[Terminé] Quand l'incertitude et l'inquiétude se mélangent

C’est un soupir de soulagement qui s’échappa dans un premier temps des lèvres de la jeune femme. Flavien n’avait semble-t-il pas relever sa proposition maladroite, chose qui la rassura autant qu’elle l’inquiéta. Le doute, de nouveau, sur le fait que le moment soit agréable pour lui, puis la satisfaction de ne pas devoir se retrouver de nouveau dans ce genre de situation. C’était trop pour une seule journée, d’abord la crainte de perdre Spook, puis ensuite la découverte d’un début d’autre chose que le travail. Léonie n’était définitivement pas prête pour ça, pas d’un coup, pas si soudainement. Imaginer simplement recommencer était aussi possiblement sympathique que terriblement angoissant pour elle. Quoi qu’il en soit, si la non-réaction aurait pu la vexer, ce ne fut pas le cas, bien au contraire. Glissant un nouveau sourire sur ses lèvres, la protectrice s’appliqua à opiner, coulant un regard vers Selmac qui devait d’après elle être déçu de ne pas pouvoir récupérer quelques gourmandises.

- « Désolée Selmac » souffla la protectrice « Une prochaine fois, je suis certaine que ton compagnon de route trouvera autre chose à t’offrir » puis observant Flavien elle ajouta «  J’en suis contente en ce cas. Même si il faut bien avouer que tout ceci n’est pas forcément dans nos habitudes de vies »

Il fallait bien l’admettre sans aucune once de gêne, l’établissement n’était pas du tout représentatif des deux caractères. L’un comme l’autre semblait avoir un attrait plus prononcé pour la simplicité et certainement pas dans des plats biens trop perfectionnés. Suivant son regard vers l’assiette, la protectrice fit des yeux plus ou moins ronds. Elle ne s’était pas attendue une seconde que l’homme puisse revenir sur sa proposition, d’autant plus qu’il l’accepte. Avait-elle pensé au mieux qu’il refuserait poliment. La gêne fut parfaitement palpable, la protectrice triturant ses doigts comme un enfant qui aurait été pris sur le fait, en train de faire une bêtise. Léonie n’eut aucune idée de quoi répondre, hormis ce mince sourire, faiblard. La phrase se répéta un moment dans son esprit, alors qu’elle cherchait désespérément un moyen de se dépatouiller de cette problématique. Se triturant le cerveau, elle finit néanmoins à offrir une réponse, trop spontanée, ne reflétant absolument pas sa pensée :

- «  Si une occasion si prête un jour »

La phrase mentale sonnait mieux, du moins, c’est l’impression qu’elle eut. La sonorité de sa voix un peu maladroite, sans assurance, le tout dit en opinant de la tête… Non… Elle était encore plus gênée. Se raclant la gorge, cette fois-ci la my’tränne n’avait plus aucune idée d’où se mettre. Heureusement qu’elle n’était pas une souris, sans quoi elle serait rentrée dans son trou sans attendre une seconde. Par chance, c’est le moment que choisit une jeune serveuse pour venir récupérer les assiettes vides. Hormis l’âge beaucoup moins avancé de celle-ci, la silhouette, la tenue et la façon de se comporter étaient identiques aux autres –y compris les dents blanches-. Léonie eut à peine le temps de relever le regard vers la serveuse, Flavien forçant l’attention de la serveuse à se concentrer sur Léonie pour commenter les desserts, la jeune femme n’eut d’autre choix que de relever la tête. Haussant un peu mollement les épaules, la my’tränne se contenta comme de trop nombreuses fois de décrocher un sourire forcé. Ne voulait-elle pas gêner davantage celle qui n’était au courant de rien :

- «  C’était très bien, nos modifications apportées ont largement suffi à nous satisfaire…cependant, pouvez-vous dire au chef de la cuisine de… d’être un peu moins généreux avec le sucre ? »

