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Chroniques d'Irydaë
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 Le linceul de la vie est le berceau de la mort

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linceul - Le linceul de la vie est le berceau de la mort EmptySam 9 Juin - 10:05

Trouver l'endroit ne fut guère aisé. Un doux euphémisme si l'on considère que cela fait maintenant plus d'une semaine qu'elle arpente les montagnes à la recherche de la nécromancienne évoquée par Möchlog. Suivre les signes divins s'est révélé plus compliqué que ce qu'elle imaginait. Le climat ingrat et les difficultés imposées par un terrain aussi sauvage que celui-ci se sont fait un devoir de ralentir sa progression. À tel point que la rouquine s'est demandée plusieurs fois si elle allait à nouveau se retrouver au coeur du Khoral. L'expérience précédente, vécue aux côtés d'Althéa, ne lui laisse pas un souvenir particulièrement joyeux. Et forcément, la perspective de remettre ça n'est pas pour la séduire.

Néanmoins elle n'a jamais douté. Sa rencontre avec la divine Chouette a effacé toutes ses craintes. À présent certaine de suivre la voie que le dieu souhaite la voir emprunter, Zora n'a pas ménagé ses efforts pour lui donner satisfaction. L'état de ses vêtements et les diverses coupures ou bleus qui maculent son corps peuvent d'ailleurs témoigner de sa ténacité. Autrefois, elle n'aurait pas osé imaginer porter de tels traces d'impureté. Aujourd'hui elle sait qu'elle n'existe pas pour sublimer la vie mais pour servir la mort. Une mort devant laquelle tous sont égaux. Les distinctions du passé n'ont plus le moindre sens. Et si elle a eu du mal à accepter cette idée les premiers temps, lorsqu'elle s'est à nouveau retrouvée seule, elle considère aujourd'hui sa pertinence.

Toujours est-il que c'est seulement maintenant qu'elle est arrivée à destination qu'elle s'autorise à faire disparaître les traces qui témoignent de ce difficile voyage. Elle frissonne lorsque le vent frais caresse sa nuque. Il n'efface pourtant pas sa satisfaction. Elle sait qu'elle vient tout juste de réussir la première épreuve et même si le chemin sera encore long, elle a des raisons de se réjouir. Aujourd'hui un pan entier de sa vie s'efface au profit d'un avenir empli de promesses. N'a-t-elle pas le droit de savourer cet instant à sa juste valeur?

Elle s'avance finalement à travers une plaine nichée entre deux massives montagnes. Un semblant de paradis si l'on considère l'absence flagrante de végétation dans les environs. Et à chacun de ses pas, elle s'étonne davantage du décor qui s'offre docilement à sa curiosité. Des fleurs? ici? Et que dire de la charmante cabane qu'elles ceinturent? Cette vision est bien différente des attentes de la rouquine. Elle imaginait une nécropole datant des âges anciens, aussi froide qu'humide. À un endroit évoquant la mort dans toute sa beauté. Non à un paysage que certains pourraient qualifier d'idyllique pour peu qu'on le compare au reste de la région dévastée de Khurmag...
"Je m'appelle Zora Viz'Herei!" se présente-t-elle d'une voix qu'elle espère suffisamment audible après avoir toqué à la porte. "Möchlog m'a désignée comme votre apprentie!"
Elle suppose qu'elle n'a guère besoin d'en dire plus. Elle doute néanmoins que sa présence soit passée inaperçue et que la personne qui se trouve dans la cabane soit surprise par son arrivée. La Chouette l'aura probablement prévenue d'une manière ou d'une autre. Impression qui se confirme lorsque des bruits de pas, dans son dos, attirent son attention. Zora se retrouve alors nez à nez avec des armes pointées dans sa direction. Et les Éveillés qui les manient. Un nouveau frisson remonte le long de son échine. Comment se sont-ils glissés si aisément dans son dos? A-t-elle fait preuve d'un tel relâchement coupable?

Les morts qui arpentent ce sol ampli de vie végétale offrent un spectacle pour le moins étrange. Suffisamment pour faire naître certaines interrogations dans les pensées de la fanatique. Et pourtant elle voit en eux une promesse des plus encourageantes: elle aussi, dans un futur proche, sera capable de les soumettre à sa volonté. Elle convoite ardemment cette magie réprouvée. Et elle l'obtiendra d'une manière ou d'une autre. Peu importe le prix qu'elle devra payer pour arriver à ses fins. Elle sacrifierait jusqu'à son âme s'il le fallait!

Peu à peu, elle en vient à se demander si les cadavres qui forment à présent une barrière autours d'elle n'incarnent pas la deuxième épreuve. Doit-elle les vaincre pour gagner le droit de rencontrer le Nécromancienne? Le regard de la fanatique s'assombrit. Ce combat lui semble inégal. Ce qui ne l'empêche pas de se préparer à dresser un bouclier de sa main gauche tandis que la droite se saisit de sa modeste faux.

Devant elle, un rempart de chairs mortes qui la sépare de la liberté. Dans son dos, une porte qui tarde bien trop à s'ouvrir. Qu'est-elle sensée faire? Attaquer la première ne lui semble pas une bonne idée. La personne appelée à lui enseigner les subtilités de la mort n'apprécierait peut-être pas un tel affront. Et pourtant les options semblent s'amenuiser au fur et à mesure que les secondes s'écoulent...


Dernière édition par Zora Viz'Herei le Dim 5 Aoû - 14:02, édité 1 fois

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linceul - Le linceul de la vie est le berceau de la mort EmptySam 9 Juin - 13:14
Voilà bien des décennies maintenant que Vithis s’était exilée dans cet endroit reculé au sein des montagnes de Khurmag. Depuis si longtemps que le compte même des ans s’était perdu avec nombres de ses souvenirs. Son art constituait toute sa vie et avait demandé nombres de sacrifices afin de le perfectionner, de le mener à un niveau rarement égalé… Et pour cause… Cette facette du don octroyé par la divine Chouette était rarement acceptée. Jugée comme malsaine, contre nature ou tout autre jugement regrettable pour ceux ayant reçu ce fameux don méconnu et controversé, même par les propres héritiers de Möchlog. La vie, la mort constituaient un cycle perpétuel que la nécromancie perturbait grandement donnant à ses pratiquant une réputation de gardien de cimetière habitant dans quelque ossuaires sordides… Ils avaient pourtant bien tort ces incultes de croire que la mort pouvait prendre le dessus sur la vie alors que les deux ne pouvaient être qu’indissociables. Mais cela, seuls les pratiquants de cette magie si particulière en avaient pleinement conscience...

La solitude allait donc bien souvent de paire avec cette discipline, plaçant ces mages dans une catégorie bien différente des autres enfants de la Chouette… Enfin, solitude était un bien grand mot, puisque notre vieille magicienne ne vivait certainement pas seule dans ce domaine. Vithis pouvait compter sur ses fidèles éveillés, même si ceux-ci se faisaient de moins en moins nombreux avec le temps. Et puis...il y avait aussi ses chouettes Khoë et Yhöe, un couple soudé qui lui servaient autant d’animaux de compagnie que de ressource quant à la pratique de sa magie.

Ce jour-là, la vieille femme, passablement sénile, se trouvait occupée à la confection de ses fameuses lotions. Il lui fallait gagner sa vie et la revente de celle-ci lui permettait au moins de se nourrir d’autre chose que de baie ou de gibier rapporté par son chasseur éveillé. Autant dire qu'ainsi afférée à sa tâche, Vithis n’attendait personne et fut d’ailleurs bien surprise d’entendre quelqu’un frapper à la porte de sa maison.

-Je m'appelle Zora Viz'Herei! perça une petite voix, sacrément agaçante qui lui arracha un grincement de dents nerveux. "Möchlog m'a désignée comme votre apprentie!

Vithis affectionnait le calme et le silence et supportait bien mal la tonalité bien trop aiguë de la voix de l’intruse. S’appuyant sur sa canne, la nécromancienne se dirigea jusqu’à son unique fenêtre afin de se rendre compte de ses propres yeux de l’apparence de cette insolente jeune fille. Elle la trouva face à quatre de ses éveillés. Ceux-ci avaient pour habitude de laisser entrer les “invités” avant de les tenir en joug le temps eux de savoir ce que leur maîtresse comptait en faire.

-Je ne prends pas d’apprentis, répondit l’ancienne sans prendre la peine d’ouvrir la porte. Retourne d’où tu viens, gamine, je ne suis pas d’humeur à jouer les nourrices et certainement pas à torcher tes jolies p’tites fesses de rouquine.

Pourquoi la divine Chouette lui aurait envoyé cette créature ? Par pure divagation, sans doute… Elle était trop jeune pour être réellement capable de comprendre ce qu’elle devrait abandonner pour pouvoir espérer maîtriser cette magie-là… Et puis, quand bien même, la vieille ne voulait décidément pas d’apprentis, elle n’en avait certainement pas la patience.

Peu désireuse de lui apporter plus d’attention que nécessaire, la magicienne s’en retourna à ses plantes afin de reprendre sa tâche là où elle l’avait laissé… Un hululement la força à relever la tête sur ses chouettes posées sur leur perchoir habituel. Surprise par cet éveil soudain de leur part, Vithis les observa avec attention. L’une comme l’autre semblaient la fixer d’un bien étrange regard…

-Et bien quoi ? les interrogea la magicienne en désignant la porte du bout de son hachoir. Vous n'espérez tout de même pas que j’accepte de prendre cette gamine comme apprentis ? Pourquoi Möchlog me l’aurait envoyé, hein ? Z’avez reçu un message vous ? Pas moi… Alors laissez-moi travailler !

Se saisissant d’une nouvelle botte de tige, Vithis les posa nerveusement sur la planche avant de commencer à les tronçonner en minuscules morceaux. Un nouveau hululement l’interrompit brusquement, celui-ci lui sembla plus fort que le précédent, si bien que la magicienne ressentit une certaine insistance de la part d'Yhöe, la plus silencieuse des deux… Divagation due à la sénilité qui commençait à dévorer peu à peu son vieux cerveau ou signe divin ? La nécromancienne ne savait pas vraiment…Néanmoins, elle commençait à douter…

Résignée, la vieille femme reposa son hachoir avant de s’essuyer les mains sur son tablier.

-D’accord, d’accord. Voyons d’abord si elle dit vrai... déclara-t-elle en se dirigeant vers ses étagères poussiéreuses.

Aucune de ces fioles ne comprenait d’étiquette indiquant leur composition, néanmoins, en tant qu’experte en la matière, Vithis n’avait besoin d’aucune autre indication que la couleur du liquide… Dissimulée derrière les autres, la minuscule bouteille se tenait là, arborant une magnifique teinte écarlate, presque semblable à la chevelure de la gamine. La magicienne s’en saisit avant de se diriger vers la porte et de l’ouvrir brusquement.

-Entre, bois ça, mais surtout ferme-là, grogna-t-elle en lui tendant la fiole.

