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Chroniques d'Irydaë
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 :: Les terres d'Irydaë :: Daënastre :: Vereist
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 Les tourments de la pierre.

Lauren Hill
Lauren Hill
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Les tourments de la pierre. EmptyDim 28 Jan - 19:16
Irys : 1011003
Profession : Journaliste / Reporter / Romancière
Pérégrins +2
Ce n’est pas une bonne idée… Cette pensée ne me quittait plus, et ce, depuis que mon pied eut frôlé le plancher de ce maudit train.

Tout a commencé par une simple rumeur, quelques murmures rapportés par un ivrogne à l’apparence bien crasseuse, qui me semblait capable de raconter tout et n’importe quoi en échange de quelques irys. Cette histoire me parut tout d’abord si grosse et bien trop étrange pour que je puisse réellement la prendre en considération… Comme l’aurait fait toute personne sensée, ce que je suis supposée être. Puis, passant enfin outre les apparences, je me mis à observer ses regards, fuyants, perturbés, désespérés, effrayés aussi… Sacrément effrayé même. Comme si une sorte de monstre le guettait, tapis dans l’ombre. Deux solutions s’offraient donc à moi: soit cet homme était fou et croyait à son histoire rocambolesque, soit il disait la vérité, mais était tout de même devenu fou suite aux traumatismes.

Toutefois, n’ayant rien prévu de particulier et il faut l’avouer, sincèrement intriguée par cette affaire, je décidais de me lancer tout de même dans quelques recherches. Au début, je procédais comme à mon habitude, cherchant çà et là quelques informateurs supplémentaires rapportant le même genre d’histoire que le pauvre bougre rencontré plus tôt. Néanmoins, cela ne me mena à rien. Nada, personne ne pouvait attester ou contester ses dires. Je ne trouvais d’ailleurs aucun document prouvant la véracité témoignage, ni de près, ni de loin, ce qui, je dois bien l’avouer a bien faillit me faire renoncer. Pourtant, tout le monde connaissait cette ville : Klumpen, la maudite. Son histoire sur ces mineurs devenus fou et la cité, bien trop dangereuse pour être visitée, son atmosphère polluée, etc. Avant cette rencontre, je ne m’y étais réellement intéressée, ce que je commençais à sérieusement regretter. Ce que l’homme m’avait rapporté tenait de l’horreur tout simplement. Et certaines choses ainsi citées, si elles étaient vraies, ne pouvaient être que “classé défense”, un secret honteux et bien gardé par le gouvernement daënar, en somme. Un parmi tant d’autres, soyez-en sure. Dire que le gouvernement dissimule en son sein quelques vérités peu avouables n’était, à mon sens, que doux euphémisme, en particulier lorsque cela a un rapport plus ou moins direct avec la magilithe. Tout du moins, c’est l’image que j’en ai toujours eu.

La magilithe! Mais oui! C’est de là que devaient partir mes investigations ! De là...vers là… Tout était lié à ce fichu minerai aux vertus et à l’utilisation plus ou moins discutables… Bien que dans l’immédiat, le sujet portait plus sur son extraction,  la condition des mineurs et le “malheur” dont ils étaient victimes.
Voilà pourquoi je décidais de m’y rendre, en personne, n’emportant que quelques affaires indispensable au voyage ainsi que mon carnet et mes crayons. Je n’avais guère de besoin de plus, si ce n’est d’un appareil photographie que je ne possédais pas. Le voyage jusqu’à Zuhause fut long et ennuyeux. Je mis toutefois ce temps considérable à profit, revoyant sans cesse le témoignage du pauvre bougre ainsi que les quelques notes concernant la magilithe que j’avais en possession. Je vais être franche, cela ne pesait pas bien lourd, bien peu pour réellement me lancer dans cette enquête. Toutefois, le sujet m'intéressait, même bien plus que cela : je devais savoir. Si l’homme disait vrai, Irydaë en son entier devrait savoir. C’est la perspective qu’offrait de ce genre d’article qui m’avait poussé à devenir journaliste, après tout. Je ne pouvais donc faire autrement, tant pis s’il s’agissait d’une perte de temps et d’argent, je me devais de poursuivre les recherches en quête de cette fameuse vérité qui m'obsédait depuis toujours.

Je restais une semaine entière dans la capitale du Nord. J’en profitais pour me fournir en vêtements chauds et surtout pour interroger les passant sur la “ville maudite”. Je n’en appris guère plus, si ce n’est que s’y rentre seule serait effectivement une très mauvaise idée. La région semblait particulièrement dangereuse sans parler de Klumpen en elle-même, d’autant qu’en bonne étrangère du terrain...Cela ne me facilitait pas la tâche. Trouver de l’aide ne fut pas une mince affaire, que dis-je ce fut tout bonnement I-M-P-O-S-S-I-B-L-E. Personne ne voulait s’y rendre et pour cause, à la seule évocation du nom de la ville et les grands gaillards nordiques changeaient littéralement de couleur, et ce, malgré la somme plus que rondelle que je pus leur proposer. Devais-je y voir une raison supplémentaire d’abandonner ? Oui ! Est-ce ce que j’ai fait ? Non ! Bien sûr que non ! Cela ne fit que me fournir d’autres motivations… probablement stupides et déraisonnables… Mais à croire que JE SOIS stupide et déraisonnable. Tant pis, je trouverais bien de l’aide ailleurs. C’est ainsi que je pris la route de Widerstand, une ville que je qualifierais volontiers d’un “autre genre”.
Située au nord de Zuhause et à l’ouest de Klumpen, la petite ville vit essentiellement de la pêche, tout dôme les deux autres “W” bien que les habitants ne se contentaient pas de d’officier en mer. Les étangs alentours fournissaient autant de poissons au goût bien plus “vaseux”.… Je vous laisse donc le loisir d’imaginer le décor, l’odeur et le dégoût que les lieux purent m’inspirer.

Je poursuivis donc mon investigation, n’en apprenant guère plus, j’y cherchais aussi de l’aide, mais n’en trouvait pas. C’est presque désespérée et totalement frigorifiée que j’entrais dans une auberge sans même me préoccuper de la fréquentation. Je voulais boire quelque chose de chaud ou de fort, je n’arrivais pas à me décider. Est-ce que l’alcool servi chaud existe, si ce n’est cette sorte de vin épicé franchement dégoûtant ?

Je me dirigeai vers le comptoir, ôtant mon épais manteau de fourrure, aussi lourd qu’il n’en avait l’air. Je m’installais en soupirant, histoire d’attirer l’attention du barman visiblement dans la lune… Hey hoooo, j’ai froid, j’ai soif et je ne suis franchement pas d’humeur !

Quelques raclements de gorges plus tard, ce cher monsieur au ventre bedonnant et à la calvitie précoce tint enfin daigner me regarder.

-J’vous sers quoi? grogna-t-il.

- N’importe, tant que cela puisse me réchauffer.

J’attendis donc mon mystérieux verre, tout en observant la clientèle plutôt discrète, à mon sens. Il est vrai que nous étions en pleine après-midi, cela ne devait pas être réellement étonnant.

- Puis-je également vous commander un repas, une chambre et un bain ? demandai-je lorsqu'il déposa un verre rempli d’un liquide douteux.

-J’vous note ça, dit-il en sortant son épais registre si poussiéreux qu’il ne devait pas tant servir.Z’êtes mam'zelle?

-Hill, Lauren.
Il s’empressa de noter mon nom sur son registre enfin… Lorraine Île… non pas sans avoir léché la pointe de son crayon puis me tendit une clé… grasse. Bon sang… Ne grimace pas, c’est impoli… Néanmoins, je grimaçais quand même… Que voulez-vous, le dégoût est une émotion qui ne se contrôle pas.

-Merci, lançai-je en essayant de me rattraper avec un rictus qui sonnait bien faux avant de tenter ma chance.Oh, je suis journaliste, j’enquête actuellement sur Klumpen. J’aimerais m’y rendre, mais l’on m’a dit que les lieux sont beaucoup trop dangereux pour une femme seule. Connaissez-vous, par hasard, quelqu'un qui connaît le terrain et qui serait susceptible de bien vouloir m’y accompagner ? Je suis évidemment prête à payer le prix fort.

L’homme haussa les sourcils m’offrant une expression dédaigneuse fortement agaçante. Nul besoin de vous dire que je m’attendais à une énième réponse négative, si ce n’est pire… Il faut dire que depuis mon arrivée dans la région, je ne comptais plus le nombre d’insultes et je n’étais plus à ça près. Et pourtant…

-Voyez avec c’uilà là bas, marmonna le barman, en me désignant du menton, un homme assis seul, bien à l’écart, au fond de la salle.

Je détaillais l’homme en question, une vieille habitude que voulez-vous. Sa stature imposante d'abord, ce qui en soit était déjà intéressant. Un visage marqué, et certainement pas par l'abus de soirée mondaine, bien au contraire… Mais c'est son regard en particulier qui m'interpela, à vrai dire bien trop de choses s’y lisait pour être aisément interprétées.

Trop pressée d'aller lui parler, je vidais mon verre d'un seul coup, ce qui était une très mauvaise idée. Le liquide amer et épais me brûlait la gorge, tant et si bien que je crus m’étouffer. Je toussais bruyamment, jetant quelques regards furibonds au barman hilare. Ce dernier du finir par avoir pitié de moi et m'offrit un verre d'eau salvateur, j’ingurgitais tout aussi vite.

-Bon sang, mais qu'est-ce que vous m'avez servi ?grondai-je, furieuse.

-De quoi vous apprendre à ne jamais commander n'importe quoi ma p'tite dame, railla-t-il avant de se remettre à rire.

J'en restais bouchée bée, avant de sentir mon visage virer au rouge tant j'étais en colère. Après un dernier regard des plus expressif, j'attrapais vivement mes affaires avant de rejoindre l’homme, qui je l'espérais, pourrait m’aider.

-Bonjour, je vous prie de m’excuser pour venir vous interrompre dans… ce que vous faites, mais j’ai besoin d’aide et l’idiot au comptoir m’a dirigé vers vous... hésitai-je en me perdant un instant dans son regard. Bien sûr, vous serez généreusement rémunéré, d’ailleurs, je suis tellement désespérée que votre prix sera le mien...

Je restais debout, face à lui, les bras chargés de mon manteau bien trop lourd m’attendant à ce qu’il me renvoie gentiment balader… Et puis non, c’était bien trop important pour que j’abandonne ainsi, si facilement. Je plongeai donc mon regard dans le sien, le soutenant du mieux que je le pouvais...

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Les tourments de la pierre. EmptyMar 30 Jan - 18:50
Vereist. Terre du froid. Territoire abandonné par la douceur des Architectes et condamnée à la rigueur la plus extrême du climat d’Irydaë. Région abritant mystères et secrets. Et comme tous les secrets, certains devaient rester enterrés, à l’abri des oreilles curieuses et indiscrètes. Mais malgré tous les efforts fournis pour étouffer les rumeurs, il y’avait toujours des fuites subtiles qui parvenaient aux gens de l’extérieur. Une rumeur, un simple mot, une image compromettante … ou un témoin.

Enoch reposa son verre vide sur sa table, poussant un long soupir. Fixant la paume de sa main, il laissa la pulpe de son pouce caresser la peau rugueuse, meurtrie par le froid et la dureté de son travail. Il parcourait lentement son doigt contre les arabesques pâles sur sa peau bistre, se perdant dans l’entrelacs de ces cicatrices qui, plus que des marques, représentaient chacune un souvenir, une mémoire d’une époque signée par le fer des chaînes et le claquement des fouets.

Lentement, il se remémora quelques bribes de souvenirs. Le sifflement des machines, le grondement d’une locomotive, le bruit incessant des pioches martelant la pierre, des jurons surmontant des plaintes, le cliquetis des chaînes …

Perdu dans ses pensées, il ne remarqua pas l’approche d’une personne autour de son périmètre de solitude auto-imposé par sa simple présence. Les gens alentours, effectivement, évitaient de trop s’approcher d’une caste de personnes à la réputation assez inquiétante : les chasseurs de primes. Pires que des mercenaires selon certains bien que la différence était subtile, ils les voyaient toujours comme ces francs-tireurs indépendants, des hors-la-loi qui s’enrichissaient dans la chasse à l’homme sans pour autant s’attirer le courroux des autorités, bien au contraire. Les sheriffs adoraient ces vagabonds dangereux qui les aidaient à faire le sale boulot de capturer un fugitif ou arrêter un criminel qui échappait trop facilement à la vigilance des forces de l’ordre. Voilà pourquoi ils avaient toute légalité à exercer leur métier controversé mais bien trop utile pour que le gouvernement décide de l’abolir en ces temps où les loups et les bandits se faisaient légion.

Quand une voix calme et quelque peu hésitante parvint à ses oreilles, il leva alors ses yeux pour croiser les prunelles de son interlocutrice. Si son visage était inexpressif, il était en réalité assez étonné de voir une demoiselle à l’apparence contrastant bien trop avec cet établissement quelque peu … pittoresque et rustique. Le regard que jetaient certains habitués de l’auberge était un mélange de curiosité, de moquerie et une lueur bien trop vulgaire pour être décrite.

D’un signe de la tête, il invita la demoiselle à s’installer sur la seule chaise vacante en face de lui, continuant à la dévisager sans qu’aucune expression ne vienne à donner un indice sur son ressentit quant à la demande de l’étrangère.

Croisant lentement les bras sur son torse, il rompit le silence d’une voix profonde, taillée par l’âge :

« C’est pour quelle affaire ? »

Direct, sans cérémonies, sans salutations. Tel était le caractère d’un homme qui pouvait se targuer du titre de vétéran, mélancolique et las à certains moments à la voir adossé sur sa chaise, la barbe trompée dans un verre, silencieux et pensif comme une statue de sel abandonnée à la merci du temps. Mais son regard, au contraire, trahissait une fougue et une passion cachée, une flamme immortelle qui animait autant son être que son âme d’une énergie soutirée par une force supérieure qui le guidait et veillait sur ses faits et gestes.

L’aubergiste s’approcha alors de son pas lent et lourd avant de déposer une assiette de côtes de bœuf devant le chasseur de primes qui se contenta d’hocher la tête en signe de remerciement.


« Barry, apportes aussi une boisson pour la demoiselle. Mets ça sur mon compte. »

L’aubergiste se gratta le menton en jetant un regard amusé à Lauren avant de s’éloigner pesamment, les laissant de nouveau seul à seuls, loin des autres clients plongés dans leurs discussions arrosées.