Opinant de la tête et disparaissant plus loin, la jeune était repartie, perdue et surtout perplexe. Comment allait-elle bien pouvoir glisser au chef qu’un couple n’était satisfait que du tout, juste parce qu’ils avaient apporté des modifications et qu’en prime, ils avaient néanmoins trouvé les compositions bien trop sucrées. Léonie n’avait pas eu le temps d’ajouter quoi que ce soit en direction de son interlocuteur principal, puisqu’une des nombreuses serveuses précédentes venait tout juste de déposer les chocolats chauds, nommés pour l’occasion d’une bien drôle de manière. Pas le temps de le souligner, hormis dans un soupir que Flavien émit largement pour deux, l’employée était déjà répartie s’occuper d’autres clients. Attrapant délicatement la tasse brûlante, l’entourant de ses doigts fins, la protectrice sembla enfin profiter de ce petit instant pour se détendre. Prenant une longue inspiration, elle souffla finalement sur le liquide chaud, avant d’y venir trembler ses lèvres pour en avaler une gorgée. Enfin quelque chose de simple, de réussi, sans toute une tonne de décoration autour. Un chocolat chaud, comme tout le monde pouvait le déguster –hormis le nom qui était différent-. Flavien avait repris la parole, indiquant qu’il était déjà tard.

- «  Déjà ?! » répondit Léonie spontanément, déplaçant son regard sur l’extérieur pour constater qu’en effet, il faisait déjà bien sombre « Oh… Je n’ai pas vraiment vu le temps passer. » Rajouta-t-elle tout en simplicité « Eh bien, je propose qu’on termine rapidement notre Or liquide des Cabosses, dans sa version épurée, puis je vous raccompagnerai à votre auberge pour la nuit, si cela vous convient évidemment. Vous m’expliquerez en chemin les méthodes basiques que je dois connaître pour Spook ? »

A son nom, le petit être s’était redressé, offrant une léchouille à chacun de ses deux compagnons avant de rejoindre sa maîtresse, s’attendait-il certainement à recevoir quelque chose à manger. Une fois sur les genoux de Léonie, l’animal attendit, se redressant autant qu’il le pouvait avec ce regard si spécifique de petit être battu. Sortant une petite friandise réalisée par ses soins de sa poche, la my’tränne l’offrit à sa boule de poil fétiche, pour le plus grand bonheur de Spook, qui émettait un genre de ronronnement de contentement.

- «  C’est un mélange de fruits et d’insectes » expliqua Léonie en jetant une petite boulette dans la direction de Selmac suivie rapidement par un Spook qui était prêt à l’engloutir si son compagnon de race ne se dépêchait pas. « Après plusieurs échecs de réalisation, j’ai semble-t-il fini par trouver un juste équilibre qui lui convient, il en raffole. »

Léonie n’était pas une très bonne cuisinière, pour ne pas dire une catastrophe ambulante dès qu’il fallait toucher à la cuisine, elle était une adepte du grignotage. Fallait-il bien avouer qu’elle ne prenait jamais le temps pour elle. Étant plus sur le terrain à remplacer des collègues, à faire ses propres missions ou à travailler simplement, c’était complexe dans cette situation de cuisiner. Buvant finalement son chocolat encore chaud, elle afficha un petit sourire sans constater qu’elle avait une petite moustache. Avisant Flavien qui lui aussi était doté de la chose, elle passe instinctivement sa langue sur ses lèvres, effaçant la sienne. La tasse une fois vide retrouva le bois de la table. Le repas touchait à sa fin.

Le duo avait fini par relever d’un commun accord, Léonie s’était rendue au comptoir afin de régler la commande, le prix était évidemment difficile à entendre, mais elle n’en dit rien. La jeune femme était satisfaite de sa soirée et bien que les aliments furent étrangement présentés et plutôt originaux en goût, la compagnie de Flavien lui avait fait oublier tout ça. L’employée lui avait donc souhaité une agréable fin de soirée, complétant en expliquant qu’elle espérait revoir le couple. La protectrice n’avait évidemment pas relevé, haussant les épaules comme elle savait si bien le faire. Rejoignant à l’extérieur le croyant d’Orshin et de Möchlog, elle lui adressa un sourire, le questionnant sur le lieu où il logeait, puis prit le petit sentier descendant.

- «  Je vous écoute du coup… Je dois avouer ne pas avoir grande connaissance dans le domaine des animaux… »

Flavien ne voyait pas d'inconvénient majeur à partager quelques astuces avec Léonie en chemin, à un détail près qu'elle risquait d'être étonnée de ne pas le voir prendre la route des quartiers plus touristiques de Busad, ceux-ci même où le Gharyn lui avait proposé de demander une chambre aux frais de la Cité le temps que lui prendrait son enquête. Un gage de l'hospitalité de Zaël, dont Flavien ne s'était pas saisi.

