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 Trois nuances d'exécrabilité

Althéa Ley Ka'Ori
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Trois nuances d'exécrabilité EmptyMar 19 Déc - 22:36
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Trois nuances d'exécrabilité Sknm

Trois nuances d'exécrabilité 8ceh

Par un soleil de plomb et un ciel dépourvu de nuage, les deux partenaires quittaient finalement les étendues désertiques de Zochlom. Les jours qui avaient précédé s’étaient déroulés presque sans encombre, comme un présage de bon augure quant à leur quête en Daënastre. Althéa rayonnait. Son sourire se devinait davantage dans le pétillement de ses iris que dans la plissure de ses lèvres. D’une main légère, elle soupesait son arc, avançant d’un pas décidé qui trahissait sa fierté. Ces quelques jours avaient été un franc succès, couronné au bal par un coup de maître, le pinacle de sa fourberie.

Trop ravie de sa supercherie pour en dévoiler les détails, elle s’était bien gardée d’en parler à Zora. Elle s’était contentée de lui annoncer leur départ immédiat, quelques jours après l’exposition. Les circonstances ayant mené à l’obtention de deux places à bord d’un bateau, elle les raconterait une fois embarquées, et certaines qu’elles le resteraient durablement.
Les deux alliées arrivèrent au port le plus proche, plus armées qu’à leur arrivée, et plus résolues que jamais. Althéa chercha du regard le navire auquel elles étaient promises, jetant un bref coup d’œil sur les tickets fournis. Un mot y figurait nettement, le doux nom de l’Allégeance. Le sort savait se montrer ironique ! Un Daënar serait responsable de la venue des deux plus grandes catastrophes du siècle en ses propres terres, et on parlait bien d’un navire évoquant la loyauté et le patriotisme !

Son air présomptueux fut prestement remplacé par une expression de détresse non feinte lorsqu’elle lut les dix lettres apposées dans le bon ordre sur la coque d’un immense bateau. Dans les faits, sa taille était standard ; à ses yeux, il était titanesque. Elle avait donc mésestimé son commandant, associant nécessairement sa personne à une galère médiocre et rafistolée de toute part. Une foule de questions lui vint spontanément en même temps qu’elle assimilait cette vision. Combien d’argent fallait-il pour acheter un tel navire ? Pour maintenir un équipage ? Loin d’imaginer que Daënastre finançait intégralement sa flotte, elle se vit contrainte à revoir son jugement. Et mieux, envisagea sérieusement de cambrioler la banque de ce monsieur von Richter en lui proposant de nouveaux "soins". Il n’y a pas de petits profits en ce monde. Plus que tout, il n’y a pas d’abondance d’or qui vaille d’être refusée !
Zora s’impatientait, et Althéa s’empressa d’expliquer son désarroi, désignant d’une main gantée le vaisseau qui leur faisait de l’ombre :

« C’est celui-là. Un monstre de technologie, j’en ai peur. J’ai entendu dire que les My’träns devenaient verts de maladie sur ce genre d’engins, jusqu’à préférer le suicide. Je ne demande qu’à voir. »

La guérisseuse employait le ton de la désinvolture, mais elle n’en menait pas large. On l’avait souvent mise en garde contre le malaise provoquée par la technologie, les jours à venir seraient loin d’être paisibles. Pour le moins, le voyage avait le mérite d’être gratuit, elle espérait que ce gain d’argent surpasserait le désagrément. Un instant, elle s’interrogea sur cette tendance à l’avarice qui se révélait soudain comme partie intégrante de son caractère. Mais elle parvint très vite à la conclusion qu’elle prenait source davantage dans son plaisir à ruiner les Daënars qu’au simple bonheur d’amasser des biens.
Elles furent introduites sur le navire sans trop de difficulté, aidées par leurs tenues daënares. Elles partageraient une cabine sans luxe et au mobilier sommaire, mais qui du moins proposait deux couchettes distinctes. Une clef et une serrure garantiraient leur intimité. Jusqu’alors, la nausée restait fugace, largement tolérable, et Althéa en profita pour tester le confort du matelas.

***

Tolérable, qu’elle croyait ! Quelques heures plus tard, alors que les moteurs s’étaient mis en marche et que des sons similaires aux cornes de brume s’étaient faits entendre (Althéa avait frôlé l’arrêt cardiaque), toute la bâtisse s’était soudainement ébranlé. Au tangage naturel causé par les vagues s’ajoutait maintenant le terrible mouvement du navire. Althéa s’était précipitée sur le pont, et régurgitait à présent tout le contenu de son estomac par-dessus bord. Elle tentait vainement de se rassurer en mettant son mal-être sur le dos d’un mal de mer supposé plutôt que sur son aversion pour la technologie.

« Zora… j’vais mourir je crois… Quel être sain d’esprit créerait un engin pareil ? »

Quelque part, à quelques mètres de là, un mousse qui s’exerçait aux nœuds pouffa de rire. Althéa s’apprêta à le balancer du mauvais côté de la barrière, mais le commandant en voulut autrement. Il sortit comme de nulle part, telle une apparition divine, et passa ce qui semblait être le savon de sa vie au jeune mousse. Non pas parce qu’il s’était moqué d’une passagère nauséeuse, cela ne l’atteignait probablement pas, mais plutôt pour corriger son évidente paresse. La scène dura plus longtemps que nécessaire, et l’accalmie qui s’ensuivit était tout sauf sereine. Il disparut comme il était apparu, et tout l’équipage sembla soudain très affairé. Le mousse lui-même, tremblant de peur, et la démarche chancelante, chargea précipitamment un des sacs qu’il était chargé d’aller remettre aux cuisines et disparut pour le moment. Althéa, une fois le choc passé, dut faire face à une nouvelle remontée gastrique. L’avantage, c’est que bientôt, elle n’aurait plus rien d’assez consistant dans l’estomac pour vomir.

« Cet homme m’insupporte. Tu vois la suffisance avec laquelle il parle à ses hommes ? C’est un rustre de première, j’ai eu le droit au même comportement alors même qu’il quémandait mon aide ! Tu sais quoi Zora, maintenant qu’on est passé du côté Daënar, il faut qu’on apprenne à se divertir et à laisser de côté les trucs trop diplomatiques. Tu vois le gamin, par exemple. Je parie qu’on peut le retourner contre son capitaine en moins d’un jour. »

Apparence d'Althéa en Daënare:


Dernière édition par Althéa Ley Ka'Ori le Sam 7 Avr - 13:39, édité 4 fois

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Trois nuances d'exécrabilité EmptyMer 20 Déc - 16:24

Certains ressentiraient de l'appréhension en étant sur le point d'embarquer pour un continent sous la coupe de Technologie, cette idole impie si chère aux coeurs des daënars. Ils considéreraient le malaise qu'ils ressentiraient constamment en présence de ces machines bruyantes, véritables insultes aux Architectes. Et ils auraient raison d'un point de vue strictement logique. Pourtant Zora est de bonne humeur, ce matin. La promesse de pouvoir enfin commencer une purification à grande échelle est largement suffisante pour suffire à son bonheur. Depuis quand ne s'est-elle pas sentie aussi bien? A-t-elle seulement ressenti une telle sensation de félicité par le passé? La croisade destinée à ramener ordre et foi en Irydaë commence! Enfin!

Pourtant son enthousiasme prend très vite un coup dans l'aile lorsqu'elle pose le regard sur la silhouette imposante du navire sur lequel elles vont devoir embarquer. Althéa lui tient alors des propos qui ont le don de l'irriter mais également de lui insuffler une forme de crainte. Les my'träns se suicident à bord d'un tel engin? Vraiment? Elle n'a pas réellement envie d'en faire la constatation par elle-même. Mais cette rumeur sonne comme un défi qu'elle entend toutefois relever.
"Nous ne sommes pas de simples My'träns!" relève-t-elle sur un ton qui se veut assuré. "Et si j'en venais malgré tout à envisager un suicide - ce dont je doute! - il serait plutôt du genre collectif!"
Elle coulera ce navire avant de se donner la mort. Mais cela signifierait alors un échec. Et elle n'y a pas droit. Möchlog ne laissera pas leur quête divine se terminer de manière aussi abrupte. Zora ne doute pas que les prochains jours seront déplaisants. Mais ils sont également nécessaires. Bien qu'elle ait considéré l'option, il est impossible de rejoindre Daënastre à la nage. Alors il faudra faire avec... La rouquine se promet toutefois de ne plus laisser Althéa négocier leur prochain moyen de transport.
"Allez!" tente-t-elle de se motiver. "Nous savions que ça ne serait pas facile de toute façon!"
Mais peut-être pas à quel point ce serait déplaisant...

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

La nage est rapidement devenue une option qu'elle aurait préféré, tout compte fait. Elle se demande inlassablement ce qui lui est passé par la tête en montant à bord de ce bateau au nom provocateur. Les bras ballants contre la coque du bastingage, affalée sur ce dernier avec une absence de grâce évidente, Zora est partagée entre une colère noire et le dégoût. Mais la première ne peut guère s'exprimer tant le second est violent, implacable. La rouquine a bien tenté de faire appel aux dons octroyés par Möchlog pour résorber cette nausée omniprésente. Mais il semble impossible de s'en débarrasser.

Alors elle se contente de bouger le moins possible et de relâcher le contenu de son estomac dans l'océan. Au diable la décence ou les apparences. La seule chose qu'elle souhaite en cet instant, c'est retrouver la terre ferme. Et pour l'instant, l'horizon semble entièrement recouvert d'eau. Comme s'il s'amusait à narguer l'impudente qui pensait que rejoindre Daënastre serait une simple formalité. La voix d'Althéa résonne dans son esprit et lui arrache une grimace. Zora lève péniblement le regard vers elle.
"Hérésie!" murmure-t-elle. "C'est de... l'hérésie!"
Si la réponse ne semble guère pertinente au vue de la question, elle exprime cependant bien l'état d'esprit de la rouquine sur le sujet: un daënar ne saurait être sain d'esprit puisque son jugement est altéré par les arguments trompeurs de leur fausse-déité. Tout ce qui naît de leurs mains est perverti, insalubre et immoral. Le fait que ce navire porte les stigmates de cette folie répond à une logique perverse. Et difficilement qualifiable autrement que par le terme qu'elle vient d'employer.

Des éclats de voix la forcent à tourner davantage le regard. Constatant que son champ de vision semble atténué par la nausée, elle se contente alors de poser la joue sur la rambarde pour observer un homme engueuler l'un des hommes d'équipage. Considérant la tenue qu'il porte, il ne peut s'agir que l'un des responsables de cette saloperie flottante. Elle parvient toutefois à trouver un certain réconfort dans cette scène qui a le mérite de se dérouler à portée de son regard. Au contraire de sa camarade...
"Je le trouve plutôt sympathique pour un Daënar, moi..."
Pour un daënar, s'entend. Ne vient-il pas de s'acharner sur un homme de son propre peuple? L'idée qu'un hérétique puisse s'en prendre - ne serait-ce que verbalement - à un autre hérétique lui convient parfaitement. Si seulement ils pouvaient s'entretuer... Cela éviterait bien des ennuis au duo d'élues de Möchlog. La rouquine se penche alors subitement en avant et déverse à nouveau le contenu de son estomac, s'étonnant au passage du nombre de bile que ce dernier peut contenir.

Puis la réalité la rattrape et les mots de la noiraude résonnent à nouveau dans son esprit. Vient-elle tout juste de lui proposer d'abandonner l'exercice de la diplomatie, ce talent dont elle s'est fait la défenseur tout au long de leur collaboration? Est-ce la maladie qui pousse sa camarade à se détourner ainsi de la retenue? Ou a-t-elle enfin compris qu'on ne se montre pas diplomate envers des animaux? Zora, au prix d'un effort surhumain, adresse finalement un sourire amusé à sa comparse.
"Il t'en aura fallu du temps... Retourner ce type contre son supérieur, mmh? Pourquoi pas!" souffle-t-elle avant d'exprimer une certaine crainte. "Mais... on le tuera quand même après, hein?"
Le livre de Zora nous enseigne qu'il n'existe nul plaisir sans mort. La rouquine se voit mal perdre du temps à raisonner ce jeune homme si elle ne peut pas lui ôter la vie à la fin d'un processus qui prend des allures sociale. La rouquine, appâtée par l'odeur du sang qui caresse déjà ses narines, se redresse avant difficulté. Elle tangue un instant au même rythme que le navire avant de se rattraper de sa main gantée contre la paroi métallique d'une des constructions ornant le pont.
"Allez, on va créer une rébellion!"
Et c'est avec une forme d'enthousiasme retrouvé qu'elle se traîne à la suite de la cible qu'Althéa leur a désignée. Le rejoindre est particulièrement difficile, ne serait-ce qu'à cause du temps qu'il lui faut pour progresser le long du bâtiment. Et c'est finalement lorsque le jeune homme ressort des entrailles de ce monstre d'acier qu'elle l'interpelle d'une façon tout à fait inopportune, se plaçant simplement sur son chemin avant de pointer un doigt désapprobateur dans sa direction.
"Toi! Pourquoi te laisses-tu traiter ainsi par ton Maître?" l'accuse-t-elle. "N'as-tu donc aucune fierté? Pourquoi ne vas-tu pas l'égorger séance tenante?"
"Je vous demande pardon?!?"
Les yeux ronds comme des soucoupes de l'intéressé et l'incompréhension dont ils témoignent arrachent un soupir agacée à la rouquine qui se voit mal expliquer les subtilités du bon sens à un abruti pareil. Et à supposer qu'elle veuille faire cet effort, elle ne le pourrait de toute façon pas. Une poussée de nausée la force à courir vers le bastingage et à déverser une nouvelle fois un flot gastrique.
"Althéa! Explique-lui!" s'irrite-t-elle. "C'est ton plan, après tout!"
Si Zora n'est guère capable de diplomatie, il en va de même lorsqu'il s'agit de faire preuve de subtilité...


