Une soirée qui commençait bien

« Est-ce que vous êtes une ancienne soldat ? Je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer la plaque militaire que vous avez autour du cou, est-ce la votre ou une personne qui était proche ? »

Pour une question personnelle, ça elle l’était ? Instinctivement la jeune femme porta la main sur la plaque en plissant le regard. Elle fut tentée de lui mentir mais ce n’était pas dans sa nature. Et puis l’homme qui lui faisait face était un militaire. Peut être connaissait-il son ancien compagnon ? Elle n’eut toutefois pas le temps de lui répondre qu’il enchaînait avec une seconde. Mais savait-il seulement faire preuve d’un minimum de patience ?! Allys hallucinait devant le flot de paroles incessant du jeune homme. Cela devait être un effet secondaire de son métier qui le poussait sans cesse à rester dans l’action. Ou alors il était un bout en train de nature… Mais dans tout les cas, l’ingénieure prit son mal en patience en se pinçant doucement le haut de l’arrêt de son nez de son indexe.

Au moins Fabius avait le mérite de brosser Allys dans le sens du poil en expliquant qu’il éprouvait une réelle fascination envers la technologie et désirait en savoir plus sur son fonctionnement et s’il s’agissait de son œuvre. Encore un fois cela fit remonter des souvenirs à la jeune femme qui étaient en demi-teinte. Allys se souvenait parfaitement du moment où sa prothèse avait été améliorée. Et qui l’y avait aidée.

Heureusement pour elle Fabius détourna son attention en entendant quelques coups se porter sur la porte principale. Il ne vit donc pas l’expression de son invitée s’assombrir d’autant plus. Ce n’était pas pour rien que l’ingénieure s’était plongée corps et âme dans la boisson et les jeux. Elle avait besoin d’oublier des faits qu’il lui étaient pourtant impossibles à effacer. Ce n’était pas parce qu’elle était à moitié my’träne qu’elle pouvait compter sur l’aide d’un quelconque architecte pour l’aider à apaiser ses douloureux souvenirs.

Le soldat revint alors, les mains chargées d’une bouteille. Un whisky et pas le plus dégueu, loin de là. Allys put constater qu’il s’agissait d’un excellent cru lorsqu’elle l’eut entre les mains. Voilà, c’était exactement ce qu’il lui fallait ! Elle leva les yeux au ciel, remerciant silencieusement pour ce réconfort qu’on lui offrait gracieusement par le biais de Fabius. Finalement, peut être qu’un architecte avait eu pitié d’elle.

Comme elle tenait la bouteille, elle rempli le verre de son hôte avant le sien. Le soldat prenait tout son temps, buvant à petites gorgées avec une certaine satisfaction. Allys huma alors le whisky avant d’y plonger ses lèvres. Il était fortement boisé et réchauffait la gorge agréablement. Il avait de la culotte mais cela ne l’empêcha pas d’avaler trois longues gorges avant de reposer son verre, vide.

« Pas mal. Vous devez avoir fait un sacré effet à celui qui vous l’a offert. Cela dit, je connais un viticulteur à Zochlom qui vous en défriserait la moustache avec son whisky. Mais ça se prend, merci. »

Niveau qualité de produit, la jeune femme, ivrogne de son état, avait goûté à tout et connaissait les meilleurs crus. Parce que oui, même si elle était dépendante à ces breuvages qui désinhibent, elle préférait largement la qualité à la quantité. Celui-ci faisait parti des meilleurs d’ailleurs, effectivement, mais la tête que tirait Fabius était vraiment payable. Son excellentissime bouteille était passée pas mal dans la bouche de son interlocutrice. Ce ne devait pas être ce genre de remarques auxquelles il s’attendait.

« J’en profite pour vous répondre, car avec votre débit de paroles et cette intervention je n’en ai pas eu l’occasion. Pour commencer, il ne s’agit pas de ma plaque. Elle appartenait à Hex Hekmatyar. Il était lieutenant dans la division 666. Je ne sais pas si vous l’avez connu personnellement mais il avait une certaine réputation dans votre profession. »

Elle baissa les yeux, réalisant qu’elle n’avait encore jamais évoqué son nom au passé. Au lieu de montrer son trouble elle préféra se resservir un verre qu’elle avala assez rapidement.

« Quant à ma prothèse, sa réalisation n’est pas de mon fait. C’est mon frère qui lui a fait prendre vie, à vrai dire il en avait assez de devoir la réparer à tout va. J’ai toujours été douée pour créer aux autres mais je me suis toujours adressée à lui pour mes propres prothèses. Je vous donnerais bien ses coordonnées mais il ne pourra rien pour vous, ni pour personne, pour l’instant. »

Ca aussi c’était difficile à exprimer. Expliquer clairement que son petit frère était actuellement en hospice pour les fous depuis qu’il avait vrillé en découvrant que le village où vivait l’amour de sa vie avait été saccagé et que sa dulcinée avait été sauvagement assassinée. Non, ce n’était pas ce que l’on déclare sans problème. Fabius avait sans le vouloir appuyé à deux endroits douloureux chez Allys.

« Est-ce que vous aimeriez savoir autre chose ? »

Mon alcool lui plait, même si elle me dit qu’il en existe un de meilleur à Zochlom, je mets un peu de temps à réaliser que ce n’est pas sur notre continent, mais qu’elle parte des terres désertiques, où sont également situé l’île des Cercles, qui n’est pas vraiment un bon souvenir pour moi, vu la blessure que j’ai ramenée et de la manière dont les choses se sont terminées avec Norwin et Varlega.

Elle m’indique ensuite que c’est la plaque d’une autre personne, un militaire Hex Hekmatyar, je ne le connais pas mais je connais le numéro de sa division, que des durs, des tueurs, ceux que l’on envoie dans les missions les plus difficiles et que l’on veut voir réussir. Je suppose qu’il est mort maintenant si sa plaque se trouve en sa possession, d’habitude on la laisse à sa famille ou à sa femme. Je penche pour la dernière hypothèse, car ils ne partagent pas le même nom de famille et je vois comment elle évoque son nom.

Je me demande si moi aussi, un jour une femme parlera de moi de cette façon, ou si quand je mourrai, ma plaque ira rejoindre un tiroir chez mes parents. Elle continu sur sa prothèse et c’est à nouveau un mystère, car elle parle de son frère qui ne peut plus aider personne, mais il ne doit pas être mort, car elle indique que les choses peuvent changer.

Décidemment c’est bien difficile de faire la conversation avec Allys sans susciter plus d’interrogation que de question et quand elle me demande si j’ai d’autres questions, je reste un moment sans voix. Je remplis alors nos verres, et lui réponds d'un sourire triste:

Je ne sais pas quoi dire, je vois bien que les choses sont compliquées et pour moi qui voulait vous faire sentir mieux en vous faisant penser à autre chose, il me semble avoir échoué dans la tâche que je m’étais assigné.

Cette fois-ci je laisse passer quelques minutes au cas où l’ingénieur au quelque chose à ajouter avant de reprendre :

Si vous voulez me parler, je ne bouge pas d’ici, je suis en congé, et mon seul rendez-vous pour demain, c’est avec vous. D’ailleurs, je peux peut-être vous parler de mon projet, nous pourrons discuter un peu technologie et vous me direz si mon projet est possible. Je souhaite de votre part un oiseau mécanique qui pourrais chanter des petits airs d’opéra célèbre, je sais que ce n’est pas grand-chose, mais c’est pour un cadeau à une amie, et je suis sûr que cet objet lui fera très plaisir.

Bon, après ce que j’ai vu, j’aurais bien aimé lui demander un bouclier identique au sien, mais ce n’est pas elle qui l’a fabriqué, elle ne pourra donc pas m’aider. Et puis, le but c’est de la détendre, et ce n’est pas en commençant à parler d’arme de guerre que cela va fonctionner. Je me rends alors qu’il fait un peu froid dans la suite, surtout pour mon invité qui n’a pas grand-chose sur le dos, et j’indique alors à Allys :

Je vais augmenter un peu le chauffage, j’arrive.

Je me lève, et me déplace jusqu’au lourd radiateur en fonte, le circuit de vapeur chauffant la pièce n’est qu’à moitié ouvert et je l’ouvre complètement, afin d’être sûr que la température va remonter, surtout que pour des raisons d’économie, il n’y a pas de radiateur dans la chambre. Je reviens ensuite m’assoir et remplit à nouveau son verre et le mien. Je savoure comme à chaque fois le mien à petite gorgée, et une fois que je suis sûr que mon interlocutrice à vidé le sien, je me permets une dernière remarque :

Je sais que je parle beaucoup, mais je me sens en partie responsable de ce qui est arrivé là-bas, si j’aurais agi autrement, vous n’auriez peut-être pas été blessé, et essayer de vous occuper l’esprit avec des choses plaisantes est ma façon d’essayer de me racheter. Oui, je suis quelqu’un d’horripilant, et j’essaye de m’amender, et même de faire de l’humour, même si ça fonctionne rarement, si vous préférez que je reste silencieux, n’hésiter pas à me le dire et je me contenterai de remplir votre verre, c’est promis.

