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 Contrée enchanteresse, mortel enchantement [Terminé]

Meylan Lyrétoile
Meylan Lyrétoile
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Contrée enchanteresse, mortel enchantement [Terminé] EmptyJeu 8 Fév - 18:57
Irys : 960453
Profession : Ménestrelle
My'trän +2 ~ Khurmag
Hrp:

Les scintillements furent la première chose que Meylan remarqua.  Scintillement des cristaux de neige fraiche sur le clair de lune, mais aussi scintillements d’objets plus volumineux posés délicatement sur cette même neige.  Des pierres lumineuses, reflétant de mille feux l’éclat des étoiles et de la pleine lune au dessus d’elle.  Au loin, elle entendait le rugissement du khoral qui s’éloignait, sans toutefois savoir comment elle parvenait à identifier un son qu’elle n’avait encore jamais entendu.  La neige continuait à tomber à légers flocons autour d’elle, mais c’était une neige sereine, calme, enjôleuse.  Elle semblait plus moelleuse que mortelle, plus caresse que morsure.  Un paysage enchanteur qu’elle reconnaissait sans jamais l’avoir vu.  Khurmag.  Pays aux mille enchantements, pays aux illusions traîtresses, patrie de l’Immaculé.  Etrange, elle ne se souvenait pas d’avoir fait le voyage.  Enfin, sa présence actuelle sur cette plaine était indéniable.

Elle était vaguement consciente qu’elle aurait dû avoir froid, mais elle ne ressentait même pas l’ombre d’un frisson.  Elle se sentait bien, plongée dans un monde de merveilles.  Que pouvait-il lui arriver alors que le griffon blanc veillait sur elle, après tout?  Que pouvait-il lui arriver dans un endroit tout droit sorti d’un conte?  Et puis, elle était ménestrelle.  Elle relatait les aventures, elle ne les vivait pas.  Le danger l’ignorait tout comme elle ignorait le danger.  Seul le ravissement restait, et lui était bien présent, remplissant chaque parcelle de son esprit.

Combien de temps était-elle restée ainsi figée avec pour seul but de graver chaque détail du paysage dans sa mémoire?  Des minutes?  Des heures?  Des jours, même, peu importe qu’elle n’ait pas vu les étoiles pâlir et s’illuminer à nouveau?  Elle aurait été incapable de le dire, et elle s’en moquait.  Toujours est-il qu’elle finit par se mettre en marche, désireuse de voir quels autres mystères cette plaine enchanteresse dissimulait.  La neige craquait sous ses bottes, le vent lui soulevait les cheveux sans pour autant la refroidir.  Elle aurait pu marcher pendant une éternité sans ressentir le besoin de s’arrêter.  Parfois, elle s’abaissait, ramassait une pierre particulièrement brillante et la tournait et la retournait de manière à laisser les rayons des étoiles et de la lune jouer sur toutes ses facettes.  Quelle beauté que celle de cette région!

Alors qu’elle avançait, de la musique remplissait l’air (ou seulement sa tête?) et elle reconnut sans difficulté le troisième mouvement d’une de ses oeuvres préférées.  Quel meilleur accompagnement pour une nuit dans cette région du monde?  Enjôleuses, délicates et éthérées, les notes faisaient résonner son coeur et non ses tympans.  L’air était si beau, si pur que cela lui faisait presque mal de l’entendre.  Comme si une telle perfection n’était pas faite pour des oreilles humaines.

Enfin, elle arriva à une variation dans le paysage.  Une étendue d’eau, pure comme seul un lac de haute montagne peut l’être, limpide et calme malgré la brise.  Cette surface-là aussi reflétait l’éclat des étoiles, scintillant de mille feux.  Elle s’avança jusqu’au bord de l’eau et se pencha.  La surface calme lui renvoya l’image d’une femme aux cheveux de jais et aux yeux foncés, eux aussi remplis de petites lueurs. Sous le clair de lune, sa peau hâlée se faisait plus pâle qu’elle ne l’était en réalité, lui donnant une apparence fantomatique.  

Un mouvement juste en dehors du champ de vision de Meylan attira son regard, et elle put voir qu’un autre reflet avait rejoint le sien dans le plan d’eau.  Une jeune femme d’une pâleur aussi complète que la neige qui les entourait, qu’il s’agisse de sa peau diaphane ou de ses longs cheveux blancs malgré sa jeunesse.  Seuls ses yeux tranchaient, deux éclats de couleur dépareillés parmi toute cette blancheur.  Quel fascinant personnage…s’agissait-il d’une des fameuses illusions de la région, ou d’une personne à part entière?  Sans rompre le silence (tiens, quand la musique s’était-elle arrêtée?), Meylan adressa un mince sourire à l’autre reflet, sans pour autant tourner la tête vers celle qui devait projeter ledit reflet.


Dernière édition par Meylan Lyrétoile le Jeu 17 Mai - 22:29, édité 2 fois

Ophélia Narcisse
Ophélia Narcisse
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Contrée enchanteresse, mortel enchantement [Terminé] EmptyJeu 8 Fév - 21:07
Irys : 1609400
Profession : Cible mouvante pour Régisseur
Pérégrins -2
Khurmag, contrée de soie blanche, et de mensonges tout aussi finement tissés. Terres où la seule réalité appartient à ceux qui la façonnent, une anarchie utopique où seuls les fous osent s'y briser. Pays où les fantasmes et les rêveries côtoient le seul et même plan, ignorant jusqu'à l'existence même de la terreur qui se cache à leur côté. Car si les flâneries existent, les cauchemars, eux, sont bien plus à vif, bien plus armés, bien plus mortels. Que les fantasques continuent à voler haut dans leurs pensées, si leurs ailes doivent se couper, elles ne feront que les entraîner plus bas encore. Pouvaient-ils seulement encore savoir si l'eau qu'ils buvaient, la viande qu'ils arrachaient étaient réelles ?  Tant d'illusions qui bercent leur cité, tant de malice enfouie dans des coeurs avides de mensonges, tout étant à la merci du grand griffon qui, depuis les nuages, jamais ne s'endormait. Lui aussi, était perdu dans ses propres fantasmes.

Le vent de l'Ouest apportait avec lui le soupçon d'une rumeur, silencieuse, mais synonyme de mort. Les flocons qui volaient pour s'écraser sur les pics occidentaux nourrissaient les murmures que l'air avait porté depuis les terres lointaines. C'était un gémissement, un râle, une complainte désespérée de faucher la chair et les âmes de ce pays, protégé et pris de main-mise par le tyran qui le gouvernait. Car tout être qui respire se doit d'un jour mourir, car toute première larme doit s'en terminer par une dernière, et que de la poussière, il ne doit rester que la poussière. Car c'était le cycle que les dieux imposaient à leurs enfants, c'était la roue infinie de la vie qui jamais ne cesserait de tourner. Mais le vent de l'Ouest, lui, soufflait sur le cercle dont le bois s'effritait déjà de la froide étreinte qu'il apportait. Ce n'était pas tant le gel que Khurmag connaissait tant, mais une morsure de glace qui promettait la ruine du pays. 

Dans son insouciance, la barde se plaisait, la vue devait sans doute être magnifique lorsque depuis les rêves l'on observe. Tant aspirée par sa fantaisie, elle ne sentait pas le froid que portait l'air qui dansait dans ses cheveux. Les détails obnubilaient ses sens, elle en retournait jusqu'à la moindre pierre pour ne pouvoir n'en savourer que chaque aspect de la meilleure des manières. Loin dans la forêt, les corbeaux s'étaient envolés, traversant les feuilles mortes de leur sombre plumage, annonçant que là-bas, des âmes aveugles s'étaient finies de rêver. Ils tournaient autour des maisons, tournaient autour des arbres, tournaient autour des utopistes, ignorants du mal qui se posait sur leur épaule. 

Car, quelque chose traquait désormais la ménestrel, suivant à la trace les empreintes qu'elle laissait dans la neige. Elle n'entendait pas les bruissements qui derrière elle s'amoncelaient de chuchotis, les corbeaux volaient au ras le sol, le frottement de leurs ailes se changeant en basses paroles qui bientôt, foulèrent à leur tour le large tissu blanc qui couvrait la terre. Un pas sortit du tumulte de plumes et de becs, une jambe suivit, puis tout un corps. C'était une femme dont la chevelure se fondait dans la pureté du sol, une femme dont le regard ne laisser deviner qu'innocence. Sa démarche était celle d'une habitante, la neige ne dérangeait pas ses pas, au contraire, elle la portait. Lentement, l'étrangère à la chevelure opaline marchait vers la volage. 


Cette dernière acheva ses pas sur la bordure d'un lac à l'eau cristalline de surface, admirant la beauté de ce que la superficielle couche aqueuse aux éclats onyriques lui offrait. Elle s'y amusait à s'y regarder, contemplant la fausse réalité de ce que son rêve faisait d'elle. De derrière un tronc, sur la bordure de de la terre ornées d'herbes éclatantes, la fille aux long cheveux vidés de leur saveur s'approchait. Se penchant par-dessus l'épaule de l'artiste, elle la vit esquisser un sourire amical en sa direction. De ses yeux vairons, l'étrangère fit le tour de son visage, imitant sa salutation et lui rendant une courbure toute aussi plaisante. Elle approcha alors sa bouche de l'oreille de la rêveuse, lui murmurant d'un ton si doux qu'il en était hypnotique.

Tu sais si bien chanter, Diniel ... tes cris seront-ils aussi harmonieux ?

Et le visage de l'étrangère aux cheveux neigeux se tordit en un rictus psychotique qui toisait la barde. Ses yeux s'emplirent de blanc et ses pupilles rétrécirent, alors que de derrière ses lèvres, ses dents se découvrait. Sa peau blanche se dévêtit de l'illusion pure qu'elle arborait. Ses joues se couvrirent de sang, ses vêtements se tâchaient d'une écarlate nuance qui la trempait jusqu'aux chevilles. Elle leva la main droite, découvrant deux têtes arrachées à leur corps, avant de les jeter aux pieds de l'enfant de Khugatsaa. Reconnaissait-elle ces visages si familiers, affublés de l'expression de la mort, lèvres violettes et teint effacé ? Car à ses bottes, ce n'étaient autre que Neria et Rowen. L'étrangère, auteure de ces maux, découvrit de sa manche un couteau duquel le sang coulait abondamment ... ce dont on avait utilisé cette lame pour, peu importe ce qu'il en était, seul comptait que l'oeuvre était encore fraîche. 

Meylan Lyrétoile
Meylan Lyrétoile
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Contrée enchanteresse, mortel enchantement [Terminé] EmptyJeu 8 Fév - 23:42
Irys : 960453
Profession : Ménestrelle
My'trän +2 ~ Khurmag
Un compliment.  Un nom.  Une menace.  La manipulation psychologique à un niveau de maître.  Ne se doutant de rien, Meylan ne sentit d’abord qu’une légère gêne à la mention de ce nom enfoui dans son passé, dissimulé, oublié.  Plus personne ne l’appelait Diniel, "la silencieuse", un nom si peu approprié pour la ménestrelle qu’elle était devenue.  C’était un vestige de temps passés, de temps avant qu’elle ne déploie ses ailes et devienne celle qu’elle était désormais.  Une autre époque, une autre personne, rien de plus qu’un souvenir…et qu’étaient les souvenirs pour la plupart des mages?  Des feuilles éparses, emportées par le vent en même temps que la personne à qui ils étaient raccrochés.  Seuls les enfants de Khugatsaa pouvaient conserver ces feuilles, les parcourir à nouveau…et ainsi reconnaître un nom longtemps ignoré.  Mais la jeune femme n’eut même pas le temps de s’interroger sur le pourquoi du comment de cette réapparition soudaine d’une identité dont elle avait scellé le sort elle-même.  La gêne se glaça, s’étendit et se mua en une angoisse indescriptible, sensation bien plus physique que la caresse des flocons immatériels qui tombaient toujours.

Lentement, le corps engourdi par une vague de froid provenant uniquement de son esprit, elle se tourna, fit face à l’apparition, et se releva alors que le terrible changement s’effectuait sur l’apparence de la créature envoyée pour la tourmenter.  Si elle n’avait pas été aussi figée, sans doute son visage se serait-il décomposé d’horreur.  Mais elle était bel et bien incapable de bouger ne serait-ce que le moindre muscle, si bien que seuls ses yeux, désormais dépourvus des pétillements qui les avaient remplis, reflétaient la terreur qui l’avait gagnée.  Quelque chose fut envoyé à ses pieds…non, deux objets si elle se fiait au son qu’ils avaient fait en heurtant le sol.  Mais il fallut ce qui sembla une éternité à Meylan pour parvenir à baisser les yeux vers les sol.  Et souhaiter ne pas l’avoir fait.  Elle ne s’étonna même pas de reconnaître ses deux anciennes tutrices: tel était le don (ou la malédiction?) des enfants du griffon blanc.  Terreur, douleur, chagrin, incompréhension se disputaient la place d’honneur en elle, et pendant un instant elle eut l’impression qu’elle allait s’étouffer tant ses sentiments l’écrasaient, étau impitoyable qui la serrait à présent toute entière.