Spoiler:

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linceul - Le linceul de la vie est le berceau de la mort EmptySam 30 Juin - 10:27

Elle ne s'était pas attendue à un accueil particulièrement chaleureux. Les nécromanciens sont des personnes sombres, probablement austères, qui ne goûtent que peu au plaisir de la vie. Du moins est-ce ainsi qu'elle s'est imaginée, de longues années durant, ces mages parias. L'image est largement renforcée par la croyance populaire. Mais Zora était loin d'imaginer qu'elle serait confrontée à un refus. Elle reste donc interdite tandis qu'elle observe le visage de la vieille s'éloigner de la fenêtre, oscillant entre le désir de croire qu'elle est victime d'une plaisanterie de mauvais goût et l'envie de livrer la chaumière - et son occupante - aux flammes. Mais la présence des cadavres dans son dos refroidissent bien vite les ardeurs de la rouquine et la poussent à envisager une approche plus prudente.

La patience n'étant pas son fort, les demi-mesures ne faisant guère partie de son vocabulaire, la fanatique se contente donc du silence pour l'instant. Tout au plus se contente-t-elle d'exprimer son agacement à travers ses poings serrés et ses sourcils froncés. Comment cette nécromancienne ose-t-elle dénigrer ainsi la volonté de Möchlog? Comment a-t-elle pu obtenir des pouvoirs aussi puissants en préférant suivre ses propres désirs plutôt que ceux de l'Architecte. La jeune femme plisse les yeux tandis qu'elle cherche un indice venant conforter le fruit de son intuition. Et parvient à la conclusion qu'il s'agit probablement d'un test. Une idée aussi saugrenue que désagréable lui vient alors à l'esprit et la pousse à quitter son éphémère retenue.
"C'est une épreuve, c'est ça? S'il faut camper pendant deux mois devant votre porte pour vous prouver ma détermination à apprendre, je le ferai!" assure-t-elle. "Mais nous gagnerions toutes les deux un temps précieux en passant directement à la prochaine étape!"
D'autant plus que le temps pourrait justement faire défaut à la vieille, justement. Difficile d'évaluer son âge ou sa condition physique puisque qu'elle ne l'a que vaguement vue. Mais elle n'a pas fait tout ce chemin pour voir la maîtresse désignée par Möchlog mourir au beau milieu de sa formation. Ho ça non! Guidée par cette crainte, elle s'apprête alors à marteler la porte de la chaumière jusqu'à ce que la nécromancienne daigne considérer sa demande.

Elle marque néanmoins une pause lorsqu'elle croit entendre les bribes d'une discussion dont la teneur lui échappe. La fanatique tend alors l'oreille dans l'espoir d'en saisir les subtilités. Mais elle n'entend pas le timbre d'une autre voix. Une autre crainte l'assaille à présent: et si la vieille était folle? Non... Möchlog ne l'aurait pas envoyée chez une personne dénuée de raison. Cela semble improbable. Et trop vicieux, aussi. N'est-elle pas Sa favorite? Pourquoi lui infligerait-Il ça?

Bien décidée à avoir le fin mot de l'histoire, Zora lève une nouvelle fois le poing. Mais le bruit d'une serrure annonçant l'ouverture de la porte rend le geste bien vite caduque. Partagée entre le scepticisme et la surprise, la rouquine garde à nouveau le silence. L'autre prend les devant et l'invite - ou plutôt, lui ordonne - d'entrer, de continuer à se taire et de boire le contenu pour le moins douteux d'une fiole.

La disciple de la Chouette observe le liquide sans parvenir à l'identifier. Elle retire alors le bouchon de liège pour en humer le contenu avant de l'écarter vivement de son nez. La violence de la flagrance ne lui dit rien qui vaille. Et de toute façon elle n'est pas assez stupide pour boire aveuglément ce que la vieille lui a tendue. Elle n'a peut-être pas vu autant de printemps qu'elle mais elle n'est pas stupide pour autant.
"Mais bien sûr! Et ensuite j'irai rejoindre les Éveillés qui gardent votre demeure?" s'enquit-elle avec son insolence naturelle. "Je suppose qu'à eux aussi vous leur avez demandé de la boucler et de boire bien docilement votre poison?"
Elle a bien dû trouver leurs cadavres quelque part. Et vu l'âge ou encore la canne de l'intéressée qui trahit une difficulté à se déplacer, Zora suppose qu'elle ne gambade pas dans les montagnes à la recherche de chair fraîche. Non, quelque chose cloche! Et même si elle désire ardemment posséder les dons de cette femme, elle est en revanche fort peu séduite par la perspective de finir en bête gardienne de maison. Si elle considère l'accueil qui lui a été réservé, penser que la nécromancienne cherche à l'empoisonner n'est pas scandaleux.
"Je ne boirai pas ce truc avant de savoir ce qu'il contient et je ne quitterai pas les lieux avant d'avoir obtenu ce que je suis venue chercher!" promet-elle. "Vous et moi servons Möchlog! Mais nous n'avons pas besoin de bien nous entendre pour autant!"
Et elle illustre d'ailleurs cet évidence en déposant sur un meuble à ses côtés la fiole litigieuse en question avant de croiser les bras d'un air décidé. Elle ne sera pas le jouet de cette Vithis. C'est hors de question!

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linceul - Le linceul de la vie est le berceau de la mort EmptyMar 3 Juil - 18:30
Lèvres légèrement pincées, la vieille nécromancienne observait celle qui se revendiquait pourtant comme son apprentie directement désignée par Möchlog tout en se demandant ce que l’Architecte pouvait bien lui trouver de particulier. À peine eut-elle pénétrée dans la cabane sous l’invitation directe et exceptionnelle de Vithis, qu’elle osait déjà désobéir à celle qui devait être son maître. La vieille femme soupira bruyamment en songeant que la chouette devait la haïr pour lui envoyer pareille tête de mule.

- Quelle adepte es-tu donc pour ne pas reconnaître la composition de ce breuvage ? C’est dans ton instinct, gamine, ce devrait être aussi évident pour toi que de respirer, grogna-t-elle en plissant les yeux.  Ne me sous-estime pas, veux-tu, je suis peut-être vieille, mais je ne suis pas encore impotente pour autant.


Néanmoins, il fallait bien avouer que la rouquine n’avait pas si tort que ça. Ses éveillés devaient bien leur état au poison, du moins, pour la plupart. Certains avaient été trouvé dans les montagnes, d’autres avaient été offerts par les villageois contre quelques potions et poisons… Vithis ne se posaient guère de question quant à l’origine des cadavres ou à l’utilisation des produits qu’elle échangeait. Tous les moyens étaient bons pour se procurer des cadavres de première fraîcheur, les autres ne l’intéressaient pas.

- Tu ne veux pas boire ? À ta guise, tu connais le chemin de la sortie, il me semble. Je me passerais aisément d’une apprentie qui n’écoute rien et qui ose exiger lorsqu’à l’évidence elle ne connaît rien, déclara-t-elle en le tournant le dos, s’en retournant à sa tâche précédente.

La nécromancienne se souvenait encore de son propre apprentissage. Autant dire qu’elle n’avait pas été une élève facile pour son maître, néanmoins, elle due rapidement apprendre que la nécromancie n’était pas une discipline comme les autres et exigeait quelques sacrifices de la part de ses pratiquants. Cette jeune femme allait donc devoir en faire l’expérience par elle-même, ou non, et dans ce cas, retourner d’où elle venait, car Vithis n’était pas un être patient et encore moins compréhensif.

Le manque de confiance de la nécromancienne envers cette jeune inconnue se manifesta par les mouvements de ses gardes.Quatre éveillés s’étaient dores et déjà postés de part et d’autre de la pièce leur regard inexpressif braqué sur la rouquine, attendant que celle-ci n’ose esquisser le moindre mouvement agressif envers leur maîtresse. D’autre attendaient derrière la porte un ordre silencieux de Vithis qui faisait ainsi comprendre à cette gamine capricieuse qu’elle n’était certainement pas sans ressources. Rien ne serait plus facile que de la tuer, les moyens ne manquaient certainement pas. Malgré ses pouvoirs et sa soif de sang, l’adepte se retrouverait bien vite en position de faiblesse.

- À quoi pensait Möchlog en te guidant jusqu’ici ? grommela Vithis en se saisissant de mortier et pilon.  Il semble évident que tu n’as pas ce qu’il faut pour devenir nécromant. Tu es bien trop impulsive et immature pour cela… Sais-tu seulement ce que cela implique d’être comme moi ? En as-tu seulement la moindre petite idée?

La nécromancienne attrapa quelques tiges juteuse et les plaça au creux de mortier, lentement, avec les gestes précis d’une connaisseuse, Vithis pressa les tiges, mêlant ainsi la sève blanchâtre aux fibres des végétaux pour en tirer une sorte de pâte épaisse. Elle attendait que la jeune femme ne réagisse ou au moins qu’elle réalise vraiment dans quoi elle s’était embarquée, car après cet enseignement, rien ne pourrait jamais ressembler à ce qu’elle avait apprit à connaître jusqu’ici.

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linceul - Le linceul de la vie est le berceau de la mort EmptyDim 5 Aoû - 13:34

Oui, c'est maintenant certain: la cohabitation ne sera pas aisée. Si l'apprentissage de la nécromancie sera inévitablement une épreuve éprouvante, accepter qu'une personne puisse avoir l'ascendant sur elle le sera tout autant! Zora le savait avant même de franchir le seuil de cet étrange maisonnette. Mais elle ne prend que lentement conscience de tout ce que cela implique. Et que les choses n'iront vraisemblablement pas en s'améliorant.  Il lui est pourtant impossible de remettre en doute le choix que Möchlog a fait pour elle. Il souhaite que cette Vithis soit celle qui mène la rouquine à travers les méandres des connaissances obscures. Même elle ne peut remettre en question la pertinence de ce choix. Comme tout être vivant, elle ne peut échapper au destin que la Chouette a sculpté pour elle. Le fatalisme est-il cependant sensé rendre les choses plus tolérables?

