C'est l'heure de repartir. [RP solo mise à jour]

Spoiler:

Il s’était passé tant de choses depuis qu’il était parti de My’trä. Adramus, au départ, arrivait en tant qu’émissaire de My’trä à la cour du Roi-Père de Dyen. Un homme qu’il avait en horreur depuis des années, un homme dont il s’était fait un ennemi, mais un homme dont il était sûr de la puissance et qu’il estimait pouvoir être un précieux allié pour sa patrie. Le mage d’Amisgal pensait également être le plus compétent pour convaincre Aedrar Nathea puisqu’il avait fait la preuve de sa force et de ses convictions auprès de lui il y a quelques années. Le cœur plein de hargne il était parti avec Mary, alors enceinte, dans la Cité des Dragons et se promit de supporter la vue de ces bêtes enchainées à tous ces hommes et ces femmes. Malgré la défiance des habitants qui n’avaient pas oublié son coup d’éclat, il s’installa dans un quartier peuplé en majorité d’autres My’träns et attendit, attendit de pouvoir s’entretenir avec le Roi-Père, mais l’autorisation n’arriva jamais. A la place, un intendant vint à sa rencontre et lui imposa une épreuve, au nom d’Aedrar, et s’il réussissait cela Adramus aurait l’autorisation de venir faire ses doléances auprès du dragonnier. Cette épreuve, la voici dans les termes exacts.

Citation :

Vous êtes un destructeur, un destructeur puissant et déterminé, vous l’avez montré de manière flamboyante. Vous êtes également une maladie, une infection, on n’arrive jamais à se débarrasser de vous complètement et votre retour est aussi prévisible qu’accablant. Voilà comment Dyen vous voit, voilà comment je vous vois. Si vous voulez vivre ici, vous devez vous transformer. Je ne veux plus voir en vous un destructeur, mais un bâtisseur, un créateur de richesse, de savoir, de bonheur. Je ne veux plus voir en vous une maladie, mais un remède, une âme qui aide cette ville et la protège. Voilà mon épreuve, voilà ce que vous devez faire pour que je vous écoute. Devenez une bénédiction pour Dyen, ne souhaitez plus son effondrement ni celui de ses habitants ou de l’Ordre des Dragonniers. Faites cela et je vous entendrai, Adramus.

C’était aussi obvie que désolant, aussi logique que froid, aussi raisonnable qu’irritant. Dix jours et dix nuits, voilà ce que le guerrier a passé à penser, à rechigner, à hurler avant de se rendre à l’évidence : le Roi-Père l’avait eu. Ayant senti toute l’urgence et la détresse de My’trä à travers la demande d’Adramus, il en avait profité pour mettre à son service celui qui était probablement son plus grand ennemi à My’trä. Il avait brillamment joué ses cartes, se sachant en position de force, pour faire plier le maître d’armes. Et ce dernier, voyant très bien que Mary et son futur enfant vivraient si bien entre ces murs protecteurs, se rendant vite compte qu’il ne pourrait jamais tenir la promesse qu’il s’était faite à lui et à Amisgal de ravager Dyen et de libérer les dragons, eh bien il abandonna. C’était son état d’esprit alors, l’abandon. Pour le bien de son peuple, il devait se résoudre à obéir à cette injonction royale, mais on n’exagèrera pas en disant que la pensée de prendre une lame pour se crever le cœur lui a traversé l’esprit. Il venait de reconnaître la supériorité de gens qu’il détestait sur lui ; la supériorité de leurs convictions sur les siennes ; il venait de signer des mois, peut-être des années, de discrimination envers lui et sa famille, qui serait en plus justifiée au vu de son passif avec la Cité des Dragons. En clair, le guerrier venait, de son point de vue, d’entrer en enfer.

