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Chroniques d'Irydaë
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 :: Les terres d'Irydaë :: Daënastre :: Le Tyorum
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 [Terminé] Ce que l'on redécouvre ne nous apporte que des maux

Flavien Teleri
Flavien Teleri
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[Terminé] Ce que l'on redécouvre ne nous apporte que des maux - Page 2 EmptyLun 21 Mai - 0:37
Irys : 887826
Profession : Soigneur itinérant - Guérisseur
My'trän +2 ~ Chimères
La plaine qui s'étendait devant ses yeux était vraiment magnifique. Pour une civilisation qui se vantait de sa modernité, le Tyorum était un endroit encore bien sauvage. Toutes les créations des Hommes n'avait su dompter ce lieu si captivant. Flavien pouvait sentir la magie vibrer sous ses pieds, dormante et prête à être appelée par ses enfants. Ce hameau tranquille était une terre pleine de vie, un endroit où toute préoccupation des capitales semblait oubliée.

Flavien ne ressentait aucune oppression ici, comme si la présence favorable de Sanaë à ses côté influençait la magie environnante, l'entrainant à se montrer plus téméraire en la compagnie de la jeune femme, s'autorisant à crépiter autours d'eux sans peur d'être chassée.

Flavien balaya les lieux du regard. Les plantes folles qui poussaient comme bon leur semblaient ne grignotaient pas sur les récoltes, résultats des bons soins de la communauté agricole. Contrairement à d'autres endroits du continent, elles n'étaient pas arrachées sans raison, les artisans reconnaissant les vertus de certaines de ses herbes qualifiées d'opportunistes. Flavien ne pouvait qu'admirer le travail de ces hommes et de ces femmes qui s'occupaient des cultures malgré l'utilisation de machines. Il était évident qu'ils respectaient la terre et savait ce que leurs bons soins leur permettraient d'obtenir. A la manière de fidèles de Delkhii, leur connaissance de cet élément leur permettait de petits miracles. Ils pouvaient à force d'ingéniosité et de patience, obtenir les mêmes résultats que des adeptes de cet élément nourricier. A leur manière, ils connaissaient peut-être mieux la terre que certains novices de Delhkii.

L'espace d'un instant Flavien s'imagina un futur pareil à celui que Zaël espérait. My'träns et Daënars travaillant la terre, les uns la poussant à exprimer tout son potentiel à l'aide de la magie, leurs autres améliorant le temps de récoltes grâce à leur ingéniosité.

Clignant des yeux en entendant la voix de son hôte, le nomade reporta son attention sur Sanaë. La jeune femme s'était installée sur l'herbe tandis qu'il contemplait la plaine. Elle parla à voix basse, le son de sa voix porté jusqu'à ses oreilles par la brise fraiche qui s'engouffrait doucement dans ses cheveux lâchées. Presque sur le ton de la confidence, elle lui demanda s'il pensait que les Architectes se fassent du souci pour le peuple Daënar. Elle était dure dans ses paroles, et Flavien s'étonna de penser comme tel. Il aurait certainement répondu il y a quelques temps qu'elle avait raison, que jamais ils ne se soucieraient du bienêtre de leurs enfants ingrats, mais les choses avaient changées. Il avait changé.

Sanaë émit une hypothèse à laquelle il n'avait pourtant jamais songé, mais qui manqua de le faire doucement sourire. Möchlog avait peut-être été celui à conduire Lize jusqu'à Valvonta. Jusqu'à lui. Tout comme la jeune femme avait trouvé du réconfort dans son malheur en se confiant à la Chouette il avait par la suite été conduit à aller à la rencontre d'Orshin. Tout cela, à partir de contes et légendes My'trännes qui n'auraient jamais dû se trouver entre les mains d'une jeune Daënare bridée par sa famille.

La poussée bienveillante d'Architectes attentionnés, ou le jeu de Dieux ennuyés par l'éternel qui prenaient plaisir à s'immiscer dans les vies de leurs créations par dépit ? Amour véritable ou simple résultat d'une existence monotone ? Flavien n'avait pas la réponse exacte. Malgré cela, il s'autorisa à répondre à Sanaë, si ce n'est par désir de ne pas laisser de doute planer quant à ses pensées. L'objectivité de la Daënare sur le sujet, cette jeune femme qui avait étudié les Architectes à travers les écrits sévères de ses ancêtres, avait une vision bien différente de la sienne. En discutant avec Sanaë, il mettait en jeu ses convictions les plus profondes, sans jamais y être forcé.

- Je ne peux pas parler en leur nom, pas même en celui des Architectes auxquels je crois, Commença-t-il prudemment, Mais je pense qu'ils se soucient autant de votre peuple que du notre. Ils sont créateurs de toute chose en ce monde. Ce sont eux qui font se lever le soleil chaque jour, et qui incitent la lune à prendre son relai pour éclairer nos nuits. Ils sont à la fois la brise qui nous soulage par une journée chaude et pénible, et les rayons de l'astre qui nous réchauffent le cœur après une tempête.

Parler ainsi de ses Architectes en terre Daënare était libérateur. Il s'installa en tailleur à côté de Sanaë, caressant du bout des doigts l'herbe fraiche. Son visage se fit plus sérieux.

- Si les Architectes souhaitaient punir votre peuple, ils ne lui offriraient pas les mêmes atouts qu'à nous. Dit-il lentement, Daënastre prospère d'année en année et votre population grandit. Je crois que les Architectes sont les créateurs de toute vie. Pourquoi accorderaient-ils la naissance d'un enfant à une famille Daënare, s'ils ne souhaitaient pas de les voir heureux ? Spectateurs lointains des vies de toute créature de ce monde, les Architectes ne renient jamais leurs enfants, même les plus terribles. Je ne pense pas qu'ils aient abandonné Daënastre, ou bien la magie aurait disparu de vos terres. Ses pratiquants y sont peut-être chassés, mais si je peux encore communiquer avec la faune, c'est bien que la magie des Architectes est présente sur le continent.

Flavien se tut, laissant un moment à Sanaë pour qu'elle puisse digérer son explication qu'il savait maladroite. Il n'était pas Khorog, il n'avait pas ce lien si particulier qui unissait ces ficèles bien particuliers aux Architectes auxquels ils étaient dévoués. Il n'avait même jamais échangé directement avec l'un de ses Architectes, n'avait croisé la route d'aucune Déité malgré ses années passées sur les chemins. Pourtant, il était sûr de ce qu'il avançait, peut-être plus que tout autre chose en ce moment. Non, Flavien ne doutait pas de l'amour que portaient les Architectes à leurs créations, il doutait simplement de leur façon de le leur témoigner. Mais là n'était pas la question pour le moment.