Mais elle ne s’étouffa pas.  Ses poumons continuèrent à inspirer et expirer l’air pur des montagnes, sa cage thoracique se soulevait et s’abaissait à un rythme certes élevé, mais régulier.  Si elle devait mourir, ça ne serait pas de peur ni de chagrin.  En revanche, sa mort semblait d’une imminence sans précédent.  Cette information traça son chemin de la périphérie de l’esprit de Meylan à son centre, restaurant étrangement un semblant de raison sur son chemin.  Contrairement à la vague de sentiments  qui avait menacé de l’emporter, cette pensée était concrète et objective, presque tangible.  Elle offrait une prise sur la réalité (ou du moins ce qui passait pour réalité en cet endroit traître), et la ménestrelle s’accrocha à cette prise avec l’énergie du désespoir, l’utilisant pour se hisser hors de la torpeur qui la menaçait.  

Pour la première fois, Meylan osa poser les yeux sur la créature et l’observer pour de bon.  Létale, aucun doute là-dessus.  Aucune chance de fuite ou de triomphe au combat.  À tout moment, cette lame ensanglantée pouvait trancher la chair fragile, percer un organe vital.  À tout moment, certes, mais elle ne l’avait pas encore fait.  Cette créature tenait la vie de sa proie dans le creux de sa main (littéralement), mais elle ne lui avait pas encore retiré.  Et tant qu’il lui restait un souffle de vie et un brin d’esprit, tant qu’elle pouvait se raccrocher à quelque chose, même la conscience morbide qu’elle était un cadavre en sursis, la jeune femme s’y raccrocherait de toutes ses forces et se battrait pour conserver sa vie.  Elle n’était pas une guerrière.  Elle possédait une autre arme.

"Pourquoi?"

Pourquoi ne suis-je pas encore morte?  Pourquoi es-tu venue me tourmenter?  Pourquoi t’en es-tu prise à deux femmes qui ont dévoué leur vie entière au service des autres?  Pourquoi, pourquoi…?  Il y avait tant d’interprétations possibles à cette question.  Quelle était celle que Meylan visait vraiment?  L’une d’entre elle?  Plusieurs?  Toutes?  Ou alors aucune et était-ce seulement une manière de gagner du temps, de découvrir ce qui se cachait derrière le masque ivoire et écarlate de son vis-à-vis?  Les mots, les masques, voilà ce que la ménestrelle connaissait.

Ophélia Narcisse
Ophélia Narcisse
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Contrée enchanteresse, mortel enchantement [Terminé] EmptyVen 9 Fév - 1:31
Irys : 1609400
Profession : Cible mouvante pour Régisseur
Pérégrins -2
Tout le délice du supplice ne résidait pas dans la terreur, mais bien l'ignorance. Oh, bien sûr que la peur de la ménestrelle était délicieuse ... mais il y avait bien plus qu'un simple cauchemar derrière toute cette charmante mise en scène, vraisemblablement inventée de toutes pièces par le vaste esprit de l'enfant de Khugatsaa. Devant son regard effrayé, sa posture rigide et sa voix sans air, l'atrocité se couvrait le visage de larges sourires, c'était exactement ce qu'elle recherchait. Elle n'avait pas encore réalisé que c'était un rêve, elle ne s'était pas encore échappée de l'illusion permanente dans laquelle elle vivait. Les enfants du griffon blanc naissent aveugles, et le restent toute leur vie, à moins qu'on ne les arrache à leurs fantaisies pour leur rappeler que la mort, elle, n'est pas qu'un lointain horizon. Si cette pensée fantasque allait être douloureuse pour Mey ... elle n'en serait pas moins instructive.

La sanglante étrangère s'approcha, s'agenouillant devant la jeune artiste qui s'était paralysée, comme un réflexe de survie. Pensait-elle que le serpent n'allait pas mordre si elle restait de marbre ? Les leçons retenues sont celles qui laissent des marques, et la figure cauchemardesque comptait bien qu'on se souvienne d'elle. Elle reprit son expression maligne, mais paraissant si innocente, comme si le mal qu'elle infligeait n'était ni de sa faute, ni de ses soucis. Elle plongeait son regard vairon dans celui de la méconnue, dont elle savait pourtant tellement. Car si elle n'était que partiellement une figure inventée, elle était bien sortie de la tête de Meylan. Son esprit l'avait invité en ces lieux, refuge habituel de l'inspiration qui lui venait lorsqu'elle imaginait ses textes. 

Tout autour, les arbres se mourraient, l'eau du lac se teintait de rouge et les nuages s'amoncelaient dans le ciel. Il y avait un orage qui arrivait, les éclairs pouvaient se deviner derrière la brume céleste qui, depuis là-haut, surveillait l'échange. Tout autour, il n'y avait pas un seul être qui respirait, aussi vaste la lande fut-elle. Ni faune, ni flore ... ni humains qui ne respiraient. C'était le néant, un vide où seules deux personnalités se confrontaient, le reste s'était enfui vers l'inexistant. Lentement, depuis les arbres morts, des racines se frayaient chemin sous terre jusqu'aux deux jeux femmes, rampant comme des pythons sous la terre, la retournant occasionnellement pour laisser transparaître leur écorce écarlate. L'atmosphère tout autour n'était plus que cendre.

La mort ne se justifie pas ... elle s'exprime. En tant qu'artiste ... tu devrais comprendre cela mieux que quiconque.

L'ensanglantée la regardait, sourire apaisé aux lèvres, regard effacé par le blanc de ses yeux. Elle pencha la tête sur son épaule droite, abaissant ses iris comme si elle se faisait complice de celle qu'elle tourmentait. Elle passa une main faussement tendre sur la joue de la fille du griffon, effleurant sa peau du dos de son index, déposant le sang de ses chères bienfaitrices sur sa chair même. L'apparition eut un ricanement qui lui faisait trembler les épaules, gloussant depuis le fond de sa gorge, elle se riait et se délectait de la peur qu'elle inspirait à la pauvre chose en face d'elle. Ce n'était pas tant qu'elle méritait sa torture ... mais simplement que les rêves sont à double tranchants. Et la lame de l'étrangère semblait d'ailleurs bien aiguisée ...

Regarde autour de toi, pauvre enfant. Ne vois-tu pas qu'il ne reste rien de Khurmag ?

Il y avait dans son ton un mélange d'ironie, de mépris et de haine, comme si avec chaque mot qu'elle prononçait, elle refoulait sa salive dans sa gorge. Sa voix était hantée d'un écho qui résonnait dans la vallée, jusque dans la lande, si bien que même à Reoni elle se serait faite entendre. Mais pas une fois n'avait-elle levé le ton, elle soutenait une harmonie malsaine dans ses syllabes, tout en gardant un calme impérieux. Accompagnant ses derniers mots, elle inclina son visage vers les forêts de cendres avec une moue désintéressée, faisant s'effacer son sourire qu'elle n'avait que trop gardé. Entre ses lèvres s'échappaient ses dents autour desquels elle faisait frotter sa langue. 

Tout le monde est mort ... il n'y a plus rien de vivant ici. A part toi, et moi. Ces têtes là ne sont que deux parmi tant d'autres. Et sur le charmant tas de cadavres de my'trans trône celui de ton Architecte bien-aimé.

La figure féminine tendit le poignet en l'air, doigts tournés vers la sol, dos de la main faisant face aux nuages. Une goutte sanguine atterrit sur sa peau depuis les cieux, explosant en une voltige de feuilles rouges qui prirent la forme d'un colibri. L'oisillon prit son envol devant les yeux de la ménestrelle, dansant en des rondes, comme un spectacle qui s'offrait à elle. L'animal zinzinulait et battait faiblement des ailes. Mais les bruits du volatile s'estompèrent avec le sifflement d'une dague qui traversa les pétales rougeoyants. Ces derniers s'écartèrent avant de retomber au sol, suivis par le regard de la meurtrière qui les regardait tomber, haine dans les yeux. La lame avait fouetté l'air juste devant l'arête du nez de Meylan, sans pour autant la toucher. Ce n'était cependant qu'une question de temps ... 

Meylan Lyrétoile
Meylan Lyrétoile
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Contrée enchanteresse, mortel enchantement [Terminé] EmptyVen 9 Fév - 11:13
Irys : 960453
Profession : Ménestrelle
My'trän +2 ~ Khurmag
Le changement de décor aurait dû alerter quelque sixième sens endormi et par là même lever le voile sur la vraie nature de l’endroit où Meylan se trouvait.  D’ordinaire, elle possédait suffisamment de clairvoyance pour percer les illusions de ses confrères, assez de familiarité avec cet art pour ne pas se laisser abuser.  Elle s’était faite elle-même, chose qui aurait été impossible si elle n’avait pas eu les pieds fermement plantés sur terre.  Son imagination était fertile, certes, mais habituellement secondée sans faute par un calme pragmatisme qui permettait à l’artiste de retrouver la terre après s’être envolée.  Elle avait l’esprit vif, peu aisé à manipuler…mais qu’en était-il quand ce même esprit se retournait contre elle et devenait le manipulateur?  Elle était coincée, prisonnière de ses propres illusions et incapable de s’en rendre compte.

Difficile de dire si c’étaient les mots qu’elle entendait, le ton sur lequel ils étaient prononcés ou l’aura malfaisante de la créature qui les maniait qui en garantissaient l’impact.  À nouveau, une vague de malaise menaça d’emporter la jeune femme, et à nouveau elle la repoussa, se raccrochant à une pensée limpide: Je ne suis pas encore morte.  Pas encore.  Face à une telle épreuve, elle se tenait encore droite pour le moment…la question serait de savoir si elle finirait par ployer ou, pire, se briser.

Elle sentit à peine le doigt qui lui effleura la joue, tout en étant consciente que celle-ci était désormais ornée d’une marque écarlate.  Comme si c’était elle la meurtrière, celle dont il fallait se méfier…quoique.  Les victimes de crimes finissaient plus souvent maculées de sang que ceux qui les perpétraient.  Le rire qui suivit la fit frissonner et jurait horriblement avec l’élocution mesurée de l’inconnue, telle une fausse note dans une composition, un instrument incongru dans un ensemble.  Etrange, qu’en un tel moment ses associations d’idées spontanées se fassent avec la musique.  Ou peut-être pas si étrange que ça, après tout.  Le sifflement d’une lame la tira hors de ses réflexions, le brusque mouvement à hauteur de ses yeux raidit ses muscles et arrêta son souffle.  Un réflexe de survie basique qui lui hurlait qu’il ne fallait pas faire de gestes brusques face à un tel danger.  Réflexe futile, puisqu’elle avait été informée sans détour que sa vie ne durerait plus longtemps.

"Comment?"

Economie semblait devenu son mot d’ordre.  Economie d’énergie et de souffle, économie de concentration aussi: plus elle gardait ses interventions courtes, moins elle devait faire d’efforts pour conserver le contrôle de sa voix.  Même alors que ses yeux, sa posture tendue, son coeur emballé trahissaient ses émotions, la voix de Meylan ne tremblait pas.  Cet instrument-là, elle le maîtrisait mieux qu’aucun autre, mieux même que sa chère lyre, et rien ne l’empêcherait de lui faire faire exactement ce qu’elle voulait.  Son ton était bas, posé, moins teinté de curiosité qu’une question de ce genre n’aurait dû l’être.  Comment une unique personne avait-elle pu causer autant de ravages que les troupes d’outre-mer avaient mis des années à réaliser?  Comment avait-elle pu semer tant de désolation?  Comment avait-elle pu commettre le crime le plus abominable de tous et assassiner celui qui insufflait la mémoire et l’inspiration, l’essence même de toute vie humaine?  La ménestrelle espérait-elle réellement une réponse?  Elle-même aurait été incapable de le dire...

Ophélia Narcisse
Ophélia Narcisse
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Contrée enchanteresse, mortel enchantement [Terminé] EmptyVen 9 Fév - 12:07
Irys : 1609400
Profession : Cible mouvante pour Régisseur
Pérégrins -2
L'ambiance se fondait mieux à la situation qui se profilait dans l'ombre de l'apparition, présage mortuaire qui hantait les pensées de l'artiste. Elle avait tant de questions, et tout autant de confusion que son visage pouvait traduire. Les yeux sont les reflets de l'âme, n'en était-il pas ainsi ? L'étrangère pouvait lire en elle comme sur un livre ouvert, et les caractères n'étaient pas inscrits en petit. Revenait toujours cette même question ... comment ? Ce n'était pas tant la manière qui importait, tout n'était que cécité au pays des supercheries. Et dans le royaume des rêves, tout comme dans la réalité, la vision obstruée n'apporte que ténèbres et néant. Les cieux ne veillaient plus sur leur enfant, pas ici. Dans cette conscience en tumulte, il n'y avait qu'une seule maîtresse. 