Effectivement, Allys n’était pas la personne la plus locace ou tout simplement à l’aise avec le fait de converser. Quand à tout ce qui touchait à la bienséance ou la courtoisie la rendait souvent bien mal à l’aise. Elle se souvenait encore de cette fois où elle avait atterrit je ne sais comment dans un salon de thé en compagnie de la plus agaçante femme au monde : Alisthiana. Au moins Fabius avait plus qu’un flot de parole et une bienséance horripilante, il savait apprécier les bonnes choses de la vie et s’intéresser à autre chose que son nombril. C’était un juste milieu suffisant pour que l’ingénieure ne se ferme pas telle une huître.

Celui-ci avait d’ailleurs subit le contre-coup de ses questionnements et s’en voyait peiné pour la jeune femme dont il percevait le trouble. Il avait certes tiré sur deux cordes sensibles mais il n’irait pas jusqu’à les briser pour autant. Cela n’avait pas été son but. Après tout il ne connaissait rien de la vie privée de son interlocutrice. Allys se contenta d’un haussement d’épaules, signifiant qu’elle ne lui en voulait pas, avant de tremper à nouveau ses lèvres dans le verre.

Il changea alors radicalement de sujet afin de lui exposer le projet qu’il avait en tête. C’était donc pour un oiseau mécanique qu’il l’avait cherchée. La demande tira un sourire à Allys mais pas parce qu’elle se moquait, non, elle trouvait cela touchant. Depuis quand n’avait-elle pas travaillé sur des objets comme ceux-ci ? Ces dernières années elle n’avait eu comme projet que des choses touchant au domaine militaire. Améliorations, plans, maquettes… Qu’il s’agisse d’armement, de véhicule… Où était passé le simple plaisir d’inventer ? Cette fois un militaire lui demandait quelque chose de personnel.

« Un oiseau mécanique ? Oui, je peux vous faire ça. Pour être franche, c’est le genre d’objet que je préfère confectionner. Est-ce que vous avez des musiques en tête ? Sachez juste que plus vous en voulez et plus cela me demandera du temps car le plus long est de fabriqué les différents cylindre et de les tester. »

Le jeune homme se leva ensuite afin d’augmenter la chaleur de la pièce. Elle arqua un sourcil interrogateur sur le moment, puis laissa faire. Si son hôte était frileux après tout il était libre de faire ce qu’il lui plaisait dans sa chambre d’hôtel. La Zoch avait le sang chaud comme si le désert de sa terre natale coulait sous la forme de la lave dans ses veines. C’était assez perturbant pour les autres de la voir s’habiller si peu chaudement quelle que soit les températures. Elle avait quelques affaires chaudes mais à part lorsque le froid se montrait mordant, elle ne les utilisait que peu. Mais cela lui faisait plaisir…

Fabius revint rapidement et eut l’amabilité de remplir à nouveau les verres, qui descendit rapidement du côté d’Allys. C’était assez amusant de constater que le dur à cuir de soldat avait plus de peine à gérer la puissance du breuvage que son acolyte, qui même si elle avait déjà une bonne longueur d’avance sur lui gardait les idées toujours claires. Mais cela avait le mérite de commencer à dérider sa langue. Fabius éprouvait des remords et un malaise qui n’avait pas lieu d’être pour la jeune femme, aussi elle tenta d’adoucir son tempérament en lui répondant avec plus de douceur.

« Est-ce que je vous ai offensé avec mes propos tout à l’heure ? Je manque souvent de tact, ça n’a rien de personnel. Vous n’avez rien à changer vous savez. Je trouvais mon compagnon horripilant, ça ne m’a pas empêchée de vouloir l’épouser. » Elle esquissa un faible sourire. « Quant à ce qu’il s’est passé à la taverne, ce n’est pas de votre faute. Je ne suis pas de formation militaire mais j’ai souvent combattu. C’est dans ma nature tout simplement, et on ne peut jamais prédire ce qu’il va se passer. D’ailleurs ce n’est pas une petite entaille à l’épaule qui va m’ébranler. En comparaison de ma double amputation et de ma colonne vertébrale qui tient du miracle pour tenir encore, ce n’est rien je vous assure. »

Pour la petite entaille, ce n’était pas vraiment le mot mais comme elle ne sentait rien elle ne réalisait pas souvent la gravité de ses blessures. Allys était une dure à cuire, tête brûlée et qui ne prenait jamais la peine de prendre ses jambes à son cou. Elle aimait bien trop le danger et l’adrénaline qui s’en ressentait… Même si c’était dangereux pour elle d’en prendre un peu trop. Enfin… Dangereux pour ceux qui l’entouraient.

« Cela ne me dérange pas de parler, c’est juste que je n’ai pas souvent l’occasion de converser. Mais je vais essayer de me montrer moins… Brute, disons. D’ailleurs, vous êtes venu jusqu’à Unëllia juste pour mon travail ou vous aviez d’autres projets en têtes ? »

C’était banal, mais au moins elle essayait de converser.

L’ingénieure peut faire l’objet que je lui demande et me demande quelle musique j’ai en tête, je vais donc jusqu’à ma chambre et reviens avec des feuillets de musique pour piano, les morceaux que nous avons joués avec Katelyna, lorsque j’étais à sa propriété, ils sont assez simples et j’indique à la jeune femme en face de moi :

Voilà les différents feuillets, je ne sais pas si vous savez lire les partitions, mais je pourrais vous les jouer quand vous le désirez, il y a un piano au bar de l’hôtel. Le but, sans vouloir paraitre trop exigeant est qu’il soit terminé dans six jours.

Je pourrais ainsi l’offrir juste à la fin de mes vacances, à la dame de mes pensées, comme çà elle aura un souvenir de moi. J’en apprend également un peu plus sur mon interlocutrice, ce fameux Hex devait être son mari, ce qui explique qu’elle a gardé la plaque et il est mort, la laissant seule. Je comprends mieux pourquoi elle a tant lutté pour ne pas la laisser aux mains des mages, connaissant les soldats et leur propension à ne pas faire souvent de cadeau, ce doit être son seul souvenir de lui.

Elle me rassure enfin sur les évènements passés dans la maison de jeux et m’indique qu’elle a traversé bien pire, je pense au fond de moi, que ce n’est pas parce qu’on a vécu un jour, une blessure traumatisante que l’on doit accepter d’être de nouveau blessé, mais je ne dis rien, car c’est exactement ce que je fais également. Je laisse passer quelques minutes avant de reprendre la parole :

J’aime bien votre façon de vous exprimer, vous ressemblez parfois à une militaire, je ne sais pas si vous étiez comme cela avant de rencontrer monsieur Hekmatyar, mais vous êtes franche et directe et j’aime bien çà. Vous m’avez demandé de ne pas changer et je vais vous inciter à faire la même chose, ne changeons pas l’un pour l’autre et continuons à être nous-mêmes.

Après tout, nous sommes ensemble dans une chambre d’hôtel à boire la même bouteille, nous arrivons donc à nous supporter, d’ailleurs en parlant de boisson, la bouteille est bientôt terminée, mais il reste de quoi faire deux verres, je les remplis chacun, même si je reste persuadé que l’ingénieur ne savoure pas ce magnifique breuvage à sa juste valeur, enfin, vu sa descente, elle doit être habitué. Pour ma part, ce sera mon dernier si je ne veux pas rouler sous la table. En effet, j’ai déjà bien bu et c’est uniquement grâce au repas que je tiens aussi bien, car si j’avais fait la même chose l’estomac vide, les conséquences auraient été beaucoup plus « visibles ».

Mon interlocutrice me sort de mes pensées par une question à laquelle je ne m’attendais pas, et j’essaye de lui répondre du mieux que je peux, avec un grand sourire tellement la situation est incroyable, même pour moi :

Eh bien, croyez-le ou non, mais je suis en vacances ! Surement pour la première fois de ma vie d’adulte ! Je vais passer du temps avec la personne à qui est dédié l’oiseau mécanique et lui offrir à la fin de mon séjour. C’est pourquoi j’ai pris cette suite, malgré le coût important, afin de pouvoir rentrer quand je le souhaite, ce qui a la caserne aurait été plus difficile.

Je prends ensuite le temps de détailler la silhouette de la personne en face de moi, essayant de découvrir ses motivations et je lui pose une question :

En parlant de motivation, vu la bourse que vous avez ramené à l’auberge, et que vous avez généreusement offert au propriétaire, alors que rien ne vous y obligeait, vous êtes une personne relativement riche. Alors pourquoi continuer à prendre des commandes de client et ne faites pas ce que vous avez envie de faire ?

