[Terminé] [Event mondial] Pavillon My'trän

“Un grand médecin est d'abord un guérisseur qui d'autre part a appris la médecine.”
- Maurice Druon

Elle se sent très vite coupable d'avoir estropié le nom de cet Architecte... Fort heureusement le médecin - ou plutôt le fidèle de Möchlog - ne semble pas s'en être formalisé. Du moins, pas si elle se fie au sourire qu'il lui adresse ou à la gratitude qu'il exprime à travers ses mots. Katharina adresse ensuite un léger signe de tête à Fredrik pour lui demander de suivre les instructions de cet homme et de déposer Sanaë. Il obtempère après une seconde d'hésitation, trahissant son manque de confiance envers les capacités curatives des résidents de My'trä.

De son côté elle n'aspire qu'à pouvoir voir de ses propres yeux les miracles que ces gens peuvent produire. Elle a parfois eu l'occasion de voir les mages à l'oeuvre lorsque elle vivait à Aildor. Mais c'était plutôt rare et toujours par hasard. Là, maintenant, elle est aux premières loges. Spectatrice volontaire d'un spectacle qui aura pourtant lieu au détriment de la victime du dragonnet. Elle se sent brièvement coupable de ressentir ce genre d'excitation alors qu'elle souffre. Davantage encore lorsque l'intéressée la remercie à son tour pour son intervention.

"Ce n'est pas grand chose..." tente-t-elle presque de se justifier, gênée.

Elle hausse les épaules comme pour souligner la normalité de son acte. Pourtant elle se rend bien compte que la plupart des gens semblent avoir oublié la notion-même d'aider son prochain. Comme s'ils réservaient à leurs seuls connaissance l'honneur de leur soutien. L'adolescente tente de leur trouver des excuses. Est-ce la vie qui change tant les adultes? Pourquoi ont-ils oublié que tendre la main aux autres ne coûte rien? Elle est peut-être mal placée pour porter un jugement, elle qui a pratiquement toujours vécu à l'abris du besoin. Mais cette constatation la révulse autant qu'elle lui fait peur...

Katharina laisse vagabonder son regard à l'intérieur de la tente et plus particulièrement sur les différents objets ou livres qui lui donnent un cachet bien différent des cabinets traditionnels daënars. C'est un nouveau monde qu'elle découvre. Et les livres sont bien loin de retranscrire la vérité. La fille de Ludwig se sent privilégiée de pouvoir assister à tout ceci. Mais en a-t-elle seulement le droit maintenant que sa présence ne semble plus être nécessaire?

"Puis-je rester encore un peu?" demande-t-elle avant de poser une nouvelle fois le regard sur la blessée puis sur le guérisseur. "Si bien sûr cela ne vous gêne pas, Sanaë? Ou vous, Monsieur? Je... Je me ferai très discrète. Comme une souris!"

Elle n'est pas certaine du poids d'un tel argument mais il lui semblait judicieux au moment où elle l'a évoqué. Le secret médical est un concept sacré au sein de l'UNE. Elle doute qu'elle serait la bienvenue lors de la consultation d'une personne qu'elle ne connaît pas. Mais peut-être que les mages ne se formalisent pas de ce genre de choses? Et puis elle s'en serait sûrement voulue si elle n'avait pas posé la question... La spontanéité n'est-elle pas l'apanage de la jeunesse?

"J'aimerais également prendre en charge les frais de cette consultation!" ajoute-t-elle avec plus de sérieux. "J'ai quelques irys sur moi mais je peux également vous faire un chèque ou vous signer une reconnaissance de dette si vous préférez?"

À vrai dire elle ne sait pas vraiment combien peut coûter l'intervention d'un fidèle de Möchlog. Ni même de quelle manière ils se font payer. Sur Daënastre les irys sont rois. Mais qu'en est-il sur My'trä? Ont-ils plutôt recours au troc? Ont-ils seulement des banques? Tant de questions se pressent sur le coin de ses lèvres... Mais par égard pour la situation ou tout simplement pour ne pas déranger plus que nécessaire le guérisseur, elle se fait violence pour les réprimer.

Toujours est-il qu'en attendant une réponse de la part des protagonistes et - l'espère-t-elle - et l'autorisation de rester aux côtés de Sanaë, Katharina saisit une nouvelle fois avec douceur la main de la blessée. Comme pour lui rappeler que tout ira bien et que la douleur sera bientôt un mauvais souvenir. Maintenant qu'elle est entre de bonnes mains, les choses ne peuvent que s'arranger, non?