Dernière édition par Zora Viz'Herei le Mer 20 Déc - 19:18, édité 1 fois

Althéa Ley Ka'Ori
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Trois nuances d'exécrabilité EmptyMer 20 Déc - 19:03
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Althéa se révélait sous un autre jour, un jour comme un solstice en l’honneur de la perfidie. Il fallait admettre que cela lui allait à ravir, la sournoiserie. Etrangement, à partir de l’instant où cet objectif de vengeance avait pris place dans son esprit, son état lui avait soudain paru acceptable, même mieux, tout à fait supportable. Comme si l’enthousiasme psychique impliquait nécessairement un bien-être physique. Rares étaient les témoins d’un sourire si mesquin pour parfaire son regard calculateur, mais ceux-là pouvaient avancer sans mal qu’ils suffisaient tous deux à esquisser la pâleur due à son malaise. L’ivresse alcoolisée ne serait pas arrivée à la cheville de l’euphorie qui stimulait à présent ses sens ! Lorsque Zora se rallia à sa cause, elle atteignit son paroxysme, et elle sourit plus largement encore. Elle en devint presque effrayante d’exécrabilité. A l’égard de sa partenaire de délit, toutefois, elle adopta un ton rassurant, presque cajoleur :

« Evidemment qu’on pourra le tuer, Zora. Je ne voudrais pas t’interdire ce plaisir. Mais seulement à la fin, lorsque nous aurons si bien mené notre affaire que sa mort représentera un soulagement aux yeux de tous. »

Elle tut cependant l’origine de son aversion pour le capitaine. Elle ne voulait pas risquer de révéler qu’elle ne se l’expliquait pas soi-même. Force est de constater que Zora avait raison de l’apprécier, ils partageaient tous trois une mission commune ; terroriser les adeptes de la Technologie. Pourquoi alors ressentait-elle le désir ardent de lui faire manger sa casquette par les narines, et de lui faire lécher ses bottes ? Un jeu de pouvoirs, tout simplement ! Elle était fière, et cet homme-là ne se soumettait qu’à sa propre volonté. Or, de la même façon qu’elle avait souhaité faire plier la jeune Eskarina quelques semaines plus tôt sous le prétexte que sa témérité l’incommodait, elle voulait que ce mécréant éprouve une certaine forme de respect en son endroit. Plus simplement encore, il servirait de bouc émissaire pour sa nausée autant qu’il servirait d’exemple pour tout le peuple Daënar.
Satisfaite de cette conclusion, elle emboita le pas à une Zora plus audacieuse que jamais. Rien de mieux qu’une promesse d’assassinat pour lui redonner un peu le moral ! C’était aussi efficace que d’agiter une banane devant un singe récalcitrant !

La guérisseuse savoura l’assaut sans finesse de Zora sur l’adolescent qui se remettait tout juste de son altercation avec son capitaine. Elle se délecta de sa surprise, puis du refus instinctif qui transparut dans son corps ; le haut de son buste s’était incliné vers l’arrière, et son pied droit avait entrepris un demi-pas vers la droite comme pour se préparer à battre en retraite. Il n’eut pas réellement le temps d’agir, car la rouquine lui faussa aussitôt compagnie pour aller enlacer le bastingage qui lui manquait déjà. Inséparables, ces deux-là. Les yeux au ciel, Althéa protesta contre son hypocrisie :

« C’est mon plan ?! Ah bah tu te dégonfles vite, c’est peu de le dire ! »

Mais quelque part, cela ne la dérangeait pas outre mesure. D’une main rassurante, elle engloba l’épaule du jeune mousse (qui la dépassait bien d’une demi-tête), et l’entraîna avec elle, comme pour l’accompagner dans son travail. A dire vrai, elle usa sans vergogne de sa magie pour mettre le jeune homme dans de bonnes dispositions à son égard. Il se détendit visiblement, alors qu’elle s’efforçait de retirer tout vestige de son accrochage avec son imposant supérieur. Il fallait qu’il en garde les souvenirs, mais pas la terreur, le sentiment d’injustice, mais pas l’épouvante, qu’il conserve le motif de son antipathie, mais pas l’appréhension d’agir.
Ses airs pédants l’auraient insupportée elle-même si elle avait pu s’entendre prendre la parole ;

« Ecoute, petit, mon amie n’a pas soigné la forme, mais dans le fond… je plussoie son avis. Comment veux-tu t’épanouir dans ton métier, qui représente par définition ta raison d’existence, si on t’opprime de la sorte ? Où est l’apprentissage si seule la peur te tétanise, et toute envie de progresser t’abandonne ? »

Le jeune garçon ne semblait convaincu que d’une oreille, l’autre fuyant déjà vers la loyauté passive, solution la plus favorable pour les esprits fragiles. Althéa lui sourit avec bienveillance, et l’aida à soulever puis à déposer un des lourds sacs sur ses épaules. Le garçon parut surpris de lui découvrir une telle vigueur physique, mais elle prenait en réalité source en sa magie. L’effet n’en demeurait pas moins celui escompté ; susciter son admiration et sa sympathie à tout prix, avec ou sans le soutien de sa magie – mais plutôt avec. Elle devait se montrer plus persuasive que l’appel de la hiérarchie établie sur ce vaisseau.

« Comme te nommes-tu, petit ?
- Overton. Thomas Overton.
- Très bien, Thomas. Je vais te dire une chose, et tu en feras ce que bon te semblera. Je ne suis pas là pour te commander, seulement pour te conseiller. Tes supérieurs ne conservent leur statut que dans la mesure où tu leur obéis. Si tu décides de te rebeller, c’est toi qui prend le pouvoir en renversant l’ordre des choses. L’important, c’est de ne pas sombrer dans la solitude, mais au contraire, de rallier les autres victimes de la tyrannie mise en place par ton capitaine. Vous devez agir de concert, c’est ainsi que tu te libéreras de tes entraves. Tu me suis ? A dire vrai, il n’est pas impossible que ce soit même un moyen pour ton commandant de tester ton courage et ton aptitude à unir l’équipage… pour déterminer par exemple, si tu es un élément prometteur pour ta patrie ! »

Le dénommé Overton affichait maintenant un air pensif. Nul doute qu’il lui faudrait du temps pour assimiler ce discours et en faire sa propre opinion, mais il n’est nul gamin réprimé qui ne désirerait pas croire à une si plaisante éventualité. L’ego refoulé est indomptable et s’insinue dans le moindre interstice si l’espoir de s’accomplir existe. Elle doutait en revanche de son courage, mais préférait ne pas la remettrait en question.

« Bien, je t’ai déjà trop retenu… Ça te laissera le temps d’y réfléchir, après tout, c’est à toi de décider de prendre ta vie en main, ou non… Bon courage avec la manutention, Thom.
- Me… Merci. »

Elle avait jeté un regard presque de dédain à la pile de sacs qui patientait docilement à quelques mètres de là. Elle haussa gracieusement les épaules avant de lui administrer un dernier sourire. Là, elle s’en retourna vers son amie qui crachait plus qu’elle ne vomissait le peu de bile que daignait encore produire son estomac. Elle eut un haut-le-cœur à la vue de la substance écœurante, mais elle détourna le regard à temps. Ce fut donc en regardant l’horizon, qui lui semblait plus éloigné que jamais chevauchant cette monotonie sans forme et sans fin qu’était l’océan, qu’elle put se retenir de vomir une minute supplémentaire.

« Je me sens déjà mieux ! Pas sûre qu’il en fasse quelque chose, mais il a l’air assez simplet pour se laisser prendre au jeu ! Je lui fais confiance, moi. (…) Allez, Zora, reprend-toi par Möchlog ! Qu’est-ce qu’on fait ensuite, hein ? Ça ne peut pas être notre seule idée, on a encore cinq jours à tuer ! »

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Trois nuances d'exécrabilité EmptyDim 7 Jan - 14:45

Toute la perversité d'Althéa transparaît dans les propos qu'elle tient à ce Thomas. L'hérétique est visiblement assez stupide pour prendre en considération le poison qui teinte les paroles de la noiraude. Un véritable abruti! Zora, quant à elle, savoure le talent certain de sa comparse lorsqu'il s'agit de manipuler les autres. Et elle ne peut s'empêcher de se questionner: fait-elle de même avec elle? Agit-elle en adéquation avec les désirs de son alliée sans même s'en rendre compte? Sa fierté lui commande de rejeter cette hypothèse. Mais le rationalisme lui intime de ne pas l'écarter. Cette incertitude contribue partiellement à rendre leur relation intéressante. Sans ce mélange de confiance et de défiance, d'amitié et d'inimitié, elle serait sûrement moins intéressante. Moins passionnante?

Elle décoche un regard noir à Althéa lorsque cette dernière lui commande de se reprendre. Et qu'est-ce qu'elle essaie de faire, à son avis? Croit-elle que cracher ses tripes est l'un de ses passes-temps préférés? Elle donnerait n'importe quoi pour ressentir la légèreté qu'elle éprouve sur la terre ferme. Ou même pour fouler de ses pieds un sol stable...
"Si cet hérétique arrive à fomenter une rébellion, je fais définitivement une croix sur le possible intellect des daënars! Tu es une vilaine fille, Althéa!" la complimente-t-elle. "Vraiment vilaine!"
À présent c'est à elle de trouver une activité susceptible de tromper l'ennui de cette traversée. Cinq jours? Jamais ce laps de temps ne lui aura semblé si long. C'est une éternité sur un navire forgé dans l'hérésie comme celui sur lequel elles naviguent. Elle ne tiendra pas! Elle le sent! Il lui faut impérativement organiser une activité susceptible de la détourner des hauts-le-coeur qu'elle ressent. Pourquoi doivent-elles être les seules à souffrir?

Cette simple pensée marque le début d'un raisonnement pervers qui débouche sur une évidence: il n'y a effectivement aucune raison qu'elles subissent ce dont d'autres s'accommodent. Tout le monde doit être malade! On peut dire qu'il s'agit d'une forme de solidarité qu'elle compte bien imposer aux passagers et à l'équipage de ce bateau. Et elle a une idée plutôt précise de la façon d'agir!
"J'ai trop une bonne idée!" glisse-t-elle avec fierté. "On va empoisonner tout le monde! Ça va être génial!"
La simple perspective de voir des poignées de personne cracher du sang sur le pont lui insuffle à nouveau du courage. Son sourire s'accentue, rêveur, tandis qu'elle s'imprègnent de ces visions. Le seul soucis? Et bien si tout le monde meurt, elles vont être bien embêtée: qui fera fonctionner l'hérésie flottante? Tout irritants qu'ils soient, ces daënars doivent rester capable de faire fonctionner les machines qui leur permettront de rejoindre Daënastre. Indirectement, ces dernières contribuent d'ailleurs à la chute prochaine de Technologie. L'ironie de la chose ne manque pas de ravir Zora...
"Viens, on va chercher la cuisine!" l'enjoint-elle en lui saisissant la main et la traîner à sa suite. "Ce ne doit pas être bien compliqué à trouver! Il n'y a qu'à suivre la fumée!"
Le soucis c'est que de la fumée, il y en a partout sur un navire qui fume! À plusieurs reprises elle s'échappe des divers tuyaux qui jalonnent les différents couloirs qu'elles empruntent à l'aveuglette. Le petit manège dur un certain temps, jusqu'à ce que la noirouquine pousse une porte fermée par une sorte de serrure ronde en son centre et qu'il s'agit de tourner pour déverouiller! Hérésie!

Et là, le bruit devient assourdissant! De grandes machines au centre desquelles trônent des flammes emplissent leurs champs de visions tandis qu'une odeur de brûlé assaille leurs narines. Pas une odeur agréable de chaire purifiée, non. Quelque chose de plus dérangeant, nettement plus agressif. Zora referme immédiatement la porte et tourne les talons, tenant toujours la main de sa comparse. Manquerait plus qu'elles se perdent de vu...
"Je peux vous aider?"
La jeune femme se retourne et découvre alors un jeune homme - encore un! - vêtu comme l'hérétique Thomas! Qu'est-ce que c'est que cette mode de s'habiller pareil? Où est la fantaisie de tous ceci? La disciple de Möchlog détaille de la tête au pied l'intervenant avant de hausser les épaules. Oui, il peut aider!
"Nous cherchons les cuisines!"
"Au fond du couloir, puis à droite et une nouvelle fois à gauche! Mais c'est un endroit interdit au public! Vous ne pouvez pas y aller!"
"Ha parce que les femmes sont interdites dans les cuisines, maintenant? Non mais ça va pas bien, oui?!"
Elle décoche au mâle un regard noir: de quel droit ose-t-il interdire aux femmes de faire ce que les hommes peuvent faire, visiblement? Et, plus simplement, comment ose-t-il prétendre l'empêcher d'aller où que ce soit? Non mais ho! La fausse noiraude peste en chemin sur le machisme, les hérétiques et souvent les deux à la fois avant que le duo arrive finalement à destination.