Hmm ...?


La femme aux cheveux de neige retourna lentement son visage vers la léthargique, retrouvant son regard grand ouvert aux iris perçants. Sa bouche se redécouvrit de son sourire maniaque, sans pour autant en dévoilant l'intérieur. Du fond de sa bouche, elle avait émis ce bruit interrogatif en un crescendo aigu, remontant du haut de la gorge jusqu'à la finition du palais. Elle entendait ses pensées, car elle était dans son esprit. Plus qu'une infiltration, elle était son esprit, juste le fruit de sa conscience et de son inconscient. Mais elle n'en savait rien, tout n'était que brume et miroirs autour d'elle, si bien que la charge des ignominies de cette apparition portaient leur blâme la pauvre ménestrelle. Les paupières de l'étrangère aux yeux vairons se baissèrent sur les mains de Meylan, elle en saisit une de sa main gauche, l'exposant de plus belle à son regard hautain. 

Même avec le sang dans vos veines ... vous ne savez rien des illusions. Sais-tu quel est le mensonge le plus meurtrier, Diniel ...?


L'apparition ne la regardait plus, elle s'était plongée dans sa peau. Ses pupilles s'étaient changées, son expression était devenue douce et son visage dérangé s'était apaisé. Ses sourcils s'étaient posés en dessous de son front, n'arborant plus la moindre orientation, ni la moindre pente. Le sourire qui hantait ses lèvres s'était effacé, pour ne laisser qu'une courbure amicale qui semblait si sincère. Sur le dos de sa main, la barde pouvait sentir le pouce que l'apparition passait sur sa peau, comme une tendre caresse qui calmait le rythme malsain qu'elle avait jusque là imposé. Avec ses airs de jeune fille bercée par la tragédie, l'étrangère aux cheveux blancs semblait si aimable, si calme. Mais ce n'était qu'une surface, le répit de cette torture n'avait pas encore sonné. 

Dans le dos de la rêveuse, se profila un grognement, suivit de pas de feutres. Une bête se mugissait de par delà les troncs de cendres, mais l'étrangère gardait le regard de sa tourmentée sur elle. L'ensanglantée releva alors le regard, doucement, comme si elle grimpait chaque pore de la peau de la musicienne du bout de ses iris. Et, lorsqu'ils se posèrent dans ceux de l'enfant du griffon, elle ne fit que lui sourire plus tendrement encore. L'apparition jeta alors la main de Meylan sur le côté, et de son poignet libre, elle effectua un mouvement rapide qui décrivit un arc de cercle, dont les contours se dessinaient d'un trait écarlate. Le bout de sa lame creusa une fine entaille dans la continuité de l'aisselle de la barde, dont le sang s'était envolé derrière elle. Les gouttes tombèrent en cloche, et en ligne droite, décrivant une piste à suivre pour le prédateur qui depuis les ténèbres rodait.

L'innocence Diniel ... toi-même tu y succomberais.


Elle n'avait pas changé d'attitude, son sourire était toujours aussi angélique et son regard empli d'empathie. Son visage était celle d'une jeune femme à qui l'on avait doucement subtilisé le premier baiser d'innocentes lèvres. Dans les cendres en face de la femme aux cheveux opalins, le grognement se rapprochait, occasionnant des reniflements qui sentaient la chaleur du sang que l'apparition avait fait s'échapper. Les racines rampaient encore elle aussi, mais tout était si lent, comme si la nature imposait un délai de parole, comme si les questions ne seraient acceptées que si elles étaient posées avant que le temps ne s'écoule. Rapprochant sa joue de l'oreille de la musicienne, l'étrangère aux yeux vairons lui chuchota dans le creux de son ouïe. 

L'orage vient sur Khurmag ...


Et elle ricana, se remettant à sa place, couvrant sa lèvre inférieure du côté de son index. C'était une jubilation enfantine, accompagnée d'un large sourire pure qui lui faisait se fermer son regard. Ses mots ne relevaient pas de la rêverie, et, de par le ton employé, c'était bien plus un avertissement qu'un constat, comme un murmure complice que lui glissait cette atrocité, comme un secret de jeune fille ... 

Meylan Lyrétoile
Meylan Lyrétoile
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Contrée enchanteresse, mortel enchantement [Terminé] EmptyVen 9 Fév - 19:38
Irys : 960453
Profession : Ménestrelle
My'trän +2 ~ Khurmag
Les mots de l’apparition étaient des armes, ses expressions des masques, ses actions un jeu d’acteur magistral.  Elle lui rappelait quelqu’un, mais qui?  Les pensées de la jeune femme étaient plus confuses que d’habitude, elle sentait bien que quelque chose lui échappait sans pour autant savoir ce qui lui donnait cette impression.  Elle voulait reprendre sa main, mais le contrôle de son bras lui avait été retiré.  Elle voulait se retourner, faire face à cette nouvelle menace qu’elle pouvait entendre dans son dos, mais son corps refusait de coopérer.  Malgré elle, elle était étrangement fascinée par cette apparition.  Une fascination que n’accompagnait pas la moindre admiration, non.  C’était la fascination proverbiale du papillon pour la flamme qui le brulerait bientôt.  La fascination qu’inspirait une catastrophe qui ne pouvait que causer deuil et effroi, mais dont les yeux refusaient de se détacher, peu importe que chaque instant révèle encore plus de détails qu’on aurait préféré ne pas découvrir.

À nouveau le sifflement de la lame trancha l’air désormais immobile, à nouveau du sang tacha la ménestrelle.  Son propre sang, cette fois.  Alors pourquoi ne ressentait-elle pas de douleur?  Etait-elle devenue insensible?  Peut-être…  Elle avait entendu dire que la peur pouvait effacer la douleur.  Il y avait assez de récits de héros accomplissant des actes surhumains alors même que la vie les quittait par de multiples blessures.  Et, indirectement, c’était peut-être cette blessure qui volerait la vie de la ménestrelle.  À moins que ces étranges ondulations juste sous la surface de la terre ne s’en chargent?  Ou cet orage, annoncé dans un souffle doucereux?

Acculée comme elle l’était, elle accueillait chaque pique comme une sentence, une condamnation sans sursis.  Elle en venait même à ployer le cou, accablée par la finalité des annonces.  Elle se noyait, qu’importe si la seule eau à l’état liquide se trouvait à quelques pas d’elle.  Elle était entrainée dans une spirale descendante qui l’attirait impitoyablement vers un fond si lointain qu’elle n’était pas sûre de le toucher un jour.  Il ne lui fallait même pas se déplacer physiquement pour se rendre compte de cette chute et savoir qu’elle n’y survivrait pas.  Petit à petit, Diniel laissait le désespoir la gagner, lâchait prise, se laissait aller…  Diniel?

Au plus profond de l’esprit de la jeune femme, quelque chose se rebella.  Telle une bête entravée, cette pensée se débattit contre les brumes qui la retenaient, ruait dans les brancards qu’on lui avait imposés.  Un combat interne faisait rage en elle, combat dans lequel elle ne savait pas quel parti prendre.  Les brumes étaient calmes, séduisantes et cette nouvelle pensée troublait leur équilibre, s’agitait, brutalisait sa conscience.  Elle ne voulait pas perdre le combat, elle ne voulait pas perdre le contrôle, elle ne voulait pas…se perdre.  Lumineuse, la pensée jaillit enfin, traversant les brumes et les faisant évaporer sur son passage.

"Je suis Meylan Lyrétoile, ménestrelle de Darga."

Une certitude, un point d’ancrage bien plus solide que le maigre substitut auquel elle s’était raccrochée jusqu’ici.  Elle n’était pas Diniel la silencieuse.  Elle ne l’était plus.  Elle ne devait pas rester sans parler alors qu’une autre prétendait la tourmenter impunément.  Elle n’était pas une victime sans défense.  Elle avait une voix, une profession, une identité, un protecteur.  Peu importait ce que l’autre disait, elle savait qui elle était, et elle ne laisserait personne dicter cela.  L’innocence la tuerait?  Mais quelle innocence?  Elle n’était plus une ingénue sans défense: elle avait bravé le froid, la faim, l’incertitude et l’échec.  Elle braverait ce nouveau défi.  À sa manière.

Ce revirement effectué, son apparence entière se modifia.  Elle s’était redressée, bien que sa petite taille ne lui laisse pas une grande marge de manoeuvre à ce niveau-là.  Ses yeux cherchèrent ceux de l’inconnue, mais avec une détermination neuve.  Ses traits s’étaient apaisés, son sourire était né à nouveau.  Et dans ses mains, Meylan tenait désormais un objet qui était une extension d’elle-même.  Sa lyre.  Son alliée dans tous les combats qui comptaient.  Sans avoir besoin de quitter son adversaire des yeux, elle parcourut les cordes de l’instrument de ses doigts fins, et les notes pures s’élancèrent vers le ciel, ramenant un peu de vie dans ce décor pétrifié.  Une chanson du fond des âges, une ode à l’Immaculé.  Meylan l’avait déjà vu étendu par terre, l’avait cru mort.  Mais ce n’était qu’une impression, une illusion de plus.  Le griffon blanc était toujours vivant.

Enhardie par cette mélodie familière, elle tendit son esprit pour accéder à ce monde invisible où elle puisait la force de son protecteur.  Elle l’atteint sans mal, bien plus facilement que jamais.  Forcément.  Ce monde-là n’existait que dans son esprit, et tout ici n’était qu’esprit.  Il était si proche de cette "réalité" qu’elle se surprit à penser qu’il lui suffirait de tendre la main pour caresser cette énergie pure et s’en imprégner.  Mais elle n’en fit rien.  C’était sa lyre qu’elle caressait.  Et au fur et à mesure qu’elle jouait, elle gagnait en assurance, en prestance.  Une aura presque lumineuse l’entourait, la baignait dans une douce chaleur.

"Diniel aurait succombé à l’innocence.  Ce n’est pas moi, et je ne suis pas une fillette apeurée par l’orage.  La foudre frappe l’arbre solitaire depuis trop longtemps.  Le vent emporte ses cendres.  La pluie abreuve la terre asséchée et fait renaitre une jeune pousse."

Sa voix ne tremblait pas, et elle ne devait même plus faire d’efforts.  Elle n’avait pas arrêté de jouer un seul instant, et la musique remplissait son coeur, son esprit, chaque parcelle de son âme.  Elle s’appropriait la musique, elle devenait la musique, elle était la musique.  On ne réduisait pas si facilement Meylan Lyrétoile au silence.

Ophélia Narcisse
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Contrée enchanteresse, mortel enchantement [Terminé] EmptyVen 9 Fév - 22:19
Irys : 1609400
Profession : Cible mouvante pour Régisseur
Pérégrins -2
La bête avait repris du poil, il aurait semblé. Une volonté nouvelle ... oui, une jeune pousse dans le désert. Un arbre solitaire qui dans la plaine se tenait fièrement, face au vent, sachant qu'il serait un jour abattu par l'écrasant soleil. Mais tout n'était que mirage et ce sursaut du coeur ne faisait qu'enfoncer Meylan dans ses propres illusions. La terreur disparaissait cependant ... l'espoir était une arme à double tranchant, qui, tout comme les ailes illusoires ne fait qu'entrainer plus haut pour ne rendre la chute que plus douloureuse. Malgré tout, les plumes ne sont pas propres aux oiseaux, et l'esprit avait ses manières de rester volage. Quel intérêt au songe s'il ne laisse pas de marque ?  quel intérêt au couteau s'il ne laisse pas de cicatrice ? Quel intérêt au cauchemar ... s'il n'y a pas de trauma ? 

La réaction de l'apparition était pour la moins ordinaire. Elle regardait sa cible user de sa voix, de sa langue qui enfin se déliait. Elle arborait un air neutre sur son visage, comme si la performance n'était pas la bienvenue mais que les écarts étaient permis. C'était son esprit après tout, même si cette information n'avait aucune transparence. La femme aux cheveux de neige regardait le paysage s'embellir aux syllabes et aux notes de la ménestrelle. Les cendres s'effaçaient et les arbres se redoraient de feuilles. Tout le petit monde de Meylan Lyrétoile se reforgeait, renaissait en un soupir de liberté. Agenouillée, la figure ensanglantée croisait les avants-bras sur ses cuisses, attendant patiemment que la barde ne se finisse de chanter. Elle voulait une bataille ... elle aurait la guerre. Les foudres les plus meurtrières sont celles que l'on ne voit pas venir, et l'aspect laiteux du cauchemar ne laissait entrevoir aucune agressivité. Elle écoutait simplement.