“Le plaisir des bons coeurs, c’est la reconnaissance.”
- Jean-François de La Harpe

Il ne réclame pas le moindre paiement? Katharina observe le guérisseur en se demandant s'il profite de sa crédulité pour se moquer gentiment d'elle ou s'il est vraiment sérieux. Sur Daënastre, la moindre petite chose est payante. Et lorsqu'une personne vous offre quelque chose, c'est souvent avec une arrière pensée. Du moins est-ce ainsi que les choses fonctionnent dans les strates les plus élevées de la société. Il faut se méfier de tout, constamment. Mais ce constat peut-il décemment s'appliquer à un My'trän? Si elle savait qu'il y avait des différences culturelles, l'adolescente ne soupçonnait pas leur ampleur.

Elle lève les yeux vers Fredrik avec un air satisfait sur le visage: comment pourrait-il encore considérer les Enfants des Architectes comme un danger après cette démonstration d'altruisme? Elle regrette que les soins n'aient pas été dispensés dans l'une des allées du pavillon, là où nombre de ses compatriotes auraient pu assister à cette scène. Mais l'essentiel reste que Sanaë soit tirée d'affaire. Et pour le coup, elle ne peut que constater l'efficacité avec lequel ce mage l'a débarrassée de ses brûlures. Sans être une spécialiste dans le domaine, Katharina doute qu'un médecin daënar aurait pu arriver à un résultat pareil en si peu de temps...

L'héritière Strauss observe alors scène qui s'ensuit avec émerveillement, ayant l'impression d'assister à un rêve éveillé. Son aînée offre un présent à son bienfaiteur. Plus que l'objet en question, ce sont les mots qui l'accompagnent qui font le bonheur de l'adolescente: cette femme avoue clairement son admiration pour les my'träns. La sympathie que Katharina éprouvait déjà pour elle se renforce immédiatement, irrémédiablement. D'autant plus qu'elles ont affronté le même cas de figure: l'hostilité des leurs pour tout ce qui a attrait aux mages. Cette rencontre, bien qu'impromptue, est de nature à lui redonner espoir. Oui, il y a d'autres personnes qui partagent ses idées!

"Moi je vous comprends, Sanaë!" sourit-elle. "Et pour un peu je remercierais ce dragonneau de nous avoir permis de nous rencontrer!"

Elle se sent ensuite un brin mal à l'aise lorsque l'intéressée la remercie. Déjà parce qu'il n'est pas à le faire. Mais aussi parce que le fait d'évoquer ses parents lui rappelle le vide qui a pris place dans son coeur depuis quelques moins maintenant. Et puis surtout car elle se sent obligée de refuser le présent de la jeune femme. Elle n'en aurait pas l'utilité. L'adolescente estime même que ce ne serait pas décent d'accepter un tel cadeau. Elle n'en est pas digne!

"Votre reconnaissance me suffira amplement, Sanaë!" lui dit-elle en lui rendant la broche. "Et puis j'ai déjà une montre. Elle ne fonctionne plus, certes. Mais elle me suffit amplement!"

L'héritière Strauss adresse un splendide sourire à la blonde et lui présente sa montre à gousset dont les aiguilles sont figées depuis les événements l'ayant obligée à quitter Aildor. Une façon de lui prouver qu'elle n'acceptera pas son généreux présent. Le regard de l'adolescente glisse ensuite jusqu'à la main malmenée par le dragonneau mais que plus rien ne distingue à présent de sa jumelle. Comme pour s'assurer qu'elle est bel et bien guérie et que son esprit ne lui joue pas des tours.

"Monsieur? Comment faites-vous cela?" s'étonne-t-elle encore. "Je veux dire... Est-ce que vous priez votre Architecte pour qu'il agisse à travers vous? Est-ce vous qui l'avez soignée ou... lui?"

Katharina observe autours d'elle une nouvelle fois pour s'assurer que personne d'autre n'a besoin de soin. À vrai dire elle n'a pas envie de quitter ces deux personnes. Elle les trouve sympathique - bien davantage que Fredrik - et craint que ces charmantes rencontres ne soient qu'une trop brève interlude à une forme de solitude. Elle n'hésite ainsi que très peu avant de reprendre la parole:

"Vous accepteriez de venir boire un thé - ou autre chose - avec moi?" s'enquit-elle, passant son regard sur Sanaë et le guérisseur. "Ne me forcez pas à aller me faire mordre par l'une des créatures de ce stand pour être un peu plus longtemps en votre compagnie!"

Une remarque espiègle doublée d'une idée qu'elle envisage sérieusement l'espace d'un instant. Elle hausse les sourcils et leur jette un regard imprégné d'attente tandis que Fredrik, à ses côtés, lève les yeux au ciel...

Elle regarde sa montre puis Sanaë en tentant de ne pas être trop hésitante. Il est vrai qu'un objet comme celui-ci ne sert pas à grand chose s'il n'est plus capable d'indiquer une heure correcte. Mais plus que sa valeur pratique, c'est davantage la sentimentale qui prime. Ces aiguilles figées dans le temps lui rappellent sans cesse la mort de sa mère et de celui qu'elle a longtemps considéré comme son père. Elles évoquent la trépas d'une famille et les derniers souvenirs qu'elle en a. Mais également les regards et les derniers mots qu'ils lui ont adressés. Ou encore leurs sacrifices qui lui ont permis de continuer à vivre. Cette montre est un rappel doux et douloureux à la fois.