Je pose cette question en toute innocence, car la réponse m’intéresse, en plus, je suis sûr de ne pas toucher un point sensible, et çà, c’est un bon point, dans ma décision de changer les idées de la jeune femme.

Fabius sembla retrouver de aplomb aux paroles de l’ingénieure, la comparant même à une militaire, ce qui était un compliment pour Allys. Elle était également ravie que sa franchise soi appréciée et hocha la tête d’un air entendu. Oui, le jeune homme était certes bavard à outrance mais il se montrait d’une compagnie bien meilleure que ce à quoi elle s’était attendue lorsqu’il l’avait abordée à la taverne. Il n’était au final plus réfléchit et bien moins imbu de sa personne que ce qu’il avait paru de prime abord. Il était plus simple et nature au final lorsqu’il enlevait les couches superflues de son bien paraître et cela plaisait davantage à Allys. Peut-être était-dû à la boisson d’ailleurs ? Ils arrivaient sur la fin et pour son dernier verre, la jeune femme laissa les saveurs persister plus longtemps dans sa bouche.

Pendant que son interlocuteur répondait à sa question anodine, elle avait saisit les feuillets concernant le projet de Fabius, laissant son regard parcourir les partitions. Celles-ci ne lui étaient pas familières et bien qu’elle sache retranscrire les notes sur les cylindres, une écoute ne serait pas de trop pour s’assurer qu’elle annote bien le bon rythme. Le délai qu’il avait demandé était correcte au vu du nombre de mélodies demandées, surtout si elle décidait de se concentrer uniquement sur cette demande.

Quoi qu’il en soit, bien qu’elle pense déjà au travail, elle restait attentive aux paroles du jeune homme. Ah les congés, effectivement c’était tout une histoire, ça elle s’en souvenait très bien. Et pour que Fabius ait insisté à ce point pour en profité cela n’avait rien d’anodin. La femme pour qui était destiné l’oiseau devait compter énormément à ses yeux. Un sourire flotta sur les lèvres de la cendrée mais elle s’abstint pour l’instant de tout commentaire pour préférer répondre dans un premier temps au questionnement qui suivit.

« Ah, ça. J’avais pour projet de faire de tour d’Irydaë avec mon compagnon après notre mariage. On voulait explorer les zones mystérieuses où les peuples affirment avoir vu les architectes. D’ailleurs Hex avait déjà expérimenté la chose en allant aux Jumeaux dormants et il se trouve qu’il avait raison. Cela dit sans lui je ne me voyais pas poursuivre son rêve. A défaut, j’ai repris ma vie d’avant. Effectivement cela n’a rien à voir avec l’envie de m’enrichir. Je n’en ai pas l’utilité ni même un attrait pour la richesse, c’est tout simplement que j’ai toujours eu une passion pour la mécanique et l’invention. Cela dit cela faisait longtemps que je n’avais pas planché sur un projet personnel. »

Oui, cela pouvait paraître étonnant qu’une femme ayant d’aussi gros revenus ait l’envie de travailler. Et vive d’une manière aussi simple. Demain matin il aurait tout le loisir de le constater lorsqu’ils monteraient dans l’atelier qu’avait aménagé Allys dans son lieu de vie et de travail. Cela dit, elle avait mieux à faire que de s’expliquer longuement sur sa manière de vivre, elle enchaîna à son tour sur une question plus personnelle, bien qu’en lien avec le travail qui lui était demandé:

« En parlant de projet… La jeune femme pour qui est destiné l’oiseau est plus qu’une amie à vos yeux n’est-ce pas ? Est-ce que vous pourriez m’en dire un peu plus sur elle ? C’est à titre professionnel, bien sûr. Cela m’aidera à imaginer l’aspect de l’oiseau pour le rendre particulier à ses yeux, outre les mélodies. »

Un tour d’Irydaë pour une lune de miel ? C’est une très bonne idée, je n’y avais jamais pensé, mais si je décide d’unir ma vie à une autre personne, c’est quelque chose que j’aimerais bien réaliser. Bien sûr, il faudra prévoir un brik armé et un équipage trié sur le volet, car ce voyage peut être extrêmement dangereux, surtout avec les tensions existantes actuellement entre les My’trans et les Daenars.

Je suis surpris par le tour que prends notre conversation, nous sommes passé de complet étranger à des personnes qui se raconte leur vie en très peu de temps. L’alcool doit aider, de plus, la tension du combat est complètement retombée, de plus la jeune femme semble s’intéresser à ma vie, et après une légère hésitation, je prends la décision de répondre honnêtement a ces questions, en lui disant, d’une voix douce :

Vous avez raison, à mes yeux c’est bien plus qu’une amie, à une époque j’ai même pensé qu’elle aurait pu devenir ma femme, mais ça n’a pas été le cas et nos chemins se sont séparé. Je l’ai retrouvé il y a peu mais elle a préféré que l’on reste ami, je fais donc ce rôle du mieux que je peux car cela me permet de rester près d’elle.

Je me rends compte que j’ai trop parlé, et surtout pas répondu à la question de l’ingénieure, c’est pourquoi je reprends :

Pardon, je me suis un peu trop laissé emporter, donc la personne à qui est destiné le cadeau est une jeune femme, mélomane et qui possède un véritable don pour le violon, c’est d’ailleurs elle qui m’a appris le solfège ainsi que le piano. Mon but est quand je suis absent, et qu’elle se sent seule, que cet oiseau la réconforte en lui donnant l’impression que je suis en train de pianoter à côté d'elle.

Voilà, je pense avoir tout dit, j’aimerais à mon tour lui demander des détails sur sa vie privé, mais je ne veux pas évoquer son ex-mari, ou son frère qui sont des sujets sensibles. La question des parents est toujours délicate car il y a toujours une chance qu’ils soient morts et je pourrai poser l'interroger sur des possibles enfants, mais si elle à préférée passer la nuit dans un hôtel avec un militaire inconnu plutôt que rentrer chez elle, c’est qu’elle n’en a pas ou qu’ils ne vivent pas sous le même toit.

Finalement je vais rester le plus neutre possible et après avoir laissé un peu de temps, pour ne pas faire trop moulin à parole et ne pas fatiguer mon invité, je lui indique :

Vous êtes une femme aux multiples talents, vous savez vous battre, construite des mécanismes ingénieux, est-ce que vous avez d’autres capacités ?

Voilà, c’est une bonne question, neutre, et qui ne devrait que faire remonter de bons souvenirs chez mon interlocutrice. J’espère juste qu’elle ne souhaite pas se coucher et que je l’empêche avec toutes mes questions, c’est pourquoi, une fois qu’elle m’a répondu, je lui précise :

Je sais que je parle beaucoup, si vous souhaitez allez dormir, n’hésitez pas à me le dire. Comme je vous l’avait déjà indiqué, je vous laisse la chambre, le lit étant très agréable, pour ma part, je dormirai sur le canapé qui est aussi très bien.

Voilà j’aurai juste à prendre une des couvertures dans l’armoire pour ne pas avoir froid, même si le radiateur est à proximité, j’aime être bien au chaud. Je n’ai plus qu’à attendre sa réponse, car je passe une bonne soirée, mais je ne peux pas obliger les gens à veiller, surtout après tout ce qu’il s’est passé, de plus je sais que certaines personnes aiment à se coucher tôt.

Allys avait vu juste, le jeune homme éprouvait bien des sentiment pour cette fameuse amie. Elle ressenti même un peu de peine pour lui lorsqu’il évoqua leur relation compliquée. Les chemins qui se séparent et se recroisent elle l’avait vécu. Ce n’était pas ce qu’il y avait de plus évident lorsque l’on tient à quelqu’un et il est souvent difficile de savoir où l’on veut aller dans ces conditions. Que Fabius se retienne d’exprimer ses sentiments de peur que cela puisse l’éloigner de la femme qu’il aimait était d’un tristesse navrante. D’autant plus que d’après la description qu’il faisait de la jeune femme, ils avaient l’air proches et complices.

Allys hésitait à intervenir. D’un côté cela ne la regardait pas la manière dont il gérer sa relation mais de l’autre, elle savait d’expérience que garder au fond de soi des sentiments pouvait être la pire chose à faire. Elle-même avait fait cette erreur trop longtemps et quand elle osa enfin se livrer cela avait déjà eu des conséquences. Peut être que cette musicienne ne l’attendrait pas éternellement et qu’il en souffrirait. Après ce léger silence, Fabius reprit la parole, s’intéressant à nouveau à l’ingénieure et la question qu’il lui posa la fit rire.