La fanatique se sent piquée au vif lorsque la vieille souligne ses carences dans le domaine de l'herboristerie. Oui, elle n'a jamais été très douée dans ce domaine. Notamment parce qu'elle n'a jamais accordé à cette discipline le respect qu'elle mérite. Ce n'est même pas réellement de la magie, d'ailleurs. Même les daënars sont capables de mélanger des herbes ou des plantes dans un pilon. Zora se garde néanmoins de partager son avis à ce sujet avec le seul être vivant des environs. Elle se contente donc d'être vexée par une vérité qu'elle ne prend même pas la peine de nier.
"Parce que je suis sensée me fier à l'odeur de votre breuvage pour en deviner le contenu?" rétorque-t-elle. "Je ne suis peut-être pas une experte en herboristerie mais j'en sais suffisamment pour savoir que modifier une flagrance est à la portée du plus simplet des mages!"
Une évidence qui ne fait que renforcer sa méfiance. Pourtant les choix ne sont pas légion. En réalité, elle n'en a que deux: quitter les lieux en espérant garder la vie ou se résigner à avaler la mixture. Le troisième option qu'elle envisageait, à savoir obtenir par la force les connaissances qu'elle est venue chercher ici, semble compromise par la présence des quatre cadavres aux regards rivés sur elle. Ils auraient tôt fait de réduire ses efforts à néant si elle optait pour la voie de la confrontation. Sans parler que cette imbécile est probablement plus puissante qu'elle malgré ses airs de grand-mère parfaite. La rouquine se résout donc à faire ce qu'on attend d'elle.
"Je n'ai pas fait tout ce chemin pour rien!"
C'est donc avec un certain dégoût que la jeune femme avale d'un coup sec le contenu de la petite fiole tout en tentant d'ignorer le goût abject qui agresse ses papilles. Et tandis qu'elle cherche à le chasser de sa bouche, Vithis reprend ses dénigrements avec une désinvolture parfaitement irritante. De quel droit ose-t-elle juger la favorite de Möchlog? Elle lui fera payer chèrement chacune de ses paroles lorsque le temps sera venu! L'élève n'est-elle pas destinée à surpasser la maîtresse? Tout ce qu'il faut, c'est un peu de patience. Autant dire que la partie n'est pas gagnée!
"Impulsive? Immature?" relève-t-elle sur un ton frustré. "Vous pensez que votre âge vous autorise à me prendre de haut? J'ai probablement accompli bien plus en trois décennies que vous au cours de votre existence enti..."
Elle ne peut terminer sa phrase. Un goût âcre s'est substitué à celui, déjà déplaisant, des vestiges du breuvage qu'elle a avalé quelques secondes plus tôt. Du... sang? Une violente quinte de toux la pousse à recracher le sang dans le creux de sa main. Zora ne peut que se rendre à l'évidence. Elle sonde son corps à la recherche du poison qui la terrasse implacablement. Mais ses capacités curatives s'étant affaiblies au cours des derniers mois, elle ne peut que constater son impuissance face à la puissance de la potion.
"Espèce de..." souffle-t-elle, cherchant un mot à la hauteur de sa haine. "Je... Tu... Tu as osé?"
À défaut de pouvoir se défendre, la rouquine tente alors de faire ce qu'elle sait faire de mieux. Elle tend donc la main en direction de son aînée avec la ferme intention de dresser un bouclier autours de sa gorge. Elle l'emportera avec elle dans le néant! Ce n'est pas seulement un désir aveugle mais également un devoir absolu. Une façon de rendre sa mort plus... douce?

Mais sa glissade dans les ténèbres n'a rien de doux, bien au contraire. Une douleur invisible l'étreint avec puissance, lui faisant pousser un cri d'agonie glaçant. La fanatique tombe à genoux et a le simple réflexe de mettre sa main en appui sur le sol pour éviter de s'écrouler de tout son long. Elle tente une nouvelle fois de se dresser, indocile face à une mort bien trop précoce. Mais l'air refuse à présent d'entrer dans ses poumons. Son champ de vision se rétrécit inexorablement, bordé d'un voile aussi sombre que terrifiant.

Zora relève un regard injecté de sang vers le ciel clair qu'elle devine encore à travers les carreaux de la bâtisse. Une vision qu'elle espère apaisante mais qui ne fait que souligner la peur qui se déverse dans son être. Elle ne peut pas mourir. Pas maintenant. Pas alors qu'il lui reste tant à accomplir au nom de la Chouette.

Une bulle de sang se sculpte doucement au coin des lèvres de la rouquine tandis que son esprit, lui, s'éteint comme la flamme d'une bougie balayée par le vent...

Orshin
Orshin
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linceul - Le linceul de la vie est le berceau de la mort EmptyDim 5 Aoû - 15:32
Irys : 120177
Profession : Passeur de balai
Les gouttes écarlates de la jeune apprentie à en devenir ne firent qu'arracher un sourire en coin à la disciple aguerrie de Möchlog, qui se contente simplement d'observer le spectacle alors que sa visiteuse importune rejoint l'autre côté. Khoë et Yhöe laissent leurs ailes se déployer dans le chant du silence qui souffle dans la cabine, alors qu'une atmosphère morose, accentuée par la fadeur du ciel vient prendre pied dans cet endroit où il n'y a plus que trois êtres qui respirent. Vithis laissa ses paupières se déposer l'une contre l'autre, reconsidérant la pertinence de son devoir, et le suivi de ses envies. Si elle n'avait écouté que son coeur, elle l'aurait bien laissé agoniser cette gamine impertinente. Mais là où son désir égoïste faisait fier front, il faisait néanmoins face à la preuve d'une dévotion qu'elle se voyait forcée à obéir. Un regard latéral sur ses deux comparses de vie vint lui rappeler qui était mandataire de ces obligations, et par la même, pourquoi il lui était simplement impossible de s'y déroger.

Oh elle avait bien vu l'étincelle meurtrière qui avait orné le regard de l'insolente au moment de son trépas, mais au final, si ça avait été elle, il était probable qu'elle aurait eu la même réaction. Vithis expira lourdement, laissant un halètement rouillé par l'âge s'exfiltrer hors de ses lèvres asséchées par le temps. Elle n'avait que dépensé trop de secondes en pensées inutiles et surtout bien égoïstes, c'est qu'il y avait une élue qui rejoindrait bientôt définitivement l'au-delà si la vieille ne se mettait pas à l'oeuvre. 

S'agenouillant devant la dépouille encore fraîche de celle qu'elle devrait désormais considérer comme son élève, la sorcière tendit la main sur le haut de son crâne. Il était encore tôt, l'âme de la jeune femme n'avait pas encore tout à fait quitté son enveloppe et il était hors de question que cela ne se produise. Vithis n'avait aucune dette à payer, mais sa fidélité envers la Chouette valait toutes les créances du monde et de ses dons, elle faisait bon usage, comme en attestaient les éveillés postés aux quatre coins de la pièce. Ceux-là lui seraient d'ailleurs certainement bien utiles au réveil de la défunte. Plus que sa foi, elle avait fait démonstration de sa hargne, et il est probable que le fruit de sa rancune ne revienne la percuter. Quoique la sorcière ne se faisait pas tant de soucis, après tout, la jeune disciple avait plus besoin d'elle que l'inverse. 

Mais prudence est mère de sûreté, et Vithis ne comptait sûrement pas laisser la soif de vengeance nuire aux désirs de la Chouette. De deux oeillades sur les éveillés auxquels elle faisait face, la propriétaire des lieux leur intima l'ordre de se poster aux deux côtés de la trépassée momentanée qui retrouverait son souffle bien assez tôt. Inspirant et ravalant sa salive, la sorcière se concentra dans un silence monacal pour insuffler de nouveau la vie dans ce résidu d'existence qu'était devenue la visiteuse. Une lumière argentée scintilla, parcourant le corps inanimé qui peu à peu retrouvait de son teint qui commençait à pencher vers la pâleur. 

Et lorsque l'office fut accomplie, Vithis ne se releva que pour s'asseoir sur une vieille chaise en bois, alors que les cadavres animés par sa volonté venaient relever la revenante. Avec un regard dédaigneux, la sorcière regardait son office, qui, il fallait bien avouer, était plutôt réussie. Elle n'en attendait pas moins, après tant d'années d'expérience on ne peut que rarement arriver à l'échec. 

- Tu es impulsive. Tu es immature. Si c'est moi qui enseigne ici, c'est qu'il doit certainement y avoir une raison. Mais puisque tu es ce que tu es, immature et impulsive, insista-t-elle. tu n'y as certainement pas pensé au préalable.

Il était essentiel que l'insolente comprenne qui était aux rennes ici, ce n'était pas que par l'âge que brillait Vithis, l'impertinente enfant avait-elle réellement pensé que Möchlog octroyait son don à la première vieille bique arrivée ? En plus de pouvoir s'enorgueillir de son expérience, la fidèle pouvait tout autant se vanter d'un talent véritable lorsqu'il en vient à la maîtrise des dons mortuaires. 

- Ce que tu viens de traverser n'avait cependant rien d'une punition pour ton tempérament détestable. Tu parlais d'épreuves ? Plus que de simples tests, ce sont des expériences que je t'offre. Tout le monde peut mourir, s'il essaie, c'est en parler qui requiert de la maîtrise, maîtrise que tu n'as pas.

Son regard vint appuyer cette dernière remarque, sans laisser d'indice qu'il serait possible qu'elle en soit bientôt titulaire de cette maîtrise susdite. Il lui faudrait de la patience, et bien plus encore de la détermination, car Vithis ne comptait sûrement pas jouer la tendresse. 

- Zora, donc. Est-ce que tu devines l'objectif de ce premier voyage, ou bien est-ce que Möchlog m'a envoyé une idiote en plus d'une insolente ?

Elle arqua un sourcil impérial, nuancé de lassitude doublé d'un éclat blasé. Si elle devait enseigner la magie à cette enfant comme l'on apprend à une bourrique à marcher droit, les choses seraient bien compliquées. La confiance de la sorcière envers la Chouette n'avait aucune faille, mais elle ne pouvait en dire autant pour son envoyée. 

Althéa Ley Ka'Ori
Althéa Ley Ka'Ori
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linceul - Le linceul de la vie est le berceau de la mort EmptyLun 5 Nov - 5:51
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Profession : Guérisseuse du Troisième Cercle
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Quelques trois jours plus tard, Althéa bravait les vents précoces de l’automne en quête de son alliée, amie, partenaire et autre synonyme qui s’appliquât à la relation singulière de confiance qui les unissaient. Elle avait ri de sa volonté d’apprendre les arcanes de la nécromancie, mais à la façon froide qui lui était propre toutefois : en silence, et laissant paraître un vague sourire destiné à une entité invisible de la pièce. Pendant plus de deux décennies elle avait veillé à soigner son image, à se présenter en sauveuse de l’humanité, et guérisseuse de renommée, elle ne comptait pas réduire ses efforts à néant en sombrant dans la magie austère que l’on réservait aux plus fervents disciples de Möchlog. Comment s’attirer la vénération du peuple si vous lui inspiriez le lugubre et le mortuaire ?

De toute évidence, il serait préférable d’aller à la rencontre des gharyns khurmis, de relater les événements du bal, et le barbarisme daënar, conter les violences qu’elles avaient subies sur l’autre continent, et partager les hérésies qu’ils y perpétraient. Là était la noblesse de sa foi, et là résidait la reconnaissance de Möchlog ! Plus près du peuple vif, plus loin des âmes passées !