Mais les pages sont faites pour être tournées. Katharina sait qu'elle doit passer à autre chose et que vivre dans le passé n'apporte rien de bon. Elle pose le regard sur l'objet à la vitre brisée en la caressant de son pouce. Puis elle la tend à Sanaë en hochant positivement la tête. Mais si elle tente d'accompagner cette prise de décision d'un sourire, elle n'y parvient pas. Pas vraiment, en tout cas. Le fait est qu'elle accorde sa confiance à la blonde pour réparer l'objet.

"Elle est tombée et la vitre s'est brisée! J'imagine que son mécanisme s'est... déboîté dans le processus." explique-t-elle en réponse aux interrogations de la blonde. "J'espère qu'elle ne vous causera pas trop de soucis, en tout cas!"

L'héritière Strauss n'y connait rien en montre. Et si elle imagine bien que cette montre à gousset n'est pas d'entrée de gamme, il n'en reste pas moins que la complexité exacte de son mécanisme lui échappe. Tout ce qu'elle espère, c'est que Sanaë n'aura pas besoin de trop de temps pour la réparer. Si le fait d'être séparée de l'objet pèse évidemment sur ses inquiétudes, c'est surtout le fait qu'elle ne souhaite pas s'accaparer un temps que la blonde pourrait mettre à profit pour d'autres choses.

Toujours est-il que la guérisseur, de son côté, accepte volontiers l'offre de venir partager une collation en compagnie des deux daënars. De quoi ravir l'adolescente qui fait de son mieux pour ne pas sautiller d'excitation sur place. Face à la magie des Enfants des Architectes, elle est semblable à une enfant qui trépigne d'impatience à l'approche des fêtes. Katharina devra tout de même prendre son mal en patience avant d'en savoir plus sur les secrets de la magie. Ou, du moins, sur certains d'entre eux. Il n'y a plus qu'à espérer que l'homme ne soit pas trop avare en détails. Ou qu'il ne soit pas las d'expliquer ce que certains pourraient considérer inexplicable aux curieux de Daënastre...

Katharina s'efface pour laisser Sanaë passer la première. Elle s'inquiète au passage du gargouillement de l'estomac de cette dernière. A-t-elle les moyens de se nourrir? Ou est-elle de ceux qui sont trop absorbés par le travail pour oublier la nécessité des repas? Elle hésite à lui poser la question avant de se raviser: cela ne le concerne pas. Et puis la blonde prendrait peut-être mal une éventuelle question à ce sujet. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que l'adolescente s'arrangera pour qu'elle termine son plat.

"Je suis passée devant un stand qui sert des repas issus de nos deux peuples!" explique-t-elle en chemin. "Tenez, il est là!"

L'héritière Strauss a constamment l'occasion de manger de la nourriture raffinée. L'ennui, c'est que ce mot semble obligatoirement s'accompagner d'une évidence: l'assiette est souvent bien trop vide. Un désagrément compensé par de multiples plats - et une vaisselle monstrueuse pour les employés de la demeure familiale - et de multiples saveurs. Mais cette fois-ci Katharina a bien l'intention de n'écouter que son estomac. Elle veut manger quelque chose de gras. Et avec les mains, s'il-vous-plait!

Mais malheureusement un jeune homme fend la foule et s'arrête à moitié essoufflé devant elle. Après les salutations d'usage et un vague regard à Sanaë et au guérisseur, il tend un pli à l'adolescente qui l'observe avec un mélange de curiosité et d'appréhension. Les vêtements du coursier témoignent qu'il travaille pour le stand Strauss. Le message, quant à lui, porte une écriture qu'elle reconnaîtrait entre mille. Dommage...

"Je vous prie de bien vouloir m'excuser mais je dois m'absenter!" regrette-t-elle. "Je ferai de mon mieux pour vous rejoindre au plus vite, promis! Attendez-moi, d'accord?"

C'est davantage une supplique qu'une demande. Elle s'en veut d'avoir été l'instigatrice de tout ceci et de devoir s'absenter. Mais les obligations passent avant le plaisir. Une évidence qui l'a toujours laissée sceptique mais à laquelle elle doit malgré tout se plier. Katharina adresse un sourire à l'ancienne blessée et à son sauveur, accompagné d'un petit signe de la main. Puis elle jette un regard à Fredrik qui semble étrangement soulagé.

Avec regret, le duo daënar prennent alors une autre direction et disparaissent bien vite dans la masse mouvante formée par cette foule bruyante...

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