- Chacun est libre de devenir ce qu'il souhaite, Sanaë. Peu importe ses origines et l'éducation transmise par notre famille, il ne tient qu'à nous d'aller à la rencontre de la magie. Les pérégrins s'intéressant aux Arts en sont la preuve formelle.

Flavien sourit doucement en sentant la tête de Khi'del se poser sur sa cuisse. Le grand serpent ailé s'était installé à sa droite, enroulant son corps le plus loin de Sanaë possible tout en restant relativement proche d'elle vu la position de Flavien. Une marque de confiance discrète vis-à-vis de leur hôte.

- Je pense que c'est tout à fait possible. Que Möchlog a très bien pu guider Lize, garder un œil sur elle et veiller à ce que son voyage se déroule au mieux.

Pourquoi, alors, la Chouette avait-elle autorisé la nouvelle famille de Lize à tout oublier de son combat ? Flavien ne comprenait pas.

Sentant son trouble, Khi'del gronda doucement, à peine une vibration de ses cordes vocales, une plainte destinée à ramener Flavien à lui dans le moment présent plutôt qu'à le perdre dans ses pensées. Déposant sa main sur le crâne de l'animal, Flavien serra les lèvres. Sanaë avait peut-être senti elle aussi son changement de comportement. La jeune femme s'excusa pour vouloir en apprendre toujours plus. Assoiffée de réponses mais ne parvenant pas à formuler clairement ses questions, la Daënare était aussi troublée que Flavien. La mort de sa cousine, sa vie si loin de sa culture natale et les prouesses dont elle avait été capable, guidée par la force d'une entité que les siens avait relégué au rang de contes sordides pour enfants récalcitrants... La blonde était perdue.

Le soigneur n'avait malheureusement aucune parole réconfortante à lui adresser. Il était loin d'exceller dans la matière, préférant faire silence un moment, respecter les tourments de cette jeune femme tout en songeant amèrement qu'elle avait certainement raison. S'ils pouvaient se comprendre d'un regard, comme lui-même comprenait ses familiers, les terres d'Irydaë ne seraient peut-être pas autant le théâtre de machinations destructrices.

Sanaë l'interrogea ensuite sur la relation qu'il entretenait avec ses familiers. Le regard perdu dans le ciel où volait un dirigeable assez immense pour camoufler le nuage qu'il devançait.

- Mes familiers peuvent ressentir mes émotions et mes pensées. Confirma-t-il, Je pourrais contrôler le degré jusqu’au quel ils peuvent accéder à mes émotions, créer une barrière à sens unique entre eux et moi, mais il m'a toujours semblé que s'ils m'offrent leur confiance toute entière, il est de mon devoir d'en faire de même.

Flavien n'attendait pas que Sanaë le comprenne. Sa manière de traiter ses familiers était assez étrange, même parmi les disciples d'Orshin.

- Je ne pense pas que d'une manière générale ils nous comprennent mieux que nous les comprenons. Mes familiers et moi partageons un lien à part entière... En ce qui concerne la faune de ce monde, nous la comprenons certainement moins bien qu'elle-même nous comprend. Flavien grimaça un peu à cette explication bancale, Ce que je veux dire, c'est que nous avons cette prétention de dire que nous comprenons le comportement des animaux, tandis qu'eux ne se privent pas pour clamer que le nôtre n'a aucun sens à leurs yeux. Là où nous nous arrêtons sur nos acquis, eux font l'effort d'interroger nos actes et de les juger pour ce qu'ils sont, et pas pour qui les exécute.

Sa main avait quitté la tête de Khi'del pour appuyer son explication, dessinant des formes intriquées dans l'air avant de retrouver sa place sur le crâne du Dalavoï, une fois ses explications terminées. Il songea aux paroles de Sanaë et sourit en coin.

- Aucun de mes familiers n'aura la même réponse à vous apporter, ils sont trop différents les uns des autres pour cela. Nous les classons par espèces, sans tenir compte de leur individualité lorsque nous écrivons sur leurs comportements. Comme s'il était logique que chaque membre de la famille des Dalavoï soit joueur et insouciant, sans tenir compte des expériences de chacun... Peut-être n'avons-nous rien appris au final. Nous reproduisons le même schéma avec nos peuples, après tout. Les My'träns sont des sauvages in éduqués, les Daënars sont des manipulateurs destructeurs et quant aux Pérégrins, ils sont animés par l'appât du gain et rien d'autre.

Flavien secoua la tête, ne souhaitant pas vraiment s'étendre sur le sujet.

- Enfin, vous comprenez... Pour ce qui est de ce que mes familiers pensent des humains, chacun à sa vision bien particulière des choses. Sourit-il légèrement en changeant de sujet, Khi'del n'est pas l'un de mes familiers, mais cela va sans dire qu'il se méfie des Hommes. Nous nous comprenons tous les deux, mais pas au même niveau qu'avec mes familiers... D'ailleurs, Selmac est sans doute le plus tolérant d'entre eux.

D'un geste, il désigna le petit Aitah qui s'était roulé en boule contre la cuisse de Sanaë. Sans gêne, comme à son habitude, il ronronnait tranquillement.

- Il a tendance à accorder sa confiance au premier inconnu venu et est d'avis que chaque être vivant peut avoir un bon fond. Cela lui apporte bien des ennuis, mais il n'en démord pas. Pour lui, les humains sont des camarades de jeu, des êtres à cajoler et à rassurer, peu importe leur origine.

Désignant la poche de son manteau où dormait à présent sa Tairakh, il ajouta.

- Hua, elle, n'a confiance qu'en de rares humains. Elle dira qu'elle n'a simplement pas de temps à perdre à s'embêter à faire la belle, qu'elle a d'autres choses bien plus importantes à faire, comme par exemple dormir... Et il y a du vrai dans ce qu'elle dit, mais il s'agit aussi d'un moyen pour elle d'ignorer les murmures à son sujet. Les Tairakhs n'ont pas très bonne réputation, peu importe le continent où on les trouve.

Flavien secoua la tête, attristé par le comportement des Hommes qui n'hésitaient pas à noyer des Tairakhs en masse par peur d'être dévorés. Ils n'oseraient pas faire de même avec les Dragons, et pourtant ces derniers pouvaient très bien ravager des cités entières en très peu de temps.