A moins de le conduire directement jusqu'à une auberge et de lui coller les clés d'une chambre entre les mains, il n'était pas du genre à passer la nuit dans ce genre d'établissement sauf s'il avait besoin de soins ou n'avait pas la possibilité de trouver refuge ailleurs qu'en ville. Les espaces boisés proches de Busad étaient plutôt sûrs pour un Adepte d'Orshin. Avec ses familiers qui gardaient un œil sur lui, il n'avait rien à craindre tant que les anomalies restaient actives dans les plaines. Dormir à la belle étoile avait quelque-chose d'incroyablement plus reposant pour lui, même s'il lui arrivait de regretter le confort d'une bonne literie.

- Je vous donnerai quelques conseils en chemin.

Le soigneur répondit par l'affirmative, supposant que la My'tränne ne verrait pas de problème à l'accompagner aux portes de la ville plutôt qu'à une quelconque auberge. Ce qui comptait, après tout, c'était qu'il donne à Léonie de petites astuces pour garder Spook en bonne santé. D'ailleurs en parlant de l'Aitah, il avait sauté sur les genoux de sa maîtresse et la regardait d'un autre inspirant une profonde pitié. Ces petites créatures étaient d'excellents comédiens, Flavien le savait parfaitement, et pourtant Spook réussissait presque à l'attendrir. Ses grands yeux tristes suppliaient Léonie. Pourquoi, Flavien ne tarda pas à le découvrir.

La Protectrice fouilla dans ses poches et en sorti une friandise. Du moins, le soigneur supposait que s'en était une. La confection n'avait pas l'air très avenant, mais à voir le regard de l'Aitah s'éclairer, cela ne pouvait pas en être autrement. Il arqua un sourcil en observant le félin engloutir l'offrande toute ronde. Sa curiosité avait dû se lire sur ses traits, car Léonie lui expliqua dans la foulée de quoi il s'agissait. Un mélange de fruits et d'insectes. Une friandise parfaitement équilibrée pour un petit Aitah gourmand, qui en raffolait selon les dires de la My'tränne qui en offrait un échantillon à Selmac.

L'Aitah adulte, après avoir rapidement reniflé la confection, croqua dedans à pleines dents. Il ne se fit pas prier pour l'avaler, sous le regard outré de Spook qui n'avait semble-t-il pas prévu de partager ses friandises. Le roucoulement de son compagnon à quatre pattes et le petit regard triste du cadet arracha un sourire au soigneur.

- Ça a l'air de leur plaire en tout cas.

Flavien était agréablement étonné d'entendre que Léonie s'était amusée à confectionner elle-même ces petites douceurs. Sans doute qu'elle avait voulu qu'elles soient le plus nutritives et le meilleur pour la santé de son animal, préférant prendre les choses en main plutôt que d'acheter l'un des nombreux paquets de friandises pour Aitahs que l'on trouvait sur le marché. Elle devait vraiment beaucoup tenir à son jeune compagnon pour se résoudre à prendre le temps d'effectuer quelques expériences culinaires le temps de trouver une recette qui lui convienne autant qu'elle convenait à Spook. Finalement, il n'avait peut-être pas fait les emplettes pour rien. Léonie avait réellement à cœur de rendre la vie de la petite créature plus douce.

Finissant leur tasses de chocolat chaud en savourant autant le goût riche du cacao que la simplicité d'une recette traditionnelle et sans frasques inutiles, ils décidèrent de prendre congé une fois leurs tasses vides. Et cette fois-ci, ils n'eurent même pas à se forcer pour les finir.

Flavien attrapa ses affaires et indiqua à Léonie qu'il l'attendrait dehors, permettant à sa petite ménagerie de se dégourdir les pattes le temps que la Protectrice se ruine au comptoir. L'air frais de la nuit lui fit le plus grand bien et il s'appuya contre le Dos de la Fourchette, observant Aquila s'ébrouer pour se remettre de sa longue sieste. La rue était bien plus tranquille maintenant que le soleil s'était couché : sans être déserte, elle était à moitié endormie, lui laissant davantage le loisir d'observer l'architecture des bâtiments qui baignaient sous la lumières de quelques lanternes soigneusement entretenues.

