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 :: Les terres d'Irydaë :: Nislegiin
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 Traces de sang [Kushi & Aesa]

Kushi Virevenlte
Kushi Virevenlte
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Traces de sang [Kushi & Aesa] EmptyJeu 26 Mar - 19:37
Irys : 141714
Profession : Eleveur de chevaux, chasseur et marchand nomade
Pérégrin 0
La traversée des montagnes n'avait pas été une petite balade de routine. La saison sèche ne s'opposait pas, en milieu montagnard, à un crachin quotidien qui détrempait la terre et faisait chanter les plantes. Ce n'était pas les pluies torrentielles de la saison des pluies, loin de là, ces pleurs du ciel qui annonçaient les grandes chasses au khippogin. Kushi Virevenlte nota avec un pincement au cœur qu'il ne pourrait sans doute pas y participer cette année-là, si tant qu'il revenait en vie auprès des siens pour les années suivantes.

Il se sentait envahi de moroses pensées depuis qu'il s'était réveillé à la petite aurore, les habits déjà détrempés d'humidité. Entre deux jurons qui avaient fait dresser la huppe de Sarangerel, il avait immédiatement sauté vers ses fontes pour vérifier l'état de son matériel ; le cuir de Dyen était suffisamment de bonne qualité pour lui avoir épargné des soucis supplémentaires.

Non, s'il devait être honnête avec lui-même, ce n'était pas un problème d'humidité qui le dérangeait, même si chevaucher avec le pantalon collant désagréablement à la peau n'avait rien de confortable, et qu'il était un homme raffiné aimant son petit confort. Il était aussi un nomade de Nislegiin habitué à ces rudes chevauchées dans la jungle de la saison des pluies.

Puis il avait fait froid, aussi, quand il avait commencé à prendre de l'altitude mais Batbayar était chaud entre ses cuisses et son écharpe avait suffisamment séchée dans la matinée pour réchauffer son cou et son visage meurtris par la brise un brin trop fraîche. Ce n'était toujours pas cela qui lui plombait le moral et éteignait les flammes fougueuses de son regard.

Il commençait plutôt à regretter son impulsivité. Il était parti sur un coup de tête après tout, une intuition, une révélation même ! Sitôt qu'elle était venue à son esprit, il avait attrapé ses armes, sellé Batbayar et sifflé Sarangerel, avant de s'enfoncer dans les ombres de la nuit. En laissant une lettre adressée au vieux chef Chingis et à Enkhtuya, pour ne pas les inquiéter inutilement, bien évidemment. Ce n'était pas comme s'il abandonnait son clan et les responsabilités qui étaient les siennes depuis la mort de Tömör.

Et en réalité, il ne regrettait pas cet élan fougueux qui lui avait redonné du mouvement aux ailes pour s'élancer sur la piste des meurtriers de Tömör, et de tant de chevaux. Pas exactement. Il se faisait cependant du souci pour son clan alors que  ses deux meilleurs chasseurs seraient absents, l'un ravi par la mort, l'autre par une chasse qui ne souffrait pas d'une quelconque attente.

Mais s'il retrouvait rapidement les voleurs, il pourrait s'en retourner auprès des Chevauche-le-Vent avant que ne résonne le cor de la grande chasse aux khippogin. Bien des mois s'étaleraient encore avant que la saison humide ne revienne. Il n'y avait donc rien à regretter s'il s'avérait suffisamment efficace ; il s'en rappellerait si le moment du regret advenait vraiment.

Quoi qu'il en soit, l'air était lourd, d'autant plus qu'il s'était raréfié avec l'escalade. Le toupet de Batbayar lui collait aux yeux et le cheval reniflait de plus en plus en secouant la tête de haut en bas et de droite à gauche pour dégager sa vision. « Doucement, mon vieux. Je m'en occupe. » Cavalier émérite, Kushi dégagea ses pieds des étriers, une cordelette rouge entre les dents, pour s'allonger sur l'encolure de son cheval qui ne ralentit pas son trot, remettant sa confiance aveugle dans son maître ; l'étalon eut bientôt un fier palmier entre les deux oreilles lui dégageant la vue.

Fier de son petit travail esthétique, le nomade se rassit en selle en attrapant distraitement sa boussole pour vérifier qu'ils continuaient toujours de trotter dans la bonne direction. Les sentiers tortueux des montagnes pouvaient s'avérer malicieux pour les voyageurs imprudents, ou trop confiants. Et il n'aimait pas suffisamment ces chemins escarpés pour apprécier s'y perdre.

Batbayar avait beau avoir le pas sûr, il n'était pas une chèvre.

***

Il y eut d'autres nuits froides et humides, surtout humides, et d'autres journées de chevauchées solitaires avant que le relais de la falaise inférieure de Dyen soit en vue. Du monde s'y pressait encore malgré l'heure tardive du début de soirée. Kushi fixa la ville avec une moue dubitative. D'un côté, il avait hâte de pouvoir prendre un bain chaud et changer cette tenue collante et puante qu'il traînait depuis quelques jours. D'un autre côté, il n'était pas particulièrement pressé de s'enfermer dans une ville, loin des vastes espaces auxquels il était habitué.

Être arrivé à Dyen lui rappelait également la raison de son départ et tous les mauvais souvenirs associés. Rien de tel que le souffle d'un cheval sous soi pour oublier les tourments de son âme. Et avec la mémoire revenait l'ouragan de sa colère, la tempête de sa douleur, le cyclone de sa vengeance ; il allait décidément camper une dernière nuit dehors, histoire de se remettre un peu de sens dans la cervelle.

Faisant tourner bride à Batbayar pour s'éloigner du sentier menant au relais, le nomade leva le bras vers le ciel en sifflotant le trille bien connu. Il n'y eut aucun retour pendant une bonne minute mais il continuait de faire avancer le cheval avec un petit sourire en coin. Une ombre le surplomba bientôt alors que Sarangerel glapissait joyeusement en sa direction. L'aigle forestier voleta deux-trois fois autour d'eux, s'amusant à ébouriffer les cheveux de son maître et la crinière de Batbayar, avant de daigner se poser sur le perchoir humain.

Kushi ploya quelque peu sous son poids en ricanant de sa propre surprise ; la harpie féroce semblait pleine d'une dernière proie et ses huit kilos de muscles et de plumes pesaient lourdement sur lui. Le sentant quelque peu glisser de sa selle, Sarangerel s'installa plus confortablement sur son dos, trifouillant sans vergogne l'écharpe et la capuche du nomade. « Bonne chasse, ma belle ? Ce n'est pourtant pas ton terrain.» murmura Kushi en grattouillant le doux plumage sans quitter la route des yeux.

Il repéra rapidement un coin tranquille, un renfoncement dans la paroi des montagnes, entouré de quelques arbres, un endroit propice pour établir un campement. Il sauta de selle sans demander l'arrêt à Batbayar pour vérifier qu'aucune rencontre indésirable ne les attendait dans les recoins de la roche et indiqua du bras une branche à Sarangerel.

Ayant ôté sa selle et son mors à Batbayar, qui trouvait joyeusement son compte d'herbe dans les environs, Kushi attrapa sa gourde et des lamelles de viande séchée pour aller s'asseoir sur un rocher dont la vue donnait sur le relais, et au fond, majestueuse de grandeur, sur la splendeur de Dyen.

« Et bien, nous y voilà, Tömör. Il se pourrait que je retrouve la trace de ces pillards qui nous ont fait tellement de torts. Plus aucun cheval n'aura à subir cette horrible et infamante mort. » La vengeance tempêtait toujours dans un coin de son esprit mais Kushi ne comptait pas laisser la violence de ce vent renverser sa véritable nature. Il obtiendrait plutôt réparation et apaiserait les tourments de son coeur en se rendant utile, en payant la dette de sa vieille imprudence.

Demain. Une nouvelle aube pour une nouvelle tâche. Grignotant ses lamelles de viande, le nomade ferma les yeux pour apprécier la brise légère qui jouait avec ses cheveux, une vieille comptine d'enfant s'élevant de ses lèvres qui souriaient au souvenir.