Mais Zora était la brise qui faisait vaciller sa volonté, à son insu la plupart du temps. Les premiers jours s’étaient écoulés sans heurts, puis l’hésitation s’était manifestée, de plus en plus insistante et insidieuse. Elle l’avait chassée comme une mouche dont on ne prend jamais vraiment conscience, avant qu’elle ne se pose clairement sur l’objet de votre attention ou se ballade à fleur de peau. Möchlog l’avait guidée jusque-là par le biais de la rouquine, en quoi cet appel vers la magie noire se distinguait-il des signes qui lui précédaient ? Elle avait relevé le nez de la missive qu’elle s’appliquait à écrire, et l’ambre de ses yeux s’était terni devant la révélation.


***


Toc, toc.
Les deux battements résonnèrent à peine, étouffés par la neige légère et le silence ambiant. Un courant d’air froid lui parcourut l’échine, mais il n’était pas dû au froid. D’un geste vif, elle glissa sa main dans son gant griffé, et se retourna dans la foulée, faisant face à plusieurs éveillés au corps décharné, l’œil presque aussi creux que l’âme qu’ils maintenaient dans une vie de sursis. Ses lèvres s’entrouvrirent de fascination, et la porte derrière elle fit de même.

    « Zora ! »


La Mahere réserva à son amie le salut de sa tribu, guidée par l’instinct et ce qui à son échelle représentait peut-être la plus grande marque d’affection imaginable. Sa main libre la cueillit à l’arrière du crâne, et elle appuya respectueusement son front contre le sien, partageant leurs souffles le temps d’une respiration, puis elle s’invita à l’intérieur sans plus de cérémonie. Elle ne se sentait pas menacée par les éveillés dans la mesure où s’ils ne s’étaient pas entre-tués avec Zora depuis les quelques jours qu’elle fréquentait les lieux, et en cela elle les rangeait d’office parmi les "peu belliqueux". Pour le reste, elle avait annoncé son arrivée par messager un jour en avance et ne se jugeait pas inopportune.

    « Tu as le teint pâle, tu essaies de te réincarner en Möchlog ? »


Ses yeux cuivrés rencontrèrent le regard perçant de Vithis, encadré par des pattes d’oie remarquables. Fallait-il se doter d’une apparence cadavérique pour maîtriser la nécromancie ? L’apprentie avait la pâleur de la faucheuse, et la maîtresse paraissait plus âgée que la mort en personne. Elle se fendit néanmoins d’un sourire et se courba en un salut révérencieux, la main près de son cœur, avant de rencontrer à nouveau son regard. Seules les plumes accrochées à sa chevelure et à ses vêtements se mouvaient à présent, son regard était fixe et son corps immobile.

    « Mon nom est Althéa Ley Ka’Ori, humble disciple de Möchlog. Je requiers votre aide pour arpenter le chemin le plus ardu qu’il nous est donné de parcourir. J’ai voué ma jeunesse à notre architecte, et j’aimerais à présent lui dévouer ma vie. »


Intérieurement, l’impatience la rongeait, d’en savoir davantage sur l’apprentissage perçu par Zora pendant qu’elle boudait son projet quelque part dans les parages de Reoni. Avait-elle animé des âmes dissipées ? Des rongeurs pour commencer, des insectes qui sait ? La communion avec Möchlog en était-elle exacerbée ? Sa multitude d’interrogations se muait pourtant en un calme olympien, et une bienséance résolument feinte. Car après tout, pouvait-on espérer des trois nécromants en herbe qu’ils ne soient pas eux-mêmes pourris jusqu’à le moëlle ? Elle se contentait de sauver les apparences, car elles importaient plus que les valeurs mortes à l’intérieur.

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linceul - Le linceul de la vie est le berceau de la mort EmptyMar 6 Nov - 11:48

Ce n'est pas agréable ou désagréable. Il n'y a pas de craintes et pas la moindre parcelle d'épanouissement. L'absence de sentiments débouche sur une indifférence flagrante dont elle n'a guère conscience. Elle n'a pas la moindre rancoeur pour le monde qu'elle laisse derrière elle. Pas plus que d'espérances vis-à-vis de celui qui lui tend les bras. Tout semble bien dérisoire à présent. Là, quelque part entre la caresse de la vie et  l'étreinte de la mort, elle se contente de dériver dans les nimbes grisâtres qui séparent l'une de l'autre. Ses yeux se ferment sans la moindre appréhension comme pour mieux profiter d'une sensation qui évolue bien au-delà de sa compréhension...

Zora se sent alors happée par une poigne ferme et invisible qui la ramène à une réalité dont elle oubliait déjà les subtilités. L'air pénètre à nouveau dans ses poumons avec une force qui lui insuffle un hoquet de douleur. Sa gorge se contracte tandis que son coeur bat furieusement. Elle perçoit chacun de ses battements, véritables odes à la vie. Ses pensées mettent plus de temps à s'agencer correctement. La fanatique n'est toujours pas certaine de ce qu'il vient de se produire lorsque des bras puissants la remettent sur ses jambes. Elle titube et se rattrape des deux mains sur le meuble le plus proche, son visage éclipsé par la cascade rousse qui le flanque.

Elle répond aux propos de Vithis par une quinte de toux dont elle ne peut que subir les effets. Ses membres tremblent avec une telle violence qu'ils feraient passer les frissons glacés infligés par le Khoral pour de simples broutilles. Elle n'est pas certaine de savoir ce qui en est la cause: le choc ou la colère? Un raffiné mélange des deux?

Les poings de la rouquine finissent par se serrer lorsque la magie parvient à rétablir son organisme traumatisé par ce bref passage dans le monde des ombres. Et un profond soupir de soulagement finit par franchir le seuil des lèvres de la disciple de Möchlog: elle n'est pas une Éveillée! Elle n'a pas été offerte à la mort mais ramenée à la vie. Et cette nuance fort peu subtile lui offre encore le droit de croire et d'espérer! Et, surtout, de se venger!
"Et je suppose que vous vous attendez à des remerciements pour cette... expérience?" siffle-t-elle. "Ou peut-être même à du respect? Je n'ai jamais laissé la peur dominer ma vie! Et ce n'est pas vous, Vithis, qui parviendrez à m'en insuffler! Plus maintenant..."
Ses sourcils froncés se rétractent pour permettre à son regard de s'écarquiller. Elle vient de comprendre pourquoi la nécromancienne l'a plongée un fugace instant dans le vaste bain de la mort. Zora pose ses iris ambrées sur son aînée. Elle déteste le sentiment qui est en train de naître au plus profond de son être. De la... reconnaissance? Cette simple idée ravive sa colère. Et pourtant...
"Je suppose que pour maîtriser la mort il faut auparavant la comprendre? Et que pour la comprendre il convient de l'expérimenter?" se hasarde-t-elle finalement à lui répondre. "Autrement dit... Je vais devoir m'en remettre entièrement à vous pendant ces prochains mois! Car les connaissances que je convoite s'obtiennent uniquement par le sacrifice de soi, n'est-ce pas?"
Les grimoires ne lui seront d'aucun aide, elle le pressent. Tout au plus seront-ils les supports d'un apprentissage bien plus sombre qu'elle ne l'imaginait. Elle se demande alors de quoi seront faits les prochains mois alors que les premières minutes ont déjà été si néfastes pour son corps et, surtout, son ego. Mais la fanatique finit néanmoins par hocher la tête de haut en bas en signe d'acceptation. Elle l'a dit à Vithis: elle n'a pas fait tout ce chemin pour rien. Et il est hors de question qu'elle déçoive Möchlog!
"Je paierai le prix que ces pouvoirs exigent!" affirme-t-elle, animée par une détermination sans faille. "Et celui que vous exigerez!"
Elle ploie l'échine face à la nécromancienne. Et elle exprime cette évidence en posant un genou à terre, sacrifiant au passage une part de cette fierté qu'elle se faisait un devoir d'étaler avec arrogance. Oui, elle paiera le prix qu'il convient de payer pour obtenir ce qu'elle souhaite. Vithis lui délivrera ses secrets! Et ensuite...

linceul - Le linceul de la vie est le berceau de la mort Separa10

Dire qu'elle trépigne d'impatience est un doux euphémisme. Elle n'est plus capable de la moindre attention et même la main décharnée posée devant elle n'arrive plus à recueillir ses faveurs. Vithis en est-elle consciente? Zora a pourtant fait de son mieux pour cacher son trouble à sa sombre maîtresse. Elle sait que l'amitié qui l'unie à Althéa pourrait leur être préjudiciable. La vieille trouverait sans doute le moyen de tirer parti de l'affection qui uni les deux disciples de la Chouette. Elle en tirerait davantage de forces. Et la rouquine n'est pas prête à lui en accorder...

Finalement deux coups répétés viennent annoncer l'arrivée de la khurmis. La fanatique se relève et tempère les pas qui la séparent encore de la porte quand bien même son coeur lui ordonne de courir. Elle ne parvient néanmoins pas à réprimer un sourire sincère lorsque le bois s'efface pour laisser place à ce visage si familier. La noiraude est la plus prompte à gratifier son amie du traditionnel salut de sa tribu. Leurs souffles se mêlent un simple instant. Et Zora regrette qu'il ne puisse transmettre toutes les émotions qui l'assaillent.
"Tu m'as manquée!"
Ces quelques mots, chuchotés, glissent jusqu'aux oreilles de son alliée avant d'être emportés par le vent. Ils lui étaient uniquement destinés. Et quand bien même leur complicité ne fait maintenant plus le moindre doute pour Vithis, la fanatique sait qu'elle pourra désormais compter sur la force que lui insuffle sa cadette. À deux, elles peuvent affronter le monde entier! Et les dieux eux-mêmes, s'il le fallait!

Elle ne parvient toutefois pas à rire à la plaisanterie d'Althéa. Non qu'elle le souhaite. Mais ce qu'elle sous-entend malgré elle est loin de prêter à rire! Si elle savait par quoi elle est déjà passée... Une forme de crainte s'insinue dans les pensées de la rouquine. La vieille lui fera-t-elle traverser les mêmes épreuves? Devra-t-elle voir sa seule amie mourir, fut-ce momentanément? Elle est prête à souffrir. Mais l'idée que la noiraude subisse des tourments sous son regard lui semble insupportable. Zora se rend alors compte d'une chose. Elle espérait peut-être autant qu'elle craignait la venue de la khurmis...
"Nous avons beaucoup de choses à nous dire!"
Mais ce sera pour plus tard. La rouquine sent le regard inquisiteur de la maîtresse des lieux. Elle s'efface alors pour laisser le soin à son alliée d'entrer dans le vif du sujet et se présenter. Vithis sait déjà ce qu'elle fait là. Le messager arrivé la veille a rejoint les rangs des Éveillés qui gardent le morbide domaine de leur aînée. Althéa l'a-t-elle remarqué? Ou se contente-t-elle d'ignorer le funeste destin d'une personne qui ne représentait rien à ses yeux?
"Je me porte garante d'elle!"
Et à l'instant où elle prononce ces mots pour appuyer la requête déterminée d'Althéa, Zora se rend compte qu'une pointe de jalousie s'est insinuée dans son être. Oui, elle aurait préféré être la seule à maîtriser la puissance des pouvoirs sombres accordés par Möchlog. L'aînée de ce tumultueux duo baisse alors le regard comme pour éviter de croiser celui de la vieille et, surtout, celui de son amie...