- Et puis, il y a Aquila..., Ajouta-t-il, comme une arrière-pensée, C'est une Nokhoi. Elle ne supporte pas les climats froids, donc je l'ai laissé en My'trä lorsque j'ai embarqué pour Vereist. Une amie en prend soin en mon absence.

Il n'était jamais resté aussi longtemps éloigné d'Aquila que ses derniers mois, et pourtant la douleur de la séparation n'était pas aussi intense que prévu. Etait-ce lié au fait qu'il la savait en compagnie d'une personne de confiance, ou simplement qu'il n'était plus son unique maître depuis qu'elle avait élu domicile dans la demeure des Morret ?

- Elle est la plus réservée de mes familiers, prudente sans être méfiante. Elle n'a pas d'idée fixe sur le genre humain, mais juge tout à chacun à travers leurs actions. Dit-il, songeur, Elle n'est pas bien bavarde, et même lorsqu'elle communique, elle est un peu bourrue. Pataude mais jamais méchante. Sa sagesse me manque parfois.

Aucune raison d'être aussi morose, pourtant. Il avait accompli sa mission, il la reverrait donc bientôt, pas vrai ? Il la reverrait, et l'arracherait inévitablement à sa seconde famille. Flavien soupira.

Sanaë Eshfeld
Sanaë Eshfeld
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[Terminé] Ce que l'on redécouvre ne nous apporte que des maux - Page 2 EmptyJeu 24 Mai - 21:04
Irys : 743374
Profession : Amnésique attachante
Daënar +2 ~ Skingrad (femme)
Tout était calme et paisible en haut de cette colline surplombant d’un côté le village et la baie, de l’autre la plaine immense et verdoyante. Dans cette direction, il n’existait rien mis à part de l’herbe à perte de vue, et ce, jusqu’aux montagnes de l’est. Seul les bois entourant la capitale tyorienne au loin semblait troubler la vue jusque-là dégagée de tout.

Dans cette partie de la région, dernier village avant la grande et dangereuse jungle de Carter, le temps ne semblait plus réellement exister. Les habitants vivaient à leur propre rythme, sans devoir subir celui tellement plus pressant imposé par les grandes cités du continent. Sanaë aimait cet endroit justement pour cette raison. Ici, il n’existait rien de compliqué, tout était petit, aéré, malgré les murs d’enceinte de la cité, destinés à les protéger des créatures qui ne s’aventuraient que très rarement aussi prés. La colline donnait accès à une vue d’ordinaire cachée, dissimulée par un imposant assemblage de bois et d'acier, leur permettant ainsi de voir toujours plus loin et encore au delà.

Pourtant, comme tout enfant daënar, l’ancienne horlogère avait été attirée par les grandes cités. Alexandria en particulier, de par sa grandeur technologique, sa magnificence reconnue par tous… Mais ce n’était plus le cas à présent, simplement, car elle avait grandement changé en ces quelques semaines… Tellement changée. Aujourd’hui, elle n’y voyait plus qu’une prison, un peuple enclavé et dépendant des objets qu’ils avaient pourtant façonné de leurs propres mains. La grandeur n’existait que pour les riches, les influents, alors que le reste du peuple alexandar vivait dans un lieu sombre et sale, à l’ombre des puissants. Les humains ne se mélangeaient pas, ou en de rares occasions simplement guidées par le profit et l'exploitation humaine. Chacun devait donc se contenter de sa petite case personnelle, plus ou moins confortable, dont la taille était bien souvent définit longtemps avant la naissance… Sanaë étouffait tout bonnement dans la sienne bien trop étriquée pour ses envies… ses rêves d'évasion. Pour elle, les daënars ressemblaient à leurs villes. Une liberté bien illusoires, soigneusement cloisonnée dans le but de les protéger de tout... et de tous. Rien d'étonnant donc à ce chacun d'eux se voit guidé dans cet esprit fermé, les poussant à créer des armes toujours plus dévastatrices, leurs armures protectrices qui représentaient autant de cloisons et de barreaux... Des cerceuils en mouvements, hors de terre...

Elle-même se retenait depuis bien trop longtemps, fermant les yeux sur ses rêves, ses envies, allant jusqu’à museler sa propre liberté pour l’offrir à d’autre, sans même s’en apperçevoir. Tandis qu’elle profitait de la vue splendide, la jeune femme se laissa peu à peu envahir par un nombre incalculable de “pourquoi”. Il ne s’agissait pas là de questions absurde de simplicité, mais plutôt le genre de celles qui avaient tendance à tout vouloir remettre en question. Lize avait acheté sa propre liberté, en abandonnant sa famille, sa maison… Sa prison tangible qui la maintenait soigneusement enchaînée à une vie dont elle ne voulait pas. Elle l’avait fait sans hésiter une seule seconde, alors que sa cousine, certes plus jeune, mourrait de peur de se perdre dans l’inconnu. Était-ce toujours le cas ? Oui et non. Ses rêves étaient toujours là, amenant avec eux une flopée de nouveaux rêves aspirant tous au...renouveau. Malgré tout, elle restait attachée à sa famille, à son village, à son compagnon. Elle lui devait la vie, cette vie. Cette maison. Cette vue… Sans oublier l’oursonne qu’elle affectionnait tant. Qu’avait-elle fait pour cela, mis à part de continuer à vivre alors qu’elle n’aspirait qu’à la mort ? Peut-être l’aurait-elle fait finalement, si les daënars étaient capables d’oublier la tristesse de la perte, jusqu’aux individus en eux-même, comme leur cousins depuis si longtemps éloignés. Sans doute l'aurait-elle fait…

Flavien prenait le temps de répondre à ses questions qui devaient probablement lui paraître bien étranges. Il le faisait avec une impressionnante patience alors qu'elle n'était qu'une hérétique parmi tant d'autre. La jeune femme l’écoutait avec une attention chargée de respect autant que de curiosité. Il était bon de pouvoir recevoir une autre explication, même incertaine. Sa vision était belle, presque libre… Tellement éloignée de celle si cartésienne et fermée des daënars. Pour eux, tout devait être logique, explicable, sans se rendre compte que tout cela était pourtant déjà le cas. N’était-ce pas ridicule d’être aussi aveugle et sourd alors que tout se trouvait pourtant sous leurs yeux depuis la nuit des temps ? Pourquoi juger ce peuple mystique de sauvage sous de faux prétextes, souvent guidés par la peur ou l’appât du gain, lorsque l’on ne se raccroche pourtant à rien sinon une vie précaire. Ils étaient si semblables et si différents à la fois… Et Sanaë se perdait dans tout cela, les réponses du jeune homme ne faisant finalement qu’en soulever une myriade d’autres. Néanmoins, rien de tout cela n'empêchait la daënare de boire les paroles du my’trän, y trouvant une certaine sagesse, tellement juste et ô combien rassurante.