Lorsqu'elles entrent, on leur adresse des regards ronds et suspicieux. Ce qui ne décourage pas pour autant Zora de s'imposer, profitant de la perplexité ambiante pour faire entendre sa voix à la fois mélodieuse et impérieuse. Enfin.. Sûrement plus impérieuse que mélodieuse, à vrai dire...
"Tout le monde dehors! La nourriture est infecte alors nous prenons les choses en main!"
"Vous n'avez pas..."
"TOUT LE MONDE DEHORS, J'AI DIT!"
N'importe quelle personne la connaissant et doué d'un minimum de jugeote éviterait de la contrarier lorsqu'elle est convaincue d'être dans son bon droit. La noirouquine est bien loin d'imaginer que des règles régissent chaque aspect de ce bâtiment militaire et qu'elles s'appliquent évidemment à la bonne marche de la cuisine. Mais les règles n'existent-elles justement pas pour être transgressées? Quel serait leur intérêt, sinon?

Bien loin des considérations propres à la rigueur militaire, donc, Zora se penche en avant et lâche un flot de vomi. Flot aussitôt suivit d'un juron bien senti!

Althéa Ley Ka'Ori
Althéa Ley Ka'Ori
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Trois nuances d'exécrabilité EmptyVen 12 Jan - 18:53
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Etait-ce pure immaturité, ou un désir insatiable de se venger des Daënars ? Une crise de la vingtaine ou les simples représailles des épreuves passées ? Au cours de l’année qui avait précédé leur voyage vers les terres hostiles, elle avait enduré à plusieurs reprises la bêtise de ses ennemis, sur son propre territoire, fallait-il le préciser.

Entre autres, ils avaient réduit à l’esclavage nombre de ses compatriotes, et elle avait été témoin d’un de ces raids malhonnêtes. Même dans le plus grand péril, à savoir le danger imminent de se faire piétiner par un Mogoï, les Daënars privateurs de liberté avaient fait preuve d’une cruauté indicible, même sur une échelle Althéenne. Bien entendu, elle préférait la mettre sur le compte de leur perfidie que sur celui de leur panique d’alors ! Tout prétexte était bon à prendre pour blâmer un Daënar... Par ailleurs, leur exploitation du magilithe en Khurmag était un blasphème autant qu’une catastrophe humaine, nul besoin d’épiloguer sur la question.
Leurs torts se comptaient par milliers, et leur imbécilité était innombrable.

Avec cette kyrielle de méfaits en tête, comment ne pas leur en vouloir au point de leur rendre la pareille, même à petite échelle ? Il leur était donné l’occasion de prendre leur revanche au nom de My’trä, alors si cela impliquait suivre Zora dans son plan d’attaque contestable - dont l’inconvénient majeur était sans hésiter leur manque de discrétion - elle le ferait et avec le chauvini… patriotisme qui la caractérisait ! Pour une fois, elle mettrait de côté son verbe et sa raison, pour se précipiter à sa suite dans les cuisines d’un navire Daënar dont l’équipage n’avait pourtant pas grand-chose à voir avec ses propres revendications. Elle l’écouterait s’époumoner dans sa volonté de mettre dehors le personnel de cuisine, et elle se planterait à ses côtés avec le même regard noir que celui de sa comparse.

    « Bordel, mais expulsez-moi ces bouffonnes d’ici. »


Le cuistot en chef avait jeté un regard plein de dédain à la furie qui se donnait des airs de princesse corroborées d’un pouvoir qu’elle ne possédait pas. Il avait à faire, par la sainte moustache ! Et se laisser enquiquiner par deux crétines n’en faisait pas partie. Un des massifs plongeurs s’exécuta dans l’instant, s’approchant de Zora pour lui saisir le bras. Althéa s’empressa de saisir un récipient vide sur une table voisine qu’elle rejoignit en deux pas afin de régurgiter à nouveau la bile qu’était parvenu à produire son corps depuis sa dernière nausée. La vision de Zora malade avait réanimé en elle les relents de son propre malaise. Quelles fières perturbatrices elles faisaient ! Piètre impression que cette apparition !

L’instant d’après, on les enfermait à double tour dans une salle de permission à en juger par les tables rondes et les quelques paquets de carte rangées à la va-vite en leur centre. Althéa s’essuya la bouche dans son mouchoir, et le glissa dans la poche d’un manteau qui avait été oublié là, avant de s’asseoir presque posément à une des tables. Au préalable, elle se saisit d’un vase sur une commode, et examina le contenu. Ou plutôt, le vide à l’intérieur. Elle avait encore un goût âpre dans la bouche, et elle ignorait si sa nausée était passée. De plus, ce trou noir qu’elle contemplait l’intéressait davantage que la pièce où elle se trouvait contre leur gré.
S’habitueraient-elles jamais à cet infernal périple ? Y’avait-il un moment désigné où le mal-être lié à la technologie les quitterait ? Heureusement, tous les Daënars ne vivaient pas en mer ! Elles auraient bien peiné à leur rendre la vie dure avec aussi peu de crédibilité que lors de leur entrée dans les cuisines.

    « Ça valait le coup de se faire enfermer ! »


Sa voix n’était pas réprobatrice, bien au contraire, elle jubilait. Elle ne prêta pas attention au regard incrédule de sa camarade, et se saisit d’un des paquets de cartes sur la table pour s’occuper les mains avec son contenu. Certaines lui étaient étrangères, mais elle reconnaissait la racine d’un jeu vieux comme le monde, et par extension d’origine my’trän. Elle en jouait une variante dans son enfance. Cette similarité lui déplut, les Daënars ne méritaient pas que leurs loisirs s’apparentent autant à ceux de son peuple. Ne savaient-ils inventer que la Technologie, et rien de plus ? Créer le divertissement était au-delà de leurs moyens ? Elle jeta un œil à Zora, et se résolut à lui expliquer sa joie manifeste.

    « J’ai échangé une herbe de cuisine avec une en ma possession ! Et elle ne fait pas que donner du goût… »


Rien de bien méchant, le but n’était pas de décimer l’équipage, sans quoi elles n’avaient aucune garantie d’arriver à bon port. Non, simplement des maux de tête et des vertiges, et secrètement elle espérait que le commandant de bord serait le premier à se régaler du plat qui inclurait ces quelques herbes exotiques, que ce soit le soir-même ou dans plusieurs jours ! Elle avait hâte d’en constater les effets de ses propres yeux ! Mais quelque part, plus le cuisinier tardait à les mettre dans son menu, moins les Daënars sauraient faire le lien avec les deux parasites qu’elles étaient… On aurait tôt fait de négliger leur irruption des les cuisines dans cinq jours… Althéa eu un sourire satisfait, et ce ravissement nouveau la fit se relever pour se diriger vers la porte. Elle souhaitait trouver un moyen de l’ouvrir de force, l’ennui commençait déjà sa sournoise infiltration.

A sa connaissance, personne n’avait été posté dans le corridor pour les surveiller. Elles étaient des moucherons, pas des dangers publics ! Ils les avaient seulement enfermées temporairement pour les ramener à l’ordre, se convainquit-elle. Aussi elle tira sur la poignée, plus pour déterminer le mécanisme de fermeture que dans l’espoir de l’ouvrir. Le tout paraissait plus que solide, et la frustration joignit ses efforts à ceux de l’ennui pour contaminer sa précédente allégresse. Elle soupira, la main dans les cheveux.

    « Ils vont nous tirer la gueule combien de temps tu crois ? Je n’ai aucune envie de croupir ici éternellement. »

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Trois nuances d'exécrabilité EmptyJeu 18 Jan - 5:40

La porte se referme avec une violence qui ne laisse que très peu de place au doute: elles sont prisonnières de cette petite pièce. Zora se jette aussitôt sur l'accès obstrué avant d'y écraser ses poings avec une rage évoquant celle d'un animal qui découvrant pour la première fois les affres de la captivité. Les coups se multiplient, ponctués de cris rageurs. Mais le sas en acier tient bon alors que les phalanges de la rouquine se teintent de liquide carmin. La mine renfrognée, le regard noir, la fanatique finit par s'adosser contre cette porte qui lui refuse une liberté pour laquelle elle ne devrait pas avoir à lutter.

Quant à Althéa... Si la rouquine se fie à la remarque de sa cadette, cette dernière semble ravie d'être enfermée dans le corps d'acier de ce navire impie. Une constatation qui lui arrache un soupire désabusé. Qui y'a-t-il donc de si excitant? Est-ce que la technologie aurait eu raison du bon sens de la noiraude? S'agit-il des premiers symptômes du poison technologique? Zora lève les yeux au ciel et abandonne l'idée même de comprendre la logique des mots de sa cadette. Elle s'emploie ainsi à résorber les plaies qui maculent ses doigts. Möchlog lui pardonnera. Comme il l'a toujours fait jusqu'à présent.

La fanatique pose à nouveau le regard lorsque sa comparse daigne finalement lui apporter une explication susceptible de justifier son comportement désinvolte. Savoir qu'Althéa a réussi à empoisonner la nourriture lui remet immédiatement du baume au coeur. Elle se fend d'un sourire carnassier: cette expédition dans les entrailles du monstre d'acier n'aura pas été vaine. Mais cette forme de contentement ne suffit pas à effacer les appréhensions inhérentes à la détention. Tout au plus la rend-t-elle plus supportable...
"Ce n'est que justice! Et j'espère qu'ils auront mille fois l'occasion de regretter leur geste!" affirme-t-elle, véhémente. "Même Loud'wig ne s'est pas montré aussi désagréable lorsque j'ai navigué en sa compagnie! Et il a pourtant été un hôte particulièrement exaspérant..."
C'est un doux euphémisme: l'homme a refusé de lui offrir des membres de son équipage en sacrifice. Sans parler du fait qu'il a constamment refusé de la servir en personne lors du repas qu'ils ont partagé ensemble. La rouquine omet toutefois de préciser qu'elle s'est quelque peu invitée d'elle-même à bord du navire du moustachu. Ou encore qu'elle n'a pas été une passagère de tout repos. Mais ce ne sont que des détails, pas vrai? Un vague sourire rêveur s'installe sur les lèvres de la fanatique tandis qu'elle se remémore les moments passés en compagnie de celui qui se présente comme un baron et de sa courtisane, Laura. C'était plutôt amusant, dans le fond. Bien davantage que les quelques jours passés à bord de ce bateau-ci, en tout cas!

