Epreuve 2 : Onirisme ~ VB/ES

Onirisme a écrit:

Ici, rien n’a de sens, le monde tel que vous le connaissez a changé, les règles ne sont plus les mêmes. Le feu vous refroidit, l’eau vous assèche, les éléphants se mettent à voler … voilà une rêverie très étrange, toutefois, vous n’êtes pas seul à songer dans cet univers sans loi logique. Votre partenaire a décidé d’envahir votre petit monde, serez-vous assez aimable pour l’y accueillir, ou bien comptez-vous garder votre repos pour vous-même ? Comptez-vous vous échapper, ou au contraire, rester à jamais dans ce havre séduisant d’originalité ?

『 』:

Encore une fois.
Le néant.
Le vide.

Je ne respire plus.
Je n'existe plus.
J'attends.

Un jour je ne reviendrai pas.
Parfois je le souhaite.
Parfois je l'attends.
Je n'existe pas.

Il voit.
Pour la première fois.

Le néant n'est pas vide.
Le néant est monochrome.

Une silhouette me frôle.
Elle s'arrête.
Elle revient.
La silhouette le frôle.
Puis s'évapore.

Bleu.
Tout est bleu.
Il est blanc.
Je suis blanc.
Blanc.
Toujours blanc.

Je regarde autour.
Rien n'a de sens.

Je cherche le ciel mauve.
Il est bleu.
Nuit.
Uniforme.
Sans étoile.
Terne.

Je marche dans le ciel.
Je marche sur la terre.
Tout se ressemble.
Tout est bleu.

Des silhouettes me frôlent.
Bleues.
Je suis une ombre voilée.
Un fantôme.
Blanc.

Blanc.
Dans un monde bleu.
Je tremble.

Une autre forme.
Un regard.
Différent.

Je le sens sur moi.
Je veux disparaître.
Immobile.
Je tremble.

Shen:

Le soleil se lève à peine sur l’île Ionia, chassant la nuit et ses démons pour inonder la terre de ses doux rayons de lumière. Si petit à petit les hommes qui y vivent se réveillent et se lèvent, ce n’est pas le cas de l’un d’eux. La pièce dans laquelle il est resté seul depuis la veille est pauvrement décorée : une simple natte posée sur le sol, quelques parchemin bien rangé et un bol de nourriture sont les seuls éléments que l’on peut distinguer à travers l’étroite fenêtre. Il est interdit d'entrer dans ce lieu, celui qui s'y repose ne doit pas être perturbé.

Au centre de la pièce, l'unique silhouette est toute de noir vêtue ; celui qui se tient là s’est assis en tailleur et n’a pas bougé de la nuit. Il a posé une lame d’acier à sa droite, et une seconde à sa gauche. Celle-ci est bien plus étrange, teintée d’un bleu fantomatique. Il inspire profondément, se concentre sur sa perception du monde. Il expire, se concentre sur les sentiments qu'il expulse avec l'air. Se détacher de la moindre émotions, c’est là le vœu qu’il a prononcé pour préserver l’Équilibre.


Entre deux respirations, ses sens sont alertés : l'Ionien expira, se concentrant le temps d’une nouvelle inspiration avant de poser une main sur chacune de ses armes. Puis, toujours aussi calmement, il ouvrit ses yeux. Ils étaient entièrement bleus, de la sclère à la pupille. Il voyait les Esprits et leur monde opposé au notre. Là où il y avait des couleurs et quelques objets, ici c'était terne et vide, là où il n’y avait personne, ici s'était cachée une autre entité. Là où Shen était seul, ils étaient désormais deux.

Au milieu de la vaste étendue morne et terne du monde spirituel, il était possible de déceler quelques couleurs. Le rouge des passions ou le vert de la vie qui se décomposaient en nombreuses teintes et informations nuancées. Pourtant, face à lui, Shen voyait poindre un être d’un blanc immaculé. Ils s’observaient mutuellement. L’esprit de l’un, presque en contact avec celui de l’autre.

« Que fais-tu ici ? »

Un être sombre.
Dans un monde qui en paraît lumineux.
Comme le jour.
Avant que la nuit ne l'emporte.

Crépuscule.

Il est assis.
Paisible.

Yeux d'azur.
Brillants.
Etoile diurne.

Deux armes.
D'azur.
D'argent.
Je tremble.

Sa voix s'élève.
Une question.
Au milieu du silence.

Il me voit.
Il me perçoit.
Différemment.
Différent.

Je veux disparaître.

Il me voit.
Je reste.
Immobile.
Une question nous sépare.

Je m'assois.
Il observe.
Silencieux.
La réponse naît de l'absence.

Je ferme les yeux.
Je veux la paix.
Le silence.
L'oubli.
Je veux exister.
Disparaître.

Je veux.
Que la souffrance s'arrête.

Un être blanc.
Dans un monde qui ne le comprend pas.
Qui est-il ?
Qui suis-je ?
Je ne sais pas.

Le silence est la seule réponse qui se présente au maître du clan Kinkou. Le voyageur blanc l’a fixé avant de s’asseoir et de rompre tout contact. A-t-il seulement conscience de l’endroit où il est ? A-t-il la moindre idée du danger de ce monde ? Prenant une grande inspiration, une main sur la garde de sa lame arcanique, il posait l’autre sur l’épaule du voyageur perdu.