Daënastre était, disait-on, le premier territoire façonné par les mains expertes de l’Architecte de la terre, Delkii. Les textes, découverts avec Lize, parlaient de cet amour, de cet affection si particulière pour ce continent aujourd’hui défiguré par les technologistes. Qu’en pensait-il réellement ? Flavien affirmait pourtant que la magie se trouvait toujours là, tout autour d’eux.

Elle resta silencieuse un long moment, le temps de réaliser l’amplitude de ces paroles. Étrangement, la jeune femme se sentait apaisée par ses affirmations, allant jusqu’à y trouver un certain réconfort. Évidemment, la daënare se voyait bien incapable de ressentir quoique ce soit. La magie des Architectes ne lui apparaissait pas, tout du moins pas physiquement. La brise d’Amisgal était pourtant là, soufflant doucement les paysages façonnés par Delkii, caressant la peau et le pelage des créatures d’Orshin aux personnalités si riches et différentes grâces à Süns et Khugatsaa, celles-ci rendues vivantes par la grâce de Möchlog. Sans oublier l’eau limpides de la baie face à eux, offerte par Dalai… Après maintes disputes grandioses et dévastatrices avec son aîné…  Tout lui apparut alors si logique… si réel. La vie, la nature n’existeraient en ces terres si les architectes les avaient abandonné après leur émancipation.

- À quoi cela ressemble-t-il ? l’intérrogea-t-elle timidement par crainte d’en demander trop, avant de se laisser simplement guider par sa curiosité. Il n’y avait là absolument rien de malsain. Sanaë rêvait simplement de pouvoir comprendre… De savoir...Comment se manifeste la magie ? La sentez-vous en vous ? Autour ?


Flavien évoquait une liberté qu’il lui était bien difficile à concevoir puisque Sanaë ne s’autorisait jamais rien de tel. Trop habituée à vivre pour les autres jusqu’à se rendre dépendante de toute approbation. Si sa famille savait ce qu’il trottait dans sa tête, jusqu’où se portaient ses rêves, ses pensées… Nul doutes que ses frères n’hésiteraient pas à lui tourner définitivement le dos sans se préoccuper du mal qu’ils pourraient lui faire… Et que dire d’Hypérion ? Le jeune homme vénérait le dieu technologique, au point de lui adresser quelques prières au moment de la mise en fonction de ses créations… Personne ne la comprenait et personne ne serait susceptible de le faire. L’ancienne horlogère préservait cette façade créatrice depuis si longtemps…Comment pourait-il en être autrement ? Il serait après tout bien difficile de lui en défaire à présent. Si bien que son entourage l’idéalisait ou, au contraire, la sous-estimait sans cesse sans se préoccuper de ses airs mélancoliques dissimulés derrière quelques sourires feints. Même son compagnon ne voyait rien de tout cela, la prenant encore pour l’horlogère continuellement distraite et maladroite qu’elle fut autrefois. Alors, certes, son imagination fonctionnait toujours, et heureusement, car créer restait pour elle son seul moyen d’évasion… Le dernier, probablement.

Alors cette fois, Sanaë ne releva pas, se contentant de réfléchir en silence tout en observant le petit Selmac allongé tout contre elle, sans oser le caresser, par peur de le déranger durant son sommeil. Une chose était sûre, cette conversation laisserait ses marques sur la daënare qui n’en avait certainement pas fini de s’interroger. Comment pouvait-elle reprocher aux autres de ne pas la connaître alors qu’elle-même ne se connaissait pas… “A force de se mentir, l’on en oublie qui l’on est.” Lize, au moins, ne s’était jamais voilée la face, faisant fi de l’avis des autres simplement pour se préserver elle et de s’autoriser à vivre ses rêves, pour elle. Oh, bien sûr , à son départ, réflexions et jugement s’étaient succédés. Certains n’avaient pas hésité à montrer la famille du doigt, qualifiant sa cousine d’égoïste, d’irréfléchie ou de rêveuse… Traitresse… Pourtant, aucun d’eux ne savait la réalité, ils ne s’étaient jamais intéressés à ses pensées, à son bien-être, s’entêtant à la garder en vie à coup de traitements douteux qui ne faisaient que la rendre d’autant plus malade. L’emprisonnant jusque dans son propre corps trop faiblard pour lui permettre de se lever de son lit après avoir rendu tripes et boyaux. Sanaë, elle, savait et n’avait pu que l’encourager à vivre…

Le silence s’imposa de lui-même, la conversation les poussant à s’enfermer tous deux dans leur propres pensées réflectives. Il s’agissait là d’un sujet délicat, probablement trop flou et inexplicable à une étrangère aux coutumes my’trännes bien trop curieuse. Flavien sembla bien accueillir le changement de conversation, le ramenant à quelque chose qu’il connaissait au sujet de créatures qu’il aimait. Une fois de plus, tous ces détails lui semblaient fort intéressants. Le lien qui unissait le my’trän et ses familiers leur permettait d’avoir accès aux émotions de l’autre. Ainsi, ils pouvaient se comprendre, ressentir le trouble, la peur, la joie ou tout autre sentiment facilement camoufflés chez les humains. D’après ce qu’il disait, Flavien avait une façon bien à lui de traiter ses compagnons, agissant avec un profond respect tout en veillant à les mettre sur un plan d’égalité. Tout du moins, c’est ainsi qu’elle interpréta ses explications, un peu comme s’il brisait les barrières inter-espèces pour se livrer naturellement à l’autre.


Malgré lui, Flavien releva un nouveau détail qui entra en résonance avec les pensées de Sanaë. Les humains avaient toujours eu ce besoin de connaître, de comprendre pour mieux contrôler. Ils englobaient les espèces dans diverses catégories comme si cela paraissait plus logique de seulement tout simplifier à l’aide d'étiquettes préconçues. Les zoologues agissaient de la même manière que les géologues, se contentant d’un échantillon pour classer telle ou telle créature dans une catégorie. Sanaë s’était interrogée sur le sujet, bien des années auparavant. Se demandant pourquoi toute une espèce était décrite en quelques lignes… Expliquant leur lieu d’habitat, leur mode de reproduction et leur caractère… Et ils faisaient exactement de même avec le reste de l’humanité, comme le soulignait habilement Flavien en se servant des divers peuples irydars pour exemples.