Et lorsqu'enfin, la ménestrelle se tut, il ne resta que le silence. Le vent de l'Ouest soufflait, apportant la rumeur d'un monde qui s'éteint, gelant de sa caresse les êtres de Khurmag ... pour ceux qu'ils restaient. Les racines atteignirent les deux femmes dans un silence grondant. Elles firent leur tour de la dame de sang et trois finitions d'ébènes sortirent du sol, apportant avec elles trois roses rouges en fleur. Du bout de l'index, la meurtrière en préleva la tige qui commença à saigner le long de son doigt. Elle la laissa se vider de sa sève écarlate sur ses mains, les entachant plus encore jusqu'à ce que tous les pétales aient finis de s'effacer. Un air triste au visage, l'apparition jeta la pousse morte, allégorie que Meylan avait si justement utilisé, mais qui relevait tant du fantasme ... une fois encore. Le goût de la vie ... ce n'était qu'un éphémère plaisir qui remplissait les sens d'une euphorie illusoire. Jusqu'à ce que l'on goûte au supplice de la souffrance, et de la dure réalité qu'elle apporte, ne laissant d'autre choix que d'en savourer la torpeur du bout de la langue. S'accrocher aux fantasmes, ne pas se laisser rattraper par le réel, tel était le secret de la survie de la barde. 

Enfin, l'apparition releva la tête, offrant un regard lassé à la tourmentée. Son expression n'était pas cruelle, son attitude n'était pas celle d'un monstre, juste celle d'une femme. Elle inclina la tête sur son épaule gauche, comme si le numéro que lui avait offert la ménestrelle était une blague de mauvais goût. Elle replaça une mèche de ses longs cheveux blancs par-dessus son oreille, fermant patiemment les paupières, sans même dire un mot. Son regard replongea alors soudainement dans celui de la fille du griffon, une oeillade vidée de sentiments, vidée d'humanité. Elle tendit le bras vers la tête de la barde, et les racines autour d'elle vinrent s'enrouler autour du cou de Meylan. Ramenant son poing vers sa poitrine, serrant les doigts sur leurs paumes, les liens naturels firent chuter leur captive sur l'apparition. Toutes deux traversèrent le sol, comme si ce n'était que de l'eau. 

Le décor avait complètement changé. Tout autour, il ne s'agissait plus du lac et de la forêt, mais de Reoni même. Les rues étaient désertes, il n'y avait pas un seul corps qui traînait, ni même une goutte de sang qui aurait témoigné d'un quelconque massacre. L'apparition fit un pas en avant, sans dire mot, et s'assurant que celle qui l'accompagnait la suivait. Toutes deux arrivèrent à une place sur laquelle se présentaient deux promontoirs, l'un n'était qu'un simple carré, le second décrivait une grande arc de cercle. Chaque stage avait de gros objets cachés par des voiles sur leur surface, sauf que ceux du grand présentoir s'élevaient jusqu'au ciel, alors que le solitaire ne faisait que trois mètres tout au plus. 

La femme aux cheveux blancs fit monter Meylan sur la plateforme solitaire et lui tendit une corde qui dépassait du drap. Elle referma elle-même les mains de la barde sur les liens solides, elle tira très fortement, peu importe ce que tenait cette chose, c'était très lourd. L'apparition tira le voile sombre qui dissimulait la vraie nature de ce que la jeune femme portait. Un lit de bois, une longue encoche vers le haut, une immense lame postée en haut, retenue par la corde que tenait la ménestrelle. C'était une guillotine, et sur le siège s'allongeait l'inconnu du bal. Ce même inconnu qui avait échangé tant de paroles plaisantes avec celle qui ignorait ce qu'il était réellement. Sur ce lit de bois, c'était Khugatsaa tel que sa fille l'avait connu. 

Ne se souciant pas si la tourmentée tenait la corde ou non, la dame de sang descendit de l'estrade sans jeter ne serait-ce qu'un regard en arrière, ni même prononcer un mot. Elle se redirigeait vers la plateforme en arc de cercle. Postée sur le bois, elle dévêtit le voile de la première guillotine qui descendit des cieux et se décomposa en un amas de corbeau qui se postèrent sur les corniches des maisons surplombant la place. Sous ce voile-ci, c'était Mary. Sans même hausser le moindre sourcil, l'apparition lança la corde qu'elle tenait au milieu de la place.

Choisis.


Un roulement se faisait entendre, un sifflement perçait l'air des cieux et descendait continuellement. Le temps était désormais compté et la fille du griffon devait en avoir conscience. Depuis son propre lit de bois, l'Architecte était bâillonné et grognait dans le tissu avec un regard empli d'une nuance de fureur immergée dans de la peur. Droite sur ses jambes, l'apparition lança une dague qui vint couper le tissu qui noyait les paroles divines, déliant le très-haut de son entrave. Libéré de son mutisme, l'Architecte criait dans la direction de sa protégée.

Meylan ! Ce n'est qu'une illusion, reste là. Ne fais rien ! Tout ira bien, ne bouge surtout pas


Et en face, la lame descendait derrière la jeune femme qui arborait un regard aussi noir que le plumage des corbeaux qui là-haut volaient.

Meylan Lyrétoile
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Contrée enchanteresse, mortel enchantement [Terminé] EmptyLun 26 Fév - 23:00
Irys : 960453
Profession : Ménestrelle
My'trän +2 ~ Khurmag
Qu’importe que les effets de l’art de Meylan aient été aussi éphémères que son chant, ce dernier avait au moins eu le bénéfice de restaurer un semblant de calme en elle.  Oh, bien sûr, elle n’avait en rien perdu la peur et l’horreur que l’apparition lui avait inspirées, mais au moins elle commençait à récupérer des bribes de contrôle sur ses pensées.  Un contrôle frêle, encore mis à mal par une terreur instinctive, mais c’était un début.

Le rouge qui macula une nouvelle fois les pâles mains, si semblable à la couleur du sang humain bien qu’il appartienne à une fleur, ne fit que rehausser à quel point cette femme incarnait l’absence, le vide, le néant.  Telle une entité destructrice, elle vidait son entourage de toute substance.  Même une chose aussi élémentaire que la couleur semblait la déserter, si bien que seul le sang des autres parvenait à la faire trancher avec la neige qui l’entourait.  Elle flétrissait la végétation, désolait le paysage, effaçait toute vie de ses environs…et aurait consumé jusqu’à l’âme de la ménestrelle sans un sursaut de rébellion de cette dernière.  Hors de question.  Malgré ces nouvelles résolutions, Meylan ne put cependant réprimer un frisson de révulsion quand des liens tout sauf naturels l’enserrèrent et l’entrainèrent de force vers celle qui les contrôlait.

Preuve que la brume était encore loin de s’être levée sur son esprit, elle ne s’étonna pas du brusque changement de décor ni de la manière employée pour l’effectuer.  Tout au plus se demanda-t-elle où les habitants de cette ville fantôme se trouvaient.  Etait-ce là le secret de Reoni?  Qu’une fois dénudée de ses illusions, elle n’était rien de plus qu’une carcasse vide, depuis longtemps privée des vies et des âmes de ses habitants?  Ou était-ce une preuve de plus que sa guide créait le néant partout où elle allait?  D’ailleurs, pourquoi lui avait-elle spontanément emboité le pas?  Ne devrait-elle pas saisir l’opportunité que le dédale de rues lui offrait et tenter de semer la source de ses tourments?  Si les deux dernières questions effleurèrent la conscience de Meylan, elles furent néanmoins vite balayées par une force bien trop grande pour elles.  Telle une somnambule, elle suivait docilement la fantomatique silhouette tandis qu’une sourde angoisse lui nouait les entrailles.  Quoi qu’elle trouve au bout de cette route, il s'agirait inévitablement d’un nouveau tourment.

C’est de cette même démarche automatique qu’elle gravit l’estrade sur laquelle elle avait été menée, un mouvement qui autrement aurait signifié le début d’une représentation.  Quelle ironie que dans le spectacle qui l’attendait elle soit à la fois l’actrice, la protagoniste, et le pion d’un auteur qui jouait avec sa proie avant de l’achever!  À nouveau elle frissonna au contact des mains faussement délicates, et à son angoisse s’ajouta la tension de l’imminence d’un drame.  Mais aucun pressentiment n’était à la hauteur de la douleur que le choix que l’apparition avait dévoilé on ne peut plus littéralement et imposait maintenant à la musicienne.  Le dilemme la déchirait de l’intérieur, semblait sur le point de réduire en miette son regain de confiance en elle durement gagné, si bien qu’elle manqua de rater les mots de son protecteur, dont la position actuelle jurait d’ailleurs fortement avec le port de ce titre.  Torture psychologique raffinée à l’extrême, ou sursaut de son subconscient qui tentait tant bien que mal de l’alerter que quelque chose ne tournait pas rond?

Pourtant, ces rassurantes paroles, peinaient à obtenir l’effet désiré.  Les pensées de Meylan étaient à nouveau piégée dans une spirale nourrie par de puissantes émotions qui ne laissaient aucune chance à des considérations rationnelles.  Elle ne pouvait pas faire cela.  Elle ne pouvait pas être l’instrument de la destruction d’une entité créatrice de ce monde et de ses habitants, une entité si importante à ses yeux qu’elle éclipsait en grande partie ses consoeurs et confrères.  Mais à côté, c’était de la vie de Mary dont il était question.  Mary qu’elle connaissait depuis l’enfance et qui elle-même portait depuis peu un enfant en elle.  Mary qui était sur le point de fonder une famille après son mariage si récent.  Sa soeur de coeur sinon de sang.  Il était hors de question que le moindre mal lui soit fait.  Mais elle ne pouvait être l’instrument de la destruction de son protecteur divin…  La chaine tournait encore et encore dans son esprit, lui donnait le tournis sans la rapprocher même en partie d’une solution.  Elle qui refusait les situations sans issue venait d’être confrontée à exactement cela.

À nouveau, elle était ballotée dans une tempête interne qui ne laissait aucune chance à la raison, et pourtant…  Pourtant, une part de son subconscient refusait encore et toujours de se soumettre à un tel chantage.  Et, dans un mouvement aussi instinctif que respirer l’était pour quelqu’un tentant d’échapper à la suffocation, elle tendit son esprit vers sa divinité protectrice, come si elle avait oublié qui exactement se trouvait en bien piètre posture à quelques pas d’elle.  Aussitôt, une présence désormais familière la submergea avec une force qu’elle n’avait ressenti qu’une fois dans sa vie, près d’un mois plus tôt.  Cette sensation était tellement grisante, tellement poignante, qu’elle en lâcha presque la corde qui avait été placée de force entre ses mains.  Elle n’était pas seule, même en cette semblable impasse, elle avait un allié…et un allié qui n’avait pas besoin d’avoir les mains libres pour agir!  

Petit à petit, un plan prenait forme dans son esprit, esprit qu’elle tourna tout entier vers la sinistre inconnue.  Elle tentait de trouver une ouverture par laquelle se glisser, une passage par lequel s’infiltrer.  Toute sa volonté était tendue à l’extrême dans le but de transmettre un unique message.  Pas un ordre clairement formulé, non: quelque chose de bien plus subtil.  La volonté irrésistible de délier les deux captifs sur leurs estrades respectives.  Un désir inexplicable mais puissant, entêtant.  Concentrée comme si des vies en dépendaient…ce qui était le cas, du moins pour autant qu’elle sache.  Elle tentait de semer la graine de cette idée dans l’esprit de son adversaire, espérant que cette graine prendrait racine et s’y épanouirait.

Ophélia Narcisse
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Contrée enchanteresse, mortel enchantement [Terminé] EmptyLun 26 Fév - 23:55
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Profession : Cible mouvante pour Régisseur
Pérégrins -2
Les battements se faisaient entendre, la roue grondait comme un tambour alors qu'enfin, la lame perçait les nuages sombres pour se dévoiler aux yeux témoins. La seule qui ne pouvait pas la voir, était bien celle qui allait en devenir la victime. La pauvre femme pleurait, son ventre tout arrondi et sa nuque si exposée à la mort qui allait bientôt lui effleurer le bout de la peau. Quelle pauvre histoire pour une future mère de rejoindre le néant, avant même que l'enfant ne naisse. Une si belle symbolique d'amour, qui allait si vite faner, l'orchidée avait presque tout à leur envier. L'éphémère, le mortel, le sécable, tout s'abîme et tout flétrit ... même ceux qui sont censés recevoir la bénédiction des dieux, et par-dessus tout, leur protection. Mais quel pouvoir régnait ici ? Celui de Khugatsaa, de l'étrangère ou bien n'était-ce vraiment que Meylan qui ne faisait qu'éternellement se parler avec elle-même ? L'éloquence n'était pas au rendez-vous, mais la volonté, elle, prédominait l'échange muet. 