Enoch se pencha légèrement avant de se saisir de son repas encore chaud, trempant une première côte dans la sauce fumante avant d’y plonger ses dents avec appétit sans trop se préoccuper de la demoiselle. Elle était libre, après tout, de lui parler quand bon lui semblait. Lui ne ferait qu’écouter sa proposition avant de passer à l’inévitable partie de la négociation. Il se demandait quel motif poussait cette charmante dame à quémander les services d’un vieux coyote de son espèce. Peut-être un compte à régler ? Un amant infidèle ? Une ambition ? C’était généralement pour ça qu’on venait s’adresser à lui, quand il ne s’agissait pas d’un baron de la mafia, un sheriff ou tout autre individu peu recommandable.

Lauren Hill
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Les tourments de la pierre. EmptyMer 31 Jan - 11:29
Irys : 1011003
Profession : Journaliste / Reporter / Romancière
Pérégrins +2
Ma voix finit par interpeller l’homme seul assis face à une chaise vide. Il leva ses yeux vers moi, et même si son visage restait étrangement impassible, son regard quant à lui, exprimait un certain étonnement. Plutôt discret, il est vrai, mais néanmoins visible dans ses prunelles vertes. Cela changeait au moins de cette lassitude teintée “d’autres choses” que je pus y lire quelques secondes auparavant et qui m’avait tant perturbée. Je répondis à son invitation silencieuse en prenant place à cette fameuse chaise vide, sans jamais détourner mon regard du sien.

J’analysais ensuite ses mouvements et postures. Il croisait les bras… hum… une attitude qui exprimait une personnalité fermée, blindée par l’expérience. Son visage ne montrait toujours rien, comme s’il s’agissait d’un masque cachant bien des choses, comme c’était souvent le cas chez certaines personnes dites “marquées” par la vie et le passé. Ce que je supposais donc être le cas. Je ne pue m’empêcher de détailler ce fameux masque de rigidité éteinte jurant avec ses yeux luisant de diverses étincelles incertaines. Nul doute que si ma présence l’avait surpris de prime abord, ma proposition l’étonnerai d’autant plus.

Il ne posa qu’une simple question directe, évinçant toutes salutations purement inutiles. Mon identité ne l'intéressait pas, il avait déjà dû se faire sa propre opinion à mon sujet. Je ne m’en offusquais pas, bien au contraire, je n’aimais pas perdre de temps dans de longs discours aux détours pompeux inutiles. J’appréciais donc et décidais d’y répondre aussi simplement que brièvement...

Toutefois, je n’en eus guère le temps, puisque l’aubergiste lui ramenait une assiette contenant ce qui devait être son repas. Ce qui me rappelait que je n’avais rien avalé depuis le matin… Mais mon estomac se trouvait actuellement retourné par les odeurs de poissons, mêlée à celle de la viande saignante… Ou par le tord-boyaux que m’avait fait boire l’autre idiot visiblement fier de lui. Je n’avais donc pas faim, bien au contraire et la vue de ce repas provoqua quelques malaises que j’essayais de cacher derrière mon propre masque de journaliste imperturbable. Je laissais donc le fameux “Barry” faire son travail, sans pour autant détourner le regard de mon interlocuteur. Toutefois, lorsqu’il commanda un verre qui m’était à l’évidence destiné, je me retournais vivement vers l’aubergiste lui offrant un regard des plus noir.

- Un whisky cette fois, sans blague, grognai-je tandis qu’il se mit à rire.

-C’qu’on a bien retenu la leçon jeune fille, railla-t-il avant de s’éloigner toujours hilare.

Je soupirais, bruyamment, reportant mon attention sur mon mystérieux interlocuteur occupé à dévorer son plat de viande fumante et odorante. Je ne pus toutefois m’empêcher de l’observer, encore, juste un instant avant de me rappeler les raisons qui m’avaient poussé à le rejoindre à sa table.

- Très bien, n’y allons pas par quatre chemins. Je suis journaliste, l’on m’a rapporté quelques faits inquiétant à propos de la ville maudite, Klumpen. J’aimerais m’y rendre et j’ai donc besoin de quelqu’un capable de garantir ma sécurité, ce que je vous propose, en somme. Et comme je vous l’ai dit plus tôt : votre prix sera le mien.

J’attendis donc, une quelconque réaction de sa part, cherchant dans son regard une information ou toute autre indication afin de deviner si ma proposition l'intéressait ou non.

Barry refit son apparition, il déposa mon verre contenant un liquide ambré et familier ainsi qu’il clé accrochée à un morceau de bois flotté soigneusement sculpté en forme de … poisson.



- V’la pour vous ma jolie, la numéro trois, vous v’rez elle est confortable. Pour m’faire pardonner de ma p’tite blague de toute à l’heure. Vous faut aut’chose?

- Merci Barry, ce sera tout.

Je n’attendais que la réponse de l’homme assis en face de moi et qui représentait ma dernière chance… Je croisais donc les bras, lui offrant un regard fier et déterminé, désireuse de lui montrer que je n’étais certainement pas femme à renoncer facilement lorsqu'elle a une idée en tête.

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Les tourments de la pierre. EmptySam 3 Fév - 16:27
Klumpen. La simple mention de ce nom arracha de terribles souvenirs au vétéran qui se crispa légèrement. Certains n’auraient rien remarqué tant l’homme était de nature rigide et réservé, mais un œil observateur aguerris remarquerait les articulations de ses doigts blanchirent sous la pression exercée ainsi qu’une posture beaucoup moins détendue, plus droite.

L’homme déposa la côte de bœuf qu’il était entrain de doucement grignoter avec appétit, visiblement moins enclin à savourer sa pitance après avoir entendu ce simple nom pourtant si lourd en mémoires. Essuyant d’un revers du pouce ses lèvres des quelques traces de sauce qui auraient subsisté, il garda un long silence, se contentant de laisser son regard d’aigle toiser la jeune femme qui, il commençait à s’en douter, ne se rendait pas compte de la folie de sa demande.

Elle s’était présentée en tant que journaliste, un métier qui n’existait pas dans ses terres natales. De ce qu’il en savait, il s’agissait d’individus prônant le droit à ce que tout un chacun soit informé des événements du quotidien et veillaient à publier des articles qu’ils distribuaient à grande échelle grâce à des papiers appelés journaux. Si le concept était intéressant, il savait aussi que certains journalistes étaient de véritables fouineurs qui ne reculaient devant rien pour s’attirer la gloire en levant le voile sur certains mystères de ce monde, ne se doutant pas qu’ils risquaient de lourdes conséquences par leurs agissements.

La jeune brune était-elle de ces individus imprudents  qui couraient droit à leur perte dans l’espoir de tirer le gros lot, un peu comme ces papillons aveuglés par la lumière hypnotique d’une lampe avant de se brûler les ailes ?

Un individu malhonnête profiterait de l’ignorance de cette demoiselle en détresse pour lui extorquer un prix appétissant avant de la mener en bateau. Combien de pauvres âmes crédules s’étaient fait avoir par des personnes aux intentions plus mauvaises les unes que les autres ? Escrocs, menteurs, trafiquants … telle la gangrène, ils pullulaient en ces terres abandonnées de la grâce des Architectes.

Se penchant légèrement, il murmura sur le ton de la confidence, visiblement désireux de faire en sorte que la suite de la discussion se passe sous couvert. Les oreilles indiscrètes étaient partout, même sur les murs.

« Je ne sais pas ce qui vous motive à aller enquêter là-bas, mais dans votre intérêt je vous le déconseille fortement. »

S’humectant les lèvres, il ajouta :

« Votre destination est un lieu maudit. Vous n’y trouverez que des problèmes, des malheurs et des visions qui vous hanteront à jamais. Faîtes-moi confiance quand je vous défends de vous y aventurer, la réputation de cette ville n’est pas usurpée et vous avez sans doute entendu les rumeurs à son sujet. »

Pianotant doucement des doigts contre ses bras, sa mine semblait sévère pour quelqu’un qui le voyait pour la première fois, mais ce n’était que son expression habituelle, s’il ne la troquait pas pour son attitude plus mélancolique et pensive.

« Vous devriez vous intéresser à autre chose. Le monde est vaste et les mystères ne manquent pas. Votre destination vous fera regretter d’être humaine tant ce qui se cache derrière les murs de la ville de l’extrême-nord est un pur concentré de la part la plus sombre de l’humanité. »

Haussant les épaules, il repoussa un peu son assiette avant de chercher dans les replis de son manteau sa pipe qu’il commença à bourrer lentement et minutieusement de quelques feuilles séchées, semblant entièrement concentré dans sa modeste tâche. Cependant, il poursuivit :

« Et puis le nord est impitoyable et le climat rude. Les contes d’aventuriers frigorifiés là-bas ne sont pas de simples racontars et je ne vous parle même-pas des bandits qui grouillent comme la vermine à travers les grands-chemins. C’est à se demander si les milices locales ne les laissent pas commettre leurs larcins en toute impunité. Les risques sont terribles, je doute que votre curiosité mérite que vous risquiez votre vie. »

Lauren Hill
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Les tourments de la pierre. EmptyLun 5 Fév - 17:01
Irys : 1011003
Profession : Journaliste / Reporter / Romancière
Pérégrins +2
À peine eu-je terminé ma phrase que je senti l’atmosphère autour de nous changer brutalement. Elle me parut alors bien plus lourde, plus froide aussi. Par réflexe, je regardais derrière moi, observant le reste de la clientèle, cherchant quelques regards que ma proposition auraient attiré. Mais je ne trouvais rien de différent… Les personnes présentes vaquaient tranquillement à leur occupation et ne se souciaient nullement de nous ou de ce qui se passait autour.

C’est en me tournant à nouveau vers mon mystérieux interlocuteur que je compris. Tout cela venait de lui. L’homme semblait plus tendu, crispé, comme l’indiquait sa position qui n’avait plus rien de détendu. Il en abandonna même son repas qui semblait pourtant des plus appétissant quelques seconde auparavant.

Sa réaction me parut des plus étranges, bien différente de celles rencontrées jusque-là. J’avais connu la peur, identifiable par un teint changeant, passant du hâlé au blanc, livide. Les sueurs froide, coulant généreusement sur le front de mes interlocuteurs au point de les faire trembler. Leur regard aussi, était bien différent du siens, leurs yeux exorbités, fuyants… Tout comme l’intonation de leur voix… passant d’une tonalité de basse à celle bien plus aiguë des ténors… Légèrement enraillée...

La deuxième réaction rencontrée restait la plus courante : les moqueries. À plusieurs reprise, l’on m’avait qualifié de folle, d’idiote ou d’autres nom d’oiseaux bien moins reluisant que je ne rapporterais évidemment pas ici. Tous riaient, se fichant ouvertement de moi, me montrant du doigt pour m'afficher aux autres comme pour se donner une certaine légitimité dans leur réaction grotesque. Évidemment, je ne m’en offusquais absolument pas, puisque dans ce cas précis, ladite réaction n’était que ce que j’avais l’habitude de qualifier de “peur hypocrite”. Un effroi camouflé derrière des rires et autres termes grossiers destinés à épater leur entourage, qu’il soit connu ou non. J’y étais habituée depuis le temps. Après tout, contrairement à la grande majorité de mes collègues, j’avais tendance à m’intéresser à des sujets plus ou moins dangereux.

Ne m’imaginez pas suicidaire, ce n’est pas le cas, je voue simplement ma vie à la vérité, simplement pour que vous soyez mis au courant de ce que les grands de ce monde prennent soin de vous dissimuler. L’on dit que les ignorants sont heureux, c’est peut-être le cas, il suffit d’observer les enfants petits êtres innocents et inconscients si… malléables, manipulables à souhait. Et pour être franche, c’est ce qui m’horripile dans cette histoire, que l’on veillent à nous cacher autant de chose simplement pour la raison de vous laisser dans cet état : aussi souple et malléable qu’un enfant. Mais revenons à nos moutons…

Je l'écoutais me conseiller de renoncer, comme bon nombre de personnes l’avaient fait avant lui… Sauf que contrairement aux autres, cet homme ne me fournissait pas les habituels “on dit”, mais des affirmations. Utilisant d’autres termes, plus fort et évocateurs que je n’eus aucun mal à visualiser. Je gardais donc le silence, le laissant poursuivre sans jamais cesser de l’observer, joignant simplement ses paroles, ses gestes et ses regards. Je les assemblais, minutieusement dans mon esprit… simplement car quelque chose sonnait… différemment. Plus il avançait dans son discours plus mes yeux se plissaient comme pour tenter d’apercevoir autre chose, ce qui se cachait derrière ses mots, derrière ses gestes…
Car mon instinct y décelait bien quelque chose sans pour autant mettre le doigt dessus, ce qui était, il faut bien l’avouer, particulièrement frustrant.

- Je vous remercie pour vos conseils monsieur, mais c’est votre aide que je suis venue quérir, murmurai-je en m’approchant à mon tour. Ce qui est intéressant dans votre discours, c’est que cela donne l’impression que vous vous y êtes déjà rendu… Y avez-vous séjourné peut-être ?

Oh, une chose était sûre, il ne voulait pas ou plus s’y rendre, en aucun cas. Pour preuve, la série de raisons qu’il s’évertuait à énoncer, toutes dans l’objectif de me faire changer d’avis et de me voir rebrousser chemin. Je ne doutais nullement de leur véracité, bien au contraire, elles étaient toutes parfaitement justifiées. Après tout, je ne m’étais certainement pas lancée là-dedans sans me renseigner sur les risques, la fréquentation des routes, la météo et la topographie des lieux. La seule chose que je n’avais pas pu vérifier, par manque d’information récoltée parce que soigneusement cachées, lui semblait revanche bien connaître. Peut-être étais-je en train de me tromper, je ne suis pas infaillible après tout, néanmoins, c’est le sentiment que l’homme me donnait dans sa manière d’agir. Il avait peur, mais pas pour les mêmes raisons que l’ensemble des personnes que j’ai rencontré avant lui.

- Vous semblez bien la connaître cette fameuse “part sombre de l’humanité” justement. Et c’est ce que je veux voir, ce que je veux rapporter au monde, car chacun a le droit de savoir ce dont les hommes sont capables pour une simple pierre, aussi divine soit elle. Car c’est la connaissance et non l’ignorance qui libère les peuples, monsieur. Je ne fais pas cela pour la gloire ou l’argent, je n’en ai nullement besoin. Je ne suis pas non plus folle au point de vouloir risquer ma vie simplement pour me sentir vivante, sans quoi je ferai le choix de m’y rendre seule. Pourtant, je suis venue vous demander de m’accompagner, de m’aider à revenir en vie.Évidemment, vous êtes libre de refuser. Je ne vous en tiendrez certainement pas rigueur, puisque je suis sure que vous avez de très bonne raison de me dire cela. Mais vous n’avez pas le droit d’essayer de m’en empêcher simplement à cause de votre propre frayeur aussi justifiée soit-elle.