-Je comprends, oui, murmura-t-elle en souriant légèrement, avant de le laisser poursuivre.

Elle l’écouta ensuite décrire les diverses personnalités de ses compagnons. Chacun d’eux semblait si différent ce qui finalement lui parut bien logique. Khi’del semblait avoir eut une très mauvaise expérience avec des humains, l’utilisant comme une vulgaire une bête de foire. Le Dalavoï avait donc toutes les raisons du monde de se méfier des humains, Sanaë en avait conscience et évitais soigneusement de le regarder plus que nécessaire, alors qu’il semblait profiter des caresses attentives de son maître.

Elle s’en retourna ensuite vers le petit Aitah qui paraissait bien à son aise contre sa jambe. Le portrait que dressait son compagnon bipède lui rappelait un peu le sien lorsqu’elle était encore jeune et inconsciente. Tout du moins, c’est ainsi que les autres la décrivaient, Lize en particulier. Mais même si elle était à présent bien plus méfiante, elle espérait toujours voir du bien chez les autres, refusant de reconnaître que certains ne pouvaient être que foncièrement méchant. L’humain ne pouvait se résumer à cela, ni bon, ni mauvais ou passant simplement de l’un à l’autre selon les gens et les situations. Elle savait que tout était bien plus complexe qu’une simple étiquette. L’ancienne horlogère sourit, attendrie par la vision de l’ancien compagnon animal de sa cousine, tout en se demandant quel genre d’aventure avaient-ils pu vivre ensemble.

Chacun d’eux avait développé son propre caractère, souvent méfiant à l’égard de l’homme ce qui lui semblait plus raisonnable. Il n’existait pas de créature plus destructrice que l’humain, si souvent enclin à détruire sans raison apparente sinon mauvaises. Et ils avaient d’ailleurs inventé des armes dans ce but, de poudre, de bois ou d’acier. L’on dit qu’elles sont là uniquement pour la défense, néanmoins Sanaë ne l’entendait pas de cette oreille. De quoi avaient-ils réellement besoin de se défendre sinon de l’homme ? Son agresseur ne s’était pas servi de sa faux pour se défendre, mais pour torturer puis tuer et n’était certainement pas la seule dans ce cas.

-Elle semble effectivement bien sage...déclara-t-elle lorsqu’il évoqua sa Nokhoi laissé aux bons soins d’une amie..N’est-ce pas trop difficile de devoir vous séparer ? Ou alors, peut-être pouvez-vous… Communiquer à distance ?

La question lui semblait stupide, néanmoins l’idée de voir un tel lien exister lui parut si plaisante qu’elle ne put s’empêcher de demander. Toute notion logique lui apparaissait alors comme abstraite, si bien qu’une telle chose ne l’étonnerait en aucune manière.

-J’aimerai pouvoir comprendre Shaïa, soupira-t-elle en observant le ciel. Je lui parle, beaucoup. Ce n’est encore qu’un bébé et passe ses journées à dormir, mais cela ne durera pas. Je ne voudrais pas la priver de sa nature. Comme je vous l’ai dit plus tôt, je sais que c’est un ours, je ne l’oublie pas et sa place n’est clairement pas ici. Bientôt viendra le moment où elle aspirera à autre chose, mais comment être sûre de ne pas me tromper ?

Pour l’instant, l’oursonne n’était qu’une adorable petite boule de poil aimant manger, dormir et sachant apprécier quelques caresses. Elle semblait paisible à ses côtés, néanmoins, Sanaë pourrait-elle seulement lui apporter tout ce dont elle a besoin ? Elle en doutait grandement. Le petit aitah attira son attention par un baillement sonore, Sanaë se mit alors à rire franchement, s’amusant de la mine étonné de Selmac.

-Et bien, lança-t-elle à l’adorable animal. Penses-tu que nous parlons trop ?

Le voyant à présent éveillé, l’ancienne horlogère n’hésita pas à lui offrir quelques caresses qu’il semblait apprécier. À nouveau, elle songea à sa cousine… Finalement ravie d’avoir eut de ses nouvelles, de savoir qu’elle avait bien vécu, qu’elle n’était pas seule. Cet homme avait osé faire ce périple simplement pour rendre son journal et les voilà assis dans l’herbe, discutant de tout ce qui les séparait. C’était une situation étrange, sans être désagréable, bien au contraire, elle en était particulièrement reconnaissante envers ce jeune homme.

-Je dois dire que cette conversation m’a permis d’ouvrir les yeux sur certaines choses, bien que cela reste encore flou pour le moment. Je suis heureuse d’avoir pu vous rencontrer, Flavien, sincèrement. Malgré l'étrangeté des circonstances...

Flavien Teleri
Flavien Teleri
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[Terminé] Ce que l'on redécouvre ne nous apporte que des maux - Page 2 EmptyDim 27 Mai - 17:10
Irys : 887826
Profession : Soigneur itinérant - Guérisseur
My'trän +2 ~ Chimères
Parler librement de ses familiers et de leurs personnalités était un exercice bien étrange, mélange d'une simplicité désarmante et d'une complexité alarmante. Pour beaucoup de monde, qu'ils soient mages, technologistes ou humains sans affinité particulière, les animaux qui l'accompagnaient étaient simplement cela : de simples animaux. Ils étaient pareils à leurs yeux que n'importe quel autre compagnon à quatre pattes qui se serait pris d'affection pour un Homme. Fidèles, protecteurs ou peureux, mais indéniablement inférieurs. Des créatures qui n'avaient d'autres objectifs dans leur vie que celui de servir les désirs de leur maître, alors qu'ils étaient bien plus aux yeux de l'admirateur d'Orshin.

La grande différence entre un familier et un simple animal de compagnie résidait dans la connexion durable établie entre ses compagnons et lui. L'attachement qui pouvait exister entre un Aitah de compagnie et son maître, et entre Selmac et lui n'avait rien à voir. Plus qu'une question d'attachement ou de confiance, il s'agissait d'une véritable symbiose. Parfois, il était compliqué de savoir où ses pensées s'arrêtaient et où celles de ses familiers débutaient. Il était capable d'influencer le comportement de ces derniers par son simple calme, mais il savait très bien que l'état d'esprit de ses familiers pouvait lui aussi induire différentes réactions de sa part. La frontière entre son esprit et ceux de ses camarades était parfois très mince, tant et si bien que dans ses mauvais jours, l'absence d'Aquila était vécue comme une perte de lui-même.