« Autrement dit, suis-je parfaite ? » Un éclat amusé brilla dans sa pupille. « Absolument pas. Je dirais que j’ai reçu une bonne éducation malgré mes origines et que je possède une culture assez riche mais j’ai bien assez de capacités comme vous dites, je pense. »
« Je sais que je parle beaucoup, si vous souhaitez allez dormir, n’hésitez pas à me le dire. Comme je vous l’avait déjà indiqué, je vous laisse la chambre, le lit étant très agréable, pour ma part, je dormirai sur le canapé qui est aussi très bien. »
« Non, ne vous donnez pas cette peine. A Zochlom je couchais sur une paillasse à même le sol. Gardez vos habitudes et votre lit. Je veille toujours tard de toute manière, c’est plutôt moi qui risque de vous épuiser. »

Allys ne mâchait pas ses mots et nulle exagération n’en ressortait. Il lui arrivait même souvent de faire des nuits blanches à plancher le nez sur son établit tant que le rendu n’était pas parfait. Une vraie bourreau du travail. Et ce soir elle ne se sentait pas fatiguée, pas plus que de raison tout du moins malgré l’agitation de cette soirée. La jeune femme se redressa simplement pour ouvrir la sacoche qu’elle gardait à la taille. Elle y sorti un parchemin et un crayon de papier puis se rassit et se mit à griffonner.

« Je peux me permettre une remarque ? » Elle leva brièvement le regard vers Fabius, puis enchaîna aussitôt, sans vraiment lui laisser le choix à vrai dire. « Je ne peux pas m’empêcher de penser à ce que vous avez dis sur votre amie. Si je peux vous donner un conseil, n’enfouissez pas vos sentiments. Je l’ai déjà fait et croyez-moi cela n’a fait que faire souffrir inutilement. Dites-lui exactement ce que vous ressentez pour elle, je pense que vous comptez plus à ses yeux que ce qu’elle vous fait croire. La vie est bien trop courte pour renier l’évidence, elle s’en rendra compte d’elle-même. »

Certes, c’était intrusif, mais si cette jeune femme l’avait aimé par le passé et accepté qu’il passe à nouveau du temps auprès d’elle c’est qu’elle n’ignorait pas qu’il puisse à nouveau se produire une étincelle. C’était peut-être même ce qu’elle cherchait inconsciemment. Ce serait trop bête pour Fabius de passer à côté de l’occasion.

La jeune femme n’est pas fatiguée et refuse même mon lit ! Enfin dis comme ça, ma phrase peut être bizarre et heureusement que je ne l'ai pas dit à voix haute. Il faudrait que je lui explique pourquoi c'est si important pour moi.

Elle sort ensuite un document et commence à griffonner, avant de me donner des conseils sur ma vie de couple qui n’en ai pas vraiment une. Je commence par répondre point par point à ses remarques :

Je voudrais revenir un moment sur le lit, j’ai bien compris que vous veillez tard et c’est également mon cas, car en tant qu’officier, il m’arrive souvent de dormir quelques heures par nuit et je récupère mon sommeil quand je peux. Mais vous parliez de l’éducation que vous avez eue, et clairement, si je ne vous laisse pas mon lit, ma mère viendra, frappera à la porte, me dira bonjour, me demandera si j’ai bien mangé et après me donner une claque magistrale.

Je m’interromps une seconde pour lui dire en souriant mais plus sur un ton plus bas, comme si je lui confiais un secret :

Et ne dite pas qu’elle ne sera pas au courant, ma mère sait tout !

Je reprends ensuite d’une voix un peu plus normale :

J’ai bien entendu votre conseil, et il me semble judicieux mais cette jeune femme m’a littéralement oublié, une amnésie pour être exact, et je ne peux m’imposer avec mes sentiments, ce ne serais pas juste pour elle. Pour le moment, j’attends de savoir ce qu’il va se passer, je peux être une personne très patiente et je compte bien profiter de mes vacances !

Je ne me cache pas derrière de vains espoirs, si celle que j'appel Angel, ne m’aime pas, mes sentiments resteront ainsi et je suis sûr que je pourrais être très heureux en resteront simplement près d’elle. Je laisse ensuite le temps à la jeune femme de donner sa réponse à mes paroles si elle en éprouve le besoin. Pour ma part, je prends les plateaux ayant contenu notre repas, les remets sur le chariot avec la bouteille d’alcool maintenant vide à mon grand regret et emmène le tout devant la porte d’entrée, à l’extérieur pour qu’il soit récupéré par un employé de l’Hôtel.

Je me remets ensuite à ma place et je demande d’une voix où l’on peut ressentir ma curiosité :

Qu’êtes-vous en train de dessiner ?

Oui, je suis curieux, mais comme dirai mon père « Le remède à l’ennui, c’est la curiosité. La curiosité elle, est sans remède ».

Allys décrocha momentanément les yeux de sa feuille au moment où Fabius évoqua l’éducation donnée par sa mère. Le sérieux du garçon se transforma vite en confidence qui eut tôt fait de dérider Allys. Elle éclata d’un rire cristallin qui retentit dans la pièce avec chaleur. Les confidences amusantes de fabius et la tête qui tirait était terrible dans son genre. S’essuyant une larme qui s’en était échappé, elle fini par se reprendre.

« Okay okay vous avez gagné, je vous laisse le canapé ! »

Le sérieux reprit les jeunes gens ensuite même si le ton allégé avait quelque peu modifié l’ambiance qui régnait entre eux, accentuant la bonne entente des deux partis. Fabius n’eut aucun mal à confier à la jeune femme l’étendu du problème concernant la femme de son cœur. Une amnésie… C’était fâcheux, il est vrai. Cela dit rien n’est impossible et le petit doigt de la jeune femme lui indiquait qu’il ne devrait pas perdre espoir pour autant.

« Je comprend, effectivement cela complique les choses. Est-ce qu’elle sait ce que vous représentiez pour elle avant cela ? Si c’est le cas, elle doit avoir conscience que vos sentiments n’ont sans doute pas changer. Quoi qu’il en soit je comprend que vous n’ayez pas envie de la brusquer. »

Sur ces mots, Allys abaissant les yeux à nouveau sur son dessin, s’appliquant visiblement. Fabius en profita pour déposer les plateaux sur le chariot et de partir le déposer à l’entrée. Allys l’entendit à peine revenir, trop concentrée sur son œuvre. Le dessin était l’une des rares chose pouvant captiver la jeune femme pendant des heures. Que ce soit une reproduction d’un paysage, le croquis illustrant une maquette ou un projet, ou encore lorsqu’il s’agissait de dessiner des personnes. Cette dernière chose était ce qu’elle préférait, c’était comme d’avoir des photographies mais en plus personnel. Là encore, elle n’avait pas put s’empêcher d’immortaliser l’instant.

« Qu’êtes-vous en train de dessiner ? »
« Voyez par vous-même. »

Rétorqua-t-elle en retournant le dessin et le poussant vers Fabius. Il eut alors la surprise de constater qu’il s’agissait d’un portrait qu’il connaissait mieux que quiconque puisqu’il s’agissait du sien. Ce n’était pas terminé, loin de là, mais l’ingénieure avait la main sûre et rapide et s’il avait fait attention, cela faisait déjà un moment qu’elle jetait de furtif regard dans sa direction. La jeune femme récupéra la feuille, continuant de remplir l’espace d’un parchemin par des gestes précis et vifs.


« C’est juste un passe-temps. » Se justifia-t-elle avant de reprendre d’un ton léger. « Voyez ça comme l’une de mes super capacités, mais je vous rassure je ne pense pas en avoir d’autres cachés sous ma manche. Et vous dites-moi ? Outre le fait que vous êtes indéniablement un bon élément militaire, qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans cette voie ?  C’est par passion, conviction ? »

C’était pour un fois un appel du pied de la jeune femme. Puisqu’elle était occupée, cela ne la dérangeait pas d’écouter Fabius s’exprimer, il pouvait même déborder s’il le souhaitait sur d’autres sujets qui le passionnait, tant que cela ne la détournait pas trop de sa création.

Au moins je l’ai fait rire, c’est déjà ça et je la sens maintenant beaucoup plus détendu qu’au moment de son arrivé ici, ce n’est plus la même femme et elle n’hésite plus à me poser des questions personnelles ou à me donner des conseils. De mon côté, j’ai réussi à faire de l’humour et c’est quelque chose d’assez rare ; car cela ne fait pas très longtemps que je m’y essaye.

Lorsqu’elle me tend le dessin, je suis très surpris d’y voir mon portrait, je pensais à un schéma technique et j’étais à cent lieus de me douter qu’elle était également une véritable artiste ! Il y a juste une chose qui me chiffonne, je ne pensais pas être aussi mal coiffée que çà, mais je me vois mal aller dans la salle de bain pour me passer un coup de peigne, je lui rends donc la feuille et elle continu aussitôt son croquis, tout en me posant de nombreuses questions.