Ses yeux se posèrent sur la poche où Hua avait trouvé refuge pour terminer sa journée de sommeil. Elle remuait doucement, signe que la Tairakh n'allait pas tarder à le rejoindre.
Effectivement, elle ne tarda pas à s'extirper du manteau, grimpant sur son épaule et baillant à s'en décrocher la mâchoire. Ce qui était plutôt perturbant à voir pour qui n'avait pas l'habitude de la dentition de squale de ces créatures. Loin d'être perturbé par ses rangées de dents, Flavien gratouilla de manière absente la petite carnivore sous le menton.

"Bonsoir Hua. Bien dormi ?"
"Huuum..." Gargouilla la voix de la Tairakh qui émergeait doucement "Qu'est-ce que j'ai raté...?"

Après un rapide débriefing, la petite équipe fut rejointe par Léonie et Spook. La My'tränne lui demanda où ils se rendaient à présent et Flavien se gratta la base de la nuque, songeur. Il ne saurait lui donner une adresse exacte, mais il pouvait toujours lui indiquer le chemin.

- Je pensais camper au même endroit qu'hier. Répondit-il en haussant les épaules. Vous pouvez m'accompagnez jusqu'aux portes de la Cité si vous le souhaitez, je me débrouillerais pour le reste.

Ils se mirent en route une fois l'itinéraire défini et Léonie ne perdit pas de temps à raviver la conversation. C'est vrai qu'il lui avait promis de la conseiller pour maintenir Spook en parfaite santé. La Protectrice l'avertie qu'elle n'y connaissait pas grand-chose sur les animaux, réflexion à la suite de laquelle Flavien ne put que secouer la tête.

- Vous faites l'effort de vous intéresser à ce qu'il y a de meilleur pour eux, c'est une excellente chose. Dit-il platement. C'était presque un compliment, bien que ça n'en ai absolument pas la forme. Je ne connais pas beaucoup de monde prêt à cuisiner des compotées d'insectes de leurs propres mains pour faire plaisir à leurs animaux de compagnie.

La Protectrice n'avait pas l'air d'avoir besoin d'aide pour tout ce qui concernait le régime alimentaire de son Aitah. Les interdits l'avaient bien assez frappée aujourd'hui pour qu'il en remette une couche en cette fin de soirée. Il allait plutôt la conseiller sur d'autres éléments qui nécessitent la vigilance de tout propriétaire d'Aitah. Notamment les infections et les plaies, qu'elles soient minimes ou plus importantes. Ces créatures avaient tendance à s'attirer des ennuis presque aussi bien que lui.

- S'il passe beaucoup de temps à l'extérieur, il risque d'être attaqué par les insectes. Vous pouvez facilement préparé un répulsif maison pour le protéger des piqûres qui peuvent être dangereuses vu son âge. C'est très simple à préparer, vous verrez. Il suffit d'un peu d'extrait de géranium, de lavande et de-...

Lentement, Flavien énonçait les différents composés de son répulsif, laissant le temps à Léonie d'en prendre note ou de lui poser des questions supplémentaires. La passion pour son Art animait sa voix et il parlait peut-être un peu plus fort que strictement nécessaire au milieu de la nuit. S'il n'était pas bien bavard concernant sa propre personne, paradoxalement, il ne tarissait pas d'informations au sujet des Aitahs et de leurs petits maux. De même qu'il était patient avec un animal blessé, il ne rechignait pas à réexpliquer quelque-chose plusieurs fois s'il avait l'assurance que son publique l'écoutait et que ses paroles pourrait rendre service.

- ...Faites attention à bien respecter les doses pour le répulsif. L'odorat de Spook est sensible et un surdosage lui donnerait aussi mal à la tête que si vous vous retrouviez avec plusieurs flacons de parfum brisés autour de vous. Continuait Flavien en marchant, Appliquez-le derrière ses oreilles ou dans le creux de sa nuque, histoire qu'il ne soit pas tenté de lécher la zone traitée. Vous pouvez par contre traiter des parasites en utilisant un spray, mais pour la composition il vous faudra-...

