe, tout son être semblait être réglé en automatique, là sans être là. Doucement, elle replaça son équipement, ramassa ses affaires ainsi que celle de son équipier de fortune, son corps animé par quelque petit soubresaut provoqué par son hoquet. Une fois toutes les affaires ensemble, une fois qu’elle avait fait tout ce qui était moins important que de vérifier l’état de Ludwig, elle s’approcha de lui, sans poser un seul genou à terre. Pied ancré sur le sol juste à côté de son visage, sa longue chevelure rousse flirtant avec les rafales de vent encore présente suite à l’affrontement, elle reprit enfin la parole. Sa voix était brisée, tremblante, tout aussi tourmentée que son esprit :

- «  Je te hais. » Dit-elle alors que les larmes semblaient de nouveau dévaler ses joues «  Je te hais, toi, Ludwig manipulateur et calculateur. » Poursuit-elle en déposant ce regard embrumé sur sa silhouette «  Tu n’as pas le droit de me faire changer, de m’imposer ton point de vue, tu n’as pas le droit de croire que le monde est gris, tu n’as pas le droit de me souffler que je fais erreur alors que tu es le premier à te mentir à toi-même. » Elle laissa ses larmes couler, sans chercher à en retenir une seule «  Je te hais » répéta-t-elle «  et je t’admire en même temps. Cela ne doit pas être évident ta solitude, d’avoir l’impression de tout maîtriser, d’avoir du pouvoir, alors qu’en fait, tu n’as rien. Qu’est-ce qu’il restera à ta mort Ludwig, non-mage et possiblement non-larbin de l’humanité, qui te pleurera, vous qui pouvez-vous souvenir de vos morts ? Qui s’intéresse à ta disparition ? Qui viendra te sauver ? Qui donnerait sa vie consciemment pour la tienne, toi qui ne crois qu’en l’être égoïste. » Elle prend une inspiration « Tu as raison, je suis faible, je ne suis pas un bon petit être à manipuler, parce que je crois différemment de toi. J’ai peur de m’attacher, j’ai peur d’être délaissé et même peur de me souvenir et de ressentir la souffrance de la perte. Mais je crois-moi, je ne me cache pas derrière qui que ce soit, ou quoi que ce soit. Je crois aux architectes, en l’humain, en leurs créations, je crois dans les couleurs que ce soit le blanc, le noir, le gris ou le rose. Et tu sais quoi ? Je pense même qu’Irydaë ne pourrait pas tourner sans bonne personne et sans souffrance, parce qu’il doit y avoir un équilibre. Et puis, au fond, tu n’es rien d’autre qu’un amas de chair voué à disparaître, peu importe ta façon d’avancer. L'unique chose qui te différenciera des autres, ça sera ceux qui t'entoure et ceux qui t'apprécierons toi et non l'image que tu offres. »

Elle tendit une main vers lui, alors que le vent redoublait doucement d’intensité, que ses jambes tremblaient, afin de l’aider à se relever si ce n’était pas déjà fait. Les larmes coulaient encore le long de ses joues, flot qui ne semblait pas être en mesure de s’arrêter, à moins que ce soit elle qui accepte enfin de ressentir quoi que ce soit, négatif ou positif.

- «  J’ai tué. » Dit-elle plus pour elle-même, pour rendre l’instant réel « Maintenant, allons-y, tes affaires sont sur ta gauche. Il faut partir. »

La jeune femme lui jeta un dernier regard, avant de lui tourner le dos, afin d’avancer vers le petit sentier à l’opposé de la direction d’où il venait. Parce que les autres allaient arriver, parce qu’elle avait pu voir ce qu’ils avaient l’intention de leur faire subir et qu’elle ne souhaitait pas que tout ceci se termine ainsi.  À lui de choisir, la suivre, lui répondre, ou rester là à suffoquer, à ressasser ses blessures, à faire preuve de faiblesse.

Ludwig Strauss
Ludwig Strauss
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Chasse à l'homme [Terminé] - Page 2 EmptyVen 17 Nov - 16:05
Irys : 1073433
Profession : [Officielle] Propriétaire d'industries de l'armement [Officieusement] Baron du crime
Daënar -2
Un long sifflement assourdissait les oreilles du quarantenaire. Ses yeux agars fixaient le ciel qui s’éclaircissait doucement à mesure que le soleil dévoilait lentement sa couronne flamboyante à travers l’horizon. Ses cils lui semblaient lourds, sans doute à cause des gouttelettes écarlates qui les recouvraient, telles des herses aux pétales de roses liquides. Un goût métallique enivrait ses papilles gustatives, plus forte qu’aucune boisson qui ait put toucher la surface de son palais. Son torse se mouvait rapidement au fil de sa respiration saccadée, la chemise déjà entachée par quelques nuances de rouge éparpillées en subtiles tâches rondes, peinture cramoisie sur une toile de soie.

Ludwig passa une main tremblante jusqu’à son visage et essuya le liquide poisseux et chaud qui le recouvrait. En regardant sa main à nouveau, elle avait prit une teinte noirâtre et glauque. La même teinte que celle qui recouvrait à présent l’acier de sa dague encore fermement serrée par l’étau de ses doigts blanchis. La même teinte que la flaque qui s’épanouissait lentement au-dessous du corps inerte du cannibale qui mesurait le sol de toute sa longueur, ses globes oculaires fixant un horizon que seule la mort pouvait dévoiler.

Décidément, il se demandait comment certains de ses sbires parvenaient à supprimer des vies si aisément. C’était toujours un choc de devoir le faire soi-même plutôt que de els orchestrer comme une simple statistique dans un tableau complexe. Il n’y avait rien de glorieux ou de plaisant dans ce qu’il venait de faire. Ce n’était que le fruit d’un instinct de survie bestiale qui l’avait poussé à sectionner la jugulaire de l’agresseur avec son arme de fortune sans la moindre hésitation. Si son esprit était troublé, son corps lui tremblait d’une excitation malsaine, dopé par les drogues naturelles et l’adrénaline que son organisme avait distribuée généreusement dans ses muscles. Il se sentait si … vivant. Ce n’était pas le goût de la victoire qui lui donnait cette sensation de force primaire mais bel et bien le fait qu’il avait surpassé le danger, qu’il s’était adapté et avait dominé la menace de mort. Une sensation terrible, à la fois jouissive et oppressante.

Puis vint Aurore qui semblait dans un état presque similaire et pourtant si différent. Son regard d’émeraude avait une teinte triste et lasse et le gentleman ne put s’empêcher de s’en sentir en partie responsable pour une raison qu’il ne pouvait exprimer. Puis il l’écouta. Ses paroles, ses remarques, sa haine envers lui et son point de vue sur le monde et sur l’amitié, le tout exprimé avec une voix émotive et des larmes qui s’écoulaient abondamment. Ludwig l’écouta sans broncher, trop épuisé pour réagir, trop sonné pour répondre. Comme un professeur sermonnant un élève trop têtu, elle lui fit la morale et lui écouta ses dires qui avaient un amer sens de vérité. Son front se plissa tandis qu’il fronçait légèrement des sourcils, mais aucun mot ne vint franchir la muraille de ses lèvres. Aucun argument ne semblait venir faire face aux paroles de la rouquine non pas parce que Ludwig n’en avait aucun, mais parce qu’il n’avait plus aucune envie de plonger dans un nouveau débat sur la vie et ses sens cachés. L’homme était las, fatigué, à bout. Il ne désirait plus qu’être libre. Libre de vivre, de faire ce que bon lui semble, de ne plus avoir à fuir pour sa vie.

S’emparant lentement de la main tendue, il se releva aussitôt, animé par une nouvelle force à l’origine inconnue. Il ne dit rien, se contentant de ramasser ses affaires et récupérer ses armes. Se penchant sur le corps du cannibale égorgé, il essuya la lame de sa hachette ainsi que celle de la dague sur ses vêtements ternes avant de suivre la chasseuse qui avançait avec détermination au sens opposé de leur fuite. Le brun ignorait quelle direction elle désirait emprunter mais préféra garder le silence l’espace d’un moment, ruminant sombrement les paroles de la jeune femme.

Ainsi le temps passa, le duo de survivants se taillant un chemin à travers la jungle, fauchant les plantes qui se dressaient en travers de leur route, évitant les obstacles naturels tels que des crevasses, des nids de frelons et d’autres entraves. Rien ne semblait les arrêter le long de leur avancée silencieuse dans le cœur de Niislegin si ce n’est ce qu’ils découvrirent un peu plus tard. Au détour d’un énorme tronc d’arbre écrasé sur le sol végétal, les deux évadés découvrirent une macabre découverte. Un totem avait été dressé au centre d’une petite clairière épargnée par l’épaisse végétation.  Une sorte de menhir grossièrement taillé et recouvert de mystérieuses inscriptions, runes et glyphes aux sens cabalistiques inconnus. Mais ce qui retenait l’attention c’était le squelette jaunis et poussiéreux qui était empalé contre le totem. Le cadavre rongé par le temps et les charognards affichait une expression de terreur mêlée à la douleur. Poings et pieds étaient cloués contre la surface de pierre par des pieux profondément enfoncés. Aux pieds du totem reposait un bol de bois de grande surface contenant un ensemble hétéroclite d’offrandes étranges : pattes d’oiseaux, ossements, queues de scorpions, colliers de coquillages et gris-gris grotesques.

S’arrêtant un instant, le daënar se permit une petite gorgée d’eau fraîche de sa gourde, rafraichissant son gosier assoiffé. Son regard fixait longuement l’œuvre des fanatiques, exemple parfait de l’horreur qu’ils promettaient à tous ceux qu’il jugeaient indignes de la sympathie des Architectes. Un hommage aux divinités et un avertissement aux étrangers assez fous pour errer dans ce territoire hostile et impitoyable. Si les bêtes ne vous dévoraient pas, si la faim ne vous terrassait pas, si le froid ou les maladies ne venaient pas à bout de vue au sein de cette forêt, alors ces démons à la peau humaine viendront vous cueillir et vous faire payer votre malchance au prix fort.

« Un juste équilibre, m’as-tu dis. Difficile d’y croire cependant quand je vois pareilles atrocités sous mes yeux. J’espère, Aurore, qu’il existe des êtres de pure bonté en ce bas-monde pour compenser les horreurs de ces fous. »

Inspectant les profondes griffures qui recouvraient cet étrange monolithe, il devina des traces laissées par ce qui semblait être des griffes acérées. Et pourtant elles formaient un complexe arabesque, trop complexe pour être l’œuvre d’un tigre qui ferait ses griffes sur la pierre. Puis il repéra la présence d’os rongés sur le sol et en les inspectant de la pointe de sa dague, il fut troublé par un fait étrange.

« Ces os semblent être les restes d’un animal carnivore, mais elles sont taillées à la manière de … sculptures primitives. C’est très étrange. »

Levant son regard de givre vers Aurore, il ajouta :

« J’ai bien peur qu’il existe des choses plus inquiétantes que ceux qui nous pourchassent. »

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Chasse à l'homme [Terminé] - Page 2 EmptySam 18 Nov - 0:07
D’un revers de main, Aure essuya les larmes qui dévalaient encore ses joues, d’abord le côté droit, puis le gauche, laissant derrière ce geste une trace de boue sur son visage. Les traits de la jeune femme n’exprimaient plus que fatigue, fatigue et lassitude. Ses idées s’entrechoquaient lamentablement dans son esprit, lui offrant en plus de la panoplie de souffrance qu’elle ressentait déjà, une migraine. Si elle n’avait plus lancé le moindre regard à son compère, elle n’en restait pas moins attentive aux bruits qu’il provoquait. Pour l’heure, elle n’était pas en mesure de lui accorder quoi que ce soit. Ni pause ni moment de répit, de détente ou quoi que ce soit d’autre, non, elle avait juste besoin d’avancer pour se donner l’illusion de survivre, de maîtriser un tant soit peu la situation. Difficile d’accepter de ne pas avoir le contrôle, de ne pas être en mesure de trouver le miracle qui sortirait le duo de ce calvaire, de ce moment désastreux. Difficile d’accepter la faiblesse provoquée par ses propres choix. L’incompétence de sa magie, qui se trouvait d’un niveau bien inférieur à ceux de ses poursuivants, difficile d’oublier les images qu’elle avait perçues, de la torture, des hurlements, des choses atroces qui attendaient les deux jeunes gens si l’étrange tribu parvenait à leur remettre la main dessus. Aurore n’avait rien dit, n’avait pas partagé cet état de fait, consciente que le marchand devait bien se douter de ce qui les attendait en cas d’échec.

Ses mains écartaient les branches qui faisaient obstacle à leur progression, pendant que son arc suivait les mouvements de son corps parfaitement maintenu dans son dos. Son carquois était à sa taille, tout comme sa gourde et le sac qu’elle avait emprunté au campement. À l’intérieur de celui-ci se trouvaient des plantes, des baies, rien de plus, rien de moins. Au fond, les deux fugitifs n’avaient pas grand-chose, pour ne pas dire absolument rien et les discordes qui pouvaient émerger des deux caractères bien affirmés n’arrangeait pas la situation. La rouquine n’avait cependant pas tardé à culpabiliser, consciente d’être trop dur vis-à-vis de cet homme qui ne lui avait a priori rien fait, n’était-il pas dans le même bateau, ne devraient-ils pas travailler main dans la main ? Au fond, malgré son désaccord, le fait qu’il poursuivait leur progression ensemble et non séparément signifiait déjà beaucoup, mais la jeune mage ne semblait pas s’en apercevoir.

Un peu malgré elle, malgré lui aussi, le rythme avait fini par se faire plus lent. La végétation était dense, imposante et surtout très irritante. Les feuilles venaient effleurer avec violence les peaux, les épines des buissons piquer la chair, l’érafler, la griffer sans la moindre délicatesse, l’abîmant davantage que ce qu’elle n’était déjà. Enjambant les obstacles, Aurore ne semblait néanmoins pas avoir dans l’idée de renoncer à leur progression. Malgré la contraction de ses muscles, malgré les palpitations de son cœur, malgré le sang sec et moins sec qui recouvrait la moindre parcelle de son corps. Elle avait des sueurs et des perles salées dévalaient non pas de ses yeux, mais du haut de son front. Aurore avait parfaitement conscience de l’importance de cette avance, sans pour autant savoir dans quelle direction se rendre. Peu importe, elle avançait, encore et encore. Lentement, la jeune femme sombrait dans l’incertitude, se noyait dans le méandre de son esprit, aucune de ses larmes n’y changerait rien, aucun souffle de peine ou vent de colère non plus et c’est bien l’enfant abîmée qui sommeillait en elle qui semblait doucement s’animer, lui murmurant à l’oreille à quel point elle était fragile, à quel point ce n’était nullement le moment de le montrer.


Avance soufflait-elle, avance.

Aurore l’écoutait naïvement, elle suivait cette petite voix qui jusque-là avait toujours pu choisir convenablement pour elle, décider de ce qui était bon ou pas. Un soupir, c’était tout ce qu’elle s’était autorisée à lâcher, s’encourageant mentalement à poursuivre la progression, à ne pas se perdre, à ne pas diminuer son attention. Il n’était d’ailleurs pas rare de la voir déposer sa main sur son arc en cas de mouvement étrange, ou au contraire en cas de silence trop prenant. Puis finalement ce fut un arrêt brutal, étrange sensation que de découvrir cet ancien sacrifice, étrange manière de réaliser qu’eux n’auraient même pas la chance d’être ainsi exposé. La rouquine n’avait pas bougé, laissant Ludwig découvrir par lui-même cette vision d’horreur. Ne lui semblait-il pas important de fournir une quelconque explication vis-à-vis des écrits qu’elle comprenait parfaitement. Son attention changea soudainement d’intérêt, détaillant la silhouette masculine de son binôme, prenant pour la première fois la peine de le regarder avec autre chose dans le regard qu’un sentiment négatif ou de rancune. Il était plus âgé qu’elle, c’était un fait, la trentaine bien tassé, peut-être même la quarantaine. Si leur condition ne lui permettait pas d’avoir une allure digne de ce nom, elle ne doutait nullement du fait qu’il prenait soin de lui. Il ne lui avait certainement pas menti quand il lui avait dit avoir un certain pouvoir, il était charismatique, un peu trop même. Penchant légèrement la tête sur le côté, Aure s’abandonna quelque peu à plus de contemplation, laissa son esprit divaguer une nouvelle fois sur le rôle exact qu’il pouvait entretenir dans sa société à lui et surtout sur la raison véritable de sa présence ici, avec elle.  Il avait fini par se tourner vers elle, attendant certainement une réaction à des paroles qu’elle n’avait pas écouté, bien trop concentrée à vagabonder mentalement sur la potentielle activité qu’il exercerait.

- «  Comment ? » dit-elle un peu naïvement avant de se rendre compte du ridicule de la chose «  C’est un rituel, c’est écrit dans l’ancien langage. »

Aurore s’approcha lentement, laissa ses doigts circuler le long des os, effleurer, caresser, l’ancien langage graver, ses yeux brillèrent légères d’une intensité nouvelle. Elle respectait cette langue, elle respectait les coutumes anciennes, malgré la situation, cette trouvaille bien qu’étrange lui apportait un peu de réconfort.

- «  Toi qui n’a pas su voir, au-delà de ce que l’œil peut percevoir, toi qui n’a pas su savourer et respecter l’existence d’une vie, sombre dans le désespoir. À partir de ce jour et jusqu’à la fin des temps, tu ne seras plus que tourment. Tu seras sans nom, tu n’existeras plus. Délaissé de nos créateurs, tu n’es désormais plus. »

Ses doigts s’écartèrent des écrits alors que ses yeux semblaient traduire mentalement la dernière phrase, qu’elle ne prononça pas oralement. Aurore ignorait si Ludwig était en mesure de s’apercevoir de la puissance qui émanait de ce lieu, de s’imaginer ce qu’il pouvait représenter pour une âme perdue. La rouquine semblait comme hypnotisée par les phrases, par la forme des lettres, faisant complètement abstraction du contexte, du cadavre, des offrandes ou encore du marquage. Prenant doucement conscience de la réalité des choses, elle s’agenouilla devant le tout, poussant légèrement les offrandes. Elle adresse un regard à son compère, une idée précise en tête.

- «  Je ne sais pas s’il existe des personnes qui pourront éponger les souffrances provoquées ici. Je ne sais pas s’il existe des monstres aussi importants chez toi. Mais, Il est essentiel de souffrir pour savourer ce qu’on possède ne crois-tu pas ? » elle lui offrit un sourire nostalgique « Je sais que tu ne pourras pas me pardonner mes paroles trop sévères à ton égard, je sais que je me suis emportée trop brusquement. Je crois bien que tu as un don pour me mettre dans des états que je ne pensais pas connaître un jour » déposant ses mains à plat juste devant l’offrande, elle fit lever un léger vent, d’une puissance plus imposante que les fois présentes « J’ignore si nous allons nous en sortir, mais crois moi, c’est bien nos poursuivants le plus grand danger, peu importe la créature, elle ne fera pas le poids comparé à ce qu’ils ont l’intention de nous faire. Je pense même que mourir sous les dents d'une bestiole est une fin plus agréable, quitte à choisir.» Son sourire avait fini par percer malgré cette constatation dramatique « Tu veux bien m’aider ? Cela ne prendra que quelques minutes, ensuite, je te suivrai dans la direction de ton choix, il faudra trouver un nouvel abri. Il faut lever ce qui a été fait ici. Il faut lui trouver un nom. S’il te plaît. »

Aurore lui offrit un nouveau sourire, un élan de tendresse au fond des yeux, qui n’était pas réellement adressé au non-mage, mais plutôt à ce corps sans vie, mort depuis si longtemps, qui avait perdu son identité et l’amour que lui portaient les créateurs. Peut-être était-il coupable à juste titre ou au contraire, était-il un homme ou une femme qui avait cru comme elle, ou comme lui que l’union des deux peuples était possible. Se concentrant davantage, c’est une nouvelle vague de cette puissance qui entoura le duo, loin de ressembler à un bouclier, loin de ressembler à une tempête, c’était simple un courant d’air, un vent qui tournait autour d’eux, balayant la végétation dans une certaine douceur, balayant les branchages sur le sol, caressant les herbes hautes, ainsi que le visage des deux jeunes gens.

- « Bâtisseurs de tous les mondes, j’invoque votre bienveillance, j’invoque votre jugement. Pardonnez mes faiblesses, pardonnez mon égoïsme et même les maladresses que je commettrai à l’avenir. » Elle ferma les yeux « Je sais que vous êtes bons, que vous reconnaissez l’erreur. Aujourd’hui, je n’implore pas votre aide.  Je vous présente simplement l’un de vos fils, un de vos oubliés injustement écartés de votre amour et de votre tendresse. Peu importe la manière de vous honorer, personne ne mérite votre colère, alors acceptez de reconnaître cet être et de lui offrir la fin de cycle qu’il méritait. Voici… »

Ouvrant les yeux, elle déposa ses deux prunelles sur son interlocuteur, l’impliquant un peu malgré lui dans cette cérémonie improvisée. C’était à lui de la terminer en offrant la chose la plus précieuse qu’un individu pouvait avoir, son identité. Durant cette étrange action, la rouquine partageait inconsciemment beaucoup, se dévoilait quelque peu. Elle était sensible, plutôt équilibrée dans sa démarche, inconsciente dans cette volonté de croire en chacun et certainement folle allié de reconnaître toute forme de reconnaissance vis-à-vis des architectes. Même dans cet état, même dans cette condition, elle pensait à cet être, à celui qui n’avait pas pu avoir le réconfort qu’elle trouvait en ses architectes, à ses yeux, s’étaient le pire châtiment qu’on pouvait affliger à un être comme elle. Attendant la réaction de Ludwig, ses yeux pâles figés dans ce regard tout aussi clair, aussi froid, la rousse se demandait s’il l’a voyait à présent comme une ennemie ou une alliée. Est-ce qu’il serait là après, est-ce qu’il l’utilisait, est-ce que tout ça finirait par un bon souvenir ? Serait-il là, serait-elle le suivre aveuglement pour survivre ? Serait-elle prête à écouter, entendre, autre chose que cette crainte surhumaine de se retrouver prise au piège dans quelque chose de trop gros pour elle. Avait-il des secrets lui aussi, avait-il peur ? Peu importe, là il n'était question que de choisir un prénom, un simple prénom qui ne devait pas signifier grand chose à ses yeux, mais tellement pour ceux d'Aure.

Ludwig Strauss
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Chasse à l'homme [Terminé] - Page 2 EmptySam 18 Nov - 16:43
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Daënar -2
L’ancien langage … Ludwig avait entendu parler de cette langue mystique presque perdue, encore gardée par quelques rares privilégiés. Héritage des premiers hommes, un des dons offerts par les Architectes  pour leurs créations. Le daënar se rendait bien compte que malgré l’affreuse vision qu’elle représentait, ce menhir était un bijou archéologique qui aurait fasciné et passionné plus d’un musée. Un véritable trésor qui aurait fait saliver les aventuriers et chasseurs d’objets précieux. Néanmoins Ludwig, qui n’était pas réellement un aventurier dans l’âme, préférait largement gagner son or sous la mélodie de ses usines plutôt qu’en risquant sa peau dans quelques milieux hostiles et inhospitaliers. De plus il n’avait aucun désir de lucre ou de bénéfices en ce moment-là, simplement une lasse sensation de fatigue et la froide détermination de survivre.

Avec un intérêt relatif, il écouta Aurore traduire les écrits cabalistiques sur la pierre et leur sens ne l’enchanta guère.

« Qui aurait crut que ces barbares pouvaient faire preuve de poésie ? Pauvre malheureux. »

Imperméable au symbolisme malsain de ce totem funèbre, il laissa son regard se perdre dans les orbites noires et vides du squelette grimaçant. Pauvre âme en peine, brutalement arrachée de la vie. Condamnée à l’oubli, au néant. À n’être plus rien qu’un simple cadavre sans chaire ni identité, un nom perdu dans les méandres du temps et de l’oubli. Une victime de la cruauté des hommes, une flamme éteinte sauvagement. Cela lui rappela les paroles d’Aurore concernant sa mort et son entourage et un frisson le parcourut, non pas à cause du courant d’air mystique qui émanait des lieux mais plus de l’horrible preuve matérielle de la question laissée en suspens par la chasseuse. Il s’imagina à la place de ce pauvre être, cloué sur la pierre, hurlant sa douleur et son désespoir, abandonné au milieu de nulle part en l’honneur de divinités indifférentes, condamné à lentement agoniser sous le froid, la faim et la souffrance, à la merci des animaux, de la décomposition et plus pire encore, de l’éternelle solitude qui sera la seule à pleurer sa mort.

Triste destin.

C’est peut-être pour cela qu’il fut plus enclin à écouter les dires de la jeune survivantes agenouillée en face du totem, libérant un vent curieusement apaisant aux caresses fraîches et rassurantes qui détendirent les muscles rigides du technologiste. L’homme l’écouta attentivement, un regard où ne s’affichait aucune malice ni colère, une simple compréhension et compassion relative animaient ses prunelles bleues. Hochant lentement la tête avec un simulacre de sourire, il reporta son attention vers le totem et son triste occupant, les mains croisées dans un signe qui rappelait vaguement la position que prenaient les militaires devant la tombe de leur frère tombé au combat, lors des tristes funérailles à son hommage.

Immobile, presque solennel, il écouta les paroles cérémoniales avec un respect sincère. Lui qui ne croyait nullement en un au-delà, en la paix entre les bras des architectes ou toute autre croyance dépeignant la mort comme un passage vers un repos éternel sous le doux regard des créateurs, trouva néanmoins les mots prononcées par la jeune my’trännes teintées d’une certaine beauté, d’une poésie profonde qui parvint à toucher son cœur de métal, à le caresser au plus profond de son âme et à l’inonder d’une légère sensation de douce nostalgie. Elles transpirées une douce sincérité, un amour pour la paix et une volonté de guider cette âme en peine vers un repos réel. Un repos … repos … Busad. Il se remémora la capitale de la nation de la terre et le sens caché du nom de cette cité majestueuse. Busad signifiait repos dans la langue ancienne des premiers hommes. Si le concept était simple, peu de daënars en connaissaient le sens ou la traduction et Ludwig était un des rares privilégiés à le savoir. De ce fait, le nom qu’il choisit pour le mort lui parut aussi naturel qu’approprié.

S’agenouillant près d’Aurore, il hésita un peu. Il était difficile pour un athée au cœur de pierre habitué aux jeux de pouvoir de se mettre dans cette situation. Naturellement, il se serait détourné avec une royale indifférence pour se concentrer plutôt vers l’objectif de survie qu’il s’était fixé. Mais pas cette fois. Tous ces événements, ces sentences, ces douleurs … elles l’avaient impacté suffisamment fort pour qu’il se permette une petite déviation de sa nature originale. Dans une vie longuement passée dans l’ombre et les complots, il était peut-être bon de respirer la quiétude de temps à autre et de laisser la lumière du soleil vous baigner de ce mystérieux concept que les gens appelaient espoir.