Aussi, lorsque la barde se concentra, la dame aux cheveux de neige le sentit, elle le vit. C'était ... touchant. La lame elle, continuait de descendre, mais plus elle voulait s'imposer en maîtresse, plus les façades devenaient rugueuses. Un crissement atroce se fit entendre, il était si lourd, si perçant, mais l'étrangère ne réagit en rien. Rien autour ne semblait l'affecter, pas même les émotions, ou bien les faits physiques. A y regarder de plus près, c'était comme si cette femme était morte il y a déjà longtemps, et que seules les déboires de son existence subsistait désormais pour tourmenter ceux qui en sont les sujets. Elle gardait son ton stoïque, calme, froid, regardait le fil d'acier descendre avec de plus en plus de difficulté et grincer contre les barres de bois. Il remuait, se décalant de bas en haut, laissant tantôt son côté gauche prendre de la hauteur par rapport au droit, et inversement. Sans aucune halte, il continuait de descendre, encore, et encore. Et, à quelques mètres au-dessus de la pauvre Idylle, il s'arrêta.

Le silence vint, le néant auditif complet. Rien ne parlait, rien n'osait le faire, comme si le moindre mot pourrait couper la corde et mettre définitivement fin aux jours de la mère en devenir. Elle était sauve, le plan de la barde avait bel et bien marché. Son esprit de focalisation était admirable, semblait-il, et elle avait une maîtrise de soi qui ne laissait pas place à la déception. Non, il n'y avait rien à redire, l'effort était à respecter et sa récompense s'en verrait attribuée comme il se doit. Khugatsaa lui-même laissa s'estomper un soupire de soulagement, constatant que ni sa gorge, ni celle de sa contrepartie n'avait été arrachée. 

Et l'étrangère se retourna vers la barde. Son visage était toujours si calme, si immobile et si vitreux. Elle ne trouva même pas de réaction par rapport à ce qu'il venait de se produire. Elle fixait simplement Meylan, un regard apaisé dans les yeux, mais, aussi tranquille que la glace. La forme onirique battait des cils, sans jamais rompre le contact visuel. Elle joignit ses mains devant son ventre avant de regarder sur le bas-côté. De sa gorge, elle laissa retentir une réaction perplexe qui se résultait en un simple grondement intrigué. Comprenait-elle ce qu'il venait de se passer ? Y avait-il seulement quoi que ce soit à comprendre ? L'esprit de la propriétaire s'était simplement ravivé et avait choisi de se rebeller contre son inconscient. Chose tout à fait normale en soi ... et chose tout à fait vaine, aussi.

Accroche-toi à tes fantasmes, et tu survivras. Fais face à la réalité et tu mourras. Mais tu mourras dans la vérité. Et la mort ...


Elle esquissa de nouveau son sourire en coin qui s'accompagnait de son éternel regard psychotique, dévoilant la moitié droite de sa dentition. Derrière elle, le rouage fit un nouveau claquement, tout en haut dans les cieux qui résonna tout au travers de l'appareil d'exécution. Et la lame se baissa en un affreux mélange de claquement et de broyage de chair. La tête de la pauvre mère se laissa rouler sur le sol, alors que l'étrangère la maintenait avec son pied. De la nuque délestée de monture coulait du sang, en abondance. Et, tout comme la pauvre hirondelle, le fluide écarlate vint s'envoler entre les doigts de Meylan. 

... n'est que partie remise.


Et tous les autres voiles se levèrent, le demi-cercle entier laissa apparaître d'innombrables visages familiers que Diniel reconnaissait. Spectateurs, confrères, admirateurs, enfants de l'orphelinat, connaissances proches. Ils étaient tous là, tous réunis. Et tous, avaient des lames qui pendaient au dessus de leur tête. L'étrangère se déplaçait sur la passerelle vers sa gauche, tout en gardant son oeil sur sa cible de tourmente. Les cordes étaient toutes nouées en une seule et même lanière qui trouvait un bout commun, déposé au centre de la place. C'était si simple, elle lâchait son lien avec son Dieu, elle sauverait ceux qu'elle aimait, elle conservait sa foi, elle sacrifierait sa réalité. Et la femme aux cheveux blancs psalmodiait un chant qui ressemblait en toutes choses à une berceuse de sa voix si douce ... et pourtant si malsaine. Entre deux notes, elle glissa sa nouvelle instruction, sans daigner même tenir compte du temps que mettrait la barde a réagir à la mort qu'elle venait de causer.

Choisis.

Meylan Lyrétoile
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Contrée enchanteresse, mortel enchantement [Terminé] EmptyJeu 8 Mar - 22:24
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Profession : Ménestrelle
My'trän +2 ~ Khurmag
Chose pour le moins étrange, Meylan ne ressentait pas le drain d’énergie qu’une telle concentration lui causait habituellement.  Et cela fonctionnait!  D’accord, c’était la lame qui se retrouvait affectée et non la femme pâle comme la ménestrelle l’avait prévu, mais l’important était que Mary aurait la vie sauve.  L’esprit entièrement occupé par cette unique tâche, elle ne s’interrogeait même pas sur la raison de cet étrange déplacement d’effet de sa magie.  Et pourtant, cela l’aurait très certainement fortement éclairée.  Après tout, les objets inanimés n’étaient pas soumis à l’influence du Griffon Blanc.

Quand la lame s’immobilisa enfin, in extremis, Meylan se permit un soupir de soulagement.  Elle avait réussi!  Etait-ce à cause de ce relâchement ou tout simplement parce qu’elle était incapable d’arrêter le déroulement inéluctable des événements?  Toujours est-il que son soulagement fut de bien trop courte durée, presqu’immédiatement remplacé par un douloureux mélange de surprise, de choc et des prémisses d’un deuil qu’elle se savait incapable d’assumer.  Elle refusait tout simplement ce que ses yeux venaient pourtant de voir.  Elle refusait que son amie soit morte ainsi et qu’elle n’ait strictement rien pu faire pour l’aider.  C’était trop cruel, trop injuste, trop absurde pour être vrai.

C’est à peine si elle remarqua le nouveau changement de décor à travers les larmes, elles aussi incroyablement réalistes, qui obscurcissaient sa vision.  Un étau semblait l’enserrer toujours plus fort, coupant l’air avant qu’il n’arrive à ses poumons, et dans ses oreilles un bourdonnement sourd gagnait en puissance.  Le peu d’air qu’elle possédait encore quitta son corps dans un cri qui n’avait rien de mélodieux.  C’était le désespoir fait son, une douleur brute et inarticulée mais on ne peut plus audible.

Et à travers les brumes de son esprit endeuillé, tranchant avec autant d’efficacité que la lame qui venait de déclencher toutes ces réactions, un ordre.  Choisis.  Choisir?  Mais quel monstre imposait donc un choix pareil, un choix impossible qu’aucun être humain ne pouvait possiblement faire?  Au point où elle en était, ce n’était même plus par une volonté consciente que Meylan résistait: une fois de plus, son esprit rationnel était balayé par un vent d’émotions trop fortes.  Non, seul régnait son instinct le plus profond, et celui-ci se révoltait contre un tel choix.  Elle était incapable de trancher, purement et simplement.

Manque d’air, douleur ou épuisement pur et simple?  Elle tomba à genoux, ramenant ses mains près de son corps comme pour se protéger d’une douleur physique.  Ses yeux étaient désormais clos, ses traits tirés et tendus, ses dents si serrées que cela tenait du miracle qu’aucune d’entre elles ne se soit encore fissurée.  Quelque chose faisait rage en elle et il ne faudrait plus que quelques instants pour arriver à un inévitable débordement, à une explosion qui relâcherait cette pression qui s’accumulait.

Et l’explosion vint, plutôt tôt que tard.  Sans bouger un seul muscle de son corps, elle libéra une énergie qu’elle ne soupçonnait même pas posséder, soumettant par la même occasion tout ce qui l’entourait à une vague de pures émotions.  La puissance brute déferlant ainsi de son esprit chargea le décor factice avec la force d’une lame de fond s’écrasant sur une plage de sable sec, emportant sur son passage tous les éléments meubles qui entouraient la jeune femme.  

Mais bien sûr une telle dépense avait un coût, coût que Meylan ne tarda pas à payer.  Déjà agenouillée, elle s’écroula cette fois pour de bon, soudainement étrangement vide.  Vide d’énergie, vide de pensées, vide d’émotions.  Elle était parvenue dans un étrange état second en décalage avec son environnement.  Quand elle rouvrit enfin les yeux, les macabres engins qui avaient orné la place avaient disparu…tout comme la place, d’ailleurs.  Seule la sinistre femme décolorée était toujours présente à quelques pas de la ménestrelle.  Cette dernière aurait d’ailleurs voulu se lever, ne fut-ce que pour ne plus être dans cette position ô si vulnérable, mais une énorme lassitude s’était emparée d’elle.  Elle avait l’impression de flotter dans un univers vidé de toute substance, seule avec une manipulatrice et meurtrière confirmée.

HRP:

Ophélia Narcisse
Ophélia Narcisse
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Contrée enchanteresse, mortel enchantement [Terminé] EmptyDim 11 Mar - 22:01
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Pérégrins -2
Là où il n'y avait que le choix entre la vie et la mort, la ménestrelle avait choisi le néant, le vide, rien. La lumière avait brillé, mais pour un temps seulement. La création s'était faite de par l'éclat des neiges et c'était une splendeur similaire qui en avait mis fin. L'explosion avait tout balayé, une si belle décharge pour un corps si petit. Plus de guillotine, plus de victimes, au lieu de pouvoir supporter leur mort, Diniel avait choisi de les faire disparaître. C'était toujours le même problème et l'on en revenait systématiquement vers le sens approfondi du fantasme et de l'irraisonné chez les enfants du griffon. Elle ne voulait simplement plus voir un semblant de la réalité, même son reflet d'imagination, même sa parcelle d'irréel raisonné, elle l'avait déjoué. Et maintenant, il ne restait que le vide, il ne restait rien. Etait-ce tout ce dont les habitants de Khurmag avaient ? Leur conception ? Leurs rêves ? Leurs fantasmes vains, offerts par leur dieu comme l'on cède un jouet à un enfant pourri gâté ? Il y avait presque de quoi vomir, leur lâcheté atteignait un sommet jamais concédé, jamais foulé. 

La dame aux cheveux de neige était tombée de son promontoire, mais sa pose n'a jamais été interrompue. Son ton neutre s'était changé, s'aggravant pour laisser apparaître une tonalité de déception. Le visage relevé, l'oeil droit à moitié clos et les lèvres tordues, son rictus laissait apparaître un mépris amer qui avait pourtant disparu quelques secondes auparavant. Mains jointes devant son ventre, faisant complètement face à la dépravée tombée au sol, elle s'avança vers la larve. Son pas était lent, les échos de ses pieds désormais dénudés se propagèrent en des bruits sourds tout autour de ce monde fait de brumes et de miroirs. Sans jamais lâcher son regard de celui de Meylan, le cauchemar vint s'agenouiller devant elle, la regardant de haut, avec un ton hautain. Après quelques secondes de silence, elle leva un coin de sa lèvre, souriant d'une succulente ironie alors qu'elle secouait la tête de gauche à droite.

Irrattrapable. Pauvre chose ... avais-tu peur de te faire inonder par leur sang à eux aussi ? Pourtant tu ne l'aurais jamais saisie cette corde ... pas vrai ? 


Sarcastique au possible, la créature passait sa main sur la joue de sa cible de tourmente, jouant avec son pouce autour de sa tempe et de son arcade gauche. Son visage prenait des traits d'apitoiement exagéré, forcé, comme un parent qui se moquerait de son enfant capricieux. Elle pencha la tête sur son épaule droite en levant les sourcils, et, n'obtenant pas de réponse, ni même de regard, la meurtrière fit glisser ses doigts sous le menton de la barde. Relevant son visage, la forçant à la regarder, elle occultait dans ses yeux, elle lisait dans son ton, s'abreuvait de sa lassitude et de ce rêve qui n'était pas encore achevé. La dame blanche se fit raffermir ses traits, ses paupières se serrèrent et une expression sévère et haineuse se dessinait sur son faciès. 