Dernière édition par Kushi Virevenlte le Lun 30 Mar - 18:59, édité 1 fois

Aesa Ishara
Aesa Ishara
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Traces de sang [Kushi & Aesa] EmptyLun 30 Mar - 18:23
Irys : 199969
Profession : Chasseuse / Mercenaire
My'trän +2 ~ Kharaal Gazar
« Je suis navrée. Cela n’aurait jamais dû se produire… Puisse les Architectes accueillir ton âme avec bienveillance. »

Aesa releva le menton, le visage face au ciel. La mage avait les yeux fermés, soufflant en profondeur pour apaiser les palpitations de son cœur causées par l’adrénaline du combat récent. D’un point de vu extérieur la kharaalienne paraissait au mieux impressionnante au pire complètement effrayante. Son corps recouvert de tatouages et de peintures guerrières aux pigments étalés par la pluie fine prolongée était aussi maculé de sang. Du sien, en parti, mais surtout de la bête dont elle était venue à bout.

Hormis cet aspect, la jeune femme portait sa tenue de chasse. Un crâne fendu surmonté de cornes proéminentes ornait son visage, souligné par ses cheveux aux tressés plaquées remontant se nouer dans une coiffure sophistiquée agrémentée de grigri porte-bonheur tintant sous le vent. Côté vestimentaire, la jeune femme avait choisi une tenue simple et légère laissant une large amplitude de mouvement. Aesa s’embarrassait peu de ce côté, préférant largement la fluidité de tenues à priori peu couvrantes aux armures intégrales, bien trop lourdes et encombrantes selon elle.

La chasse n’avait été qu’un amer gâchis dont la kharaalienne n’était pas fière. Attirée par le prix aguichant de la récompense, Aesa n’avait tout d’abord pas réalisé qu’il ne s’était s’agit que d’une supercherie. Serrant les poings de frustration, la mage se mit à grincer des dents. Un muursüld seul n’avait rien de naturel. Seul et aussi proche de Dyen ? On s’était forcément payé sa tête, ces animaux vivent en groupe et au nord de Nislegiin. La fameuse dangereuse créature rôdant dans les proches montagnes ayant soi-disant attaqué un marchand ambulant était une farce au goût âcre… Rien ne collait dans cette histoire. Le fait que l’animal se soit jeté aussi violemment sur la chasseresse. Les muursülds préfèrent la fuite à l’affrontement contre un humain représentant un prédateur avéré, d’autant plus en position d’infériorité numérique… Non, il devait y avoir quelque chose d’autre. En attendant les explications, Aesa devait découvrir la raison de cet étrange comportement. Protégeait-il quelque chose ? Sans aucun doute.

Rouvrant les yeux, la kharaalienne se décida à se mouvoir. Elle s’accroupit devant l’animal, l’observant avec attention. Sa crête était parfaitement formée ainsi que ses longues oreilles. Il ne s’agissait pas d’une Avaagüi abandonnée. De plus, il s’agissait d’une femelle. Celles-ci restent toujours dans grottes… Pourquoi avait-elle quitté la sienne à l’approche de la chasseresse ? Il était grand temps que la mage élude ce mystère. La grotte la plus proche ne se trouvait qu’à quelques mètres, légèrement en surplomb de la zone où elles s’étaient battues. Avec prudence la mage grimpa jusqu’à l’entrée, restant toutefois sur ses gardes. Comme elle le savait, les muursülds vivaient en clan. Il était donc probable qu’elle ne soit pas seule bien que la situation inédite laissait à penser le contraire.


« Nom d’un Chunluun en rut ! » Pesta-t-elle.

Il y avait bien un autre animal. Mais il n’avait ni corne ni crête. Le petit être acculé dans le fond de la caverne était un bébé. Sifflant entre ses dents, le regard de la kharaalienne étincela d’une rage sourde. On lui avait proposé de traquer une muursüld et son bébé ! Les deux créatures devaient être terrifiées… Parce que leur présence en ces lieux n’avait rien de naturel. Non seulement elles avaient dû être capturées par des braconniers mais en plus il semblerait qu’ils aient maquillé la chasse pour que personne ne se rende compte qu’elles s’étaient échappées. Aucun doute possible, Aesa allait leur exploser le crâne pour l’avoir forcée à briser cette déjà faible famille.


« Mais qu’est-ce que je vais faire de toi ? »

Soupira-t-elle avant se se rapprocher en douceur puis de s’agenouiller à quelques pas. Elle glissa la main dans la sacoche accrochée à sa taille puis tendit le bras, rouvrant la paume. Une délicieuse odeur de viande séchée s’en échappa.

« Aller, viens, je ne te ferai aucun mal petit. »

L’animal resta tout d’abord sur ses gardes de longues minutes mais en voyant l’humaine poser au sol la nourriture et s’en éloigner il sembla hésiter. Aesa ne comptait pas brusquer le petit être, aussi elle décida de s’asseoir à l’entrée de caverne. A son tour, elle sortit une lamelle de viande qu’elle croqua. Finalement l’animal décida de braver le danger et se mit à trottiner vers l’offrande posée au sol. Il s’en saisit vivement avant de retourner au fond de la grotte. Le met fut englouti avec une vitesse fulgurante, le petit devait être affamé… Ce qui expliqua que celui-ci finit par s’aventurer près de sa colocataire bipède, l’observant attraper les lamelles de viande avant de tenter d’y fourrer son museau. L’humaine le saisit d’une main, apposant un doigt autoritaire.

« Petit voleur ! Il suffit de demander. » Le posant sur ses genoux, Aesa lui tendit un morceau. « Tiens, tu vois, c’est pour toi. »

Lorsque la confiance fut instaurée entre eux, Aesa décida qu’il était temps de repartir. Gardant le petit être contre elle, la chasseresse fit un détour pour retourner auprès de Litha, sa fidèle Salkhi. Inutile que le petite bébé voit sa mère, sa vie était déjà assez perturbante comme cela. La créature tremblait dans les bras de la jeune femme d’une peur fort compréhensible, accentuée lorsque ses deux yeux en amande se posèrent sur la gigantesque monture munie de cornes qui les attendaient. Celle-ci redressa la tête à l’approche de son humaine, émettant un soufflement à la vue de la créature accaparant les bras d’Aesa.

« Litha, sois gentille. » Réprimanda aussitôt la chasseresse. « C’est un bébé et il a besoin d’une famille. »

S’approchant, Aesa flatta l’encolure de sa fidèle Salkhi afin de l’apaiser. Elle déposa le petit animal dans l’une des sacoches accrochée sur la selle aménagée de sa monture puis elle fit signe à Litha se se pencher pour la laisser monter à son tour. Un coup d’œil avertit lui fit prendre la mesure du temps écoulé. Bientôt la nuit tomberait. La jeune femme n’atteindrait pas la ville ce soir mais elle pouvait tout au moins s’en rapprocher.

Flattant Litha, elle l’encouragea à s’élancer sur ses hautes jambes, galoppant à grandes foulées. L’avantage certain d’une monture pareille était son incroyable capacité d’adaptation peut importe la nature du terrain. La Salkhi paraissait même éprouver une certaine joie à parcourir les sentiers escarpés.


***

« Tout doux Litha. On va s’arrêter ici pour ce soir. »

L’endroit était en retrait du sentier principal. Ce serait parfait pour le petit nouveau. Encore une fois, Aesa ne tenait pas à l’effrayer davantage en le confrontant à un possible groupe d’humains ou en s’installant sur un chemin passant. Non loin se trouvait un renfoncement qui pourrait vaguement lui rappeler la sécurité d’une grotte. C’était mieux que rien.

Mettant pied à terre, Aesa reprit le bébé dans ses bras, ignorant superbement le regard jaloux de Litha qui marchait au pas à ses côtés. Cependant en s’approchant la chasseresse fut déçue de constater que la place était visiblement déjà prise. Un homme avait déjà prit place, son cheval hennit d’ailleurs en sentant la jeune femme approcher. Consciente de son allure pour le moins sauvage et quelque peu préoccupante, elle recula de quelques pas. Ce n’était surement pas une bonne idée de s’arrêter ici. Celle-ci inclina tout de même respectueusement la tête, à défaut d’avoir les mains libre.


« Excusez-moi, je pensais que la place était libre. »

Kushi Virevenlte
Kushi Virevenlte
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Traces de sang [Kushi & Aesa] EmptyLun 30 Mar - 21:40
Irys : 141714
Profession : Eleveur de chevaux, chasseur et marchand nomade
Pérégrin 0
Alors qu'il mâchonnait sa viande en observant d'un air vague les contours de Dyen qui disparaissaient peu à peu dans les ombres de la nuit, l'auréole d'un feu de camp dans son dos, Kushi ne pouvait que laisser son esprit vagabonder. Comme souvent ces cinq dernières années, il s'égarait dans les souvenirs de Tömör et il n'avait pas le coeur, pas assez de courage, pour s'en détacher ; son ami lui manquait simplement trop et il trouvait un certain réconfort dans les fantômes de sa mémoire.