J’ai l’impression que nos rôles se sont inversé et que c’est elle qui est devenu le moulin à parole ! Mais ce n’est pas pour me déplaire de la voir ainsi être détendu et je lui réponds :

Mon histoire est très banale, avec un père militaire, ancien héros de guerre, je suis devenu soldat à mon tour et j’ai intégré très tôt l’armée. La seule volonté que j’ai eu étant jeune a été d’intégrer les forces célestes. J’ai ensuite survécu à toutes mes aventures et me voilà maintenant capitaine d’un bric. Donc pour répondre à votre question, c’est par respect envers la tradition familiale que j’ai suivit cette carrière et c’est maintenant par conviction que je la suis.

Dis comme ça, ma vie est un peu déprimante, et j’ai déjà fais cette analyse, mais je continu sur ma lancé :

Je ne pense jamais vraiment eu le choix de faire autre chose de ma vie. Jamais une personne est venue me voir en me demandant ce que je voulais réaliser durant mon passage sur cette terre, et maintenant la seule chose que je sais faire c’est obéir aux ordres et en donner. Heureusement tout n’est pas si noir, car mon métier à des bons côtés, le premier c’est de pouvoir voler ! Je ne sais pas si vous avez déjà eu ce plaisir, mais sentir le vent sur votre visage, pendant que vous voyez le paysage défilé devant vous, est une sensation grisante. Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de coucher et de lever de soleil au centre du monde auquel j’ai pu admirer, tous plus magnifique les uns que les autres.

Je m’arrête là, car je peux en parler pendant des heures et il me reste un dernier point à aborder, je reprends donc d’une voix plus douce :

Il y a également un deuxième point, qui me fais aimer cette profession, j’aime me sentir utile, je pense d’ailleurs que j’aurai été un bon pompier ou un bon policier, car sauver quelqu’un est une sensation qui me fais sentir vivant.

Voilà, j’ai enfin terminé et j’ai beaucoup parlé. Avec tout ce que j’ai dit, la jeune femme a du terminé son dessin et je lui pose donc une question :

Allys, est-ce que vous êtes déjà monter sur un aéronef ou une monture volante ?

A supprimer

L’alcool possède le fabuleux pouvoir magique de délier les langues, de plus avant même de vider la bouteille avec Fabius la jeune femme avait déjà une bonne longueur d’avance. Elle avait beau sacrément résister, celui-ci faisait de l’effet. Suffisamment pour la rendre un tant soit peu bavarde tout du moins. Et cela irait probablement en s’accentuant. Peut-être même s’oserait-elle à des confidences sous l’influence de ce breuvage. Pour l’instant, c’était de toute manière au tour du jeune homme de s’exprimer.

Ainsi Fabius n’avait pas réellement choisi sa voie. C’était visiblement chose courante dans cette branche de métier. Mais comme souvent, il y avait trouvé son compte. Mieux que ça même, il avait fait en sorte de s’arranger comme cela lui convenait. Capitaine dans une section qui le passionnait. Finalement Allys n’était pas la seule surdouée en matière d’évolution. Cependant le jeune homme avait un discourt fort nuancé, à la fois optimiste et affirmé mais aussi peiné et teinté de regrets. Il dut s’en rendre compte car il tenta de terminer son propos sur une touche plus enjouée.

« Je suis certaine que vous vous en seriez bien sortie aussi, mais je dois admettre que de ne pas avoir le choix peut parfois se révéler une bonne chose. La preuve en est, vous êtes indubitablement passionné par votre métier et vous avez fait de votre héritage une force. C’est admirable. »

Allys posa le crayon, ravie du résultat. Cela représentait bien l’image qu’elle se faisait du jeune homme : Distingué, l’air volontaire et le regard pénétrant. Oui, c’était plutôt réussi. Fabius dû constater que l’attention de la jeune femme était désormais libre et il en profita pour la questionner à son tour.

« Une monture, non. Mais j’ai une expérience assez mouvementée en matière de vol. » Affirma-t-elle avec honnêteté. « Je suis souvent montée dans le bombardier de mon compagnon et j’ai souvent le loisir de prendre ce genre de transports même si je dois admettre préférer me trouver sur la terme ferme. Cela dit cela ne m’a jamais empêchée de tester et de m’approprier des prouesses de technologie comme les planeurs ou les grappins. »

D’ailleurs à ce propos, la jeune femme repensa à son escapade à Prorig, non sans rougir au passage. C’était d’ailleurs l’une des choses qui la poussait à boire. La jeune femme se sentait coupable et honteuse à ce propos. Cela n’avait en soi rien de juste étant donné qu’elle n’avait au fond rien fait de mal. Mais malgré la mort de son compagnon, elle se sentait terriblement mortifiée de ressentir des sentiments pour quelqu’un d’autre et pourtant elle ne parvenait pas à chasser Chafoin de sa tête et de son cœur. Il lui arrivait souvent de rêver de leur douce nuit ensemble. Allys était ridicule, elle qui parlait de ne laisser passer sa chance était la première à se comporter comme une sotte.

L’ingénieure secoua la tête avant de se passer la main dans sa longue chevelure, constatant qu’elle était restée pensive un moment. Peut-être même lui avait-il parlé ? Elle ne s’en était pas rendue compte.

« Pardon, j’étais pensive. » Elle eut un léger rire désabusé « Tout à l’heure je vous ai donné un conseil, et je me suis rendue compte que j’étais mal placée pour le faire. »

La jeune femme me parle de manière à me remonter le moral après mon long monologue et je lui en suis reconnaissant. Lorsqu’elle me parle de sa vie et du fais qu’elle a pratiqué différents moyens de vole, comme les grappins, je pense à Chafouin, une de mes connaissances que j’ai déjà rencontrées deux fois et qui utilise également ce genre d’outils, je me demande d'ailleurs où il est actuellement.

Elle reste ensuite un long moment silencieux et je n’ose pas interrompre le cours de ses pensées, puis au bout de quelques minutes, elle semble se réveiller et me parle comme si je connaissais bien le sujet qu'elle aborde, alors que j'en ai aucune idée. Pour tout dire, je la sens fatigué et moi aussi, je commence un peu à piquer du nez, c’est pourquoi je lui indique :

Si çà ne vous dérange pas, je vais m’allonger un peu sur le canapé, je sens que la fatigue arrive d’un coup et…

Je ne peux finir ma phrase car un terrible bâillement arrive et je me dépêche de mettre ma main devant la bouche, puis je continu :

Je vais juste prendre les couvertures et certaine de mes affaires dans la chambre, puis je vous laisserai cette pièce.

J’attends la réponse de l’ingénieure puis je vais chercher quelques draps, mes affaires de rechange et dans mon sac, mes armes afin de ne pas laissez du matériel militaire à proximité d’une civile, ce qui serais dangereux et interdit. Je fais mon lit au cordeau, comme j’ai appris à le faire et suis plutôt satisfais du résultat. Il ne me reste plus qu’à attendre que mon invité exprime également le besoin de se coucher, et je pourrais enlever tout mes vêtements, car j’ai l’habitude de dormir nu. Toutefois, j’ai pris une robe de chambre pour aller de mon canapé à la salle de bain pour demain matin, pour préserver un peu d'intimité.

Je me rends compte alors que nous n’avons pas parler de l'organisation pour demain matin, et je lui précise donc, la manière dont je vois les choses, d’une voix fatiguée :

Pour demain, j’ai prix comme habitude de me lever aux aurores, sauf quand je suis en vacances. Toutefois, je vais faire une exception demain, et je me lèverais avant vous, de manière à pouvoir utiliser la sale de bain et prévenir pour le petit déjeuner. Dès que vous serez levé, vous aurez donc le confort nécessaire. Cela vous convient-il ?

Encore une fois, j'ai l'impression de m'exprimer comme un militaire et qu'un civil aurais employé des termes différents.Il faudra bien qu'un jour, je puisse vivre parmi des gens "normaux" pour avoir des conversations plus "normales" avec des personnes qui ne sont pas soldats.

J'ai hâte de voir son atelier demain, je suis sûr qu'il doit être très impressionnant, connaissant maintenant les prouesses de la propriétaire.

Finalement le soldat se révéla bien plus épuisé que sa camarade. Il s’en excusa, non sans un bâillement sonore, avant d’aller chercher de quoi se couvrir pour la nuit une fois qu’Allys eut hoché doucement la tête en signe d’accord. L’ingénieure n’était pour sa part pas encore fatiguée mais elle n’escomptait aller en désaccord avec son hôte. Elle constat avec étonnement qu’il avait également emmené avec lui ses armes. Craignait-il qu’on s’en prenne à lui dans son sommeil ? Drôle de garçon, mais après tout était-ce peut être un réflexe de l’armée que de toujours laisser à portée de main de quoi se défendre ? Peut importe, Allys pour sa part laissé son armement dans la salle de bain, n’en ayant pas l’utilité en ces lieux.