Bonne à rien. Même la plus fictive des réalités, tu l'as faite s'envoler. N'y a-t-il donc que le néant pour toi, ma chère ? Est-ce-là ton seul réconfort ? Ici, il n'y a ni réel, ni irréel. Regarde-bien. Nous sommes seules ici, il ne reste même pas un seul oiseau, pas une seule bâtisse. Pourtant, je n'ai rien à voir avec ce chef-d'oeuvre. Est-ce que tu saisis que je ne suis pas la cause de ces maux que ton monde subit ? Si tu es assez clairvoyante pour parler la langue des partitions, alors tu sauras lire en travers les lignes de ce requiem que l'on appelle "fantaisie".


Lorsque l'on s'endort, ce sont les rêves qui mugissent, et lorsque l'on rêve debout, on ne vaut pas mieux qu'un somnambule. Les illusions, la magie, les fantasmes, tout cela relevait d'un vaste mensonge que les dieux avaient créé, que le haut griffon avait tissé à la soie des parjures. Et maintenant, c'étaient ses enfants qui devaient en porter les haillons. Les ailes de la grâce ne touchent que ceux qui volent, ceux d'en bas n'ont pas à goûter au fruit de la connaissance, l'onirisme est plus que suffisant. Il n'y avait qu'une preuve de ce fait, c'était l'endroit même où Meylan s'était coincée, dans sa propre tête. La conscience est une arme à double tranchant et elle est aiguisée. Serrant ses ongles sur la chaire de la ménestrelle, l'étrangère la souleva par la gorge, prenant une intonation plus  menaçante que ce qu'elle n'avait jamais prise, sa voix craquelait et sortait du fond de sa gorge, comme si sa volonté malfaisante s'était emparée de son corps.

Tu as abandonné. Tu as fui. Tu as lâché. Tu as craqué. Tu as tourné le dos à la réalité. Et maintenant ? Et maintenant, Diniel ?! Que reste-il ? Tes illusions ne marchent pas, tu te noies dedans, tu n'as plus ta voix pour parler et tu n'as même plus l'envie de continuer. Alors que reste-il ? 


Et elle serrait, serrait, encore et encore, de plus en plus fort sur la chair de la ménestrelle. Mais éventuellement, la prise prit fin, elle laissa simplement sa proie s'en aller. La dame de sang se retourna vers l'horizon vide, dissimulant son visage pensif et calme à Meylan. Une fois de plus, son expression avait radicalement changé, passant de l'amer à l'aimable aussi vite que l'on dégaine une dague. Son ton de voix était devenu si apaisant, aussi doux que du miel. Elle aussi, avait pris un ton las. 

Rien... il ne reste rien. Et c'est ce que tu voulais.

Meylan Lyrétoile
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Contrée enchanteresse, mortel enchantement [Terminé] EmptyDim 25 Mar - 22:52
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Profession : Ménestrelle
My'trän +2 ~ Khurmag
À travers la torpeur qui l’avait saisie, Meylan se sentait comme détachée de la scène dont elle faisait pourtant partie.  Elle observait le déroulement des événements, toujours incapable d’y prendre une part active.  Cela en disait long sur l’état d’épuisement dans lequel elle se trouvait qu’une situation aussi surréaliste n’évoque en elle rien de plus qu’une vague curiosité au sujet de ce qui pourrait bien suivre.

L’autre parlait, Meylan comprenait le sens des mots qu’elle utilisait…mais pour une raison indéterminée, le message principal, celui qui aurait pu l’arracher à cet enfer, lui échappait avec autant d’insistance qu’une tache de lumière taquine échappait au chaton qui tentait de la capturer.  D’ailleurs, le chaton et Meylan avaient ceci en commun que leurs efforts futiles ne faisaient que renforcer l’impression de naïveté qu’ils pouvaient donner.  Car oui, une fois n’est pas coutume, la ménestrelle faisait preuve d’une naïveté surprenante pour qui la connaissait un tant soit peu.  Jamais elle n’aurait imaginé que sa propre imagination pourrait lui tendre un tel piège, se retourner contre elle et faire d’elle son jouet.  C’était elle qui avait toujours été aux commandes, et une telle perte de contrôle était inimaginable pour l’artiste.

Alors oui, pour une fois elle prenait la place de la marionnette, du pantin, immobile et en toute apparence indifférente à ce qui lui arriverait.  Même la main qui la saisit à la gorge ne déclencha pas la moindre réaction inspirée par l’instinct de survie, ce qui était sans doute aidé par le fait qu’elle n’était pas accompagnée par la sensation d’étouffement qu’un tel geste aurait normalement dû provoquer.

Heureusement, avant que la ménestrelle ne sombre entièrement dans les limbes de sa conscience vacillante, un brusque changement de ton réveilla une partie engourdie de son esprit.  Telle une fausse note dans la composition menée d’une main de maître, la voix soudain cassante arracha Meylan à l’abîme dans laquelle elle avait commencé à sombrer.  Une étincelle avait une nouvelle fois rallumé sa flamme.  Dans son esprit, des rouages trop longtemps restés immobiles recommencèrent à tourner (un comble, pour une My’tränne!)  Au fur et à mesure que son ennemie resserrait sa prise, elle grimpait un à un les échelons qui la rapprochaient une nouvelle fois de la conscience.  Et quand cette prise se relâcha jusqu’à disparaître complètement, quand l’inconnue subit une nouvelle transformation radicale, des pièces jusque là déconnectées commencèrent à s’emboiter dans l’esprit de la rêveuse.  Cela avait mis le temps, mais désormais elle ne pouvait qu’avancer.

Pensive, elle ne répondit tout d’abord pas, levant une main à sa gorge pour constater que le récent simulacre de strangulation n’avait pas laissé la moindre douleur.  Elle plissa les yeux pour mieux cerner l’apparition qui lui faisait face.  Même si une partie du tableau lui avait été révélée, cet élément-là restait un mystère.

"Tu as tort.  Nous sommes toujours là.  Et pour le moment, c’est tout ce qui compte, pas vrai?"

Elle aussi parlait désormais de manière apaisée.  Evaporées, la peur et la douleur qui l’avaient torturées jusque récemment.  Elle comprenait ce qu’il se passait, et rien que cela lui permettait de reprendre le contrôle sur la situation.  Et après ce qui venait de lui arriver, le contrôle, la stabilité avait quelque chose de rassurant.  Comme pour s’assurer qu’elle ne se trompait pas, elle inspira profondément, plongea au plus profond de son imagination, et habilla le néant qui les avait entourées jusque là.  Le ciel étoilé était de retour et la neige tombait toujours, mais ni lac ni ville en vue.  Elles étaient désormais à flanc de montagne, et loin sous leurs pieds s’étendait une vaste forêt, enneigée également.  Bien sûr, Meylan n’avait jamais mis les pieds dans les Montagnes Bleues, et il ne s’agissait donc que de la représentation qu’elle s’en faisait.

"On m’avait prévenue qu’il ne fallait pas se fier aux apparences de Khurmag.  Mais je ne m’attendais pas à devoir suivre ce conseil avant même d’y arriver."

Elle ne regardait plus l’autre femme, gardant les yeux fixés sur un horizon qu’elle savait maintenant être imaginaire.  Elle était toujours au beau milieu de sa propre imagination, mais désormais elle n’en était plus la prisonnière.  

"Tu m’as demandé ce qu’il reste, je pense?  Mais c’est la mauvaise question.  La vraie question est: ‘Qu’y avait-il au départ?’  Rien de tout ce qui a disparu et rien de tout ce qui s’étend devant nos yeux maintenant.  Au départ comme à l’arrivée, il n’y avait et il n’y a que toi et moi."

Ophélia Narcisse
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Contrée enchanteresse, mortel enchantement [Terminé] EmptyDim 25 Mar - 23:53
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Profession : Cible mouvante pour Régisseur
Pérégrins -2
La barde s'était donc relevée ... c'était une bonne chose. Si elle avait perdu conscience dans ce monde, elle aurait sans aucun doute fait marche arrière dans l'autre. Mais elles n'avaient pas fini de parler et la dame aux cheveux de neige avait tant à dire encore. Sans doute était-ce parce que les pensées de Meylan étaient elles-mêmes emplies de questions ... le voyage à Khurmag était-il donc si appréhendé ? Pauvre chose que cette ménestrelle ... mais néanmoins futée. L'étrangère était encore tournée vers le néant lorsque le décor revint se déposer sur le horizon et sous sa ligne. Des montagnes, Les Cols Bleus. C'était un étrange qu'un nom soit si évocateur, car tout autour les pics étaient teints d'une étrange aura abyssale. Un flocon vint se poser sur le bout du nez de la dame pâle, lui faisant relever la tête avec son air étourdi, perdu. Le changement avait été radical, c'était le moins qui pouvait être dit. Et en plus de cela, elle semblait si réelle ... 

L'imagination est un outil formidable, pas vrai ? Surtout lorsque l'on s'en sert comme tu le fais ... 


Oui ... le paysage était vraiment magnifique. La barde avait excellé dans son interprétation du nom du Col et cela soumettait véritablement une scène éblouissantes. Perdues sur un plateau, haut au-dessus de la terre, et bas sous le ciel. La femme aux cheveux blancs leva le nez, faisant mine de respirer l'air de la montagne, qui au final, n'était que fiction. Ce qu'omettait Meylan, c'est que cette apparition était-elle même une partie de cette vaste invention dont elle était l'écrivaine. Un coup de plume magistral, passé sur un univers où la seule encre nécessaire était la capacité de conception. En tant que mélomane, c'était une obligation. Finalement, la dame aux yeux vairons se retourna, regardant sa créatrice avec une expression apaisée et tranquille ... mais qui semblait si innocente qu'elle en devenait presque sarcastique.

Ma question était cependant la bonne. Dis-moi Diniel, lorsque tout a été balayé, lorsque tu as fait disparaître tes amis et leur sentence avec, lorsque tu n'as laissé que le néant subsister ... avais-tu la moindre idée que tout ceci n'était que toi et moi ? N'est-il pas d'usage de dire que les intentions priment sur les faits ? Si tel est le cas ... eh bien tu as l'âme fuyarde, ma chère. 


Enchaînant avec un ricanement, couvrant sa bouche de son index droit courbé, elle ferma ses paupières un court instant. Le ton de la moquerie s'était fait on ne peut plus clair, et l'étrangère semblait beaucoup s'en amuser. Pas comme une courtisane cependant, mais plus comme une petite fille ... il y avait toujours cette malsaine innocence qui traînait sur elle, comme les vestiges de civilisations anciennes laissent des ruines. La comédie n'était pas qu'un acte, elle nécessite une partie de vérité avant que les rideaux ne se lèvent. Quel imbécile voudrait applaudir de la maigre hypocrisie ? La vraie manipulation passe par les racines de la vérité et les fait dériver dans le mensonge, il ne peut y avoir d'arbre sur une terre morte. Dans cette mesure, la femme qui se tenait en face de Meylan était bel et bien une âme innocente, vidée d'intentions mauvaises ... dans ses fondements du moins. La concernée ... elle, perdit son sourire aussi vite qu'elle l'avait arboré, prenant un ton plus froid, avec un regard de marbre et une expression blasée. Levant sa main pour dissimuler son oeil droit, le bleu, elle plongeait son oeil unique dans le blanc de la neige.

Lorsque l'on se perd dans les ténèbres, chaque chandelle est bonne à prendre. Et lorsque l'on en trouve une ... on refuse de la lâcher, on s'accroche à elle, quitte à ce que la cire nous brûle les doigts. Mais c'est de la faiblesse, simplement de la lâcheté. Tous les enfants ont peur du noir ... mais s'ils vivaient dans les ténèbres, craindraient-ils la lumière ? Toi, Meylan, tu vis chandelle à la main dans un monde où tu es aveugle, cette peur que je mentionne, toi même tu la connais. C'est celle-là même qui t'a gardé gelée face à la sentence que tes camarades subissaient.


Son corps n'avait pas bougé d'un pouce, elle avait gardé ses mains immobiles contre son ventre et ses épaules aussi droite qu'un soldat au salut. L'étrangère était devenue si formelle, mais bien plus froide, glaciale ... aucune émotion ne traversait le filtre qu'elle avait déposé devant son visage. Comme le plus efficace des barrages, il empêchait toute arrivée de sentiments. Sans ses lèvres qui remuaient ... elle aurait été comme un cadavre. Jusqu'à ce qu'elle fasse un pas en avant. Lorsque le bout de ses orteils se déposa sur la neige, il y eut comme un spasme tout autour, un genre de frisson qui avait terni les pics de rouge et teint le sol de sang. C'était une question d'une seconde, comme un éclair dont l'éclat serait écarlate. 

Et une fois encore, la dame aux cheveux opalins avait radicalement changé. Ses lèvres avaient redessinées un joli sourire orné de cruauté sarcastique. Son regard avait regagné ce qui s'apparentait à une sadique curiosité, alors qu'elle pencha sa tête sur son épaule droite, fermant ses yeux pendant trois longues secondes avant de les rouvrir dans le creux de ceux de Diniel, dents dévoilées par son rire psychotique.