Avec un suprême effort de volonté, il souffla doucement :

« Voici Busad. Qu’il repose désormais en paix, où qu’il soit. Il est mort, mais il vivra éternellement à travers son nom. Paix à son âme. »

Puis il se releva lentement et s’éloigna de quelques pas, laissant le nouveau sanctuaire sacré libre de sa présence blasphématrice. S’emparant de la petite carte dont il s’était équipé, il l’examina longuement en tentant d’établir le meilleur itinéraire possible. Il y médita longuement jusqu’à ce que sa partenaire le rejoigne et déclara d’une voix sans grande force :

« Je ne sais pas si Dyen est la meilleure destination, le trajet est très long et on n’est pas assurés d’y trouver refuge vu notre état et notre manque de moyens. Je pense que le mieux serait de remonter vers le nord et tenter d’atteindre la côte et d’ici-là, on verra si nous trouverons un navire, un village côtier ou toute autre chose qui nous tirera de notre misère. »

Se grattant la barbe, il marmonna sous sa moustache quelques paroles intelligibles, fronçant des sourcils. Puis il se retourna et ajouta :

« Je suis navré pour tout à l’heure. Je sais que la situation dramatique ne nous a laissé aucun choix mais je tenais à m’excuser pour ce qui s’est passé. Ce fut une expérience douloureuse pour toi mais j’espère que tu trouveras la force de la surmonter et d’en faire une nouvelle pierre pour renforcer ton esprit et ta détermination. »

Ça ne lui ressemblait pas, de s’excuser ou encore de donner de l’espoir aux gens. Décidément cette aventure l’attendrissait bien trop et il s’en rendit compte. Se sentant agacé par ses propres paroles, il se contenta de se relever et de regarder le ciel, attendant l’avis d’Aurore concernant leur destination.

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Chasse à l'homme [Terminé] - Page 2 EmptySam 18 Nov - 21:45
Ludwig s’était rapproché de la my’tränne, posant genou à terre juste à côté d’elle, avisant le sacrifié, avisant ce lieu si important pour la rouquine. La jeune femme n’avait pas pu dissimuler la surprise qui s’était affichée sur son visage, écarquillant délicatement les yeux, entrouvrant doucement les lèvres. Elle c’était attendue à le voir s’éloigner, à rentrer dans une colère aussi intense que celle qu’elle avait pu avoir, à le voir faire vibrer sa moustache de mécontentement, mais à aucun moment elle n’avait eu l’illusion de croire qu’il l’aiderait.  Dans un soupir, un léger souffle chaud avait fui ses lèvres, alors qu’un sourire sincère avait fini par illuminer ce visage fatigué, faible, blessé. Les miracles existaient peut-être finalement, n’avait-elle pas raison d’y croire encore ? Busad, un nom délicat, un nom plein de sens et une signification plus qu’en adéquation avec la situation. Aurore cessa de l’observer, pour reporter son attention sur le désormais Busad, détaillant ses os, détaillant ce reste d’humanité à présent retrouvé. Le quarantenaire avait terminé sa phrase et s’éloignait à présent, la laissant seule face à ce lieu qu’elle n’avait plus forcément envie de quitter. Si, la rousse ne semblait pas montrer encore physiquement des signes de faiblesses, l’instant l’avait profondément marqué, profondément touché, elle n’était pas prête de l’oublier un jour. Ni Busad, ni lui, cet homme qu’elle disait haïr tellement fort était-ce seulement encore le cas ?

Le vent était à présent retombé, elle s’était rapprochée du non-mage, sans s’autoriser à se perdre dans cette silhouette masculine qu’elle devait connaître par cœur maintenant. Il tenait une carte en main, réfléchissait à une stratégie à mettre place, un chemin à emprunter afin d’équilibrer le facteur risque. Il était juste là, quelque pas devant elle, à marmonner dans sa barbe, à faire ce qu’il devait faire le mieux, analyser, résoudre une problématique importante. Elle ? Elle avait échoué, son regard émeraude le surveillait, comme une bête sauvage aviserait un potentiel danger. Abandonnant définitivement Busad, elle se rapprocha davantage, jusqu’à pouvoir regarder à son tour, les chemins qu’il semblait avoir l’intention de lui faire emprunter. Aller vers le nord, trouver un village, ou un bateau. N’était-elle finalement pas la seule à croire encore au miracle.


«  C’est d’accord. » répondit-elle simplement.

Pas de débat, pas de ronchonnage, pas de remise en question de la décision qu’il venait de prendre. Elle était d’accord, n’avait même réfléchi à la chose. Aurore lui avait dit qu’elle le suivrait et elle avait bien l’intention de respecter sa parole sans chercher plus loin. Il aurait pu lui dire qu’il souhaitait retourner au campement pour exterminer la tribu de psychopathe, qu’elle aurait accepté exactement de la même manière. Malgré l’assurance qu’elle démontrait, ce regard plein de détermination et ce caractère étrangement plus affirmé qu’à son habitude, Aurore n’était pas une personne pleine de confiance en elle aussi fut-elle ébranlée par la suite de la conversation. Il s’excusait ? Lui ? De nouveau ses yeux s’écarquillèrent, elle en avala même sa salive de travers. La jeune femme se contenta d’opiner, un peu comme une enfant qui ne savait pas trop quoi dire, trop quoi rajouter. Pour une fois, elle se contenta d’accepter, sans aucune lutte. La my’tränne, avança dans la direction qu’il venait de lui indiquer, avant de pivoter vers lui afin de plonger son regard dans celui océan de son interlocuteur, sentant le besoin de partager une pensée :

- « Promet moi de ne jamais oublier Busad, même si moi je l’oublie, un jour. Tu sais, c’est la première fois que je ne vais pas oublier un mort. Enfin, c’est juste parce qu’au moment de le rencontrer il s’agissait déjà d’un squelette, mais…’fin… C’est ridicule, j’en ai conscience, mais… c’est ma première fois de non-oubliance, en quelque sorte. Alors c’est important. Promets-moi de ne pas oublier toi aussi, s’il te plaît, Ludwig. »

Elle tendit sa main vers lui comme pour sceller physiquement cette promesse, cette demande, comme-ci sur l’instant, c’était tellement plus important que survivre ou même simplement vivre. Les yeux de la jeune femme brillaient encore de cette intensité nouvelle, oubliant la torture, oubliant la mort, oubliant les coups et la difficulté pour ne conserver que le positif. Faculté qui lui permettait souvent de se relever, de conserver l’espoir, l’envie, mais surtout d’imposer et de partager cette joie de vivre qui l'animait. Il était libre de lui serrer la main, ou bien d’avancer en continuant de ronchonner et comme par crainte de le voir disparaître aussi soudainement que tout ceci était arrivé, la jeune mage se sentit dans l’obligation de reprendre une nouvelle fois la parole.

- « Ne te sens pas obligé de t’excuser, je t’accepte comme tu es. Peu importe ce que tu es, peu importe que tu sois quelqu’un, d’influent, ou de dangereux, je m’en fiche moi… Ce que tu as fait pour moi, c’est beaucoup. Alors, s’il te plaît, ne te force pas à être quelqu’un que tu n’es pas. » Elle était naïve Aure, peut-être trop, peut-être pas suffisamment, mais elle était atrocement sincère «  Je t’accompagnerai jusqu’à notre mise en sécurité, puis ensuite nos chemins se sépareront. Sache, que je ne fais pas ça pour augmenter mes chances de survivre, je fais ça simplement… » elle fronça doucement les sourcils, n’ayant visiblement pas elle-même la réponse «  Peu importe, allons-y »

Joyeusement, elle l’avait rattrapé s’il était passé devant elle sans sceller le pacte, ou elle avait pris de l’avance si au contraire il lui avait serré la main. La rouquine semblait être d’une humeur beaucoup plus légère, malgré les circonstances et visiblement ressourcée et pleine d’énergie. C’était certainement ce lieu, ce langage ancien qui lui donnait cette nouvelle vague de force, cela ne durerait pas, en attendant elle avait bien dans l’idée d’en profiter et de montrer, enfin, un visage plus agréable. Continuant la progression vers le Nord, les deux jeunes gens avaient fini par emprunter des chemins plus étroits, même inexistants. La végétation semblait toujours aussi importante, toujours aussi sauvage, toujours aussi merveilleuse pour Aurore qui commençait d’ailleurs à perdre l’énergie qui l’animait depuis leur macabre découverte. Soucieuse de l’état physique du daënar, la rousse tentait de soulager ses pas à l’aide d’un vent léger, qui avait pour but de soutenir et d’augmenter le rythme de marche du non-mage. Elle n’en avait rien dit, nierait même la chose s’il l’accusait d’être responsable de cette aide. Après une bonne heure de marche, peut-être même deux, la jeune femme se stoppa brusquement. Un bruit venait d’attirer son attention, ou plutôt un autre courant d’air. Instinctivement, elle avait attrapé la main de Ludwig pour le tirer vers elle, glissa le long de la pente et l’entraîna involontairement dans sa chute dans un grandiose roulé-boulé digne des plus belles histoires qu’on raconte aux enfants.

La chute n’avait pas forcément été brutale, la proximité des jeunes gens répartissant le poids de l’un et de l’autre tour à tour, au fur à mesure de cette descente en roulade. Une fois en bas de la pente, la jeune my’tränne s’était retrouvée inévitablement sur son binôme, les mèches de ses cheveux emmêlés dans des feuilles et divers branchages. Sa vision était quelque peu floue, cependant, elle se força à se reconcentrer, glissant un doigt jusqu’aux lèvres de Ludwig, murmurant un « chuuuut » autoritaire. Aurore, n’avait pas eu le temps d’être gênée par ce corps à corps, ni même la proximité des deux visages. Une seule idée obnubilait son esprit, savoir si elle avait eu un bon pressentiment. Elle était restée sur lui, immobile, écoutant attentivement son environnement, maintenant l’homme au sol de force si cela s’avérait nécessaire en lui maintenant les poignets. Elle restait convaincue qu’il ne fallait surtout pas faire de bruits, ne surtout pas bouger. Plus haut, des voix avaient fini par se faire entendre, deux timbres masculins, visiblement :

- «  J’ai entendu quelque chose. »
- « Ça doit être une bestiole, ils ne peuvent pas déjà être ici, à moins d’être vraiment rapide. »
- « Je vais descendre voir quand même, on ne sait jamais. Tiens la corde pour me remonter. »

Le souffle de la jeune femme devait effleurer le visage du non-mage, son cœur battait la chamade, alors qu’une nouvelle décharge d’adrénaline semblait animer ses membres qui se contractaient lentement. Ses deux prunelles plongèrent dans les yeux bleus du marchand d’arme, cherchant en une fraction de seconde, un accord, une façon d’agir. Ses mains relâchèrent les poignets de Ludwig, alors que son regard l’abandonnait pour situer son carquois, ses flèches et son arc. Ils étaient deux, un se trouvant en haut, l’autre descendant lentement la pente. Aurore se redressa lentement, libérant ainsi de son poids plume son partenaire –qui aurait pu la pousser sans la moindre difficulté si besoin-. D’un mouvement de tête, elle lui indiqua un arbre un peu plus loin, comme-ci elle l’incitait à se cacher, sans dire un seul mot. Chasser ou être chassé, Aurore semblait avoir pris sa décision pour ce tour.

La jeune femme récupéra son arc, ses flèches, se mit à genou tout en avisant la pente, cherchant à visualiser la silhouette de l’assaillant. Sa respiration avait ralenti doucement, jusqu’à se stopper au même moment où son doigt relâchait la corde pour laisser partir sa flèche, le tout accompagné par une bourrasque de vent pour lui donner beaucoup plus de force. Certaine d’avoir parfaitement bien analysé la situation, la jeune mage ne se douta pas un seul instant, que le deuxième ne se trouvait déjà plus en haut, mais non loin d’elle, debout à quelque mètre. Dans l’ombre de l’illusion, invisible.  Si la flèche toucha sa cible en plein cœur, ne laissant plus qu’un cadavre inanimé rouler jusqu’en bas de la pente, elle ne fut pas la seule à faire couler le sang. Un éclair froid traversa son corps, alors qu’une douleur vive l’obligea à porter sa main droite à son flanc gauche, relevant doucement sa paume pour découvrir un liquide rougeâtre. Ses doigts effleurèrent le bout de la flèche qui venait d’effleurer son côté gauche et de se planter devant elle, alors qu’une seconde venait de toucher son omoplate gauche, restant cette fois-ci parfaitement ancrée dans sa chair. Et maintenant ? Elle essayait de se retourner pour faire face, visiblement bien affaiblie par cette mauvaise surprise. Ne restait-il plus qu’à savoir si Ludwig profiterait pour fuir et sauver sa propre vie, ou bien scellerait-il définitivement ce travail d’équipe en lui venant en aide. L’Homme n’est-il réellement qu’égoïsme et imbu de sa propre personne ?

Ludwig Strauss
Ludwig Strauss
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Chasse à l'homme [Terminé] - Page 2 EmptyDim 19 Nov - 22:45
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Daënar -2
« Si ça te tiens tant à cœur … je te le promets. »

Busad ne sera jamais oublié dans l’esprit de Ludwig pour la simple raison que ce dernier avait un don privilégié offert par la nature, un don qui lui permettait de compenser l’absence de toute forme de maîtrise magique, un don qui jouait aussi le rôle de fardeau. Il s’agissait de la mémoire idyllique, que certains surnommaient comme mémoire absolue. La capacité de se rappeler des détails les plus infimes comme si l’esprit était une vaste bibliothèque où chaque événement était soigneusement gardé et classé dans une multitude infinie de tiroirs immatériels. Il pouvait donc à la fois se remémorer avec exactitude tout ce dont il avait besoin, mais aussi les souvenirs douloureux qu’il aurait put avoir expérimenté, comme par exemple la nuit précédente avec son lot de douleur, de souffrance, de peur et de confusion.

Quant au fait qu’elle l’accepte comme il est et bien cela lui fit hausser un sourcil surpris, mais il ne refusa nullement ce généreux geste de la part de la rousse, souriant même en remerciement. Naïve ? Peut-être mais il ne pouvait lui en vouloir. Pas après ce qu’ils avaient vécu en si peu de temps. Il restait toujours le personnage malicieux comme le renard, discret et guetteur comme le requin mais en compagnie de cette jeune demoiselle si chaleureuse et rayonnante de bonté, il ne pouvait exprimer un caractère négatif en sa présence. Du moins, pas entièrement. Pour une fois qu’ils faisaient un bon travail d’équipe, leurs chances de survies ne furent que plus acceptables. La dernière chose que souhaitait l’industriel était de briser cette forme d’armistice entre leurs deux idéaux conflictuels. La femme défendant bonté et vie là où l’homme prônait la survie du plus audacieux et ingénieux.

Au fur et à mesure qu’ils avançaient à travers la forêt épaisse, Ludwig avait une question en tête, c’était de savoir quelle autre motivation que la survie poussait Aurore à l’accepter, lui l’homme pragmatique, matérialiste, lui le non-mage qui n’avait aucune considération pour les architectes ou pour la philosophie ancestrale de My’trä, sa civilisation ou même pour l’humanité entière. Il se savait quelqu’un qu’on pourrait qualifier de mauvais et dangereux, un manipulateur terrifiant aux désirs infinis. Il le savait et s’acceptait comme tel sans aucun remord. Mais pourquoi la chasseuse en faisait autant alors qu’elle était l’extrême opposée de sa vision du monde. Cette question resta longtemps ancrée dans son esprit à mesure qu’il développait comme à son habitude de nombreuses hypothèses sans grand succès. Au moins, un doux vent d’origine inconnue semblait le porter doucement, soulageant ses maux et allégeant ses pas qui se firent moins lourds. Rien ne semblait entraver désormais son avancée.

Jusqu’à ce qu’il se fasse soudainement tiré par sa partenaire pour rouler le long d’une pente. Si ce geste aurait put inspirer les amateurs de contes de princesses avec leurs chevaliers servants, Ludwig lui souffrit de la roulade qui raviva les blessures pas encore cicatrisées de son dos zébré comme les rayures d’un tigre blanc. Heureusement que les nombreux tonneaux éprouvés par le couple de circonstance fut équitablement distribué entre eux afin qu’aucun se souffre d’avantage de leur chute effrénée. Mais allez donc dire ça aux muscles douloureux qui se plaignirent à nouveau à grand renforts de sensations d’engourdissement et de douleurs vives.

En atterrissant sur un lit de feuilles mortes, le daënar eut d’abord envie de protester avec une certaine colère dans les yeux, ne se rendant pas compte de la gêne que pourrait provoquer leur enlacement peu délicat, la femme disposée au-dessus du corps du brun étendu de tout son long contre la terre froide. Mais cette dernière déposa un doigt inquisiteur sur ses lèvres en lui ordonnant d’un signe de se taire, et l’homme obtempéra immédiatement, oubliant tout pour n’adopter qu’un esprit d’alerte maximale, les sens aux aguets.

Et il les entendit, lui aussi. Deux voix bien distinctes qui, d’après leurs dires, ne devaient être que des membres du clan de sauvages partis à leurs trousses. Malédiction, jura silencieusement le moustachu. La chance ne jouait plus en leurs faveurs et le destin eut la désagréable idée de leur jeter deux tueurs impitoyables en plein cœur de la forêt. Heureusement qu’Aurore avait, par quelques miracles, sentit leur présence à distance, s’offrant à elle et au gentleman assez de temps pour se mettre en position. Le temps pressait d’ailleurs car l’un des chasseurs semblait descendre la pente à l’aide d’une corde pour vérifier la source du bruit qui ne provenait nul ailleurs que de leur chute à eux deux. Maudits soient-ils.

Portant son regard vers les prunelles émeraude de l’archère, il hocha la tête d’un commun accord avant de se relever aussi rapidement que possible et se précipiter dans une discrétion relative derrière un arbre proche, ayant déjà dégainé sa hachette pour lutter au péril de sa vie contre les déments. Il jeta un regard vers Aurore qui s’était armée d’une flèche et ciblait le chasseur qui ne se doutait de rien, occupé à descendre le long de la corde. Il admira sa concentration, son regard de lynx braqué sur sa cible, ses muscles tendus et la corde tirée au maximum vers elle. Puis il suivit autant que le pouvait ses yeux d’humain la trajectoire de la flèche qui semblait être poussée par une force surnaturelle. Avec une force étonnante, le trait transperça de part en part la victime humaine qui s’écrasa dans un hoquet de surprise sur le sol feuilli, inerte. Elle l’avait abattu avec la précision d’un maître archer ce qui laissa le gentleman admiratif quant à ses compétences en tir. Il se serait imaginé cette fougueuse chasseuse armée d’un de ses arcs modifiés et améliorés. Entre ses mains, elle ferait des ravages dignes d’exploits héroïques.

Mais le second traqueur s’était montré plus rusé que son camarade, attaquant par surprise l’archère à la chevelure de feu dans la surprise la plus totale et parvenant à la blesser sévèrement. Ainsi blessée, elle ne pouvait fuir et se devait de faire face à son agresseur qui s’approchait avec un regard torve, léchant frénétiquement le plat d’une sorte d’hachoir cranté entre ses mains. Bondissant comme si un démon le possédait, il se jeta sur la femme, lui décochant un sévère revers de la main qui la fit tomber à la renverse. C’était le moment fatidique où le tueur allait devenir bourreau et boucher. Ludwig pouvait fuir, il gagnerait assez d’écart pour distance le chasseur trop occupé avec sa proie. Il pouvait les abandonner sans remord et sauver sa peau. Il pouvait …

Le hachoir s’apprêtait à tailler en pièce la malheureuse. Sans réfléchir, le quarantenaire fusa comme une flèche vers l’agresseur, poussé par un étrange instinct qui ne pouvait expliquer en ce moment, mais qui le guidait avec fureur. Son pied vola à la rencontre du monstre, mais n’arriva qu’à le chasser plutôt que le frapper. Le marchand manqua de perdre l’équilibre et son adversaire s’esclaffa tandis qu’il le frappa avec le hachoir dans une attaque horizontale si violente que le gentleman la para difficilement du manche de son arme, manquant de la laisser tomber. Le tatoué poussa un cri guttural, secouant les rares tresses qui recouvraient son crâne chauve tatoué, puis il reprit les hostilités avec une joie bestiale et belliqueuse. Il frappait inlassablement et multipliait les coups de chaque côté tandis que Ludwig, épuisé et rouillé par son manque de pratique, subissait, encaissait et reculait sous la sauvagerie de son adversaire. Évitant de justesse qu’une botte du sauvage ne lui fende le crâne en deux, il ne vit pas le coup de tête de son opposant qui l’atteignit à l’arrête du nez. Dans un hoquet de douleur, le daënar tomba à genoux, aveuglé et sonné. Le cannibale referma sa main sur la longue chevelure de son gibier, prêt à à séparer sa tête du reste de son corps d’un coup bien placé, ou plusieurs s’il avait envie de s’amuser d’avantage.

Instinctivement, le vaincu dégaina sa dague et la plongea avec force dans la cuisse de son ennemi qui poussa un cri de colère plus que de douleur. Le fou semblait être sous l’effet de quelques puissantes drogues pour résister à pareille souffrance, mais sa réaction fut immédiate. Avec une force prodigieuse, il souleva le technologiste comme s’il ne pesait rien puis l’abattit férocement sur le sol. Le cri de Ludwig fut étouffé par sa chute brutale, le contact avec le sol lui arrachant tout l’air de ses poumons et faisant siffler ses oreilles comme si elles allaient exploser. Sonné, affaiblit, vaincu ? L’homme roulait lentement, à la merci du sauvage qui chanta à la gloire de ses architectes adorés en hurlant comme un forcené. Le daënar releva alors le regard et fixa Aurore, la flèche enfoncée dans son épaule, son flanc blessé. S’il échouait, si le monstre le tuait, il s’en prendrait à elle aussi et tous deux auraient fait de colossaux efforts pour rien. Non, cela ne pouvait finir ainsi. Il refusait que toute son existence passée à fomenter, comploter, sacrifier et patienter ne soit réduite à néant par un barbare forestier dans une contrée lointaine et oubliée, que son nom disparaisse comme Busad, que son corps serve de repas pour ces abominations humaines.


Non, il refusait.

Et son esprit alors gagna la vivacité qu’il avait dans sa jeunesse, cet esprit calculateur qui pouvait anticiper des choses, tracer des probabilités à grande vitesse pour anticiper les événements dans un délai très court. Il se sentit gagné par une volonté de fer et la prédation qu’il avait lors de ses jeunes années quand il devait encore se servir de la force de ses muscles et la fureur de son intellect pour survivre.

Il se releva, faisant face au sourire moqueur du tueur qui aboyait d’excitation. Mais le regard de Ludwig était animé d’une concentration totale, son corps blessé ne tremblant plus, ignorant la douleur, la fatigue, la peur et ne gardant en tête que son adversaire et comment le terrasser le plus efficacement possible. Ce dernier avançait, amorçant un coup de taille. Et le schéma se dessina clairement dans la tête du gentleman. Le coup viendra de haut, il l’esquivera assez aisément en surprenant son adversaire qui lui fournira une ouverture. Profitant du momentum de son opposant, il utilisera sa force contre lui et le déséquilibrera, puis portera un coup à son visage exposé. Une riposte sauvage viendra de la part du cannibale, qu’il utilisera à son avantage pour handicaper son ennemi dans une prise ferme et solide. Un coup porté à l’abdomen contribuera à déséquilibrer son adversaire et un coup au dos l’obligera à perdre son équilibre. Possibilité de porter un coup létale pour finir ce combat. Le chemin était tracé, les mouvements de Ludwig étaient déjà prêts.

Il s’exécuta comme une machine. Le hachoir fendit l’air mais ne rencontra aucune résistance car la cible s’était écartée avec souplesse sur le côté. Prit par son élan, le bourreau ne put arrêter son mouvement et reçut un féroce crochet du gauche en pleine oreille. La tête sonnée comme une cloche d’église, il jeta son bras d’un mouvement circulaire pour faucher le non-mage qui s’empara du bras de son ennemi et dans une torsion experte, le plia derrière son dos dans une position si brusque que l’épaule se déboita. Grognant comme un chien enragé, l’assassin ne vit nullement le genou du brun percuter son estomac, lui coupant la respiration. Un coup de coude sur l’échine le fit s’effondrer sur le sol. Abasourdi par cet enchaînement si efficace de coups, il releva juste à temps le regard pour voir son opposant si fragile et faible le surmonter à présent, le fixant d’un regard triomphant et sombre, la hachette de nouveau entre ses mains. Dans un cri de rage digne d’un gladiateur des arènes antiques, le marchand devenu temporairement guerrier administra un prodigieux coup de hache dont la lame s’enfonça profondément dans le crâne du traqueur dont le regard terrorisé s’immortalisa dans la mémoire de Strauss.

Le corps s’effondra, l’arme encore profondément enracinée dans le crâne du sauvage. Son propriétaire n’eut pas même l’envie de la reprendre, fixant ses doigts tremblotants comme si un froid glacial s’était emparé de tout son corps et le réduisait à l’état de glace. Le regard hagard, il tituba difficilement, manquant à plusieurs reprises de s’écrouler sur ce sol si dur mais qui lui semblait si moelleux et confortable qu’il désirait s’y laisser tomber dans un sommeil sans rêves. Mais il tint bon car il avait une autre priorité, une dernière chose à faire avant de laisser tomber toute ancre dans la réalité.

Arrivant jusqu’à Aurore, il tomba lourdement à genoux, à bout, puis inspecta aussi rapidement que possible les blessures de sa partenaire, jugeant leur sévérité. La soulevant lentement, doucement, il posa la tête de la femme contre ses jambes et essuya la traînée de boue qui entachait son visage. Une goutte écarlate tomba alors sur la joue qu’il essuyait maladroitement de la pulpe de son pouce. Intrigué, il ne sentit que plus tard cette sensation de brûlure sur son visage. En portant sa main sur son nez souffrant, il vit des pétales cramoisis sur ses doigts. Il saignait du nez, mais il s’en fichait. Il devait traiter la blessure de sa partenaire aussi vite que possible.

« Hey, tu es toujours éveillée ? Ne t’en fais, je … il est hors d’état de nuire. Ta blessure au flanc n’est pas trop grave, plutôt superficielle. Mais ce qui m’inquiète c’est cette flèche. Il va falloir cautériser la blessure, mais je vais devoir te l’arracher. Nous allons devoir allumer un petit feu, juste assez pour chauffer une lame. Tu m’entends ? »

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Chasse à l'homme [Terminé] - Page 2 EmptyLun 20 Nov - 20:38
La fin d’un cycle pouvait toujours avoir quelque chose d’angoissant, d’inquiétant. L’être quittant la vie ayant toujours ce petit arrière-goût de regret dans la bouche. Aurore avisait son agresseur, une main sur le flanc, l’autre découvrant du bout des doigts la flèche imprégné dans son épaule, elle n’était pas prête à mourir, mais acceptait cette fin sans la remettre en question, sans la regretter. Parfaitement consciente, que cette fois, elle ne ferait pas le poids. À aucun moment elle n’avait trahi la position de son partenaire, a aucun moment son regard avait cherché à rencontrer le sien, à quémander de l’aide. Fierté ? Envie de protéger jusqu’au bout ? Difficile à dire. La rouquine se tenait droite, une légère grimace déformant les traits de son visage, trahissant la douleur qui s’infiltrait lentement dans chacun de ses nerfs, offrant plusieurs messages d’alertes qui n’étaient pas nécessaires. Elle savait. Un pisteur, un chasseur apprenait à évaluer ses chances, à savoir d’un seul regard si la situation lui était favorable ou défavorable. Dans cet instant, ses compétences n’étaient même pas nécessaires, n’importe quel gamin comprendrait d’un battement de cil qu’elle n’allait pas tarder à rejoindre Busad. La gifle qu’elle reçut en plus visage, eu le don de l’assommer tout en la faisant basculer en arrière. Allongée de tout son long, Aurore ne parvenait pas à se redresser, ne parvenait pas à utiliser un de ses dons, signe que la fin était bien là, qu’elle ne tarderait pas à lâcher son dernier soupir. Sans crier, sans pleurer, elle se l’était promis, ne pas offrir ce délicieux plaisir à son assaillant.  