Je me relevais, puisque je savais qu’il refuserait, et en un sens il l’avait déjà fait même indirectement. Je le comprenais, sans réellement le comprendre, étrange sentiment. Sa réaction à l’évocation de Klumpen ne m’avait pas échappé, quelque chose là-bas l’avait marqué, même si je n’étais nullement capable de deviner quoi. Je n’avais que trop peu d’éléments en ma possession, sinon rien et il ne semblait pas être le genre d’homme à simplement répondre à mes questions. Malgré le fait d’être journaliste, j’étais humaine avant tout. Jamais je ne me permettrais de frotter une cicatrice pour en extraire le pu, simplement pour décrocher un article facile.

- Je ne sais pas ce qui se passe exactement là-bas, mais je sais que c’est important. Je crois en l’humain, même si celui-ci est pourri jusqu’à la moelle, c’est une chose difficile à concevoir, j’en ai conscience. Mais ce mystère, cette horreur décrite en murmure, elle ne doit plus rester cachée, peu importe si cela me change, je ne suis qu’une personne au milieu des autres, je ne suis pas irremplaçable, je ne suis pas précieuse pour qui que ce soit. Alors rien ne m’empêchera de m’y rendre, quitte à en mourir, je ne manquerais à personne, mais au moins, j’aurai essayé. Je serai restée fidèle à mes convictions, à moi-même. Je m’y rendrais donc, avec ou sans vous, mais seule, mes chances de rentrer seront grandement réduite.

Je soupirais avant de finir mon whisky, le liquide me brûla la gorge et me laissa un goût étrangement amer, un peu comme cette conversation. Oh, je ne me faisais guère d’illusion, il allait refuser…

- J’ai simplement besoin de voir, je n’essaierai pas de m’infiltrer dans les mines, peut-être pourrais-je simplement interroger quelqu’un de là-bas contre une poignée d’irys. Juste un de ses habitants… pas d’un voyageur égaré qui est incapable de décrire ce qu’il a vu, parce qu’incapable de le comprendre... Je vous le demande donc une dernière fois, m’accompagnerez-vous ?

Mais après tout, qui ne tente rien, n’a rien...

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Les tourments de la pierre. EmptySam 10 Fév - 18:48
Un long soupir, c’est tout ce qui sortit des lèvres du grisonnant personnage. Il secoua lentement la tête, paupières closes, plongé dans un silence pensif. Il avait essayé de la retenir, de l’intimider, lui faire savoir que c’était presque une destination sans retour qu’elle comptait rejoindre, un aller simple vers le trépas, un suicide. Non, il ne s’agissait pas de ces lieux où des monstres rodaient derrière chaque arbre, ces déserts inhospitaliers ou ces territoires au décor escarpé. C’était Klumpen. Ce nom seul devait suffire à décourager les plus vaillants et les plus audacieux. Pourtant, la jeune brune ne semblait pas du tout inquiétée par les menaces, rumeurs et conseils. Un fort caractère, une volonté ardente et une détermination sans faille. Admirable.

Mais quand elle posait des questions, elles ne rencontraient qu’un silence pesant, l’homme détournant la tête sur le côté dans un geste assez expressif : non, il ne pouvait en parler. C’était trop, surtout pour une première discussion. Enoch ne pouvait déterrer les horreurs qu’il avait profondément enfouit dans les ténèbres de sa mémoire. En parler serait un exercice encore plus difficile que lutter à mains nues contre un auroch sauvage du nord. C’était trop lui demander.

Folie ? Courage ? Aveugle ou téméraire ? Tant de choses pouvaient décrire la forte volonté et la grande conviction dont faisait preuve la journaliste, mais était-ce réellement admirable, louable ? La vérité blesse, dit-on, hors elle risquait bien d’en souffrir si jamais il l’aidait à rejoindre la zone la plus isolée du monde. Se pardonnerait-il d’avoir conduit une âme innocente vers les abîmes dont il avait eut le plus grand mal à fuir ? Mais depuis quand l’émissaire d’un architecte se devait de se soucier d’une personne lambda, non-croyante qui plus est ? Enoch ne devait se soucier que de la volonté de Dalaï, elle seule méritait toute son entière compassion, son abnégation et sa fidélité.

Et pourtant …

Se relevant à son tour, il saisit son chapeau qu’il replaça sur son crâne à la chevelure poivre et sel, rabattant son manteau sur ses épaules. Jetant quelques irys sur la table où la viande trônait toujours, refroidie et la sauce ayant perdu toute sa splendeur, puis il marmonna sans pour autant porter le regard vers la demoiselle :

« Je vais y réfléchir. »

Puis sans se soucier d’avantage de quoi que ce soit, il quitta l’établissement, ses bottes abandonnant le plancher de bois pour s’enfoncer dans le sol boueux et froid de la petite ville du nord. Un rat qui grignotait ce qui semblait être les restes d’arêtes d’un poisson abandonné poussa un couinement sonore avant de fuser vers le tonneau le plus proche. On voyait bien que la nuit froide et venteuse n’encourageait personne à sortir se geler la peau à la craqueler. Mais Enoch aimait cet air. Peut-être que son appartenance à la foi de Dalaï le protégeait un peu plus de la morsure de glace du climat sévère, mais il aimait cette froide caresse sur son corps, cette sensation qui engourdissait doucement ses sens comme un baume étouffant des souffrances de l’âme, enterrant tout doute, toute hésitation.

L’homme soupir longuement, une buée blanche se formant devant son visage marqué par l’âge et la guerre. Se frottant énergiquement les mains, il chercha dans ses poches la fine pipe sculptée qui lui permettrait de redonner de l’ordre à ses idées quelque peu disparates. Il lui faut bien quelques minutes avant de pouvoir tirer la première bouffée d’herbe séchée, la petite lueur de feu rivalisant faiblement dans la nuit avec les lanternes accrochées devant les portes des quelques bâtisses présentes. La fumée qui s’échappe de la commissure de ses lèvres glisse en langoureuses arabesques à travers l’air polaire, dessinant des formes douces et frivoles.

Plongé dans ses réflexions, il sursauta brusquement dans il sentit un frottement sur sa jambe, sa main se portant aussitôt vers le manche de son couteau de chasse dans l’optique de défendre chèrement sa peau contre quelques vicieuses créatures. Mais ce n’était rien de moins qu’un chat de gouttière qui se frottait paresseusement contre ses jambes dans un doux ronronnement, l’animal semblant peu affecté par le geste du bipède. Intrigué mais non moins amusé, le chasseur de primes s’accroupit au niveau du félin avant de la flatter de diverses caresses et gratouilles qui eurent le don de faire doucement ronronner le chat dont les prunelles bleutées lui faisaient presque penser à la journaliste de tout à l’heure.

« Vous avez peur de rien, n’est-ce pas ? »

Le chat se contente d’un petit miaulement en guise de réponse. Enoch sourit légèrement. Encore un être intrépide et sans peurs. Heureusement pour le chat que le mage n’était pas une de ces brutes qui renverraient la bête d’un vilain coup de pied, ou pire. Cette réflexion lui donna l’impression d’avoir été piqué par le dard de la raison. S’il refusait d’aider la brune, elle ne s’en découragerait pas pour autant, pire, elle risquerait bien d’y aller seule ou en mauvaise compagnie.

La décision lui semblait logique, désormais. Se relevant, il chercha dans sa sacoche un morceau de bœuf séché qu’il tendit au félin. Le chat se régala avec joie et Enoch l’abandonna alors, son esprit débarrassé de tout questionnement. Il avait fait son choix.

C’est donc de bon matin qu’il se trouva devant le comptoir de l’aubergiste, à attendre patiemment le réveil de la journaliste. Quand cette dernière apparut, il la gratifia d’un bref salut en abaissant son chapeau avant de lui faire signe d’approcher, puis de lui déclarer aussitôt :

« Vous ne manquez pas de courage, ou de folie. Mais je vous accompagne. Votre quête est pleine de dangers, je pense ne pas être de trop pour vous aider à lever le voile sur la vérité. »

Lauren Hill
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Les tourments de la pierre. EmptyLun 12 Fév - 20:52
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“Réfléchir” voilà ce qu’il me promit avant de quitter l’auberge sans un regard à mon encontre. En avait-il réellement besoin ? N’avait-il pas refusé, même silencieusement ? Ou peut-être me laissait-il une chance finalement ? Je n’aurai su le dire…

N’ayant à présent plus rien à faire dans la grande salle, je me dirigeai vers les escaliers afin de rejoindre ma chambre. Celle-ci se trouvait être petite, mais fonctionnelle. Assez confortable, en tout cas, pour m’assurer une bonne nuit de repos, je n’en demandais pas plus. Je ne prêtais guère attention au reste, il me fallait un lit, il y en avait un, le reste n’étant que fioritures inutiles. J’avais besoin d’un bain, une baignoire pleine trônait au milieu de la pièce. Un bain… Je l’avais attendu, désiré même et je comptais bien en profiter…D’autant que celui-ci risquait d’être le dernier avant longtemps, voir le dernier tout court.

Car malgré mon apparente détermination, les paroles de l’inconnu n’étaient certainement pas tombées dans les oreilles d’une sourde. Lui savait… Ca, j’en étais persuadée… Mais pour l’heure, j’avais besoin de me détendre pour mieux réfléchir par la suite, comme quoi, il ne serait pas le seul à s’adonner à la réflexion...

Aussi, je posais mes affaires sur le lit recouvert d’une couverture usée, qui devait probablement être rouge dans sa jeunesse, mais tournait à présent vers un marron des plus suspect. Aucune importance, j’y étais habituée. Après tout, selon l'endroit où me menaient mes pas, je n’avais guère l’embarras du choix et je savais que mieux valait un lit, même miteux, que de dormir dehors dans le froid de Vereist. Je n’allais donc certainement pas chipoter pour si peu. J’avais mieux à faire… D’autres préoccupations bien plus importantes. Mon bain, mon travail, ma mort. Dans cet ordre ou dans un autre...

Je retirais mes vêtements, avant de me laisser lentement glisser dans la baignoire. Je poussais un soupir d’aise lorsque ma peau entra en contact avec la chaleur de l’eau, chassant ainsi peu à peu le froid ambiant, qui s’était insinué si insidieusement dans ma chair jusque dans mes os. Peut-être le dernier… de ma vie, avant longtemps… Je ne pouvais rien affirmer, tous les scénarios étaient envisageables, allant du meilleur au pire... Je doutais, il faut bien l’avouer… J’avais peur, mais il fallait que je voie cela de mes propres yeux. Je me le devais, comme je le devais aux autres… Je me retrouvais, en quelques sortes, prisonnière de mes choix, de mes idées et idéaux. Prisonnière de moi-même, en somme. Néanmoins, cette détermination, ce feu intérieur qui m’animait, qui me poussais toujours plus loin, était toujours là. Malgré mes peurs, mes doutes, il me consumait depuis bien des années… ô insatiable curiosité, tu me mèneras à ma perte, je ne le sais que trop.

A présent propre, mais nullement détendue, je désertais la baignoire. Après m’être rapidement séchée, j’enfilais ma tenue de nuit avant de disposer les divers documents en ma possession sur le couvre-lit. Les étalant, çà et là, afin de m’offrir une vue d’ensemble. Une carte de la région, quelques notes… voilà tout ce que j’avais pu recueillir sur l’affaire qui m’intéressait, trop peu… Sinon rien. C’était d’ailleurs la première fois que je fonçais tête baissée dans pareille situation avec si peu d’éléments. Mauvaise idée? Probablement.

Je poussais le tout dans un coin avant de m’étendre de tout mon long. En observant le plafond, je repensais à cet homme bien mystérieux. A ce masque impassible, rigide et protecteur. Et ce regard… Ses yeux verts expressifs, malgré tous ses efforts pour dissimuler ses pensées, ses émotions… Son silence tandis que je l’interrogeais sur ses connaissances du terrain. Il avait vu la ville… Y avait séjourné aussi, j’en étais certaines. Klumpen l’avait pris, un jour… Et l’avait marqué, profondément,si ce n’est plus. Pourquoi? tant de désespoir dans ses yeux… Était-ce humain de ma part de lui avoir imposé ce choix? Où te mèneront tes réflexions? Te conduirai-je jusqu’à ta perte, avec moi par simple caprice? Non… Ce n’en était pas un...Une quête de savoir, de vérité… Encore et toujours elle… Je la recherchais, la poursuivais… Mais avais-je seulement droit d’en entraîner d’autre dans ma folie?  

Le lendemain, je descendis de bonne heure dans la grande salle, surprise de la trouver là… J’approchais à son invitation, sans le quitter des yeux, lui offrant un regard des plus perplexe. Il m’accompagnerait… Je n’en croyais pas mes oreilles, mes yeux… Et pourtant, il se trouvait bien là… J’étais tellement sure en affirmant ne plus le revoir… Alors Pourquoi?


-Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis?demandai-je d’un ton hésitant, peu commun lorsque l’on me connait. Désireriez-vous un petit-déjeuner? Je vous l’offre évidemment.

Cet homme m’intriguait, sans que je n’en sache réellement la raison. J’avais bien compris que je n’obtiendrai aucune information venant de lui… Mais il y avait tout de même certaines choses que je devais savoir…

- Je ne suis ni folle, ni particulièrement courageuse… Je ne m’élancerais pas là-dedans en étant aveugle. Je ne vous demanderez pas de me raconter quoi que ce soit, mais je sais que vous y avez séjourné, vos yeux ne mentent pas… Je veux me préparer à cette expédition comme il se doit, rien de plus. Simplement mettre le plus de chance possible entre mes mains et les vôtres, car je n’ai nullement envie de risquer votre vie, autant que la mienne.  

Je ne demandais rien de plus… Simplement une conversation en vue d’une préparation mentale et matérielle. Je n’avais emporté avec moi que le strict minimum, ne sachant pas réellement à quoi m’attendre. Je devais donc savoir de quoi nous aurions besoin, ni plus, ni moins. Préparer cela comme n’importe quelle expédition… Même si ce n’était évidemment pas le cas...

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Les tourments de la pierre. EmptyMar 20 Fév - 23:15
« Probablement la folie. »

Telle fut sa réponse quelque peu sèche du vétéran désabusé, vidant d’une traite son verre avant de le reposer bruyamment sur le comptoir dans un petit râle satisfait. Les années passées à vivre dans des conditions difficiles, à traquer les êtres les plus abjectes tout en échappant constamment à la vigilance du bourreau divin envoyé à sa poursuite avaient lentement forgé ce caractère presque taciturne, réservé et peu bavard.

Mais si le don de la juvénilité avait été usé, le regard d’Enoch quant à lui brillait d’une fougue guerrière témoignant de centaines de batailles. Hors à la mention de plan, son instinct de chasseur de primes s’était aussitôt réveillé comme un loup à l’appel de sa meute en préparation pour une chasse mémorable. Se redressant donc un peu plus fermement, abandonnant cette position courbée et morose, Lauren put voir un second aspect de sa personnalité, celle du chasseur même, un tacticien qui ne laissait rien au hasard et qui préférait se préparer autant physiquement que mentalement pour les futures épreuves que le dé sanglant du Destin allait leur imposer.