Elle se perd dans ses pensées jusqu'à ce qu'Althéa reprenne la parole, la questionnant sur la probable durée de leur incarcération. La rouquine ne sait pas vraiment quoi lui répondre. Aussi opte-t-elle pour un vague haussement d'épaule qui souligne à merveille son manque de connaissances au sujet des lois daënars. Elle imagine qu'elles ne seront pas trop sévèrement punie pour s'être aventurées dans les cuisines. Combien de temps resteront-elles confinées dans cette cabine? Quelques heures? Quelques jours? Est-ce réellement important, dans le fond?
"Ce qui est sûr, c'est que je ne vais pas moisir bien sagement ici en attendant que ces hérétiques daignent nous libérer!" promet-elle. "Ho ça non! Ils vont vite déchanter, tu peux me croire!"
Renouant avec la colère dévorante qu'elle aura tout au plus réussi à mettre de côté quelques instants, Zora se jette une nouvelle fois sur la porte de la cabine. Même si elle doit détruire ce bâtiment pièce par pièce et rejoindre Daënastre à la nage, elle ne restera pas un instant de plus dans ce rôle de captive! C'est tout simplement hors de question!

~~~~~~~~~~

Prostrée dans un coin, les jambes repliées contre elles et entourées de ses bras, la rouquine observe avec une haine farouche cette porte qui reste résolument fermée. Les diverses marques à sa surface témoignent des assauts répétés qu'elle a subie. Mais même la pression exercée par les boucliers de la fanatique ne l'auront pas fait bouger d'un cil. Zora est forcée de le reconnaître: les forgerons daënars sont plutôt efficaces. Mais elle n'abandonne pas pour autant l'idée de remporter ce duel face à ce qui n'est pourtant rien de plus qu'un bout de métal. Le temps de reprendre des forces...

Car à défaut d'avoir pu obtenir gain de cause, la jeune femme s'en est prise au mobilier de la cabine et aux divers objets qu'ils contenaient. Le tout est à présent répandu sur le sol et forme un puzzle difforme qui aura au moins eu l'avantage de calmer les nerfs de la favorite de Möchlog qui s'obstine à garder le silence depuis de longues heures maintenant. L'échec n'est jamais simple à digérer. Fusse-t-il temporaire.

Mais finalement un cliquetis suivi d'un crissement de métal annonce l'arrivée de leurs geôlier. Trois hommes en armes font leur apparition dans l'encadrement de la porte rebelle. Deux d'entres eux restent à l'extérieur tandis que le dernier pénètre dans la cabine avant d'aviser d'un air affligé le capharnaüm qui la caractérise désormais. Zora, de son côté, se redresse et s'étire avec une innocence qui ne lui sied guère.
"Vous expliquerez au capitaine ce qu'il s'est passé ici!" menace-t-il. "Et ça tombe bien: il souhaite justement vous parler!"
"Et bien ce n'est pas trop..."
"Pas vous, Miss Shassdo!" coupe-t-il. "Cette.. invitation s'adresse uniquement à votre amie! Et si j'étais vous je ne serais pas si pressée à l'idée de le rencontrer!"
Les épaules de la rouquine s'affaissent tandis qu'elle prend conscience qu'elle ne pourra pas quitter les lieux pour le moment. Elle décoche un regard d'incompréhension à la noiraude: que peut bien lui vouloir l'hérétique en chef? Pourquoi mérite-t-elle une telle considération alors qu'elle est reléguée au second rôle? Zora observe sa cadette quitter la pièce et la porte se refermer à sa suite. Puis elle décoche un coup de pied dans l'amoncellement d'objets à ses pieds.
"Viz'Herei!" grommelle-t-elle. "Mon nom, c'est Viz'Herei!"
Une remarque qui se perd dans le vide mais qui a au moins l'avantage d'être véridique...

Althéa Ley Ka'Ori
Althéa Ley Ka'Ori
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Trois nuances d'exécrabilité EmptySam 10 Fév - 2:34
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« Loud'wig est charmant, je suis sûre que tu es frustrée qu’il ne t’ait pas laissée tuer un de ses hommes, ou une histoire du même acabit. »

Althéa, pour avoir vérifié le verrouillage de la porte d’elle-même, et en appliquant toute la force que sa magie pouvait lui conférer contre son battant, s’était résolue à l’enfermement. De retour à sa table ronde, elle contemplait la pièce, l’œil hagard. Ils ne pouvaient pas les y emprisonner trop longtemps, sans quoi l’équipage et le petit personnel seraient privés de jeux du soir ! De quoi rendre irascible le plus docile des militaires, avec un peu de chance ! D’autant plus que ces mêmes militaires auraient peut-être goûté aux herbes exotiques de My’trä, et pas moins venimeuses, ou écouté les discours belliqueux du jeune Thomas. La zizanie, elle cherchait la zizanie. Alors que cette pensée effleurait sa conscience, elle soupira longuement, avant de poser sa joue contre son bras posé sur la table ; elle avait fini de détailler le peu de mobilier qui habillait les lieux, et la profondeur de son ennui l’accablait dorénavant. Quelque part, toutefois, l’immobilité soulageait son malaise. Pourquoi avaient-elles commencé une mutinerie, à l’origine ? Par mal-être, par délire ou inconséquence ?

« Moi si, j’vais attendre sagement, marmonna-t-elle. Peut-être que si je dors assez longtemps, je me réveillerai quand on accostera sur ce continent de malheur. »

Sa jeunesse, son puérilisme faisaient surface, comme un témoin discret de son entrée récente dans l’âge adulte. Tant que les difficultés n’étaient pas trop conséquentes et les obstacles trop hauts, elle se battait becs et ongles pour parvenir à ses fins, mais dans une telle situation, la détermination lui semblait bien vaine et infantile. Elle s’abandonna au fatalisme et à l’interminable attente. Seule la patience servait dans de telles circonstances.

Les minutes qui suivirent furent ponctuées par ses soupirs ainsi que par les pulsions colériques de Zora. L’heure qui suivit du calme relativement paisible qui précède le plus ravageur des ouragans. Les bourrasques avant-coureuses s’incarnaient en Zora qui s’acharnait sur les meubles innocents, et le silence de l’accalmie par l’absence de mots échangés. La conversation s’était étouffée d’elle-même. Althéa dissimulait son anxiété derrière un air pensif et une nonchalance feinte, son esprit n’en était pas moins en effusion et tout entièrement tourné vers les non-dits. Jamais elle ne s’était ouvertement opposée à l’autorité érigée. Elle était ballotée entre sa culpabilité, l’ivresse qu’elle lui procurait et la certitude qu’elle n’avait rien fait de préjudiciable. On lui reprocherait des torts très difficilement vérifiables, n’est-ce pas ? On ne l’avait pas vue à l’acte. De plus, elle tenait le capitaine dans sa main, cela ne lui donnait-il pas le statut d’intouchable ?

Moralement parlant peut-être, mais sur le plan physique, le geôlier ne se priva pas de prouver le contraire ! Voyant qu’elle ne réagissait pas à son ordre, et interprétant son hésitation comme un refus d’obtempérer, il lui saisit l’avant-bras et l’entraîna de force à sa suite. Althéa jeta un regard en arrière à la rouquine qui grommelait dans son coin. Elle aurait voulu communiquer avec des gestes, mais elle semblait trop absorbée par sa frustration pour les remarquer. Aussi elle lâcha, non sans son ironie habituelle :

« Sois sage. »

La porte se referma et deux des hommes se détachèrent pour l’emmener le long du corridor tandis que le troisième se postait devant l’entrée. D’un coup sec, elle tenta de se défaire de la poigne de son geôlier, évitant néanmoins d’employer sa magie à cet effet. Elle se savait en position de faiblesse, mais elle n’en conservait pas moins sa dignité. Le ton mordant, elle demanda :

« Vous pensez que je compte m’enfuir comment ? Par la mer ? »

L’homme gronda comme un animal brusqué, mais ne la lâcha pas pour autant. Que diable lui reprochait-on pour que les hommes de main fussent aussi ronchons ? Résignée, la guérisseuse se laissa entraîner sans plus de résistance. Elle conservait son énergie ailleurs ; elle planifiait ses répliques, envisageait les différents scénarios. Et si elle inventait une nouvelle maladie au commandant von Richter ? Assurément, elle ne doutait pas une seconde qu’il s’était rendu compte de sa supercherie, et de sa feinte guérison ! Bien au contraire, elle demeurait persuadée qu’elle bénéficiait de bien des moyens de le dominer à nouveau.

On la jeta plus qu’on ne l’introduisit à l’intérieur de la cabine de commandement, et elle bénit Möchlog que cette main malvenue cessât enfin de lui broyer le bras ! Elle prit dans sa main son épaule endolorie, qu’elle massa brièvement de ses dons pour éteindre la douleur occasionnée, aussi ténue soit-elle. Puis elle replaça les vêtements inconfortables qu’elle portait depuis son embarquement sur le navire. Alors elle fit mine de remarquer la présence de son antagoniste favori.

« Il y avait d’autres moyens de me signifier que je vous manquais. »

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Trois nuances d'exécrabilité EmptyMar 13 Fév - 17:07

Les mains croisées dans le dos, l'allure sévère, Tristan observe l'horizon mouvant. Il garde le silence depuis qu'il a ordonné qu'on lui amène Plumette et s'est perdu dans ses pensées peu après. Les personnes présentes sur le pont de l'Allégeance savent que ce n'est pas bon signe. Mais ils sont rassurés car le courroux du borgne n'est pas dirigé contre eux cette fois-ci. Pourtant ils ne savent pas exactement de quoi il en retourne. Ou, du moins, n'ont connaissance que d'une partie du problème. Car s'il est question de discipline, il est également question de trahison. Le premier fait semble évident. Le second, quant à lui, est relégué au rang des secrets.

La porte blindée s'ouvre dans un grincement métallique et libère l'accès aux gardes ainsi qu'à la noiraude. Von Richter reste toutefois immobile. Tout juste se contente-t-il de glisser son oeil valide sur les nouveaux-arrivants. Plus particulièrement sur la sorcière qui forme le coeur du trio. Il lui faut pourtant de longues secondes avant de se retourner pour leur faire face et adresser un signe de tête à ses hommes qui retournent alors à leurs occupations. Il "invite" ensuite la dévote à le suivre à l'arrière de la passerelle puis, finalement, dans son bureau.

Il balaie les chaises face à ce dernier d'un coup de pied rageur avant de s'installer dans son fauteuil. Il joint alors les mains avec un semblant de maîtrise avant de reprendre son observation de la passagère. Quelques instants plus tard il se retrouve avec une cigarette allumée au coin des lèvres. Les taffes s'accompagnent d'une douleur qu'il espérait pouvoir oublier mais qui est revenu le hanter quelques heures plus tôt. Toutefois c'est d'une voix posée qu'il rompt finalement le silence.
"Mademoiselle Ka'ori..." commence-t-il. "Il me semblait avoir été très clair lorsque nous avons conclu notre accord, non? Mais visiblement certaines choses semblent encore vous échapper! Dès lors il me semblait opportun d'avoir une petite discussion avec vous...!"
Il déploie des trésors de patience pour ne pas simplement sauter à la gorge de la noiraude et la priver de l'air qui emplit ses poumons et lui permet de vivre. Les idées violentes se succèdent dans ses pensées et s'il se demande pourquoi il les ignore, il sait également très bien pourquoi il n'y cède pas. L'homme fait le tour du bureau et vient prendre appui sur ce dernier, face à la sorcière. Il lui saisit alors la mâchoire de sa main droite et la force à relever la tête vers lui.
"Vous êtes à bord d'un navire de la marine daënar, ici! Non sur votre continent de pouilleux bigots!" lui rappelle-t-il en hachant distinctement ses mots. "Ce qui implique un minimum de savoir vivre et surtout un respect stricte des indications! Vous croyez peut-être que... l'aide que vous m'avez apportée vous autorise à prendre certaines libertés avec le règlement? Que cela vous permet, à Mademoiselle Shassdo et vous, de déambuler librement à mon bord et à agir comme si vous étiez sur un bâtiment de plaisance? Que cela vous octroie le droit de remettre en cause mon autorité de tenter pitoyablement de retourner mon équipage contre moi en espérant que je n'en sache rien?"
Ce ne sont pas réellement des questions. Plutôt un simple rappel des faits reprochés. Il la relâche d'un mouvement sec et se retient de lui envoyer son poing dans la figure. Il devrait le faire. Tout comme il devrait la faire exécuter, son hystérique amie et elle. Cette discussion n'a même pas lieu d'être. Il lui suffirait de donner un ordre parfaitement légitime à ses soldats pour qu'ils alignent ces deux sorcières et les envoient rejoindre leurs Architectes adorés. Elles le méritent. Ne serait-ce que pour le mousse qui se fait fouetter à l'instant même à l'avant du vaisseau et les autres désagréments causés à bord.
"Je devrais vous faire fusiller, vous et l'autre tarée!" conclue-t-il avant de revenir prendre place derrière son bureau. "Et c'est d'ailleurs probablement ce que je vais faire! Mais avant cela vous avez des réponses à me fournir, Mademoiselle Plumette! Un accord, par nature, implique que chaque partis remplisse ses engagements."
Il écrase sa clope d'un geste colérique dans le cendrier qui accueille déjà les cadavres de nombre de ses semblables. Sa patience est limitée. Elle est même horriblement malmenée. Se faire avoir comme un bleu procure une sensation des plus désagréables. Une sensation qui déchire l'ego avec la facilité d'une lame s'enfonçant dans la chair. Et avec la même délicatesse, probablement. Le borgne plisse l'oeil en continuant d'observer la sorcière.
"Comment se fait-il que les douleurs soient revenues? Vous deviez me soigner! Me soigner! Je doute fortement que ce mot, à My'trä, ait une signification différente de celle qu'on lui accorde sur Daënastre!" lui fait-il remarquer. "ALORS COMMENT JUSTIFIEZ-VOUS LE FAIT QUE JE RESSENTE ENCORE LES DÉSAGRÉMENTS DE LA MALADIE, FOUTREDIEU?"
Dans son intérêt, il vaut mieux qu'elle évite de lui sortir des salades. Le voici prévenu: elle aime les jeux de dupes. Et il ne se laissera plus avoir par de belles promesses. Aussi douces soient-elles. L'heure des négociations est terminée. Celle des réponses à sonné! Et elles ont tout intérêt à être convaincantes. Et, surtout, justifiables!