Relève-toi, fuis, rampe, survie.

C’était cette petite voix, la même qui semblait prendre certaines décisions qu’elle n’était pas en mesure d’assumer. Aurore aurait apprécié l’écouter, mais elle n’en avait simplement pas la force, plus l’envie, presque résignée. Il y avait différente façon de mourir, celle de tirer sa révérence en protégeant une autre personne que soit même lui semblait être celle qui lui correspondait le plus. Pas de goût amère, juste cette envie d’assumer pleinement, de se répéter que pour une fois dans sa vie, elle n’avait pas fui, elle avait réussi à faire face. Le sang qu’elle avait sur les mains ne semblait plus la déranger durant cet instant de jugement. Triste sort que d’être jugé par plus monstrueux qu’elle. L’homme la surplombait à présent, le regard fou, intense, vibrant de cette envie de nuire, de tuer, de faire souffrir. Semi-consciente, la rouquine ne parvenait qu’à distinguer à peine la lame et le visage déformé de son assaillant, sa vision était trouble, son visage encore marqué d’une trace rougeâtre suite à l’impact, le goût du sang omniprésent dans sa bouche. Une quinte de toux s’échappa de ses lèvres, alors que tout semblait à présent se dérouler au ralenti. Elle avait fermé les yeux, prête à sentir cet éclair glacial que ceux croisant la mort n’ont de cesse de répéter, elle s’apprêtait à sentir la lame trancher sa chair, tirailler sa peau, pour ne laisser plus qu’un semblant d’elle-même, un reste que tous finiraient par oublier. Tous sauf, lui, lui qui avait le don de se souvenir. Quelle image garderait-il d’elle ? Se souviendrait-il seulement de celle qui n’avait eu de cesse de l’agresser depuis leur fuite. Les yeux clos, la rousse sembla trouver le temps long, elle avait ouvert de nouveau ses yeux, que pour visualiser cette illusion, cette action improbable d’un non-mage qui décide de secourir une My’tränne.

Debout. Lève-toi.

Elle hurlait à présent cette voix, tentait de faire réagir celle qui semblait comme absente du moment présent, qui ne réalisait pas à quel point l’impensable venait de se mettre en œuvre. Les paumes de ses mains poussèrent sur le sol qu’elle trouvait froid, les battements de son cœur tabassaient l’intérieur de son être, sans que jamais elle ne parvienne à réaliser l’action de se redresser, de lutter encore un peu. Pourtant elle devait, pour lui. Que pouvait-il faire contre un utilisateur de magie, dans son état en plus ? Les lèvres de la jeune femme avaient fini par s’entrouvrir pour laisser entendre un sifflement de douleur, un couinement noyé dans une salive ensanglantée. Sa tête la faisait souffrir, lançant par des vagues de douleurs, de fatigues son esprit. Ses muscles avaient fini par s’engourdirent, alors qu’elle tentait vainement de surveiller ce qu’il se passait un peu plus loin, cherchant à rassembler le peu de force qui lui restait pour aider, pour sauver ? N’était-ce pas lui qui venait de la sauver. Sa main c’était doucement tendu alors qu’elle implorait ses architectes de lui donner encore un peu de force, juste de quoi offrir un moment de répit à son chevalier pas si blanc que ça.

Tu es faible Aurore.

Je sais, souffla la rousse dans un soupir alors qu’absolument rien ne c’était passé. Pas l’ombre d’un courant d’air, pas l’ombre de vague psychique, juste un œil qui tourne et un corps qui tombe dans un tas de feuilles, inertes. Trop faible. Aucune prise de conscience pour la jeune femme, qui avait abandonné avec juste l’espoir que lui parviennent à fuir, à survivre, qui sait, peut-être que la tribu allait se satisfaire que d’un corps ? Elle n’était pas très épaisse, mais le groupe avait perdu quelques membres quand même, qui sait. Aurore n’avait eu aucune conscience de la dureté de l’échange entre les deux hommes, aucune notion de la soudaine volonté que Ludwig avait dû puiser au fond de lui pour vaincre. Puis, après plusieurs minutes interminables, la rouquine eut cette impression de ne plus être seule dans ce néant, eut l’impression que quelqu’un déplaçait son corps, forçant son esprit à reprendre un semblant de concentration, un semblant de présence. Ses sourcils se froncèrent, alors qu’une nouvelle quinte de toux s’échappait de ses lèvres, suivies évidemment d’une douleur vive au flanc, puis à l’épaule, ou à l’épaule, puis au flanc, peu importe. Aurore avait l’impression d’être sujette à une drogue puissante, ou d’être encore sous le poids du coup qu’elle avait reçu, ses yeux s’ouvrirent avec difficulté, toujours cette notion de flou artistique prononcé. La jeune femme n’entendit pas parfaitement les dires de Ludwig, elle reconnut juste la sonorité, le timbre de voix, qui lui tira un sourire.

- « Tu es… vivant » souffla-t-elle d’une voix presque éteinte, faiblarde, pleine de fatigue

Elle tentait autant que possible de se concentrer, de l’aviser, sans prendre conscience de l’instant de proximité qui était en place, sans prendre conscience de ce qu’il venait de faire pour elle. Son regard émeraude avait fini par se déposer sur son visage, ayant cette perception à l’envers à cause de sa position. La jeune femme sentit la main de Ludwig effleurer son visage, essuyer quelque chose de chaud qui venait de s’écraser contre sa joue, instinctivement elle avait fermé les yeux, comme pour anticiper un choc qui n’arriva pas. Lentement, d’une manière incertaine elle avait relevé la main à l’opposé de sa blessure, afin de toucher du bout des doigts le visage de cet homme, sans avoir la sensation de le toucher. Délicatement ses doigts remontaient du bas de son menton jusqu’au milieu de sa joue, sa pulpe commençait à sentir la moindre trace qui pouvait s’y trouver. Elle s’arrêta quand elle sentit le liquide chaud, prolongea son mouvement jusqu’à effleurer son nez, sans geste brusque, sans provoquer de douleur. Laissant sa main glisser sur sa joue de l’autre côté, jusqu’à retomber sur le bas de son ventre, la rouquine fronça une nouvelle fois des sourcils. Faisant entièrement abstraction du peu qu’elle avait pu comprendre, du peu qu’il avait pu formuler avant.

- « Tu es blessé… Je dois avoir des plantes dans mon sac. » Elle prit une grande inspiration, qui siffla presque immédiatement, comme une personne manquant d’air «  Tu te souviens lesquelles ? »

Elle tourna sa tête, sans geste brusque, juste le temps d’avoir une nouvelle sensation de vertige, même allongée. Cherchant du coin de l’œil ses affaires, cherchant de quoi préparer cette fameuse mixture, avec l’illusion de croire qu’elle était en l’état, capable de le faire. Un soupir d’insatisfaction, fuit la protection de sa bouche, un souffle chaud, vibrant, alors qu’elle semblait enfin prendre conscience de la gêne provoquée par la flèche, par la blessure et par cette position, cette proximité soudaine, non acceptable. Sa chevelure rouquine était pleine de feuilles mortes, de branchages, alors que les traits de son visage semblaient plus marqués plus prononcé, pas de teint de porcelaine, pas de beauté exotique, il n’y avait rien de séduisant, pas de geste tendre. Juste cette sensation d’être trop proche, de ne pas comprendre, ne pas saisir pleinement ce qui c’était passé. Sa main sur son ventre remonta doucement jusqu’à son épaule gauche, effleurant le bois de la flèche bien droit, trop droit, insérer pleinement dans sa chair ensanglantée. L’unique chose qu’elle avait soudainement à l’esprit fut cette idée d’être devenu un poids, un objet lourd qu’il allait devoir traîner. Son cœur s’emballa, alors qu’elle avait de nouveau juste envie de lui hurler dessus de comprendre ce qu’il faisait encore là, avec elle, au lieu de fuir, au lieu de survivre. L’être humain n’était-il pas après tout un être égoïste. Plus sa conscience reprenait le contrôle, plus elle se souvenait des évènements, plus la conclusion devenait dramatique.

- «  Je vais être un poids, tu en as conscience ? » souffla-t-elle une nouvelle, d’une voix plus prononcée «  Qu’est-ce que tu fais encore là ? Pars, réalise notre trajet… Sauve ta vie, idiot. »

Idiote.
Lentement, dans un gémissement étouffé entre des lèvres closes, elle se redressa lentement. Une décharge électrique provenant de son flanc manquant de la faire défaillir. Était-elle seulement capable de lui faire encore front, de se battre avec lui pour lui prouver à quel point il avait tort d’être là, à quel point elle ne comprenait pas, à quel point. Sa gorge se noua douloureusement, alors qu’elle comprenait qu’il avait privilégié sa vie à elle, plutôt que la sienne, d’où du moins, l’idée lui traversa l’esprit. Idée qu’elle refuse de prendre en considération, jugea la chose trop improbable. Ses doigts entrelacèrent la flèche, sans chercher à la retirer, cherchant plutôt à analyser la profondeur, à envisager toute possibilité, alors que sa tête, légèrement moins haute que celle de Ludwig, l’avisait. Elle conservait ce contact visuel, cette recherche de réponse, camouflant à coup de dent dans l’intérieur de sa joue, la douleur qui pouvait s’animer dans tout son être. Une nouvelle fois, sa main abandonna sa propre blessure, pour retrouver le visage cet homme au visage esquinté, teinté de boue et de différent liquide qu’il ne fallait mieux pas identifier, du côté de sa main elle essuya les traces qu’il pouvait avoir sur les joues, côté droit, puis le gauche et le haut du front.

- « Un vrai guerrier » piqua-t-elle « Donne-moi de quoi préparer les plantes » admit-elle finalement «  Ce serait triste de défigurer ton visage, pour manipuler être agréable à l’œil doit être un avantage, je suppose. »

Idiote et cinglée. Bravo.


Elle grimaça légèrement en massant doucement sa blessure, pas réellement certaine que l’idée de retirer la flèche puisse être une bonne chose. Devait-elle aveuglement lui faire confiance. Une petite quinte de toux s’échappa une nouvelle fois de ses lèvres, quinte de toux qui devait plus former un rire nerveux, ou sincère, difficile à dire. Le ridicule de la situation avait de quoi être amusant, ou déprimant. Libre à chacun de choisir. Avisant autour d’elle, la rousse sembla s’inquiéter du lieu, l’absence de retour des deux assaillants finirait forcement par se faire remarquer, le gain de temps n’allait pas être énorme, pas très grand, un nouvel affrontement serait dramatique.

- «  Fais ce que tu peux faire… Pour moi. Sinon, laisse la flèche où elle se trouve, casse juste le bois… On l’enlèvera une fois dans un abri… Il faut avancer un peu.. »

Est-ce qu’il en était capable, est-ce qu’elle en était capable, difficile à dire. À deux, n’étions pas toujours plus fort ? Elle coula un regard vers lui, consciente qu’elle le suivrait, qu’elle l’écouterait, peu importe ce qu’il choisissait. Rester ici, avec un feu ou tenter d’avancer un peu. Il était de toute façon, le plus imposant des deux pour l’heure, elle lui accorda un sourire plus tendre, plus compréhensif.

- «  Peu importe ce que tu choisis, partir, rester, avancer encore à deux. Je ne t’en voudrais pas, tu sais ? » elle grimaça une nouvelle fois, s’autorisant des excuses pleines de sincérité « Pardonne-moi… Je n’ai pas été suffisamment forte… Je ne l’ai pas senti passer derrière nous… Je suis désolée. »

Ludwig Strauss
Ludwig Strauss
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Chasse à l'homme [Terminé] - Page 2 EmptyMer 22 Nov - 20:47
Irys : 1073433
Profession : [Officielle] Propriétaire d'industries de l'armement [Officieusement] Baron du crime
Daënar -2
Ludwig, actuellement, était loin de faire penser à l’homme qu’il était, l’homme qu’il est sensé représenter. Un homme de la grande société, un citoyen modèle et respecté, symbole de la fierté Daënastre et pilier de l’industrie. Un homme qui était aussi le maître du crime, le comploteur qui ourdissait en secret les plans les plus complexes et élaborés pour arriver à ses fins. Cet homme d’ambition, de pragmatisme et de cupidité était désormais à genoux en plein cœur d’une forêt, le corps couvert de blessures, les vêtements couverts de mottes de terre, la chevelure en pagaille et le nez en sang, tenant entre ses bras la tête d’une mage blessée et veillant sur elle.

N’était-ce pas ironique, cet étrange tableau qui aurait put émouvoir les personnes sensibles prônant la bonté humaine même chez les êtres les plus détestables et les âmes les plus mesquines et cruelles ?

Elle parlait d’une voix faible mais avait encore la force de résister à ses blessures, démontrant une volonté à toute épreuve et un instinct de survie puissant. Mais plus que tout c’était sa gentillesse naturelle et son envie d’aider le technologiste alors qu’elle était la plus mal en point qui le surprit. Quelle folie pouvait bien la pousser à s’inquiéter de quelqu’un comme lui, un hérétique dangereux dont la mort pourrait soulager le monde d’un lourd fardeau, au détriment de sa propre santé ? Cela le dépassait totalement et la seule réaction de Ludwig fut de sourire difficilement, confus et amusé malgré ses propres souffrances. Il secoua lentement la tête, prit d’un petit rire qui lui arracha néanmoins une quinte de toux, ses côtes aussi douloureuses que si un marteau les avait martelé sans cesse jusqu’à les réduire en miettes éparses. Il ne prit même pas conscience de la main qui parcourait son propre visage, trop focalisé à deviner la profondeur du trait fiché dans la chaire d’Aurore, espérant qu’il n’ait pas atteint quelques os ce qui risquerait de rendre l’extraction plus difficile qu’elle ne l’était déjà.

Haussant un sourcil quand elle l’encouragea à fuir en se qualifiant de fardeau, Ludwig répondit par un grognement qui pouvait autant signifier son irritation, son désaccord ou simplement une pique de douleur dans son corps.  Il se contenta de se murer dans le silence, puis s’empara de son sac qui n’était pas trop épais, le pliant pour former une sorte de coussin improvisé sur lequel il posa aussi délicatement que possible la tête de la survivante avant de s’éloigner légèrement. Titubant, le souffle difficile, il ramassa quelques feuilles et petites branches sèches qu’il rassembla en un petit monticule. Puis il chercha les silex ramassés dans la hutte lors de cette nuit fatidique où lui et elles avaient décidé de s’allier pour sauver leurs vies d’une fin atrocement cruelle. L’outil était très archaïque, primitif, mais faisait son œuvre. Après quelques essais peu concluants qui firent jurer doucement le technologiste sous sa barbe, il finit enfin par produire quelques étincelles. Saisissant le processus, il le réitéra à plusieurs reprises jusqu’à ce que, enfin, un petit grésillement n’annonce la naissance d’une timide flammèche au cœur du minuscule feu de camp. Soufflant dessus avec précaution, il n’hésita pas à alimenter la faible flamme avec des feuilles mortes qui s’embrasaient aussitôt.

Petit à petit, l’industriel convertit en survivant parvint à créer une flamme relativement respectable, juste assez pour chauffer le fer de sa dague. Pendant ce temps il ne cessait d’écouter Aurore sans pour autant lui répondre. La rejoignant, il se pencha vers elle puis l’aida à se redresser un peu.

« Arrêtes ton galimatias, tu perds des forces. Tiens bon, on va essayer de faire ça aussi proprement que possible. Je sais que je suis une mauvaise personne, mais je te demande de me faire confiance. On va retirer cette méchante flèche. La douleur sera sévère, tu devras être forte. »

Débouclant sa ceinture, il la plia en quatre avant de la tendre devant les lèvres de la chasseuse.

« Mords-ça, tu supporteras mieux la douleur. Et ça évitera à nos ennemis d’entendre de potentiels hurlements. »

Il était temps à présent d’exécuter la tâche la plus difficile, à savoir retirer la flèche. Il se remémora son savoir comme s’il brandissait un livre ouvert entre ses mains. Le fer de la flèche était le problème principal, le tirer vers l’arrière risquerait de sectionner des nerfs ou des veines et donc aggraver l’état de la blessure. Il ne devait pas briser le trait au risque de laisser le fer dans la chaire, causant fièvres et infections souvent fatales. S’il avait une cuillère spéciale, il aurait tenté d’extirper la flèche avec mais sans cet outil médical, la seule solution allait être d’élargir un peu la plaie pour pouvoir sortir le projectile sans provoquer d’avantages de dégâts.

Inspirant profondément, il s’exécuta sans afficher la moindre hésitation, une lueur d’intense concentration dans son regard bleuté. De la pointe de sa dague chauffée, il l’enfonça doucement sous la flèche, tirant lentement sur la hampe tout en maintenant la blessure ouverte de peur que le fer tranchant ne tire avec lui la chaire interne d’Aurore. L e processus devait être terriblement douloureux pour elle et il espérait qu’elle y résister avec cette même force de volonté qu’elle affichait tout à l’heure. Après un instant qui sembla durer une éternité, l’homme finit par retirer complètement le vicieux projectile qu’il jeta au loin, trempé du sang de la malheureuse jeune femme. Aussi rapide que le lui permettait son corps, l’entrepreneur nettoya la plaie avec un peu d’eau tirée de sa gourde, à défaut d’utiliser de l’alcool ou du vinaigre pour éviter que la plaie ne s’infecte. Aussi il n’avait pour d’autres choix que de refermer la blessure en la cautérisant. C’est dans un crissement sinistre que la lame brûlante de sa dague se colla contre la plaie nettoyée. Ludwig compta jusqu’à trois avant de retirer la lame, bandant ensuite l’épaule d’Aurore avec un morceau de tissu arraché des vêtements d’un des assaillants.

« Une vraie survivante. C’est rien qu’une égratignure, pas vrai ? »

Il essayait de la rassurer, de l’inviter à prendre son triste humour comme consolation. Le baron du crime n’était guère habitué à venir en aide aux gens, c’était un concept si inédit pour lui qu’il ne savait plus quoi penser si ce n’est chercher un lieu sûr pour se réfugier avant que d’autres chasseurs ne parcourent les lieux. L’homme ramassa les affaires de sa partenaire aussi rapidement que possible, puis lui indiqua :

« Il va falloir qu’on trouve une cachette. Un petit refuge pour faire halte. Ces chiens vont nous coller aux pieds dès qu’ils découvriront qu’on a tué ces deux là. Dans peu de temps ils vont se demander où est passé la patrouille et retraceront leur ronde jusqu’ici. Le temps nous est compté. »

Sauf qu’il y’avait un souci de taille, c’était l’état de l’archère. Très mal en point, elle ne pouvait clairement pas compter sur elle-même pour se tirer d’affaire. L’abandonner ici lui semblait une option inexistante malgré lui. S’était-il attaché à cette mage sans grande importance à ses yeux, à cette femme qui ne pouvait jouer le rôle de pion dans son échiquier mondial ? Il ne prit pas la peine de répondre, guidé par une mystérieuse voix dans sa tête qui lui dictait la bonne chose à faire sous prétexte que ses chances de survies étaient plus grandes en compagnie de la blessée.

« Je vois pas d’autres solutions … »

S’accroupissant, il ne demanda pas l’avis d’Aure quand il s’empara de son bras pour le rejeter sur ses épaules endolories avant de la soulever en grognant sous l’effort. Un second bras encercla la taille de l’archère, la maintenant fermement soutenue par le corps du quarantenaire qui commença alors à avancer avec son fardeau humain, sourcils froncés et respiration profonde. Tout son corps gémissait, semblait se rebeller. Mais sa volonté, elle, brûlait d’une flamme nouvelle. La détermination guidait chacun de ses pas et l’instinct de survie animait son cœur d’une énergie rare, l’empêchant de s’écrouler comme un arbre mort avec son poids à la chevelure flamboyante.

Serrant des dents, il se murmura à lui-même pour se donner courage :

« Allez Ludwig, tu es un des hommes les plus redoutés de Daënastre. Tu ne vas pas laisser l’âge te clouer au sol. Tu vaux mieux que ça, allez. T’as fais l’armée, tu es sensé être un solide bloc de béton. C’est pas le moment de flancher, pas le moment … »

Grognant, il ne se rendait pas compte que sa prise sur la femme pouvait sembler indécente ou irrespectueuse sachant qu’il n’avait nullement demandé son avis. Mais il s’était douté qu’elle allait le supplier de la laisser tomber, de fuir comme un lâche et un couard, de sauver sa peau. Lui qui était insensible au remord, pourquoi s’inquiéterait-il de l’état d’une autre vie abandonnée à son triste sort ? Mais la logique ne circulait plus dans les rouages de son esprit. Seul cette volonté de survie lui donnait ces élans altruistes, lui faisait pousser des ailes de courage et de puissance, lui donnant pour la première fois de son existence cette sensation étrange de faire un acte jugé bon.

Secouant un peu sa tête, il fut surprit par ses pensées et se promit de ne pas prendre goût à ce héroïsme qui ne s’accordait nullement à ses valeurs et à son caractère. Non, son acte était juste poussé par la confusion du combat, voilà tout. Il allait la sauver puis il oublierait ce moment d’étrange altruisme. Son cœur ne devait pas s’attendrir. Il devait rester solide comme l’acier s’il voulait atteindre les sommets qu’il s’était fixé. Mais rien ne l’empêchait, pour l’heure, de se détourner un peu de son chemin tracé.

« Tu me devras un bon thé quand on s’en sortira, hein Aurore ? Un bon thé bien chaud … bon sang ce que j’aimerais en goûter un une dernière fois …  je ferais bien un acrostiche dessus si cela me permettait d’en invoquer un !»

Il rit doucement, supportant la fatigue, supportant la douleur, supportant la fatalité du destin.

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Chasse à l'homme [Terminé] - Page 2 EmptyVen 24 Nov - 22:14
Aurore s’était retrouvée un peu malgré elle, allongée sur le sol froid recouvert de feuillage, ses doigts avaient abandonné le visage de Ludwig pour s’enfoncer doucement dans la terre froide, cherchant à soulager sa douleur par un geste imperceptible. Sa tête très légèrement surélevée lui semblait bien plus lourde que ce qu’elle ne devrait. Lentement des petites décharges parcourraient ses membres, un délicieux mélange de fatigue et de non-contrôle. La rousse ne semblait pas réellement réaliser à quel point son partenaire faisait attention à elle, certaine de faire équipe avec un homme sans cœur, sans foi ni loi, sans pour autant trouver ça condamnable sur l’instant. Ne connaissait-elle pas suffisamment les méfaits pour comprendre ?  Fermant doucement les yeux, la my’tränne se serait bien vu partir ainsi, au milieu de la nature, dont les couleurs orangées lui semblaient parfaitement s’associer à sa chevelure. Le technologiste avait fini par quitter sa position observatrice, se déplaçant un peu plus loin, dans un titubage digne d’une personne ayant ingurgité une trop grande quantité d’alcool. Aurore pouvait l’identifier à présent, elle avait eu l’occasion de tester cet état lors de l’événement de paix, le premier jour exactement même. Quoi qu’il en soit les brindilles semblaient craquer sous le poids de son binôme, une quinte de toux s’échappait même parfois de ses lèvres. Ouvrant un œil, la rousse aurait certainement souhaité avec plus de ferveur le voir s’éloigner, le voir partir. Afin d’avoir une raison de le haïr, de raviver cette flamme d’incertitude, de doute vis-à-vis de ce peuple, avoir une véritablement raison de ne pas poursuivre dans cette démarche d’attachement irréaliste.

Fronçant les sourcils, la mage ne pouvait réellement accepter cette envie de le protéger qu’elle éprouvait pourtant, ne pouvait tolérer le fait qu’elle allait se faire aider par cet homme que jusque-là, elle n’avait eu de cesse de dénigrer. Il avait fini par réussir à faire du feu, elle n’avait pas pu s’empêcher de se redresser légèrement, afin d’observer sa manière de faire, sa façon de bougonner, de ronchonner vis-à-vis de la manière plus primaire de produire des flammes. Aurore n’avait pas pu s’empêcher d’être peinée pour lui, peinée par le fait qu’il n’était pas en mesure de voir à quel point l’environnement était beau, bon et surtout utile dans bon nombre de domaines. N’était-il pas en mesure d’agir différemment qu’avec toujours cette assistance constante ? Il avait fini par revenir vers elle, l’action ponctuée par un soupir de la jeune femme. La lame qu’il tenait en main, chauffé ne lui laissait que peu de doute vis-à-vis de son intention. Elle allait avoir mal, c’était une évidence, le fait qu'elle allait devoir le camoufler autant que possible, était une toute autre évidence.


- « Être une mauvaise personne est quelque chose de trop subjectif pour moi » souffla-t-elle «  Regarde, pour eux » elle désigna d’un bref geste de tête le corps sans vie un peu plus loin «  Je suis aussi autant un monstre que toi. Alors, partons du principe que nous sommes sur un pied d’égalité toi et moi, qui sait, suis-je peut-être véritablement pire qu’un non-mage, tu ne me connais pas.»

Et elle ne le connaissait pas, c’était la dure et violente réalité. Elle allait devoir pour la première fois de sa vie, accepter de faire confiance à un autre qu’elle-même. Pour une durée courte, certes, mais l’étape, lui semblait infranchissable. Oh, Aure n’en démontrait rien, se contentant d’étouffer un gémissement entre ses lèvres, alors qu’il l’aidait à se redresser davantage. Sa fatigue omniprésente, ses traits trop tirés pour paraître aussi honnête que le sourire qu’elle tentait vainement de conserver, témoignaient suffisamment de ce qu’il pouvait agiter son esprit. Il lui avait tendu sa ceinture et elle l’avait mordu, sans taquinerie, sans surplus, sans débat inutile. Sa mâchoire était complètement contractée, ses muscles ne pouvant se serrer davantage sur cette chose qui était censée maintenir le pantalon.. Preuve, qu’elle était parfaitement concentrée, elle n’eut même pas le temps de se demander, comment le pantalon tenait à présent. Fais ce que tu dois faire, c’est ce que son regard devait indiquer, ou plutôt hurler avec sévérité. Ses prunelles avaient fini par fixer un point, longtemps, cherchant à oublier, à ne pas pouvoir anticiper l’acte. Ses ongles s’étaient définitivement enfoncés dans la terre pourtant compacte, ses paupières s’étaient refermées, cherchant à l’aider à s’imaginer ailleurs, autre part, sans pour autant être avec une personne différente. Était-il une bonne ou une mauvaise rencontre ? Elle n'avait malheureusement pas le temps de débattre sur le sujet.