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linceul - Le linceul de la vie est le berceau de la mort EmptyMer 14 Nov - 22:02
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Profession : Passeur de balai
Le regard de Vithis avait fait un tour d'horizon de sa vision périphérique, roulant des pupilles comme le pendule bat dans la cloche. Cette fierté, elle n'en viendrait probablement jamais à bout, mais elle ne comptait pas devoir en endurer l'insupportable caprice. Qu'elle n'entache le caractère de Zora, c'était le cadet de ses soucis, le monde n'était qu'un concentré de défauts qui n'offraient que rarement de bons côtés. Alors, si cet orgueil devait faire impasse aux capacités d'apprentissage de la rouquine, la nécromancienne n'aurait certainement pas plus envie de lui transmettre son art. Elle l'offrirait à une personne plus digne, qui elle, n'aurait pas un ego aveuglant. Quelle misérable retraite que voilà, se dit la vieille, l'espace d'un instant. 

Mais apparemment, même les nuages les plus épais peuvent laisser des rayons filtrer, pour peu que le soleil brille assez intensément. Les doigts aux ongles brisés en leurs embouts étaient en train de nerveusement gratter le front ridé, lorsque l'apprentie se décida enfin de montrer un brin de sa capacité à se plier à ses attentes, et à les combler. Enfin, comprendre l'utilité de cette expérience n'était jamais qu'un exercice primaire, mais de par sa primalité, il avait au moins attesté qu'il était possible d'apprendre quelque chose à cette gamine, si insignifiante cette chose fut-elle. Après tout, ce n'était que formalité, la mort n'était pas venue la saisir à temps et elle n'a jamais rencontré qu'une brève agonie. 

Pourtant, et cela bien dépit de l'altier faciès fade qu'arbore l'aspect de Vithis jour comme nuit, heure comme minute, elle se surprit à courber le coin de ses lèvres à la dernière phrase de Zora. Un sourire fendu comme une plaie ouverte, tant satisfaite, tant menaçante, un complexe mélange de fierté et d'anticipation cruelle. Ce "prix" que mentionnait sa pupille, elle lui ferait payer non sans une certaine allégresse qui lui ferait apprécier cette formation ordonnée par la grande Chouette. Cette risette était annonciatrice de résultats, mais de tout autant de peine, de sueur, de sang, de larmes peut-être, la vieille n'en espérait pas moins ... la jeunesse avait cet atout de fougue qui sans cesse l'amusait dès lors qu'elle se brisait, se vidait de ses illusions. 

- Et tu en souffriras, marque mes mots car ils ne sont jamais légèrement employés. Mais en échange, tu obtiendras le pouvoir que tu convoites et ... bien plus de vertus qu'une jeune idiote comme toi ne saurait imaginer. 