"Si vous ne souhaitez pas rencontrer le dieu des poissons je vous conseille de choisir très attentivement les mots que vous allez prononcer maintenant, Mademoiselle Ka'Ori!"
La voici prévenue. Le temps où il acceptait ses sarcasmes est bel et bien révolu. Qu'elle essaie de jouer à la plus maline, pour voir...

Althéa Ley Ka'Ori
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Trois nuances d'exécrabilité EmptyMar 13 Fév - 22:42
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Tristan parut bien insensible à l’esprit de sa remarque. Humour et humeur faisaient mauvais ménage. Althéa le prit comme il se devait, soit comme un mauvais présage quant aux risques qu’elle encourait. Son instinct affuté lui fit parvenir des signaux d’alerte à lui en nouer le ventre plus efficacement que son aversion à la technologie ! Aussi, elle obtempéra sans résistance -bien qu’à contrecœur- à son invitation, laissant avec raison quelques pas d’écart par mesure de sécurité. Mieux valait ne pas marcher dans les pas d’un étalon contrarié.

Elle sursauta néanmoins lorsque le coup de pied furieux bouscula les chaises à portée. Elle en déduisit très justement qu’elle n’était pas invitée à s’asseoir. Non pas qu’il eût témoigné d’une courtoisie particulière jusqu’alors, mais un tel énervement parvint à lui glacer le sang. Elle resta muette, à l’image des coupables conscients de leurs délits qui attendent de déterminer de quel tort on les accuse parmi une multitude de méfaits accomplis. Pour une fois, notez ce jour sur vos calendriers, Althéa réprima son sarcasme lorsqu’il énonça clairement son nom. Si elle montrait ne serait-ce qu’une once de légèreté, elle risquerait de déchaîner une tempête bien trop intimidante pour elle.

« Eclairez-moi… »

Elle avait osé prendre la parole, avec prudence. Toutefois, elle avait fait l’erreur de ne pas s’éclaircir la gorge au préalable, et la sécheresse de son palais, due essentiellement à l’appréhension, avait affaibli sa voix en un murmure faiblard. Tristan l’interpréta sans doute comme un aveu. Contournant son bureau, il s’approcha dangereusement d’elle, et un réflexe de son enfance la fit rentrer la tête dans les épaules en attente d’un coup qui ne vint pas. Le Daënar lui saisit simplement la mâchoire pour forcer son regard et la mettre en face de la fureur qu’elle avait générée. L’idée de se débattre, d’infliger à cette main intrusive des tourments indicibles lui effleura bien l’esprit, mais une certaine forme d’angoisse paralysa ses membres, sa volonté et son souffle. Le jeu de pouvoirs s’inversait, et elle s’y pliait. Se défendre ne ferait qu’ajouter à sa position de force en la confortant dans son rôle de coupable.

Une prise de conscience violente imprégna sa salive d’un goût de solitude et de vulnérabilité. Elle détourna son regard de celui qui imprimait son pouvoir de sa poigne, abaissant ses paupières sur l’ambre de ses yeux. Elle ressentit une vague de soulagement lorsqu’il lui rendit sa liberté physique. Elle le fixa des yeux, sans mot dire, mais si elle ne regrettait rien, elle était pourtant loin d’être sortie d’affaire. Elle n’était qu’une imposture. Elle était l’araignée qui monnayait son autorité, filait son réseau par des pièges et des leurres bien pensés ; il était le lion qui sommait le respect. Elle était le renard qui abaissait les oreilles devant le corbeau qui la toisait de plus haut. Cette perte de légitimité coûta beaucoup à sa fierté, et c’est en puisant dans sa blessure qu’elle trouva l’aplomb nécessaire de protester.

« Vous n’avez aucune preuve de ce que vous avancez. »

Althéa le savait, puisqu’elle s’en était assurée elle-même. Pas de coup d’éclat, pas de colère ni d’ordre auxquels s’adonnait von Richter, non, elle, faisait dans l’insidieux, c’était la marque de fabrique Ley Ka’Ori. L’argument était fragile pour la Raison, indémontable pour la Justice. Néanmoins elle regretta d’avoir brûlé la carte de la présomption d’innocence aussi vite. Tristan n’avait pas tout à fait vidé son sac, et ma foi comment se défendre des accusations qui suivirent ? Une nouvelle imposture, mais elle bien visible ! Une erreur qu’elle ne se pardonnerait pas d’aussi tôt. La guérisseuse resta figée sur place alors qu’il haussait le ton, encaissant sa colère comme elle aurait accueilli celle de Quevven. Elle eut bien un ou deux sursauts, mais elle refusa de baisser le regard. Elle vendrait la peau qu’il menaçait plus chèrement qu’il ne l’espérait. Pour la première fois depuis qu’elle était entrée elle osa prendre l’initiative. Elle s’approcha du bureau pour y aplatir ses paumes, se penchant de façon menaçante vers son interlocuteur. L’affrontement de deux égos.

« Je vous ai soigné, commandant, affirma-t-elle avec froideur. Et vous le savez. Vous avez ressenti la douleur au centuple lorsqu’elle vous a été arrachée. Je n’ai pas été tout à fait honnête, je ne vous ferai pas l’affront de prétendre le contraire, mais je vous ai soigné, au moins partiellement. Le mal que vous portez, il ne s’agit pas d’un simple parasite à éliminer, c’est votre corps, que vous aliénez encore, qu’il faut rétablir. »

Pour illustrer le reproche qu’elle lui faisait d’altérer de lui-même ses poumons, elle saisit le cendrier, le présentant comme pièce à conviction à son bourreau, avant de se redresser pour le fracasser avec violence contre le mur de droite. Il vola une fraction de secondes avant de s’éclater en mille morceaux contre le métal de la paroi, déversant mégots, cendres et éclats de verre sur le sol. Althéa était trop subtile pour s’en prendre directement à ses antagonistes, elle préférait bel et bien la touche théâtrale et perfide des gestes symboliques.

« Vous avez encore besoin de moi. »

Cette dernière phrase avait été jetée précipitamment, couvrant en partie le bruit du verre qui se brise, car elle lisait chez Tristan une colère qui s’abattrait inévitablement sur elle, et à laquelle elle ne pouvait se permettre d’interdire un exutoire. Il ne lui restait plus qu’à prier pour qu’il se rappelle l’euphorie de l’aponie entrevue au cours des précédentes journées.

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Trois nuances d'exécrabilité EmptyJeu 15 Fév - 8:16

Il s'est redressé, les poings en appui sur son bureau et le regard menaçant lorsqu'elle s'est saisie du cendrier aux formes disgracieuses qui trônait entre eux. Et à présent il observe ses débris nimbés de cendres et de cadavres de cigarettes qui jonchent le sol métallique de la pièce. Plus que des vestiges tangibles, c'est plutôt des souvenirs qu'il contemple à présent. Un visage juvénile, aussi adorable qu'irritant, lui revient en mémoire. Le borgne se souvient de l'instant où il a déballé l'objet, du regard de celle qui le lui a offert et des efforts qu'il a dû déployer pour afficher une satisfaction de bon aloi. Davantage encore que le sol, c'est son passé que la noiraude a sali...

Les dents de l'officier se serrent avec une telle force qu'elles menacent d'exploser sous la pression. Il ancre fixement son regard sombre dans celui, ambré, de celle qui vient de commettre l'irréparable. Et il se rend compte qu'il lui a déjà témoigné bien trop de patience. Une patience qu'il ne réserve même pas à ses subalternes les plus méritants. Plumette a réussi à obtenir une forme de tolérance exceptionnelle. Et elle a également réussi l'exploit de bafouer ce privilège en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.

Lorsqu'il se rassoit, il appuie alors sur un petit bouton. Un grincement métallique répond bientôt à sa demande: la porte s'ouvre et libère l'accès à un marin qui adresse au barbu un salut d'usage, restant silencieux jusqu'à ce qu'il reçoive les indications qu'il est venu chercher. Un exemple de discipline dont la sorcière ferait mieux de s'inspirer même si elle n'a pas embrassé la carrière militaire. La rigueur mérite d'entrer dans les vies de chaque être humain de ce monde. Et elle s'en rendra bien assez vite compte, il en est certain.
"Nous allons faire un détour par les îles Aeoloriennes! Ordonnez à la timonerie d'ajuster notre cap en conséquence!" indique-t-il d'une voix neutre. "Transférez également Mademoiselle Shassdo à la prison de bord! Si elle résiste, abattez-la!"
L'ordre est raisonnable, loin d'être discutable. Le duo formé par la sorcière et le borgne se retrouve à nouveau seul dans le bureau. Tristan en profite pour tirer une carte de l'un de ses tiroirs avant de la déplier et l'observer attentivement. Pour un peu, on pourrait penser qu'il a oublié la présence de l'irritante noiraude. Un doute possible qui s'envole néanmoins lorsqu'il indique de l'index lesdites îles à sa passagère récalcitrante.
"Je suis certain que vous trouverez notre nouvelle destination tout à fait fascinante!" reprend-t-il. "Un tas de cailloux habités par quelques crabes et entouré d'algues carnivores. Un vrai lieu de villégiature! Ce n'est pas un endroit rêvé pour le tourisme, d'autant plus qu'il est éloigné de habituelles voies de navigation. Mais qui sait? Vous pourriez peut-être y rencontrer des pirates. Ils seront, j'en suis certain, tout à fait réceptifs à vos promesses foireuses!"
L'endroit est guère propice à la survie. Tout juste est-il doté d'une source d'eau douce et de quoi tromper le vide d'un estomac. Un lieu inhospitalier, donc. Certains jugeraient qu'abandonner des gens à cet endroit est un châtiment pire que la mort. Et en réalité, c'est bien là-dessus que le borgne mise en cet instant. Il joint à nouveau ses mains et passe une nouvelle fois son regard sur la céramique brisée qui gît docilement sur le sol.
"Vous me confrontez à un bien épineux problème, voyez-vous?" lui fait-il remarquer. "Je ne peux pas vraiment me passer de vous pour l'instant. Et pourtant vous n'êtes pas exactement une personne fiable. Je ne peux donc ni vous tuer, ni vous croire. Ce qui ne m'empêche pas de redéfinir les termes d'un accord que vous aurez été à la première à rompre en me cachant la vérité!"
Il n'était pas question d'une guérison partielle. Elle devait en finir avec ce mal qui lui ronge les poumons. Et pourtant elle lui a caché la vérité en espérant - du moins le croit-il - qu'il ne s'en apercevrait pas avant qu'elles soient arrivés à destination. Elle a brisé sa confiance. Et il ne lui offrira pas l'opportunité de se moquer de lui une nouvelle fois. Désormais, c'est lui qui les cartes en main. Pour peu, bien sûr, que la sorcière soit dotée d'un minimum d'instinct de survie.
"Voici donc ce qu'il va se passer, à présent. Vous allez me soigner une nouvelle fois. Durablement, bien entendu!" glisse-t-il sur le ton de l'évidence. "Puis je vais vous abandonner sur ces îles! Je viendrai vous rechercher d'ici quelques temps, lorsque j'aurai eu le temps de me faire examiner par des spécialistes qui - je l'espère pour vous - me confirmeront ma guérison! Je viendrai alors vous rechercher et, si tant est que vous soyez encore vivantes, m'acquitterai de mes propres obligations envers votre accompagnatrice et vous. Fort heureusement pour vous il se trouve que je n'ai qu'une seule parole!"
Et il le regrette profondément en cet instant... Toujours est-il qu'il fera ce qui était convenu. Et puis quand on use du bâton, il convient tout de même de garder une carotte en réserve. Il faut qu'elle garde une certaine forme d'espoir. L'officier tire alors son goliath de l'étui de cuir qui pend sur son flanc et le pointe négligemment en direction de la sorcière. Une manière de lui rappeler que le fait qu'elle soit seule avec lui ne devrait pas l'encourager à user de ses pouvoirs pour chercher à lui causer du tort.
"Mon temps étant assez précieux, je vous... invite à exercer votre art dès maintenant. Et vous prie de croire que malgré votre importance je n'hésiterai pas à vous exploser la cervelle s'il vous venait à l'idée de jouer à la plus maline!" siffle-t-il. "Ce bureau aurait de toute façon besoin d'une nouvelle couche de peinture!"
Le rouge est tout à fait à son goût...

Althéa Ley Ka'Ori
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Trois nuances d'exécrabilité EmptyJeu 15 Fév - 20:07
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L’animosité qu’elle lisait dans son regard ne la rassurait pas. Acculée, inerte, et impuissante, elle lui rendit pourtant sa férocité, amplifiée par son effroi. Car si elle demeurait calme, ses pensées formaient une effervescence anxieuse et désagréable. La situation lui échappait, et ce manque de contrôle elle le devait à ses propres manquements. Plus que sa vie mise en péril, c’était l’échec de ses manigances qu’elle déplorait. Elle lui avait reproché son orgueil, tout en se laissant aveugler par le sien. L’ironie du sort. Elle assista plus qu’elle ne prit part à l’échange qui s’ensuivit, sonnée et bien incapable de trouver un plan viable parmi le fouillis d’idées qui lui traversaient l’esprit.

« Ne la contrariez pas ! s’écria-t-elle subitement à l’adresse du subalterne, entreprenant un pas timide vers la porte. »

Zora avait tout à fait le profil pour "résister", et se "faire abattre". Par sa faute, qui plus est. Elle se moquait bien que des Daënars meurent en voulant l’enfermer, mais elle s’en voudrait qu’un être aussi acharné que son alliée, ayant résisté à tous ses crimes et survécu à ses propres désastres, ne meure à cause de la négligence de sa seule amie. Le sarcasme du capitaine effleura à peine la couche imperméable de ses tympans tant son attention était rivée sur la vie de Zora, et sur la sienne. Il ne lui disait rien qu’elle ne méritât guère d’entendre, mais ne lui apprenait rien d’exploitable non plus. Un plan, Althéa, un plan ! Mais elle restait plantée là, respirant par saccades pour ne pas trahir de halètement, priant de toute sa foi que les battements de son cœur n’étaient pas aussi fort que ce que ses oreilles ne percevaient. Lorsqu’il lui demanda une guérison durable, une idée vit enfin le jour. Il ignorait tout de sa propre maladie, il n’avait pas sa vue d’ensemble de l’affaire. Il ne connaissait rien de la magie, encore moins de ses méthodes.