Peu de personnes comprenaient pourquoi il s'entêtait à garder avec lui un Aitah distrait et inconscient des dangers. Avec la vie qu'il menait il ne faisait que mettre en péril cet animal fragile; lui qui se disait être l'ami des bêtes, comment lui pardonner cet écart de conduite ? Un Aitah ne serait-il pas mieux lotit en rejoignant un foyer aimant et sédentaire ? Certainement. Mais Selmac n'était pas qu'un Aitah. Il faisait en tout point parti de lui, un pilier de celui qu'il était devenu. Aussi difficile qu'il lui avait été de l'accepter à ses côtés, il était devenu l'un de ses garde-fous. Lorsque les situations devenaient compliquées et les domptages plus périlleux qu'à l'accoutumé, la douceur de caractère de l'Aitah était un merveilleux appui pour garder son calme et positiver.

En tout point, ses familiers n'avaient rien de simples animaux de compagnie. Ils étaient des compagnons de route, des confidents et chacun à leur manière forgeait la personnalité dormante du soigneur qui les avaient pris sous son aile. Ainsi, l'absence d'Aquila se faisait ressentir chaque jour qui passait, comme une cicatrice qui avait du mal à guérir et le tiraillait en permanence.

- Je ne peux malheureusement pas communiquer avec elle sur une si grande distance. Dit-il, le regret évident dans sa voix, Nos séparations sont toujours difficiles, mais d'habitude je reste assez proche d'elle pour réussir à ressentir sa présence dans un coin de mon esprit. L'océan est bien trop vaste pour réussir à maintenir le contact sur cette distance mais... Elle va bien, j'en suis certain. Je sais qu'on prend grand soin d'elle.

Un fin sourire éclaircit son visage un instant. Malgré ses peines, il n'avait aucun doute sur le fait que la Nokhoi était traitée comme un pacha. Il ne pouvait peut-être pas sentir sa présence à travers leur lien pour le moment, mais il avait de ses nouvelles assez souvent pour que son absence ne le rende pas complètement malade.

Sanaë confia aux cieux son envie de comprendre Shaïa, ses désirs et des envies, au même titre que ses besoins. La jeune femme n'ignorait pas que l'adorable boule de poils qu'elle était pour le moment allait rapidement grandir, grossir et surtout s'enhardir. D'une petite oursonne joueuse, elle deviendrait un animal robuste et sauvage, prête à découvrir le monde et fuyant petit à petit le contact avec sa mère d'adoption.

Flavien secoua lentement la tête. Il n'avait aucune parole sage à transmettre à la jeune femme.

- Continuez d'en prendre soin et elle saura se faire comprendre.

Il aurait aimé proposer à Sanaë d'établir une communication entre elle et son oursonne, mais le nomade préféra taire son idée. Avec l'aide d'un adepte d'Orshin, il était tout à fait possible d'inciter l'esprit d'un mage à s'ouvrir à celui d'animaux sauvages. Seulement Sanaë, aussi ouverte d'esprit qu'elle soit, n'en restait pas moins Daënare. De mémoire, Flavien n'était pas convaincu qu'une telle expérience avait été tentée. Si la jeune femme réagissait aussi violement à la magie qu'il réagissait lui-même aux technologies, il n'aurait rien gagné à part une jeune femme effrayée par un don pourtant si naturel.

Le silence tomba sur leur conversation : un moment de paix, passé à observer le vent jouer avec les herbes folles. Khi'del soupira profondément derrière lui, son corps secoué par l'expiration profonde, et Flavien passa une main sur son crâne doux, observant du coin de l'œil le Dalavoï qui fermait paisiblement les yeux. L'après-midi touchait à sa fin s'il en croyait la course du soleil, et le serpent ailé savait apprécier la fraicheur qui prenait place à mesure que l'astre de jour déclinait. Comme entrainé par son ainé, Selmac bailla à son tour, bien plus bruyamment.

Le rire amusé de Sanaë incita Flavien à tourner la tête vers la Daënare qui regardait avec affection Selmac. Le petit félin avait un air coupable, ne s'attendant pas à se faire remarquer de la sorte. Doucement, la Daënare demanda au petit félin si leur conversation l'ennuyait. Ne comprenant pas entièrement les paroles de la jeune femme, Selmac s'étira et appuya son museau contre la main de Sanaë, donnant un petit cou sur cette dernière pour la faire retomber maladroitement sur sa tête. Il n'avait peut-être pas saisit le sens des mots de la jeune femme, mais il savait lire les intonations mieux que Flavien, repérant le ton joueur de Sanaë et profitant de l'occasion.

Le petit Aitah se délecta de l'attention portée sur lui et Flavien le laissa profiter des bons soins de Sanaë, reportant son regard sur l'horizon. Difficile de croire qu'après de telles aventures en Daënastre, il se retrouvait à avoir une telle conversation avec une enfant de l'autre faction. Tout au long de son voyage, les Architectes avaient testés ses croyances en leur cause, sa vision du monde et des Hommes qui y évoluaient. Tant de fois, il avait voulu faire marche arrière, jeter aux oubliettes le journal de la disparue et retourner à sa vie d'explorateur solitaire.

Avait-il, sans s'en rendre compte, été le récepteur d'un message, d'une leçon, que son ultime rencontre avec Sanaë avait révélé ?

Les paroles de l'ancienne horlogère le sortirent de ses pensées. Elles faisaient écho à ses propres interrogations et le soigneur ne pouvait qu'approuver les dires de Sanaë. Leur conversation, aussi décousue qu'elle l'avait été, lui avait permis de faire le tri dans bien des émotions, en apaisant certaines et en déterrant d'autres, frêles et fragiles. Il ne pouvait pas dire qu'il y voyait plus clair à présent : c'était presque tout le contraire. Là où il pensait trouver des réponses et retrouver la paix, des interrogations se bousculaient à présent dans son esprit. Sa place en ce monde, le chemin que les Architectes avaient choisis d'éclairer pour lui et les multiples branchements qui se présentaient en réalité sur sa route... Tant de questions sans réponse, auxquelles il allait devoir faire face dans les prochains jours.