Une nouvelle explication donnée et Flavien s'assura que Léonie le suivait toujours.

- Il faudra juste l'empêcher de se lécher les dix minutes suivant l'application. Vu que les Aitahs n'aiment pas être aspergés, je vous conseille d'en mettre sur vos mains et de le caresser pour appliquer le produit. Un peu comme si vous soigneriez une plaie à l'aide d'un onguent. D'ailleurs les morsures et les infections sont courantes chez les Aitahs. Il grimaça un peu à cet aveu. Nul doute que Léonie savait combien Spook devait être casse-cou. Je vous conseille d'avoir en réserve une pommade à base de romarin, de thym et de cyprès pour le soigner. C'est très simple à préparer, vraiment, il suffit de mélanger-...

Si les apothicaires gardaient parfois jalousement les recettes de leurs créations, Flavien était ravi de les partager avec quelqu'un qui en aurait certainement l'utilité un jour. La conversation lui venait beaucoup plus aisément maintenant qu'ils parlaient d'un sujet qui n'avait pas fini de le passionner. Ce fût presque une surprise de constater qu'ils étaient déjà arrivés aux portes de la ville. Flavien s'arrêta donc sous la lumière d'une lanterne, histoire de terminer leur conversation.

- Ah, c'est vrai. J'allais oublier.

Il farfouilla dans sa besace à la recherche du sachet qu'il avait préparé dans la matinée et le tendit à Léonie. Il n'était pas bien épais mais il contenait juste de quoi préparer une petite quantité des quelques décoctions qu'il avait conseillée à la Protectrice.

- Tenez, c'est pour vous. Pour Spook. Précisa-t-il. Il y a normalement de quoi préparer un petit pot de pommade et juste de quoi le protéger des piqûres d'insectes pour quelques semaines. Je vous ai écrit les dosages sur une feuille à l'intérieur.

La my’tränne avait haussé un sourcil, surprise par la réponse qu’elle avait obtenue. L’effet se dissipant cependant rapidement, Léonie semblant s’habituer au comportement quelque peu surprenant de son interlocuteur. La jeune femme lui avait offert un sourire, abandonnant l’idée de débattre sur le confort des établissements de la ville et sur la proposition que le Gharyn lui avait fait en lui offrant l’hospitalité gratuitement. Flavien ne raisonnait pas de la même façon que le peuple de Busad, y compris elle-même, aussi ne trouva rien d’autre à ajouter ou dire, hormis un haussement d’épaules quelque peu nonchalant. Le voyageur faisait bien ce qu’il voulait après tout, il était inutile d’argumenter davantage dans un sens inverse, du moins essayait-elle de convaincre, car malgré l’évidence et la montagne de supposition allant dans ce sens, elle avait tout de même l’envie de formuler quelques propositions. Après avoir débattu mentalement, elle finit par obtenir gain de cause, ses lèvres restant closes, n’émettant pas le moindre reproche, ne formulant aucune leçon de morale sur le fait qu’on ne refusait pas l’hospitalité d’un Primo-Gharyn. Sacré Falvien. Le lieu convenu et mémorisé, elle ne put que sourire à la phrase de son interlocuteur, agréablement surprise de le voir formuler un semblant de compliment. Se mordant l’intérieur de la joue, la my’tränne ne put néanmoins s’empêcher de répondre de la manière la plus honnête possible.

- «  C’est simplement pour Spook, pas pour tous les animaux. » Réajusta-t-elle un peu gênée « Je n’ai que lui… Il me sort un peu de ma routine et puis… Depuis qu’il est entré dans ma petite existence, il refuse d’en sortir… De ce fait, c’est de ma responsabilité de tout faire pour qu’il soit heureux. »