Le contact de la lame chauffée sur sa chair n’avait pas pu être absorbé par son psychisme, la douleur était bien réelle, autant que le grognement qu’elle tentait d’étouffer entre ses dents, contractant davantage sa mâchoire. L’environnement avait immédiatement tourné tout autour d’elle, autant que les battements de son cœur irrégulier foudroyaient la totalité de son circuit sanguin, sous l’intensité de l’action, certaine veine de ses avant-bras étaient devenue plus visibles, tout comme celle juste au niveau de son front. Ne pas crier, ne pas hurler, ne pas donner d’indice sur leur localisation, c’était tellement plus facile à dire qu’à faire. Sa respiration était tout aussi incompréhensible que le reste, se coupant, reprenant en fonction des mouvements de son ‘soigneur’, savait-il au moins ce qu’il faisait ? Rien n’était moins sûr. La flèche fut retirée, rejetée au loin, dans un roucoulement mi-étouffé, provoqué par un mélange de salive et de sang dans sa bouche. Aurore avait naïvement eu l’illusion de croire que tout était à présent terminé, jusqu’à ce que le contact de la lame lui semble durer une nouvelle fois une éternité. C’était chaud, désagréable, douloureux, comme-ci on essayait de la noyer, de l’étouffer et de la démembrer en même temps. Une prémisse de ce qui l’attendait certainement si elle ne parvenait  pas se remettre rapidement. La lame retirée, elle avait relâché la ceinture de ses lèvres, prenant une longue et profonde inspiration, cherchant de l’air qu’elle ne semblait pas parvenir à capter. Son environnement tournait davantage alors qu’elle sombrait lentement vers ce stade d’hyper ventilation, jusqu’à parvenir miraculeuse à se calmer. Aurore avait finalement regardé cet homme qui tentait de faire de l’humour, de détendre l’atmosphère comme elle aurait pu essayer de le faire. De façon maladroite certes, de façon horriblement étrange même. Elle lui offrit un sourire faiblard, un peu ailleurs, un peu perdu, encore sous le choc.


- « Une égratignure avec une belle cicatrice, ça impressionnera peut-être mes futurs adversaires, ou pas. »

Sa voix n’était pas très imposante, moins assurée qu’auparavant, elle tentait cependant de faire bonne figure, de rester plutôt souriante, plutôt décidée à conserver sa bonne volonté, sa possible bonne humeur. Cependant, la volonté ne suffisait parfois pas, l’envie non plus, l’environnement tournait toujours, ses mains tremblaient, la fatigue était plus que visible sur l’expression de son visage. Aurore ne tentait pas l’impossible, elle n’essait pas de se relever, ni même de provoquer son interlocuteur comme elle aurait pu le faire. Doucement, terriblement, elle commençait à comprendre que malgré le soin apporté, il allait devoir l’abandonner là pour sauver sa vie. Ça lui déchirait les entrailles, lui retournait l’estomac tant sa volonté ne semblait pas en accord avec sa capacité physique actuelle. Elle avait autant envie de le supplier de rester, que de lui hurler de partir, de ne pas se retourner, de vivre. Ne pouvait-elle pas retenir un peu ceux qui tenteraient de le poursuivre ?  Ses yeux s’écarquillent quand il formula des projets à deux, ils s’écartèrent d’autant plus quand il évoqua un « nous » qu’elle  se senti obligée de répéter en articulant exagérément.

- «  Nous ? »

Sans réellement comprendre, où sans avoir le temps de visualiser à l’avance ce qu’il allait faire, la rouquine se retrouva en contact direct avec le corps de l’homme, sur ses épaules. Ses mains la maintenant, elle grogna, de douleur d’abord, puis de mécontentement, sans pour autant se débattre. Son esprit était de nouveau en bataille, sujet à deux sentiments opposés, le soulagement de ne pas être abandonné, puis le mécontentement de se retrouver impuissante, tel un poids qu’on traîne par pitié. Elle serra les dents, ronchonnant dans la barbe qu’elle n’avait pas. Il était beaucoup plus fort que ce qu’elle n’avait pu imaginer, c’était même, plutôt improbable à ses yeux. Fronçant les sourcils, la rouquine se demandait d’où provenait cette force insoupçonnée chez lui. Ses phrases d’auto-encouragement tirèrent un sourire à la jeune femme, qui ne put conserver pour elle, sa pensée.

- «  Tu vas y arriver… Pas besoin de t’encourager, regarde-toi… »

Elle n’avait nullement l’habitude de cette proximité avec qui que ce soit, n’avait nullement l’envie, le désir d’être proche d’un autre individu qu’elle-même. Cependant, elle n’avait pas le choix, elle avait également complètement consciente qu’à aucun moment il ne la redéposerait sur le sol et elle n’était pas prête de lui offrir une difficulté supplémentaire en se débattant, fatiguée, la jeune femme tachait de rester éveiller, tâchait de se servir de son don pour l’aider un peu, avec un courant d’air peu porteur, quoi qu’un peu réconfortant. Son énergie était puisée dans sa croyance, croyance qui ne semblait pas affectée par cet état psychologique plus qu’inconfortable. Quand il évoqua le thé, la rouquine semblait dans un état second, alternant entre conscience et inconscience, là sans être véritablement là. Elle passait par un peu près toutes les températures, alternant froideur extrême et chaleur importante, ses yeux semblaient plus brillants qu’à la normale. Signe que malgré les apparences, malgré cette force qu'elle dégageait, elle lutait pour conserver un semblant de cohérence. Pire, elle avait été profondément affectée par tout ça.

- « Promis » souffla-t-elle sans grande conviction «  Un thé bien chaud avec des feuilles de chez moi » poursuit-elle « Tu aimes la région de Suhury ? »

Essayer de ne pas s’endormir, de lutter contre les sensations qui n’avait de cesse d’attaquer son corps, son esprit. Elle grelotta quelque peu, serrant doucement ses doigts sur le tissu enveloppant le torse de son transporteur. Lentement, ses doigts avaient fini par diminuer en force, jusqu’à se défaire de tout, dans une certaine douceur. Son absence ne dura que quelques minutes tout au plus, la douleur venant l’éveiller dans une rapidité déconcertante, elle n'avait pas pu retenir un gémissement, qui s'était échappée sans même qu'elle ne s'en aperçoive. Sa vision, elle, semblait vouloir rester dans un joli flou. Elle souffla lentement en constatant qu’elle était toujours sur les épaules du marchand d’armes.

- «  Je sais que j’exagère… » dit-elle d’une voix plus faible encore « Tu ne veux pas me parler de toi ? Mais… » elle se déplaça un peu pour soulager sa douleur, sans pour autant lui faire perdre l’équilibre, elle restait délicate «  Ne me mens pas… Je ne supporte pas ça… J’ai peur de m’endormir…Il ne faut pas… »

Une pensée atroce avait fini par prendre possession de son esprit, si la flèche était empoisonnée, si le poison coulait déjà dans ses veines ? Il la transportait pour rien, elle était déjà peut-être perdue. L’obligation de ne pas s’endormir s’imposait davantage dans son esprit, c’était un fait non négociable, qu’il parle ou non. Elle devait se maintenir éveillée et puis elle eut de nouveau cette demande, particulière, étrange :

- « Qu’est-ce que ça fait de ne rien oublier ? De se souvenir de la perte de quelqu’un ? »

C’était une question logique, est-ce que la souffrance perdurait ? Est-ce qu’elle s’infiltrait dans chacune des respirations, est-ce qu’elle ne finissait pas par disparaître ? Est-ce qu’on pouvait vraiment avancer alors qu’on avait plus ceux qui comptaient à nos yeux ? La rouquine avait fini par tousser, de façon importante. Ses yeux s’écarquillèrent, à la découverte d’une petite caverne un peu plus, elle le stoppa dans ses paroles, si il avait parlé, avait bougé suffisamment pour se retrouver sur le sol, manquant de s’évanouir à peine le pied-à-terre.

- « Arrête… Regarde… là-bas »

Comprenant que son binôme était épuisé, c’était à son tour de tirer cette force surhumaine, venue d’un lieu inconnu de ses entrailles. Elle lui attrapa la main, le tirant doucement jusqu’à elle. En réalité, elle n’avait rien vu, simplement senti ce vent s’engouffrer un peu plus loin, bien camouflé derrière des armes. Elle le tira doucement encore, tout en avançant de manière improbable, comme un enfant apprenant à marcher pour la première fois, comme un bambin chutant avec le sourire. Aurore tentait de lutter contre toutes les contradictions de son être. Vivre. C’était tout ce qu’elle voulait. Vivre jusqu’à le voir lui en sécurité, puis elle oublierait, reprendrait son quotidien, resterait cette femme insensible qui rit de tout, mais surtout de rien.

- « Écoute… Ne regarde pas avec tes yeux… Est-ce que tu sens ce petit vent… Par là. »

Instinctivement, comme elle avait appris enfant, elle suivit cette sensation, ce vent qui s’infiltrait un peu plus loin. Puis ses pas se stoppèrent, elle écarta quelque branchage pour découvrir ce lieu un peu improbable. Cet abri de fortune dans la roche creusée, isolé, à l’abri des regards. Ici, ils allaient pouvoir se reposer, un peu, encore. S’il y avait eu besoin, la jeune femme aidait naturellement le non-mage, à sa mesure. Elle se laissa glisser contre le mur en pierre, jusqu’à se retrouver sur le sol, récupéra son arc et ses flèches, dont une qu’elle encocha, sans être certaine de parvenir à toucher qui que ce soit en cas de danger. N’était-ce pas l’intention qui comptait après tout ?

- « Repose-toi, Ludwig solide bloc de béton qui a fait l’armée. »

Elle était taquine du moins, c’est ce qu’elle avait souhaité essayer de faire, d’être pleine d’humour ou de gentillesse. Alors qu’en réalité, cette révélation formulée l’avait profondément perturbé. Avait-il tué des mages ? Avait-il provoqué des conflits, avait-il pris en pleine connaissance de cause des décisions qui avaient coûtés la vie de personnes comme elle ? Les interrogations lui brûlaient évidemment les lèvres, autant que son envie de trouver un plan. Dans son état, elle allait être un poids quelque jour, cependant l’état de fatigue de son binôme n’était pas à prendre à la légère non plus.

- «  Ton nez… Il faut le soigner un peu… Approche-toi. »

Elle abandonna finalement son arc, pour le déposer juste à côté d’elle, récupéra son sac afin de mélanger les plantes et un peu d’eau de façon à faire une mixture plus ou moins odorante. Peu liquide, vraiment pâteuse, elle finirait par durcir sur la plaie pour la protéger, mais aussi éviter toute infection.

- « Laisse-moi faire… Après, je tâcherai de tenir le temps que tu te reposes… Promis. Tu dois vraiment te reposer. »

Si il ne s’était pas rapproché, Aurore serait venue jusqu’à lui, sinon, elle aurait simplement offert un sourire en guise de remerciement. Lentement, elle était venue appliquer du bout des doigts la mixture, utilisant les dernières plantes en sa possession. Elle devrait en retrouver rapidement, au vu de la chance des deux jeunes gens, celle-ci s’annonçait très importante. Délicatement, elle était venue appliquer la substance, faisant attention à ne pas le faire plus souffrir que ce qu’il devait déjà, ses yeux étaient fixés sur son visage, détaillant chacun de ses traits avec intérêt, malgré sa vision encore trouble, elle semblait ne pas trop en mettre à côté, signe qu’elle était réellement attentive à sa douleur et son bien-être. Aurore avait déposé juste à côté de lui la gourde, prenant tout de même la peine d’en boire une gorgée avant de la déposer proche de lui.

- «  Merci… »

Ludwig Strauss
Ludwig Strauss
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Chasse à l'homme [Terminé] - Page 2 EmptyDim 26 Nov - 16:44
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Daënar -2
« Suhury ? Je l’ignore. Je n’ai fait que traverser très brièvement la région lors de mon dernier voyage à My’trä. »

S’arrêtant un court moment, il ajusta quelque peu sa prise sur la blessée, résistant à l’envie de s’écrouler lourdement sur un sol qui lui semblait si doux et accueillant. La fatigue le harcelait comme une nuée de guêpes plantant leurs dards brûlants dans ses jambes, la sensation cuisante se liguant avec la sensation de froideur qui le gagnait. Sensations contradictoires qui avaient le don d’affaiblir cet homme peu habitué à pareils efforts.

Sa partenaire désirait à tout prit rester éveiller. Il lui aurait pourtant bien conseillé de prendre un peu de repos, même dans une position aussi peu confortable que ses épaules. Mais d’un autre côté, il aurait du mal à surveiller son environnement, lui dont la tête était penchée vers le bas pour éviter de se prendre les pieds dans un enchevêtrement de traitresses racines ou de piétiner un serpent venimeux. S’il espérait une chose, c’était qu’Aurore ne soit pas entrain de délirer à cause d’une fièvre soudaine. Sans elle pour surveiller les alentours, leurs chances de s’en sortir seraient réduites tragiquement.

« Te parler de moi … tu es sûr de vouloir me connaître ? Parfois l’homme qui se referme dans son ignorance vit heureux, insoucieux des horreurs qui l’entourent. Mais quand il laisse la curiosité le gagner et qu’il commence à enjamber le petit mur de son indifférence, il y découvre parfois des secrets qui bouleverseront sa vie à jamais. »

Évitant de justesse de poser sa botte sur un nid de fourmis aux mandibules trop menaçantes pour le bien de sa peau, il s’écarta légèrement de sa trajectoire initiale en faisant taire le battement de son cœur malmené par l’effort.

« Ah, les souvenirs. Et bien, c’est un peu un don et un fardeau à la fois. D’un côté, la perte d’un proche reste une plaie longtemps présente en toi, parfois ne te quittant jamais. C’est une terrible souffrance, mais d’un autre côté cela te permet de ne pas oublier la personne que tu aimais, appréciait, l’être avec qui tu as partagé des moments de bonheur et de malheur. Sans souvenirs, l’être perdu est effacé par le temps et sa mémoire avec. Sans héritage, l’au-delà semble bien froid et morne. »

Il s’arrêta soudainement sous l’ordre de la rouquine. Souffrait-elle trop pour qu’il continue à avancer ? Non, elle avait sentit quelque chose qui lui échappait à lui, homme au bord de la fracture. Sa partenaire se défit de sa prise et le guida avec une force insoupçonnée. Ludwig ne put que suivre aveuglément la chasseuse, trop épuisé pour penser ou tout simplement pour parler. Les jambes tremblantes, il tenta de suivre le conseil d’Aurore et de sentir l’air autour de lui. Malgré son état d’épuisement et ses sens alourdis, il put ressentir une fine brise le caresser doucement, petit vent dont il ignorait l’origine contrairement à l’archère qui semblait y voir quelque chose de providentiel à en juger par le timbre de sa voix.

Miracle, en effet. Aurore avait découvert un petit abri rocheux, à l’abri sous une couverture de feuilles et de branchages. Un repère parfait pour se reposer tout en échappant à la vigilance de leurs traqueurs si jamais la malchance venait à les guider dans les parages. On pouvait dire que le destin leur accordait enfin un sursis, mais en bon daënar Ludwig n’y vit aucun signe divin d’une miséricorde de la part de quelques entités supérieures, seulement une circonstance avantageuse et bienvenue.

S’affalant dos contre la dure surface de pierre, il se laissa lentement glisser avant de prendre une position assise qui rappelait plus l’état d’un cadavre abattu récemment tant l’homme s’était écroulé comme une épave. Un soupir plus long que le sifflement d’une locomotive s’échappa des lèvres desséchées de l’homme d’affaires convertit à l’état de survivant. Il était à bout, les yeux encerclés par des cernes de fatigue, le visage éclaboussé par des tâches de boue séchée et quelques gouttes cramoisies de sang dur. Luisant de sueur, ses mèches s’étendaient en bataille sur son front collant.

« Solide bloc … je sens que je vais tomber en miettes. »

Il était prêt à laisser un sommeil qui n’avait rien de naturel le couvrir d’un voile noire, ses prunelles lui semblant plus lourdes que du plomb. Tout son corps hurlait souffrance et épuisement. Il en vint à regretter ses années passées à faire des affaires plutôt qu’à entretenir sa condition physique, à s’entraîner de temps en temps pour garder un semblant de vigueur et de vitalité. À la place, le voilà, homme croulant sous le poids de sa propre faiblesse. Ses compromis au niveau de sa gestion de temps se retournaient contre de la plus affreuse des manières et dans la situation la plus terrible qu’il n’ait imaginé.

Il l’écoutait à moitié, le regard vague, regardant sans regarder le mur adjacent, affalé comme dans une scène de crime dans les ruelles enneigées d’Aildor, quand la milice locale découvrait trop-tard le corps d’une des victimes innombrables de la cité des voleurs, étendue contre un mur de brique couvert de pétales écarlates de sang, dernière œuvre d’art du malheureux au moment de sa mort. Ludwig vint même jusqu’à porter une main sur son torse pour s’assurer qu’il n’avait pas été touché lui-même par une balle perdue, venue de nulle-part. Ses doigts ne rencontrèrent aucun trou sanglant, aucune blessure béante. Seulement le tissu collant sur sa peau brûlante et ruisselante de sueur.

Quand elle commença à appliquer la pommade sur son nez douloureux, il frissonna et rouvrit les yeux, son regard d’un bleu pâle fixant les prunelles d’un vert cristallin de la soigneuse. Malgré sa propre fatigue, malgré sa blessure terrible et malgré toutes les épreuves qu’ils avaient vécues, elle continuait à prendre soin de lui comme s’il était n’importe quel humain digne de compassion. Quand elle le remercia, il détourna légèrement le regard sur le côté, hésitant. Ouvrant les lèvres pour parler, aucun mot n’en sortit, seulement la respiration difficile du brun. Puis reportant son regard vers la my’tränne, il finit par souffler d’une voix lasse :

« Né parmi des prédateurs, j’ai du bien-vite me décider entre devenir un mouton comme le reste de l’humanité, ou me convertir en prédateur aussi. Les gens se dévorent impitoyablement sous le couvert des règles et des lois qui favorisent certains et accablent les autres. J’ai compris cet état de fait très tôt et je me suis dis que je serais un requin au sommet de la chaîne alimentaire. Un requin parmi les moutons et les loups. Et il fallait manger. Manger ou être mangé. »

La gorge sèche, il avisa la gourde à ses côtés sans pour autant avoir la force ou la volonté de porter sa main vers la source d’eau salvatrice, se contentant de grogner un peu avant de poursuivre :

« Je suis quelqu’un de mauvais, c’est indéniable, Aurore. Mais le bien et le mal sans deux concepts si flous. Combien de héros ont du tuer des innocents pour sauver la majorité ? Combien de tyrans ont au contraire aidé leurs royaumes à renaître de ses cendres malgré leurs mesures impitoyables ? C’est un terrible dilemme, ce que la vie nous impose comme choix lourds capables de nous briser par leur poids pourtant bien réel. J’ai choisis de ne pas succomber au fardeau de la morale, de vivre ma vie comme je le sens … non … comme la nature l’a fait : la loi du plus fort, elle existe toujours. Il faut survivre, mais il faut aussi accomplir un accomplissement de soi. Cela exige de piétiner les autres pour atteindre les sommets. Il y’a cela ou simplement vivre une vie fade, maussade, sans aucun sens, jusqu’à ce que le temps t’effrite et que l’idée de finir tes jours par le suicide te semble être une douce libération. »

Ses deux saphirs fixèrent un instant le plafond de cette étrange caverne, semblant y déceler quelques vérités dont seuls ses yeux avaient le droit de distinguer. Il les reposa bien vite vers son interlocutrice.

« Aurore, si je suis resté à tes côtés c’est parce que je sais être reconnaissant, mais aussi parce que j’admire cette gentillesse qui te donne une telle force. Ta vision du monde semble si différente de la mienne et pourtant nous voilà tous deux, survivants malgré tout ce qui nous oppose. Nation, culture, morales … je ne veux pas t’imposer ma vision du monde, mais éclaircir la tienne. Dans la vie, tu vas devoir faire des choix parfois terribles. Libre à toi de les laisser te hanter par la suite ou de tourner la page du remord et t’épanouir. »

Posant soudain une main ferme sur l’épaule intacte de la chasseuse, il la serra fermement tandis qu’il fronçait des sourcils, sa voix se faisant plus profonde et forte, son regard brûlant soudain d’une volonté insoupçonnée :

« Tu dois vivre, et pas seulement survivre. Regardes le futur, regardes ton héritage. Ne sois-pas juste une statistique dans le gigantesque livre qu’est Irydaë, deviens un titre resplendissant sur la couverture. Que tu choisisses de devenir une légende, un monstre jouissant de tout, qu’importe. Seule la passion de tes désirs doit le remporter. Une vie sans objectifs ne mérite pas d’être vécue. Je ne recule devant rien pour atteindre mes ambitions, le feras-tu, Aurore fille de My’trä ? Ou choisiras-tu de rester dans l’ombre jusqu’à t’éteindre comme Busad ? »

Doucement, il la relâcha quand il avait sentit que sa prise s’était faite comme un étau impitoyable. Regrettant son geste, il se coucha à nouveau contre le mur de pierre, las, épuisé. Soupirant doucement, il lui murmura :

« Si tu souhaites m’abandonner, je comprendrais. Si tu souhaites me supprimer, fais-le tant que tu le peux. Je te laisse réfléchir quant au sens de mes mots. Le choix, lui, t’appartient entièrement. Mais dans tous les cas … merci à toi aussi, pour ton aide. Pour ta gentillesse. »

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Chasse à l'homme [Terminé] - Page 2 EmptyDim 26 Nov - 20:53
Les mots pouvaient avoir un impact parfois plus important que la plus douloureuse des blessures. Aurore en prenait lentement conscience, avisant un long moment ce regard océan qui la surveillait, qui la détaillait. Gênée par cette proximité, gênée par ce moment d’intimité, l’un comme l’autre étant dans une distance si infime qu’il pénétrait dans la bulle de son interlocuteur. Un doigt sur le nez de Ludwig, appliquant le mélange odorant, son esprit lui, se concentrait sur ce qu’il avait pu lui dire, sur cette envie d’en savoir plus, sur le fait qu’il était forcément un homme mauvais. Était-ce mieux d’ignorer ou de savoir et de prendre les décisions avec tous les éléments en main ? Plissant doucement le nez, comme elle le faisait souvent quand elle était concentrée, la rouquine tâchait d’être aussi délicate que possible. Il n’était pas envisageable de lui faire mal, pas envisageable d’augmenter une souffrance déjà bien trop omniprésente. Les regards se croisaient, se fuyaient aussi maladroitement, alors qu’Aure tentait de n’avoir qu’un objectif, le soin de cette vilaine plaie qui défigurait le pauvre homme. L’industriel avait fini par briser le silence qui s’était installé, faisant le choix de communiquer, dire sans trop en dire, frôler la vérité sans jamais la bafouer. La jeune femme avait stoppé ses mouvements, ramenant sa main le long de son corps.

Ses deux émeraudes s’étaient déposées sur son visage, le détaillant alors qu’elle cherchait certainement la part de vérité dans des premières paroles bien énigmatiques. Aurore, ne croyait nullement à cette idée, ne pensait pas que la vie de chacun était toute tracée, du moins pas entièrement, elle refusait d’accepter que le monde pouvait être formaté pour un type de personne en particulier et que seul le plus fort, le plus inhumain qui parvenait à s’imposer survivait. Les métaphores qu’il utilisait ne lui permettaient pas d’imaginer à quel point l’homme qui lui faisait face avait pu faire du tort à son peuple, sans pour autant anéantir cette idée. Aurore n’était pas stupide, elle savait que dans tout mensonge se cachait toujours une part de vérité, que si c’était lui qui avait été amené ici, c’est qu’il avait dû commettre des actes atroces vis-à-vis de ceux qu’elle s’était toujours juré de défendre.

Ses sourcils s’étaient légèrement froncés, alors qu’elle tentait d’anticiper, de comprendre vers quoi il voulait en venir, vers quoi il voulait l’amener. Était-il responsable du déroulement des actions dans les mines, pouvait-il être celui qui amenait doucement les siens vers l’esclavage ? Impossible… Ses lèvres s’étaient légèrement écarquillées alors que l’idée commençait à s’imposer lentement dans son esprit, sans pour autant parvenir à l’accepter. La suite de ses propos eurent le don de la faire grogner, alors qu’elle se réinstallait convenable face à lui, le regard plongé dans le sien, regard qu’il abandonnait pour aviser le plafond de l’abri. Aurore comprenait, ou plutôt entendait parfaitement ce qu’il était en train de lui expliquer, sans parvenir à voir cet homme, dans celui qui lui faisait face. Ni au bal, ni durant la fuite, ni même ailleurs, Aurore n’avait jamais vu derrière ce regard aussi bleu qu’un ciel d’été cet homme froid, sans scrupule qui était prêt à détruire qui se dresserait face à lui. Il parlait de la loi du plus fort, loi tellement abstraite pour les yeux de celle qui s’épanouissait en portant assistance à qui en avait besoin. La force devait-elle être physique, mentale ? L’art de la manipulation devait-il être plus fort ? Les sentiments devaient-ils être écartés ?

Silencieusement, la rouquine semblait encaisser des paroles trop lourdes de sens, trop dur, trop incompatible avec sa manière d’être. Elle ne souriait pas, n’exprimait pas le moindre sentiment de culpabilité ou d’agressivité. Elle comprenait. Aussi fou et impensable que cela pouvait sembler, elle comprenait réellement ce positionnement, cet état de fait. Il avait fini par déposer sa main sur son épaule, la serrant avec une force qu’il ne semblait plus pour autant posséder, le geste était dérangeant, presque douloureux, cependant encore une fois, l’unique réponse qu’il avait obtenue fut un silence. Il avait parlé de Busad, d’ambition et l’unique question qui avait fini par traverser l’esprit de la rousse, c’était de connaître celle de cet homme. Souhaitait-il dominer les deux peuples ? Souhaitait-il s’enrichir ? A quoi bon ? Que resterait-il à sa mort ? Un homme comme les autres, bouffé par les vers, comme les autres. Ne cherchait-il pas à se rassurer lui-même d’avoir réussi ?


- «  Tu as raison, je devrais certainement de tuer. » Souffla-t-elle en le regardant allonger sur le sol, se penchant légèrement, laissant ses doigts s’appuyer sur le haut de son torse, pour plonger son regard dans le sien «  Et je te promets de devenir ton bourreau le jour où tu détruiras ce que j’ai de plus précieux, crois-moi, ce jour-là je ne ferai preuve d’aucune pitié, d’aucun sentiment.»

Œil dans œil, bleuté rêveuse contre deux verts émeraude intenses. Aurore semblait la plus sérieuse du monde, si il voyait en elle un vent de douceur, de gentillesse, elle savait parfaitement qu’au fond d’elle vivait un passager plus sombre. Se penchant davantage, elle murmura un élément à son oreille avant de déposer un baiser sur son front, fermant les yeux :

- « Et puis, c’est peut-être moi qui vais éclaircir ta manière de voir les choses, qui sait… Maintenant, repose-toi. » Elle grimace « Je ne fais pas que survivre, tu te trompes… je ne suis pas stupide, je sais que la mort est quelque chose d’omniprésent, j’estime simplement que chaque vie est précieuse. »

Doucement, elle s’était redressée affichant un sourire un peu douloureux. Elle tenta de caler son sac sous la tête du non-mage, délicatement, pour lui permettre de se reposer avec un peu plus de confort, avant de s’installer non loin, tirant son arc jusqu’à elle. Son visage était plus fermé que ce qu’elle n’aurait voulu, réfléchissant à cette idée de mauvaise et bonne personne. Le monde pourrait-il tourner sans un certain équilibre ? Glissant une flèche entre ses doigts, le long de la corde, la my’tränne semblait rester sur ses gardes, concentrée sur ce qu’il pouvait se passer autour d’eux. Son regard s’était perdu une nouvelle fois sur la silhouette masculine, se demandant ce qu’il pouvait la pousser à rester auprès de lui, à ne pas partir ou à ne pas simplement éliminer un être qui se décrivait lui-même comme une menace. Un soupir avait fui ses lèvres, alors qu’elle délaissait son attention de cet homme pour la reporter sur le loin. Son épaule la lançait, la fatigue semblait la supplier de fermer les yeux et pourtant, elle restait parfaitement éveillée. Forçant sur sa détermination pour surveiller les environs. La respiration du non-mage avait fini par la bercer, animant l’abri de fortune. Sa propre respiration s’était fixée sur celle de Ludwig, alors que ses doigts se resserraient doucement sur son arc, pivotant légèrement jusqu’à lui. Pensait-il vraiment qu’elle ferait mieux de le tuer ? Est-ce qu’il la tuerait, lui, si la situation était inversée ?