Puisque la présence de la jeune femme dans le salon n’était plus vraiment souhaitée, elle ramassa ses affaires et se releva. Mais avant qu’elle ne prenne congé, il entreprit d’exposer le déroulement de la matinée comme il le prévoyait. Cela eut le mérite de tirer un nouveau sourire amusé à la jeune homme. Elle haussa l’épaule, se contentant d’une réponse relativement expéditive :

« Faites comme vous le sentez. Dans tout les cas nous ne sommes pas pressés, nous partirons lorsque nous seront prêts. Je vous souhaite une bonne nuit, à demain. »

La jeune s’isola donc dans la chambre de l’hôtel. Elle se laissa choir sur le lit, à plat ventre et reprit une feuille afin de s’occuper l’esprit, qu’elle avait bien trop agité, griffonnant l’objet de ses pensées comme pour s’en exorciser. C’est d’ailleurs en pleins milieu de son dessin que Morphée fini par la cueillir sans crier gare. Au matin, elle se réveilla, la tête posée sur le parchemin. Allys releva doucement la tête, se redressa pour s’étirer et frotter ses yeux avant de s’extirper du lit. Elle ne prit pas attention au dessin laissé à l’abandon ni même au fait qu’elle avait la joue marquée de noir à cause des résidus du crayon qui avaient largement eu le temps de s’imprégner à sa peau. C’est au radar qu’elle passa devant Fabius au salon.

« ‘Jour. »

Marmonna-t-elle en guise de bonjour tendis qu’elle se mouvait vers la salle de bain. Là, elle se rendit enfin compte de son apparence grâce au reflet d’un miroir. La jeune femme souffla puis se débarbouilla des traces indésirable avant de reposer à leur place le peignoir et la serviette prêtée puis de se rafraîchir rapidement. Une fois cela fait, elle remit ses vêtement qui bien que toujours déchirés étaient propres et secs à présent. Elle remit également ses pendentifs bien en place et disciplina sa chevelure. Une fois tout cela exécuté, elle revint au salon pour déguster avec Fabius leur petit déjeuné. Si le jeune homme mangeait avec bon appétit, et probable gourmandise, Allys resta tempérée et fort silencieuse. Le matin n’était pas son moment préféré, surtout que l’alcool n’aidait pas. Jamais. Un bon café résolu tout de même en parti le problème et elle se resservit un deuxième juste avant qu’ils ne soient prêts tout les deux à quitter les lieux. Cependant, la jeune femme demanda avant qu’ils ne partent que Fabius ne lui joue sur le piano de l’hôtel les morceaux qu’il souhaitait lui faire créer. Elle prit quelques notes et hocha la tête une fois qu’elle eut ce dont elle avait besoin.

Ils prirent le même moyen de transport que la veille afin de se rendre dans le quartier où vivait la jeune femme puis Allys guida le soldat ensuite à pieds. Malgré la prothèse à la jambe de l’ingénieure, elle n’eut aucune difficulté à grimper la rue qui menait à son atelier. Généralement les gens la sous-estimaient en voyant sa démarche malhabile mais Allys avait toujours eu un mental d’acier pour surpasser ses faiblesses et désormais elle n’y prenait même plus attention. Cela n’avait pour elle plus rien d’un handicap. Les prothèses faisaient partie intégrante de son corps comme si elles avaient toujours été là. C’est donc avec autant d’énergie que son partenaire qu’elle parvint jusqu’en haut.

Allys sortit un trousseau de clé et déverrouilla la porte menant à son magasin. Elle demanda à Fabius d’attendre et pénétra à l'intérieure rapidement afin de dés-enclencher son système de sécurité. Une fois fait, elle invita le soldat à la entrer à son tour. Faisant un rapide tour des lieux, elle ouvrit les volets afin de laisser la lumière pénétrer la boutique mais elle laissa le panneau ‘fermé’ affiché à l’extérieur. Ce matin elle n’avait qu’un client intéressant.

« On est du côté tout publique ici, et derrière la porte à notre droite c’est tout ce qui est plus spécifique. J’ai de l’armement, des maquettes de véhicules, des amélioration pour prothèses etc. » Elle lui donna alors une accréditation. « Je te laisse visiter les lieux. Je vais enfiler une tenue moins… abîmée. Si tu vois quelque chose qui te plait surtout laisse-le à sa place, j’ai installé des sécurités un peu partout donc évite de te mettre en danger inutilement, tu pourras juste me donner le numéro de série et je te l’ajouterai à ta commande. Tu me retrouve à l’étage, je serai dans l’atelier. »

La jeune femme laissa alors le jeune homme seul devant les créations mécaniques de l’ingénieure. Il put alors constater que tout était compartimenté avec soin et qu’il y avait là pour tout les goûts. Des accessoires vestimentaires transformés, des boites à musique, des jouets mécaniques, des armes customisées, des améliorations, des maquettes de projets réalisés etc.

Apercut rapide des choses qu'elle fait :hearts: a écrit:

Les armes
L'habillement
Les jouets
Les outils

Là haut, Allys s’était trouvé une tenue plus confortable, assez similaire à l’ancienne mais hautement accessoirisée. Elle portait des lunettes munie d’une loupe, qu’elle avait pour l’instant placée comme un serre-tête, et à sa taille pendait une sacoche contenant de nombreuses clés et outils qui lui serviraient plus tard. Elle portait également d’étranges gants dont les doigts de métal était rétractées comme les griffes d’un chat. Cela lui servait à manipuler soigneusement des éléments fins et délicats.

Allys était attablée devant un immense bureau remplis de documents et maquettes inachevées lorsque Fabius monta à son tour. Il put d’ailleurs constater qu’il se trouvait dans les appartements de la jeune femme. Il s’agissait d’un simple studio et s’il son style était clairement imprégné de la patte de l’ingénieur dans ses décorations qu’elle avait visiblement construites elle-même, il ne se dégageait aucune richesse particulière. Allys vivait aussi sommairement qu’une simple serveuse et cela ne la dérangeait pas. Fabius n’eut de ce fait aucune difficulté à la trouver. Celle-ci planchait déjà sur des croquis de l’oiseau mécanique

J’ai super bien dormi, je pensais faire des cauchemars car j’avais tué trois personnes il y a quelques heures, mais non, absolument rien. Est-ce que je m’habitue à tuer des gens, ce qui ferait de moi un véritable sociopathe, ou bien, j’ai fait ce que j’avais à faire pour rester en vie ? Finalement, peu importe, mon subconscient m’a laissé en vie, ce qui est très bien.

Je me lève donc en pleine forme et je passe dans la salle de bain, où je peux prendre une bonne douche bien chaude. Je m’habille également avec de nouveaux vêtements et je termine à l’instant où Allys sort de sa chambre, cette dernière n’ayant de toute évidence pas passer la même nuit que moi. Elle semble en effet fatiguée et a une curieuse marque sur la joue, chose que je ne relève pas, car chacun fait ce qu’il veut pendant la nuit, même manger du charbon, et s’engouffre dans la salle d’eau pour se préparer.

Pendant ce temps, j’ai réceptionné le petit déjeuner et comme je commence à être habitué, je le pose de manière fonctionnelle sur la table basse, lui laissant le plateau le plus garnis. La jeune femme ne semble même pas remarquée mes efforts et mange normalement et en silence, alors que pour ma part, j’apprécie énormément ces mets et j’engloutis tout mon repas. Il y a juste le café qui semble la réveiller un peu et nous sortons de l’appartement, direction le piano.

Je jour quelques morceaux sur l’instrument, qui même s’ils sont simples, me paraisse extrêmement difficiles car je n’ai pas l’habitude d’avoir un public. Enfin, l’ingénieure semble satisfaite par ma prestation et nous quittons l’hôtel pour, après un court voyage en taxi afin de ménager mon compagnon, nous retrouver devant son hangar. De l’extérieur je le trouve déjà grand mais de l’intérieur il est encore plus impressionnant, c’est bien simple, en dirai un magasin de jouet, mais pour adulte.

Partout des mécaniques, des inventions, certaine si complexe que je ne comprends pas le fonctionnement de la moitié des objets fabriqués ici. J’hésite vraiment à faire une commande longue comme le bras, mais je dois me raisonner, j’ai un grand projet, acquérir une caraque et l’équiper pour en faire le plus beau vaisseau du continent, supérieur même au bouclier d’Unellia du haut commandant des forces célestes, Manfred Richtofen, ce qui va coûter une véritable fortune.

Mais rien que la visite des différentes pièces me prend beaucoup de temps et c’est donc après une bonne heure que je rejoins mon hôte à l’étage. Quand je la vois, je ne peux m’empêcher d’être surpris par son attirail, elle ressemble à un savant fou tel que l’on peut voir des bandes dessinées et elle est passé de la femme sexy à une ouvrière qualifié en quelques minutes. Devant elle se trouve une très grande table et derrière je peux voir le reste de ses meubles, car je suis arrivé directement où elle dort et c'est assez spartiate.