Et la première chose à laquelle pensa Enoch, c’était ce qui se payait par le prix de l’or au début … puis par le sang à son manque.

« Tout d’abord, nous allons devoir faire le plein de provisions. La nourriture car nous aurons que très rarement l’occasion de chasser sur la route dans le grand nord. Des vêtements chauds et du bois de chauffage ou nous gèlerons à la première nuit. Quelques outils au cas où. »

S’arrêtant un moment, il laissa son regard jauger pour la première fois la journaliste. Aucune lueur vicieuse ou incongrue ne scintillait dans ses prunelles, aucune intention malsaine ou déplacée ne s’exprimait sur son visage parfaitement sérieux. Le vétéran semblait analyser la jeune brune et tenter de déterminer si, malgré toutes ses bonnes volontés, elle pourra survivre à cette aventure des plus difficiles, où même les trappeurs les plus aguerris et les explorateurs les plus téméraires y pensaient à deux fois.

« Je ne sais pas si vous avez déjà eu, dans votre vie, à manier une arme quelconque, mais je vous conseillerais fortement d’en prendre une pour le trajet. Il est de me devoir à présent de vous protéger, mais autant nous parer à toute éventualité. Coupe-jarrets et bêtes sauvages peuvent toujours surprendre une expédition mal-préparée. »

Entre des mains solides, un gourdin ou une hache pourraient faire remarquablement l’affaire. Mais sa cliente semblait plus manier l’art de l’écriture que celui des armes. Une arme à feu serait donc l’idéal pour elle malgré son propre dégoût pour ces abominations daënares qui, à ses yeux, ne valaient pas l’art ancestral de la magie, don de leurs créateurs.

Durant ses quelques périples au sein du continent technologiste ainsi que celui des parias du nord, il avait eut maintes occasions de voir les armes de l’Est mises à l’œuvre dans diverses situations, souvent contre lui, au point où il était désormais un modeste connaisseur de ce genre d’armement étranger, chose remarquable pour un my’trän dont le peuple portait en horreur ces inventions de mort. Beaucoup de ses compatriotes verraient d’un mauvais œil cela, mais les plus sages savent que le savoir c’est le pouvoir. Pour affronter des païens, il faut saisir l’origine de leur force.

« Le voyage va être long et vu le nombre de provisions qu’il nous faudra transporter, je propose de prendre une carriole. Légère et solide. J’ai déjà une excellente monture assez vigoureuse pour nous tirer assez aisément sur le verglas et la neige. »

Se relevant prestement, il allait quitter les lieux, puis se ravisa pour informer d’avantage la jeune femme du genre de préparation mentale à laquelle elle allait devoir se soumettre pour mener jusqu’au bout son voyage infernal.

« Quand nous quitterons ce hameau, sachez une chose : Les quelques rares potentielles rencontres que nous feront seront toujours problématiques, que ce soit des hors-la-loi ou des sentinelles de Klumpen. Autant vous dire que pénétrer la ville ne sera pas aisé, les gens là-bas sont particulièrement antisociaux, vivant dans une quasi-autarcie. Méfiez-vous de tout le monde et surtout gardez le secret de notre voyage. Les chiens du gouvernement pourraient tenter de nous mettre des bâtons dans les roues … ou pire. »

Serrant son manteau contre lui, il lui indiqua clairement qu’il allait s’occuper des préparatifs. Libre à la journaliste de se mettre en état physique et moral pour leur aventure. Le lieu de rendez-vous n’étant autre que la sortie du hameau, ils ne pouvaient s’éloigner l’un de l’autre. Les achats ne prendront guère beaucoup de temps, juste assez pour que Lauren soit fin prête, ou qu’elle médite suffisamment longtemps pour changer d’avis et rebrousser chemin avant de courir vers un funeste destin.

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Les tourments de la pierre. EmptyVen 23 Fév - 17:41
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Tandis qu’il énonçait, calmement, la liste des fourniture qu’il nous faudrait pour mener à bien cette expédition, qui s’annonçait bien plus périlleuse que ce à quoi je m’étais attendu de prime abord, je ne pus m’empêcher de chercher ce qu’il cachait derrière son regard dur. Un vieux reflex, à dire vrai, quelque chose de particulièrement difficile à abandonner, lorsque l’on sait que le plus important est souvent tu, comme muselé soumis au silence plus ou moins volontaire. À nouveau, je m’efforçais de balayer tout cela, enfermant à double tour mes instincts qui me poussaient à en savoir plus. Pour ce faire, rien de mieux que de se concentrer sur autre chose… Je me saisis donc de mon carnet et d’un crayon, posant noir sur blanc tout ce qu’il me disait… Jusqu’au moment où il évoquait la possibilité de devoir utiliser une arme…

- Une arme ? m’étranglai-je. Je n’ai jamais rien possédé de tel… Je ne saurais même pas m’en servir!

Je comprenais, bien évidemment son raisonnement, logique, une fois de plus. Néanmoins, de mon point de vue, une arme qu’elle soit blanche ou à feu, n’avait rien d’un vulgaire jouet. Aussi, un manque de savoir faire s’avérerait plus dangereux encore que de me retrouver démunie face à un assaillant… Sauf en cas de coup de chance inopiné et soyons raisonnable, cela n’arrivait pas si souvent… Toutefois, face à cet homme-là, je n’avais guère le choix, son expérience parlait pour lui, loin de moi l’idée de le contredire…

- Très bien, je m’en procurerais une, capitulai-je finalement. Mais que choisir? Vous vous doutez bien que je ne saurai nullement laquelle prendre...

Et oui mon bon monsieur, vous avez devant vous une femme de lettres. Habituée à marcher dans le plat, parfois tête brûlée, il est vrai, mais qui n’a rien d’une guerrière… Même de loin, dans le brouillard avec une lumière aveuglante dans les yeux, mon physique parlait pour moi… Je ne trompais personne là-dessus…


- Très bien, déclarai-je en ajoutant ses dernières recommandations sur ma liste.

Il se leva, mettant fin à la conversation, tout du moins c’est ce que je crus. Il n’en n'avait visiblepent pas fini...J’écoutais la suite, mettant en évidence quelques complications auxquelles je ne m’étais peut-être pas assez attendue. Le trajet serait long, bien sûr, peuplé d’embûches, évidemment… Avec l’incertitude de réussir à récolter la moindre information ou le moindre petit indice à la fin. Ça, je le savais… Je l’avais toujours su et cela ne m’effrayait pas, en aucune façon, bien que la logique et l’intelligence que j’étais censée posséder auraient dû me pousser à renoncer… En revanche, je n’avais pas réellement songé à l’après…

Sa description des habitants de Klumpen confirma à nouveau mes hypothèses le concernant : il savait… C’est avec le plus grand sérieux que je pris ses avertissements sonnant alors comme autant de conseils avisés. A l’évidence il n’essayait plus de m’effrayer, mais plutôt de me préparer. Je restais donc silencieuse, encaissant toutes ses recommandations afin de m’en imprégner. L’expédition s’annonçait difficile, le mot parut même bien trop faible, toutefois, je me devais de repousser mes craintes, mes faiblesses autant physique que moral. L’échec, la mort étaient totalement exclus, je me l’interdis !

Je me levais à suite, lui tendant la main en guise de salutations et d’acceptation.

- Je vous suis, annonçai-je en lui offrant un sourire qui se voulait rassurant. Il me semble que nous ne nous soyons pas correctement présentés, je m’appelle Lauren. Puisque nous allons passer pas mal de temps ensemble, il me semble que ce détail pourrait être important.

J’utilisais un ton volontairement léger dans le but de détendre l’atmosphère déjà suffisamment pesante. Je prenais évidemment le tout parfaitement au sérieux, loin de moi l’envie de mourir et en plus, d’y attirer ce pauvre homme avec moi. Toutefois, en plaçant ainsi ma vie entre ses mains, je me devais de lui montrer mon sérieux, pour cela, je lui offris certes un sourire, mais mon regard en disait long sur tout ce qui se tramait dans ma petite tête brune, tout du moins, je l’espérais…

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Les tourments de la pierre. EmptyDim 4 Mar - 0:06
Avisant la main tendue, il finit par serrer fermement cette dernière pour officialiser donc leur accord. Ainsi jurait-il silencieusement sur son honneur et sur son contrat de protéger la jeune journaliste contre les dangers qui les attendaient, prêt à sacrifier sa propre vie si jamais le sort en décidait. La mort n’était point une fatalité chez un homme de foi, seulement un autre chemin que devait prendre son âme immortelle pour rejoindre ses créateurs et leurs plans éternels. Il serait alors accueillit chaleureusement dans leurs demeures ancestrales, à festoyer en leur compagnie et à bénéficier de l’aura de leur fierté et de leur compassion. Avec un destin promis d’une telle beauté, pourquoi donc craindre la fin d’une existence longue et fade ?

Enoch avait passé sa vie à servir sa foi, nullement à satisfaire ses propres désirs. Du moins plus depuis la terrible guerre qui avait déchiré sa terre natale. Avant, il se remémorait sa jeunesse, quand il était un adepte des razzias et des guerres de clan. Fougueux et belliqueux, il avait participé à maintes expéditions et chasses contre les monstres les plus terribles de My’trä et contre les tribus les plus redoutables. À la fin de chaque péripétie, lui et ses frères d’armes fêtaient dignement leurs victoires dans l’alcool, l’or et d’autres plaisirs qui lui semblaient à présent bien superficiels. C’est en ce remémorant ces souvenirs d’un temps révolu qu’i se rendait compte du changement qui l’avait affecté ainsi que le châtiment infligé à sa chaire en rétribution pour ses heures de luxure et de décadence barbare.

« Appelez-moi Enoch. Suivez-moi, nous allons vous trouver quelque chose qui vous permettra de vous défendre décemment. »

L’improbable duo quitta alors l’auberge et, mené par le vétéran, ils prirent le chemin vers les nombreuses boutiques, chariots de marchandises et autres petits établissements encerclant le marché local. À cette heure où le soleil caressait à peine le ciel de ses doigts dorés, les citoyens étaient peu nombreux et le souk se retrouvait donc agréablement calme, à peine troublé par le bavardage de quelques marchands et tenanciers.

Le my’trän ne perdit pas une seconde et commença aussitôt à passer d’une place à l’autre pour faire ses achats en compagnie de sa cliente, avisant d’un œil attentif chaque produit comme si le moindre défaut notable pouvait compromettre leurs chances de survie. Inutile de dire qu’il prenait très à cœur sa mission, en bon professionnel, peut-être même avec zèle. Les sacs se remplirent au fur et à mesure que les bourses perdaient de leur précieux poids, puis enfin ils terminèrent leur tour en louant une carriole de bois solide et assez espacée pour transporter les deux aventuriers et leurs bagages.

La monture qui allait transporter leur carrosse improvisé avait été louée en même temps que la carriole, Enoch jugeant préférable de prendre une monture plus adaptée à l’environnement que son précieux mustang qui reposait paisiblement dans les étables. C’est donc une petite meute de chiens au pelage blanc et noir qui fut mis à la disposition des voyageurs, bêtes fidèles et endurantes. Flattant les chiens avec une douceur qu’on ne soupçonnerait pas chez un homme de ce genre, il murmura finalement à Lauren :


« Le vendeur d’armes du coin m’a conseillé de vous offrir un tromblon. Pardonnez mes faibles connaissances en la matière mais selon lui cette arme peut être utilisée par n’importe qui. Cependant j’ai aussi prit un couteau de chasse pour vous. Quand nous camperons, je vous apprendrais comment vous défendre avec, si jamais vous le souhaitez. »

Il était temps de partir. Quitte cette ville à l’ambiance pittoresque et provinciale pour affronter Vereist et son climat impitoyable, plus terrible que les prédateurs les plus impitoyables de Daënastre. Le chasseur de primes reconvertit en garde du corps était prêt, déterminé et anticipant déjà la fin de leur voyage. Mais qu’en est-il de la journaliste. Hésiterait-elle une dernière fois maintenant qu’ils étaient aux portes de la ville ? Un pas de plus, et ils ne jetteraient plus un regard derrière eux.


« En route. Nous avons un long chemin à parcourir. La route est longue et la destination est bien sordide, mais avec la volonté de Dalaï nous parviendront à vous offrir la chance de voir de vos yeux les secrets jalousement gardés par les murailles de Klumpen. »

Grimpant à bord de leur carriole, il attendit patiemment que la courageuse et téméraire brune le rejoigne, sachant pertinemment qu’elle n’allait pas abandonner. Il le savait, il l’avait deviné dans ses prunelles où une flamme brûlait, plus ardente et éclatante que celle de bon nombre d’aventuriers audacieux. À lui de veiller à ce que cette flamme ne s’éteigne pas tragiquement dans sa quête de vérité.

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Les tourments de la pierre. EmptyJeu 8 Mar - 14:22
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Je suivis donc mon guide à travers le marché, observant avec attention les divers objets qu’il achetait, en oubliant tout le reste. Cela faisait partie de ma préparation personnelle, envisageant ainsi l’utilité de chacun d’entre eux, me projetant en espérant anticiper le plus de situations ou événements possible. Je ne me leurrais pas, en aucun cas, il s’agissait d’une expédition périlleuse et incertaine, je veillais donc à ne pas perdre cela de vue. Prévoir l’imprévu… l’imprévisible… Autant dire que la chose n’était pas aisée, sinon impossible. Pourtant, je n’avais d’autre choix que de faire confiance à cet étranger, plaçant ainsi ma vie volontairement entre ses mains.

Seuls les fous et les simples d’esprit ne ressentent pas la peur et, à l’évidence, je n’étais ni l’un, ni l’autre. Malgré ma crainte, je gardais la tête froide, le plus dur restait à venir et je ne pouvais m’offrir le loisir de céder à l’angoisse qui me tiraillait les tripes. Je devais m’accrocher en m’interdisant de reculer, car mon instinct me hurlait d’y aller, me l’ordonnant presque. J’observais le profil d’Enoch tandis qu’il discutait avec un énième marchand, son regard avait changé, il semblait plus sûr de lui, plus déterminé aussi que lors de notre rencontre. Tout du moins, j’espérais que ce fut le cas… Car nous nous apprêtions à nous jeter dans la gueule du loup avec l’autre pour seul soutien… Et le pauvre homme, n’avait probablement pas gagné la meilleure partenaire possible pour entreprendre ce périple…

Au bout de quelque temps, nous étions parés du nécessaire, voir même plus. Mon guide avait vu les choses en grand tout en restant dans le pratique et surtout utile. Preuve indéniable que lui aussi cherchait à prévoir l’imprévisible. En un sens, cela me rassura, mieux nous étions préparés plus aisé sera le voyage, tout du moins dans la logique.