La voix fantasmée de Tömör le tançait pourtant, et ce n'était pas qu'il aimasse particulièrement ce ton réprobateur, mais il appréciait en entendre les échos. Comme souvent, la réprimande de Tömör tombait juste. Elle lui rappelait que son impulsivité avait été un peu stupide sur les bords. Avec les derniers jours de mars qui s'enfuyaient, le clan des Chevauche-le-Vent n'allait pas tarder à faire route vers Dyen pour effectuer le Grand Troc.

« Mais Tömör, les Grandes Chasses n'ont pas été concluantes cette année. Il manquait trop de chevaux, trop de chasseurs, trop de cœur à l'ouvrage. Nous n'avons pas rassemblé suffisamment de viande et de peaux de khippogin. Le vieux Chingis, ton père, il a donc décidé de retarder le départ pour Dyen. Je ne pouvais attendre, pas encore, pas plus longtemps. » Il leva ses murmures vers les étoiles. « Tu peux bien le comprendre, n'est-ce pas, Tömör ? Tu as toujours tout compris à mon propos, sans que je n'ai besoin de l'exprimer. » Sauf ce que Kushi n'avait jamais compris, jusqu'à ce qu'il soit trop tard. Les choses auraient-elles été différentes ? Non, rien n'aurait changé, si ce n'est l'ampleur de sa douleur peut-être.

Son monologue avait attiré l'attention de ses compagnons à poils et à plumes. Batbayar avait cessé de brouter pour redresser la tête et le regarder avec les oreilles qui s'agitaient d'avant en arrière. Kushi lui sourit faiblement pour le rassurer et le cheval, peu dupe, souffla par les naseaux avant de reprendre ses affaires, fouettant négligemment l'air de la queue. « Je suis une telle cause perdue, Batbayar ? » demanda-t-il d'un air un peu amusé. Le cheval lui tourna le dos en agitant à nouveau la queue, ce qui le fit rire malgré sa tristesse.

Sentant qu'il n'était pas totalement encore sorti de ses sombres pensées, Sarangerel se laissa glissa de sa branche jusqu'à son dos et tenta de lui piquer sa lamelle de viande. « Mais allons ! Que sont ces manières ! »  ronchonna le nomade en ôtant l'aliment du bec vorace de l'aigle. « Petite chipie ! » Son ton restait affectueux et il coupa la lamelle en deux d'un coup de dents pour partager sa portion avec l'aigle qu'il l'engloutit d'un geste vif du cou. Sa huppe redressée et sa collerette gonflée, Sarangerel tourna la tête sur le côté pour le regarder, quémandeuse. « Viande ou caresses, hein, ma belle ? » marmonna-t-il en lui ébouriffant les plumes du torse.

Un bruit de pas fit soudainement dresser la tête de Batbayar qui hennit farouchement, l'encolure tendue et la queue fouettant l'air. Sarangerel s'envola du dos du nomade pour s'élancer dans les airs mais elle ne s'éloigna guère, n'aimant pas spécialement l'obscurité. Kushi plissa des yeux pour tenter d'apercevoir ce qui venait vers eux, la main sur son cimeterre qui ne le quittait plus depuis que son clan se faisait harceler par des chasseurs de chevaux.

Il ne notifia pas sa présence, laissant faire Batbayar. Libéré de son mors, l'étalon retrouvait sa fougue sauvage et il comptait défendre farouchement son cavalier et le bout de terrain qu'ils avaient transformé en campement. Les oreilles aplaties le long de son cou, les naseaux frémissants, le pas sautillant, il semblait prêt à en découdre ; Kushi attendait toujours, réservant son jugement.

Une jeune femme sortit de la pénombre, recouverte de sang séché. A ses côtés cheminait un de ces immenses shalkis de Kolios et elle tenait dans ses bras un bébé muursüld. Les yeux de Kushi s'étrécirent de colère alors qu'un jugement se formait dans son esprit ; le bénéfice du doute adoucit pourtant sa réaction immédiate. Comme l'odeur du sang affolait Batbayar, et manquait de déclencher une charge de sa part, Kushi se leva pour aller poser une main sur l'épaule frémissante de l'étalon qui s'apaisa à son contact, confiant en son calme.

« Bonsoir, étrangère. Il semble que vous ayez eu une dure journée. » la salua-t-il d'une voix neutre, le regard toujours observateur. Elle semblait être une guerrière émérite et il ne voulait pas rentrer en conflit, ayant bien trop à faire à Dyen, et bien trop à perdre dans un combat dénué de sens. Mais il ne pourrait pas y couper si ce qu'il craignait s'avérait véridique. « Il y a une bassine naturelle sur le flanc gauche du recoin, remplie de l'eau de la journée. Vous pouvez vous y débarbouiller. Ensuite, nous pourrons discuter. »

Sans s'en rendre compte, il avait pris une voix de commande, autoritaire et ferme, celle qu'il commençait à utiliser depuis que la mort de Tömör avait placé des responsabilités sur son dos. Elle lui devenait naturelle, lui collant le corps comme une seconde peau, et ne sonnait plus forcée comme lors de la première année. Tömör serait fier, encore une fois, s'il pouvait le voir ; il chassa son ami de son esprit pour se concentrer sur le présent. « Je suis Kushi fils de Ganbataar des Chevauche-le-Vent. J'aimerais savoir ce que fait ce jeune muursüld dans vos bras plutôt que chez lui, loin à l'ouest du Nislegiin, auprès de sa meute. »

Son regard dur la transperça de sa flamboyance. Si elle avait trempé dans un commerce d'animaux, il n'aurait aucune pitié pour elle. Pas lorsque la vision des têtes tranchées des chevaux volés dansait dans son esprit, marque brûlante de sa blessure. « Une fois ce conte narré, je pourrais alors trancher entre dégainer mon cimeterre et vous défier en duel ou vous offrir le lait de jument chaud, comme il sied à un Chevauche-le-Vent d'accueillir une inconnue au près de son feu. » Kushi se décala sur le côté pour l'inviter du bras à accéder à l'eau. Il ne ferait aucun geste, ni accueillant ni menaçant, tant qu'il n'en saurait pas plus.

Aesa Ishara
Aesa Ishara
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Traces de sang [Kushi & Aesa] EmptyMar 31 Mar - 17:20
Irys : 199969
Profession : Chasseuse / Mercenaire
My'trän +2 ~ Kharaal Gazar
Voilà qui était fâcheux. L’étalon se révéla être particulièrement farouche. Non seulement il s’était mit à hennir mais il montrait des signes d’hostilité contagieux… Litha s’était placée entre eux, faisant barrage de son corps, raclant le sol avec irritation, tête penchée en signe d’avertissement. Quant au bébé, il se mit à couiner de détresse en réponse à cette soudaine agitation. Heureusement que la jeune femme avait eut la présence d’esprit de s’exprimer avec calme afin d’établir un possible dialogue. Si sa présence dérangeait, elle s’en irait sans s’en offusquer.

L’homme qui avait établit sont camp en ces lieux s’avança alors, dévoilant son visage à l’intruse. Il devait s’agir d’un nomade, cela se voyait à son teint aussi hâlé que celui de la kharaalienne. Il se dégageait quelque chose de flamboyant de lui, sans aucun doute dû à sa tenue chatoyante et sa chevelure lumineuse, bien loin de son attitude actuelle. Il était méfiant et sur ses gardes, Aesa n’irait pas l’en blâmer, bien consciente que les apparences n’étaient pas de son côté. Elle avait l’air d’un fauve sanguinaire ainsi drapée de sang et de peinture mélangés. L’homme tempéra son cheval, l’accueillant malgré tout avec politesse. La chasseresse comprenait sa prise de position tout autant qu’elle respectait son sens de l’hospitalité. Il s’avérait que l’homme partageait le même point de vu que l’adepte de Delkii sur le braconnage et ses connaissances animalières semblaient tout aussi pointues.