« Vous ne com… »

Un pas de recul, un hoquet de peur qui s’étouffait dans sa poitrine, et elle blêmit à vue d’œil. Elle n’avait aucune connaissance particulière de l’arsenal technologique, mais elle avait vu de ses propres yeux un modèle similaire au sien teinter d’écarlate la tunique d’une de ses semblables, quelques mois auparavant, et la triste victime s’effondrer morte une seconde tout juste après la retentissante explosion. D’une simple pression sur la gâchette. Voir le tunnel sombre pointé dans sa direction, comme une promesse certaine de mort, eut un effet presque grisant. Paradoxalement, elle ne s’était jamais sentie plus vivante qu’à l’instant où elle voyait la mort au plus près, car cette perspective la rapprochait de son Architecte. Une nouvelle fois l’ironie de son agresseur ne parvint pas à éroder sa détermination. Elle avait deux vies à sauver, et c’était précisément sa spécialité.

La guérisseuse laissa couler un silence pacifiste, une lueur réconfortante dans l’hostilité qui régnait. Lentement, elle attrapa le dossier d’une des chaises malmenées, pour la glisser exactement en face du fauteuil. Elle prit place sur le siège, désormais bien en deçà de son interlocuteur. Un signe que la négociation recommençait, en quelque sorte, et surtout qu’elle n’avait aucune volonté de résister. D’ailleurs elle posa ses mains à plat sur la table, sans jamais quitter le borgne du regard. Elle entrouvrit les lèvres dans un essai à la parole, avant de les clore. En réalité, elle ne voulait pas dissimuler son trouble, car il jouerait en sa faveur. Point de méprise, elle ne le croyait pas capable d’empathie, en revanche elle reconnaissait son besoin de contrôle, et lui témoigner de la crainte le positionnait au-dessus d’elle sur la hiérarchie. Quand bien même cette position serait fictive, il ne s’en délecterait pas moins, espérait-elle.

« Capitaine… commença-t-elle d’une voix dépourvue de son habituelle insolence. Vous pouvez m’accabler de beaucoup de torts, avec raison. Je m’en excuserais si vous n’aviez pas exigé mon honnêteté. »

Althéa peinait pour ignorer le canon pointé dans sa direction, fixant toujours son regard sur le visage de son propriétaire. Sa voix ne tremblait pas, mais elle forçait ses doigts contre le bureau pour qu’ils ne la trahissent pas. Elle connaissait suffisamment l’anatomie humaine, qui plus est la sienne, pour savoir que les mensonges qu’elles s’apprêtaient à proférer se manifesteraient de différentes manières sur son corps.

« Votre mal est ancré dans vos organes. Si je me hasardais à y remédier en une seule fois, j’aurais de meilleurs résultats en arrachant vos poumons directement. Vous voulez vous départir de la douleur, mais certainement pas y perdre la vie. Je peux vous soigner, mais les soins doivent être progressifs. Votre corps produit lui-même des tissus malades, il faut inverser le mécanisme, pas seulement retirer les tissus défectueux. Disons que vous êtes un brasier que je m’efforce d’éteindre ; les flammes sont susceptibles de reprendre à partir de simples charbons ardents, il faut du temps pour que le foyer soit complètement refroidi, et l’on ne peut précipiter les choses sans détruire la structure en place. »

Sans compter qu’il ajoutait du comburant au feu pathologique en persistant dans son vice ! Mais elle se refusa ce reproche, de peur que son égo ne l’encourage à faire taire le parasite qui se permettait de remettre en question son mode de vie. Quelque part, elle était rassurée d’avoir vu une femme mourir par balle auparavant. Elle savait qu’il s’agissait d’une mort rapide. De plus, le fait que la Technologie en personne ne l’abatte en ferait en quelque sorte un martyr. C’est donc avec un aplomb recouvré, et sans trembler, qu’elle présenta sa main, paume ouverte, vers Tristan, pour le laisser établir ce contact dont il se méfiait, tout en le désirant intrinsèquement. Elle ne s’était pas couchée, non, elle avait dévoilé tout son jeu à plat sur la table, et attendait que Tristan lui laisse la main.

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Trois nuances d'exécrabilité EmptyMer 7 Mar - 7:18

Il l'écoute avec l'attention que l'on prête aux serpents. Trop dangereuse pour être sous-estimée, trop précieuse pour être gaspillée, Plume est une ressource dont il peut difficilement se passer. Il aimerait que les choses soient différentes. Qu'elle ne soit qu'une personne parmi tant d'autres. Mais il convient d'user avec parcimonie des choses - ou, en l'occurrence, des gens! - qui brillent par leurs raretés. Ce n'est pas une faveur que Tristan accorde à la sorcière en la laissant vivre: il fait simplement preuve d'un bon sens qu'il espère encore salvateur.

Son doigt se tend davantage sur la gâchette de son arme lorsque la noiraude commence enfin à faire preuve d'un semblant d'humilité. Le borgne s'étonne encore et toujours de la force de persuasion qu'un goliath peut avoir. Le soucis c'est qu'une telle menace est capable d'arracher à peu près n'importe quoi de la bouche de la personne qui se trouve dans son collimateur. Il aimerait que les sentiments qui animent à présent Althéa soient réels. Mais l'expérience lui a appris qu'ils reposent avant tout sur la crainte de mourir.

En d'autres termes: tout les mots qui franchissent le seuil des lèvres de la sorcière ne sont rien de plus que du venin enrobé de sucre. Est-ce que cela atténue pour autant ses effets néfastes? Le capitaine accueille donc la réplique de cette passagère peu commune avec la prudence qu'il convient de lui opposer. Et par un haussement de sourcil qui témoigne aisément d'un scepticisme qu'il ne prend pas la peine de refouler. Ne vient-il pas de condamner ouvertement les faux-semblants offerts par la noiraude? Il ne lui fera pas l'affront d'agir comme elle...

Le diagnostique qui complète se préambule, quant à lui, a au moins l'avantage d'être concis. Le soucis c'est qu'accepter ces explications revient à offrir une deuxième chance à Plume. Mais peut-il décemment ignorer la possibilité qu'elle fasse preuve d'un minimum d'honnêteté cette fois-ci? Le capitaine est tiraillé entre son désir de vivre et la nécessité de punir l'arrogance de la demoiselle. Et s'il sait déjà que l'instinct de survie l'emportera sur sa fierté écornée, il est également conscient qu'il ne peut plus uniquement se fier à la bonne foi de sa prisonnière. Une prisonnière qui, au passage, ne semble plus aussi attrayante qu'elle l'était quelques jours plus tôt sur les quais de Yeronkhii.
"Comme c'est commode..." finit-il par répondre, ton moqueur à l'appui. "Ainsi donc pour guérir il faudrait que je fasse preuve de patience? Que je continue à miser sur vous malgré vos... difficultés à honorer un contrat dont les termes étaient pourtant clairement définis? Et j'imagine que lorsque nous arriverons à Daënastre vous n'aurez toujours pas terminé le processus de guérison et que je devrai espérer que votre sens de l'honneur - une denrée dont vous semblez bien dépourvue! - vous ramène à nouveau vers moi?"
L'idée est grotesque... Il l'envisage pourtant sérieusement tandis que la tentation de faire exploser la cervelle de l'étrangère se fait elle aussi pressante. Il observe alors la main tendue dans sa direction. Longuement. Il offre à Plume un avant-goût du poids de l'attente qu'il aurait à endurer s'il la laissait s'en aller librement. Non, ce choix n'est décidément pas acceptable. Car il existe une chose pire que la mort: l'espoir.

Mais finalement il glisse sa main dans celle de son interlocutrice, s'étonnant presque de la chaleur rassurante que cette dernière dégage. Ce semblant d'étreinte est tout d'abord placé sous le signe d'une douceur dépareillant avec l'animosité ambiante. Puis le contact devient dominateur. La main du borgne semble vouloir un instant écraser la rivale que ses doigts parcouraient quelques instants plus tôt.
"Très bien, sorcière! Je t'offre une dernière chance!" siffle-t-il. "Toutefois elle sera assortie d'une nouvelle condition: tu ne posera pas le moindre petit orteil à Daënastre avant d'avoir respecté les termes de notre accord. Et je te prie de me croire lorsque je te dis que l'attente ne sera pas seulement désagréable pour moi..."
Il ne s'est pas rendu compte qu'il vient de délaisser le vouvoiement pour un tutoiement supposant une quelconque proximité. La politesse est réservée à celles et ceux qui la méritent. Il en va de même pour le respect. Et le moins que l'on puisse dire c'est que la noiraude ne s'en est pas montrée digne. Pourquoi lui ferait-il l'honneur de la traiter avec déférence alors qu'elle aura tout au plus été capable de lui mentir?

Le borgne daigne finalement relâcher la main d'Althéa, la repoussant au passage avec un mépris teinté de dégoût. Il appuie une nouvelle fois sur le bouton servant à rallier les chiens de garde qui surgissent bientôt dans la cabine, armes aux poings et oreilles tendues. Le capitaine leur désigne alors son invitée d'un vague mouvement de la tête.
"Veillez à ce que cette demoiselle n'apparaisse plus dans mon champ de vision jusqu'à ce que nous soyons arrivés à destination!"
Il accompagne cet ordre d'un mouvement nonchalant de la main comme pour accélérer le processus. Tristan se retrouve ainsi bien vite seul avec le silence et ses pensées comme seule compagnie. Une clope finit une nouvelle fois entre ses lèvres. Il l'allume avant d'écraser à de multiples reprises son poing contre son torse récalcitrant. Et lorsqu'il cherche un endroit pour déverser la cendre du poison dans lequel il se noie, il se souvient alors que le présent de sa soeur n'est plus que ruines.

Un sourire s'installe sur ses lèvres tandis qu'une légèreté bien trop rare envahit son esprit: que penserait Kiara de tout ceci?

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Trois nuances d'exécrabilité EmptyVen 9 Mar - 7:49

Les bras croisés sur sa poitrine, le regard oscillant entre les deux hommes qui lui font face, Zora affiche une tête des mauvais jours. Le fait que des infidèles estiment avoir le droit de la priver de sa liberté n'est bien entendu pas étranger à ce constat. Mais ce qui agace prodigieusement la rouquine en cet instant, ce sont bien les deux armes daënars qui sont résolument pointées dans sa direction. Une déclaration de guerre. Ni plus, ni moins. Une menace assortie d'ordres impérieux auxquels elle ne compte évidemment pas se plier. Les suivre? Et puis quoi encore?

La fanatique lâche un reniflement de dédain pour souligner ce qui semble déjà évident aux deux soldats: elle ne leur facilitera pas la tâche. Une évidence que même un enfant de cinq ans serait incapable d'ignorer. Les yeux de la jeune femme suintent le défi. Et le mépris. Seulement deux insectes? C'est... insultant! Est-elle condamnée à subir un tel manque d'égard à Daënastre? Ces gens-là ne sont-ils donc pas capable du plus élémentaire des respects envers une enfant des Architectes?
"Ne me forcez pas à me répéter, Mademoiselle Shassdo!" la prévient l'un des deux insectes. "Nous sommes autorisés à utiliser la force létale si nous l'estimons nécessaire!"
"Peuh!"
Parce qu'ils ont besoin d'une autorisation pour mettre à mort quelqu'un? Comment peuvent-ils laisser le soin à quelqu'un d'autre de choisir pour eux? C'est au mieux la preuve que les esprits daënars sont prédisposés à la servitude. Un constat qui l'irrite et la rassure en même temps. Il ne sera pas bien compliqué de commander à ces imbéciles lorsqu'elle aura tué Technologie. Privés de leur bergère, ils chercheront une nouvelle personne apte à les guider. Un rôle qu'elle endossera avec un certain plaisir...
"Dernier avertissement, Mademoiselle Shassdo!"
"Tu m'appelles encore une fois comme ça et je t'empale sur ton jouet!" siffle-t-elle en désignant du regard l'arme que l'effronté tient entre ses mains. "Crétin de daënar!"
"Et peut-on savoir comment Sa Majesté souhaite être appelée?" ironise le second infidèle.
"Question on ne peut plus pertinente!" relève la rouquine.
Il est rassurant de voir que la bêtise n'est pas omniprésente sur ce navire. Certains de ces daënars semblent pressentir qu'elle mérite davantage de respect que celui qu'on lui accorde actuellement. Peut-être sont-ils de ceux qui peuvent changer? Et accepter la domination de My'trä sur une Irydaë qui a besoin d'une véritable puissance suprême. Ce signe est encourageant. Quoique inutile puisque Zora s'est mise en tête d'exterminer tous ces infidèles dès que l'occasion se présentera.
"Zora Viz'Herei! Mais contentez-vous de m'appeler Impératrice Viz'Herei! Ou éventuellement Impératrice Zora!" explique-t-elle avec le plus grand sérieux. "Autant prendre les bonnes habitudes au plus vite!"
Elle décoche un sourire goguenard qui n'atteint pas ses cibles. Les deux soldats préfèrent visiblement échanger des regards oscillant entre le scepticisme et l'amusement. De quoi pousser la rouquine à froncer les sourcils et à faire un second pas dans leur direction. Peut-être ont-ils besoin d'être... convaincus avec plus de fermeté?

Le fait est qu'elle se prend immédiatement un coup de crosse dans le visage. Elle titube puis s'écrase contre la table, dans son dos. Elle porte ensuite avec un surprise une main à son arcade sourcilière ensanglantée et y découvre un filet de sang qui, lui, n'est pas si surprenant que ça. Zora relève alors un regard haineux - et quelque peu absent - en direction des deux gardes.
"Si Sa Majesté veut bien nous pardonner!"
Un second coup s'abat. Étonnement ce n'est pas la douleur qui lui déchire l'âme mais plutôt l'ironie qui teinte les propos qui précèdent sa chute dans les ténèbres. Comment osent-ils la considérer avec une telle condescendance?