Et pourtant, Il ne pouvait pas plus se tromper. Le simple bonheur qu’exprimait Mary de voir que son petit dragonnet vivait enfin avec les siens ; de pouvoir enfin se poser, cesser les voyages incessants ; de donner naissance à sa fille dans les meilleures conditions car Dyen possédait des médecins d’une compétence rare au vue de sa proximité avec l’île des Cercles de l’Aube ; le fait d’accueillir son enfant, la prunelle de ses yeux, à cet endroit qui le rebutait tant quelques mois plus tôt ; le fait de comprendre que, pour les habitants, ça ne serait pas si difficile de s’habituer à lui, surtout qu’ils vivaient au milieu d’autres My’träns ; le fait d’aider ceux qui en avaient besoin ; de faire des journées ordinaires, d’installer une routine, en travaillant comme formateur pour les mages d’Amisgal ou maître d’armes pour les bretteurs ; tout ceci adoucit la hargne d’Adramus. Il fut le dernier à s’en rendre compte et le dernier à s’en réjouir. Pour lui, perdre cette colère qui grondait dans son cœur, c’était perdre sa force. Une force dont il avait encore besoin car, une fois Aedrar convaincu de ses bonnes intentions, il lui faudrait diriger des hommes, combattre Daënastre, protéger sa famille. Peut-être que ces mois tendres passés à vivre une aventure de père et de mari ordinaire pouvaient s’arrêter maintenant et il devrait repartir sacrifier tout ce qu’il avait pour être digne de sa déesse du ciel.

Un conflit grondait donc perpétuellement dans l’esprit d’Adramus, aujourd’hui. Il sentait, petit à petit, un amour naissant apparaître pour Dyen dans son cœur. Cela le dégoûtait, le consternait, mais il connaissait la puissance de Süns, Architecte des émotions, pour l’avoir vue en face. Tout guerrier qu’il était, il ne pouvait donc pas imaginer lutter contre cela une seule seconde. Il était également heureux d’apporter stabilité et bonheur à sa famille qui, eux, n’avaient pas son insupportable rigidité d’âme, grand bien leur en fasse. Au final, ce grand enfant se berçait d’illusions et en était conscient. Il avait oublié toutes les velléités qu’il nourrissait sur la Cité des Dragons. Ce feu, cette colère, avaient été éteins par le vent d’Amisgal depuis longtemps, mais il voulait les garder vifs, vivants, pour pouvoir encore croire que son destin n’avait pas changé, que ce pourquoi il se battait depuis tant d’années était toujours là et l’attendait. Aujourd’hui, guerrier plus taciturne qu’auparavant, à la barbe peu entretenue et aux cheveux qui, pour certains, viraient au gris maintenant, voilà ce qu’il était devenu. Adramus s’autorisa donc à partir quelques temps, se retrouver dans ce qu’il faisait avant, mais il ne voulait plus partir seul.

Durant le mois de février 934, donc, il fit l’acquisition d’un griffon adulte auprès d’un marchand de Nislegiin. C’était une bête magnifique, moins que ses cousins dragons, mais elle restait fière et puissante, à l’image de ce qu’Adramus s’estimait être encore, même si cela tendait à changer. Pour apprivoiser la bestiole, nul besoin de passer des mois de labeur, le don d’Orshin que possédait Mary permit à la bête, nommée Lepios, de rapidement être convaincue de la bonne foi du guerrier et que ce dernier ferait un très bon compagnon de vol et de voyage. Son nouveau propriétaire faisait tout de même de son mieux pour gagner lui-même la confiance du griffon, mais au vu de leurs tempéraments similaires, ce ne fut pas très compliqué. Il avait désormais une monture volante, pour la première fois de sa vie, et là où la perspective de voler au milieu du territoire de sa déesse l’aurait autrefois plus qu’enchanté, son épisode de déprime l’empêchait véritablement d’exprimer une grande joie. Son épouse s’était bien rendu compte de cela et comprit que retourner quelques temps voyager en solitaire lui ferait peut-être du bien. Elle réussit néanmoins à négocier qu’Adramus achète également une très coûteuse magilithe, qu’elle lui offrit en partie, contenant un sort de soin. Peu importe ce qu’il pouvait faire durant son périple, tant qu’il revenait rapidement et en vie.

Et nous y voilà donc, en ce mois d’avril 934, Adramus Godmerek repartait sur les routes. Il paraissait bien plus terne qu’à son arrivée à Dyen, mais paradoxalement il était en meilleure santé, avait un avenir plus radieux que lorsqu’il battait simplement la campagne de son pas sûr pour aller vers de nouveaux dangers, et quittait une famille aimante qu’il avait déjà hâte de retrouver. Mais il savait également que voyager pouvait lui redonner goût à la vie, se battre ramènerait peut-être sa hargne d’entant, et il y avait aussi moyen d’acquérir un peu de gloire et d’argent dans cette affaire. Il fallait bien manger.