Demain était un autre jour, la promesse de l'aube et le doute du crépuscule. Vithis n'aurait pas la main molle. 



~~~~~~~~


Une missive était arrivée, la veille, annonçant une arrivée qui arrachait sans cesse une douloureuse envie d'incendier sa disciple à la nécromancienne. Sa présence seule était une inconvenance qu'elle jugeait déjà bien assez pénible à supporter, alors, quant elle a appris que deux exemplaires de cette même insubordination pourraient être disposés entièrement à sa charge, Vithis prit toutes les précautions nécessaires pour ne rien dévoiler de ses intentions à Zora. Toujours la même rigide froideur, toujours les mêmes études cadavériques qu'elle lui imposait. Qui travaille avec des corps, sans connaître les corps ? Peut-être que cela n'était que révision, pour la rouquine, mais la vieille se fichait bien de ce qu'elle savait ou non. Les seules choses qu'elle considérait comme acquises étaient celles qu'elle lui enseignaient elle-même !

Mais, depuis l'arrivée de la nouvelle, la concernée avait bien plus d'allégresse à compter les secondes que les organes d'une charogne. La théorie était le terrain plane de sa randonnée, là où elle aurait le moins mal, la pratique viendrait éventuellement, et si elle ne se concentrait pas plus, dès lors, Vithis ne saurait assurer sa mort, pas plus qu'elle n'aurait envie de l'empêcher. Zora avait autrefois parlé de prix, l'assiduité, la rigueur et une attention sans faille faisaient partie de ses coûts. Alors, la nécromancienne avait toute l'envie du monde de lui imposer une dure leçon, le genre qu'elle n'oublierait pas. 

Lorsque les deux battements se firent entendre, et que sa lunatique d'élève se précipita d'elle-même à aller assurer l'accueil à la porte. Cela achève la patience de la vieille qui, jetant un regard de côté à l'entrée, ravale l'étendue de son impatience. Oh, elle ne ferait rien sur un coup de tête, l'âge avait cette manie de se débarrasser de ces mauvaises habitudes. Une analyse simple suffirait néanmoins à jauger la nouvelle arrivée. Rigide, glaciale, elle se lève de sa chaise et jette un regard aiguisé à cette dernière, lui offrant l'hospitalité de son oeillade presque morte d'éclat. 

Elle se présente, Vithis ne réagit pas. Zora complète son introduction par une remarque futile et non-bienvenue. Comme un éclair, si promptement que le cou de la vieille sembla presque se disloquer, elle décrocha son regard d'Althéa pour le poser sur sa première apprentie, non pas qu'elle en ait accepté une deuxième pour le moment. Son expression est sarcastique, l'humour en moins, une simple ironie cruelle qui faisait se resserrer les traits de la nécromancienne. Secouant la tête de bas en haut, considérant sévèrement sa disciple, elle répondit enfin.

- Vraiment ? Garante ? 

Sa mitraille de regard continue de longues secondes durant, les sourcils à peine visible qu'elle plie déjà se resserrent plus encore, les rides de ses lèvres se tordant d'un mécontentement palpable. Faisant claquer sa langue sur son palais en une forte désapprobation, la vieille hoche un mouvement inquisiteur de la tête vers la nouvelle venue. L'un des éveillés dans la salle encadra la gorge d'Althéa de l'embranchement de son bras droit, ne serrant que légèrement, la poigne qu'il vient toutefois apposer sur son poignet gauche, elle, est tout sauf douce. La force impulsée par la magie se fait ressentir de ses doigts seuls même. L'un des autres réanimés, lui, maintient Zora en cerclant ses épaules de ses bras. Vithis tousse un instant.

- Alors, à qui dois-je donc briser les doigts pour le manque d'attention dont tu as fait preuve jusque là ? Garante que tu es, j'imagine que tu es la seule à devoir prendre le blâme, ou bien peut-être devrions nous traiter le problème à sa source ? 

Son regard dériva vers Althéa. La sorcière se fichait bien de savoir qui était responsable de ce manque d'assiduité évident dont faisait preuve son élève jusque là et elle ne comptait poursuivre une formation qu'elle jugeait perdue d'avance si ces deux-là comptaient passer leur enseignement à bavarder voyages et racontars. Elle ne perdrait pas son temps, les choses seraient très claires, aussi limpides que possible et si ses deux invitées trouvaient quoi que ce soit à y redire, elle veillerait à rendre ses explications plus tranchantes encore. Les éveillés relâchèrent leurs étreintes, laissant les deux jeunes femmes libres de leurs déplacements, toujours à l'affût en cas de signe d'agressivité.

- Je ne m'amuserai pas à supporter les logorrhées de deux gamines qui ne voient d'intérêt à leur présence que d'émouvantes retrouvailles. Si vous voulez rester ici en vie, vous allez devoir la fermer, écouter et apprendre. La nécromancie n'est pas un art que l'on transmet à des fillettes.

Son ton était sec, sa voix sifflait entre ses dents, dégoûtée par cet enthousiasme niais dont faisait preuve tant Zora qu'Althéa. Après quelques secondes supplémentaires à arborer le visage d'une goule aussi agressive qu'un muursüld, Vithis apaisa finalement ses traits, rapportant à elle plus de pédagogie que ce qu'elle n'avait offerte jusqu'à présent.

- A quel point es-tu familière avec le corps mortel, Althéa ? Viens ici et impressionne-moi, si tu veux rester. Et toi ! elle pointa un doigt presque accusateur vers Zora. Ecoute attentivement. 

La vieille fit un second signe de la tête, indiquant à la nouvelle venue de se rapprocher du cadavre mis à nu qui ornait la table la précédant. Avec un regard entendu, tant à la première qu'à la rouquine, elle attendait que l'une, comme l'autre, ou bien en faisant la somme de leurs connaissances, ne lui élargissent l'esprit quant aux plus importantes parties du corps. Comment seulement vouloir ranimer les morts si l'on ne sait pas où rediriger sa puissance ? Il fallait doser, maîtriser, être précis, minutieux, ne pas faire imploser les organes, les muscles, les insuffler d'une puissance nette, fluide et pour cela il était absolument nécessaire de savoir de quoi l'on parle. On ne fait pas de pain avec de la poudre blanche. 

Althéa Ley Ka'Ori
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linceul - Le linceul de la vie est le berceau de la mort EmptyLun 11 Fév - 0:06
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Pourquoi fallait-il que tous les nécromants fussent invariablement austères et cadavériques ? Le regard sans éclat de Vithis aurait donné froid à la neige, et des frissons aux victimes de Parkinson. La tentative de courtoisie d’Althéa se mua immédiatement en un conflit tacite opposant les deux jeunes femmes à celle qu’on surnommera la vieillarde, puisqu’elle avait sans doute plus d’années sur l’horloge biologique que la somme de leurs âges réunis. Quelle ironie que la source de leur mésentente fût l'enthousiasme visible de la rouquine et l’amitié explicite qui la liait à la noiraude. Quand la beauté engendrait l’exaspération, le quotidien se parait d’une misère grise.

Les doigts décharnés d'un éveillé se refermèrent soudainement sur sa gorge et ce contact froid manqua de lui faire tirer la grimace. Elle réprima son désir ardent de se débattre, jugeant avec raison que la diplomatie avait toujours été son premier recours et son arme la plus performante. Un soupçon de logique lui dictait par ailleurs que la vieillarde espérait seulement les intimider en les menaçant de la sorte. Elle s’intima par conséquent au calme ; Vithis souhaitait-elle véritablement lui briser les doigts juste avant de commencer un apprentissage arcanique ? Voilà une idée digne d'un bouffon de roi ! Or elle ne leur ressemblait en rien, si ce n’est leur teint diaphane, et semblait loin de partager leur humour.

    « Que nous vaut une telle animosité ? Une allergie à l'affection vous affecte-t-elle ? »


Sa voix ne s'était pas défaite de cette douceur, à l'ironie indécelable, qu'elle feignait à chaque parole. C'était sa façon de ne pas se rebeller ouvertement, et de signifier malgré tout que la docilité ne faisait pas partie de leurs points forts. La vieillarde l’aurait de toute façon deviné suite aux quelques jours passés en tête à tête avec Zora, à moins d'être tout à fait dénuée de discernement. L’étreinte inconfortable sur son s'estompa, et Althéa reprit une respiration plus apaisée. Le discours hostile se poursuivit néanmoins, et on leur affubla le titre humiliant de fillettes. Ma foi, elle avait beau être vieille comme Irydaë, ça ne faisait pas d'elles des mômes ! Quelle femme aigrie, et de mauvais caractère. Elles s'entendraient à merveille.

La jeune guérisseuse jeta un coup d'œil en coin à Zora, et on put presque lire un soupir satisfait dans la lueur bronze de ses iris. Elle se rappelait leur rencontre, l’an passé, sur ces mêmes terres, et une mélancolie joyeuse s’empara de son cœur, adoucit son tempérament. La vie n’est qu’un cycle. Vie, Mort. De Khurmag à Daënastre, de Daënastre à Khurmag. Elles étaient de retour pour boucler la boucle, pour achever l’initiation de leur mission divine, et une fois l’entraînement terminé, elles seraient prêtes à entamer un nouveau cycle, celui qui mènerait vers la Reconnaissance divine. Elle lui transmit donc un sourire fugace, et planta son regard doux dans celui de glace de leur préceptrice. Diplomatie et calme.

    « Je ferai au mieux, acquiesça-t-elle d'un ton impassible. »


La khurmi franchit la distance qui la séparait du macchabée en quelques pas, et poussa la coquetterie jusqu’à le contourner, se plaçant en face de la maîtresse – qui n’avait pas attendu une seconde avant d’endosser ce rôle – et son amie – qui avait plutôt tardé à le devenir au regard de l'année précédente. La concentration délissa son visage, et elle s’adonna toute entière à la tâche qu’on lui avait confiée. Trois ans de services dans un dispensaire se pressaient dans l’antre de sa mémoire, prêts à surgir dans le tumulte conscient de ses pensées. Elle déposa son sac de voyage à même le sol. Sa cape le rejoignit bientôt au nom d'une meilleure liberté de mouvement; elle en usa d'ailleurs pour dégainer un couteau d’apparence inoffensive mais fort pratique pour les tâches quotidiennes. Là, elle prit un mouchoir qu’elle noua autour de sa bouche et son nez – hors de question de respirer les effluves et les saloperies que colportait un cadavre - et commença son exposé.

    « Je suggère de commencer par l'emplacement du cœur, qui constitue un organe primordial. C’est le premier indicateur de l'état d'un blessé. »


Sa main gauche et gantée glissa sur le torse, dans un geste presque sensuel si les circonstances n’avaient été aussi sinistres. Elle comptait en réalité les côtes pour s’assurer de l’emplacement de l'organe mentionné. Arrivée à destination, sa main droite se dressa au-dessus de la position indiquée par ses doigts, et elle planta profondément le couteau entre deux des côtes, déchirant la fibre qui protégeait le muscle porteur de vie qui ne battait plus depuis longtemps. Le sang y résidait encore, mais il avait pris une teinte trop sombre pour ne pas tomber dans la catégorie "grisâtre" du nuancier. Elle positionna à nouveau la chair dans le trou nouvellement formé, et le resouda par la magie. Elle enchaîna sur les poumons, et les différents organes viscéraux. Elle manqua de vomir à plusieurs reprises, mais se garda de montrer les signes de sa nausée. A chaque fois, elle prenait grand soin de refermer les plaies ouvertes. Il était déjà bien atroce de partager la chaumière avec un cadavre, il eût été plus atroce encore de la partager avec un cadavre disséqué en toutes parts.

    « Je pensais que la nécromancie ne requérait pas de connaissances anatomiques… Voilà les tendons… Je suis curieuse de comprendre l’intérêt de cette activité, aussi plaisante fût-elle, ajouta-t-elle, non sans une certaine pointe de sarcasme. … Comme vous pouvez le voir, ses os se sont brisés à plusieurs reprises puis resoudés naturellement – et mal. Une vie difficile, je suppose. »


La chevêche poursuivait sa tâche d’un ton morne, vraisemblablement peu emballée par chaque découverte interne du corps qui reposait devant elle, quoiqu'intriguée par la rudesse avec laquelle il, ou un tiers, avait traité son enveloppe charnelle. Un peu naïvement elle avait espéré ne plus s’adonner inutilement à ces expositions sans fins de l’envers du corps humain. Elle comprenait qu’elle avait gagné en efficience au cours de sa première année d’apprentissage de la guérison grâce à ses multiples cours sur le corps humain, mais la nécromancie était-elle réellement un arcane similaire ? Après tout certains, nécromanciens n’avaient jamais soigné qui que ce soit de leur vivant !

Aussi elle tentait au mieux d’observer sans assimiler mais certaines visions lui donnaient des nausées, et elle dut utiliser sa magie pour calmer son estomac malmené. Et les effluves… Elles s’infiltraient sous son mouchoir immaculé comme les courants d’air dans une pull printanier à mailles larges. Tout ce qu’il y avait de plus odieux chez l’homme, elle le reniflait par intermittences, et… Son teint prit la couleur de son mouchoir, puis vira au blanc neige, et elle s’écarta en courant pour aller vomir dans un sceau, qui, il s’avèrerait plus tard, n’était pas tout à fait vide. Elle avait vu quelque chose de trop. Une chose trop répugnante pour… Derechef elle vida ses entrailles au fond du sceau, interrompant son flot de pensées au profit d'un autre.