J’observais notre carriole, abondamment chargée de notre nécessaire de voyage. Il y avait là assez de nourriture pour plusieurs jours, de quoi nous tenir chaud, des outils et j’en passe… Je me tournais ensuite vers mon guide, caressant les canidés, loués pour l’occasion attendant avec impatience de prendre la route.

-Je crains hélas ne pas avoir plus de connaissance que vous en matière d’arme à feu... Faisons donc confiance à un connaisseur, en espérant que cet engin, j’ai jamais à servir, soupirai-je.

Un couteau… Une arme, un outil… Utiliser pareil objet dans aucune formation serait du suicide, en particulier pour une personne comme moi, habituée à manier les mots... Seulement eux… D’un point de vue, tout à fait objectif, je devrais avoir plus de chance de tuer une personne à l’aide d’une plume que de manipuler un couteau sans me couper. Je ne suis pas particulièrement maladroite, mais soyons réaliste, l’on ne s'improviser pas combattante du jour au lendemain.

-Je veux bien, répondis-je à sa proposition concernant ce bien étrange apprentissage des plus nécessaire. Mettons donc le plus de chances possibles de notre côté...Il serait bien dommage que je m’embroche toute seule...

Voilà donc l’heure tant attendue du départ… J’observais une dernière fois ce village, qui m’avait tant déplu à mon arrivée, mais que j’espérais revoir un jour. J’hésitais… Un instant, seulement un quart de seconde, simplement parce que je suis humaine, parce que le doute existe et manifeste parfois le besoin de s’exprimer. Pourtant, je n’eus aucun mal à le balayer, rassemblant ma détermination éparpillée çà et là, mais toujours bien présente toutefois. J’avais pris cette décision, fait tout ce chemin et ce n'était certainement pas pour reculer maintenant, pas aussi près du but, tout du moins “géographiquement” parlant.

-Allons-y,répondis-je en souriant avant de m’installer à son côté. Dalaï… Vous êtes donc my’trän...

Je n’en fus pas réellement surprise, même si je ne m’en étais absolument pas douté. Car de ce que je savais sur ce peuple, c’est-à-dire pas grand chose, c’était qu’ils détestaient le continent technologique… Au point même de développer une sorte d’allergie à tous ces appareils d’utilité plus ou moins discutable dont raffolaient les daënars. Je trouvais donc sa présence sur ces terres particulièrement étrange… Son regard… Ses expressions… Ses attitudes montraient clairement qu’il connaissait la région. Il en savait énormément, en avait vu beaucoup, peut-être trop pour un seul homme… Mais pourquoi ? Comment un mage pouvait-il se retrouver en pareil lieu, si loin de ses terres natales ? Dans un endroit qui les rejetait tout autant que les my’träns rejetaient la technologie. Pour moi, cela n’avait aucun sens… Ce qui eut, bien évidemment, le mérite d’éveiller ma curiosité.

-Je n'en sais que très peu sur votre peuple, et les architectes sont un grand mystère pour moi. Mais je suis curieuse… D’où venez-vous Enoch ?

Je doutais fortement qu’il me réponde. Il semblait faire parti de cette classe d’homme aimant préserver leur souvenir de tout regard extérieur veillant à entretenir un mystère autour de leur personnalité. Évidement, je pouvais tout aussi bien me tromper, je ne prétendrais jamais être infaillible. Mon instinct pouvait être tour à tour s’avérer tout aussi fiable que trompeur. Néanmoins, j’éprouvais l’envie et le besoin de le connaître, d’en apprendre un peu plus sur l’homme qui allait être mon seul repère pendant toute la durée de ce voyage. Peut-être pour me rassurer, peut-être, parce que je le trouvais simplement intéressant, décelant chez lui une sorte de douceur qui tranchait étrangement avec cette attitude fermée de vétéran…


En attendant sa réponse, ou sa non-réponse, je m’en retournais vers la contemplation du paysage. Le village se trouvait à présent derrière nous, dissimulé par la nuée de glace soulevée par le traîneau et les chiens qui couraient joyeusement devant nous. Eux au moins semblaient tout à fait dans leur élément au milieu de toute cette glace hostile et pourtant si belle à la fois. Le bout du monde, l’endroit abandonné, voir même probablement oublié par les architectes…

-Ont-ils été abandonné eux aussi? murmurai-je comme pour moi-même.

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Les tourments de la pierre. EmptyMar 10 Avr - 19:22
La meute raclait fougueusement la surface enneigé de ces terres nordiques du bout de leurs griffes, infatigables et indifférents aux caresses glacées du rigoureux climat, leur pelage blanc et noir voletant tel un fier étendard sur leurs corps élancés, la langue rouge pendant joyeusement à travers la lueur étincelante de leurs crocs aiguisés. Voir ce fier groupe de chiens traîner sans rechigner leur modeste moyen de transport aurait put faire sourire le réservé personnage qui menait la cadence à grands renforts de sifflements et petites exclamations d’encouragement qui semblaient faire le même effet de motivation qu’un capitaine à ses troupes dans un champ de bataille. Inutile de manier le fouet quand on avait l’art de guider les canidés par la force de sa volonté, de toute façon il répugnait particulièrement l’usage de ces outils de torture sur les animaux, les blessures de son âme étaient assez vives pour qu’il souhaite éviter de les propager chez d’autres êtres comme du sel qu’on sème dans des champs fertiles.

Enoch ne réagit pas à la première remarque de la perspicace journaliste concernant ses racines my’trännes. La première idée qui lui parcourut l’esprit était la confirmation de ses soupçons concernant la nature curieuse de sa cliente. Quelque chose lui disait que son silence de plomb et son air renfrogné n’allaient aucunement décourager la jeune brune. Réprimant un soupir, il répondit donc avec toute la politesse que ses manières quelques peu bourrues pouvaient puiser dans sa nature de loup solitaire :

« Oui en effet. »

Pas plus de détails. Après tout elle n’avait rien demandé de plus et il ne faisait que répondre strictement à la question pour ne pas blesser la demoiselle. C’était sans compter sur la nouvelle question posée par Lauren. Pour quelqu’un qui parlait peu, Enoch va avoir de l’exercice au cours de ce long périple.

Il semblait hésiter, ou du moins se renfermer d’avantage dans sa coquille. Rien ne l’obligeait à céder à chaque question posée, il pouvait littéralement se murer dans le mutisme pour lui faire comprendre qu’il ne désirait rien partager de sa triste existence qui n’avait rien d’un conte de fée, aussi grossier cela pouvait être. Mais quelque chose en lui semblait céder un peu face à cette curiosité qui ne semblait pas être mal-placée. Un peu comme si ses murailles se faisaient moins intimidantes.

« Au nord de My’trä se trouve Zagash, une région peuplée par les fils de Dalaï. C’est là où j’ai passé ma jeunesse, il y’a si longtemps. »

Maintenant qu’il y pensait, ses souvenirs de sa terre natale se faisaient de plus en plus flous et lointains. Tant d’années s’étaient écoulées depuis que tout avait basculé, depuis que sa vie simple de belliciste borné s’était effondrée quand les deux nations s’étaient entrechoquées dans un conflit dont l’impact se faisait encore sentir de nos jours.

« Je me souviens vaguement de mes origines. J’ai encore quelques images en tête, tout au plus. De longues rivières à l’eau étincelante, des terres vastes et fertiles, des zones aussi enneigées qu’ici, mais beaucoup moins rigoureuses. C’est une belle terre où il fait bon vivre au milieu de la nature bénie par Dalaï. »

Soudain nostalgique, il se surprit à révéler quelques souvenirs et sentiments, comme si sa langue ne répondait plus à son esprit mais à la pulsion de son cœur mélancolique.

« Je me souviens des moulins. À l’époque, j’aimais prendre place sur les petits ponts de bois qui passaient à travers les rivières les plus fortes. Après une dure journée de labeur, je me contentais de boire une bonne boisson, peut-être un encas aussi, à contempler le soleil se coucher et ses rayons magnifier le tournoiement incessant des ailes des moulins infatigables. On voyait aussi passer les petites barques avec les pêcheurs exténués mais satisfaits de leur travail. »

Un petit râle quitta la commissure de ses lèvres, son regard semblant s’être fait moins … sévère, plus profond aussi. Il contemplait l’horizon grisâtre de ces terres enterrées par la neige et la glace, affichant une sublime part d’humanité à travers sa carapace.

Ils étaient à présent plongés profondément dans les landes enneigées. Rares étaient les arbres de conifères qui surgissaient de la masse poudreuse tels des doigts accusateurs pointés vers le ciel. Par-ci par-là se trouvait des monticules rocheux et petites mottes de terre boueuse épargnée par la neige. La faune se faisait rare, mais bel et bien présente. Ils surprirent même un féroce puma escaladant avec une agilité déconcertante une surface rocheuse escarpée pour se faufiler rapidement dans sa caverne. Il commençait à se faire tard et Enoch envisageait de bifurquer vers un petit amoncellement d’arbres et de buissons, abris de fortune pour éviter d’attirer des regards indésirables et hostiles. Les chiens feront d’excellents gardes nocturnes pour prévenir toute intrusion dangereuse.

« Vous avez pas peur de bousculer le mystère qui entoure la ville ? De provoquer quelque-chose qui vous dépasse ? Qu’est-ce qui vous fascine autant dans votre quête ? Le goût du danger ? La quête de la vérité ? Vous avez déjà anticipé ce que vous pourriez découvrir là-bas ? »

Lauren Hill
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Les tourments de la pierre. EmptyVen 13 Avr - 15:24
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J’observais le paysage enneigé défiler lentement, une bien maigre occupation s’il en fallait une, il est vrai. Pour être tout à fait franche, il s’agissait surtout d’une sorte d’évasion puisque j'essayais surtout de me distraire tout en évitant soigneusement de regarder mon compagnon de route. Ma question l’avait dérangé, je l’avais bien compris en entendant son profond soupir. À vrai dire, je n’avais pas réellement réfléchi en la posant, la libérant simplement, la laissant franchir innocemment la barrière de mes lèvres. Il n’y avait là aucune réelle curiosité, il ne s’agissait finalement que d’une évidence soulignée avant un point d’interrogation. Évidemment qu’il ne pouvait être que My’trän. Il n’existait nulle part ailleurs de ferveur évoquée dans un simple nom chez un pérégrin et encore moins un daënar. La question me parut bien stupide, mais pourtant, il y répondit tout simplement… Me surprenant d’autant plus en répondant à la suivante, prononcée quant à elle avec une curiosité évidente, que je n’avais nullement cherché pas à dissimuler.

L’homme m’intriguait, comme cette façon étrange qu’il avait à se renfermer sur lui-même… À l’image d’un coquillage qui ne se trouvait pas à sa place, fixé à un rocher qui n’était pas le sien en étant entouré par une multitude de prédateurs. Tout du moins, c’était l’étrange impression qu’il me laissait… Et tandis qu’il évoquait les paysages de son passé, je crus voir la coquille s’ouvrir légèrement.

Il se livrait simplement, presque naturellement, tout en laissant doucement tomber son masque impassible pour laisser apparaître quelque chose de plus doux… De plus vrai aussi. Sa mélancolie était visible, presque palpable, tandis qu’il évoquait d’anciens souvenirs de ce qui avait dû être une vie simple et paisible. J’eus alors un étrange pressentiment relativement inexplicable en soi, je vous l’avoue. Néanmoins, malgré la douceur qui émanait de lui en cet instant, il ne me semblait pas en paix pour autant. Des centaines de questions se bousculaient dans mon crâne, se battant entre elles pour obtenir le droit de passage, mais je ne cédais pas… Même si l’heureuse gagnante était sans nul doute : Pourquoi être parti ? Mon instinct me criait de le laisser tranquille, de ne pas insister malgré mon envie tenace d’en apprendre plus sur cet inconnu.

Je l’écoutais donc, simplement, essayant de m’imaginer les paysages qu’il prenait soin de décrire et dont j’ignorais tout. Ses souvenirs revenaient de loin, selon ses dires, mais alors… Depuis combien de temps avait-il quitté ces fameuses terres natales ? Quelles raisons l’avaient poussées à laisser tout cela derrière lui pour venir arpenter le territoire ennemi ? Enoch veillait toujours à maintenir une certaine distance. Non pas physique, mais bien plus psychologique en se recroquevillant mentalement dans cette fameuse coquille. Quelque chose d’affreux s’était produit, quelque chose lié à ces terres… À Klumpen elle-même ?

Je fermais les yeux, retenant de plus en plus difficilement toutes ces interrogations qui me brûlaient les livres. Néanmoins, je n’insistais pas, me contentant de me concentrer sur le paysage qui commençait à changer peu à peu. L’astre poursuivait son déclin, donnant à la neige immaculée une teinte plus ou moins orangée, allant jusqu’à l’écarlate par endroit, là où les ombres apportées par les roches. Un tel paysage, lorsque l’on est doté d’une imagination débordante, a le don de vous évoquer quelques récits horrifiants... Ce qui fut bien évidemment le cas. Frissonnant, je ramenais les pans de mon manteau jusqu’à mon nez afin de dissimuler l’inquiétude que ressentais alors.

- Un lieu probablement chargé de plus de vie qu'ici, dis-je toutefois. Si Zagash est bénie, alors cette région est maudite… N’est-ce pas ?

Finalement, ce fut à son tour de se montrer curieux, déballant, par la même, une série de questions toutes plus dérangeantes les unes que les autres. Et pour cause, je n’avais pas réellement de réponse à cela… À moi donc de soupirer, sans quitter le paysage des yeux.

- On dit que seuls les morts et les imbéciles n'éprouvent pas la peur. On dit aussi que je ne suis ni l’une, ni l’autre, répondis-je évasivement avant de me tourner vers lui. Je ne sais pas ce que je trouverais là-bas. Les rumeurs parlent d’inhumanité, de folie, de danger et pire encore. Tout cela pour des pierres… Aussi divines soient-elles, ce ne sont que des cailloux que l’on exploite à mauvais escient. Je sais également que leur extraction ne se fait pas dans la joie et le respect des ouvriers… Je sais ce que le contact prolongé peut provoquer et le risque qu’encourent les pauvres âmes qui en sont victimes...

Je pris une pause afin de trouver mes mots. Il était bien difficile de décrire un instinct, un réflexe ou qu’importe le mot utiliser pour qualifier une nature aussi complexe que la mienne. Il m’arrivait parfois de ne pas me comprendre moi-même après tout.

- Croyez-le ou non, je ne suis pas en quête de danger. Je ne suis pas du genre à me sentir vivante lorsque je suis proche de la mort. Toutefois, j’ai fait le choix de vouer ma vie à la vérité, au respect de l’humain, qu’importe son lieu de naissance ou ses croyances. Alors certes, ce mystère m’intrigue, car je sais que tout ce qui est soigneusement caché l’est pour une bonne raison… Enfin… Bonne… Disons qu’elle l’est pour ceux qu’elle arrange.  