« Je vous remercie pour votre hospitalité. Les apparences ne sont guère en ma faveur je vous le concède. Permettez-moi de me nettoyer, je pourrais ensuite éclaircir la situation. »

A nouveau Aesa inclina respectueusement la tête. D’un pas sûr, elle s’engagea vers la source d’eau puis déposa le petit muursüld au sol. Plongeant la main dans sa besace elle en sorti une longue lamelle qu’elle déposa devant lui, puis elle se détourna afin de rendre à son corps son apparence d’origine. La jeune femme se défit de son masque, l’accrochant à sa taille avant de glisser ses paumes dans la bassine naturelle. Elle débarbouilla son visage, lui retirant ses peintures de guerre délavées puis elle fit disparaître le sang sur ses membres apparents. Débarrassée de cette couche déplaisante, Aesa avait retrouvé son charisme naturel. Seuls quelques tatouages marquaient sa peau d’une histoire indélébile.

Se redressant, la mage s’avança vers le campement. Du coin de l’œil, elle s’aperçut que le jeune muursüld s’était mit à trottiner derrière elle. Un pâle sourire étira sa joue, très vite disparut cependant. La kharaalienne vint s’asseoir face au Chevauche-le-Vent. Elle tâcha d’ignorer le chatouillement provoqué par les coups de museau de l’impertinent affamé, se contentant de lui tendre une paume réconfortante. Ses pupilles bleu lagon étaient rivées sur son hôte.


« Je m’appelle Aesa Ishara, mais on me nomme également Hiryû, ce qui signifie dragonne. Je fais parti d’un clan de chasseurs, les Cheveyo. Quant à savoir ce que je fais avec un muursüld, il s’agit là d’une aventure fort regrettable. »

La chasseresse baissa les cils, observant avec curiosité le petit animal qui s’était à présent couché contre sa jambe. Recroquevillé en boule, il avait déjà fermé les yeux, prêt à laisser son esprit vagabonder vers de doux sentiers. Aesa releva à nouveau le regard, celui-ci étant teinté de regrets mais aussi d’une force soutenue.

« Voilà une semaine j’ai été engagée par un marchand itinérant installé à Dyen. D’après ses dire une créature roderait dans les proches montagnes et aurait attaqué à plusieurs reprises les voyageurs. La description correspondait à un mogoï, une créature extrêmement territoriale et agressive. Sa présence aussi près de la ville et chassant sur les grands chemins m’a parut suffisamment préoccupante pour que j’accepte de m’en occuper. »

Les paupières de la mage s’abaissèrent tandis que son corps se crispa dans une expression de frustration. Le fait est que la mage avait gâché des jours entiers sur une fausse piste. Mais Aesa était obstinée, cela ne l’avait pas arrêtée pour autant. Quitte à envisager la situation sous un autre angle, la kharaalienne avait foncé tête baissée.

« Ma chasse à tourné court. Au bout de quatre jours de traque intensive il m’a parut évident que mon employeur s’était fourvoyé. Non seulement je n’ai relevé aucune empreinte caractéristique du passage de cet animal mais je n’ai recueillit aucun témoignage concordant avec le marchand. Cependant j’ai relevé d’autres traces. L’hypothèse d’une autre créature, bien plus prudente dans son mode de chasse m’a effleuré l’esprit tout autant que la possibilité d’une attaque envers un être humain ait put relever d’une réaction défensive. J’ai dont persévéré dans cette direction. Si je voulais recevoir ma prime et pouvoir rassurer la population je me devais de découvrir de quoi il en retournait. Finalement c’est en surplomb de montagne que le mystère à volé en éclat. »

Comme si Aesa craignait de provoquer de l’agitation chez le petit muursüld le ton de sa voix se fit plus bas et elle fit taire ses émotions sous-jacentes afin de garder une neutralité dans ses paroles. Seul son regard perçant trahissait son réel état d’esprit. La jeune femme avait été trompée, très lourdement, cela lui était intolérable.

« Vous pouvez imaginer ma stupeur lorsque je me suis retrouvée nez à nez avec une muursüld adulte. Malheureusement, la bête s’est sentie acculée, au lieu de s’enfuir elle s’est jetée sur moi. Je n’ai pas eu d’autre choix que de l’affronter à mon grand regret. Elle s’est battue corps et âme, non pas pour protéger sa propre vie comme je l’ai pensé sur l’instant. Cela n’avait aucun sens. Que pouvait bien faire une muursüld aussi loin de ses terres et de sa meute ? Et qu’est-ce qui pouvait bien pousser cette créature à aller à l’encontre de sa nature craintive ? » Les commissures de lèvres de la mage s’étirèrent lorsqu’elle serra les dents, lui donnant un air sauvage. « C’est là que je l’ai trouvé. La femelle protégeait son bébé. Il m’a été impossible de le laisser là, condamné à une mort certaine. »

Voilà qui expliquait la situation. Maintenant ce serait à l’homme de juger quoi en faire même si la chasseresse avait sa propre idée de la suite des événements. Cette férue de justice au code d’honneur stricte trouverait difficilement le sommeil tant qu’elle n’aurait pas rétabli à la fois son honneur mais également calmé son feu intérieur par les armes.

« Comme vous pouvez le constater ce conte n’a rien de valeureux. Cela vous a-t-il permis d’y voir plus clair me concernant ? Sachez cependant que qui vous choisissez d’en venir aux armes j’aimerais autant le faire à vos côtés plutôt que contre vous. »

Kushi Virevenlte
Kushi Virevenlte
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Traces de sang [Kushi & Aesa] EmptyMar 31 Mar - 23:12
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Profession : Eleveur de chevaux, chasseur et marchand nomade
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Durant toute la toilette de la femme, Kushi resta silencieusement en retrait, la main sur son cimeterre. Son arc reposait près de sa selle dans le recoin, à l'abri des éléments naturels, mais il ne fit pas le moindre geste pour le récupérer ; si un combat se déclenchait, ce serait un corps à corps à ne pas en douter, et son arc lui serait donc d'aucune utilité. Il préférait surveiller la femme attentivement, les yeux étrécis de méfiance, le visage lové dans son écharpe où son sourire se faisait bien rare.

Il appréciait pourtant le calme, et surtout le respect, donc faisait preuve l'étrangère. Il n'imaginait pas les braconniers ou autres voleurs de chevaux être de cet acabit. Mais plus que tout, c'était le comportement du petit muursüld qui finissait de faire peser la balance du bon côté du jugement. Plus il l'observait, plus Kushi se détendait. L'animal avait subi un choc certain, c'était apparent, mais il suivait l'étrangère à la recherche de nourriture et d'affection, comme il l'aurait fait avec une mère de substitution. Il ne réagissait pas comme devant un bourreau impitoyable.

Kushi resta aussi silencieux et immobile qu’un rocher illuminé par le feu de camp, de par la flamboyance de ses cheveux et de ses yeux, lorsque l’étrangère vint s’asseoir devant lui. Le visage toujours caché dans son écharpe, il se contentait d’observer sans vergogne sous toutes les coutures, espérant déceler la duplicité si elle devait en cacher sous ses traits francs. Un glapissement strident se fit soudainement entendre alors que Sarangerel quittait les hauteurs du ciel pour revenir se percher sur la branche qui surplombait le campement. Ses yeux perçants se fixèrent avec faim sur le muursüld et elle claqua plusieurs fois du bec en tournant la tête de droite à gauche, regardant tour à tour son maître et sa proie.

Comme il ne désirait pas briser l’ambiance solennelle qu’avait pris le silence dont il accablait l’étrangère en attendant son récit, le nomade ne fit que claquer doucement de la langue en agitant une main négative. L’aigle gonfla ses plumes de bouderie et partit s’installer sur le dos de Batbayar qui se dressait entre le salkhi et le campement d’un air protecteur ; tant que son cavalier ne serait pas confiant, l’étalon n’arriverait sans doute pas à apaiser la ligne dure de ses muscles. Il avait connu trop d’attaques de prédateurs sur les troupeaux pour faire preuve d’une telle imprudence.

Les yeux de Kushi revinrent sur l’inconnue alors qu’elle commençait à parler en donnant un nom à son visage. Il inscrivit l’information dans un coin de sa tête et la laissa poursuivre son récit sans l’interrompre. Mais à mesure qu’elle avançait dans son conte, les poings de Kushi se serraient d’indignation. Était-ce le fait de vivre dans une cité qui rendait certains Hommes de Dyen capables d’une telle infamie ? Oubliaient-ils si aisément le rapport d’harmonie avec la Nature qu’avaient leurs frères et sœurs nomades ? Kushi en était malade rien que d’y penser.

A ces muursülds emmenés si loin de leur terre pour servir il ne savait quels intérêts. A ces chevaux massacrés pour leur viande, éviscérés contre un arbre sans cérémonie ni respect d’aucune sorte, décapités et écorchés avant de laisser leurs dépouilles profanées comme seuls signes de toute cette barbarie. La vision brûlait toujours les yeux de Kushi, encore plus lorsque ses rêves s’égaraient dans les profondeurs des cauchemars.