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linceul - Le linceul de la vie est le berceau de la mort EmptyLun 11 Fév - 18:07

Elle déglutit avec peine avant de regretter les derniers mots qu'elle a prononcés. Elle a déjà pu se rendre compte que Vithis n'avait pas particulièrement besoin d'une bonne raison - ou d'une raison tout court - pour faire preuve de sadisme. Mais ne vient-elle pas de lui offrir sur un plateau d'argent un argument que la vieille se fera probablement un plaisir d'exploiter. Peut-être que cette sombre Maîtresse cherche à les diviser pour mieux régner? Voit-elle l'arrivée d'Althéa comme une menace? Estime-t-elle dans son intérêt de les dresser l'une contre l'autre? Le plus effrayant, dans le fond, c'est que Zora pressent qu'elle pourrait y parvenir malgré les efforts qu'elle fait pour réfuter cette option.

Aux regrets succède la frustration. Celle d'être solidement ceinturée par les mains glacées qui se sont refermées sur ses épaules. La rouquine, incapable d'exprimer la même retenue que la noiraude, tente évidemment de se débattre mais abdique face à l'évidence de sa situation. Elle se contente d'un regard de défi à l'intention de sa maîtresse: si elle tente d'ôter la vie de la seule personne dont elle se soit réellement sentie proche jusqu'à maintenant, la nécromancienne devra composer avec sa colère. Quand bien même elle pourrait lui sembler insignifiante. Et tant pis si cela doit également lui coûter la vie! Le désir de vengeance, elle le sait, serait probablement plus fort que son désir d'apprendre. Et par Möchlog, qu'elle regrette cet état de fait...

Quelque peu indifférente face au sort de ses doigts, nettement plus anxieuse à l'idée que l'aînée du trio puisse mettre à exécution la menace qui pèse sur Althéa, Zora parvient finalement à ravaler les mots qui lui brûlent la gorge. La rouquine croise finalement le regard de sa cadette et un étrange sentiment de calme finit par gagner son être. Les muscles de son corps se détendent tandis qu'elle se rappelle une évidence: elles ne sont jamais aussi fortes que lorsqu'elles sont confrontées à l'adversité. Vithis est probablement le pire danger qu'elle ait côtoyé. Une épreuve qui surpasse toutes les autres. Mais cet obstacle-là, elles le franchiront également. Ensemble.

Et au nom de leur alliance qui s'est muée en amitié, Zora continue d'observer un silence religieux. La diplomate de leur duo, c'est Althéa. Et c'est donc à elle que revient la lourde tâche d'apaiser la vieille. Elle aurait voulu pouvoir lui parler davantage de la nécromancienne avant ce premier contact. Ne serait-ce que pour lui éviter des souffrances inutiles. Mais elle se fie assez à l'esprit de sa camarade pour espérer qu'elle déjouera les pièges sur lesquels elle a elle-même trébuché. La glace n'est pas soumises aux mêmes impératifs que le feu après tout...

Maintenant libre de ses mouvements et ayant reçu l'ordre de continuer à se taire, Zora se place aux côtés de Vithis tandis que son amie commence à décortiquer le cadavre en accompagnant ses gestes d'explicatifs. La rouquine tourne aussi régulièrement que subrepticement son regard en direction de sa maîtresse, espérant surprendre les prémices d'une quelconque satisfaction. Un espoir voué à la déception, elle le sait. Mais quelques instants plus tard elle se fend d'un sourire amusé lorsque la noiraude fait remarquer à leur hôte que cette activité n'a rien de bien utile. Un avis entièrement partagé par la fanatique.

Et pourtant si Althéa fait preuve de sa sagacité habituelle, elle dévoile également avec trop de flagrance son dégoût pour le nauséabond. Le mouchoir, elle le pressent, est de trop. Elle imagine dans la foulée l'avis que la vieille peut avoir sur le sujet. Et n'a plus aucun doute sur le sujet lorsque sa camarade fuse en direction d'un seau pour régurgiter le contenu de son dernier repas. A-t-elle au moins eu l'occasion de se nourrir en chemin? Cette étrange pensée est vite balayée par le frisson qui lui déchire l'échine.
"Je vais prendre la suite!" intervient-elle.
Elle se place presque immédiatement à la place laissée vacante par la khurmis. Une manière de dévier l'attention de l'aînée sur elle. Au moment ou Zora se saisit du fendoir, elle sait déjà qu'elle paiera probablement le prix de ce qu'elle s'apprête à faire. La lame s'abat sur la gorge du cadavre. Un flot de sang grisâtre s'écrase sur le visage de la rouquine. Elle l'ignore avec la facilité de ceux qui côtoient la mort depuis trop longtemps. Les coups sont réguliers. Répétés. Et finalement l'écrin de la pensée se détache de l'outil qu'est le corps. La fanatique présente la tête à sa maîtresse.
"L'esprit contrôle le corps. Si c'est vrai pour les vivants, il n'y aucune raison que ce soit différent pour les morts! Ils sont certainement moins dépendants de leurs écrins de chair que nous le sommes. Après tout leurs cœurs n'ont pas besoin d'être animés. Leurs poumons n'ont pas besoin d'air et leurs estomacs n'ont plus besoin d'être alimentés!" crache-t-elle. "Satisfaite? Ou vous désirez nous cantonner davantage à vos expérimentations enfantines?"
Elle jette alors sans grand violence la tête en direction de Vithis, espérant probablement qu'un réflexe la pousse à l'attraper. Elle sait pourquoi elle agit ainsi et le regrette à nouveau mais elle fonde ses espoirs dans le fait que leur hôte ne verra pas ce qui se cache derrière sa défiance. Mais son regard la trahit malgré elle lorsqu'il se décroche fugacement de la nécromancienne pour se déposer sur le dos de la noiraude.

Althéa Ley Ka'Ori
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linceul - Le linceul de la vie est le berceau de la mort EmptySam 24 Aoû - 0:18
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Premier précepte, 8 Décembre 933

Le quotidien de leur apprentissage consista en de nombreuses humiliations similaires, en épreuves basiques et leçons sommaires, presque ridicules pour des disciples de Möchlog de leur trempe. La frustration se disputait à l'impatience, et la nécromancie semblait un art toujours plus inaccessible. Quelque chose clochait, et si l'on ne pouvait douter de ses capacités d'éveil des morts étant donné sa garde personnelle de morts-vivants, on pouvait remettre en question ses qualités de professeur.

    « Vithis. Je suis épuisée
    - Le soleil n’a pas passé son zénith, il reste beaucoup à faire avant de pouvoir s’accorder une sieste.
    - Non, je suis épuisée de ne pas savoir où vous nous menez. »


L’amas d’os dont elle apprenait les courbures n’avait su que lui donner la nausée, et toujours pas de de nécromancie en vue. La vieille se redressa presque trop vivement étant donné son âge et lui fit signe de la suivre. Cela ne signifiait rien de bon. La jeune guérisseuse poussa un discret soupir, puis s’élança à sa suite avant qu’elle ne lui reproche de l’avoir laissée la distancer. Le spectacle qui l’attendait n’avait rien de réjouissant. Le gang d’Eveillés nettoyait leurs armes ensanglantées, et au sol se trouvait les cadavres de quatre présumés voyageurs dans un état peu réjouissant. La disciple de Möchlog plissa les yeux, sans détourner le regard pour autant ; elle ne connaissait que trop bien ses jeux morbides et ses épreuves lugubres. Son séjour en Khurmag avait au moins eu le relatif avantage de parfaire son insensibilité émotionnelle face aux plus glauques des scènes que la vieille perverse savait fournir à foison.

    « Si je te demandais d’en éveiller un, lequel choisirais-tu ?
    -Pour quel usage ? Cueillir des fleurs ou assassiner le primo-gharyn du coin ? répliqua-t-elle, l’air moqueur face à l’ambiguïté de sa question.
    - Disons, pour te défendre.
    - D’un monstre, d’un humain, …?
    - Arrête de pinailler et choisis, par les plumes du créateur ! »


Althéa se retint de lever les yeux au ciel, et s’approcha plutôt des cadavres alignés comme d’obéissants écoliers. Les Eveillés les plus proches la lorgnèrent du regard, comme pour lui reprocher d’entrer sur une propriété privée, mais elle se contenta de les ignorer en retour, contemplant les véritables morts avec minutie. Elle finit par pointer du doigt le plus robuste des quatre. Il avait les mains abîmées d’un mercenaire, et la carrure d’un cheval de guerre. La maîtresse de Möchlog soupira avec réprobation.

    « Tu penses encore comme une enfant Khurmi ! C’est une malédiction qui gâte le peu de compétences que tu possèdes. Tu ne vois que les apparences et la praticité, mais c’est Möchlog qui doit te guider, pas ton esprit simpliste de mortel. Toi comme Zora, vous êtes toutes les deux des gosses capricieuses, et vous voyez la nécromancie comme quelque récompense que notre Architecte vous doit. Mais sache je ne peux que t’apprendre à maîtriser tes pouvoirs, pas te les donner. Et pour l’instant, tu ne maîtrises absolument rien. Je n’ai aucun intérêt à t’offrir ces dons que tu massacrerais de ton peu de matière grise. »


D’un air plus théâtral que ne requérait peut-être la situation, Vithis pivota sur ses talons et prit congé. L’air exaspéré et irrité, Althéa demeura près des défunts. Plongée dans ses pensées, elle laissa le temps couler, méditant sur les paroles de sa préceptrice. Dans quel but s’écorchait-elle à emmagasiner des connaissances ne servant que la médecine ? De plus, qu’importe la médecine, elle avait la guérison ! Nul besoin de s’y connaître en anatomie, seule la magie et la foi la guidaient et lui suffiraient !

La jeune guérisseuse resta plantée de longues minutes à admirer ce tableau austère, avant de démanteler les mystères des dires de Vithis. Elle ne leur apprenait pas à ramener à la vie, elle leur apprenait à sélectionner les éveillés avec soin. Son sixième sens se tendit vers les quatre cadavres devant elle, et sonda l’intégrité de leurs corps. Chez l’homme costaud qu’elle avait sélectionné au premier abord, elle découvrit plusieurs os brisés qu’elle n’avait pas même soupçonné. Ses deux tibias fendus l’empêcheraient tout bonnement de marcher si elle venait à la ressusciter, ce qui non seulement lui ferait un mal de chien au réveil, mais le rendrait inutile au combat. Elle poursuivit son analyse, jusqu’à déterminer quel corps était en meilleur état. Puis elle fit un choix plus informé, qu’elle partagea avec les deux autres lors du souper. Elle eut le premier regard approbateur de Vithis depuis qu’elle était arrivée au début de l’Automne.

    « La nécromancie n’est pas une pratique médicale. Elle utilise ce qui est déjà, ou plutôt ce qui reste, mais ne peut pas défaire ce que la chouette a fait. Un corps et un esprit morts appartiennent tous les deux à Möchlog, nous ne pouvons employer que ce qu’il veut bien nous laisser pourrir. Aussi il faut accepter un compromis entre bon état d’un corps et l’utilité qu’on en fera. Le plus fort ou le plus saint ne sont pas nécessairement le meilleur compromis à obtenir. »

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linceul - Le linceul de la vie est le berceau de la mort EmptySam 24 Aoû - 0:56
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Présent, 10 Mars 934

Agenouillée en position de prière, Althéa avait les yeux mi-clos et la respiration calme. Zora s’était absentée, à la plus grande détresse de la jeune Khurmi qui devait souffrir l’entraînement en solitaire, et elle devait se rendre à l’évidence ; les mois passés n’avaient apporté que très peu d’avancées concluantes en terme de nécromancie, mais une incroyable progression vers la résignation.

    « Möchlog, puis-je prendre sous mon aile cette âme envolée ? »


Le murmure de sa voix se perdit dans la brise, et elle-même douta avoir prononcé ces mots. Une plume ôtée de sa chevelure reposait sereinement sur le torse du défunt. Vithis lui avait enjoint de prononcer la prière qui lui chanterait, et chantée elle l’avait offerte au vent matinal. Mais son Architecte resta de marbre, puisque seule le silence accueillit sa demande. La vieille l’observait intensément de son regard mi-agaçant, mi-désintéressé, mais les yeux du mourant restèrent pour leur part vitreux et fades.

    « Tu l’entends ?
    - Hmm ?
    - Le courant d’air de son envol, la vie qui se concentre en un point qu’il désigne…
    - Möchlog est présent ?
    - Peut-être. Sa volonté l’est. Essaie, essaie encore. »


Elle itéra sa prière chuchotée, employant sa magie de guérison - la seule qu’elle maîtrisât avec succès - pour arrêter la putréfaction du corps et inverser le processus de mort. La vie s’échappait toujours plus de ses membres, tandis qu’elle tentait vainement de les préserver de la décomposition. Néanmoins, elle ne parvenait pas à ramener de l’énergie vitale à la réanimation de ce corps. Elle avait le sentiment de devoir attraper un courant d’eau à mains nues, elle savait que l’acte n’était pas impossible, mais il lui semblait toujours hors de portée.

En une fraction de seconde, elle rouvrit les yeux et glapit de peur – un moment peu glorieux de son histoire. Par réflexe, elle plongea latéralement pour éviter la poigne qui se tendait vers elle, celle d’un des Eveillés de Vithis. Le cadavre inanimé l’était resté, mais le sbire de sa mentor semblait bien vif et enclin de lui faire la peau. La vieille partit d’un rire sans joie, se redressant sur son tabouret comme si le spectacle s’apprêtait à reprendre après un entr’acte bien trop prolongé. Que se passait-il ?