« Gardes les yeux fermés »

Les yeux d’un humain ne sont pas fait pour voir le monde des esprits, Shen le sait mieux que quiconque. Bien qu’habitué à cet exercice après de longues années d’entraînement et d’expériences, il a encore un vif souvenir de la première fois qu’il avait entraperçu cette terre si différente. Un lieu où la vie telle qu’il l’avait toujours connue auparavant n’existait pas, mais où la vie passée et la vie à venir avait leur place. Le réflexe de fermer les yeux avait probablement protégé le muet de visions bien difficiles à endurer. Si le monde des Esprits regorge de connaissances et signes sur l’avenir, ce savoir est bien souvent cher payé et il n’est pas rare que la folie gagnent ceux qui veulent trop en apprendre sur le futur.

« Concentre-toi. »

La vue n’était qu’une seule façon de percevoir cet endroit. Les esprits ne voient pas plus qu’ils n’entendent. Ils se contentent de ressentir. Là où ils sont, clore les yeux ne signifie que fermer très légèrement son esprit à ce qui l’entoure. Pour se séparer de ce lieu, il lui faudrait bien plus d’efforts : se séparer complètement ses sens du monde spirituel pour se connecter à ceux du monde réel. Un exercice auquel Shen est particulièrement habitué.

« Pense à l’endroit d’où tu viens. Visualise-le. »

Petite précision:

Je ferme les yeux.
Je suis bien, ici.

Passé.
Présent.
Avenir.
Se mêlent.

Passé.
Présent.
Avenir.
N'existent.

Je ne suis rien.
Je suis tout.

Je sens la main sur mon épaule.
Je garde les yeux fermés.

Je respire.
Lentement.
Je vis.

Je ressens.
Intensément.
Je suis.

Comme un rêve.
Où j'existe.

Je me concentre.
Sur quoi ?
Je tremble.

La main sur mon épaule devient pesante.

Je l'entends.
Je le sens.
Je ne suis pas seul.
Je veux fuir.

La voix me guide.
La voix me blesse.

Chez moi.

Vide.

『 』

Blanc.

Je suis blanc.
Tout est bleu.

Je regarde devant moi.
L'homme crépusculaire.

Il parle.
J'écoute.
Je disparais.

『 』

J'inspire.
Profondément.
Je revis.
J'existe.

Tout est identique.
Tout est différent.

L'homme parle à quelqu'un.
Je regarde son dos.

Il est assis.
Je suis debout.

L'homme ne parle à personne.
Son dos s'est retourné.

Je suis bien ici.
J'existe.
Hors du temps.
Je tremble.

Je le regarde.
Je veux exister.
Je ne veux pas disparaître.
Je veux exister.
Je ne veux pas être oublié.
Je veux être.

Sans se soucier des regards indiscrets d’esprits curieux qui se portent sur lui, Shen continue de souffler ses instructions au jeune homme : il est aussi imperturbable qu’à son habitude. Chacun de ses mots est bien choisi. Il avait entendu ces derniers lui-aussi lorsqu’il était entré pour la première fois dans cette dimension. Rétablir la respiration, retrouver la force de s’extirper d’un piège qu’on forme soi-même ; des efforts qui lui paraissent désormais simple tant il les a effectués. Ca n’est pas le cas du garçon perdu. Il a encore besoin d’aide … Alors Shen le repousse : sans blesser son esprit, il le force à sortir et l’expose un instant. C’est un risque nécessaire ; d’ailleurs l’essence blanche se dissipe.

À peine ferme-t-il les yeux pour retourner chez lui qu’il se sent aveuglé par une vive lueur. Il soupire presque : il n’avait pas accompagné l’humain, pour peu qu’il soit bien humain, assez loin. Faisant preuve de patience, il fait rasseoir celui qui s’était à nouveau perdu, lui demandant de fermer à nouveau les yeux et pétant la même litanie pour l’aider à s’échapper. Il continue longtemps, pour s’assurer qu’il ne reviendra pas.

Au centre de la pièce, l'unique silhouette est toute de noir vêtue ; celui qui se tient là s’est assis en tailleur et n’a pas bougé de la nuit. Il a posé une lame d’acier à sa droite, et une seconde à sa gauche. Une seconde ombre la rejoint dans la nuit, apportant deux tasses de thé. Ce soir là, Shen prend le thé avec un des apprentis les plus prometteur de l’Ordre. Le petit est doué, capable d’allier efficacité et vitesse d’efficacité. Pourtant, il lui manque encore beaucoup de maturité. L’enseignement du Kinkou aura-t-il le temps de porter ses fruits avant que l’Oeil ne soit trop vieux ? Alors qu’il donne un enseignement au disciple, le maître du Kinkou s’interrompt, disparaissant un bref instant. Il sent les yeux posés sur lui.

Son élève ne le voit plus, mais Shen, lui, est toujours capable de le voir, comme s’il était derrière un voile. Ce n’est pourtant plus vers lui que l’Oeil regarde ; il fixe désormais celui qui se tenait dans son dos. Un être d’un blanc immaculé. Ils s’observent mutuellement. L’esprit de l’un, presque en contact avec celui de l’autre.

« Que fais-tu ici ? »

Il est certain de l’avoir déjà vu ; cela devait faire longtemps car ce souvenir est presque effacé...