Et c'est aussi la raison pour laquelle t'aurais jamais attrapé cette putain de corde. Gyahahahah ...

Meylan Lyrétoile
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Contrée enchanteresse, mortel enchantement [Terminé] EmptyLun 2 Avr - 23:14
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Profession : Ménestrelle
My'trän +2 ~ Khurmag
Même si son interlocutrice avait démarré sur un ton dénué de tout reproche, Meylan se raidit en entendant son petit discours.  Il touchait droit au but, même un peu trop à son goût.  Peu de monde appréciait une confrontation directe avec ses défauts, et la ménestrelle n’était pas une exception à cette règle.  Tout comme elle n’aimait pas se faire donner des leçons, certainement pas quand la donneuse de leçons venait de tenter de la briser mentalement.  D’ailleurs…elle jeta un coup d’oeil coup d’oeil soupçonneux à sa voisine.  Etait-ce une nouvelle machination de sa part?  Elle ne savait plus à quoi s’attendre, pour être honnête.  Cette soudaine…gentillesse était un bien grand mot, mais baisse des hostilités en tout cas, était suspecte.

Comme pour confirmer les pensées de Meylan, le ton se durcit avant qu’elle puisse répliquer.  Son raidissement s’accentua alors qu’elle encaissait une nouvelle remarque pas franchement injustifiée.  Comment en était-elle arrivée là?  Elle, une actrice confirmée, exposée et et lue de part en part par une complète inconnue…  Mais après tout, rien de tout cela n’était réel, pas vrai?  Aucune personne réelle ne verrait à travers elle avec autant de facilité…pas vrai?

Pas le temps de poursuivre ses réflexions, déjà un nouveau changement avait eu lieu.  Le rouge était de retour, tout comme la lueur malsaine et meurtrière qui luisait, dansait, virevoltait dans les yeux dépareillés.  Si les deux autres visages de la jeune femme avaient le don de mettre Meylan mal à l’aise, celui-ci éveillait en elle un rejet bien plus catégorique.  Etait-ce à force de lire et raconter des légendes contenant une incarnation du mal absolu que son esprit était devenu capable de faire apparaître une telle créature?  Il était vain de chercher en elle une quelconque trace d’humanité: elle n’était que chaos et destruction et y prenait un plaisir malsain.  Mais, maintenant qu’elle connaissait la vérité, Meylan ne se laisserait plus faire.  Si l’autre montrait les dents, elle aussi le ferait.

"Ca suffit."

Son ton était aussi tranchant que le couperet de l’engin qu’elle avait récemment fait disparaître et ses yeux lançaient des éclairs.  Au dessus d’elles, les étoiles se couvrirent de nuages menaçants qui obscurcirent encore la scène.  Car, malgré la métaphore de l’étrangère, l’obscurité ne faisait pas partie des peurs de Meylan.  Au contraire.  Elle la revêtait avec aisance, transformant ainsi une jeune citadine en créature mystique.  Sous l’effet d’une autre illusion, ses mains se mirent à luire, baignant son visage dans une lumière fantomatique.  L’autre n’était pas la seule à pouvoir jouer avec les apparences.

"Tu as raison: jamais je n’aurais saisi cette corde.  Je ne renierai pas ceux que j’aime, pas plus que je ne renierai mon Architecte.  Peu importe ce que tu inventes, ou quiconque d’autre.  Je n’hypothéquerai pas ce et ceux en quoi je crois.  ‘Lâcheté’, dis-tu?  La vraie lâcheté aurait été de me soumettre à ta demande inhumaine, de plier."

Après le déni, c’était la colère qui montait.  Meylan fulminait, les nuages au-dessus d’elle crépitaient, et toujours elle foudroyait du regard celle à qui elle s’adressait.  Après tout ce que cette dernière lui avait fait subir, qu’il était bon de se défouler, de laisser échapper ce ressentiment qui s’était accumulé petit à petit!  De ménestrelle, elle était devenue reine de la nuit.  Elle ne se laissait pas dicter sa conduite.  Jamais.

Ophélia Narcisse
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Contrée enchanteresse, mortel enchantement [Terminé] EmptyMar 3 Avr - 17:54
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Profession : Cible mouvante pour Régisseur
Pérégrins -2
La soudaine réaction de la barde fit sursauter l'étrangère qui perdit instantanément son éclat malsain. Comme un souffle sur une bougie, elle avait retrouvé air perdu et étourdi, regardant autour avec des coups d'oeil discrets. Des nuages noirs s'amoncelaient au-dessus de leur tête, sans doute un effort de la part de la rêveuse pour se faire maîtresse en ce monde qui lui appartenait déjà. Tant de vanité, encore, et tant de déni. Elle se persuadait à croire qu'elle avait fait le bon choix, prenant la première sortie qui lui était autorisée. Mais si sa conscience lui parlait, c'était bel et bien qu'il y avait des choses à mettre à plat. La forme prise n'était certes pas la plus rassurant, elle compensait cependant grandement par sa force de persuasion, tirée de sa manière à choquer les foules. 

Redevenue la plus agréable part de soi, la vaironne fit descendre son regard aux chevilles de Meylan, comme subissant une réprimande. Lorsque celle-ci eut fini de se mentir à haute voix, l'éclat des pupilles divergentes revint se fixer dans les siennes. Son regard était faussement neutre, esquissant un petit sourire effacé, les yeux enjoués mais fades. Et sans détacher ses yeux de son hôtesse, la vision d'effroi avançait, revêtue de son habit le plus agréable à supporter. Son ton mielleux revint, avec la courtoisie qui allait avec, mais qui savait si ce n'était pas que pure hypocrisie ?

Tu te trompes, Meylan. Je ne t'ai jamais demandé de plier. 


Elle passa sur la gauche de la ménestrelle, les deux mains attachées devant son ventre alors qu'elle observait les cieux qui s'assombrissaient. Ses paupières se refermèrent alors qu'elle laissait couler un frisson dans son dos, le froid était bien plus amical que la chaleur, même factice. Les flocons continuaient à tomber, et elle, les observait avec une béatitude absente, comme si son teint pâle n'était pas le seul phénomène d'outre tombe chez elle. Son visage se retourna, fixant la nuque de Meylan, reprenant la parole à nouveau.

Je voulais que tu choisisses et tu ne l'as pas fait. Je voulais que tu affrontes ton attachement à ton dieu et tu ne l'as pas fait. Je voulais que tu détournes ton regard de ta religion et tu ne l'as pas fait. Si tout ceci était réel, tu aurais perdu de nombreux amis et serait restée noyée dans les illusions dont Khugatsaa t'abreuve. 


Faisant doucement volte-face, son visage se recentra sur son interlocutrice à laquelle elle essayait de faire entendre raison, étrange intention pour celle qui ne semblait être venue que pour la tourmenter. Ce n'était pas tant une question de torture, mais de réveil. Son esprit devait sans aucun doute intervenir pour l'empêcher de sombrer dans ses fantaisies acerbes, nourries à la cuillère du mensonge par son protecteur divin. 

A la place, tu as cédé à ta peur. TU as cédé à la peur d'affronter leur mort. TU as cédé à la culpabilité qui te rongerait. TU as cédé au dilemme cornélien qui t'étais présenté, que je t'ai présenté. Tout ce que tu avais faire, c'était lâcher cette corde. Les illusions qui te nourrissent ne doivent pas valoir une demi-centaine de vie, si ? 


Et son nez se releva de la neige qu'il semblait fixer. Un ton froid revint à l'étrangère, alors que derrière elle, les couleurs s'affaissaient pour ne laisser qu'un paysage décoré de gris. L'expression blasée qu'ornait désormais la femme aux cheveux de neige était on ne peut plus sérieuse. 

Mais tu as raison, Meylan. La vraie lâcheté aurait été de plier. Et c'est exactement ce que tu as fait. 

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Contrée enchanteresse, mortel enchantement [Terminé] EmptyMer 18 Avr - 22:26
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Profession : Ménestrelle
My'trän +2 ~ Khurmag
L’inconvénient à se faire taper sur les doigts par sa propre conscience, c’est qu’on pouvait ruer, tempêter, se rebeller autant qu’on le voulait, en fin de compte il faudrait bien ouvrir les yeux.  Même le déni n’avait qu’un temps, quand on se retrouvait coincé dans son propre esprit, le jouet de ses propres dilemmes.  Que ce dilemme ait pris une forme humaine assez fascinante n’était somme toute qu’un détail de l’histoire.

Alors Meylan écouta ce que l’autre avait à dire, car il n’y avait pas vraiment d’autre choix.  Elle n’appréciait pas ce qu’elle entendait, ça se voyait dans ses lèvres pincées, son nez froncé et ses yeux orageux…mais au moins elle écoutait.  Et sans doute qu’une partie ferait son petit bonhomme de chemin dans sa tête, qu'elle avait un peu dure il est vrai.

Enfin, au moins elle savait maintenant qui se cachait derrière les paroles et les actions de l’étrange jeune femme: elle-même.  Ou du moins, une part d’elle-même qui n’avait pas trouvé de manière plus subtile pour se manifester.  Voilà qui devrait faciliter la compréhension, même si le message passait parfois par des chemins détournés.

En fin de compte, même le retour de la facette plus sarcastique de l’apparition ne tira plus de réaction extrême à la ménestrelle.  Tout au plus laissa-t-elle un sourire fantôme passer sur ses lèvres avant de reprendre une expression plus indéchiffrable.  Si quoi que ce soit pouvait être indéchiffrable pour une créature avec qui elle partageait un même esprit.

"Pas des illusions: des souvenirs."

Sa voix n’était qu’un murmure dans l’air ambiant, comme si elle-même n’était pas trop sûre de ce qu’elle disait.  Il faut dire que c’était une facette de son Architecte qu’elle-même n’était pas sûre d’avoir entièrement apprivoisée.  On disait que les disciples de Möchlog avaient une étrange fascination pour la mort, mais qu’en était-il des adeptes du Griffon, seuls à aller jusqu’à conserver la douleur d’une telle séparation?  Elle avait eu maintenant un bon moment pour se faire à l’idée, mais Meylan conservait une certaine appréhension à ce sujet.

"Tu as raison: je serais incapable de porter le poids de tant de vies.  Et pourtant, à terme, c’est exactement ce qui se passera.  Oh, je n’aurai pas ces morts sur ma conscience à proprement parler, mais je serai tout de même une des seules à en souffrir."

La solution était simple, pas vrai?  Il lui suffisait de se détourner de Khugatsaa, de laisser filer le lien qui l’unissait à son Architecte tutélaire, de laisser toutes ses conséquences disparaître en fumée.  C’était d’une évidence qui sautait aux yeux, d’une simplicité enfantine…et tout bonnement inenvisageable.  Tel le papillon attiré par une flamme, Meylan avait été on ne peut plus efficacement happée par quelque chose qui la fascinait et finirait pourtant inévitablement par la blesser.  Mais, contrairement au papillon, elle avait conscience du danger qu’elle courait.  Ou du moins une part d’elle-même en avait conscience et avait décidé de le lui rappeler de manière assez imagée.

"Est-ce que tu as un nom, ou je suis censée t’en donner un?"

Un changement de sujet qui n’en était pas vraiment un, car ça continuait à cogiter ferme en coulisses. Les yeux dans le vague, elle ressassait des interrogations qui s’étaient promenées dans un coin de sa tête depuis un moment déjà.

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Contrée enchanteresse, mortel enchantement [Terminé] EmptyMer 18 Avr - 23:43
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Pérégrins -2
L'oeuf du nid prend du temps à éclore, mais l'oisillon prend plus de temps à s'envoler encore. L'apprentissage viendra, mais il prendra le temps. Longtemps encore faudrait-il pour que le message de sa pensée ne soit totalement clair pour Meylan, d'autant plus que la forme était quelque peu dissuasive au dialogue. Pourtant, la pensée n'est jamais qu'une interlocution avec soi-même, et dans cette mesure, les pensées de la barde étaient on ne peut plus bavardes. Cependant, l'oisillon commençait à battre des ailes, il prenait le vent et s'accoutumait à sa force contre ses plumes encore jeunes, pas même colorées. Mais ce n'étaient jamais qu'une étape de préparation nécessaire. Mieux que comprendre les illusions, elle se devait d'en devenir une experte inhérente, comprendre le fondement de l'irréel et le faire rejaillir selon ses propres critères, selon sa propre volonté. 