- Il en va de même pour moi.

Les propos étaient sincères malgré la confusion qu'il éprouvait. Il ne pouvait qu'être reconnaissant envers cette jeune femme pour lui avoir si librement ouvert la porte de sa demeure malgré ses interactions passées plus que négatives avec une enfant de Möchlog, et confié la clé de ses souvenirs. Il en avait tellement appris sur Lize aujourd'hui qu'il lui semblait pratiquement mieux la connaitre que bon nombre de ses connaissances pourtant toujours vivantes, et il chérirait les aventures de cette jeune femme têtue qui n'avait pas hésité à quitter sa patrie pour suivre ses croyances.

Un léger grattement se fit entendre du côté de la demeure et les oreilles de Selmac se dressèrent sur son crâne. Shaïa s'était semble-t-il réveillée et, vu l'insistance avec laquelle elle grattait la porte qui donnait sur leur côté, elle devait réclamer un autre biberon. A cet âge, elle demandait encore énormément d'attention et exigeait bien plus que deux repas copieux par jour. Flavien partagea un sourire en coin avec la jeune femme assise à ses côtés. Shaïa était aussi petite d'intuitive et avait rapidement compris comment attirer l'attention de Sanaë.

- Je crois qu'on vous réclame. Commenta-t-il légèrement.

Prenant appui sur le sol, Flavien se redressa d'un mouvement. Sans réfléchir, il tendit la main à Sanaë afin qu'elle puisse se redresser sans avoir à s'appuyer sur sa canne. Un geste purement instinctif, qu'il offrait en signe d'appréciation plutôt que par rapport à la difficulté réelle de Sanaë à se redresser. Ce n'est qu'une fois tout le monde debout, Selmac niché au creux du cou de son maître et Khi'del prêt à accueillir son cavalier pour un ultime vol en ciel Daënar, que Flavien reprit la parole.

- Je suis heureux d'avoir pu vous rencontrer, vraiment. Dit-il en inclinant la tête, Je vous promets de prendre soin des mémoires de Lize. Son aventure ne sera pas oubliée. Grace à vous.

Il ne pouvait pas lui donner sa parole qu’il les chérirait comme un Daënar aurait pu le faire, mais il accorderait à la vie de cette disparue tout le respect qu'elle méritait.

- Je ne sais pas où l'avenir me conduira, mais si un jour nos chemins se croisent en terre My'tränne, et que le sujet vous intéresse toujours autant, je vous fais la promesse de vous montrer l'étendue de mes dons.

Il scella cette promesse en serrant dans la sienne la main menue de Sanaë. La proposition était aussi légitime qu'étonnante. Avait-on déjà entendu parler d'un My'trän offrant un enseignement magique à un Daënar ? Certainement pas dans les volumes historiques retranscrivant les guerres qui avaient secouées leurs deux nations. Pourtant, cela lui semblait juste. Un gage de bonne volonté, une manière de montrer à Sanaë que la magie n'était pas plus à craindre que les machines qui l'entouraient dans la vie courante.

- Merci pour tout Sanaë. Prenez soin de vous. Dit-il une fois en selle, avant d'ajouter une lointaine salutation qu'il avait presque oublié sur ces terres mais qu'il estimait toujours, Que les Architectes vous gardent.

Un ultime signe de tête en direction de la jeune femme, accompagné d'un miaulement joyeux de Selmac et d'une courbette plus discrète de Khi'del, et le serpent volant déploya ses ailes pour se propulser dans le ciel, éloignant Flavien de cette Daënare au grand cœur qui avait retourné son monde en l'espace d'une rencontre. Il avait été tellement sûr d'oublier Lize pour de bon une fois sa famille retrouvée, et voilà qu'il en venait presque à regretter de n'avoir plus aucun souvenir de son passage en Suhury. Ce carnet qu'il avait hésité à jeter mainte et mainte fois, voici qu'il promettait d'en prendre le plus grand soin... Dans un recoin de son esprit, Hua qui s'éveillait doucement avec le déclin du soleil, grogna bruyamment.

" Tu réfléchis beaucoup trop. "

Flavien secoua la tête, un petit sourire naissant sur son visage. Hua n'avait pas tort, mais quelque-chose lui disait qu'elle n'était pas au bout de ses peines.



= = = = = = = = = = = = = = = = = =



La soirée était fraiche dans le Tyorum. A mesure qu'il s'était rapproché de la cote et de Prorig, le vent marin avait pris le dessus sur la brise plus clémente de l'intérieur des terres et Flavien avait décidé de s'arrêter pour la soirée lorsque le vent redoubla d'intensité, établissant un petit campement dans un coin de nature. Il avait pas mal réfléchit en vol, manquant à quelques reprises de tomber tant il était distrait par ses pensées. Ces mêmes pensées qui le tourmentaient encore en ce début de soirée, alors qu'il était assis au coin d'un feu, le journal de bord de Lize posé délicatement sur ses genoux.

Il avait pianoté de longs moments sur la reliure usée du précieux carnet qui était devenu le sien, à se demander si sa décision était la bonne. Sa plume avait séchée par deux fois déjà, tant il s'interrogeait sur la démarche à suivre.

Après l'ultime esquisse d'un recul, Flavien déposa sa plume sur l'une des pages vierges du carnet, seulement une page après les derniers écrits de Lize. Délicatement, il traça quelques lettres, lourdes de sens.

Citation :
Lize Brandtner
Née à Blumar, Tyorum
Repose à Valvonta, Suhury

Un instant, il hésita. Faisait-il vraiment le bon choix ? Mais déjà, il s'était remis à écrire.

Citation :
Sa force de caractère et son courage l'on conduit à braver les interdits de sa famille et à rejoindre Suhury malgré la haine que son père vouait au peuple My'trän.

Elle était curieuse, têtue et imaginative, toujours positive malgré la maladie orpheline qui l'empêcha toute son enfance de sortir de chez elle. Elle croyait sincèrement en Möchlog, devenant l'un de ses disciples.

Elle voulait guérir, mais elle voulait surtout vivre, profiter de chaque jour pour venir en aide à ceux qui en avaient besoin. Même dans la souffrance de ses derniers jours, elle continua à s'occuper des autres avant tout.

Une Daënare exceptionnelle, qui a su transmettre à Sanaë Eshfeld, sa cousine, cette même tolérance.

Son souvenir ne sera pas oublié.