    « Je t’ai prévenue pourtant, d’innombrables fois ! Möchlog apprécie l’équilibre en toutes choses. Pour une vie il faut une mort, pour un malade, un soigné… Et pour un Eveillé, un mort !
    - Ma vie vaut plus que la sienne, siffla-t-elle entre ses dents, s’ancrant solidement sur les talons. Et je ne l’ai même pas ressuscité !
    - Oh non, tu ne comprends pas. Ce n’est pas sa vie qui vaut la tienne, c’est la mienne. Vois-tu, le fait que tu deviennes nécromancienne brise quelque peu l’équilibre en place. Pour chaque individu que tu éveilleras, il faut qu’un mort reste enterré. Comme vous étiez deux nécromanciennes en devenir, j’avais prévu de tuer la plus lente à maîtriser les arcanes. Mais comme elle s’est absentée, il faudra que l’une de nous deux ne meure. Un combat à mort des plus loyaux. »


L’Eveillé fendit sur elle, et la guérisseuse ne put éviter à temps le coup d’épée qui lui trancha la hanche. Elle gémit, mais parvint simultanément à lui enfoncer ses griffes dans le ventre, le frappant d’un coup de pied bien placé pour les déloger de sa chair putride. L’Eveillé observa d’un œil hagard sa blessure, mais déjà la petite armée se refermait sur la jeune femme. Soudain, elle sentit la magie la frapper de plein fouet ; Vithis employait l’altération pour accroître la douleur à son flanc, et sa vue se brouilla. Dans un élan de désespoir, elle pria silencieusement auprès de son dieu. Un deuxième Eveillé s’élançait sur elle, hache brandie, et elle vit sa vie entière défiler sous ses yeux désolés. Mais son ennemi n’arriva jamais à son niveau. Il trébucha lamentablement sur… et bien… Une main, qui s’était refermée sur sa cheville. Une force incroyable s’empara soudain du corps de la magicienne, et elle eut l’impression de posséder le monde, résumé en une autre personne. Elle contrôlait quelque chose au-delà des limites de son propre corps, elle contrôlait son propre Eveillé, et le sentiment d’extase qui s’ensuivit n’avait rien de comparable en ce monde. Le jeune paysan se redressa, l’air costaud et moins décomposé que l’ensemble des Eveillés réunis. Par instinct de survie plus que par sagesse, Althéa le fit se jeter au coup de l’Eveillé à terre.

La disciple de Möchlog profita de cet élan d’espoir pour projeter une fiole fumigène contre le plus proche de ses adversaires. Ce n’est que lorsque l’épaisse fumée se répandit qu’elle tenta de prendre la fuite, espérant ainsi masquer sa stratégie. Mais sa blessure à la hanche s’approfondissait à vue d’œil, et elle comprit bien vite son erreur, s’écroulant à demi dans la neige farineuse de sa contrée natale. Elle ne pouvait fuir sans neutraliser Vithis. Un Eveillé s’élançait vers elle, et elle se dépêcha de lui faire face, gémissant de douleur tout en esquivant les coups qu’elle pouvait, en assénant moitié moins lorsque l’occasion se présentait. La panique grandissait dans son cœur, et seul l’instinct propre aux biches acculées de prédateurs la poussait à lui tenir tête. Ils étaient bien plus nombreux, et le paysan autant que la fumée ne serviraient pas de distraction pour bien longtemps. Du coin de l’œil elle avait vu Moe planer à l’horizon mais elle doutait qu’il la secourût à temps. Le cliquetis des lames avait pour le moins eut le mérite de l’alerter.

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linceul - Le linceul de la vie est le berceau de la mort EmptySam 24 Aoû - 1:43
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Deuxième précepte, 14 Janvier 934

    « Avoir le pouvoir de ne suffit pas. Il faut avant tout posséder le pouvoir sur. Je pourrais inculquer la nécromancie au premier charlatan venu, vous deux comprises. A vrai dire, ce serait à la portée d’un simplet. Mais qu’est-ce que ce dernier en ferait de bon ?

    La théorie veut que n’importe quel citoyen puisse être nommé gharyn. Et pourtant quiconque n’est pas élu aussi aisément que cela ; il est une loi établie mais jamais écrite que cet honneur ne revienne qu’aux plus méritants. De la même façon, je refuse d’offrir mon savoir à n’importe quel individu, par souci de bienséance.

    Savez-vous quelles qualités sont primordiales pour être apte à recevoir ce privilège ? Savez-vous ce qui unit le gharyn du nécromancien dans leur art de régner ? Tant que vous l’ignorez, vous n’aurez droit ni à mon savoir ni au titre de guide spirituel.
    »



Présent, 10 Mars 934

La volonté. Althéa porta un coup de griffe vengeur sur la main porteuse de son adversaire. La subtilité. Sa botte s’écrasa flexiblement contre la garde de l’épée qu’il portait, désarmant le soldat. La compassion. Elle plongea ses deux mains gantées de griffes dans les entrailles de l’Eveillé puis les retira aussi vite, désireuse d’abréger ses souffrances.
Volonté, subtilité et compassion. Là étaient les qualités d’un gharyn.

Tremblante, elle tendit ses pouvoirs vers les morts-vivants ayant trouvé leur passage à travers le nuage grisâtre ; elle tendit sa foi vers eux pour prendre le contrôle de leur être. Volonté. Il lui fallait employer les ressources de son ennemie pour défaire sa préceptrice. Subtilité. Rejoignez-moi, et je vous offrirai la voie du repos éternel et indolore. Vous n’avez plus à vivre sous son joug, Möchlog vous accueillera chaleureusement dans votre sommeil. Compassion.

La magie n’opéra pas aussi bien qu’elle l’escomptait. Certains des Eveillés parurent troublés par ce conflit entre les deux volontés magiques dans leur esprit, mais la plupart poursuivirent inlassablement leur avancée vers elle. La jeune chevêche reculait progressivement dans la neige épaisse, mais à chaque pas elle se vidait presque littéralement de son sang. Sa main plaquée contre son flanc ne retenait qu’une partie du flot poisseux et trop fluide à son goût.

Contre toute attente, deux de ses adversaires changèrent subitement de camp, ; ils avaient défié la mort trop longtemps, et cette demi-vie n’avait que trop duré. Dès qu’ils passèrent sous son contrôle, elle les laissa volontiers dépérir comme elle l’avait promis, soulagée de voir leurs rangs s’amoindrir. Un troisième arriva à sa portée et se jeta à ses pieds dans un spectacle presque morbide. Althéa saisit la seconde qui suivit pour retirer la moindre essence de vie restante au creux son corps décharné. A l’instant où le mort toucha terre, Moe surgit enfin, volant au raz-du-sol ; ses serres emportèrent un des Eveillés sur son passage. Son glapissement accompagna les cris moins ravis de l’Eveillé transpercé par ses griffes. La fumée quant à elle commençait à se dissiper, donnant à la scène des allures de cimetière déterré en plein jour. Elle n’était pas sortie d’affaire.

Près de sa hutte, Vithis semblait sourire, une expression entre l’approbation et la rage s’appropriant tour à tour son visage de plâtre. La guérisseuse, terrifiée par son rictus, s’empara aussitôt de son arc composite, son index caressant les symboles qu’elle y avait gravé. Alors qu’elle s’apprêtait à se saisir d’une flèche, la douleur sur sa plaie ouverte s’intensifia, la jetant à genoux, avant de s’estomper mystérieusement. Ne demeura que celle, latente, d’une blessure non soignée, mais plus de magie d’altération aucune. Que manigançait la vieille femme ?

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linceul - Le linceul de la vie est le berceau de la mort EmptySam 24 Aoû - 2:18
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Troisième précepte , 25 Février 934

    « Ce que le commun de mortels refuse des comprendre, c’est qu’on ne s’améliore pas en perfectionnant les compétences que l’on possède déjà, mais en reconnaissant les faiblesses qui nous affligent. Qu’est-ce qui t’empêche de mener à bien la volonté de ton Architecte, dis-moi ? Que te manque-t-il le plus cruellement pour le servir au mieux ?
    - La nécromancie, répondit-elle avec sarcasme, un demi-sourire sur les lèvres. »


Sa répartie lui valut une douleur intense sur des plaies nouvellement ouvertes sur ses bras. Elle étouffa son cri de douleur alors que Vithis s’approchait d’elle, l’œil perçant et menaçant. Althéa montra les dents.

    « Non, idiote. Ta propension à croire que tout est soignable et doit être guéri à tout prix. Si Möchlog en personne apparaissait sous tes yeux d’impie, et t’imposait de prendre une vie, ta main serait fébrile, ton esprit hésiterait. Et Zora, tout le contraire ! Vous pensez vous compléter parce que l’une a soif de sang et l’autre guère du tout ? L’une se charge de l’altération et l’autre de la guérison ? Quelle infâmie ! Möchlog s’adonne aux deux pratiques, et plus que tout il nous destine à la vie comme à la mort. Si tu veux le servir, accepte de décider le destin des autres pour arriver à tes fins. C’est ce que l’Architecte fait, et c’est en l’imitant que tu tendras vers sa perfection. »


Présent, 10 Mars 934

Althéa avait encoché une flèche parée de plumes blanches, visant non pas ses plus proches ennemis mais la maîtresse de Möchlog elle-même. Le sourire impavide de Vithis ne la déconcerta qu’une brève seconde avant qu’elle n’accepte de choisir son destin, autrement dit l’heure de sa mort. Elle le faisait au nom et à la place de son Architecte, puisqu’il lui avait donné sans retenue le pouvoir de vie, de mort, et maintenant, celui de la destinée. Celle-ci n’était rien de plus que la transition des deux états, l’élément de fusion qui déterminait la fin de l’existence et le commencement de l’inexistence.
A présent, elle acceptait d’être l’agent de cette transition.

Toutes ces notions lui paraissaient si complémentaires dorénavant que la logique de Vithis coulait de source dans son esprit en un ensemble homogène et limpide. Elle percevait avec une clarté agréable tout ce qu’elle avait refusé de voir au cours de ces dernières décennies, et ressentait la satisfaction que ressent tout être raisonnable lorsqu’il réalise une découverte quelle qu’elle soit. Somme toute, Vithis lui avait inculqué plus qu’elle n’avait su le voir au premier abord, et il semblait être trop tard pour la remercier. Lorsqu’elle tira sa flèche, la main qui maniait la corde de son arc avait été empruntée à Möchlog.

La flèche transperça le vieux cœur de Vithis sans défigurer d’un cheveu le rictus sur ses lèvres. La poignée de zombies encore debout s’effondra lamentablement au sol. Ses sens magiques sondèrent les cadavres, mais nul ne portait plus la moindre étincelle de vie. Médusée, la guérisseuse reprit soudain son souffle, prenant conscience qu’elle s’était tenue en apnée tout au long de son tir. Ses poumons se gonflant la rappelèrent à sa blessure et elle s’écroula également au sol, ses veines vibrant de la souffrance et se vidant dans la neige teintée d’écarlate.

L’inconscience la cueillit avec douceur, transportant son corps transi de froid et perclus de douleur vers les limbes de la noirceur et de l’indifférence. Le plaisir aurait plaqué un sourire sur son visage si la souffrance n’avait été aussi lancinante. Une aile familière la couvrit de sa chaleur, et les plumes blanches piquèrent sa peau de frisson. Möchlog… ? Ou était-ce la blessure et le froid qui avaient provoqué ses tremblements ?

    « Moe… murmura-t-elle sans force. »


Ses bras se tendirent avec lenteur vers le harnais de son griffon. Les griffes sur ses gants écorchèrent malencontreusement son encolure. Bien qu’il s’ébrouât d’un air mécontent, il ne se retira pas pour autant de son emprise. Lentement mais sûrement, il l’aida à glisser jusqu’à la hutte, laissa un sillon rougeâtre dans la neige immaculée et quelques tâches de la même couleur sur son plumage. Arrivée à la porte, elle se laisse tomber mollement, et ce fut portée par des coups de bec soucieux qu’elle rampa à l’intérieur de la maisonnette, son corps entier criant au bonheur de retrouver un peu de chaleur.

Elle tenta tant bien que mal de s’allonger sur un des lits de la pièce mais il lui fut impossible de soutenir son propre poids. Résignée, elle tira une couverture près d’elle pour se tenir au chaud, et initia sa propre guérison. Son teint pâle s’associait parfaitement à celui de la ribambelle de cadavres glacés à l’entrée. Elle resouda magiquement la chair et les organes entaillés, laissant de côté les menues blessures qui parsemaient sa peau. Petit à petit, la souffrance s’estompa pour laisser place à une sensation de bien-être indescriptible qui se mua en un rire progressif, timide tout d’abord, puis à gorge déployée avant de se muer en une toux ensanglantée. La nécromancie était sienne. Elle était Nécromancienne ! Elle rit sans prendre d’inspiration trop grande, ivre de fierté. Moe répondit par un bruissement d’ailes et un cri de joie.

Le jour suivant, elle reprendrait son pèlerinage pour Möchlog, et le servirait mieux qu’elle l’avait jamais fait. Elle laisserait savoir aux villages voisins qu’elle avait tué la nécromancienne responsable des quelques dizaines de disparitions dans la région, mais tairait plus que tout ses propres capacités en la matière. Personne ne devait savoir ce qu’elle était devenue.

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