Quand l'étrangère eut terminé son histoire, Kushi laissa le silence s’éterniser encore quelques souffles, afin de prendre un peu de recul dans l’ouragan de ses émotions. Il avait gardé son écharpe remontée jusqu’à son nez et ses mèches rebelles cachaient en partie ses yeux alors qu’il baissait la tête d’un air songeur ; il n’était donc guère lisible et c’était pour le mieux. Un cyclone se levait dans ses yeux. Ce ne fut qu’une fois qu’il eut calmé les affres de ses bourrasques qu’il abaissa l’écharpe et fixa la chasseresse droit dans les yeux en toute franchise.

« Il semblerait, Aesa Ishara du clan Cheveyo, que ce marchand sans scrupule se soit servi de vous, et de vos compétences évidentes, afin de terminer son sale boulot. Je ne sais trop ce qu’il voulait faire de cette pauvre femelle muursüld afin de satisfaire ses viles exigences mais la chose aura mal tournée pour lui et vous lui avez permis de se débarrasser de cette épine dans le pied. » Il était peut-être un peu dur mais il ne pouvait se sortir de l’esprit que l’animal était mort en vain, pour rien, que cette chasse n’avait mené à aucune gloire ni festin. « Je rajouterai que je veux le nom de ce marchand car il m’est inconcevable que les Chevauche-le-Vent puissent être en affaire avec une telle crapule, par ignorance, alors que notre Grand Troc se tiendra bientôt à Dyen. Ce nom, je l’enverrai à mon clan par le biais des ailes puissantes de Sarangerel et il sera à jamais un indésirable pour notre commerce. »

Il fixa longuement la femme avant d’ajouter : « Quant à mon jugement, il sera franc.  Vous avez manqué de discernement, Aesa Ishara du clan Cheveyo, et vous devez vous entraîner davantage afin de ne plus avoir à tuer un animal qui ne fait que se défendre. » Ses yeux s’adoucirent quelque peu alors qu'il enchaînait. « Tous les chasseurs ont à réfléchir à leur art un jour ou l’autre. Ils ont alors le choix : se remettre en question et avancer sur le chemin de la vie ou s’entêter à reproduire l’erreur et courir à la mort. J’en ai fait les frais, moi aussi, il y a trois ans, et si je ne m’en remets guère malgré mes efforts, j’ai appris quelque prudence dans l’affaire. »

Kushi rejeta la tête en arrière pour plonger son regard dans les étoiles, incapable d’offrir l’ampleur de sa douleur au regard d’une inconnue. « Il y a trois ans, je n’étais encore qu’un jeune étalon insouciant en toute occasion. » commença-t-il en un souffle ténu, la voix rauque d’émotion. Il se racla la gorge, expira ses sentiments en un souffle profond et reprit plus calmement. « Ce jour-là, il y avait cinq cavaliers en quête d’un troupeau de chevaux qui s’était enfoncé un peu trop loin dans la jungle. Nous n’en comprenions pas la raison jusqu’à trouver des traces étranges ; les pas de voleurs sans cœur ni once d’empathie pour notre détresse. Nos chevaux sont sans doute notre plus grande richesse, une partie de notre vie, de notre âme peut-être, même si nous n’avons pas avec eux la même intensité que le lien qu’un adepte d’Orshin peut avoir avec ses familiers. »

Il coula un regard attendri vers Batbayar qui agitait toujours la tête contre le salkhi et siffla doucement pour attirer son attention. Le cheval dressa les oreilles dans sa direction et accepta à contre cœur d’abandonner son poste pour aller fourrer son museau dans la main tendue. « Ce jour-là, les cinq cavaliers trouvèrent des bandits en train de tuer un de leurs chevaux alors que d’autres en dépeçaient un autre. Ils se battirent, et ils moururent. Seuls deux d’entre eux revinrent au clan, sans les chevaux. Ce jour-là, les Chevauche-le-Vent perdirent leur futur chef, leur espoir, leur soleil dans l’incertitude de l’avenir. » Tömör, son meilleur ami, son mentor, son amour qu’il avait compris trop tard.

Ses yeux durs se posèrent à nouveau sur Aesa. « Alors je peux parfaitement comprendre la rage qui doit vous habiter, Hiryû. Quand je pense que de tels actes barbares sont perpétrés au nom de l’avarice. » Il cracha ce mot avec amertume ; l’avarice lui avait ravi Tömör. « Je suis en chasse des voleurs de chevaux car j’espère une piste à Dyen pour écouler la viande qu’ils extraient des carcasses de nos bêtes. Mais je vous aiderai à traîner ce marchand en justice le temps de trouver leur piste. » Il ne supportait pas l’injustice ni la cruauté gratuite. Kushi se tut, la ligne de la mâchoire dure ; un cyclone finissait de se lever dans l’ambre de ses yeux.

Aesa Ishara
Aesa Ishara
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Traces de sang [Kushi & Aesa] EmptyDim 5 Avr - 21:43
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Profession : Chasseuse / Mercenaire
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Difficile de se prononcer sur les conclusions que Kushi en tirerait, son visage masqué par une épaisse écharpe masquait ses traits mais quel que soit son jugement Aesa ne lui en tiendrait pas rigueur. Elle était une femme simple et droite, pas le genre à s'inquiéter de bien paraître aux yeux des autres. La chasseresse avec fait une erreur mais elle l’assumait pleinement. Du moins avait-elle put donner une mort décente à ce pauvre animal et guider son âme entre les bras réconfortants de son bien-aimé architecte. Il ne restait plus à la kharaalienne qu’à laisser libre court à sa fureur vengeresse afin de pouvoir restaurer son honneur et mettre fin à ces actes de barbarie. Telle était sa mission à présent que le voile sournois s’était levé pour révéler une vérité d’une aussi sombre noirceur.

Les souffles des deux chasseurs se toisant du regard étaient lourds de sens. Kushi leva vers la femme un regard tempétueux, se servant du silence comme d’une lame cinglante tandis que Hiryû laissait échapper d’entre ses lèvres serrées un air aussi menaçant que celui d’un taureau près à charger, les yeux enflammés d’une détermination sans faille. Ils se toisèrent ainsi un  long moment jusqu’à ce que l’homme à la chevelure ardente n’abaisse son tissu dans le but d’exprimer enfin son opinion. Celle-ci était tranchante d’une sincérité pure. Loin de s’offenser devant la sécheresse de ses mots, la chasseresse n’en fut que plus ancrée dans ses valeurs profondes. Cet homme partageait ses valeurs, son code de conduite et son inébranlable sens de la justice. C’était une bénédiction d’être tombée sur lui.


« Je ne saurais en effet taire le nom de ce félon : Il se fait appeler Hereyn le Stoïque. »  Siffla-t-elle avec dédain. « Mais il est de mon avis que ce serait une sanction bien trop douce que de simplement l’exclure de vos commerces. »

Si Aesa était connue pour quelque chose ce ne serait certainement pas pour sa douceur. Son calme stricte acquit au fil d’années d’entraînement ne pouvait malgré tout pas apaiser les élans puissants de ses convictions. Si la guerrière née en son cœur ne saurait laisser passer un tel affront, la diplomate en sa raison saurait moduler son bras. Mais elle ne saurait fermer les yeux sur ces agissements répugnants. Aesa se rendrait en personne étaler le linge sale de cette pourriture et elle traquerait sans remord aucun les associés de ce commerce illégal.

Kushi ne s’en arrêta pas là pour autant. Il estimait tout autant que la jeune femme qu’elle avait manqué de discernement et l’invitait à plus de prudence à l’avenir. Cependant, il avoua sans marquer d’hésitation ne pas en être exempte non plus. Soucieuse de ne pas appuyer davantage à sa douleur, Aesa écouta sans jugement le récit du Chavauche-le-Vent le regard détourné vers les braises du feu de camp. Lui aussi avait déjà fait face à la cruauté sans borne d’individus avides de s’enrichirent au mépris des autres. Le monde n’était en rien lumineux mais bien tâché de nuances parfois ténébreuses. Ce n’était pas la première fois que la kharaalienne avait put le constater et si elle avait put en tirer quelque enseignement c’était bien que cela était inévitable mais que tôt ou tard les mauvaises actions finissaient pas être payées chèrement. D’autant plus si l’on se donnait les moyens de rééquilibrer la balance dans l’autre sens.