Observant en silence ses mots le temps qu'ils sèchent, Flavien comprenait leur gravité. Il n'avait aucun droit de se rappeler de Lize. Il ne s'en rappelait pas vraiment après tout. Elle n'était qu'une image née du récit de Sanaë. Et pourtant, il croyait en elle, en ce qu'elle représentait pour son peuple en ce temps de guerre. Les Architectes pouvaient bien comprendre cela. Du moins, il voulait le croire.

Sanaë Eshfeld
Sanaë Eshfeld
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[Terminé] Ce que l'on redécouvre ne nous apporte que des maux - Page 2 EmptyLun 28 Mai - 9:48
Irys : 743374
Profession : Amnésique attachante
Daënar +2 ~ Skingrad (femme)
Cette rencontre imprévue, aussi agréable que perturbante s’arrêtait là, tout le laissait présager… Tout comme Sanaë savait qu’elle n’en avait pas fini de s’interroger sur tout et surtout sur elle-même. Si elle pouvait se montrer, parfois, courageuse, l’ancienne horlogère manquait pourtant cruellement de témérité. Elle avait peur à présent, simplement de tout perdre à nouveau et surtout de se perdre elle-même en se voilant la face, une fois encore. Sanaë y était pourtant habituée à devoir paraître plutôt que d’être, tout simplement. Paraître… mais pour vivre la vie des autres et jamais la sienne… En cela, Flavien lui avait bien fait comprendre à quel point elle se fourvoyait, même s’il ne pouvait en avoir conscience. Quelle terne jeune femme elle était à présent, totalement perdue dans un océan de possibilités qu’elle ne pouvait voir. Évidemment, elle ne les voyait pas mieux à présent, mais prenait simplement conscience de sa position d’aveugle…

Et Sanaë n’était clairement pas la seule dans cette position. Il était étrange de voir un tel cheminement après une simple rencontre entre deux personnes. Flavien avait fait tout ce chemin pour rendre à l’ancienne horlogère le journal de sa cousine disparue depuis bien longtemps, mais repartait avec. La conversation fut tout à fait naturelle, sans aucun jugement... Provoquant toutefois un imposant soulèvement d’interrogations auxquelles elle devrait trouver des réponses… Mais s’en sentait-elle capable ? Rien n’était moins sûr. Sanaë était encore bien trop dépendante des autres et de cette image qu’elle se traînait depuis bien trop longtemps à présent, au point de ne plus savoir qui elle était réellement… Mis à part une simple humaine qui étouffait chaque jour un peu plus sans avoir le courage de prendre sa vie en main.

Le destin restait une notion abstraite. Sanaë y croyait sans y croire réellement, simplement car il lui était nécessaire de trouver une raison à tout pour ne pas perdre pied. Une raison à la souffrance, à la joie… À cette rencontre… Existait-il un guide inconnu et invisible qui l’avait conduite jusque-là ? Peut-être, peut-être pas… Tout était encore bien trop flou pour lui permettre de comprendre aisément tout ceci. Elle espérait simplement qu’un jour tout devienne clair. Qu’elle ouvrirait les yeux sur un monde qu’elle pourrait comprendre, apprivoiser pour réellement en faire partie. Juste espérer ne plus être un fantôme dans une coquille vide…

Puis un tout petit grattement, encore insignifiant par manque de force la tira de ses rêveries. Depuis combien de temps étaient-ils là à parler ? Shaïa avait faim et le faisait clairement comprendre à sa mère d’adoption, réclamant ainsi son attention et surtout son énième biberon de la journée.

-Il semblerait, oui, répondit-elle avec un sourire contrit avant de se saisir de sa canne pour se relever.

Elle n’en eut guère le temps, le jeune homme lui tendant déjà sa main pour l’aider dans sa peine. Sanaë lui sourit une nouvelle fois, avec une certaine gratitude dans le regard avant de pouvoir à nouveau se tenir sur ses deux jambes.

-Merci, Flavien, rétorqua-t-elle en prenant appuie sur sa canne. J’en suis heureuse également, vraiment. Je sais que ses mémoires sont entre de bonnes mains, elles l’ont toujours été.

Finalement, Sanaë n’avait rien fait de spéciale et ne comprenait donc pas pourquoi Flavien semblait reconnaissant. Pour une fois, elle s’était montrée telle qu’elle était réellement, sans user de son masque de façade. Elle avait confiance en ce jeune homme et savait qu’il veillerait sur le journal de sa cousine, ou tout du moins, continuerait à le faire même s’il n’en avait nullement conscience jusque-là.

La proposition qui s’en suivit la toucha profondément par son aspect inédit… Un my’trän proposant une telle chose à une daënare, cela ne se produisait pour ainsi dire jamais.

-Rien ne me ferait plus plaisir murmura-t-elle en lui serrant la main à son tour, peinant encore à réaliser la chance que lui offrait le jeune homme, scellant cette bien étrange promesse dans une poignée de main amicale.

Elle le regarda grimper sur le dos de son Dalavoï, sans prendre la peine de masquer ses regrets de les voir partir.

-Prennez soin de vous également. Je vous souhaite un bon voyage sous la protection des architectes...et de vos amis.

Elle leur adressa un signe de main, croyant même apercevoir un léger mouvement de tête de la part de Khi’del. Sans réfléchir, Sanaë courba elle aussi l’échine avec humilité, saluant la créature immense et belle qui méritait bien plus de considération que la plupart des humains rencontrés jusque-là.

La petite troupe disparue dans les cieux, tandis que la jeune femme reprit le chemin de son foyer. Shaïa se trouvait allongée près de la porte, l’observant avec ses grands yeux épuisés.

-Et bien ma belle, tu as faim, il me semble, lança-t-elle à l’oursonne paresseuse avant de se baisser pour la prendre dans ses bras. C’est que tu te fais lourde, bientôt, je ne pourrais plus te porter ainsi.

Forcée d’abandonner sa canne, Sanaë la déposa dans l’entrée avant de boiter lentement jusqu’à la cuisine pour préparer le repas de sa petite protégée. L’ancienne horlogère ne parlerait pas de cette rencontre à Hypérion, sachant qu’il chercherait forcément à l’aider bien maladroitement à faire le tri dans ses pensées. Ceci, elle devrait le faire seule, qu’importe le temps qui lui faudrait… Jusqu’au jour où viendrait le moment de prendre quelques décisions, probablement douloureuses et incompréhensibles pour beaucoup.

Fin

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