Je lui souris donc, amusé par son accoutrement et je lui dis :

Votre atelier est remplis d’objets passionnant ! Pour le moment, je ne vais rien acheter à part l’oiseau mécanique, mais dès que je le pourrais, je reviendrais.

Je laisse passer un petit moment, avant de reprendre :

Est-ce qu’il y a quelque chose que je peux faire pour vous aider ?

Allys leva le nez lorsqu’elle aperçut Fabius. Il eut un regard amusé en la regardant ce qui eut le résultat de faire hausser un sourcil de la jeune femme. Que pouvait-il bien l’amuser ainsi ? Elle décida d’éluder la question, se contentant de se tourner vers lui pour l’écouter. Il s’extasia tout d’abord au sujet de l’atelier, déclarant que ses objets étaient passionnants. Evidemment qu’ils l’étaient. Allys avait un don pour créer des choses et elle ne laissait aucun détail lui échapper : Tout devait être parfait.

« Est-ce qu’il y a quelque chose que je peux faire pour vous aider ? » Rajouta-t-il ensuite.
« Et bien oui, il s’agit de votre projet après tout. J’ai donc besoin de plusieurs informations avant de pouvoir vous proposer quelque chose de concret. Tout d’abord de quelle taille le désirez-vous ? Avez-vous une préférence pour les matériaux, la couleur ? Voulez-vous qu’ils ressemble à un oiseau en particulier ? Et si vous avez d’autres demandes n’hésitez pas. Je m’attaquerais au dessin une fois toutes les informations en mains et je m’attellerai à la fabrication une fois que tout cera parfait pour vous. »

La jeune femme tira un tabouret afin que Fabius puisse se mettre à l’aise et porta la tasse déposée sur l’établi à ses lèvres. La boisson était fumante et dégageait une odeur de café. Au moins pouvait-il noter que l’ingénieure préférait travailler sobre et les sens en éveils. C’était une bonne chose au vu de sa décente sans fond de la veille. Elle but quelques gorgées et eut la décence de lui proposer d’en faire de même :

« Si vous voulez boire ou manger quelque chose n’hésites pas à te servir. »

Allys attendit donc que Fabius se mette à son aise, boisson ou pas, et écouta son projet avec attention. Elle nota sur un document les informations importantes et commença à dessiner des ébauches de dessins. Comme pour le portrait de la veille, Allys avait la main adroite et le trait fluide. Elle termina assez rapidement une première ébauche et lui présenta ensuite une deuxième approche. Elle garda le dessin qui convenait le mieux à son client puis améliora celui-ci en lui dessinant les détails qui manquaient. L’emplacement des cylindres musicaux, le mécanisme de déclenchement.

« Bien, je pense que ce côté là nous sommes bons. Si cela vous conviens je vais aller chercher les matériaux pour pouvoir façonner l’oiseau. Je ne serais pas longue, faites comme chez vous en attendant. »

Allys se redressa alors et étendit ses muscles qui grincèrent au passage. Elle attrapa la tasse de café et se servit, ainsi qu’à Fabius, un nouveau verre qu’elle avala avant de redescendre et quitter l’atelier pour effectuer les fameuses courses nécessaires à la fabrication de l’objet.

Pendant son absence Fabius avait champ libre. S’il eut la curiosité d’explorer l’appartement sommaire de la jeune femme il tomba sans effort son un certains nombres de dessins de celle-ci tant elle en avait tapissé les lieux, notamment les murs. En dehors de projets il y avait de nombreux portraits, certains la représentait plus jeune entourée d’une femme à la chevelure d’ébène et d’un homme à la crinière aussi argentée que la sienne. Il y avait également des portraits d’un soldat aux cheveux longs ramassés en une queue de cheval, parfois Allys était représentée à ses côtés. Quelques autres portraits étaient présents, ceux d’une rousse à l’air volontaire, une blonde revêche ou encore un couple dont l’homme ressemblait énormément à Allys. Et puis il y avait ceux de Chafoin, que Fabius reconnaîtrait sans aucun doute.

En dehors de cela il y avait également des paysages, surement des nombreuses contrées qu’elle avait foulées et il y avait de tout, des grands espaces de My’trä, des étendues désertiques de Zochlom, des villes somptueuses de Daënastres. Allys avait une véritable passion pour le voyage et dessinait absolument tout ce qui éveillait son intérêt.

Après avoir donné les diverses préconisations à la jeune ingénieure, pensant à un petit moineau très coloré et pouvant battre des ailes de temps en temps, en plus de chanter les mélodies que j'ai réalisé au piano ce matin. Je me sers un bon thé, car j’ai appris à apprécier cette boisson au contact de mon amie Gojo, qui me manque un peu d'ailleurs. Je vois mon hôte dessinée vite et bien, comme lors de la réalisation de mon portrait de la vieille, et je ne peux qu’acquiescer quand elle me propose une seconde esquisse. Le deuxième plan ressemble plus à mon idée et je lui indique mon choix, en lui disant:

Votre schéma ressemble exactement à ce que j'avais en tête, cet objet, une fois terminé sera un véritable chef d’œuvre !

Elle part ensuite chercher du matériel et j’en profite pour faire le tour de son appartement, car je suis quelqu’un de curieux. Je vois de nombreux dessins sur les murs et ailleurs, surtout des paysages et quelques portraits. Ce sont essentiellement ces derniers qui m’intéresse et je vois beaucoup de visage étrangers, un homme qui pourrait être son frère, un militaire qui pourrait être son ex-mari et je tombe à la fin sur un visage que je connais bien, Chafouin !

Allys connait le vétéran qui était autrefois mon ami ! Pour une surprise, c’est une sacrée surprise et lors qu’enfin la jeune femme revient je ne peux m’empêcher de lui demander :

Je vois que vous connaissez cet homme, il m’a aidé il y a quelques mois et m’a sauvé la vie.

C'est la vérité, lors d'une prise d'otage, nous avons combattu ensemble une bande de bandits avec à leur tête un fou furieux qui c'était fais implanter une bombe dans le corps et une mage adepte du feu. Je m’arrête quelques secondes de parler, car la suite est pour moi, plus difficile à me remémorer, car je suis toujours en colère contre ce qu’il a essayé de faire :

Puis nos chemins se sont croisés à nouveau et il a trahi ma confiance. Encore aujourd’hui, je ne sais pas si je peux ou veux lui pardonner, et je ne suis pas sûr de vouloir le revoir à nouveau. Si ce n’est pas trop indiscret, vous l’avez connu comment ?

Je laisse l’ingénieure répondre à ma question, car je suis sincèrement inquiet pour elle, cet homme est prêt à tout pour de l’argent et je ne veux pas que cette femme soit la prochaine victime. Pourtant je sais qu’Allys a du caractère et qu’elle ne se laissera pas faire, mais elle doit quand même être prudente. La question à mille irys est de savoir si je dois la mettre en garde, car ce serait une intrusion dans sa vie privée.

Pour le moment, je décide de ne rien ajouter, espérant que sa réponse me permettra de choisir la meilleure option. En l’écoutant, je regarde les matériaux qu’elle a apporté, appréciant la qualité de chaque mécanismes et autres pièces d’horlogerie, toujours fasciné par la mécanique de précision. J’aimerais pouvoir en faire autant, mais je ne suis pas assez minutieux pour faire de tel œuvre d’art, en plus, je manque de patience.

Comme je l’ai dit hier soir à mon interlocutrice, je ne suis doué que pour une seule chose, être militaire et je me concentre dessus, à fond.

Allys ne mit pas longtemps, effectivement. La jeune femme savait où se dégoter le matériel nécessaire et avait une idée exacte de ce qu’elle désirait, ce qui facilitait les choses. Elle revint donc les bras chargés des rouages qui lui manquaient et des pièces de métal qui lui serviraient pour l’architecture de l’oiseau, se faisant aussitôt interpellée par un Fabius les yeux écarquillés de surprise, lui pointant un portrait de Chafoin.

« Effectivement. » Lâcha-t-elle d’un ton neutre tout en déposant le matériel sur sa table de travail.

Elle resta interdite un moment, le fixant avec intensité. Le jeune soldat l’avait prise au mot lorsqu’elle lui avait annoncé qu’il pouvait faire comme chez lui. Cela dit il est vrai que les affaires de la jeune femme avaient tendance à traîner faute de recevoir beaucoup de monde dans son établi. Elle avait fait une exception compte tenu des événements qui les avaient fait se rencontrer. Maintenant restait à savoir pourquoi Fabius avait l’air contrarié, n’avait-il pas dit qu’il lui avait sauvé la vie ?