« Je vous remercie de votre appuie. Il m’est appréciable de constater que nous nous comprenons tout deux. » Commença-t-elle d’un ton entendu. « Je vous fais la promesse de vous aider en retour. Non pas parce que je vous en serai redevable mais parce que votre tragédie me touche tout autant. Je respecte vos convictions et je les partage. Ce qui s’est produit et intolérable et ne saurait perdurer. »

La jeune femme étira son corps, s’allongeant sur l’herbe fraîche, les coudes relevés soutenant son poids. Elle laissa à son tour ses pupilles se perdre dans l’immensité du ciel étoilé.

« Cela fait bien des années que je voyage à travers My’trä et ses contrées lointaines. Croyez-moi, ces hommes qui vous on meurtri ne seront pas les derniers. J’ai vu bien des choses. L’avarice n’est pas le seul pêché qui règle dans le cœurs des plus faibles. La luxure, l’envie ou le simple orgueil cause toujours bien des dégâts. Il est difficile d’y échapper et même en prenant garde nous ne sommes jamais à l’abri d’y être confronté ou d’en subir les conséquences. Ce marchand… Il n’est pas le seul à avoir abusé de ma vigilance mais même en apprenant de mes erreurs je suis toujours lasse et amer de constater que je peux encore être trompée. »

Un court soupire s’échappa des lèvres de la kharaalienne. Son regard se porta vers les deux montures. Litha et son opposant s’étaient tout deux calmés, force étant de constater qu’aucune animosité n’avait entaché cette rencontre fortuite. La salkhi s’était éloignée afin de paître en toute quiétude, bien loin de craindre pour la vie de celle qui lui était liée pour toujours.

« Prenez garde Kushi des Chevauche-le-Vent, le manque de discernement est parfois inévitable même pour les plus prudents d’entre nous. Il ne faut pourtant pas se laisser ronger par nos erreurs passées mais s’en servir pour qu’elles ne soit pas vaines. » Glissant le regard vers son interlocuteur, elle poursuivit. « La mort de cette pauvre muursüld n’est à mon sens qu’un regrettable gâchis. Je ne sais pourtant pas si elle aurait été en mesure de subvenir seule aux besoins de son petit et de se maintenir en vie dans un milieu étranger au sien et privée de sa meute, cela aurait été bien miraculeux, mais j’aurai préféré que ce ne soit pas à ma lame d’en décider. Malgré tout, il était préférable qu’elle croise ma route plutôt que celle d’un homme aux intentions bien moins nobles car je compte bien mettre fin à ce qui est sans aucun doute un trafic illégal de braconniers sans scrupules. Et puis… Je mettrais un point d’honneur à offrir une vie décente à ce petit. »

Endormi profondément, le bébé s’était lové contre la chasseresse, profitant de sa chaleur bienveillante. Aesa le savait, si le muursüld avait une chance de s’en sortir elle devrait le garder. Le renvoyer dans ses contrées natales auprès de sa meute ne ferait que l’envoyer à une mort inévitable. Il n’était plus des leurs et les muursülds étaient impitoyable dès lors qu’ils jugeaient leur progéniture inapte, les abandonnant à leur triste sort.

Kushi Virevenlte
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Traces de sang [Kushi & Aesa] EmptyMar 7 Avr - 22:52
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Leurs pensées s’alignaient donc sur la même longueur d’ondes pour ce qui concernait les trafiquants d’animaux. Kushi n’avait jamais réussi à comprendre comment le désir d’enrichissement pouvait mener des êtres humains à bafouer l’âme d’autres êtres vivants. Cette horreur le dépassait. Mais le calme qui revenait sur leur conversation, aidé par la lueur apaisante des étoiles, ternit l’ouragan dont les bourrasques venaient fouetter son esprit. Le Negiin se plia alors à l’effort de réfléchir aux conséquences d’une "sanction moins douce" à l’encontre de Hereyn le Stoïque ; une grimace déforma ses traits devant les pistes qu’il entrevoyait.

Son clan n’avait pas le luxe de se mettre à dos les commerçants de Dyen ou, pire encore, les instances judiciaires de la cité par une quelconque vendetta. Cela valait pour le trafiquant d’animaux comme pour les voleurs de chevaux. Kushi ne pouvait pas se permettre de se laisser aller au cyclone dévastateur de la vengeance, qu’importe son désir de se laisser emporter par sa force. Et la honte lui broyait les intestins devant l’intensité de cette envie qui s’élevait contre toutes les valeurs qui avaient bercé son enfance. Son cœur coula à cette révélation. Les Chevauche-le-Vent étaient un peuple juste qui n’appréciait guère laisser l’émotion guider son bras armé. Ils répugnaient à répandre le sang car la mort appelait toujours la mort ; les pillards n’avaient-ils pas alors commencé ce cycle vicieux en dérobant la vie de leurs chevaux ?

Malgré tout cela, bien que la vengeance soit contraire aux lois de son clan, Kushi ne pouvait s’empêcher de désirer férocement mettre fin, par sa propre lame, à la vie de l’assassin de Tömör, et de celles de tous ses complices qui avaient décapité sans pitié leurs chevaux pour ravir leur viande. Mais qui étaient-ils pour appliquer une sentence ? Juste deux chasseurs déstabilisés par l’avarice des Hommes des cités qui ne savaient plus vivre aussi simplement que le cycle naturel régissant toutes les créatures. Le Negiin n’était pas un idéaliste, et ne craignait pas plus la vue du sang, mais il avait peur de la folie poussant à tuer pour une autre raison que la survie.

Il ne pouvait que se rattacher à ses responsabilités pour tempérer ses sombres désirs. Son clan avait perdu plus de la moitié de la harde, réduite à une peau de chagrin d’à peine plus de sept milles tête, et il ne restait plus guère parmi ces bêtes de chevaux aptes à la chasse, seulement des juments laitières pour la plupart. Les Grandes Chasses n’allaient pas être glorieuses cette année, pire que ce qu’elles l’avaient été la saison passée, et les Chevauche-le-Vent s’attendaient à une saison sèche difficile. Il n’y aurait sans doute pas suffisamment de viande de khippogin pour le Grand Troc, tout au plus de quoi reconstituer une partie des stocks. Il n’y aurait guère de festin pour les Grands Jeux, même si le meilleur cavalier du clan revenait à temps pour concourir dans les épreuves.

« Je ne peux me permettre d’amener l’animosité de Dyen sur mon clan, Hiryû. » avoua-t-il franchement. « Alors si c’est l’ouragan de la vengeance que vous voulez faire tomber sur Hereyn le Stoïque, je ne pourrai y participer car mon nom porte des charges que je ne peux occulter. Mais je vous aiderai à le mener en justice. Ce sera sans doute moins… simple. » Peut-être aussi moins gratifiant pour son âme bafouée, il devait en convenir. Mais lui-même devrait se conformer à cette sagesse lorsqu’il devrait faire face au visage du meurtrier de Tömör dont il avait mémorisé les traits malgré les années. Et il ne pourrait pas s’autoriser le droit de soigner son cœur brisé par la chaleur du sang de ce fumier.

Espérant échapper à ces pensées qui lui tordaient douloureusement le cœur, Kushi observa avec plus attention la femme qui s’était invitée à son feu. Elle ne semblait guère plus vieille ou plus jeune que lui, il tabla sur des années proches. Elle était agréable à regarder, même si le danger se lisait dans la souplesse de ses muscles ; sa beauté était aussi farouche qu’un cheval qui se rappelait sa sauvagerie lorsqu’on lui enlevait son mors. Il ne pouvait nier que ce charme avait un certain effet sur lui.

Son sourire réapparut alors, comme une aube se levant avec éclat sur une nuit de tempête lourde et humide. Le nomade était imprégné de la fougue du vent. Il se connaissait trop bien pour croire cesser un jour d’être un peu insouciant, sous la surface de sa prétendue sagesse, ne pouvant qu’essayer ajouter un peu de prudence à ses grains de folie. Un petit rire modula donc sa gorge en des syllabes plus douces, plus taquines aussi, alors qu’il se moquait de sa propre présomption. « Ah ! Je peux bien vous croire quant au danger constant du manque de discernement. Il est bien plus facile de faire de beaux discours que de les appliquer. Un ouragan vrombit dans mon cœur blessé, commandant la vendetta pour s’exprimer, mais je me dois de le contenir pour le bien de mon clan. Et c’est si dur… Qui dit que j’en aurai la force, la sagesse, le courage d’y résister quand viendra l’heure de l’épreuve. » Il sourit faiblement après cet aveu, étonné de s’ouvrir aussi rapidement devant une étrangère. Mais elle était une chasseresse, comme lui, il pouvait lui parler de ce qu’il n’osait pas dire aux siens tout en sachant qu’elle le comprendrait, au moins un peu.