À nouveau, je détournais le regard, le focalisant à présent sur la meute de chiens probablement affamés pour avoir tant couru. Leur existence me parut si simple. Manger, dormir, travailler pour gagner sa pitance en parcourant les étendues enneigées tout en traînant les voyageurs que nous étions alors… Comment pouvais-je anticiper l’inconnu ? Rien ne m’empêchait d’essayer, évidemment, mais à quoi bon ? Était-ce seulement important ?

- Non… J’imagine, seulement, mais avec trop peu d’information pour pouvoir réellement anticiper quoi que ce soit, malheureusement. De ce fait, je reste prudente, ne m’impliquant qu’un minimum en attendant d’en savoir plus… Et ce n’est qu’ensuite que je pourrais décider de ce que je ferai des informations acquises lors de l’enquête. Je me méfie des daënars, de leur politique et de leurs ambitions démesurées… Je sais ce qu’ils sont capables de faire lorsqu’ils se sentent menacés… Ça, en revanche, je peux l’anticiper aisément. C’est aussi pour cela que je ne signe jamais aucun de mes papiers, sans quoi, je ne serais probablement plus là depuis bien longtemps.

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Les tourments de la pierre. EmptyMer 6 Juin - 20:44
Le craquement des branches séchées dévorées par les flammes résonnait continuellement, libérant, outre un mince filet de fumée noire, des étincelles scintillant comme autant de rubis orangés avant de s’évanouir dans l’obscurité du manteau nocturne. Le feu de camp se tenait fièrement au centre de la neige, sa lumière réconfortante défiant les obscures menaces cachées derrière les longs arbres dont les troncs blanchâtres et les longues branches tordues rappelaient les contes de spectres, goules et autres démons de la toundra emportant sous le couvert de la nuit les âmes infortunées qui s’aventuraient dans leur domaine oublié des dieux. Tout autour, les chiens sommeillaient à moitié, sereins, indifférents aux hurlements sordides du vent du nord ou au frottement des branches.

Un bruit de pas se fit entendre, les canidés dressèrent les oreilles, aux aguets, avant de reprendre leur repos quand la silhouette du myträn fit son apparition. Enoch ne rentrait pas les mains vides, mais avec une prise de chasse. Entre ses mains reposait un lièvre des neiges imprudent qui était tombé sur le piège-à-loup déposé par le chasseur. S’installant à quelques pas de sa cliente, il déposa le corps de l’animal sur un tronc mort et commença à le dépecer avec une habileté certaine à l’aide de son fidèle couteau de chasse, veillant à épargner la vue de cette opération salissante à Lauren en lui tournant le dos.

« Nos provisions sont précieuses, il va falloir profiter des quelques terrains forestiers pour se sustenter à la chasse avant que nous pénétrions les régions plus au nord où on ne pourra compter que sur nos ressources. »

Le chasseur de primes lança les organes indésirables à la portée de la joyeuse meute qui ne se privèrent pas de ces quelques morceaux de viande chaude, laissa pendre la fourrure de l’animal sur une branche puis embrocha la carcasse avec un pieu taillé à l’occasion qu’il installa par la suite sur le feu dans un grésillement prometteur.

Il avait longuement pensé à leur conversation de tout à l’heure, lui et elle, avant qu’ils établissent leur campement de fortune au flanc d’un grand rocher qui les protégerait contre le souffle impitoyable de Vereist. Le traîneau qui leur servait de transport fut placé de sorte qu’il barre ou ralentisse une potentielle charge d’un individu ou animal hostile, les chiens tout autour pour garder le périmètre avec leurs sens aiguisés. Rien n’était laissé au hasard pour assurer leur sécurité, de sorte qu’il avait insisté pour que la jeune journaliste garde à ses cotés l’arme de technologie qu’ils avaient acheté précédemment, malgré la sensation désagréable que sa présence provoquait chez Enoch.

« Zagash possédait aussi des régions enneigées à l’extrême Ouest, mais rien ne semble rivaliser avec la froideur du nord de Vereist, pas même le continent de glace qu’est Als’Kholyn. Klumpen possède des conduits de vapeur qui permettent aux citoyens de la ville de faire face au froid polaire, car aucune vie ne peut espérer survivre là-bas. »

Faisant lentement tournoyer le lapin sur le feu, l’odeur de viande grillée commençait à se répandre en l’air avec insistance, de quoi en faire saliver le couple de voyageurs au milieu de nulle-part.  Au loin, on pouvait entendre le hurlement d’un loup solitaire, un oméga chassé par sa meute.

« La cupidité a toujours été un moteur motivant l’homme à surmonter les obstacles les plus insurmontables. L’appétit des daënars pour la pierre sacrée qu’on appelle magilithe ne connaissait aucune limite, elle devint une fièvre qui les rongeait dans une folie les poussant à des actions très discutables. »

S’approchant de Lauren, la broche entre ses mains, il commença à découper le lièvre en morceaux sur leurs écuelles respectives, lentement, doucement, veillant à ne pas laisser une parcelle de chaire sur les os, après tout le gâchis était péché.

« Je sais de quoi je parle, j’ai vu jusqu’où les gens de technologie pouvaient être aveuglés par leur désir d’exploiter la magilithe. Abandonnés des Architectes, ils devaient bien chercher une compensation ailleurs et la magilithe était la solution, l’outil qui leur permet de se remémorer l’espace d’un instant la gloire passée d’une nation unie sous la protection des dieux. Maintenant, ils sont complètement soumis à son pouvoir et ne peuvent s’en passer. »

Enoch tendit l’écuelle pleine à Lauren avant de s’écarter légèrement pour s’adosser contre la souche morte, une jambe étendue sur le sol et l’autre repliée contre son torse. Attendant que la viande se refroidisse légèrement avant de commencer à se sustenter, il reposa son assiette de bois afin de dégainer sa pipe taillée dans les os d’un ours de Zagash, la bourrant d’herbe séchée odorante.

« Je compte vous aider à voir la vérité, Lauren, aussi hideuse soit-elle. J’espère juste que vous ne maudirez pas votre décision le jour fatidique. »

L’allumette craqua, la flammèche étincela, éclairant le visage du vétéran d’une lueur de mystère occulte avant d’être étouffée dans l’herbe, libérant un fin filet de vapeur dansant dans l’air glacé telle les danseuses lascives et souples de Zochlom. Tirant quelques coups, il soupira longuement avant de s’attaquer à nouveau à son écuelle. S’il était habitué à manger ainsi, il regrettait de n’avoir pas prit un peu de sel ou du vin pour offrir un repas plus convenable à la journaliste, trop occupé à veiller sur la sécurité et sur le nécessaire pour s’intéresser à ces petits détails qui, pourtant, pourraient aider sa cliente à mieux tolérer une traversée longue et éprouvante.

« Vous devriez dormir, demain sera une longue journée. »

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Les tourments de la pierre. EmptyVen 8 Juin - 13:33
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Je ne craignais pas la nuit, que ce soit par le manque de visibilité ou pour tous ces bruits qui semblaient s’intensifier tout autour. Les crépitements du feu de camp devant moi, la respiration profonde des chiens… Tout cela apportait un certain réconfort, amenant une sensation de vie dans un lieu qui inspirait la mort. Le froid, la morsure du vent glacial qui sifflait avidement dans les branchages des quelques arbres alentours comme pour chercher à me troubler plus encore. J’avais pensé poursuivre mon journal de bord, celui qui constituait, en somme, la base de mon reportage… L'ébauche en quelques sortes. Néanmoins, toute tentative d’écriture s’avérait impossible puisque mon encre avait gelé dans le petit récipient qui me servait d’encrier de voyage… Je l’avais placé près du feu en espérant pallier à ce contretemps, même si mes doigts étaient si frigorifiés qu’ils me semblaient étrangement raides. Les mains tendues vers les flammes, j’essayais de leur faire regagner un semblant de vie, juste histoire de pouvoir au moins tenir un crayon dans ma main.

Je n’aimais pas rester inactive de la sorte. Enoch se chargeait de tout tandis que je me contentais de rester assise sur une souche au coin du feu, ruminant ma parfaite inutilité dans les diverses tâches qu’il fallait effectuer pour nous maintenir en vie. L’inaction et le manque d’alcool me forçaient également à me perdre dans mes pensées. Mes réflexions aussi pompeuses que perturbantes qui me poussaient à m’interroger sur la façon dont je menais ma vie. En soi, celle-ci me convenait parfaitement. Je n’étais pas capable de rester au même endroit trop longtemps au risque de me voir tourner en rond. Je ne pouvais me contenter d’écrire, comme la grande majorité de mes collègues, sur des sujets sans réelle importance liés à la politique ou autres faits divers tous plus barbants les uns que les autres. Je n’étais pas devenue journaliste pour cela… Il me fallait constamment chercher un but pour me pousser à écrire, pour m’apporter la matière première que constituait la réalité, celle exempt de toute censure, même si pour cela, il me fallait acheter ma liberté... Ainsi que ma sécurité, bien évidemment.

Aussi, le regard plongé dans les flammes, observant leur danse incessante, je ne pus que repenser aux rumeurs que j’avais entendu sur cette cité au bord du monde. Klumpen était à la fois connue et oubliée de tous, une sorte de légende encore bien présente autant sur le sol daënar que dans les mémoires de son peuple. Une ville minière d’où abondait la magilithe encore brute… En cela, elle n’avait rien d’exceptionnelle puisque la pierre divine faisait partie du quotidien de chacun… Le matériau de base qui amenait le progrès et permettait aux aéronefs de voler… Entre autres… Néanmoins, même si tous savaient que ces minéraux devaient bien venir de quelque part peu connaissaient la manière dont elle était arrachée au sol… Enfin, tous se voilaient évidemment la face, considérant le sujet comme “tabou” afin de ne pas affronter la triste réalité. Il était après tout ,bien plus simple de jouer aux ignorants plutôt qu’avouer que le confort et le progrès avait un prix extrêmement élevé se situant bien au-delà de la devise irydar… Étaient-ils prêt à affronter la vérité que je comptais leur exposer noir sur blanc ? Cette vérité qu’ils découvriraient tandis qu’ils savoureraient leur petit-déjeuner avant de commencer leur journée de travail monotone… Je n’en savais rien… Était-ce égoïste de ma part ? Probablement... Mais ce n’était certainement pas ce qui me pousserait à faire machine arrière.

Un craquement venant de derrière moi me tira brutalement de mes réflexions. Enoch revenait au campement sa prise, encore chaude, pendant misérablement entre ses mains et qui constituerait notre dîner. Je le suivis des yeux tandis qu’il s’installait afin de préparer sa proie… Je notais sa façon de se tenir pour m’épargner cette vue que beaucoup aurait jugé comme écœurante… Mais pas moi… N’ayant jamais assisté à pareille préparation, je n’y voyais qu’une nouvelle source de connaissance et une façon d’éloigner une autre parcelle d’ignorance. C’est pourquoi, au lieu de tourner la tête comme maintes bourgeoise impressionnables l’auraient fait à ma place, j’allais m’asseoir près de lui afin d’observer et d’apprendre. Et autant dire que je n’en perdis pas une miette, admirant ses gestes assurés et mesurés destiné à transformer l’animal en source de nourriture pour les humains affamés que nous étions.

-Je comprends, lui répondis-je sans pour autant quitter sa besogne des yeux. Il n’y a vraiment plus rien au nord alors ? Ce ne sont pas des histoires ?

Cela faisait des années maintenant que je parcourais le continent, et même si je m’étais déjà rendu dans nombre d’endroits l’extrême nord de Daënastre m'était encore inconnu. Il s’agissait, après tout, du bord du monde, de l’endroit où Delkii s’était arrêté avant de poursuivre sa lourde tâche ailleurs. Peut-être que d’ici quelques centaines d’années une autre terre immergera du vide… Peut-être pas… En tout cas, nombre de contes et de légendes parlaient de ces lieux qu’il me tardait de voir en personne, malgré le danger et ma peur de l’inconnu.

Enoch se lança alors dans une série d'explication qui ne firent que confirmer mes soupçons le concernant. Il en savait tellement sur la région et sur l'organisation de la cité qu’il serait bien stupide de croire qu’il les avait simplement imaginé. L’homme me dressait un tableau peu reluisant des conditions de vie de ses habitants se trouvant constamment en contact avec une pierre précieuse et extrêmement dangereuse pour quiconque se trouvant trop longtemps à proximité… Mais qu’en était-il de lui exactement ? Comment un my’trän en savait-il autant sur toutes ces choses dont moi-même, native de Daënastre, ignorait absolument tout ?

Pourtant, malgré toutes les questions qui me brûlaient ardemment les lèvres, je le laissais parler sans l’interrompre, me contentant d’écouter en silence ses explications tout en observant les traits de son visage. J’attrapais l’écuelle fumante qu’il me tendit avant de la déposer près de moi pour laisser le temps à la viande de refroidir. Je ne pouvais que comprendre l’avis d’Enoch sur les daënars et leurs désirs cupides de toujours s’améliorer en utilisant une pierre dont ils ne connaissaient, finalement, pas grand-chose. Mon père appelait cela “la nature humaine” de constamment chercher la facilité et le confort. Pour lui, les my’träns s’appuyaient sur leur foi et leur magie, mais je n’y croyais guère. Personnellement, au fil de mes recherches diverses et variées, je n’avais pu que constater un désir de conquête et de contrôle suprême chez les daënars. Ceux-ci cherchaient à tout maîtriser, que ce soit la nature, leur force ou simplement la pensée humaine. Pour cela, ils n’hésitaient pas à sacrifier les Hommes, la vie et tout ce qui allait de paire.


J’avais déjà noté sa façon de vouloir me préparer à ce que je devrais affronter sur place et sa manière de me préserver de tout… Comme ce fut le cas pour le dépeçage du lièvre, un peu plus tôt. Je ne me qualifierai jamais de “femme forte”, ce serait bien trop présomptueux de ma part. J’avais bien évidemment mes limites, même si je jouais régulièrement à les frôler. Mon père m’avait élevé en me testant en permanence afin de me permettre de grandir en étant capable d’assumer mes choix… Je ne voulais pas que l’on me préserve de ceux-ci, ils ne devaient que tenir de moi… Alors, malgré la peur et l’incertitude, je me tenais déjà prête à les accepter le moment venu tout en ayant parfaitement conscience que cela ne serait en rien facile.

-Je suis vraiment curieuse de savoir de quelle manière vous me voyez, exactement, lui répondis-je en faisant tourner un morceau de lièvre dans mon assiette. Je ne suis pas une petite fille, Enoch. J’affronterai la réalité au mieux, puisque c’était mon choix, ma décision et je les assumerais, comme toujours. Je sais déjà bien des choses sur la nature humaine et sur sa capacité à détruire si cela peut rapporter gros… Les daënars excellent dans le domaine.. Vous n’avez donc pas à vous soucier de cela, même si je vous en suis reconnaissante.