« Puis nos chemins se sont croisés à nouveau et il a trahi ma confiance. Encore aujourd’hui, je ne sais pas si je peux ou veux lui pardonner, et je ne suis pas sûr de vouloir le revoir à nouveau. Si ce n’est pas trop indiscret, vous l’avez connu comment ? »

Ah. Voilà pourquoi. Il était  clair que Fabius avait un code de l’honneur stricte, bien qu’éteindre la vie des autres n’était pas un problème pour lui tout de même, et Chafoin n’était pas un fervent partisan de l’ordre et la discipline dans l’âme. Il faisait selon ses convictions, plus à l’image d’Allys qui ne se laissait dicter que par ses impulsions et avait sa propre idée de la justice. Sans doute leurs avis avaient divergé à cause de leurs fonctionnements différents. Allys était tout de même curieuse d’en savoir plus.

« Et bien il m’est littéralement tombé dessus. Et malgré le mauvais départ qu’on a eu, il m’a finalement éclairé une soirée bien sombre et ennuyeuse. » C’était à la fois vague et vrai, et elle était davantage intéressée de le questionner. « Je peux savoir ce qu’il s’est passé ? Chafoin n’a pas un mauvais fond, peut être qu’un avis extérieur pourrait vous aider à y voir clair ? »

Elle n’avait pas réellement envie d’aider Fabius, en vérité, pour sa mauvaise relation, mais si cela pouvait lui en apprendre plus sur l’homme qui lui trottait dans la tête, elle prenait. Ce n’était pas très gentil de sa part mais l’ingénieure avait une empathie limitée envers les autres. Tant que c’était en accord avec ses valeurs ou que cela lui apportait quelque chose en retour elle pouvait se montrer avenante, mais c’est tout. Heureusement que Fabius ne la connaissait pas suffisamment pour le savoir, en un sens. Il pouvait donc apprécier toute la quiétude de la jeune femme à sa juste valeur.

Je ne sais pas si Allys est très contente que j’ai examiné ses affaires, mais je n’ai fait que regarder les dessins qu’elle avait exposé. Mais finalement, ça ne doit pas la déranger tant que çà, car elle répond à ma question. D’après sa réponse, je devine qu’elle apprécie Chafouin, et lorsqu’elle me pose des questions, je me retrouve bien embêté, mais j’ai décidé d’être franc avec elle et je lui réponds donc en toute transparence :

Ce que je vais vous dire, n’est que mon point de vue, et je ne vous raconterai pas la fin, ce sera à cet homme de le faire. Vous m’avez dit que Chafouin n’a pas un mauvais fond, et c’est vrai, mais il aime trop l’argent, et voulais livrer une de mes amies, une My’tran a des personnes qui lui aurais fais du mal, tout çà pour un paquet d'Irys.

Je repense à notre discussion dans la neige, avec Ruby à quelques dizaines de mètres seulement de nous avant son enlèvement et je lui répète ce qui m’avait choqué dans les paroles que nous avons échangées :

Il me l’a dit droit dans les yeux que je devais laisser tomber une amie, que c’était une bonne chose à faire et que je devrais partir sans me retourner. J’ai même eu la forte sensation que si je ne quittais pas les lieux immédiatement, il allait essayer de me tuer. D’ailleurs si un élément extérieur n’étais pas intervenu, je pense qu’un de nous deux aurais été rejoindre les Architectes.

Quand j’y repense, j’étais à deux doigts de lui tirer dessus, littéralement, et il était lui, à la portée idéale pour utiliser ses deux grappins. C’est d’ailleurs la première fois que je m’apprêtais à tirer sur un ami, et c’est pourquoi j’étais aussi énervé, d’ailleurs ce qui a suivit m’a bien permis de me défouler, et c’est exactement ce dont j’avais besoin. Mais aujourd’hui, je me suis calmé et je conclu en indiquant à mon interlocutrice :

Je suis sûr que Chafouin a une autre version de cette histoire. Mais assez parlé de lui, vous avez été dans des endroits que je ne connais même pas, c’est vraiment impressionnant. Je vois que vous avez ramené tout le matériel qu’il vous faut, souhaitez-vous que je parte pour vous laisser travailler ?

Je lui demande çà par courtoisie, car j’aimerais bien rester voir cette fantastique ingénieure travailler, mais je ne veux pas déranger. De plus je sais que certains créateur déteste que quelqu'un les regardent quand ils sont sur un projet qui demande beaucoup d'attention, je comprendrais donc tout à fais, que je doive partir.

Le rapport de Chafouin avec l’argent n’étonna pas Allys. Après tout lorsqu’ils s’étaient rencontrés l’homme avait terminé un contrat. C’était son gagne pain et quand on vient des rues il est difficile d’échapper à ce mode de vie particulier. La jeune femme pouvait aisément le comprendre, elle n’avait pas toujours roulé sur l’or comme aujourd’hui. Sa vie dans le désert avait été sommaire que son père avait du les quitter pour travailler sans relâche tandis que son ingénieuse fille faisait littéralement les poubelles en quête de morceaux de métal qu’elle pouvait transformer pour les revendre et ainsi subsister. Oui, elle avait connu la misère un temps. Son jeune frère en avait même fait les frais en le se faisant arraché à la famille pour devenir un esclave. Alors que Chafouin mette en avant ses objectifs avant le reste n’avait rien d’étonnant. Faire preuve de sentiment est la pire chose à faire lorsque l’on est un homme de main. Oh son métier n’était pas forcément reluisant mais il payait et c’est ce qu’il avait choisit pour survivre.

Allys haussa imperceptiblement les épaules, s’asseyant devant son établi. Tout en écoutant le soldat, elle entreprit de placer le matériel nécessaire à la structure de l’oiseau qu’elle découperait et assemblerait ensuite.   Bien qu’elle paraisse détachée, elle était pourtant fortement intéressée par le déroulement des événements que relatait Fabius, bien que les détails aient été mis aux oubliettes. Ainsi Chafouin avait confronté le jeune homme à un choix impossible. Il est vrai que pour le capitaine, qui avait un code d’honneur et des valeurs figées, cela devait représenter un affront. Mais ne se connaissaient-ils pas tout les deux ? En arriver à une telle extrémité s’ils étaient de vieux amis… Mais effectivement Allys ne connaissait pas la situation, même si il était logique qu’ils se soient confrontés.

« Je vois. Il est vrai que vous êtes différents tout deux. Je peux comprendre que cela pose problème. Vous avez des valeurs et lui fera toujours ce qui est nécessaire pour mener à bien ses missions. Ca ne me surprend guère. Cela dit il ne fait de toute évidence pas parti de ceux qui sont nés avec une cuillère dorée dans la bouche. »

Et cela expliquait qu’il soit en mesure de sacrifier ses états d’âme contrairement à Fabius qui avait le loisir de tout justifier derrière la loi et son métier. La cuillère, c’est le fils de héros de guerre qui l’avait, mais ça il ne devait même pas s’en douter. Cela dit Fabius ne souhaitait pas s’étaler sur le sujet, s’intéressant davantage à Allys et son travail. La jeune femme poursuivit donc sans se formaliser davantage.

« Oui, j’ai beaucoup voyagé. C’est en parti dû à mes origines, je pense que cela doit s’entendre à mon accent. » 

Elle s’exprimait avec un parlé plus âpre que les daënars, spécifique aux Zochs. De fait son caractère bourru ne l’aidait pas non plus à paraître amicale mais c’était surtout dû à sa manière d'articuler les mots différente des habitants.

« Vous pouvez rester si vous le souhaitez. Je n’ai pas l’habitude de travailler avec ses yeux par dessus mon épaule mais je ne vais pas vous chasser non plus. Faites comme bon vous semble. »

Déposant ses yeux dorés sur les métaux, elle abaissant ses lunettes de protection et ajusta la loupe qui se trouvait sur sa lentille gauche. Un mouvement de la main fit également glisser les gants de métal qui l’aidaient à saisir des objets fins. Une fois prête elle se redressa afin de se placer devant une machine qui lui permettait de forger le métal à sa convenance. Elle entreprit alors de commencer son labeur avec application.  Il lui fallait découper soigneusement chaque élément et les assembler. C’était une tâche longue et laborieuse car il fallait avancer pas à pas et ne pas se tromper dans ses mesures. Une fois le squelette de l’oiseau mit en place, elle façonna des engrenages qui lui permettraient de faire chanter l’oiseau et de faire battre doucement les ailes, puis ne resta plus qu’à construire les plaques et les assembler au reste.

Une fois le travail réalisé, Allys se passa le bras sur le front et souffla. Durant la création elle en avait même totalement oublié la présence de son invité. Elle se défit de son équipement, le déposant sur la table. Jetant un œil à la fenêtre, elle se rendit compte qu’elle y planchait depuis plusieurs heures… Un peu trop pour Fabius surement.

« Voilà, il ne manque plus que les engrenages musicaux. Ils prendront plusieurs jours. Mais c'est tout pour aujourd'hui, il est tard. Est-ce que vous voulez manger quelque chose ? »