Maintenant que les malentendus étaient dissipés entre eux, il était plus que temps de sacrifier à la loi d’hospitalité des Chevauche-le-Vent. Il se leva souplement pour bondir jusqu’à ses fontes. Son mouvement réveilla la surveillance acérée de Sarangerel et il sourit au rapace en fredonnant une mélodie rassurante alors qu’il revenait près de son invitée avec deux gourdes en peau de khippogin. « Mon clan a comme tradition d’accueillir ses invités avec du lait de jument chaud. » expliqua-t-il en mettant sa petite casserole sur le feu. « Habituellement, nous allons traire une jument pour qu’il soit chaud du pis mais Batbayar n’est pas vraiment une jument laitière, je ne peux t’offrir que ce qu’il me reste. » Décidé à se secouer de la sombre mélancolie dans laquelle l’avait trouvé Asea, Kushi avait calé sa voix dans un babillage espiègle. « La vie est trop courte pour ressasser le malheur. » pérora-t-il en essayant d’occulter l’écho perturbant du fantôme de Tömör ne cessant de résonner à ses oreilles. « Nous ne pouvons qu’en tirer des conclusions positives pour avancer avec plus de sagesse… ou d’insouciance. »

Il avait inconsciemment glissé dans le charme, sa voix charriant les accents amusés des fêtes de son clan, bien qu’elles se fissent plus rares. Kushi agita l’autre gourde avec un sourire espiègle. « Et quand vous aurez bu le lait de l’hospitalité, Hiryû, j’ai ici un peu de notre fameux koumis, un lait fermenté bien plus… puissant. » Il lui fit un clin d’œil, bien décidé à garder le cyclone sous son contrôle en le dissipant par la brise fraîche d’un peu de gaieté.

Aesa Ishara
Aesa Ishara
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Traces de sang [Kushi & Aesa] EmptyDim 26 Avr - 16:20
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D’un mouvement d’épaule Aesa se redressa, jetant un rapide coup d’œil à son voisin. La ligne de son front se plissa légèrement en suivant le mouvement de ses sourcils. Il n’en était pas à douté que l’homme à ses côtés était en tout points sont homonyme. Il se lisait en lui une détermination calme masquant à peine son besoin criant de justice. Le rouquin semblait en proie au dilemme, partagé entre ses convictions profondes et sa raison. C’est d’ailleurs sans doute parce qu’ils se ressemblaient tout deux qu’il s’avéra avoir mal interprété les propos de la chasseresse. Celle-ci s’empressa de corriger ceux-ci une fois la tirade sensée menée à son terme.

« Pardonnez-moi Kushi, je me permet de vous détromper. Je suis une personne d’honneur et bien que je m’en sente bafouée je n’avais pas dans l’idée de mener une guérilla sanglante. Cela n’apporterait qu’un peu plus de malheur… Je n’ai d’ailleurs jamais eu la lâcheté d’ôter la vie d’un homme, je n’escompte pas commencer aujourd’hui. Je tiens en revanche à le traduire en justice ainsi que faire tomber ses associés dans son sillage. J’en conviens que ce ne sera pas aisé tout autant qu’il est possible que nous n’y parvenons pas mais… C’est le mieux à tenter. Je suis d’ailleurs rassurée que vous partagiez ce point de vue. »

Cela ne voulait pas dire que l’idée de frapper cet odieux personnage ne lui avait pas traversé l’esprit mais Aesa était assez mature pour retenir ses pulsions. Si l’adorable boule de poils n’était pas assoupit contre sa jambe ou qu’elle ne s’était pas trouvée en présence d’un homme respectable la kharaalienne aurait depuis longtemps fait appel aux esprits de la montagne pour se défouler de toute sa rage contenue. Elle sentait bien à quel point son corps était tendu malgré ses efforts. La paume de ses mains devenue rugueuse et écailleuse, les doigts crispés contre l’herbe fraîche comme si ses membres n’attendaient que son feu vert pour laisser jaillir sa magie.

Se sentant observée, la jeune femme riva son regard lagon vers la source de son trouble. Mais avant qu’elle ne puisse interpréter son intention le rouquin se para d’un sourire étincelant. Un rire accompagna le mouvement, balayant d’un souffle l’aura sombre qui émanait encore de lui quelques instants plus tôt. Aesa devait d’ailleurs bien admettre qu’ainsi il harmonisait bien plus son identité profonde avec son apparence lumineuse. C’était bien plus agréable. Cela eut d’ailleurs l’effet d’adoucir le cœur de la kharaalienne qui se para d’une moue complice.


« Il semblerait que vous ayez l’âme aussi fougueuse et indomptable que la mienne. » Répliqua-t-elle d’un ton qui voulait léger. « Mais ne vous en faites pas, quand le moment sera venu je suis certaine que vous saurez faire preuve de sagesse. Dans le cas contraire… Et bien, vous pourrez compter sur moi pour vous ressaisir. »

… L'assommer au pire des cas pourrait être une alternative s’il venait à perdre toute raison. Aesa n’arriverait pas cette extrémité là, sans doute, mais quoi qu’il en soit la chasseuse n’avait qu’une parole, peut importe ce qu’il adviendrait elle avait promis de l’aider en retour.

Comme promis à leurs premiers échanges, Kushi se redressa afin d’honorer sa promesse d’hospitalité. Aesa se saisit de la gourde tendue en le remerciant d’un signe de tête. Tout en s’affairant à réchauffer le lait dans la casserole, il expliqua sommairement les manières de son peuple à l’égard des étrangers. C’était une coutume honorable qui en disait long sur la mentalité de ce clan. A l’inverse, Aesa déplorait qu’il n’en soit pas de même pour le sien. Son peuple était extrêmement soudé et d’un code de conduite exemplaire mais ils n’étaient pas aussi avenants envers les étrangers. La plupart des membres du clan étaient sédentaires, seuls les chasseurs et marchands du clan s’aventuraient au-delà des frontières du village afin d’échanger les denrées avec d’autres clans. Une poignée minime, dont  faisait partie Aesa, avaient ressentit le besoin de vivre en nomade. Le partage de culture, l’adrénaline de l’aventure, la beauté diversifiée de la faune et la flore avaient charmé le cœur de la kharaalienne, bien que parfois elle ne doute que ses origines étrangères n’en soient la raison principale.

Chassant ses pensées parasites, Aesa se para d’un sourire entendu à l’évocation d’un breuvage plus relevé. Kushi venait de toucher une corde sensible chez la jeune femme. Bien qu’elle apprécia le lait de jument à sa juste valeur, la damoiselle était d’une nature festive en dehors de ses chasses. D’un tempérament enflammé et joyeux lorsqu’elle lâchait prise, elle dirait rarement non aux alcool de qualité, d’autant plus en bonne compagnie. C’est avec un intérêt non dissimulé qu’elle accueillit la proposition.


« Et bien ! Votre hospitalité va au-delà de mes espérances. » Abaissant le ton, elle susurra : « Kushi, vous êtes un homme pleins de ressources. »

Laissant le calme apaisant régner entre eux le temps de se désaltérer, Aesa ne pouvait toutefois pas s’empêcher de détailler le majestueux volatile perché au-dessus d’eux. Son intérêt et son amour respectueux envers les créatures était titillé d’une curiosité certaine. La chasseresse n’avait jusque là fait aucun commentaire mais elle avait constaté le lien puissant qui semblait unir le rapace avec son maître et maintenant que l’atmosphère s’était apaisée, et qu’ils partageaient un délicieux breuvage, la jeune femme avait envie d’en apprendre plus sur son hôte.

« Comment s’appelle-t-elle ? » Demanda-t-elle en désignant l’animal d’un mouvement de tête. « J’ai remarqué votre complicité, cela fait longtemps qu’elle vous accompagne ? »

Il s’agissait de questions anodines mais il fallait bien débuter quelque part.