Alors que la flèche aurait pu partir, sans manquer sa cible, ses doigts refusèrent simplement de lâcher prise, de mettre fin à une vie de cette manière. Son cœur s’était légèrement pincé, alors qu’elle fermait les yeux, consciente que pour l’heure, rien ne l’obligeait à faire ça, rien hormis des paroles qui semblaient plus défensives qu’autre chose, une mise en garde qui avait pour but de la protéger elle, ou simplement de la faire fuir. Elle avait finalement réajusté son corps, son arc, pour viser le lointain, une cible imaginaire, dans une posture purement défensive. Lentement, après quelques heures, ses yeux avaient fini par se fermer, sombrant doucement dans l’inconscience, dans le réconfort d’un sommeil réparateur. Aurore avait amené sa résistance jusqu’à ses limites et avait fini par s’assoupir sans rien ne pouvoir y faire. Autour d’eux, le calme semblait omniprésent, seul le bruit des oiseaux, de la forêt régnait.

La rouquine avait fini par émerger dans un sursaut, l’obscurité était à présent omniprésente dans le lieu. Elle jeta presque instinctivement un regard nerveux vers le non-mage, vérifiant par la même occasion son état. Sans bruit, elle s’était déplacée, frissonnant à cause de la fraîcheur de la nuit sur sa peau. L’homme semblait dans un sommeil profond, un sommeil qu’elle espérait reposant. Elle lui était redevable de l’avoir transporté, chose qui justifiait cet excès d’attention, tout du moins une partie. Aurore avait vérifié l’état de son nez, en prenant le soin de ne pas le réveiller, avant de le couvrir avec les éléments qu’ils avaient précédemment trouvés. La rouquine s’installa non loin de lui, pour ne pas dormir au plus proche afin de pouvoir partager le tissu censé garder le duo au chaud. La proximité lui sembla toujours aussi gênante, mais la froideur de l’endroit l’obligeait à y faire abstraction. Partager une nuit avec quelqu’un, voilà bien une chose dont elle n’avait absolument pas l’habitude. Tournant la tête vers l’homme qu’elle pensait endormi, elle murmura plus pour elle-même qu’autre chose :


- « Tu es vraiment un drôle d’oiseau Ludwig, requin parmi les requins, homme à l’aspiration sombre. »

L’arc et ses flèches n’étaient pas très loin d’elle, afin de conserver un côté rassurant, tout du moins essayer. Cependant, une nouvelle fois, la rouquine n’avait pas tardé à sombrer dans le sommeil, s’endormant sur le dos, sans avoir la possibilité de tourner le dos à l’industriel à cause de la douleur de son épaule. Le sommeil de la rouquine fut quelque peu agité, du moins davantage que ce qu’elle n’aurait souhaité. C’est en sueur, le souffle court que ses deux prunelles avaient fini par s’ouvrir de nouveau. Elle était semble-t-il confortablement installé contre son partenaire, position qui l’obligea presque immédiatement à avoir ce mouvement de recul alors qu’elle émergeait brusquement. Redéposant les tissus sur l’homme à ses côtés, Aurore avait fini par se lever, avisant la fine pluie qui tombait à l’extérieur. Récupérant les gourdes, elle installa le même mécanisme qu’elle avait pu le faire à l’ancien campement, afin de récupérer l’eau de pluie. Attrapant son arc et ses flèches, elle avait abandonné la sécurité du lieu pour sortir, profitant de la pluie pour se rafraîchir, pour essuyer les marques de son visage, pour se donner l’illusion d’être un peu plus portée, un peu plus saine.

Avancement doucement dans la végétation humide, elle releva le regard vers ce ciel gris, intense, presque protecteur. La mauvaise météo ne pourrait que ralentir la progression des poursuivants, tout comme elle pouvait ralentir la leur. Ne préférant pas y penser, la rousse s’était appliquée à cueillir des fruits qu’elle reconnaissait, des baies, de quoi s’alimenter un peu. L’obscurité était moins présente, mais l’astre n’était cependant pas entièrement levé, arrachant des feuilles larges qu’elle tissa de façon très bouillon entre elles, la jeune femme était revenue jusqu’à la grotte, déposant non loin de Ludwig une feuille avec de quoi s’alimenter un peu, de quoi boire aussi. Aurore n’avait pas tardé à se laisser glisser sur le sol un peu plus loin, préparant une mixture pour son épaule afin de soulager un peu sa douleur, elle avait retiré comme elle le pouvait le tissu que l’industriel avait mis en place, pour étaler ce mélange verdâtre sur sa plaie, avisant avec un peu de tristesse cette nouvelle cicatrice qu’il allait l’air de rien falloir accepter. Il ne lui restait plus qu’à attendre que l’homme se réveil afin de programmer ensemble la suite des événements, ils avaient sans aucun doute encore besoin de repos. La pluie, elle, semblait continuer de s’écouler avec plus d’intensité.

Plaçant ses doigts jusqu’à l’emplacement où devait se trouver le carnet de son père adoptif, carnet qui était très certainement resté à l’auberge en My’trä, c’est un léger sentiment de tristesse qui s’étaient emparé de la jeune femme, doucement elle murmura à sa propre intention, ou peut-être à l’intention de celui qui n’était plus :


- « Je suis désolée père, j’ai perdu ton carnet… Je n’ai à présent plus aucun moyen de me souvenir de nous… Au moins, je n’oublierai pas que tu as existé. »

Tout ça, c’était désarmant pour celle qui n’avait de cesse de vouloir prouver sa force, prouver sa détermination et son envie de survivre à cette épreuve. Elle ne devait seulement survivre, elle devait aussi combattre des personnes à la force plus accrue que la sienne, éviter les pièges, mais aussi collaborer avec un être qui au premier point coup d’œil était en totale opposition avec sa philosophie de vie et pourtant… Pourtant, quelque chose s’était tissé entre eux, quelque chose d’inexplicable, de non identifiable qui la perturbait bien plus que tout le reste. Déposant le mélange verdâtre, la rousse avait fini par fermer les yeux, sans pour autant réellement dormir. Elle avait besoin de réfléchir et de se concentrer sur autre chose.

Ludwig Strauss
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Daënar -2
Pour seule réaction quant à la promesse menaçante de l’archère, l’industriel épuisé se contenta de sourire sincèrement, un sourire fatigué mais expressif. Une sorte d’amusement pétilla sur son regard d’acier avant que ses paupières ne se referment lentement. Les dernières paroles de la chasseuse effleurèrent à peine son oreille tandis qu’il se laissait lentement noyer dans les eaux profondes d’un sommeil réparateur. Ainsi il resta étendu dos contre le mur, la tête penchée en avant. Ludwig abandonna toute pensée philosophique, toute appréhension, doute ou crainte. Telle une puissante drogue aux effets tant anesthésiants que somnifères, l’épuisement généré par son dernier affrontement face au redoutable traqueur avait complètement sapé ses forces.

Son torse était doucement bercé par le rythme de sa respiration devenue lente et régulière tandis que ses traits jusque là crispés se détendirent, prenant un masque paisible qu’on attribuerait plus à un mort dont l’agonie venait de s’achever. Enfin en paix, du moins si l’on pouvait appeler cela une paix toute relative, le technologiste dormait sans plus se soucier de son environnement, des épreuves difficiles qu’ils ont dut surmonter, des obstacles dressés à travers leur route périlleuse, des paroles échangées entre lui et cette femme au caractère si étrange pour sa propre conception du monde. Une chose l’avait rassuré, c’était quand elle lui avait promit qu’elle serait celle qui l’exécuterait si jamais il faisait du mal à son peuple, aux siens. Enfin, il avait put voir un peu de bon sens dans l’esprit de la rouquine, un peu de cet état de pensée qu’il défendait tant. Elle n’était pas insensible à la vengeance ou à un concept relatif de justice. Son regard lui avait clairement fait savoir qu’elle n’hésiterait pas à ficher une flèche en plein cœur si elle pouvait arrêter l’ambitieux conspirateur de mener à bien ses sombres projets.

Il était rassurant de savoir que sa partenaire n’était pas le doux ange qu’il commençait à s’imaginer, une niaise personne bercée par des rêves bleutés et animée d’une douce volonté que même les atrocités vécues au cours de leur évasion ne pouvaient altérer. Elle pouvait ressentir des sentiments de rancœur, de colère … la passion, voilà le mot. Elle pouvait être sensible à la passion, cette flamme qui animait aussi celui qui pourtant semblait être le plus calme et pesé des hommes. La passion s’exprime différent chez l’homme et en ce qui concerne le gentleman, elle se révèle de manière fort peu commune. Un peu comme un feu enfermé dans un engrenage de machineries faisant fonctionner un mécanisme d’acier et de rouages.

Son sommeil se trouble alors tandis que les souvenirs de l’illusion soudaine et brutale enclenchée par les sentiments d’Aurore lors de leur prise au sein de la cage refaisaient surface. Il se sentait à nouveau empêtré dans les eaux glacées et obscures, incapable de se débattre, de respirer, d’hurler … incapable de mourir. Autour de lui les spectres refaisaient leur sinistre apparition, précédés par la lueur pâle de leurs orbites vides perçant à travers l’obscurité. Mais cette fois leurs visages émincés et squelettiques lui étaient familiers. C’était le faciès hideux et sauvage des membres de cette barbare tribu, claquant des dents dans l’espoir de refermer leurs crocs jaunis et usés sur sa chaire. Prêts à le réduire en charpie comme un misérable appât jeté dans un lac infesté de piranhas, ils tendirent leurs doigts noueux et griffus vers Ludwig.

Il se réveilla soudain, ouvrant les yeux sans pour autant sursauter ou se jeter en hurlant comme un possédé. Il se contenta de jeter des regards frénétiques tout autour de lui, le cœur battant la chamade. Quand il comprit qu’il était de nouveau installé dans l’abri rocheux, loin de ses démons et de leur appétit vorace, il put se détendre à nouveau quoique difficilement.

Il remarqua alors qu’il pleuvait, une pluie plus forte que celle d’hier. Il pourrait la qualifier de torrentielle mais heureusement l’intensité de ce petit déluge ne menaçait pas directement leur petit refuge creusé dans la roche. Prit d’un soudain frisson, il croisa ses mains pour les frotter l’une contre l’autre et constata qu’il était recouvert de tissus qui le maintenaient dans une chaleur relative. Levant ses prunelles de saphir, il vit Aurore assise dans un coin, yeux fermés, semblant plongée dans une profonde méditation malgré le vacarme qui résonnait à chaque goutte de pluie s’écrasant sur les feuillages de la forêt. Une fois de plus, elle préférait prendre soin de lui plutôt que veiller sur son propre état. En pensant qu’elle avait put veiller sur eux tandis qu’il dormait, il se pinça les lèvres, prit par une sensation qu’il n’arrivait pas à expliquer mais qui le rendait particulièrement honteux.

Il devait faire quelque, n’importe quoi plutôt que rester dans son état quasi-léthargique. Ludwig se rendait compte qu’il détestait sa passivité, son penchant pour se laisser aller à la fatigue plutôt qu’y résister aussi courageusement que la my’tränne. Se relevant, il serra des dents quand il sentit les courbatures saturant ses muscles s’exprimer à travers quelques roulements d’os peu glorieux, puis se massa lentement la nuque endolorie par sa position. Inspectant les lieux, il remarqua que leur abri rocheux s’enfonçait légèrement plus profondément dans la roche à travers une faille assez large pour permettre à un homme de son gabarit de s’y glisser sans trop de peines. L’idée d’explorer des entrailles souterraines n’était pas très réjouissante pour l’entrepreneur perdu mais d’un autre côté il préférerait faire n’importe quoi, voir même chasser un dragonneau sauvage plutôt que rester empêtré dans une oisiveté qui lui semblait à jamais détestable.

Se rappelant s’être emparé d’une torche jusque-là inutilisée, il jugea le moment opportun de mettre la lumière sur une situation bien obscure. Aussi discrètement que possible pour ne pas troubler le repos de l’archère, il s’engouffra dans la fine blessure rocheuse et alluma son outil assez maladroitement mais avec succès. Le feu propagea une lumière bienvenue qui éclaira des parois naturelles, des stalactites et stalagmites de craie, des flaques d’eau cristalline et une ambiance quelque peu glacée. La torche éclaira d’étranges plantes visqueuses et des crabes à la carapace plus blanche que neige, espèce qu’il n’avait jamais vue dans un quelconque livre ou bouquin de zoologie. Ces crustacés aux allures de fantômes fuirent précipitamment la lumière étrangère du feu, se cachant dans les multiples aspérités qui rongeaient le sol et les rochers alentours.

Poursuivant sa marche, il avançait avec précaution, le sol étant quelque peu glissant en raison de l’humidité des lieux. Une douce mélodie cristalline donnait à ces lieux obscurs un certain charme naturel et le daënar qui ne jurait que par les bénéfices et les aléas du marché se prit à apprécier la quiétude des lieux dans toute sa simplicité. L’air était frais et revigorant, redonnant de la vigueur à cet homme qui semblait brisé il y’a quelques heures seulement. C’est en laissant son regard vagabonder un peu partout à mesure qu’il avançait que ses prunelles de givre se portèrent sur une découverte des plus inattendues. Une pierre de grande taille et dressée en pointe surgissait d’une petite flaque d’eau. Son apparence et sa couleur de quartz ainsi que la fine brume qui semblait surgir de sa surface lui permirent de l’identifier immédiatement : il s’agissait d’une magilithe !

Surprit par cette trouvaille, Ludwig inspecta les lieux, intrigué de découvrir d’autres pierres sacrées aux alentours. Mais en vain, il ne semblait pas avoir découvert un gisement secret de magilithe, mais simplement une pierre unique qui avait poussé en ces lieux, miraculeusement. Du moins c’était l’hypothèse la plus probable qui effleura l’esprit du marchand d’armes qui tapota doucement la roche magique du bout de sa botte. Les vapeurs émanant de la magilithe indiquaient qu’elle était encore à l’état brut, donc impur. Il ne devait pas trop l’approcher pour l’instant au risque d’attraper ce terrible mal incurable qui transformait n’importe quel être vivant en anomalie, paria de la société et cible toute tracée de la haine du monde. Finir en abomination pourchassée n’était guère dans ses plans et il préféra rester à distance respectable.

Satisfait néanmoins de sa découverte, il décida d’arrêter un instant son exploration souterraine pour faire part de sa trouvaille à Aurore. Rebroussant chemin, il enjamba une fois de plus la colonie de crabes apeurés avant de se glisser à travers la fissure. Posant une main rassurante sur l’épaule de l’archère, il veilla à ce qu’elle sorte de sa méditation ou de son sommeil avant de l’inviter à le suivre.

« Viens, j’ai trouvé quelque chose qui devrait te plaire. »

Et après l’avoir aidé à se relever, il ouvrit la marche, s’engouffrant à nouveau dans les profondeurs nocturnes avec sa fidèle torche dont les flammes léchaient le plafond rocheux. Vint le moment où il fit halte et laissa la mage contempler de ses propres yeux la belle pierre qui ornait le cœur de cette caverne secrète. Passant ses mains le long de ses longues mèches pour y établir un semblant d’ordre sur son crâne, il se permit de briser le silence après un court instant.

« Quelle ironie. Dans d’autres circonstances, je serais ravi à l’idée d’avoir découvert un potentiel gisement de magilithe, cette pierre qui ouvre tant de possibilités à notre nation privée de magie. Mais là … »

Tendant le plat de sa main pour désigner la magilithe d’un geste qui se voulait las et nonchalant, il se tut, les lèvres plus serrées qu’une balafre écarlate, avant qu’il ne finisse par murmurer :

« Je ne nourris aucune autre passion à la vue de cette pierre outre sa beauté naturelle. Amusant. Le destin a décidément une façon très particulière de jouer avec moi. »

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Chasse à l'homme [Terminé] - Page 2 EmptyMar 28 Nov - 13:17
Emportée par une nouvelle vague de fatigue, Aurore avait fini par s’endormir, s’abandonnant dans un sommeil profond, réconfortant. Pour la première fois depuis bien longtemps, la rouquine ne rêva pas, son esprit ne lui imposa pas de revivre ses doutes, ou les conséquences de ses actions, ne la tourmenta pas avec le sang qu’elle avait à présent sur les mains. Sa respiration s’était lentement, trop lentement calmée, pour terminer dans un rythme régulier, paisible. Son ventre se gonflait légèrement à chaque inspiration et se dégonflait lorsqu’elle expirait. Son visage avait fini par se détendre, tout comme ses muscles douloureux. La douleur à son épaule fit une pause elle aussi, à moins que ce ne soit l’esprit d’Aure bien trop épuisée pour pouvoir encore la ressentir. Ses doigts étaient néanmoins toujours sur le bois de son arc, prêt à réagir en cas d’un réveil  trop brusque, non désiré, signe que malgré tout, ses sens restaient dans un état d’alerte parfaitement perceptible. Le cliquetis de la pluie augmentant d’intensité se transformait en berceuse agréable et les quelques frissons qui parcourraient sa peau, ne semblait pas outre mesure la déranger. Aurore avait froid, faim, mais son sommeil improvisé lui permettait d’oublier un peu.

Une main sur son épaule la fit sursauter, son emprise sur son arc se resserra presque immédiatement, alors qu’elle ouvrait les yeux. Relevant ses deux billes épuisées, dont les cernes sous ses yeux soulignaient cet état de fait, elle avisa le responsable de ce réveil forcé. Une pointe dans rancune au fond des prunelles. Pourquoi la priver de ce qu’ils avaient encore de si précieux, de ce qui était si essentiel actuellement pour eux, le repos. Passant sa langue sur ses lèvres craquelées par l’insuffisance d’hydratation, la rouquine était restée silencieuse. Qu’avait-il pu trouver de si intéressant pour qu’il souhaite le lui montrer sans attendre ? Se relevant lentement, la rouquine eut la désagréable révélation que ses muscles n’étaient pas endormis, du moins pas suffisamment, plus qu’à peine le premier mouvement effectué, les douleurs n’avaient pas tardés à s’animer de nouveau. Grimaçant, elle avait contenu un grognement au fond de sa gorge, alors que ses yeux verts détaillaient la silhouette masculine, s’assurant que l’homme se portait bien. Ludwig l’avait quelque peu abandonné en arrière, sans prendre le temps de lui expliquer la raison de tout ceci, il s’était engouffré dans la profondeur de la grotte et elle l’avait suivi, naïvement, sans se douter de ce qu’il pouvait l’attendre.

Une armée de crabe avait dû être enjambé, armée qui provoqua un grognement d’envie au fond du ventre de la my’tränne, qui se voyait déjà très bien décortiquer la carapace pour savourer la délicieuse chair des crustacés. Encore fallait-il faire chauffer de l’eau, donc un feu, elle grimaça, détournant le regard des charmantes créatures appétissantes. Elle n’avait toujours rien dit, rien exprimé, elle n’avait plus réellement envie de discuter, tout ceci devenant toujours improbable pour elle, soulignant toujours davantage l’impression de trahison vis-à-vis de son peuple en aidant un Daënar. Qu’aurait-elle du faire ? L’abandonner là-bas, le tuer comme il lui avait proposé de le faire pendant qu’il dormait ? Elle pinça ses lèvres sèches, provoquant une petite craquelure sur celle inférieure, avant de s’arrêter dans la semi-pénombre, l’homme ayant cessé d’avancer.

Les yeux de la my’tränne s’était écarquillés, tout comme sa bouche qui s’était entrouverte sous la surprise d’une telle découverte. Une pierre sacrée, une pierre si précieuse, si intense à ses yeux. Sans crainte, elle s’était rapprochée sans pour autant prendre le risque de la toucher, elle était telle une enfant découvrant un merveilleux cadeau, émerveillée par tant de beauté. Un large sourire s’était formé, illuminant les traits de son visage pourtant bien fatigué. Son cœur avait dû louper plusieurs battements, visiblement touchés plus profondément qu’elle n’aurait dû par cette beauté naturelle. Son cœur n’avait pourtant pas tardé à bourdonner plus bruyamment dans sa poitrine, quand Ludwig brisa le silence. Prononçant des mots la renvoyant quelques mois en arrière, revivant la cruelle découverte qu’elle avait fait, se remémorant à quel point eux étaient capables de tout pour priver leur terre de cette merveille qu’elle idolâtrait. C’est bien une vague de colère, délicieux mélange d’incompréhension et d'amertume qu’il réveilla sans même s’en apercevoir chez la jeune femme.


- « Parce que sinon, tu aurais envoyé des gens comme moi, réduis en esclavage, l’extraire pas vrai, c’est ça ? »

Sa voix n’avait rien de doux, rien de compatissant, au contraire, elle était sévère, sans appel, pleine de cette amertume, de cette rancœur dont été naît la haine qu’elle éprouvait normalement pour ces gens qui ne respectaient rien ni personne. Aurore eut cette envie soudaine de se mettre en colère, de hurler, peut-être même de se battre contre cet être dont le voile de tristesse sous ses yeux ne lui permettait pas de voir autre chose à présent, qu’un opportuniste, un homme qui profite, qui tue, qui manipule, puis délaisse les personnes qui s’attache. Son ventre se tordit de douleur alors qu’elle s’imaginait le pousser contre cette pierre brute, le condamner à la pire des sentences en l’y attachant puis l’observer devenir au fil des semaines, des mois, ce que tous redouté. Devenir une anomalie. Elle se pinça de nouveau les lèvres, alors que sous ses yeux s’animaient le pire des souvenirs, ceux de son peuple, attaché, tiré par ces gens du même gabarit que lui, pour certainement faire le travail qu’il n’était pas en mesure de faire, ou bien pour être abusé, ou réduit en esclave. Rêvait-il lui aussi d’avoir en guise de chien, un être humain que l’on prive de sa magie ? Rêvait-il lui aussi de s’installer sur un trône de sang, sur une domination qui signifiait anéantir toute forme de sentiments. Aurore tentait de se canaliser, de se contrôler, de ne pas exprimer, de ne pas s’emporter sans être certaine que cet homme était aussi responsable. Elle prit une grande inspiration, cherchant à contrôler le tremblement de ses mains, à ralentir ce rythme cardiaque qui se transformait en véritable tambour de guerre.

- « Peut-être que le destin essaie simplement de te montrer ce que tu ne connais pas. La beauté de la vie, sans massacre, sans tourment, sans argent. La terre, l’environnement, c’est ce que nous avons de plus précieux, bien plus que tout le reste… Trop peu de monde prend réellement le temps de s’en rendre compte. »

Surtout pas eux. C’est ce qu’elle avait voulu dire, c’est ce que la jeune femme s’était retenue de prononcer, laissant ses doigts serrer le morceau de tissu qui lui couvrait le corps. C’était comme-ci la présence de la pierre venait de lui rappeler à quel point les deux êtres étaient différents, à quel point un gouffre séparait cet homme avec sa façon de penser, d’être, de ressentir et percevoir les choses, d’elle-même. Elle laissa un soupir s’échapper de ses lèvres, cherchant des réponses dans la silhouette qui restait visible grâce à la torche qu’il tenait entre les mains. Il lui avait dit savoir être reconnaissant, mais aussi être un homme cruel. Il lui avait dit la vérité, ne lui avait pas promis de l’épargner ou de changer de comportement, alors pourquoi avait-elle l’impression d’être trahis, elle qui n’avait jusqu’alors qu’eu la sensation de faire connaissance avec un homme bien.

- « Avançons. » Finit-elle par presque ordonner, consciente que plus elle contemplerait ce lieu, plus elle risquerait de se voir submerger par la colère.

S’approchant de son partenaire, elle récupéra la torche entre ses mains, imposant une nouvelle progression, sans parvenir à calmer les doutes émergents encore et encore dans son esprit.  La flamme permettait d’observer ce mince endroit, humide, plutôt froid, dont la beauté de la pierre ne pouvait être qu’agréable, des gangs de crabes donnaient l’impression de se livrer bataille un peu plus loin, avant de s’écarter sous le passage des deux humains. Aure avait fini par reprendre la parole, comme pour expliquer ce qu’elle ressentait à ce moment-là, à ce moment précis :

- «  Il y a plusieurs mois, presque un an au fond même. J’ai fait une découverte étrange, découverte qui a engendré une promesse que je me suis faite. » Elle ferma les yeux, sans pour autant cesser sa progression avant d’ouvrir de nouveau ses paupières « J’étais en chasse, quand nous sommes tombés sur des personnes de ton peuple, à cheval. Ils encadraient des personnes comme moi, entravées par des liens, obligées d’avancer. Traité comme des chiens, même pas. » Sa voix était tremblante d’amertume « A cette époque, je pensais encore sincèrement que nous pouvions cohabiter, vous et nous… Puis j’ai failli perdre la vie, à cause de personnes comme toi. » Elle avait cessé d’avancer, avisant un petit couloir plus étroit dont le cliquetis de l’eau lui laissait envisager enfin une bonne nouvelle «  On a monté un groupe, avec un homme qui cherchait sa femme… On a rattrapé ceux qui nous avaient marqués. L’homme a reconnu son épouse, alors on a dû agir. » Elle soupira «  Je crois qu’Orshin a décidé de nous venir en aide, sans quoi la monstrueuse créature qui nous a permis d’avoir l’avantage ne serait jamais intervenue. Je n’ai pas réellement réfléchi, j’ai décidé de faire ce qu’il fallait pour aider ces gens, certaine que ça aurait pu être des membres de ma famille. J’ai pas pu tous les sauver, c’était évident n’est-ce pas ? D’une logique implacable et pourtant… Je vois encore le regard de ces personnes, j’entends encore les hurlements, les supplications d’être sauvé. J’ai oublié pourtant. Les visages. Mais la nuit, j’entends encore ce bruit que provoque la mort. »

Lentement, elle se faufila dans l’étroit petit couloir, celui-ci s’ouvrant dans une gigantesque grotte souterraine, ou au centre se trouvait un agréable coin d’eau, dont la clarté du liquide ne laissait aucun doute vis-à-vis de sa consommation. La rouquine pivota légèrement jusqu’à Ludwig, plongeant son regard d’un vert profond dans celui océan de son interlocuteur.

- «  Est-ce que tu es responsable d’une façon ou d’une autre de ce que j’ai vécu ? Réduis-tu mon peuple en esclave ? Que ferais-tu à ma place, si, juste là, tu avais devant toi un potentiel coupable de ton plus terrible cauchemar ?  »

La voix d’Aure était ponctuée par sa mélodie naturelle, une forme de douceur, mélangée à une forme de dureté, avec au fond des yeux, cette étincelle qui démontrait qu’elle pouvait être à la fois, la plus douce et agréable des personnes, mais aussi la plus cruelle et déterminé des monstres. Parce qu’elle s’était promis de ne plus jamais échouer, d’être suffisamment forte pour sauver ce qui devait en théorie ne pas être sauvable.  