En réalité, au fil du temps, mon métier m'avait conditionné à ne jamais exprimer mon opinion. Je devais me contenter d’exposer des faits sans me laisser émouvoir par ces derniers. Cette affirmation pourrait aisément vous faire penser que le journalisme a su affecter mon humanité, pourtant il n’en est rien… Seulement, il était de mon devoir de ne jamais exprimer mes sentiments qu’importe la force de ceux-ci… Principe de neutralité oblige. Voilà pourquoi je tenais malgré tout à rassurer mon guide sur le sujet.

Je terminais ensuite mon repas, avant d’écouter son conseil et de me rouler dans les couvertures pour passer la plus horrible nuit de ma vie… Tout du moins, jusque-là. Malgré la chaleur du feu et l’épaisseur des couvertures, le froid et l’humidité transperçaient les tissus pour s’infiltrer jusque dans mes os. J’étais tout bonnement frigorifiée et nul doute que les nuits suivantes seraient bien pire.

Au matin, après un maigre petit-déjeuner, mais heureusement chaud, nous reprîmes la route à travers les plaines enneigées de la région. Quelques nuages particulièrement pâles troublaient l'immensité du ciel qui avait perdu de sa teinte azurée. Le blanc, dans toutes ses nuances semblait dominer en ces terres… En me tournant vers Enoch, toutes mes questions de veille revinrent se presser dans ma gorge afin de demander leur réponse… Il était si difficile de résister à l’appel de ma curiosité… Impossible même. Je cédais donc aux moins risquées...

-Dites… vous n’êtes pas obligé de me répondre, mais… Pourquoi êtiez-vous dans ce village, dans cette région précise alors que vous semblez si mal à l’aise ici ? Pourquoi ne pas être à Zagash ? Personne ne vous attend là-bas ? Pas de famille ?

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Les tourments de la pierre. EmptySam 16 Juin - 18:21
« Non, en effet, les histoires disent vraie. C’est le désert blanc où aucune vie ne subsiste, un endroit idéal pour une cité souhaitant rester la plus discrète possible, à l’écart du reste de la civilisation. »

Klumpen parvenait à rester en contact avec le monde extérieur grâce à la mer. Les nombreux navires daënars étaient à même d’affronter les glaciers afin d’approvisionner la ville à magilithe, puis de faire passer la précieuse cargaison de pierres vers les autres cités du continent. Sans cet imposant système naval de transports, Klumpen n’aurait jamais put survivre seule dans ce recoin perdu d’Irydaë, l’autarcie était tout bonnement impossible dans ces conditions extrêmes. Sans son importance de part sa richesse minière, la ville aurait déjà sombré depuis des années dans l’oubli et l’abandon.

Constatant que sa pipe perdait de sa flamme, il ralluma à nouveau une allumette afin d’alimenter le feu qui brûlait ses herbes fétiches, tirant de petites bouffées qu’il soufflait du coté des lèvres tel une locomotive humaine en plein régime.

« Je ne vous vois pas comme une petite fille, Lauren. Vous êtes ma cliente et c’est mon devoir de veiller sur votre sécurité, voilà tout. »

Serrant un peu plus la cape recouvrant son corps, il contempla le ciel étoilé. Loin des villes daënares, les étoiles se dévoilaient comme mille et un joyaux étincelants sur le voile noire du ciel. Un spectacle paisible et envoûtant.

« Vous êtes forte, je peux le voir dans votre regard. Mais votre force de volonté va être mise à rude épreuve lors de ce voyage. Je vous prépare juste afin de voir la vérité de vos propres yeux. »

Jetant une bûche pour alimenter le feu qui les gardait à l’abri de l’implacable froideur des lieux, il se frotta énergiquement les mains en reniflant bruyamment, puis marmonna pour lui-même.