Réceptive aux paroles de son alter-ego aux allures de démone, la barde s'était aventurée sur un terrain plus familier. Le choix de la question n'était clairement pas mauvais, quel nom pourrait donc avoir une telle création ? Sans doute une atrocité imprononçable, quitte à rester dans le registre de l'ignoble, ou bien peut-être, n'avait-elle simplement aucun patronyme ? L'immaculée restait immobile, sourire au visage, qui semblait avoir perdu de son sarcasme, comme si enfin, Meylan avait posé le pied dans le bon côté de son inconscient. Finalement, elle s'était décidée à faire le premier pas vers elle-même. Mais à une telle question, il n'y avait qu'une réponse. 

Si tu ne m'as pas encore donné de nom, comment le saurais-je ? Mais dans le fond, toi et moi savons pertinemment quel est notre véritable nom. 

Oubliait-elle déjà que ce qu'il y avait devant elle n'était autre qu'elle même ? Toutefois, si la femme aux cheveux de neige était un fragment de son imagination, elle n'était pas réellement Diniel ... la Diniel. Les cauchemars inventent toutes sortes de figures, d'images souvent personnifiées et à l'aspect ... improbable. Beau stéréotype que cette jeune femme qui lui faisait face, elle respectait tous les critères du rêve malsain. Mais n'était-ce véritablement que la simple terreur nocturne qui avait engendrée cette étrangère aux yeux vairons ? Une fois encore, la conscience peut-être auteure de ses propres mots. On crée nos propres démons, s'accorde la locution courante, mais elle ne précise pas qu'ils sont pédagogues. 

Dis-moi plutôt, Meylan. Comment cela est-ce, cette sensation de ne pas avoir assez de pouvoir pour contrôler ta propre pensée ? 

Les paroles de l'étrangère semblaient être fruits du péché, tant le venin paraissait abonder de ses lèvres. Pourtant, le sarcasme n'était plus un mot d'ordre, désormais, la conversation s'orientait dans le sens que sa conscience avait voulu signifier depuis le début. Diniel s'est toujours limitée à la musique, a toujours eu un talent naturel pour l'art des notes, si bien que sa magie même lui sert d'instrument. Toutefois, il y avait ce gâchis dans la maîtrise à laquelle se limitait la ménestrelle. 

Ce pouvoir dont je parle, tu en es émérite, plus que la plupart de tes semblables. Reste seulement à savoir ce dont toi tu veux.

L'immaculée leva un sourcil, haussant un regard interrogateur qui recentrait la conversation sur elle-même, pas un dérivé de sa pensée. Ce n'était pas pour faire de la symbolique sur le cauchemar que sa conscience lui avait envoyée cette étrangère comme un faisceau en pleine nuit. Meylan se devait de réfléchir sur la volonté même dont elle ferait preuve, que ce pouvoir l'attire ou non, elle en était seule arbitre, et désormais, elle ne pouvait plus utiliser la vaironne comme substitut de sa propre personne. 

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Meylan Lyrétoile
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Contrée enchanteresse, mortel enchantement [Terminé] EmptySam 12 Mai - 15:53
Irys : 960453
Profession : Ménestrelle
My'trän +2 ~ Khurmag
Qu’est-ce qu’un nom après tout?  Une rose, qu’importe son nom, conserverait son parfum…et ses piquants.  La plupart des êtres humains n’accorderaient jamais beaucoup d’attention à la suite de sons ou de lettres dont leurs parents ou toute autre figure en ayant rempli le rôle les avait affublés durant leur enfance.  Seuls les excentriques ou ceux qui avaient quelque chose à cacher en changeaient en cours de route.  Mais il se trouvait que Meylan était bel et bien une excentrique (faute d’avoir quelque chose à cacher) et que pour elle, les noms avaient leur importance.  Surtout le sien, choisi avec soin et porté avec une certaine fierté.  Elle ne niait pas que Diniel avait été elle (et qu’elle avait été Diniel) à une époque de sa vie, ou du moins elle ne le niait pas vis-à-vis d’elle-même.  Mais c’était une époque révolue, un acte clôturé.  Le rideau était tombé, et maintenant elle était passée à l’acte suivant.

Enfin, quel que soit le nom ou l’absence de nom de sa vis-à-vis, le sujet était passé à autre chose.  Pour être parfaitement honnête, l’idée que son propre esprit se jouait d’elle avait de quoi donner le tournis.  Qui contrôlait qui?  Ou quoi?  Ou…  Bref, il y avait de quoi se faire de sacrés noeuds au cerveau, peut-être trop, même pour quelqu’un qui aimait tant jouer sur les nuances et les faux-semblants.  Qui était le plus fort?  Le conscient, clair, net et bien affuté?  Ou le subconscient, vaste territoire inexploré aux contours vagues?  Et, question non moins importante: pour peu que le conscient tienne le gouvernail, qu’en ferait-t-il?  Meylan avait été tellement focalisée sur l’idée de gagner Khurmag, terre de son Architecte par excellence, que ce qu’elle ferait au juste une fois là-bas était quelque peu passé à la trappe.  Il était temps de rectifier cet oubli.

"Je ne suis pas sûre."


Un souffle à mi-chemin entre l’expiration normale et le soupir accompagna ces quelques mots.  Ce qu’elle espérait trouver dans la région glacée?  Des réponses, surtout.  Parce que ce n’étaient pas les questions qui manquaient depuis maintenant quelques années, et le mouvement s’était renforcé depuis maintenant près d’un mois.  Elle avait vu le degré de perfection qu’atteignaient les illusionnistes virtuoses, elle avait vu les dégâts que cela faisait quand l’esprit-même d’une personne était manipulé et, surtout, elle avait fait une rencontre dont il lui arrivait maintenant encore de douter si elle avait vraiment eu lieu.

"Avant, j’aurais dit que je veux avant tout pouvoir insuffler plus de vie encore aux histoires que je raconte, plonger entièrement mon public dans l’univers plutôt que de ne solliciter presque que leur ouïe et leur imagination, mais…  Je ne sais plus.  Ca me paraît futile comparé à ce que je pourrais accomplir de…plus?  Aider ceux qui en ont besoin à retrouver pied dans la réalité plutôt que de leur offrir de quoi s’en évader plus encore.  Une prise sur leur environnement, sur des souvenirs qui leur échappent…"


Pas étonnant qu’elle s’interroge: voilà qui était un pas non négligeable, un changement important par rapport à ce qu’elle avait toujours fait jusque là.  Mais en même temps ce pas avait l’air…presque naturel.  Elle avait vu d’autres souffrir le martyre, emprisonné dans les créations de leur propre esprit, et elle avait réalisé qu’avec le bon entrainement elle pourrait un jour les soulager.  Sans compter que, contrairement à ce qu’on pouvait penser, avoir une solide prise sur la réalité était important pour la ménestrelle.  Elle ne voyait aucun inconvénient à présenter son identité comme un écran de fumée, mais c’était un écran de fumée qu’elle contrôlait, formait et déformait au gré de ses envies.  Perdre cette prise revenait à sombrer dans la folie, possiblement le pire sort qu’elle puisse jamais subir.  Quoique le mutisme livre une sérieuse concurrence à la folie.

Ophélia Narcisse
Ophélia Narcisse
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Contrée enchanteresse, mortel enchantement [Terminé] EmptyDim 13 Mai - 15:56
Irys : 1609400
Profession : Cible mouvante pour Régisseur
Pérégrins -2
Il y avait donc bien quelque chose au-delà du cauchemar, au fond d'elle, la barde s'en doutait très certainement. Après tout, l'instigateur de ce fourbe petit plan n'était autre que sa propre conscience elle-même, si celle-ci ne donnait aucune chandelle à Meylan pour s'orienter, certainement que le peu d'instinct qui l'habitait devait lui crier que tout n'était que supercherie. Le voile s'était levée bien assez tôt, et, maintenant que la véritable réflexion avançait ses pas vers la vérité de ses désirs, il ne restait plus qu'une seule chose à faire. Suivre la route tracée jusqu'à tomber sur la destination de ce petit voyage, qui aura été, ou du moins son inconscient l'espérait, une leçon de vie valable. Peu importait si ce n'était que rêverie ou hallucination, il y a parfois du vrai contenu dans le faux. 

La figure, auparavant cauchemardesque, avait perdu ce qui pouvait inspirer quelconque peur, le mystère, l'apparence inhumaine, l'absence de nom. Le seul charme qui restait à l'étrangère ne résidait désormais plus que dans des qualités et aspects parfaitement humains. Monstre qu'elle avait été, au final, elle n'était pas plus démoniaque que ce qu'imposait l'inconscient de la ménestrelle. Si celle-ci se posaient toutes ces questions, certainement que la présence onirique n'avait rien du hasard. Il y avait une lumière sous les ténèbres qu'avait soulevés cette jeune femme, qui, désormais, avait repris son visage angélique et ses airs calmes et mélancoliques. Cette attitude changeante n'était qu'incarnation, métaphore. Tourments, regrets et raison. Les trois grandes lignes directrices des attitudes mortelles. 

- Tu ne pourras jamais totalement de détacher de ton art, il fait partie de toi. Mais était-ce vraiment noble que de vouer une telle maîtrise à quelque chose qui ne sert que de distraction aux autres ? Ta musique est belle, mais elle n'est jamais qu'un instant dans une vie. Peut-être est-ce pour ça que tu ne vois pas la portée de ton art. 

Il est d'une extrême difficulté que d'identifier les effets papillons d'une seule note, une seule rythmique dans la vie d'une personne. Souvent, une mélodie sonnera si enchanteresse pour un fervent mélomane qu'elle en deviendra pour lui une mortelle passion. La sonnerie de la corde résonnera dans ses oreilles comme le chant d'une vie et jamais elle ne quittera son coeur. Sa conduite sera dictée par les temps, et son humeur décidée par les flots musicaux qui l'inhiberaient. Tout n'était que pure admiration, pure subjectivité et l'art de la lyre n'échappait pas à cette règle. Peut-être que la ménestrelle l'ignorait, mais elle avait dû en changer des vies avec ses odes.

Toutefois, la conscience mortelle ne serait jamais apaisée, ne saurait se dire qu'assez est assez lorsque tant plus est à portée. Non pas une envie malsaine, mais un besoin naturel de suivre ce que dicte les élans de l'âme. Hors, chez les my'trans, ces enjambées-ci sont dictées majoritairement par leurs guides spirituels, en l'occurrence, ce bon griffon blanc qui avait accordé de son don à Meylan. Mais comme elle le disait, il y avait tant plus qui était à portée de main, une noblesse bien plus grande que ce que l'art de la scène ne pouvait offrir. La raison revint sur le visage de l'étrangère, essayant une fois de plus d'aiguiller sa propre personne sur le chemin qui lui serait le plus attrayant. 

- Il y a bien des gens à aider, tu ne pourras pas endiguer la misère de ce monde seule. Mais tendre la main à un mourant est toujours une meilleure solution que le fatalisme. Bien des manières de souffrir existent en ce monde, tu dois en être consciente, n'est-ce pas ? Comme je viens de te le prouver en tuant certaines de tes proches connaissances. Il y a des plaies que Möchlog ne peut refermer, mais toi, tu en es capable. Accroche-toi à ton art, mais ne le prend jamais pour acquis. Il n'est qu'une petite parcelle de ce dont tu es capable. Va plus loin, regarde plus profondément et comprend ce que les autres ne sauraient comprendre, pour qu'ils puissent eux aussi briller dans la connaissance.

Une brise évasive venait souffler dans les cheveux blancs de la jeune femme, jouant entre ses fibres comme passant en travers de rideaux fantomatiques. Un sourire vint tirer son visage en une radieuse expression qui semblait signifier la fin de cet échange. Peut-être que ses indications étaient floues, peut-être qu'elles avaient été comprises. Néanmoins, elle se permit d'ajouter.

- Suis ce que ta conscience te dicte, élève toi par-delà ton art. Elève toi pour relever les autres.

Une bourrasque commençait à tourner autour du duo, un vent éthéré qui ne faisait que se balader jusqu'à alors. Le souffle qui glissait au-dessus de leurs oreilles commençait à mugir d'une voix tremblante, faisant écho aux reflets de la montagne, qui là-haut, semblaient doucement s'effriter. La figure féminine en avait fini, Meylan saurait bien quoi faire de ces indications qu'elle lui a laissés, et, en un murmure tout aussi effacé, n'appartenant peut-être qu'à la simple imagination de la barde, deux mots sortirent de la brume.

- J'attendrai ...

Difficile de dire si ces mots n'étaient que simple consonance imitée par la respiration du souffle des monts, ou bien si c'était vraiment sa conscience qui, une fois de plus voulait faire passer un message. Peut-être qu'au final, il n'y avait aucun sens à cette phrase, mais toutefois, il recelait dans ce mystère une profonde vérité que la jeune barde serait pour le moment, incapable de saisir.

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