Spoiler:

Kushi Virevenlte
Kushi Virevenlte
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Traces de sang [Kushi & Aesa] EmptySam 30 Mai - 18:03
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La chance lui souriait en mettant sur son chemin une alliée aussi en phase avec ses idées. Kushi ne pouvait nier être aussi rassuré que la jeune femme d’apprendre qu’elle ne désirait pas la violence de la vengeance mais la clarté de la justice, soit-elle dure à obtenir. Un sourire en coin ourla ses lèvres à la mention de son âme fougueuse qu’elle avait su déceler malgré le marasme dans lequel elle l’avait trouvé ; il était toujours fier de faire honneur à son nom. « Virevenlte m’appelle-t-on parmi les miens. Vous m’avez donc percé à jour, Hiryû ! » s’amusa-t-il, l’air taquin du renard inscrit sur ses traits. « J’ai la fougue du vent mêlé au sang et je dois bien souvent faire attention à ce qu’elle ne l’emporte pas sur la raison. » Autrefois, il y avait Tömör pour lui rappeler la nécessité de poser son esprit pour prendre des décisions avec un esprit clair ; il n’était plus désormais, mais il avait promis sur sa tombe de ne pas oublier ses sermons.

La femme lui rappelait un peu Enkhtuya en une version plus guerrière de son amie qui ne montrait les crocs que pour défendre sa famille, encore plus depuis la naissance de la petite Altantsetseg. Comment lui en vouloir ? Perdre ce petit bout de chou serait encore plus terrible tant elle portait le souvenir de Tömör sur son visage. Et cette ressemblance lui apparut encore plus clairement alors qu’elle lui affirmait sans hésitation son aide s’il venait à se faire happer par l’ouragan de sa colère. Kushi s’inclina respectueusement, reconnaissant sans mot la valeur de cette offre.

Le renard prit rapidement un sourire plus séducteur qu’espiègle quand Aesa lui susurra qu’il était plein de ressources. A ce stade, c’était presque un réflexe, surtout que la femme n’était pas du tout déplaisante à regarder. Tömör s’éloigna enfin de son esprit en un dernier écho d’un lointain rire alors qu’il faisait un clin d’œil à son invitée tout en préparant le koumis qu’il lui avait promis. Il lui tendit une tasse en s’asseyant à côté d’elle, le sourire se détendant en des lignes plus douces tandis qu’il regardait Sarangerel qui avait passé sa tête sous une aile pour dormir, confiante en Batbayar pour monter la garde. « Elle s’appelle Sarangerel. Voilà seize ans déjà que je l’ai adoptée. J’avais neuf ans. C’est un rite de passage par chez nous, que de dresser un aigle. » répondit-il avec une chaleur dans la voix. « Elle est une harpie féroce en provenance des jungles de l’autre côté des montagnes. Sans doute le plus grand aigle de ces régions, malgré sa petite envergure qui lui permet de manœuvrer entre les arbres resserrés de la canopée. » Il se pencha avec le visage tranché par un sourire si vaste qu’il en découvrait ses canines espiègles. « Elle me muscle les épaules tandis que Batbayar me muscle les cuisses. C’est qu’elle fait son poids ! »

A l’énoncé de son nom, le cheval dressa la tête en agitant les oreilles. Kushi fredonna une réponse amicale qui le fit piaffer avant de se réintéresser à l’herbe qu’il broutait avec application. « Batbayar est un parfait exemple des chevaux qu’élèvent mon clan. » enchaîna-t-il naturellement, son ton joyeux à peine amoindrir par l’ombre des morts qui avaient saigné les troupeaux et qui l’avaient mené en ces lieux. « Petits mais robustes, rapides et endurants. Mon clan ne serait rien sans eux. » Il ne voulait pas s’appesantir sur ces sombres sentiments à ce sujet et il passa à autre chose en trombe, témoignant de son malaise. « Batbayar provient d’une nouvelle souche sauvage. Je ne voulais pas que mon père s’implique dans le dressage de mon étalon. Nous… nous nous opposons un peu à ce sujet. » Il haussa les épaules avec un petit rictus. « J’ai passé trois ans à l’amadouer, à l’habituer à moi, depuis sa naissance jusqu’à l’âge où il peut être monté sans danger. Mon père a bien dû s’incliner devant mes méthodes une fois devant le fait accompli. » Et il n’en était pas peu fier !

Son regard glissa sur les compagnons d’Aesa, tant le muursüld lovée contre elle que le shalki qui se dressait un peu plus loin. « Ce n’est pas le premier shalki que je rencontre mais leur taille m’impressionne toujours. Nos chevaux sont si petits… » Sa main s’égara vers le bébé muursüld, planant avec hésitation au-dessus de sa tête. Il se retira finalement, n’ayant pas le cœur de réveiller l’animal en lui faisant peur. « Qu’allez-vous faire de lui ? Si vous le gardez, il lui faut un nom. La nuit n’est pas encore assez vieille pour le trouver.  Et nous avons du koumis à déguster. » Puis il leur faudrait dormir pour avoir l’esprit reposé avant d’entrer dans Dyen. Kushi avait de quoi réfléchir… Il se demandait si poursuivre ce trafiquant d’animaux pourrait le mener aux voleurs de chevaux. Après tout, ils officiaient dans le même milieu.

Aesa Ishara
Aesa Ishara
Traces de sang [Kushi & Aesa] Empty
Traces de sang [Kushi & Aesa] EmptyMer 31 Mar - 19:07
Irys : 199969
Profession : Chasseuse / Mercenaire
My'trän +2 ~ Kharaal Gazar
L’atmosphère s’était allégée en quelques échanges seulement. C’est avec chaleur que la kharalienne remercia son hôte pour la boisson offerte avant d’y tremper ses lèvres. Comme attendu, le koumis se révéla relevé, bien assez pour contenter les papilles aventureuses d’une adepte de soirées arrosées. Kushi s’était assit aux côtés de la jeune femme, l’accompagnant à son tour une tasse à la main. L’homme était de bonne compagnie et peu avare en confidences, c’est d’ailleurs avec plaisir et très certainement de la fierté qu’il conta comment son chemin l’avait mené à Sarangerel, son majestueux aigle, se parant même d’une anecdote qui eut le mérite de tirer à Aesa un sourire espiègle tandis qu’elle rétorqua d’un ton charmeur :

« Voilà une information qui ne laisserait pas une femme indifférente. Prenez garde, je pourrais être tentée de vérifier. »

La chasseresse fixa avec intensité son comparse, son sourire finissant par s’étirer dans une moue amusée. La mage était certes d’humeur taquine mais elle était toutefois bien plus intéressée par les propos de son interlocuteur, écoutant avec intérêt l’histoire de Batbayar. Kushi avait à n’en pas douter du caractère. Têtu et obstiné mais avec des idéaux respectables et une conduite exemplaire. Il n’était pas de ceux qui se laissent dicter la conduite à tenir mais bien un esprit libre et sauvage, un peu comme la kharalienne. Leurs passés respectifs se ressemblaient. Leur amour pour les animaux également.

« Mon lien avec Litha est un peu similaire au votre. J’avais six ans quand mon oncle m’a présenté à elle… Le lien qui nous uni est très fort, ce n’est pas n’importe quelle salkhi, c’est une Shuurga Delkhii. Elle donnerait tout pour moi tout comme j’en ferais de même pour elle. » La kharalienne leva un regard empli de tendresse vers sa fidèle compagne avant de rajouter à son propos : « Elle est d’un tempérament bien plus calme que le mien… Mais je comprend qu’elle impressionne. »

Aesa reprit une gorgée du kumis, éludant l’autre question un instant. Le petit muursüld lové contre elle dormait de son sommeil le plus juste. La chasseresse avait le cœur lourd en pensant aux épreuves que ce petit avait déjà dû traverser. Se retrouver séparé des siens après s’être fait chassé par quelque homme sans scrupule, réduit à se cacher dans les hauteurs avec pour seul repère sa mère… Que la jeune femme n’avait eut d’autre choix que de combattre. Les chances de survie de ce bébé n’étaient pas bien hautes. Aesa avait une dette colossale envers lui et elle comptait bien la tenir.

« Je sais déjà ce que je compte faire. » Soupira-t-elle. « Il devrait vivre à l’état sauvage auprès des siens mais c’est une existence qui lui a été refusée au moment-même où il a été séparé de sa meute. Les muursülds sont sans pitié pour les rejetons considérés comme abandonnés. Si je le renvoi chez lui ils ne daigneront pas y prêter attention, il mourra, inévitablement. C’est un sort que je lui refuse. »

Aesa dévia le regard, préférant le perdre à nouveau dans l’océan infini du ciel.

« Je le garderai auprès de moi. Ca ne sera sans doute pas aisé mais je ferai de mon mieux pour lui offrir une vie décente… »

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