« Si la vérité n’a pas été enterrée depuis tout ce temps. »

~~~

La civilisation semblait être bien loin, à présent. Les arbres se faisaient de plus en plus rarissimes, laissant la place à un décor toujours plus blanc, plus froid, plus hostile. Très rarement, ils apercevaient des chariots tirés par des chiens menés par quelques chasseurs qui, bravant les mille dangers de cette région polaire, allaient en quête de fourrures précieuses ou de ces blocs de glace dont la pureté était telle que les plus riches citoyens de cette nation bannie des Architectes payaient des fortunes pour les avoir dans leurs verres de liqueurs exquises.

À un moment ils virent même un engin ailé traverser le ciel pâle, oiseau de métal battant ses ailes dans un mouvement machinal qui n’avait rien de la grâce naturelle des oiseaux majestueux. Un aéronef, s’il se souvenait bien du nom que donnaient les daënars à cette invention infernale. Les disciples d’Amisgal devaient être plus qu’outrés de savoir que pareilles carcasses de technologie sans vie parcouraient impunément le domaine de leur Architecte, blasphémant à chaque battement d’aile leurs croyances.

Oiseau de mauvais augure ?

Enoch fut tiré de ses ruminements sceptiques par une nouvelle question de la part de sa Ô tellement curieuse cliente. Il savait que ceux qui se réclamaient être des journalistes avaient cette fâcheuse manie de toujours poser des questions, assoiffés de savoir, de connaître la vérité dans les moindres détails, de satisfaire leur curiosité. Chez certains cela semblait atteindre le besoin d’un drogué en manque. Pour d’autres, c’était un devoir. Chez Lauren, il sentait plutôt que c’était sa nature, qu’elle n’avait aucune mauvaise intention sinon savoir ou, tout simplement, briser un peu ce lourd silence qui avait marqué leur traversée jusqu’à présent.  

Comment pouvait-il lui en vouloir quand on savait que le chasseur de primes n’était pas des plus bavards. Pour un compagnon de voyage, il faisait un piètre animateur, toujours muré dans un silence qui aurait fait pâlir de jalousie la statue mortuaire la plus rigide. Ne tournant jamais autour du pot, sirotant sa boisson en silence, s’acharnant toujours sur les tâches plutôt que partager un simple moment de détente, d’humanité. On aurait dit un de ces pèlerins qui avaient fait vœu de passer chaque infime parcelle de leur vie consacrée entièrement à leur religion, à leurs percepts et leur devoir sacré. Leurs moments de plaisir se comptaient sur les doigts d’une main d’un soldat mutilé, Enoch n’était pas une exception et, quand il se laissait rarement allé à un instant de délectation, de repos, il reprenait bien vite son fardeau silencieux sans rechigner.

« Je n’ai plus rien à Zagash. Je n’ai pas mis les pieds là-bas depuis si longtemps que j’ai oublié à quoi ressemblaient les rivières qui parcouraient ma terre natale, quel goût avait le lait fermenté qu’on nous servait quand on était jeunes, les rires le soir après une razzia fructueuse. »

Une époque bénite, où il avait vécu dans l’insouciance, préoccupé uniquement par l’instant présent. Il était fier, têtu, une vraie tête brûlée. Qui aurait crut que sa vie prendrait une tournure si brutale ?

« Je suis un chasseur de primes. Mon rôle est de m’occuper de la vermine que les forces de l’ordre n’arrivent pas à saisir. Je vagabonde d’un continent à l’autre, guidé par les contrats que je prends, son but précis sinon vivre, survivre avec la satisfaction que j’ai débarrassée le monde d’une ordure de plus. Mon dernier contrat a été de terrasser un bandit local qui avait la fâcheuse manie de disposer des gens qu’il embusquait dans les grandes routes. Violence, torture, viol et esclavage. J’ai été plus que ravit de mettre la main sur ce monstre et l’arrêter une bonne fois pour toute. »

Remontant légèrement le col qui le protégeait de la morsure du vent du nord, il poursuivit avec le même ton neutre qui le caractérisait si bien :

« J’ai récupéré ma prime et j’ai décidé de m’installer pour quelques temps avant de reprendre la route, d’où ma présence ici. »

Tournant son regard sévère vers sa partenaire de voyage, il tenta de sonder dans ses traits une quelconque réaction quant à son métier, ses révélations ou tout simplement le fait qu’il tuait pour de l’or.

« C’est une forme de justice qui dégoûte plus d’un, mais c’est un mal nécessaire. Au moins j’évite à des familles d’être détruites, des vies innocentes dévorées par les brutes et les monstres. »

Lauren Hill
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Les tourments de la pierre. EmptyJeu 21 Juin - 15:08
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Le désert gelé s’imposait à nous par son silence inquiétant, se situant bien loin de mes habitudes citadines et de toute l’agitation constante qui caractérisait à merveille la vie daënare. Nous avions beau nous trouver sur le même continent, le nord de Vereist semblait vouloir s'émanciper du reste du territoire en affichant une mine austère et diablement froide. Seuls le souffle des chiens, le son de la neige écrasée, remuée par notre traîneau, semblaient pouvoir troubler ce calme si peu naturel… Paradoxal n’est-ce pas? Nous étions pourtant en pleine nature, sur les terres oubliées des Hommes, fuies par certains car le climat s’y faisait bien trop rude pour espérer trouver de quoi y vivre, comme me l’avait expliqué mon gardien. Le savoir était une chose, le voir de ses yeux en était une autre. L’absence de vie, animale ou végétale, frappait littéralement aux yeux, si bien que l’apparition d’un aéronef, vision pourtant habituelle pour quelqu’un comme moi, semblait aussi irréelle qu’intrusive dans pareil décor. Preuve que la civilisation existait tout de même, même si celle-ci me restait encore inconnue.

Je n’avais rien contre le silence, j’entends par là, l’absence de communication en général. Croyez-le ou non, je n’ai jamais été une grande bavarde, ni même une grande auditrice, tout du moins lorsque le sujet ne m’importait peu. Néanmoins, dans pareil environnement, il était difficile de ne pas trouver le silence angoissant. J’aurai pu très bien, comme bien d’autres à ma place, me lancer dans de longs discours sur ma vie, philosopher sur la teinte immaculée, simplement pour combler le vide sonore qui semblait pourtant nous englober dans son tout fait de rien… J’aurai pu, mais ce n’était nullement mon genre.

Le silence d’Enoch n’était pas dérangeant. L’homme se déridait certes rarement, mais son regard restait assez expressif pour laisser sous-entendre quelques émotions, ou tout du moins, dans le cas présent, quelque ressentiment. Mon guide observait tout avec une certaine méfiance, que ce soit les quelques bougres que nous eûmes vaguement croisés sur notre route ou ce vulgaire aéronef, une simple frégate à en juger par sa taille et par ses ailes des plus communes.

Contre toute attente, Enoch ne tarda pas à répondre à mes questions, bien qu’indiscrètes. Daënastre, malgré son passé et son histoire, n’avait jamais été une terre d’asile pour les mages. Chaque enfant était élevé dans la haine et la peur de ce que la magie des Architectes pouvait engendrer. Et, avouons le,  les événements de cette année n'allaient certainement pas arranger cela. Mon guide parlait peu, de ce fait, j’avais pris l’habitude d’attendre qu’il n’achève totalement son discours avant de lui répondre à mon tour.

Ainsi donc, Enoch avait quitté sa terre natale depuis suffisamment longtemps pour oublier les détails de son paysage et autres souvenirs de jeunesse qui me parurent doux. Je ne cessais de m’interroger sur le pourquoi du comment. Peut-être était-ce dû à son mode de vie, son emploi pour le moins original et sujet à controverse, qui exigeait de lui de se trouver constamment sur les routes.

Nul mouvement de recul, nul trouble visible dans mon regard tandis que mon guide m’observait tout en m’exposant la nature de son métier, comme s’il cherchait à se justifier de ses actes. Cherchait-il à éveiller une réaction chez moi ? Il est vrai qu’une telle occupation avait de quoi en perturber plus d’un, la polémique résidant dans le fait de tuer un tueur. J’avais déjà assisté à un débat sur le sujet, le tout affublée d’une robe de soirée bordée de perles noires, une flûte de champagne en moins. Personnellement, je ne voyais pas d’un mauvais œil à l’utilisation des chasseurs de primes pour réussir là où la justice avait échoué… Et puis, Daënastre n’hésitait pas à exécuter les traîtres, alors qu’y avait-il de mal à cela ?

-Je suis journaliste, Enoch. J’ai eu l’occasion de lire et d’écrire nombre d’articles sur des sujets à vous faire frémir. Beaucoup de ces monstres se sont évanouis dans la nature, d’autre se sont fait arrêter, ont été jugé et ont soit bénéficié d’une peine dérisoire, soit ont été tout simplement relaxés, fautes de preuves pour mieux recommencer ailleurs... Je n’ai donc pas une très haute opinion de la justice, et pourtant mon père est avocat soupirai-je en ajustant ma capuche pour mieux protéger mon front de la morsure du froid. J’en suis donc venue à penser qu’il faut des gens capables de se salir les mains pour le bien du plus grand nombre. Même si en un sens, cela doit aussi vous placer dans une position inconfortable...

Celle d’un meurtrier, après tout. Son travail consistait à échanger une vie contre une poignée de pièces, rien de plus. Ce n’était certainement pas un métier facile où l’on pouvait vivre tranquillement, sans se voir hanter de quelques fantômes. Une vie restait une vie, qu’elle soit ôtée au nom de la justice ou non. Il fallait vivre avec cela sur la conscience et nul doute qu’il s’agissait là d’un poids non-négligeable posé directement sur l’âme de l’exécuteur… Peut-être était-ce ce fameux poids qui retenait prisonnières toutes ses émotions, ne les laissant s’exprimer qu’à travers ses regards.

-Si vous craignez de me voir porter un jugement sur votre activité, rassurez-vous, ce n’est pas dans ma nature. Je sais que, bien souvent, la fin justifie les moyens, déclarai-je en portant bien loin mon propre regard.Il serait bien trop réducteur de se cantonner à une notion de bien ou de mal un peu trop fermée à mon goût. Tout du moins, c’est ainsi que l’on m’a élevé.

M'emmitouflant dans mon manteau, resserrant toujours plus les pans contre ma poitrine pour me préserver du froid, mes pensées me ramenèrent vers Klumpen et son utilisation de matière humaine. Évidemment, je me doutais bien que ses exploitants devaient y trouver leur compte, passant outre l’inhumanité de la chose. Et encore, je n’en savais que si peu. Le fait est que la cité minière, aujourd’hui reléguée au rang de “volontairement oubliée” par tous les habitants lambdas, avait encore bien des secrets à dévoiler sur la nature même de l’humanité. Celle, toute particulière des daënars, évidemment. Tout du moins, c’est ce que mon instinct s’évertuait à me hurler aux oreilles.

C’est alors que les chiens stopèrent leur course, assez brutalement pour que la secousse ainsi provoquée ne me ramène vers l’avant. Les canidés se mirent alors à grogner de concert, portant leur regard glacé vers le même endroit. À peine plus loin se trouvait un rocher de taille imposante, d’où se reflétait quelques lueurs purement métalliques… Des armes, à n'en pas douter…

-C’est qu’il est bien garni c'traîneau. C’pas commun dans l’coin,railla une voix masculine alors que son propriétaire se dégageât de sa cachette, nous tenant en joug du canon de son fusil.

-Ça transporte quoi au juste?rencherit un deuxième en imitant son comparse.

Les deux hommes commencèrent alors à nous tourner autour, en évitant soigneusement les chiens attachés les uns aux autres. Peu désireuse de les provoquer plus que nécessaire et surtout de nous attirer plus d'ennuis, je veillais à rester calme et surtout silencieuse, ne sachant que répondre à ces bandits.

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Les tourments de la pierre. EmptyDim 8 Juil - 23:34
La sagesse. Etait-ce le mot le plus adapté pour qualifier la dernière réponse de Lauren ? Enoch ne savait comment l’exprimer, mais en ce moment précis, il apprécia le fait que sa cliente n’était pas une de ces naïves personnes qui croyaient encore en l’égalité de l’humanité, en la paix, la justice. Des idéalistes aveuglés par de faux espoirs et des rêves aussi illusoires que de traîtres mirages au cœur du désert. La journaliste n’en faisait pas partie, du moins pas totalement. Ainsi, elle gagna quelque chose de rare et précieux : un peu de sympathie de la part du loup solitaire.

Mais ce petit début de conversation mondaine fut brutalement interrompu par l’apparition de l’obstacle le plus haïs par les citoyens de Vereist après la toundra : des bandits de grands-chemins. Portant d’épaisses couches de vêtements et armés de fusils de chasse, ils ne semblaient pas en être à leur premier méfait vu leur assurance et leur équipement. Des gens dangereux, il pouvait le sentir. Leurs regards où brillaient la pire perversité, des sourires mauvais et édentés, un ton méprisant digne des brutes les plus détestables … ils formaient une parfaite représentation de ces coupe-jarrets qui se bousculaient en compétition pour amasser le plus grand butin sans soucis des vies qu’ils détruisaient dans le processus.

« Pas de gestes brusques, je m’en occupe. » Murmura discrètement le chasseur de primes à la jeune brune à ses côtés, ses yeux ne se détachant nullement du duo qui les cernaient.

Comment se débarrasser de ces brutes sans risquer d’être abattu d’un coup de feu ? Ces personnages semblaient être du genre à aligner leurs victimes derrière le rocher avant de disposer d’eux à leur guise. L’hypothèse qu’ils les gardent pour les revendre en tant qu’esclaves à Aildor fit palpiter en lui une flamme de colère contenue. Et les regards qu’ils jetaient fréquemment vers Lauren laissaient clairement penser qu’ils avaient des projets plus pressants pour l’infortunée journaliste.  Levant lentement les bras, il exposa ses mains ouvertes en signe de soumission, récoltant par la même occasion les rires moqueurs des deux truands qui, à cette distance, transpiraient l’alcool.

« C’est bien papy, tiens-toi calmement et on te bousculera pas trop. C’est pas très futé de sortir si loin de chez soit, à ton âge, hein ? C’était pour faire une petite balade ? »

« T’inquiètes pas le vieux, on prendra soin de ta fille en bon gentlemans. Permets-nous de te débarrasser de toutes ces affaires de trop, nous insistons ! »

Nouveaux rires moqueurs tandis qu’ils faisaient de grands gestes avec leurs armes pour inciter les deux voyageurs à quitter leur traîneau. L’un des malfrats porta son regard vers la ceinture d’Enoch où pendait son couteau de chasse.

« Joli éplucheur à patates, le vieux. Donnes, il te servira plus. Et joues pas aux héros. »

Le grisonnant obtempéra lentement, retirant l’arme de son fourreau, tenant la lame entre son index et son pouce, le regard dirigé vers le sol enneigé en signe de soumission.

« Bien, bien, attention à pas te couper avec, ce serait … »

Le bras du my’trän se détendit soudain tel un crotale surgissant de sa tanière pour mordre un indésirable. Le sifflement du couteau fut suivit par le bruit sec de la lame s’enfonçant dans l’abdomen du brigand qui poussa une exclamation de douleur, laissant tomber son arme maudite pour panser sa blessure. Son camarade, qui s’apprêtait à saisir Lauren par l’épaule pour l’inspecter, se retourna vivement avec une surprise totale sur son visage émacié. Rapide, il braquait déjà son fusil vers l’agresseur et s’apprêtait à faire feu. Emporté par l’instinct d’une éternité d’expérience de batailles menées et d’intenses échauffourées, Enoch réagit tout aussi rapidement, frappant du pied contre la neige environnante qui, sous l’impulsion de la magie de Dalaï, fut soulevée pour former un épais nuage immaculé qui troubla la vision des personnes présentes.

On entendit une détonation, un grognement, puis ce qui semblait être le bruit de deux corps se percutant violemment. Les aboiements des chiens fusaient comme autant d’exclamations de la part de spectateurs excités, étouffant tant bien le bruit de lutte que les gémissements de douleur du truand grièvement blessé qui traînait son corps à l’abri. À mesure que la neige reprenait sa place légitime, les bruits s’atténuaient, laissant place uniquement au concert des canidés.

Enoch se tenait au-dessus de son adversaire, le souffle court et la mine épuisée. Le brigand gisait inerte, fauché par quelques tours du mage d’eau, le regard vide dirigé vers le ciel sans soleil.  Se redressant lentement, il grimaça lorsqu’il sentit une douleur cuisante au niveau de son flanc et porta sa main gantée sur la partie douloureuse de son corps. Il sentit un contact chaud et poisseux et en retirant sa main, il la découvrit couverte d’écarlate. Haletant, il tenta d’ignorer la douleur qui le gagnait pour garder son calme et ses nerfs d’acier, reportant son regard vers sa cliente qui semblait n’avoir souffert aucune blessure ou autre traitement lors de ce furieux assaut.

« Restez à l’abris, il se peut qu’un autre brigand soit caché derrière ce rocher. »

Serrant des dents, il enjamba le corps désormais raide du premier scélérat, retirant au passage son arme blanche de son corps sans vie, puis alla examiner les lieux. Après s’être assuré qu’aucune menace ne les guettait, il finit par s’installer contre le rocher en poussant un long râle, épongeant à nouveau sa blessure.

« C’est bon, nous sommes tranquilles. »

Lauren Hill
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Les tourments de la pierre. EmptyDim 23 Sep - 14:44
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Voilà bien des paroles et des manières à faire frémir la plus innocente des créatures. Leurs intentions malsaines se lisaient aisément dans leur regards tantôt railleurs lorsqu’ils se posaient sur mon guide, pour se charger d’une lueur plus lubrique quand ils m’observaient. Je détestais cela, mais je me devais de paraître neutre, de rester calme pour ne pas troubler la manœuvre du chasseur de primes. Même si en réalité, je rêvais de me saisir de ce fichu tromblon pour leur tirer dessus simplement pour ne plus avoir à soutenir leur regard dégoûtant. Je n’ai jamais été particulièrement violente, d’ordinaire le pouvoir des mots judicieusement employés suffisait à me tirer de quelques mauvais pas… Mais certainement, pas, cette fois, non, là, mon instinct de survie était bien capable de me pousser au meurtre, sien bien que je dus me retenir pour ne pas attraper mon arme. Après tout, je ne savais même pas m’en servir, ce n’en serait que plus dangereux.

Du coin de l’œil, j’observais les agissements de mon protecteur, descendant lentement du traîneau pour obtempérer aux demandes de nos assaillants. Mon coeur se serra de terreur lorsque je le vis se faire déposséder de son couteau … Ou du moins, c’était visiblement ce qu’il cherchait à leur faire croire. Je n’eu guère la possibilité d’en voir plus, puisque le compagnon de l’agresseur posa sa lourde patte sur mon épaule. Mais une fois encore, le temps me manqua, m’empêchant de réaliser ce qu’il se passait réellement… Puis vint la neige qui sembla se déchaîner autour de nous, si bien que je ne distinguais rien d’autre que les grognements des chiens suivis par autant d'aboiements mêlant peur et colère… Un coup de feu, des gémissements, mon cœur se serra de nouveau avant de s’emporter tout aussi rapidement. La morsure du froid était brutale et douloureuse, un peu comme si des milliards d’aiguilles minuscules entraient directement dans ma peau sans même se soucier de mes vêtements. La neige s’était soulevée, j’en fus certaine. Il n’y avait rien de naturel dans cet événement entièrement provoqué par le mage qui m’accompagnait. De la magie… Jamais auparavant je n’avais assisté à ce genre de manifestation, même si je ne voyais plus rien à présent.

Le nuage gelé disparu aussi brusquement qu’il était apparu, me laissant alors la possibilité d’ouvrir les yeux pour découvrir un Enoch debout tandis que le brigand gisait au sol. Mon guide me demanda de rester à ma place, un ordre auquel j’aurai obéi sans discuter si je n’avais pas aperçu l’importante tache de sang qui imbibait ses vêtements. Je me relevais d’un bond, pour le rejoindre, même si le sol gelé ne me permettait pas d’avancer aussi vite que je l’aurais voulu. Mon guide s’était installé contre un rocher pour se reposer avec une bataille dont il ne sortait pas indemne.

-Bon sang Enoch !m’écriai-je en arrivant à sa hauteur. Par pitié, dites-moi que ce n’est qu’une simple coupure.

Des paroles bien ridicules, je le conçois. Néanmoins, j’étais si effrayée par l’idée de le voir blessé aussi loin d’un hôpital que les mots me venaient en désordre. Les mains tremblantes, j’écartais la sienne posée sur la plaie dissimulée sous ses vêtements et le flot inquiétant de sang qui s’en écoulait. Il fallait la refermer, rapidement… Mais comment ? Avec quoi ? Je n’étais pas médecin, pas même infirmière… Néanmoins, je ne pouvais pas le laisser dans un état pareil.

Je fermais les yeux, inspirant un bon coup pour me permettre de me reprendre, sans quoi, je ne pourrais pas réfléchir efficacement. Quelque part dans mes affaires se trouvait du fil et une aiguille… Ainsi qu’une flasque de whisky que je gardais toujours “au cas où.” Sans un mot, je m’en retournais vers notre traîneau, à la recherche de ce fichu sac que je ne tardais pas à trouver. Heureusement, car dans l’état de nervosité où je me trouvais, il ne m’en fallait guère plus pour exploser tout bonnement. Les bras chargés de mon attirail de bric et de broc, je m’en retournais vers l’homme blessé.

-Je sais qu’il fait froid, mais pourriez vous retirer vos vêtements s’il vous plaît ? Il faut nettoyer ceci… Et la refermer.

Pas de place pour la pudeur, je me fichais bien de ce que penserait mon père ou son entourage en me voyant agir ainsi. Je n’ai jamais eut d’idées déplacées et certainement pas dans ce cas précis. Je m’en voulait, car s’il se trouvait dans cet état, c’était bel et bien parce que je lui avais demandé de m’escorter.

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Les tourments de la pierre. EmptyDim 28 Oct - 20:05
« Non, je vais bien … je … »

Non, il n’allait pas très bien. Enfin, on ne pouvait dramatiser les choses avec cette force de la nature qu’était Enoch. Cet infatigable croisé avait connu bien des batailles et encaissé bien des blessures, si bien qu’on se demandait comment cet homme qui n’était plus dans la fleur de l’âge parvenait encore à respirer sans se briser une côte fragilisée par une bagarre un peu trop intense.

Cependant, la blessure restait vive et cuisante, la balle étant tirée par un objet technologique, son effet sur le my’trän n’avait rien d’agréable, empirant même ce qui n’était qu’une vilaine zébrure sanglante sur son flanc. Le sang coulait et inutile de dire que tant qu’il continuerait à saigner abondamment, ses chances de survie s’amenuisaient dans cet environnement désolé et hostile. Imprudent, se maudit le vétéran. Il n’était pas du genre à se laisser toucher par un brigand de seconde classe, surtout en si faible nombre. Dans une situation différente, il aurait maîtrisé les hors-la-loi bien différemment et de façon plus radicale, profitant de l’avantage certain de sa maîtrise de la magie aquatique pour dompter la neige qui s’étendait à perte de vue.

Mais il y’avait Lauren, sa cliente. Enoch ne pouvait risquer un assaut furieux de plein fouet sans que les malfrats ne ripostent en s’attaquant à la femme sans défenses. Une balle perdue aurait vite tourné les événements de façon tragique pour les deux voyageurs. Un risque calculé … mais oh qu’il était mauvais en mathématiques !

La brune s’était précipité vers leur transport, les chiens aboyant furieusement après cette furieuse escarmouche. L’anomalie en profita pour cracher une écume de salive sur le coté, préférant le faire à l’abri du regard de la journaliste pour éviter un geste que les gens éduqués considéraient comme vulgaire. Klumpen était encore à des milles et le voilà qui râlait lentement sur un rocher givrant au milieu de nulle-part, la nausée technologique s’exprimant par une bile tenace qui grimpait dans sa gorge serrée.

Mais il refusait de mourir. Pas ici. Pas maintenant. Pas après toutes ces épreuves, ces dangers. Pas sans avoir gagné l’estime et l’absolution de Dalaï, être enfin libéré du fardeau qui lui a été confié. Tant qu’il portera encore la marque de l’exil, il se devait de vivre. Vivre et survivre, affronter la vie et l’existence même. Tenir, ne pas abandonner.

Lauren était de nouveau à ses cotés et curieusement cela avait un effet rassurant, même pour un solitaire comme lui. Être seul au cœur de Vereist aurait été une bien triste fin. Silencieusement, il remercia Dalaï pour sa protection et pour lui avoir épargné un sort funeste.

Par contre, quand elle lui annonça qu’elle allait retirer ses vêtements, l’homme à la chevelure poivre et sel se tendit comme un arc en fronçant des sourcils, à la manière d’un chien qu’on aurait piqué du bout d’une pique. Sur ses gardes, il se serra un peu plus contre lui-même.

« Non ! »

Remarquant qu’il se trahissait par sa réaction excessive, il décida de se rattraper immédiatement en ajoutant :

« Je vais me contenter de libérer mon flanc … inutile de tout enlever, la froideur des lieux ne ferait qu’aggraver les choses. »

Piètre tentative pour cacher son lourd et terrifiant secret, mais cela valait mieux que rien. Au pire le penserait-elle prude, ou quelque chose du genre. Quoi qu’il en soit, il n’était pas prêt à la laisser ne serait-ce qu’effleurer du regard ce qu’il y’avait sous son manteau. Les Architectes seuls savaient ce qui passerait alors.

Mais pour le moment, le temps pressait et son corps perdait lentement en vitalité à mesure qu’une flaque écarlate se répandait sous le blessé.

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