Responsabilité qui n’était pas toujours évident d’associer à son rythme de vie plutôt intense qu’elle s’imposait et surtout uniquement centré sur son travail et sur ses objectifs. Si au début, l’animal avait dû s’imposer avec force, à présent, il était très rare de le voir s’ennuyer ou abandonner dans la demeure familiale, passant 90% du temps avec la my’tränne même lors de ses missions en extérieur de la ville. C’était la petite bouffée d’oxygène de la protectrice, l’unique, autant dire la chose la plus précieuse qu’elle possédait. La conversation avait ensuite était exclusivement dans un sens –chose plus surprenante pour être soulignée-, Flavien expliquant bon nombre d’éléments que Léonie tachait de mémoriser avec le plus d’attention possible. Elle notait tout mentalement, se répétait les choses ou le faisait répéter si le besoin s’en faisait sentir. La protectrice ne le coupait pas, jamais, pour une fois, elle savourait vraiment la passion qu’elle pouvait ressentir dans la voix de son interlocuteur et des petites étoiles scintillant dans ses yeux. C’était étrange de constater que l’homme qui avait partagé un dîner en sa compagnie pouvait être à la fois timide et réservé et particulièrement expressif lorsqu’il s’exprimait sur un sujet qui semblait aussi important dans sa vie. Il avait une connaissance non négligeable que la protectrice envia quelque peu. Glissant un nouveau sourire qui illumina les traits de son visage, elle opina vivement de la tête, promettant de faire bien attention à la fois au dosage et aux plantes utilisées.

- « Je vais tout noter en rentrant, comme ça si j’ai des questions, je devrais pouvoir vous poser le tout avant votre départ. Si vous ne succombez pas d’ici là à l’hospitalité de Busad. »

Les portes de la ville se dessinèrent finalement, laissant un brin de déception dans le regard de la jeune femme. Ses pas s’arrêtèrent, elle pivota légèrement vers Flavien pour écouter ce qu’il avait encore à lui dire. Son regard s’écarquilla sous la surprise de la petite mallette qui lui tendit, sans que la moindre parole s’échappe de ses lèvres. Si l’homme ne semblait pas voir le tout comme un cadeau, pour Léonie c’était un poil différent. Même si le tout était à destination du Spook, elle n’en restait pas moins muette devant l’attention. Son regard resta un instant fixé sur le présent, sans qu’elle ne sache si elle devait le remercier, ou juste l’aviser lui pour paraître un peu moins perdue. Elle était gênée, beaucoup trop pour parvenir à maintenir l’illusion d’une confiance ultime. Ses joues s’étaient inévitablement teintées d’un rose léger. Il faisait beaucoup trop pour elle. Flavien avait sauvé Spook, lui avait tenu compagnie autour d’un repas, lui avait expliqué bon nombre de petits remèdes et offert les recettes et maintenant ça ? Après plusieurs minutes de silence, elle finit par sortir de son mutisme.

- «  Merci… Il ne fallait pas… Vraiment… Je ne sais pas comment vous remercier pour tout ça… Cela ne doit pas vous sembler beaucoup pour vous, mais pour moi ce que vous avez fait aujourd’hui… » elle ne termina pas sa phrase, comme souvent lorsque la gêne était autant présente « J’irais recommander tout ce qu’il faut pour faire plus d’un pot, si ma réalisation vous convient, j’en ferais plusieurs d’avance que vous pourrez emporter. »

N’était-ce après tout, pas le minimum, il lui offrait la base, la recette le tout sans rien lui demander en retour. Flavien avait enchaîné les bonnes actions et même si ce n’était pas fait dans le but de faire plaisir ou d’offrir quelque chose à Léonie. La protectrice en était profondément touchée, plus qu’elle ne l’aurait imaginé. Offrant un sourire maladroit, elle ne savait pas réellement quoi dire, quoi faire puis soudain elle changea de sujet, s’imposant davantage.

- «  Demain matin, deux heures après les premières lueurs du jour rendez-vous à l’entrée de la ville » elle opina vivement « Oui, ici. » si il avait paru intrigué, elle ajouta «  Pour votre visite à la source chaude, prévoyez une serviette tout de même. »

Dans le fond, elle ne donnait pas l’impression de lui offrir une possibilité et l’unique raison qui faisait que ce n’était pas directement au lever du jour était simplement pour lui offrir le temps de préparer les recettes et de s’exercer. Léonie l’avait ensuite regardé s’éloigner à son rythme avec sa montagne de compagnon. Une étrange sensation semblait se réveiller dans l’esprit de la my’tränne, était-ce ça la satisfaction d’avoir passé un bon moment ? Une fois la silhouette entièrement disparue de son champ de vision, Léonie rebroussa chemin, prenant la direction de la demeure familiale.

~ Terminé ~

Petite note ♥ : :