~~~~~~~~~~

Elle émerge de l'inconscience lorsque un cliquetis métallique annonce l'ouverture d'une porte. Elle ouvre lentement les yeux et se plie aux impératifs de la patience en attendant que sa vision s'affine. Après quoi elle découvre une pièce austère, dénuée du moindre mobilier. Ainsi que les chaînes qui entravent ses chevilles et ses poignets. Ou encore Althéa et les gardes dans son dos, sur le seuil de la porte de ce qui semble être une cellule.

Les sentiments sont partagés: à la joie de retrouver sa comparse saine et sauve se mêle la colère de l'avoir suivie sur cette hérésie flottante. Elle est tentée de rejeter l’entièreté de la faute sur la noiraude. Par habitude autant que par fierté. Mais elle se limite finalement à un léger rire désabusé...
"Si tu me dis que tu as passé un agréable moment en compagnie de leur Gharyn..." commence-t-elle avant de relever le regard vers Althéa. "Et bien je crois que je le prendrais plutôt mal!"
Ce qui l'irrite par-dessus tout? Ce n'est pas qu'elle ait été traitée comme une gueuse par les serviteurs de ce dictateur en chef. Ni même d'être privée d'une liberté qu'elle retrouvera de toute façon. Mais plutôt la perspective que la noiraude ait pu passer un moment agréable et bénéficier d'une forme de respect qu'on se refuse obstinément à lui accorder depuis qu'elle est montée à bord de cette vilainie métallique...

Althéa Ley Ka'Ori
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Trois nuances d'exécrabilité EmptySam 7 Avr - 15:35
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Althéa détestait sa suffisance, sa défiance, et parce qu’elle les comprenait toutes deux, elle les haïssait d’autant plus. Elle frémit en percevant le doigt se presser sur la gâchette qui menaçait son existence entière, vingt années de souvenirs et d’expériences en tout genre, et toutes annihilées par l’oubli si elle venait à mourir. Sauf pour ses frères de Khugatsaa. A l’heure où sa vie était menacée, ce n’était plus ses intérêts qu’elle considérait, mais ceux qu’elle abandonnait en mourant. Elle acceptait la mort comme une bénédiction de Möchlog, à l’inverse de la peine de ses proches. De façon contradictoire, la pensée que Zora l’oublierait tout à fait lui parut pleinement insupportable.

La main qui se saisit de la sienne la fit sursauter. Sa prise se raffermit autour de ses doigts fragiles comme la promesse d’un emprisonnement impitoyable. La brutalité de l’armée rivalisait avec la douceur du soigneur. Désemparée, la disciple de Möchlog constata que sa proposition de soins avait été de nouveau acceptée, mais que cela n’avait aucunement changé l’avis de son tortionnaire. Elle irait croupir sur une île pendant qu’il irait s’assurer de sa santé auprès de ses pairs. La perspective de la mort ne lui était plus si désagréable.

Cette poigne dure et écrasante broya sa main autant que sa dignité plusieurs secondes durant. Elle le dévisagea d’un œil froid mais dénué d’audace. Si elle ne brillait pas pour sa prolixité, elle manquait rarement d’éloquence ; mais les mots lui manquaient cruellement. Elle ne prononça donc pas la moindre parole, et décida dans un élan de fierté qu’elle lui servirait le traitement du silence jusqu’à la fin de sa misérable vie, qu’elle tiendrait un jour au creux de sa paume comme il tenait la sienne en cet instant. Tristan retira sa main et un frisson presque matériel hérissa le duvet de son bras pour parcourir son échine. Elle ramena son bras vers elle comme l’eût fait un animal blessé et acculé.

Le regard noir, le dos droit, le menton relevé, elle se redressa avec une lenteur mesurée alors que les subalternes surgissaient dans l’atmosphère confinée de la pièce, éclatant la bulle d’animosité qui les englobait jusqu’alors. Son visage s’adoucit, mais toutes les cellules de son corps lui criaient "vous êtes exécrable ". Après ce hurlement muet, elle tourna les talons et se laissa entraîner par les deux gardes sans caprice.


***


Enchaînés, son corps et sa liberté. Les entraves qu’elles portaient les tenaient debout l’une contre l’autre, et ce supplice passif commençait déjà à se faire sentir dans ses jambes. Pourtant l’extase de retrouver Zora en vie et assez bien en point pour lui faire savoir son mécontentement suffisait à amoindrir son mal. Instinctivement elle sonda le corps de sa comparse de sa magie, consciente qu’elle sentirait son intervention mais n’en ayant réellement cure. Son alliée vivait encore, et par extension, Möchlog veillait toujours sur elles. Il se pouvait que cette mésaventure ne leur arrivât pas pour rien !

    « Agréable, oui : agréable pour lui, lâcha la guérisseuse avec amertume. »


Elle avait parlé sèchement mais une pointe de soulagement rehaussait sa voix de sentiments. Sa détermination lui revenait, la solitude de la cellule n’en était une qu’en apparence, elle ne s’était jamais sentie mieux accompagnée. Un sourire froid couvrit son visage alors qu’elle se jugeait à sa place, dans cette position ô combien inconfortable, dans cet air humide et froid de la cale de ce monstre technologique.

    « J’ai eu peur qu’ils t’exécutent. »


Un constat autant qu’une déclaration s’il en est. Elle ne le répéterait pas deux fois. Elle poussa un soupir et abandonna son inspection du corps de Zora qui paraissait tout à fait en état. Elle chercha à adopter une position plus indulgente pour ses épaules, mais elle était grandement limitée dans ses mouvements. Allaient-ils les laisser croupir là jusqu’aux îles Aéo-chose ? Jusqu’où irait le sadisme de ce capitaine ? Tout d’un coup, elle se rappela que Zora n’était probablement pas au courant de leur petit séjour touristique à venir, et elle s’en serait mordu les doigts -si elle l’avait pu- à l’idée d’entamer la conversation.

    « Zora ? Tu as déjà rêvé de vivre sur une petite île déserte et paradisiaque, coupée du monde et de toute civilisation ?  »


Il ne lui était pas venu de meilleure introduction pour présenter l’horreur qui allait leur tomber sur les épaules. Mais sa sensibilité était exaltée par la présence implicite de la chouette dans son cœur. Elle ne doutait pas de lui, elle était persuadée qu’il ne s’agissait que d’une épreuve de plus. Dans un masochisme presque alarmant elle finissait pas trouver son compte à se trouver dans une telle situation, et surtout de le faire en compagnie de son alliée. Elle parlait de la sorte avec l’entrain du fanatisme exacerbé.

    « Et bien si c'est le cas, Möchlog a décidé d'exaucer ta prière.  »

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Trois nuances d'exécrabilité EmptyMer 18 Avr - 22:33

Un instant, elle repense aux sévices imposés par De Sousa. Un instant bref mais bien trop long... Zora redoute à présent qu'Althéa ait subi un sort similaire entre les griffes de ce barbu arrogant. Elle relève ainsi le regard en direction de sa comparse comme pour l'inviter à étayer davantage le sujet si elle en ressent le besoin. Elle ne pousse toutefois pas le vice jusqu'à exiger des précisions qu'elle n'obtiendrait d'ailleurs sans doute pas. Et puis au vue de la situation dans laquelle elles se trouvent toutes deux, il vaut mieux se réjouir d'être encore en vie que s'offusquer des éventuels désagréments inhérents à la présence des infidèles. Elles savaient que ce ne serait pas facile. Mais la rouquine n'imaginait pas que les soucis puissent se manifester avant même qu'elles aient pu poser le pied sur Daënastre...

La fanatique s'agite et éprouve une nouvelle fois la solidité des chaînes qui retiennent ses poignets captifs. Le seul résultat se manifeste sous la forme d'une nouvelle pointe de douleur qui la pousse à économiser ses forces. Et lorsque Althéa lui avoue avoir eu peur qu'on l'exécute, Zora oublie un bref instant son besoin de liberté. Elle dévisage une nouvelle fois sa partenaire, touchée par cette déclaration mais trop fière pour exprimer son ressenti à ce sujet.
"M'exécuter?" répète-t-elle doucement. "Qu'ils essaient, pour voir..."
Ho si elle doit mourir sur ce navire impie alors elle s'assurera que l'ensemble des âmes qui le peuplent la suive dans son agonie... Mais elle doute que Möchlog les ait guidées jusque-là pour leur retirer ses faveurs lorsqu'elles en ont besoin. Non, d'une manière ou d'une autre, elles survivront. C'est une conviction doublée d'une promesse silencieuse adressée à Althéa. Il faudra simplement faire preuve de patience. Et de beaucoup d'abnégation, sans doute.

Et il se trouve que le curiosité est parfaitement apte à contenir la verve chronique de la rouquine. Aussi lorsque Althéa lui parle d'une île paradisiaque, Zora pense tout d'abord que la noiraude essaie simplement de lui insuffler une vision apaisante. Puis qu'elle souhaite simplement évoquer les jours heureux qui suivront ceux, plus sombres, qui rythment le présent. L'avenir... La fanatique sait que sa vie entière sera consacrée à Irydaë et à Möchlog. L'idée même de se reposer, le concept même de retraite ne lui évoque rien d'autre qu'une douce utopie...

Mais au final elle comprend que sa comparse évoque simplement le futur proche. Il ne s'agit pas d'extrapolations mais bien d'une évidence. Les rouages de l'esprit s'animent et la rouquine comprend alors que d'une manière ou d'une autre, elle posera bel et bien le pied sur une île. Une idée étrangement plaisante mais surtout désagréable. La vie insulaire ne lui évoque rien sinon des ennuis. Et les ennuis, fussent-ils sublimés par un paysage paradisiaque, restent des emmerdes!
"Sur ce coup-là, Möchlog a sans doute fait preuve d'un peu trop de zèle..." finit-elle par répondre sur le ton du regret.
Quant aux reproches qui lui brûlent la langue, elle fait de son mieux pour les ravaler. Zora sait que son amie a fait au mieux et que les choses auraient sans doute été pires si elle s'était retrouvée à la place de la noiraude. Sa comparse est une bien meilleure diplomate. Et même si le résultat de son échange avec l'infidèle en chef de cette hérésie flottante n'est guère satisfaisant, une île paradisiaque vaut sans doute mieux qu'un voyage dans les profondeurs de l'océan...