Ludwig Strauss
Ludwig Strauss
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Chasse à l'homme [Terminé] - Page 2 EmptyMer 29 Nov - 20:19
Irys : 1073433
Profession : [Officielle] Propriétaire d'industries de l'armement [Officieusement] Baron du crime
Daënar -2
Comment Ludwig réussit à réprimer un soupir exaspéré ? Les Architectes seuls le savaient. Mais dans tous les cas, la phrase de reproche, pique lancée froidement par la chasseuse à la chevelure de braises, déplut au gentleman qui se fortifia sous une barrière d’amertume et de déplaisir, perdant cette étrange sensation qui l’avait poussé à partager cette vision avec l’archère. Les lèvres serrées comme une plaie cousue, il préféra se murer dans un silence presque vexé, n’appréciant guère ce qu’il venait d’entendre. S’il se savait être un être relativement abject et corrompu selon certains critères, il y’avait des limites à ne pas franchir et Aurore venait justement de l’accuser sur certaines choses qu’il n’avait jamais commises, ou du moins n’avait pas encore escompté les tirer à profit.

Il ne réagit guère quand elle s’empara de sa torche sans demander la permission, avançant d’un air fier et colérique dans les profondeurs de la terre, obligeant ainsi le brun à la suivre, sourcils froncés. Il se sentait ridicule de s’être laissé aller à une certaine forme de gentillesse pour ensuite se faire reprocher des choses. Il avait l’impression d’être un gamin que l’on réprimandait, grondait avant de lui ordonner d’aller courir et s’enfermer dans sa chambre. Exaspéré, il emboita sans grande foi le pas de la jeune mage, manquant d’écraser un crustacé bien trop curieux pour son bien.

Sans grande conviction, il écouta néanmoins l’histoire que lui racontait Aurore, y apportant petit à petit un intérêt qui lui fit oublier, légèrement, sa mauvaise humeur. Pensif, il s’imaginait les événements de ce conte réaliste. Il n’eut aucun mal à dessiner le portrait de my’träns cachés dans les fourrés ou sous le couvert des buissons, épiant une escorte de daënars armés traînant quelques esclaves récupérés lors d’expéditions punitives contre quelques tribus ou villages trop belliqueux ou trop isolés pour que leur disparition se fasse remarquer par les seigneurs locaux. L’entrepreneur avait eu vent de rumeurs glissées discrètement à son oreille par le biais d’un vaste réseau d’agents que le gouvernement daënar qui prônait démocratie et liberté n’hésitait pas à utiliser des esclaves arrachés à la nation des mages afin d’alimenter la demande constante et croissante en magilithes et pour faciliter les travaux de construction. Les dires de l’archère confirmaient donc les soupçons de Ludwig. L’esclavage était donc bel et bien pratiqué et pas uniquement par quelques tribus barbares des terres éloignées du continent des mages ou dans d’autres terres sombres et mystérieuses. La presse ferait un véritable scandale si jamais elle apprenait cette information des plus compromettantes, mais jamais personne à Daënastre ne donnera de crédits au témoignage d’une non-technologiste, d’une non-civilisée selon certains. Sauf l’homme d’affaires présent à ses côtés.

Son réflexe aurait été de porter sa main à sa barbe et en caresser les boucles sombres d’un air pensif, mais curieusement il vint à s’abstenir, entièrement focalisé sur les révélations de la chasseuse qui, malgré elle, dévoilait des informations qu’aucun daënar n’aurait put apprendre s’il ne faisait pas partie du cercle très privé du haut-commandement militaire ou du gouvernement. Qui était donc derrière ce trafic d’humains qu’on attribuait volontiers aux barbares et aux êtres peu civilisés ? La question l’intrigua, le mettant dans un état de méditation si profonde qu’il manqua de percuter le dos de sa partenaire de mésaventure quand cette dernière s’arrêta brusquement.

Immobile, il soutint le regard couleur de forêt de la jeune femme, y voyant une dureté et une détermination qui ne laissaient aucun doute quant à ses pensées. Son ton, par ailleurs, exprimait une certaine férocité dissimulée derrière un calme glaçant, comme le faible crissement d’une lame qu’on dégainait d’un fourreau de cuir et de velours. Prenant une longue inspiration, il la laissa poser ses questions animées de reproches, de menaces, d’animosité tant envers sa propre personne qu’envers sa nation qui semblait être pour elle la parfaite personnification du mal. Et si Daënastre signifiait pour elle la terre des démons, il devait incarner, à ses yeux, son bouc émissaire. Héraut des usines, démon manipulateur, être sans scrupules, homme aux mille masques … elle devait s’imaginer le pire, c’est ce qu’il pensait en tout cas.

Et il ne lui en voulait pas. Soupirant longuement, il posa ses deux mains sur son visage, massant ses joues, ses yeux fatigués, son front … il était à la fois fatigué et animé d’une énergie de désespoir due à l’objectif unique qu’il s’était fixé : survivre. Et cet objectif mettait sous l’ombre toutes ses autres motivations, qu’elles soient peu scrupuleuses ou non. Jouer la carte de la sincérité ? Qu’importe, les conséquences ne l’inquiétaient plus. Il préférait laisser, pour la première fois de son existence, le destin juger des conséquences de ses actes et paroles plutôt que les anticiper.

« Je suis las de devoir jouer de mots, alors autant te dire tout ce qui me passe par la tête, là. »

Rabaissant les bras, il s’humecta les lèvres desséchées qui semblaient se craqueler comme une roche désertique, puis commença d’une voix dénouée de toute forme de malice, du ton mielleux qu’il utilisait lors de ses discours.

« Je n’ai rien à voir avec l’esclavage de ton peuple. Saches que tu confirme des rumeurs dont je doutais de la véracité. Le peuple daënar ignore parfaitement qu’on tire les tiens par des chaînes pour les forcer à travailler dans les mines. Pourquoi personne ne vérifie, c’est la question qui doit te passer par la tête. Et bien n raconte aussi que chez vous de braves citoyens installés chez les mages se font capturer par des chasseurs d’esclaves avant d’être vendus à Aildor généralement ou à Zochlom. Les deux nations abritent des esclavagistes qui cachent bien leurs activités, Aurore. »

Ce n’était pas un mensonge de sa part, il avait discuté avec quelques mages particuliers, dont une qui clamait assez librement l’esclavage de façon fort anodine pour qu’il suspecte la pratique barbare chez les mages. Il avait même vu quelques vétérans daënars greloter sur le marché noir d’Aildor, vendus aux plus offrants venus de tous les recoins d’Irydaë.

« Tu parles de cauchemar. Pourtant pourquoi es-tu hantée par les morts, toi qui indiquais que l’oubli chez les mages était chose naturelle ? Si tu te souviens, alors tu dois en puiser ta force.  Tu deviens la témoin et la gardienne de la mémoire des victimes. Sois honorée plutôt qu’horrifiée, car ils vivront à jamais dans ton esprit, comme Busad. C’est un devoir qui t’incombe. »

Passant sa main sur sa nuque qu’il massa doucement en fermant les yeux, il poursuivit :

« Je ne suis pas la personne la plus convenable pour te donner des conseils, je l’avoue. Mais si je suis franc avec toi, c’est parce que … enfaîte je l’ignore. Je n’arrive pas à l’expliquer, alors on va faire avec. »

Tendant les bras de chaque côté, comme un homme crucifié, il augmenta doucement la tonalité de ses paroles qui se répercutaient en écho sur les murs de la caverne secrète.

« Je voulais te faire ouvrir les yeux sur le monde et sa dure réalité. Tu continue à dire qu’il est beau, qu’il vaut la peine d’être vécu et pourtant tu me parles d’horreurs que tes yeux ont a jamais gravé dans ta mémoire. Je te le dis, moi aussi j’ai vu des choses affreuses, mais au lieu de me laisser influencer par ses visions, j’ai embrassé la vérité. Le monde est beau, oui, mais il est aussi sombre et douloureux. La justice ne peut exister sans injustice, le plaisir sans souffrance, la paix sans la guerre, l’amour sans la haine. Je ne me défends pas, j’ai juste choisis ma voie et je ne m’en détourne pas sous des prétextes hypocrites. »

Ludwig ne se rendit guère compte qu’il était très proche d’Aurore, ayant avancé sans le sentir, porté par la fureur embrasée de ses pensées et ses convictions. Poings serrés et tendus de chaque côté, il était penché devant la jeune femme, son regard d’acier de nature froide brillant d’une flamme presque surnaturelle. Toute trace d’épuisement l’avait quitté, semblant même s’être revigoré sous la passion qui venait de s’exprimer en lui. Jamais il ne s’était enflammé de la sorte, surtout dans un sujet pareil.

« Coupable ou non, cela ne change rien. Penses aux conquérants qui ont mit des pays à feu pour assouvir leur soif de pouvoir. Ont-ils été frappés par la foudre des dieux ? Non, seul le silence des corps sans vie de leurs victimes les berçaient. Nos deux nations sont toutes responsables car c’est la nature de l’homme. Tu défends ta patrie, je le respecte car le souvenir de la guerre vous hante toujours. Mais oublies-tu que bien avant cela, il y’a fort longtemps, nos ancêtres ont été brutalement chassés par les siens pour avoir choisis de se détourner du culte des Architectes ? Un exode terrible à travers le monde jusqu’à s’installer à Daënastre où des bêtes monstrueuses nous obligèrent à nous adapter à la cruauté d’Irydaë. »

Soupirant lentement, il rabaissa à nouveau ses bras, secouant lentement sa tête tout en perdant la brûlante fièvre qui l’avait gagné pour n’adopter d’une attitude paisible. Là, sous le plafond cristallin de la grotte, à la lumière diffuse de la torche, Ludwig avait les traits d’un sage. Pas de regard malicieux, de sourire mesquin ou d’expression dédaigneuse avec un haussement de sourcil méprisant ou une lueur conspiratrice. Aucun masque soigneusement conçu ne recouvrait le faciès du gentleman. Toutes ses mesquines et vicieuses manigances, ses ruses et ses instruments ont été abandonnés, consumés par le feu qui s’était animé dans son cœur de métal et de glace.

« Tu peux choisir de laisser le monde te secouer à sa guise comme un petit navire bouleversé par la fureur des océans, ou tu peux choisir de surmonter ta condition et devenir ce que tu as toujours désiré. Laisser les remords de côté, car ce ne sont que des chaînes. Laisser les regrets et les souvenirs douloureux, car ce n’est que poison.  Tu connais ma vision du monde, à présent. Libre à toi d’y adhérer. Je ne voulais pas que tu sois prisonnière de l’injustice qu’est notre condition humaine. Je voulais que, toi aussi, tu brises les chaînes qui font de nous de simples mortels et atteindre des sommets que tu te fixeras toi-même. Qu’importe tes envies, tes désirs, tu dois suivre ta propre passion et ne jamais laisser quoi que ce soit t’entraver, car c’est le meilleur moyen de perdre la flamme comme une rose perdant ses pétales. »

Soudain, il claqua sa main gauche contre son front, semblant confus et troublé. Secouant vivement la tête, il maugréa :

« Personne ne comprend ma vision, je divague, navré. Sans doute le feu de l’action, pas vrai ? L’adrénaline, ça ouvre le cœur il semblerait. »

Prit d’un rire sans réelle joie ni amusement, il souriait sans vraiment sourire.

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Chasse à l'homme [Terminé] - Page 2 EmptyMer 29 Nov - 23:26
Aurore se tenait droite, comme un i, comme la femme déterminée qu’elle avait toujours été sans pour autant savoir dans quelle direction se rendre. Son regard n’était plus qu’amertume, jugement, déception. Elle avisait cet homme qui partageait son quotidien, sa survie, relevant légèrement la tête pour combler sa petite taille. La rouquine n’était pas une femme fière, ni même particulièrement rancunière, elle était cependant le fruit de ses décisions, de ses idéaux qu’elle malmenait parfois. Lentement, ses doigts s’étaient entrelacés sur un morceau de tissu, serrant, tirant sur ce petit amas qui devait servir à protéger son corps. Elle n’en démordait pas de sa certitude, sa mâchoire se contractait, ses dents couinaient sous la tension qu’elle leurs imposait. Aurore aurait pu le tuer, ici, sans attendre d’obtenir des réponses, elle avait parfaitement imaginé cette folie, cette envie surhumaine de se jeter sur lui, de sentir ses doigts s’enrouler autour de sa gorge jusqu’à voir la dernière étincelle de ses yeux disparaître. L’idée aurait pu être plaisante, si son ventre ne s’était pas tortillé, si les papillons ne s’étaient pas transformés en frelons, la bouffant de l’intérieur, la malmenant.

Il avait parlé, offert des mots en guise de réponse, Ludwig se voulait honnête et la rousse avait envie de le croire. Aure se contenta d’opiner, n’imaginant pas avoir pu se tromper à ce point sur cet homme. Les circonstances extrêmes ne pouvaient-elles pas engendrer des aveux insoupçonnés ? Des mages réduiraient des étrangers en esclave ? Foutaise. C’est ce qu’elle avait eu envie de hurler, mais seul un grognement décontenancé avait franchi la barrière de ses lèvres craquelées. La my’tränne avait froncé les sourcils, détaillant, analysant un discourt qui ne lui semblait guère étrangé à ce qu’elle avait pu entendre par le passé. Chaque individu avait une vision différente, une envie de profiter de la vie d’une manière autre que celle qu’elle offrait. Aurore s’était souvent sentie incomprise, peut-être même perturbée parfois, par ses propres pensées.  Il parlait de devoir, d’obligation du souvenir et la rouquine avait eu envie de lui cracher au visage qu’elle ne se souvenait de rien, qu’il faisait erreur. Elle n’était pas adepte de Khugatsaa ne méritait pas encore suffisamment d’avoir ce don sacré, cette faculté preuve de l’amour de son architecte. Ses muscles s’étaient crispés, sa voix avait eu envie de hurler. Désemparée, la rousse devait affronter l’opposition de ses certitudes et de ses croyances.

L’intérieur de sa joue s’était retrouvé mordu et le goût du sang n’avait pas tardé à animer ses papilles. Aurore n’était nullement cette femme, celle qui attend quelque chose, qui survit sans en comprendre la raison. Difficile pour elle de remettre en question l’enseignement qu’elle avait connu, inadmissible même pour celle qui était d’une fidélité sans faille vis-à-vis du peu de personnes qui étaient parvenues à obtenir sa confiance. La guerre, encore toujours, horrible sujet qui n’avait de cesse d’être mis en avant pour justifier les actes actuels, bouclier tendu vers l’agresseur pour se donner l’illusion de croire d’avoir une bonne raison de contre attaquer. Penchant doucement la tête, la rousse avait doucement secoué sa chevelure dans un geste négatif. Ce n’était pas sa raison à elle, ce n’était pas pour ça qu’elle chérissait son peuple, qu’elle s’était juré de faire ce qu’il fallait pour le protéger, c’était pour une raison bien différente que les morts, la rancune ou toute autre chose à aspiration négative.

Il était à présent devant elle, instinctivement elle avait déposé sa main droite, paume bien à plat sur le ventre de son interlocuteur. Geste simple, mais si significatif. Un souffle émit, une interdiction, une mise en garde : Ne t’approche pas, reste loin, je suis dangereuse, je pourrai te tuer, j'ai peur; Reste loin, vraiment. Il était grand, large, elle était petite, frêle. Aurore grognait plus qu’elle n’était véritablement redoutable, se gonflait tel un buffle pour paraître plus angoissante que la réalité. Ainsi dévoilée dans sa fragilité, en totale transparence vis-à-vis de cet être qu’elle était censée haïr. Non... Elle ne savait plus vraiment quel comportement adopter. Combattre encore, hurler, crier, tuer ou accepter ? Il s’était mis à rire, terminant son étonnante tirade, par un souffle chaud, dans une excuse non nécessaire.


- «  Je comprends » souffla-t-elle simplement alors que son visage se redressait légèrement pour l’aviser « Je ne suis pas certaine d’avoir des chaînes, ce sont ce que tu nommes chaînes qui font de toi ce que tu es aujourd’hui. Tes doutes, tes craintes, tes peurs, tes déceptions… Sans ça, tu n’as pas de raison de te battre et d’avancer. » Elle se pinça les lèvres «  Tu auras beau faire tout ce que tu veux, tu ne seras toujours qu’un simple mortel, un être voué à mourir entouré ou seul. » Elle fit un pas vers lui, réduisant davantage cette distance « Cependant, un choix que tu fais a toujours des conséquences sur ceux qui te sont proches, n’oublie jamais ça. Ludwig. Si toi tu n’as pas de chaîne, peut-être que ceux que tu aimes, ou que tu as aimés en ont, eux. » Elle offrit ce sourire triste « Si tu choisis d’avoir des ennemis, alors tu offres des ennemis à tes proches. Pour te libérer toi, pour assouvir tes désirs les plus sombres, tu offres la vie de ceux que tu aimes sur un plateau à ceux qui souhaitent prendre ta place. Le cycle a toujours une fin, d’une façon ou d’une autre. À toi de choisir celle qui te convient le mieux, personnellement, j’ai choisi de mourir entouré par la beauté de notre environnement. » Elle eut un regard plus malicieux « Tu as beau dire ne pas avoir des chaînes, tu as pourtant des peurs si je me souviens bien… Ton état lors de ma perte de contrôle en est bien la preuve, n’est-ce pas ? »

Elle avait reculé d’un pas, avisant la silhouette masculine qui lui faisait face, la détermination dans son regard était plaisante. La rousse semblait apaisée, comme rassurée de faire face à un individu honnête, ou tout du moins, c’est ce qu’elle percevait, sans jamais s’imaginer être naïve.

- «  Merci… D’avoir répondu honnêtement… Je crois que je commence à m’y faire… À toi et tes contradictions.»

Elle relâcha sa main en délicatesse, abandonnant la chaleur qu’elle avait pu percevoir d’un autre corps que le sien. C’était déjà fini ce petit coup de sang, la conversation touchait déjà à sa fin. C’était un mot que la rouquine n’appréciait pas forcément : déjà. Le début de la fin, un moment qui se consume comme ça d’un coup, la tempête qui se calme et déjà tout va se poursuivre. Elle recula d’un pas, encore, éloignant la torche des visages, avisant les ombres sur les traits marqués par le temps, par les émotions, par les conflits. Elle reste comme ça, plusieurs secondes à le regarder, à observer, à chercher des réponses à des questions qu’elle n’ose pas encore formuler. Déjà. Elle lui tourne le dos, signe qu’elle lui fait confiance, du moins qu’un commencement de quelque chose débute entre eux, une relation étrange, conflictuelle, mais aussi intense, soucieuse, incompréhensible. Lentement, elle s’avance, s’approche de cette étendue d’eau claire, consommable à un endroit insoupçonné, avise le plafond et se ruissellement provoqué par la pluie, le petit cliquetis, le pif, plouf, qui berce ou énerve sur la durée. Elle s’y installe au bord, laisse échapper un soupir, semble un peu malmenée par la conversation qui la hante encore malgré tout.

- « Je suis vraiment d’accord avec toi » murmure-t-elle comme pour souligner le fait qu’elle comprenait vraiment« Tu sais, j’ignore si c’est vrai, le comportement des miens vis-à-vis de ton peuple. Je sais juste que globalement, vous n’avez pas bonne réputation. Alors peut-être que c’est possible… Quant au reste…. » elle hésite un peu puis reprit  « J’ai seulement l’impression que toi tu cherches à être dans l’avenir, à obtenir quelque chose d’important… Alors que moi, j’ai juste envie de vivre réellement l’instant présent. Une fois qu’il est écoulé, il devient passé… C’est à ce moment-là que ce forment les regrets. »  Elle soupira, laissa sa main libre effleurer l’eau pas forcement profonde sans pour autant qu’elle ne soit pas immergée sous plusieurs centimètres « Je ne pense plus aux guerres, je ne protège pas mon peuple pour ça… Je protège notre terre, notre culture. Je vois un arbre, une bestiole avec une vie, des liens… Ce n’est pas une utilité pour moi, quelque chose à détruire pour obtenir un bénéfice… C’est quelque chose de beau, simplement.  C’est stupide, je sais… Mais je veux continuer à voir comme ça, tout en ayant conscience qu’une nouvelle guerre arrive, peu importe ce qu’on fera pour l’éviter, elle sera là. Je veux vivre le moment présent, vraiment… Sinon à quoi bon, avoir de l’argent, une maison, une famille si finalement on en profite pas ? »

La rouquine n’avisa pas l’industriel, ne chercha pas à le convaincre qu’elle avait la bonne vision des choses. Au fond, la différence ne pouvait être qu’une force, peu importe comment ou pourquoi. Et puis, le duo n’avait-il pas plus important à penser, ils avaient de l’eau, en quantité suffisante pour boire autant que nécessaire, pour s’offrir une petite toilette méritée. De quoi s’offrir un nouveau vent de satisfaction, une nouvelle manière de croire que finalement ils allaient peut-être survivre. Cependant, quitte à être entièrement honnête, Aure eut cette réflexion, simple, mais efficace, comme-ci elle commençait doucement à accepter une évidence.  

- « C'est un peu bête... Mais j'ai l’impression que dans notre situation, on ne peut pas être autre choses que ce qu'on doit être réellement, sans faux semblant...Tu peux te mentir autant que tu veux tu sais, mais je suis certaine que tu as parfaitement conscience au fond de toi que tout ne fonctionne pas comme tu viens de me l’expliquer. Tu n’arrêtes pas de me répéter que tu n’es pas une personne bien, que tu es mauvais, un manipulateur, un calculateur… Tu m’as même dit que tu faisais partie de l’armée de ton pays… Au vu de ton physique, je suppose que ce n’est plus le cas… Cependant, à côté de ça… Tu m’aides, sincèrement. Tu ne cherches pas à survivre toi, à mettre toutes les chances de ton côté, comme un homme calculateur devrait le faire… Tu cherches à nous sauver ensemble. » Elle se pinça les lèvres « Si tu analyses la situation, maintenant, tu devrais facilement comprendre qu’on aurait plus de chance séparément.  Parce que ça ferait deux pistes à suivre, différentes, cela signifierait que forcément un de nous deux rentrerait chez lui. Cependant… Tu n’as même pas envisagé cette possibilité, tout comme tu n’as pas envisagé la possibilité que je puisse te trahir. Prendre le peu de vivres qu’on possède, et te laisser dans cette grotte dormir. Ou de tuer, pendant que tes yeux restent fermés. » Elle prit une inspiration, alors qu’elle s’humidifiait lentement le visage du bout des doigts, frissonnant au contact de l’eau fraîche « Tout n’est jamais une certitude, il y a parfois des facteurs qui ne sont pas mesurables, tu ne crois pas ? Tout comme le fait que tu me dises que tu ne sais pas pourquoi tu te comportes ainsi avec moi. En réalité, ce n’est pas que tu ne sais pas, c’est que c’est juste plus simple de ne pas identifier la cause, parce que l’identifier serait se mettre en danger, sortir de sa zone de confort, n’est-ce pas ? »

Elle laissa les gouttelettes d’eau ruisseler le long de son visage, savourant celle qui va se perdre au niveau de son cou, descendant jusqu’à la naissance de sa poitrine. C’était la première fois depuis bien trop longtemps qu’elle n’avait pas eu l’occasion de se rafraîchir de la sorte, qu’elle n’avait pas eu le temps de dévoiler que derrière ce voile d’insouciance, elle était aussi observatrice et redoutable analyste que beaucoup.

- « Enfin, peu importe… Nous devrions nous rafraîchir un peu… Dormir encore, pour nous remettre en route demain. La pluie ne devrait pas permettre à nos poursuivants une progression rapide. Cependant, tu dois savoir une chose, elle peut aussi au contraire signifier l’approche d’un adepte d’Amisgal. Les intempéries sont quelques choses qui peuvent être provoquées, cependant, je n’en vois pas réellement l’utilité pour ce cas-ci. »

Ludwig Strauss
Ludwig Strauss
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Chasse à l'homme [Terminé] - Page 2 EmptyJeu 30 Nov - 18:58
Irys : 1073433
Profession : [Officielle] Propriétaire d'industries de l'armement [Officieusement] Baron du crime
Daënar -2
L’homme soutint son regard sans broncher, l’écouta sans l’interrompre, n’ayant ni la force ni la volonté de la couper dans ses paroles pour lui imposer sa vision des choses. Le débat semblait tourner toujours autour d’un même point, inlassablement, comme deux courants qui en se croisant formaient un éternel tourbillon qui continuerait à tourner, encore et encore, infatigable, alimenté par les courants contraires. Alimenté par cette flagrante différence de pensée que chaque camp défendait ardemment. Il partageait quelques unes de ses idées à elle et ne pouvait réfuter certaines vérités qui s’étaient gravées profondément dans sa tête, notamment le fait qu’il se désespérait à atteindre des sommets sans savourer le trajet de son ascension, toujours à repousser ses limites sans se donner un moment de pause, de détente, de délectation.

Son objectif lui semblait à portée de main chaque jour et pourtant il le trouvait si éloigné qu’il délaissait de nouveau ses heures de plaisir et de bon temps, sacrifiant sa propre quiétude pour élaborer des plans toujours plus complexes, ajoutant petit à petit de nouveaux rouages à une machine infernale, œuvre d’une vie entière et prête à changer à jamais l’image du monde. Être derrière un coup si grandiose était très gratifiant même si les conséquences risquaient d’être tragiques, mais n’est-il pas délicieux de changer le cours de l’histoire, de l’influencer selon son propre désir et bon plaisir ? C’était son ultime consolation, la flamme qui ravivait sa fougue et sa détermination. Mais là, prisonnier de la nature et de la sauvagerie des hommes, prit en chasse par les pires démons que les Architectes aient porté au monde, il était vulnérable aux paroles naïves et pourtant profondes de cette mage, de cette fille qui incarnait parfaitement l’insouciance et l’innocence qu’il méprisait et qui, pourtant, parvenait à lui faire en partie la morale.

Cependant il ne put s’empêcher de froncer les sourcils quand elle mentionna ses peurs lors du déchainement mental qu’avait provoqué la rousse pendant son moment de désespoir et de panique.

« C’était le fruit de tes illusions, je te rappelle. Je ne suis en rien responsable de chimères conçues par ta magie. »

Il sent un poids le quitter au niveau de l’abdomen, une chaleur l’abandonner sur son ventre. Il ne s’était guère rendu compte qu’elle avait déposé sa main contre lui pour le garder à distance et il en fut légèrement perturbé. Le fait qu’il n’ait rien ressentit au début l’inquiéta. Serait-ce les effets de la drogue qui continuaient à assommer ses sens ? Ou était-ce le froid glaçant qui parcourait son corps et caressait les multiples plaies qui recouvraient désormais son dos, mutilations affreuses et gravées à jamais dans sa chaire comme dans son esprit. Ses doigts furent soudain parcourut de tremblements violents qu’il calma en serrant ses poings si fort que ses articulations blanchirent. Une colère insoupçonnée l’avait gagné à nouveau en pensant que, si proche de son but, le voilà qui était au bord de la mort en compagnie d’une étrangère qui réfutait ses dires avec le fanatisme caractéristique des mages endoctrinés. Sa chance l’avait abandonné, la douleur deviendra sa campagne jusqu’à ce que la mort ne vienne moissonner son âme. Capturé, torturé puis dévoré. Étranglé dans son sommeil. Mordu par quelques animaux venimeux. Le cou brisé par une chute mortelle. La morsure du froid ou la fièvre. Tant de terribles châtiments qui semblaient avoir attendu patiemment leur heure pour se jeter sur ce triste sir et le plonger dans un gouffre de malheurs et de souffrances. Un châtiment divin ou un tournant terrible du destin, Ludwig semblait être désormais prisonnier d’un sort qui l’amusait presque malgré sa fatalité et son horreur.