Non, maintenant plus que jamais, il faut qu'elles restent unies face à l'adversité. Simple question de bon sens.

~~~~~~~~~~

Le ronflement étrange de bateau finit par s'atténuer avant de s'estomper entièrement. Le calme qui le remplace est des plus agréables mais éveille également l'appréhension de la rouquine. Et maintenant? Elle suppose que leur prison sera remplacée par une autre. Que leur cellule nauséabonde se muera en un mirage de liberté. Quel est le pire?

Zora tente une ultime fois de faire céder les chaînes qui la retiennent captive avec un bouclier arcanique. Puis elle éprouve à nouveau la solidité de la coque en exerçant une pression idoine à sa surface. Un exercice voué à l'échec, évidemment. Mais qui lui donne au moins l'impression de lutter pour sa survie. Un sentiment précieux et quelque peu nécessaire à son équilibre.

Quelques instants plus tard la porte s'ouvre en grinçant et libère l'accès aux soldats habituels. Ceux qui les ont privées de liberté et qui ont eu la lourde tâche de les nourrir - ce fut humiliant - pendant la durée de leur séjour en cellule. Les empreintes laissées par les dents de la rouquine sur la joue de l'un des hommes témoignent, entre autre, des ennuis auxquels ils ont été confrontés. Zora a payé le prix d'un tel acte, certes. Ses côtes la font encore souffrir, d'ailleurs. Mais elle ne regrette absolument rien. Et le sourire qui se dessine sur son visage tandis qu'elle pose le regard sur la plaie traduit sans la moindre ambiguïté cet état de fait.

Elle récidive d'ailleurs en crachant sur celui qui vient la détacher. Un coup de crosse lui coupe le souffle et la plie en deux, dans la limite des mouvements autorisés par ses entraves. Son corps souffre mais son esprit, lui, éprouve une certaine forme de satisfaction: si les rôles étaient échangés, Zora aurait déjà ôté la vie de ces avortons.
"Ça fait un bien fou..." glisse-t-elle à Althéa, le souffle encore court.
L'acte est dérisoire mais sa portée est savoureuse. Toujours est-il qu'il n'empêche pas les gardes de les mener sur le pont du navire. La luminosité ambiante aveugle momentanément la fanatique qui plisse alors les yeux pour s'y accoutumer. Elle découvre alors une île ridicule et bien loin de ce qu'elle imaginait. Paradisiaque? Tu parles! L'endroit ressemble à un amoncellement de rochers. Une oeuvre laissée à l'abandon par Delkhii, à peine digne d'être qualifiée de paysage...
"Au moins il y a du soleil!" tente-t-elle de relativiser. "Et il paraît que l'air marin est excellent pour la santé..."
Elle hausse les épaules comme pour narguer les daënars par son indifférence. Une tentative bien vaine et qui est d'ailleurs loin d'exprimer son réel ressentiment. Elle redoute les prochains jours. Davantage encore que ceux qui viennent de s'écouler à bord du vaisseau. Elle connaît assez l'océan pour savoir qu'il est capricieux. Et insuffisamment pour espérer que la survie à bord de cet îlot sera aisée... Le pire dans tout ça? C'est qu'elle est réduite à espérer que le capitaine ducon honorera l'accord dont Althéa lui a parlé...
"On ne va pas trop vous manquer, j'espère?" glisse-t-elle à l'un des soldats. "
"Maintenant que vous le dites... Je m'en voudrais de ne pas profiter des derniers instants en votre compagnie!"
Un nouveau coup de crosse la propulse au sol et crée un sillon sanglant à la surface de sa joue. Sonnée, elle retrouve un semblant d'équilibre tout en perdant l'envie de faire la maline. Cet homme, elle prendra un plaisir tout particulier à le faire souffrir lorsque leurs chemins se recroiseront.
"Vous!" reprend l'homme en désignant Althéa. "Le capitaine souhaite vous parler!"
Une information davantage qu'une demande puisque l'individu ne tarde pas à tirer sur les chaînes d'Althéa pour la mener en direction de la silhouette dressée à l'avant de la monstruosité de métal.

Althéa Ley Ka'Ori
Althéa Ley Ka'Ori
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Trois nuances d'exécrabilité EmptyMar 5 Juin - 16:12
Irys : 507592
Profession : Guérisseuse du Troisième Cercle
My'trän +3 ~ Suhury (femme)
Comme il est étrange de considérer la liberté comme la plus meurtrière des entraves, et la captivité comme le plus salvateurs des états ! Dans l’éternel combat mené par la rassurante sécurité et l’épanouissante liberté, la sauvegarde des deux alliées prenaient un méchant coup au sortir de leur emprisonnement. Pour une fois Althéa aurait sacrifié sa délivrance au profit de sa sûreté. Vivre enchaînée paraissait plus plaisant que de dépérir sur le sable fin - sur le court terme du moins.

Pourtant elle avait cessé de ressentir l’effroi et l’appréhension inhérents à leur supplice à venir. Elle avait plutôt employé son temps et son énergie à répertorier toutes les techniques de survie apprises au cours de ces décennies de vie nomade, mais il fallait se rendre à l’évidence, dix-sept ans dans la neige ne faisait pas d’elle une survivante de Koh Lanta1.

La guérisseuse eut un sourire cruel lorsque Zora partagea sa salive avec leur geôlier, dans le sens peu romantique du terme. Elle-même se laissa entraîner sans résistance, conservant ses forces pour l’instant béni et tant attendu où elle reverrait la face abjecte de son décrété Némésis. Sa prière fut vite exaucée, Möchlog en soit loué ! Il siégeait sur le pont à la manière des empereurs dans leur salle du trône. Elle aussi fut prise d’une soudaine envie de cracher à la figure de quelqu’un. Pour l’heure, Zora employait tout son sarcasme à alléger l’atmosphère, et peut-être à dissimuler sa crainte. Elle tenta un sourire en coin, et rejoignit la danse par égard pour son amie.

    « En tout cas les mouettes seront de meilleure compagnie que ces marins. Socialement et olfactivement parlant. »


Un des gardes tiqua mais il contint son désir de violence, car Zora reprenait la parole. Il devait se rendre à l’évidence, il affectionnait tout particulièrement la rousse, et sa façon de quémander des coups. Il la frappa avec bonheur, sous le regard assassin de la guérisseuse. Il se tourna d’ailleurs vers elle avec une nonchalance certaine pour lui indiquer son rendez-vous avec le capitaine, le tout en employant l’air pompeux et tout à fait irritant des subalternes qui se retrouvent à donner des ordres. Le commandant von Richter souhaitait s’entretenir avec elle. Avait-il changé d’avis, ou espérait-il simplement qu’il le soigne comme convenu ? Comment tirer le meilleur de cette entrevue ? Une montée d’adrénaline lui parcourut les veines. Elle tira sur ses chaînes avec fureur ; quelque part, et bien qu’elle ait désiré le revoir, elle refusait de croiser à nouveau le regard de cet être infernal qui l’avait à sa merci. Lorsqu’elle reprit la parole, son regard était plus froid que le Khoral n’était glacial.

    « Vous vous croyez malins, tout-puissants, et intouchables peut-être. Mais aucun mal que vous nous infligerez n’est incurable. Voyez sa joue comme elle guérit déjà. En revanche, les maux dont on vous maudira décimeront cet équipage un jour ou l’autre, et vous regretterez d’avoir été assez ignorant pour porter la main sur elle. »


Sa haine s’adressait davantage au capitaine von Richter, pourtant absent de son entourage immédiat, qu’à son imbécile de sous-fifre fervent des coups de crosse. Affecté par son ton féroce plutôt que la signification de ses mots (auxquels il n’accordait sans doute aucun crédit en l’état), il tenta de lui asséner un énième coup. Mais Althéa se tenait prête à riposter ; elle matérialisa un bouclier devant elle pour arrêter l’arme, et inversa sa course en lançant le bouclier dans sa direction. Le fusil suivit le mouvement du halo doré, et percuta le garde au niveau du plexus -soit à la hauteur du visage d’Althéa, pour lequel il était initialement destiné.

Plié en deux par la violence de cette rencontre charnelle entre son arme et sa poitrine, le garde lâcha les liens, et les bras de la chevêche retombèrent sans vie, presque dociles contre son ventre. D’ailleurs elle ne fit aucun geste de rébellion, et le second garde se retrouva pantois devant la fugacité de sa révolte. Il ouvrit la bouche de stupeur, puis demanda à un militaire en faction de prendre sa place auprès de Zora. Moins impétueux que son camarade, et quelque peu apeuré par tout ce qui touchait de près ou de loin à la sorcellerie, il se saisit simplement des chaînes pour l’amener lui-même au capitaine, tandis que celui à terre jurait de manière peu élégante, insultant la My’trän de noms faisant preuve d’une originalité remarquable pour l’oreille inaccoutumée aux beuveries militaires.

La guérisseuse se laissa guider jusqu’au maître du navire qu’elle avait d’ores et déjà repéré, et qui elle l’espérait, n’avait rien raté de la scène. Ce n’était que les prémices d’une vengeance plus grande encore à venir.  Après tout, il ne s’agissait pour l’instant que de légitime défense, et c’est presque avec obéissance et repentance qu’elle se planta devant lui, le regard empli d’une douceur dont elle ne soupçonnait pas l’existence. Son ton quant à lui se parait d’une servilité aberrante.

    « Mon capitaine, vous désiriez me voir ? »


Tout ceci n’était qu’un jeu, ils le savaient tous deux. Elle avait lu dans son attitude la même arrogance que la sienne, la même fièvre pour le contrôle et un sadisme à toute épreuve identique à sa propre férocité. Elle pencha la tête imperceptiblement comme pour mieux capter sa réponse. Elle ignorait comment l’atteindre dans la situation qui était la sienne, mais elle vendrait sa peau chèrement. Ses quintes de toux sonnaient comme une mélodie à ses oreilles, une promesse de son trépas qu’elle s’apprêtait à retarder de quelques mois tout au plus.

    « Je suis navrée que Möchlog ait décidé d’écourter votre vie de la sorte. Et également attristée que vous refusiez que son émissaire ne vous soigne complètement. Vous acceptez un sursis de vie, plutôt que d’opter pour une vie entière. Il n’est pas trop tard pour faire le choix logique, quand bien même votre méfiance à mon égard est infinie. Vous savez qu’en m’exilant sur cette île vous exilez votre espérance de vivre. »


La guérisseuse parlait dans un murmure enroué, comme si elle était dotée de la voix la sagesse en personne. A vrai dire, elle savait son raisonnement aussi inéluctable que sa fierté à lui n’était transcendante. Ils étaient dans une impasse, deux condamnés trop imbéciles pour s’allier et se sauver mutuellement. Elle lui présenta ses paumes pour que commencent les soins promis, car si son discours était piquant, sa résignation était réelle. Il lui fallait conserver sa seule échappatoire un tant soit peu fiable : qu’il revienne les chercher d’ici quelques semaines.

    « J’ai accepté d’améliorer votre état, mais la rechute sera inévitable. Si je suis morte d’ici-là, vous mourrez également. Est-ce un risque que vous êtes prêt à encourir ? »

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Trois nuances d'exécrabilité EmptySam 30 Juin - 11:55

Il est aisé de faire preuve d'effronterie losrque la menace d'une punition ou sa concrétisation semble encore lointaine. Tristan a vu nombre de marins perdre de leur superbe en découvrant le fouet du maître d'équipage. C'est une réaction parfaitement humaine, sans aucun doute. Comme s'il fallait que l'objet de la crainte se matérialise sous les yeux des gens pour qu'ils soient enfin capables de refouler l'arrogance ou l'insolence. Ce comportement, il le connaît que trop bien. Mais il ne s'attendait pas à ce que la sorcière soit capable de l'exprimer.

Le doute l'assaille un bref instant tandis qu'il croise son regard. Ne devrait-il pas faire preuve de clémence envers cette étrangère? Les libertés qu'elle a prises avec son amie, bien que parfaitement irritantes, trahissent peut-être une simple méconnaissance des règles militaires daënars. Il observe alors l'île abandonnée comme pour y trouver une certaine pertinence susceptible de conforter son choix. Et finalement il se résout à concrétiser la sentence prononcée. Il est peut-être le seul maître à bord mais il ne peut pas se permettre de se montrer hésitant. Ses hommes attendent une punition exemplaire. La leur refuser reviendrait à négliger le sang et la sueur qu'ils ont offert à la sacro-sainte discipline.
"Oui, je serais un hôte bien désastreux si je vous abandonnais sur cette île sans prendre la peine de vous souhaiter un bon séjour!"
Il écoute ensuite les regrets qu'elle exprime avec un altruisme qu'il ne soupçonnait pas. L'expression d'une réalité ou d'une simple manoeuvre pour se soustraire à ces vacances forcées? Difficile à dire. Mais la question n'est pas là de toute façon. Elle n'échappera pas à son sort. Tout comme il n'échappera pas à son devoir qui lui impose d'appliquer les sanctions décidées en première instance. L'un et l'autre sont prisonniers des circonstances.
"Il n'est pas question de ce que vous souhaitez ou de ce que je souhaite, Mademoiselle Plume! Je me prive à regret de vos services, sachez-le! Mais je n'ai guère le choix! Vous vous êtes bien gardée de me le laisser..." lui rappelle-t-il. "Faites contre mauvais fortune bon coeur, voulez-vous? Je ne vous exile pas! Je vous... offre des vacances!"
Peut-être que présenter les choses ainsi adoucira quelque peu ses craintes ou son amertume. Tout comme il s'accroche lui aussi à la promesse de la revoir vivante lorsqu'elle reviendra. L'officier détourne son regard pour dévisager la rouquine. Il n'a pas eu l'occasion de lui parler. Et il ne le regrette guère, à vrai dire. Il se fiche pas mal de la camarade de la noiraude. Tout son intérêt est inexorablement capté par Plume. Et plus particulièrement sur ses talents étranges et l'échappatoire qu'ils symbolisent.

Il se masse brièvement la poitrine, plus machinalement que parce qu'il ressent une gêne à son niveau. Il fait ensuite un signe de tête à un groupe de matelots. Ils s'emploient rapidement à mettre à l'eau un canot de sauvetage. Il pensait d'abord les balancer par dessus bord. Mais un peu de courtoisie ne peut guère faire de mal. Après tout ces deux sorcières sont des demoiselles. Il s'agit de les traiter avec un certain égard. Il doute cependant que cela suffise à les apaiser.
"Vous n'aurez pas le temps de mourir si vous vous montrez prudentes!" la rassure-t-il. "La mer est une formidable source de nourriture et vous vous montrerez assez habile pour l'exploiter, j'en suis certain. Et puis vous trouverez bien le moyen de composer avec la température. Vous et votre amie m'avez donné assez de fil retordre pour que je sois certain d'une chose: vous survivrez!"
Il l'invite alors à rejoindre la petite embarcation d'un geste du bras tandis que la furie rousse est balancée avec beaucoup moins de ménagement à son bord. Puis Tristan observe l'espoir incarnée par la jeune noiraude poser pied à terre sur ce rocher inhospitalier. Oui, il espère de tout coeur qu'elle survivra. Et qu'il tiendra assez longtemps pour la revoir. Ils pourront alors vraiment apprendre à se connaître.

L'homme retourne ensuite dans sa cabine après avoir indiqué le nouveau cap à suivre à la navigation. À chaque jour suffit sa peine...

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