Le marchand d’armes prend place sur un petit rocher plat qui, étonnamment, ne lui arracha aucun frisson glacé mais le surprit par une caresse tiède. Quelques sources chaudes devaient s’écouler dans des veines souterraines à leurs pieds. L’idée de profiter d’un bain chaud réparateur le berça un moment. Maintenant qu’il y pensait, les plaisirs les plus simples et accessibles devenaient un luxe qu’il ne pouvait qu’en rêver en ces lieux.

La tête posée contre la paume de sa main, coude appuyé nonchalamment sur ses jambes, il prêta une oreille attentive aux longues tirades poétiques de sa partenaire, le regard légèrement plissé. Il ne grimaça point quand elle affirmait une chose qu’il réfutait, ne grognait pas quand elle semblait le décrire avec confiance et ne s’emporta pas une fois quand elle défendait à nouveau sa vision presque féerique du monde. Il attendit simplement qu’elle exprime tout ce qu’elle avait derrière la tête, toutes ses pensées et ses croyances. Aurore avait joué les analystes, chose qui était pourtant l’apanage de l’industriel. Il sourit, doucement, reprenant ce petit réflexe de caresser une des mèches de sa moustache d’un air absent et distrait.

« Je crois que, finalement, je sais pourquoi je continue à collaborer avec toi malgré toutes les différences qui nous opposent. »

Pianotant doucement ses doigts contre une de ses joues, le regard paisible, le ton doux et sans froideur, il poursuivit :

« Ces conversations, ces débats … j’y éprouve un plaisir étrange. Quelqu’un qui s’oppose à ma vision tout en la respectant, qui voit le monde de façon si drastiquement opposée à la mienne. Nos arguments sont autant de soldats qui s’affrontent dans un champ de bataille et pourtant pas une goutte de sang et pas une larme ne s’écoule. Seulement nos deux esprits qui se comprennent mutuellement tout en s’opposant farouchement, l’un tentant de convaincre l’autre que sa vision est la plus juste. Parfois on affirme des choses qui sont pourtant fausses quand on écoute notre inconscient, mais on continue tout de même à redoubler d’ardeur pour appuyer notre point de vue car c’est ce qui nous définit comme une personne unique qui se distingue d’une communauté. La différence, tout compte fait, a son charme, comme les éclats d’un arc-en-ciel sur un cristal. »

L’homme aux cicatrices fixe le plafond de la caverne et embrasse la vue des stalactites dont les gouttes d’eaux provoquaient cette petite mélodie cristalline qui se répercutait le long des murs naturels.

« J’ai été militaire sans vraiment l’être, car ma vision du monde m’avait poussé à m’extirper des chaînes que tu sembles apprécier. C’est cette vision qui m’a poussé aussi à rester avec toi. Pas uniquement parce que nos discussions ont un certain goût pour mon esprit, mais aussi parce que si nous nous étions séparés, nos chances de survie auraient drastiquement diminué. À nous deux, nos connaissances et compétences respectives nous ont été utiles. Séparément, nos bourreaux nous cueilleraient facilement sachant que leurs effectifs sont largement suffisants pour couvrir de vastes terrains. C’est de la pure et froide logique. Enfin, c’est ce que je me disais. Mais à présent je suis de plus en plus curieux de te connaître. Philosopher avec un my’trän est rare pour un daënar vue les relations tendues que nous partageons et les rares individus à qui j’ai causé prônaient des visions différentes de la tienne. Je suis animé par la curiosité et par le plaisir que j’en perçois. C’est un peu comme un baume pour mon âme, de devoir parler avec une petite tête brûlée comme toi plutôt que penser à ce qui nous attend encore. »

Tapotant doucement la surface du rocher qui lui servait de siège avec son index, il garda le silence un moment avant d’ajouter :

« Tu as raison en un point : je regarde le futur, j’y vis même. Enfin, mon regard n’est porté que vers le futur. Chaque jour, heure et minute passée de mon existence est réservée pour le futur, à le modeler et à le tisser doucement et soigneusement pour enfin avoir me reposer sur mes lauriers, en paix. Tu vis dans le présent et j’ai des dizaines d’arguments pour te dire que le futur est bien plus important, cependant …  je ne pense pas pouvoir te gronder là-dessus sachant que je n’ai pas profité d’un moment de repos depuis fort longtemps. Tu as l’avantage de savourer ton existence dans la petite cellule qu’est le présent alors que moi j’entame une escalade effrénée vers un futur doré tout en oubliant que je risque à tout instant de glisser et m’écraser tragiquement avant d’atteindre mes rêves. »

Il le comprenait, désormais. Mais pouvait-il réellement abandonner l’espace d’un instant la frénésie de ses ambitions ? Reposer un moment ses plans et se laisser aller sur un canapé, à siroter doucement un thé sans se soucier du temps et de ses conséquences, savourer l’instant présent. Cela semblait bien au-dessus de ses forces. Il lui suffisait juste de repenser aux cannibales pour élaborer des tactiques terrifiantes pour les neutraliser, des pièges à tendre pour gêner leur traque et clairsemer leurs rangs, des idées tordues et vicieuses pour leur faire goutter à leur tour à l’horreur et la peur. Mais il n’en avait cure, en ce moment précis. Rien ne traversait l’esprit de cet homme ingénieux et intelligent. Seulement une étrange quiétude.

Il avait soif, sentant une sécheresse désagréable gagner sa langue devenue pâteuse. Ses prunelles de saphir se portèrent vers la source d’eau qui lui promettait une douce caresse et un repos bienvenu. Puis son regard se porta vers les gouttelettes d’eau qui parcouraient le visage de l’archère, parcourant la peau laiteuse de cette dernière jusqu’à s’arrêter dans un lieu indiscret pour les regards. Pourtant il préféra ne pas se relever et rompre cette étrange vision, de peur de briser ce moment de quiétude, à l’abri de la fureur des éléments, de la rudesse de la nature et de la fureur de leurs anciens geôliers. La mélodie de l’eau avait un effet apaisant qui lui valut d’apprécier pour la première fois la beauté de la nature, oubliant le sifflement des machines, l’agitation de la foule et le grondement des moyens de transport.

Il pensa à l’information concernant les effets de la maîtrise de l’air sur le climat. Il médita là-dessus, pensif, jugeant les possibilités et les risques avec une lucidité particulière. Leur cachette était un avantage tactique, un mage de l’air serait très désavantagé ici. Et puis il fallait encore qu’ils découvrent le petit abri rocheux camouflé par le feuillage. Avec pareils vents, leurs traqueurs ne pourront le repérer comme l’avait fait Aurore. De toute façon, le duo de survivants ne pouvait sortir sous une pluie pareille et risquer mille dangers pour se perdre ou s’empêtrer dans quelques sables-mouvants causés par la pluie diluvienne. Le plus sage serait de rester ici, de garder les lieux le temps qu’ils reprennent des forces, qu’ils se reposent avant d’affronter à nouveau la cruauté du monde.

« Qu’ils viennent, si jamais ils nous trouvent. Nous les accueillerons de pied ferme. Puisque le destin semble prendre un malin plaisir à les envoyer se jeter sur nos traces, nous allons vendre chèrement notre peau. Après tout, c’est que qu’on sait le mieux faire, toi et moi. Survivre. »

Sa main effleura le manche de sa hachette qui reposait contre son flanc gauche. Plus de peur, lus de doutes. Seulement une détermination guerrière et féroce. Une volonté sauvage.

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Chasse à l'homme [Terminé] - Page 2 EmptyJeu 30 Nov - 23:40
Le fruit de ses illusions, drôle de façon de voir ses craintes. Elle n’était en rien responsable ce qu’il avait vu, loin de là, il était l’unique coupable des troubles qui pouvaient bien l’animer. Aurore était restée assise, au bord de l’étendue claire, laissant ses doigts frôler la surface du liquide, l’appréhender, la comprendre, vérifiant par des mouvements simples que le plus atroce des monstres n’était pas en train de hanter ce lieu. Coinçant la torche non loin d’elle, la bloquant entre deux amas de roches imposantes, la rouquine la délaissa pour savourer pleinement le répit que le lieu offrait aux deux survivants. Un fin sourire avait imprégné ses lèvres alors que c’est deux mains ensemble, formèrent un petit réceptacle afin de récupérer la précieuse substance transparente. Les mains immergées, elle frissonna à la différence de température, légère, mais suffisamment présente pour faire dresser les poils de ses avant-bras.  Aure restait attentive, écoutant les paroles de son interlocuteur, se perdant dans la sonorité de sa voix. Masculine, imposante, presque envoûtante. La rousse prenait plaisir à fermer les yeux, à imaginer les propos tenus, à analyser ce qu’il se cachait derrière un mot, qui parfois voulait dire toute autre chose au vu de la manière dont il était prononcé. Ses mains avaient fini par sortir des profondeurs, pour humidifier la peau de son visage, pour se porter jusqu’à ses lèvres, lui permettant d’hydrater ce qui était bien trop assoifé, d’assouvir une soif qui se voulait bien plus débordante que ce qu’elle avait pu imaginer.

Le silence était présent, baignant autour des instants de discussions, d’échange, de contradiction, d’avis différents. L’expression de la jeune femme passait d’un extrême à un autre, passant d’une satisfaction à peine dissimulée à un sourcil se relevant, un regard qui se perd légèrement vers celui  qui s’adresse à elle. Il était militaire, avant, il appréciait sa présence, sa discussion, il restait sur ses désirs d’escalade, avait envie de gravir les échelons, d’avoir de l’importance. Un mode de vie que la my’tränne n’était tout simplement pas en mesure d’imaginer, sans pour autant ne pas le comprendre. Cela devait avoir quelque chose d’agréable d’avoir quelque chose entre ses mains, un poids, une prise de décision. Instinctivement, elle avait regardé ses doigts, la paume de ses mains, cherchant ce qui pouvait bien tenir dans aussi peu d’espace, ce qui pouvait bien procurer la satisfaction que les prunelles bleutées laissaient entrevoir. Aurore n’eut que le plaisir de voir l’eau fuir entre ses doigts, pour retrouver la liberté, où tout du moins ce qui devait y ressembler.


- «  Tu ne seras pas trop âgée quand tu pourras enfin te reposer sur tes lauriers ? » c’était sorti de façon naturelle, spontanée, sans avoir eu l’envie de souligner que peut être à partir d’un certain âge, il fallait peut-être ralentir un peu « J’escaladerai moi aussi tu sais, mais pas aussi vite que toi, parce que je savourerai chaque petite victoire et prendrait le temps de renier chaque défaite. »

Elle avait de nouveau savouré le contact de l’eau sur sa peau, les gouttelettes dévalant doucement le long de ses joues, de ses lèvres, se perdant dans son cou jusqu’à s’oublier dans la naissance de sa poitrine. Aure répéta le mouvement plusieurs fois, appréciant réellement l'instant plus calme, oubliant presque les idées plus sombres qu’elle avait eues vis-à-vis de cet être, de cet homme dont le chemin n’aurait jamais pu réellement croiser aussi longuement sa route sans les tragiques événements. Puis il avait brisé l’instant, annonçant de sa voix virile, intense, qu’il attendait de pieds fermes qui oseraient venir perturber l’instant, qui oserait tenter d’attaquer ici et elle avait ri. Sincèrement. Loin d’elle l’idée de se moquer, ni même de lui manquer de respect ou de ne pas le penser capable de fracasser le crane d’un ou deux agresseurs, c’était simplement à ses yeux tellement impensables… Tellement surprenant de le voir, dans cet état si faible, si laborieux, annoncer avec tant de conviction que la guerre n’était pas finie, que si une bataille approchait ici, il y aurait un combat. Oui, Aurore avait ris encore, en pivotant légèrement vers cet être surprenant, se demandant avec autant de réalisme que possible, comment il avait pu arriver encore à la conclusion qu’il avait une chance ici.

- «  C’est faux » dit-elle avec sa douceur habituelle «  Tu sais aussi très bien danser même la diriger et manipuler visiblement. » Souligna-t-elle avec une once de taquinerie dans la voix « Et moi, je sais être naïve et insouciante… Enfantine peut-être même.  La survie n’est qu’un atout, un avantage de nos multiples facettes. »

Aurore avait définitivement pivoté face à lui, faisant dos à l’étendue aqueuse, pliant légèrement ses jambes sur le côté, trouvant un équilibre à l’aide de ses bras. Penchant légèrement sa tête, replaçant sa chevelure rouquine dans un n’importe quoi peu harmonieux, sauvage, définitivement indomptable. Ses deux billes vertes détaillaient une nouvelle fois Ludwig, cherchant à trouver le militaire qui se cachait derrière cette silhouette, devait-il avoir renoncé il y a un petit temps déjà, s’amusa-t-elle-même à penser. Un sourire taquin, sur les lèvres, elle le regardait encore, sans que le mot déjà n’apparaisse brusquement terminer, interrompre l’instant. Un souffle chaud s’exfiltra de sa bouche, alors qu’elle semblait se perdre un instant sur les traits de son visage, sur ses lèvres craquelées qu’elle ne faisait qu’imaginer, l’obscurité l’empêchant de pleinement aviser en détail.

- «  Je ne pensais pas que mon cavalier se transformerait en… » en quoi ? Elle haussa doucement les épaules, retenant une grimace provoquée par la douleur, signe qu’elle ne finirait pas sa phrase, faute d’avoir la réponse.

Abandonnant sa position, elle se releva délicatement, frottant ses mains entre elles pour retirer les résidus de pierre, cailloux, poussière. La rousse était venue retremper ses mains dans l’eau, se penchant légèrement en avant, afin d’humidifier l’arrière de sa nuque. Si la question de l’eau n’était visiblement plus un problème, celui de l’hygiène pouvait rester encore présent, celui de l’alimentation d’autant plus. L’idée de faire un feu dans la structure lui avait évidemment effleuré l’esprit, cependant l’absence d’ouverture lui avait paru être un problème trop important qui méritait réflexion.

- «  Tu devrais boire un peu, profiter de la fraîcheur… C’est vraiment, vraiment agréable » elle était pleine d’entrain, comme-ci le liquide avait réellement le pouvoir de faire évaporer les soucis «  Regarde !! »

Elle plongea de nouveau ses mains, qu’elle ressortit presque immédiatement, avant de se diriger vers son interlocuteur. Sans demander son autorisation, sans même laisser percevoir l’idée qu’elle avait en tête, elle déposa ses mains sur ses joues, les doigts légèrement écartés, laissant sa peau froide rentrer en contact avec celle chaude et abîmée du visage de Ludwig.  Le bout de ses doigts roulèrent quelque peu jusqu’à son menton, avant de se déposer sur ses épaules. Elle n’était pas très loin de lui, son regard dans le sien, cherchant peut-être à retrouver un soupçon de bien-être.

- « Alors ? » quémanda-t-elle pleine d’entrain

Ses doigts avaient longé ses bras jusqu’à retrouver ses mains, se glissant dans celle-ci sans fermeté, sans brusquerie, simplement pour le tirer vers elle, pour l’inciter à se relever, à sortir de cet aspect un peu boudeur en pleine réflexion. Offrant un sourire rassurant, Aurore semblait avoir déjà mis de côté la conversation, déjà oublié les divergences d’opinions pour ne se concentrer que sur les besoins, sur les priorités. Reculant pour lui permettre d’avancé, elle s’était arrêté juste au niveau de l’étendu d’eau, relâchant son emprise sans être gêné de cet acte qu’elle ne jugeait sur l’instant pas particulièrement proche ou intime. Récupérant la torche non loin, elle annonça presque de manière tout aussi insouciante que son geste :

- « Je vais explorer un peu par-là, tu n’auras cas me rejoindre après… » s’éloignant de quelque pas, elle s’arrêta, constatant que plus elle s’éloignait avec la torche, plus elle le laissait dans l’obscurité « Enfin.. mh.. Je t’attends là, puis on avancera ! J’espère que tu es bonne observateur, j’ai toujours un don pour me perdre »

Ce qui pour une chasseuse traqueuse n’était vraiment, vraiment, vraiment pas pratique. Avec Aurore, cela ne semblait pas forcément une mauvaise chose, au contraire. Elle attendit sagement, avec cette irrésistible envie de le pousser dans l’eau, juste retour de flamme pour les petites perturbations qu’il provoquait dans son esprit. Évidemment, elle n’osa pas, ne fit rien, ne bougea pas d’un centimètre avisant simplement cet homme si différent et pourtant pas si éloigné de sa manière de vivre, tout du moins, le pensait-elle encore. Seul un petit pétillement de malice brillait encore dans son regard, sans jamais s’éteindre. Une fois le problème d’aqualique -alcoolique avec l'eau aheum- terminé, elle avait simplement indiqué d’un bref petit mouvement de tête un petit chemin rocailleux, dont de très légers filaments d’eau venant des parois indiquaient qu’il y avait une suite, un autre petit recoin à explorer. Il allait de nouveau falloir rentrer le ventre, ne plus respirer, sentir la roche sur son dos, son ventre, appuyer sur la chair de ses membres, avec juste l’idée de traverser cette paroi. La torche avait failli s’éteindre plusieurs fois, provoquant de légers grognements de la rouquine qui tachait de conserver la précieuse source de luminosité. Une fois de l’autre côté, l’endroit s’espaçait de nouveau, permettant au duo de respirer, de gorger de nouveau leurs poumons d’airs, de permettre aux peaux de ne plus s’accrocher contre quoi que ce soit. La jeune femme avait essuyé sa joue d’un revers de main, laissant une trace boueuse sur celle-ci alors que ses deux yeux fixés un élément qu’elle venait de heurter du pied.  Un petit couinement de surprise avait fui ses lèvres, aussi spontané que la surprise de la découverte.

Un crâne roula quelque peu, là, plus loin, jusqu’à disparaître dans un liquide vaporeux. Aurore s’approcha, très légèrement, prudemment, coulant un regard vers son interlocuteur. La torche illuminait le lieu par endroit, celui-ci brillait à chaque passage de la flamme, jusqu’à dévoiler une couleur dorée tout au fond du liquide, comme-ci un filament d’or imprégnait la profondeur de l’étendue visiblement profonde. La vapeur flottant juste au-dessus du liquide ne laissait  que peu de doute quant à sa température, émerveillant davantage le regard désormais étincelle de la rouquine. Elle délaissa la torche, entre deux pierres, laissant ses doigts se faufiler le long des parois, provoquant une envolée de petit insecte qui au contact les uns des autres s’illuminèrent quelque peu. La jeune femme à la chevelure flamboyante resta un long moment sans réaction avisant cette danse étrange qui se jouait au-dessus de leurs têtes, jusqu’à arrêter ses deux prunelles, sur deux billes lumineuses, quatre billes lumineuses même qui se trouvaient un peu plus loin. Certaine de trouver davantage de chose agréable, elle s’approcha sur la pointe des pieds, se hissant le long de la roche, laissant sa poitrine effleurer le mur, cherchant à se grandir davantage jusqu’à tomber nez à nez avec deux yeux.

Une créature, tête en bas, entouré dans deux ailes sombres observaient le duo avec intensité, sa comparse plus loin, faisait de même, dépliant les deux bras volants qui lui permettait de se déplacer dans l’obscurité du lieu. Curieusement, Aure ne s’éloigna pas, avisant la créature avec cette insouciance, ces yeux d’enfants qu’elle avait toujours eus, avec la reconnaissance de la chance qu’elle avait de pouvoir observer les bêtes qui normalement ne s’approche pas de l’humain. Sa main s’était relevée, son doigt légèrement dressé pour venir pousser d’un bout d’ongle la tête de l’animal qui se dandina au rythme de l’intensité du mouvement. Puis soudain, l’inévitable, le prévisible, l’animal avait détendu à son tour ses ailes et un cri ou bâillement, difficile à dire s'était fait entendre. Aurore surprise, avait reculé, était tombé les fesses sur le sol puis s'était retrouvé avec une bête sombre sur la tête alors que sa copine semblait avoir dans l’idée de tourmenter son partenaire. Des cris résonnent, stridents, intenses, alors que la rousse semble se débattre en suppliant Ludwig de lui venir en aide :


- «  Enlève-la ; enlève-la ; enlève la… Hiiiiiiiiii, mais fais quelque chose !! »

En réalité la créature n'était déjà plus là, un peu plus loin perché sur les hauteurs elle avisait l’humaine se débattre toute seule contre un agresseur imaginaire. Aurore s’agitait, elle secouait sa longue chevelure, son visage dessinait des grimaces et quelques grognement de douleur s'échappaient de sa gorge quand elle forçait un peu trop sur son épaule, ou sur les zones douloureuses. Puis après plusieurs longues minutes, elle s'était calmé, avait cessé doucement de s’agiter, jusqu’à réaliser que les bêtes n'était plus là. Ses joues étaient roses, ses prunelles cherchaient le danger, jusqu’à réaliser le ridicule de la situation, elle s’offusquait, bougonnait avant d'aviser le technologiste et sans lui laisser le temps de dire quoi que ce soit Aurore avait repris la parole :

- «  Ca va hein ! Pas la peine de rigoler, ça peut arriver à tout le monde, non... M'enfin ! »

Elle gonflait les joues, comme une enfant contrariée, passait une main dans sa chevelure afin de la remettre en place. Cherchait une sortie de secours, une solution, quelque chose pour oublier ce mauvais passage et surtout la honte et la vexitude qui animait son bas ventre. Elle s'était raclée doucement la gorge avant d’ajouter :

- «  Tu peux m’expliquer pourquoi tu n’es pas encore dans l’eau chaude ?! On a la chance d’avoir un bain à disposition et tu n’es pas encore dedans ? Tu veux attendre de sentir davantage le cochon ?! »

Un petit sourire en coin, un regard provocateur et elle avait par s’approcher doucement de l’eau. Aurore étant normalement d’une nature pudique, n'était pas très emballé par l'idée de dévoiler quoi que ce soit de son corps, de sa peau. Soucieuse de profiter quand même, elle avait retiré ses chaussures, s'était installé au bord afin plonger ses pieds et une main comme pour vérifier la température de l’eau jusqu’à être entièrement hypnotisé par la profondeur de l’étendue, par la beauté de la brillance qui recouvrait le fond. Elle rêvait de ça, de s’immerger, d’oublier un peu la douleur, de savourer juste l’eau sur son être, de retirer les traces qui parcouraient sa silhouette. Gênée, Aurore avait avisé le marchand, sans réellement savoir si l’idée était bonne, lumineuse. Elle hésitait, elle observait l’étendue relativement grande, profonde, pourquoi pas. Pourquoi pas, c’était ça qui s'était imposé dans son esprit finalement.

- « Retourne-toi » souffle-t-elle «  Il est possible de rentrer chacun d’un côté non ? »

C’était demandé avec toute l’innocence qu’elle possèdait, toute sa sensibilité. Après tout, ce n’était pas parce que c'était des survivants qu’ils devaient tout découvrir l’un de l’autre, déjà, comme ça, trop vite. DÉJÀ. Non. Elle gonflait encore les joues, alors que son regard avisait de nouveau la substance. Après tout ça, il faudrait forcément revenir à la réalité, retrouver la chasse, la faim, la traque… Après, oui, plus tard, quand le ventre grognerait si fort qu’elle ne pourrait plus l’oublier, qu’il faudrait vraiment trouver à manger et quelque chose lui disait que les petits crabes n’aillent pas rester aussi nombreux bien longtemps. De l’eau chaude, un futur feu, un p’tit mélange de baies et l’estomac ne resterait pas bien longtemps si creux.

Ludwig Strauss
Ludwig Strauss
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Chasse à l'homme [Terminé] - Page 2 EmptyVen 1 Déc - 21:28
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Profession : [Officielle] Propriétaire d'industries de l'armement [Officieusement] Baron du crime
Daënar -2
C’était flatteur, qu’une dame dise à son cavalier qu’il sait danser. Vraiment, même Ludwig n’était pas insensible à la remarque enrobée de taquineries de la jeune rousse, esquissant un petit sourire derrière sa barbe dont les cheveux soyeux étaient légèrement en pagaille après toutes les péripéties passées. Cela eut le don de redonner un certain aplomb à son humeur massacrante et morne, le tirant de ses farouches pensées de rétributions et d’escapade de l’extrême pour porter un regard amusé vers la jeune femme.

En la fixant ainsi, reposant près de la source d’eau cristalline, les cheveux en pagaille lui donnant un air sauvage qui offrait une intensité particulière à son regard d’émeraude, une sorte de férocité bestiale qu’il ne soupçonnait guère en elle. Deux pierres couleur de forêt primale au milieu d’une mer de flammes indomptables. Elle était si différente des femmes qu’il avait rencontré au cours de son existence, que ce soit à Daënastre ou à Als’Kholyn. Il y’avait ce côté qui lui rappelait la nature dans sa beauté sans atours ni artifices, une force cachée sous une apparence paisible, comme la mer douce et entraînante pouvant se déchaîner en typhon impitoyable. Ludwig avait pour habitude d’admirer le grondement de ses usines travaillant à plein régime, le cheminement incessant des énormes coffres bourrés d’armes luisantes prêtes à être circulées à travers le continent, le sourire taquin d’une charmante courtisane passant près de lui quand il s’installait sur le banc isolé d’un parc de Skingrad, jetant des miettes de pain aux oiseaux pour mieux méditer en paix sur ses prochains méfaits.  Mais là, c’était différent.

Si différent qu’il fut emporté par sa contemplation silencieuse et tranquille, son regard dénué de toute forme de malice ou d’impudeur, prenant plutôt l’aspect d’un visiteur dans un musée fixant avec un intérêt respectueux une œuvre d’art d’un réalisme saisissant. Si bien qu’il cligna des yeux avec surprise quand l’archère vint le rejoindre, les mains ruisselantes de l’eau pure et froide. Sans réagir, il la laissa approcher jusqu’à ce qu’elle partage avec lui le contact glacé mais Ô combien rafraichissant de l’eau sur son visage épuisé, entaché par la boue et le sang, abîmé par des estafilades d’un rouge sombre. Fermant lentement les yeux, il apprécia cette sensation de fraicheur qui le revigora un peu, l’apaisa malgré la froide caresse. Quand elle saisit ses mains, il laissa son regard plonger à nouveau dans les prunelles de la chasseuse au sourire enjoué qui le tira allègrement hors de son siège improvisé pour l’inviter à profiter de ce don de la nature qu’était cette source d’eau pure.

Il hocha lentement la tête quand elle lui fit savoir qu’elle attendrait patiemment qu’il se désaltère et décida de soulager immédiatement sa soif trop longtemps présente. Se penchant avec précaution pour ménager ses blessures, il porta ses deux mains en coupe et les plongea dans le liquide clair, le portant ensuite à ses lèvres et buvant avec un tel délice qu’il aurait crut avoir entre les mains le nectar des dieux. Soupirant d’aise, il laissa quelques gouttes d’eau rebelles parcourir la barbe qui encadrait sa mâchoire et s’écouler sur son cou, lui arrachant de délicieux frissons. Il se sentait revivre. Une énergie nouvelle le gagna.

Se relevant, sa mine fut moins crispée et ridée, plus calme. Son regard d’ailleurs était plus vif, n’exprimant plus cette étrange mélancolie. Il rejoignit la traqueuse my’tränne prestement et la suivit à travers les terres inexplorées des profondeurs de Niislegin, bien loin de la fureur des éléments et de la sauvagerie des autochtones. Ils découvrirent un passager des plus étroits, mais pas assez pour empêcher le duo de se faufiler tant bien que mal entre les parois rocheuses. Cela dit Ludwig faillit perdre une botte quand il coinça cette dernière dans un angle serré du passage. Il réprima un juron, se contentant de grognant en espérant qu’Aurore n’allait pas s’amuser à le taquiner sur ce petit incident. Mais il oublia bien vite ce petit dérangement quand son regard se porta sur la vaste salle naturelle animée d’une chaleur agréable qui contrastait parfaitement avec la froideur dans laquelle se déplaçaient les deux survivants il y’a à peine quelques secondes. Le maniaque des affaires put respirer à sa guise, un air bien plus riche que celui vicieux et rare près de la source d’eau.

Ce qui attirait le plus son attention c’était cette source d’eau chaude qui lui promettait de douces caresses le long de ses muscles engourdis, ses blessures gelées, ses os glacés. La lueur dorée l’intrigua d’avantage, l’homme se penchant légèrement en tentant de sonder les profondeurs vaporeuses, essayant de deviner la source de cette lumière à la noble couleur. Décidément, cette caverne recelait bien des surprises et il n’allait guère s’en plaindre après tout ce qu’ils avaient vécu comme douloureuses épreuves. Un peu de féérie n’allait pas étouffer notre explorateur en herbe.

Le cri de surprise de sa partenaire l’arracha à sa contemplation, s’armant aussitôt de sa hachette à l’acier cranté, prêt à repousser l’attaque d’une affreuse créature ou d’un agresseur invisible qui aurait profité du couvert de l’obscurité pour tendre une embuscade. Mais il fut surprit de voir que ce n’était qu’une chauve-souris paniquée qui voleta en manquant de le percuter, suivie de près par un second mammifère ailé. Le couple d’animaux nocturnes s’installèrent plus loin, visiblement peu enclins à être taquinés par la curieuse rouquine qui ne cessait de hurler comme si des diablotins invisibles tiraient sur ses cheveux et griffaient sa nuque. Quand, enfin, elle se rendit compte du ridicule de la situation, son compagnon ne put s’empêcher de sourire, retenant difficilement un rire presque incontrôlable. Un rire sincère et amusé, qui finit par se répercuter sur les murs de la caverne. Elle devait être une des rares personnes en ce monde à avoir vu Ludwig rire de plein cœur plutôt que simuler un amusement froid et dédaigneux. Se tenant les côtes, l’expression boudeuse d’Aurore ne fut qu’accentuer son amusement, redoublant son rire au point où une larme naquit dans l’un de ses yeux sans pour autant traverser la herse de ses cils noirs.

« Excuses-moi, je … c’est plus fort que moi … oh mes côtes … »

Si les douleurs furent ravivées par son rire incontrôlable, il trouvait que c’était un bien maigre prix contre ce petit moment comique qui lui fit l’effet d’un baume pour son esprit troublé et pensif. Toute mine boudeuse et pensive l’avait désormais quitté. Il affichait désormais un sourire amical et une expression positive. Plié en deux, il reprenait lentement sa respiration, mains sur les rotules et mèches de cheveux aussi noirs que l’encre en pagaille sur son visage a regard d’aube.

La malicieuse demoiselle avait déjà profité de l’occasion de prendre le premier tour et s’installer près de la source chaude, désireuse de profiter des bienfaits de l’eau chauffée par la nature. Sa moustache frissonna d’un air boudeur quand il comprit qu’il allait devoir patienter avant de pouvoir réchauffer son corps meurtri. Tournant le dos d’une façon comiquement boudeuse à la manière d’un riche bourgeois offusqué, il croisa les bras sur son torse en persiflant avec un ton exagéré, preuve qu’il ne lui en voulait pas vraiment.

« Je vois que mademoiselle est peu partageuse. Soit, je vais garder l’entrée. Avec une seule torche pour nous éclairer, je ne peux aller bien loin de toute façon. »

Et jetant un coup d’œil malicieux et joueur par-dessus son épaule, il souffla d’un ton des plus agréables :

« Dommage, moi qui voulait garder une belle image en ce bas-monde avant d’affronter à nouveau les dangers de Niislegin. Peut-être même un souvenir mémorable, qui sait ? »

Claquant sa langue contre son palet avec une sonorité adéquate, il sourit avant de s’éloigner de quelques pas, puis s’installa devant l’étroite entrée de la caverne sulfureuse, jambes croisées dans une position qui rappelait ces ermites pieux qui méditaient pour entrer en contact avec leurs dieux, loin de l’agitation de la civilisation. Pour patienter, il piocha un biscuit précieusement gardé qu’il grignota du bout des dents sans réel appétit, plus dans une optique de distraction tandis que son cerveau reprenait ses pensées tactiques. Des scénarios nouveaux se dessinaient dans la toile de son palais mental, des chemins se formaient, certains noirs et sombres, d’autres promettant un espoir et une fin plus douce. Un chemin en particulier semblait tourner autour du portrait de l’archère présente. Inconsciemment, il se mordilla la lèvre inférieure.

Si son visage avait put être expressif, ses joues auraient rougies légèrement. Ou peut-être intensément quand il comprit la motivation peu décente qu’il l’animait. Il grignota avec plus d’énergie son malheureux biscuit, se demandant clairement si la situation lui permettait d’avoir ce genre de pensées. Là, tout de suite, après tout ça, si tôt, et pourtant. Non, Ludwig, depuis quand tu te prends dans les filets humains les plus basiques ?

Un couinement lui fit regarder le plafond. Les chauves-souris le fixaient de leurs billes aussi rondes que des bonbons de foire, leurs museaux portés en sa direction. Seraient-elles entrain de se moquer de lui ? Voilà qui était honteux ! Un outrage ! Ce n’est pas parce que ces deux bestioles profitaient de leur mutuelle compagnie qu’elles pouvaient se permettre de rire de la situation du fier industriel, du baron du crime à genoux sur la pierre froide, portant de simples habits en piteux états et des cicatrices dignes d’un mercenaire vétéran.

« Si je vous attrape, vous deux, je vais tailler des gants dans votre cuir, attention ! »

Nouveaux couinements de la part des mammifères aux ailes membraneuses. Ludwig grommela. Être réduit à devenir le sujet de moquerie d’un couple d’insectivores vivant dans une caverne au beau milieu d’un continent sauvage peuplé de tribus dangereuses et de dragons féroces.

« Si le Destin est un homme, il doit se tordre de rire en me voyant … bien joué, chapeau. »

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Chasse à l'homme [Terminé] - Page 2 EmptyDim 3 Déc - 21:06
Aurore avait stoppé ses mouvements, avisant l’homme qui riait à quelque pas d’elle. La jeune femme l’avisait, détaillait ses gestes, sa façon d’exprimer son émotion et son humour non justifié. C’était un peu comme-ci le temps s’était mis sur pause, comme-ci sur l’instant, rien n’avait davantage d’importance que celui qui semblait très amusé par la situation. Les mains sur les hanches, les joues gonflées, Aure, ne savait pas réellement comment réagir devant cet état de fait, devant ce fou-rire non maîtrisé qui allait jusqu’à provoquer les larmes de l’industriel. Commençait-elle certainement déjà à regretter de ne pas avoir cédé à son envie de le pousser dans l’eau plus froide de la salle précédente. Involontairement, elle était venue se mordiller la lèvre inférieure, alors qu’un sourire plus doux était venu illuminer son visage toujours aussi bougon. Alors c’était ça, les moments perdus, inoubliables, ceux qui dans une difficulté obscure venaient adoucir l’instant, rappeler à la vie qu’elle pouvait aussi apporter du bon, que c’était aussi envisageable que de faire tomber  la foudre au mauvais endroit. Les mains sur les hanches, la rousse l’avisait toujours avec cette intensité dans le regard, cette envie de laisser entendre sa fierté qui était un peu offusqué qu’on puisse se moquer ainsi d'elle et celle de rire avec lui, de s’autoriser à se perdre elle aussi dans un rire incompréhensible, de transformer un fou rire solitaire à un fou rire à deux.  

La my’tränne avait dû rester plusieurs minutes ainsi, sans effectuer le moindre mouvement hormis le fait de gonfler ses joues de façon toujours plus prononcée, plus contrarié vis-à-vis de cette moquerie gratuite, qui ne semblait pas être si désagréable que ça. Haussant doucement les épaules, grimaçant à cause de la douleur que le geste avait provoquée, elle avait fini par lui tourner le dos, prenant une posture davantage enfantine. Puis son regard c’était perdue dans les mouvements légers de l’eau, dans la vapeur qui s’en dégageait et l’idée avait fini par s’imposer naturellement dans son esprit. Il s’était excusé, avant de repartir dans un rire visiblement douloureux. La jeune femme avait failli s’autoriser un « bien fait pour toi » qui resta néanmoins dans son esprit, sans jamais laisser entendre la sonorité qu’il aurait pu avoir formulé avec conviction. Ludwig avait fini par accepter de s’éloigner un peu, afin de lui permettre de se dévêtir sans pour autant voir ses joues rosir de pudeur. Jetant un regard derrière elle, la rouquine s’assura que l’homme était suffisamment loin pour respecter sa parole. Satisfaite de le  voir dos tourné, plus loin.

Aurore avait déboutonné sa chemise, bouton par bouton, en douceur la retirant pour l’abandonner sur un rocher non loin, elle fit de même avec son pantalon, grimaçant de douleur à cause de la décharge électrique que sa blessure venait de provoquer. Presque nu, il ne lui restait que les espèces de dessous cérémoniel que lui avait enfilé les sauvageons. Non désireuse de se retrouver entièrement à découvert, la jeune femme les avait conservées.  Coulant un regard vers la silhouette masculine qui venait de jeter un œil vers elle, elle fronça doucement les sourcils, le détaillant avec délicatesse, sans once de reproche dans le regard :

- «  Je ne voudrais nullement provoquer ta mort alors que nous avons déjà survécu à tant d’épreuves… À ton âge, un cœur ne peut pas tout supporter… Il faudra faire davantage d’exercice physique, je crois… »

Piqueuse, joueuse, sa voix était agréablement montée dans les aigus, alors que ses deux prunelles s’étaient mises à briller d’une nouvelle intensité. Sa lèvre s’était de nouveau mordillée quelque peu, alors qu’elle chassait d’un battement de cil l’idée peu convenable pour une femme bien éduquée. Croquer la pomme sans amour, pour répondre simplement à un besoin de chair. Simplement pour partager une transpiration, vibrer à un souffle chaud sur sa peau, à un regard satisfait de découvrir des courbes féminines ou masculines d’ailleurs.  Un instant, l’air sembla manquer aux poumons de la rousse, qui avait déjà imaginé avec précision la danse que les deux anciens inconnus auraient pu pratiquer ici. Secouant doucement la tête, elle avait de nouveau chassé de son esprit ses pensées bien trop entreprenantes pour elle. Un sourire mutin sur les lèvres, elle avait fini par se glisser délicatement dans l’eau chaude du bassin provoquant un frisson de plaisir, laissant échapper quelques soupirs de bien-être. Instinctivement, elle avait été jusqu’à plonger sa tête sous l’eau, glissant le long des parois, venant aviser les filaments dorés et cette impression que plus rien n’avait d’importance. Revenant doucement à la surface, la rousse n’avait semble-t-il aucune envie de ne pas partager l’instant, s’approchant doucement du rebord, déposant ses avant-bras à plat pour y déposer son menton, elle avisa la silhouette quelques pas plus loin. Aurore avait laissé échapper un rire sincère, en écoutant l’industriel parlementer avec les créatures volantes, ou un être n’existant certainement même pas.

- « Ce n’est nullement de cette manière que tu vas te faire des amis. Quoique, peut-être que tu pourrais avoir une récompense, le premier technologiste parlant aux animaux…. »

Son rire avait perduré quelques instants, alors que ses cheveux parfaitement humides collaient à son visage venaient se plaquer dans une délicieuse pagaille sur ses traits, sur sa tête, elle avait passé une main dedans, afin de tenter d’imposer une domination impossible à obtenir. Jouant des doigts sur le rebord, sa tête avait fini par redisparaître sous l’eau, par profiter du silence et du bruit des mouvements que l’endroit pouvait offrir. Remontant un peu plus loin, elle avait repris sa position initiale, avisant son interlocuteur toujours au même poste, prenant presque la poussière.

- «  Tu peux venir, tu sais… Je suis dans l'eau, c'est bon alors... Promis, je me tournerai pour ne pas épier ce qui n’est plus observable depuis bien longtemps. »

Pas de prononciation particulière, peut-être avec tout de même une voix un brin taquine, un poil en sous-entendu. Avait-il passé l’étape où tout pouvait être dit sans que jamais l’un ne s’offusque ? Difficile à dire, en tout cas Aure avait bien l’intention de profiter de ce moment de détente, de savourer l’instant ou ne risquait-elle, semble-t-il pas de se retrouver avec une nouvelle blessure. Aurore avait un corps délicatement musclé, sa musculature n’était pas particulièrement imposante, néanmoins elle était, semble-t-il, dessiné tout en finesse, signe que la rouquine n’était pas une femme qui restait sans rien faire, les quelques petits amas graisseux qui pouvaient être perçus au niveau de son ventre, de ses hanches et de ses cuisses n’étaient en rien désagréable et juste une preuve qu’elle ne se refusait pas un petit plaisir de temps en temps. Sa peau était pâle, tachetée de quelques grains de beauté.

Sans mouvement trop brusque, elle avait fini par mettre en application ses paroles, abandonnant sagement son moment d’observation pour s’installer à l’opposé, lui tournant le dos pour afin qu’il puisse rentrer dans l’eau sans craindre un regard trop lourd. Elle s’amusait de son côté à détendre ses muscles, à profiter du contact de l’eau chaude sur sa peau, des frissons qu’elle procure, du moment simplement magique, inespéré. L’unique luminosité présente restait la flamme de la torche, parfaitement maintenue dans la roche. Elle attendit d’entendre les premiers signes qu’il était bien rentrer dans l’eau afin de profiter à son tour de l’instant, aussi étrange que cela puisse paraître, Aurore semblait être satisfaite de partager cet instant avec lui. C’était aussi une façon de découvrir une autre facette des deux duos et pour le quarantenaire cette face-là n’était pas désagréable, bien au contraire visiblement.


- « Alors ? » demanda-t-elle « C’est agréable n’est-ce pas ? » question dont elle connaissait forcement déjà la réponse, qui allait très rapidement laisser place à une conversation de nouveau plus sérieuse « Tu penses qu’on devrait pouvoir reprendre la route bientôt ? Je doute que rester plus de deux nuits au même endroit soit une bonne idée. »

Il allait falloir réfléchir à la façon de se nourrir, la direction que le binôme allait prendre, la façon de progresser dans la forêt humide et boueuse du lendemain. Une seconde nuit de sommeil ne pouvait être que bénéfique, c’était une évidence. Cependant, il n’aurait certainement pas récupéré autant qu’il le faudrait pour affronter de face les futurs assaillants. Pivotant légèrement vers Ludwig, sans réellement s’approcher de l’homme, la rouquine l’avisa une nouvelle fois, laissant son regard détailler le peu qu’elle pouvait réellement voir, sans paraître trop insistante.  Elle secoua doucement la tête, cherchant à se concentrer uniquement sur ce qui était important, uniquement ça et rien d’autre.

- «  Je ne pensais pas tomber dans un endroit de ce type ici… C’est plutôt une bonne surprise… Après tout ça ?... Qu’est-ce que vous allez faire une fois qu’on sera définitivement en sécurité ? »

C’était une question plutôt simple, mais aussi intime. Aurore ne s’attendait pas à une réponse particulièrement développée au contraire, mais elle était réellement curieuse de savoir si tout ceci avait et aller avoir un impact sur sa vie et sa façon de la percevoir. Nul doute que comme il avait pu le dire à la my’tränne il allait conserver sa philosophie, cependant peut-être agrémenterait-il le tout en vivant davantage dans le présent. Laissant l’industriel répondre à sa question, Aurore jugeait déjà qu’il était grand temps de sortir de l’eau, contrairement à précédemment, elle n’imposa pas à Ludwig de se tourner, elle avait semble-t-il parfaitement accepter sa présence. Se hissant doucement hors du bassin, elle avait appuyé sur ses avant-bras pour lui permettre de s’extirper, son genou s’était appuyé sur le bord, puis elle s’était redressée. Tournant une nouvelle fois vers l’eau, donc, vers le marchand d’armes, elle passa sa chevelure sur le côté pour l’essorer du côté gauche de son visage. Les gouttelettes d’eau ruisselaient le long de sa peau pâle épousant ses formes féminines étrangement bien mise en valeur avec la tenue cérémonielle. Faut-il être visiblement bien faite et bien décoré pour être dégusté de façon parfaite. L’air plutôt frais la fit frissonner une nouvelle fois et la rouquine n’avait pas pu s’empêcher de se frotter les avant-bras vivement tout en se dirigeant vers les affaires les plus proches. Ce ne fut pas les vêtements parfaitement pliés qu’elle avait déposés sur une roche, mais bien les affaires de Ludwig, qu’elle passa, sans réellement avoir conscience de cette petite erreur. Cependant, elle ne repassa sur sa peau que la chemise, qu'elle boutonna celle-ci lui arrivant juste au dessus des genoux. Visiblement plus à l’aise de nouvelle couverte, elle avisa une nouvelle fois l’industriel afin de lui faire part de ce qu’elle avait en tête :

- «  J’aimerai bien essayer de faire un feu dans la grotte… Avec la hauteur et les courants d’air présents, je suppose que la grotte ventilera suffisamment bien pour éviter tout accident…  Il y avait encore un peu de bois secs à l’entrée.. Les baies que j’ai ramassées tout à l’heure feront un début de repas et si on parvient à trouver un caillou suffisamment creux pour faire chauffer un peu d’eau… Alors, on pourra faire cuire les crabes… Est-ce que ça te semble convenable ? Ou trop risqué ?  »

Ludwig Strauss
Ludwig Strauss
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Chasse à l'homme [Terminé] - Page 2 EmptyLun 4 Déc - 20:58
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Daënar -2
Haussant un simple sourcil à cette amusante pique, il accepta volontiers qu’elle remporte un premier round, même si son ego s’en plaignait secrètement. À son âge … voilà qui était inattendu de la part de celle qu’il jugeait bien trop douce pour être apte à lancer aussi cinglantes provocations comiques. Mais c’était de bonne guerre ! Quant aux animaux en question …

« Qui sait ? Des miracles sont nés des situations les plus imprévues. Peut-être que je deviendrais l’ami des chauves-souris. Tiens, ce serait amusant, l’homme-chauve-souris … quoique ça a une étrange sonorité. On dirait un de ces délinquants qui se prennent pour des justiciers, la nuit. »

Caressant doucement le bout de sa barbe, il constata que cette dernière risquait de vite perdre de sa splendeur sans soins. Il regrettait de ne pouvoir entretenir cette fierté purement masculine comme il se doit. D’un autre côté, il avait bien vu certains porter des barbes hirsutes avec un certain panache. Serait-ce de même pour lui ? Seul le temps y répondra, à moins que sa tête n’orne quelques pieux devant les tentes des sauvages. Cette pensée lui arracha un sourire sans joie en s’imaginant devenir un macabre trophée pour les mages cannibales, le regard vide et la langue pendante. Il espérerait une fin moins grotesque et prématurée, mais seul le destin était juge. Le destin, encore et toujours le destin, éternel rival malicieux, tempête invisible embrouillant toujours ses plans malgré leur complexité machinale et méthodique.

Portant lentement son regard vers Aurore lorsque cette dernière l’avait invité à la rejoindre, il sourit lentement en se relevant, tapotant son pantalon poussiéreux.

« Mademoiselle est bien trop aimable. »

Avisant un petit rocher où il pouvait déposer ses propres, il attendit patiemment que la jeune rousse se retourne avant de commencer à se défaire de ses vêtements en toute délicatesse, de peur d’arracher la peau de son dos si jamais par malheur sa chemise s’était collée aux cicatrices qui ornaient désormais sa chaire. Fort heureusement il n’en fut rien et il put se débarrasser sans problème de bottes, chemise et pantalon avec une relative aisance, gardant simplement le vêtement que les abominables assassins avaient jugé bon de le lui garder dans une ultime preuve de pudeur à l’égard de leur proie.

Le brun en profita pour une très brève inspection de son corps. Ludwig n’était pas un athlète et ne pouvait se targuer d’avoir le physique d’un solide guerrier. Cependant on pouvait constater que s’il n’était pas sculpté comme un dieu grecque, il n’en restait pas moins en bonne forme, surtout pour quelqu’un ayant une profession plus bureaucratique (non, ne parlons pas de l’âge, non !).L’industriel restait relativement bien conservé, veillant sur son hygiène avec perfection et ne se privant pas de déplacements qui le gardaient dans une forme respectable. Sa peau légèrement pâle était désormais striée de quelques cicatrices, estafilades et écorchures qui lui rappelaient les corps des vétérans qu’il avait put traiter par le passé, véritables patchworks humains grommelant avec leurs pipes entre les dents. Le daënar avait envie de voir dans un miroir l’état de son dos, mais faute de verre il se contentera de se faire une vague idée en parcourant ses doigts glacés par le froid sur les blessures. Il se pinça les lèvres quand il sentit que l’arrière de son corps devait être aussi zébré qu’un tigre du Tyorum. Au souvenir du terrifiant fouet aux lianes composées de ronces aussi acérées que des griffes, il en frissonna encore.

Ludwig plongea ses mains dans l’eau agréablement chaude et se lava le visage d’abord, se débarrassant autant de la fatigue que des impuretés qui avaient persisté sur ses traits. Puis il glissa lentement dans l’eau, très lentement, jusqu’à ce que son corps privé de douceur depuis trop longtemps ne soit totalement immergé, ne laissant que sa tête percer un moment la surface de la source chaude avant qu’il n’y plonge complètement. Plongé dans ce monde aquatique, il oublia ses douleurs, ses malheurs, ses craintes et ses doutes. Il oublia tout, le temps semblant s’être figé pour lui épargner les durs maux de l’existence et lui offre un doux moment de répit. Puis il surgit à nouveau, remplissant ses poumons d’air frais et revigorant. Clignant des yeux pour débarrasser ses cils des lourdes gouttes qui s’accrochaient, le survivant passa ses mains sur son visage pour rabattre sa chevelure d’encre sur ses épaules. La chaleur de l’eau lui faisait un effet divin.

« C’est bon. Je sens déjà la fatigue s’estomper. »

Se tournant vers Aurore, il la fixa dans les yeux et uniquement dans les yeux, écoutant attentivement  sa question qui était très pertinente. Fronçant légèrement des sourcils, il garda le silence, pensif, avant de finalement répondre :

« Jusqu’à présent, nous sommes plus en sécurité ici que dehors. Cependant nous devrions en effet envisager de sortir pour poursuivre notre route. Nos provisions ne dureront pas éternellement, nous allons devoir nous ravitailler au gré de la nature. Espérant que la traque de ces démons se soit affaiblie. »

S’adossant doucement contre le bord de leur bassin naturel, il fut surpris que l’archère lui pose une question beaucoup plus intime et personnelle et constata d’ailleurs qu’il n’y avait guère réfléchit. Cependant la réponse lui vint aussitôt sur le bout de la langue, comme si son cœur s’exprimait pour une fois plutôt que son esprit :

« Rentrer chez moi me semble être la chose la plus naturelle à faire. Revoir des visages que je connais plutôt que fixer le regard mort d’un tueur, savourer des plaisirs banales et pourtant si importants à présent. Je reprendrais peut-être mon travail, c’est indéniable, mais pas avec la même fougue qu’avant. En tout cas, pas sans avoir récupéré de cette expérience inattendue. »

Récupérerait-il vraiment ? Cette expérience, cette aventure horrifique et pourtant si enrichissante en un sens. C’était comme un tatouage à jamais marqué dans sa chaire. Quelque chose qu’il allait forcément impacter sa vision des choses ou su son comportement. En bien ou en mal ? Nul ne le sait, pas même le principal intéressé.

Plongé dans cette réflexion, il leva légèrement le regard vers sa partenaire de survie et constata que cette dernière quittait déjà le confort de leur bassin providentiel. Si jusqu’à présent il avait fait preuve d’un respect envers la pudeur de la jeune rouquine, sa décente politesse de gentleman avait disparu dans les eaux profondes de la caverne, avec toutes les chaînes qui formaient les règles de la société. Le fait qu’elle ne prenne plus la peine de se cacher à ses yeux fut une preuve de confiance qu’il accepta secrètement comme une récompense. Douce récompense que l’homme solitaire pouvant abreuver son regard de la digne œuvre de la nature dans sa splendeur sans sorcelleries ni atouts, sculpture de chaire, chevelure de feu liquide, regard de pierres précieuses et lèvres de corail. Les prunelles de Ludwig n’exprimaient aucune arrière pensée peu digne d’un homme de la haute société, mais le douce et agréable admiration d’un peintre devant une œuvre qu’il ne pourrait jamais égaler mais qui remerciait les cieux de lui offrir le privilège de porter son chaste regard sur pareil spectacle privilégié.

Immobile, il ne suivit guère du regard la renarde aux flèches mortelles, profitant encore un peu de l’élément liquide qui apaisait lentement son corps et son esprit, ses muscles se détendant petit à petit. Le froid n’était plus qu’un souvenir, un mauvais souvenir qu’il n’était pas pressé de rencontrer à nouveau. Mais l’entrepreneur savait bien qu’il allait devoir quitter cet Eden souterrain, abandonner ce paradis caché aux yeux des hommes, ce cadeau de la nature inespéré. Dans son esprit, il se murmurait une chose : encore un peu, juste un peu, oublier tout, se laisser abandonner l’espace d’un instant.

Puis il se retourna lentement quand Aurore s’adressa à lui, appuyant ses bras contre le bord du bassin, la moitié de son torse transperçant la surface vaporeuse. Repoussant une mèche rebelle sur son front, il caressa sa lèvre inférieure avec la pulpe de son pouce, avisant la proposition de la chasseuse. Puis le grondement de son estomac lui rappela qu’un bon repas lui ferait le plus grand bien, à lui et à sa talentueuse partenaire.

« Je pense qu’on ne peut dormir ou faire cuir la nourriture dans notre petit lac, hélas. Un bon feu nous serait d’une grande aide, en effet. Si la pluie bat toujours dehors je ne pense pas que la fumée ne perce la surface de la caverne de façon trop visible. J’irais chercher du bois, avec ma hachette je pourrais couper plus aisément quelques branches sans m’aventurer trop loin de l’abri rocheux. Tu pourras récolter dans le sac quelques crabes si tu arrives à les tirer hors de leurs trous. Ensuite, on pourra festoyer décemment. »

Sortant lentement de son refuge de chaleur, il frissonna puissamment de tout son corps et prit place sur une surface plate, secouant vivement sa chevelure alourdie par l’eau présente. Par manque de serviettes, couvertures ou tout autre tissu utile pour le dessécher, il laissa les gouttes d’eau quitter lentement son corps arqué et tendu comme un fauve prêt à bondir, mettant en valeur les sévices commis par leurs tortionnaires. Des marques à jamais gravées dans sa chaire mortelle. Mais une chose était sûre : tant qu’il serait en vie, ces atrocités ne feront que le rendre plus fort, à défaut de terrasser le technologiste étonnamment coriace.

« Dis-moi, Aurore. Penses-tu que c’est dans le dessein des Architectes que l’homme haïsse son frère et n’hésites pas à le tuer tout comme il peut l’aimer et le protéger chèrement ? Ne pouvaient-ils pas interférer en faveur de l’harmonie de tous plutôt que devenir les divins spectateurs de l’agonie humaine, avec ses moments de joies et de malheurs ? »

Jetant un regard vers la my’tränne, il murmura :

« Est-ce juste ? Ou bien les voies des dieux sont hors de portée de notre compréhension ? »

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