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 [Terminé] Le Prix du silence [Kazushi et Adramus] [11/04/927]

Kazushi Ito
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[Terminé] Le Prix du silence [Kazushi et Adramus] [11/04/927] EmptySam 15 Avr - 16:12
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Le Prix du silence

Kazushi Ito et Adramus
"Alors Orshin le perfectionniste façonna Domogt, le premier de tous les dragons, et lui offrit l'apparence de sa belle, Amisgal la faiseuse de paysages. Vhalia fut la première des hommes à se lier aux dragons. D'aucuns considèrent encore ce lien comme une aberration, d'autres y voient une évolution nécessaire pour atteindre l'harmonie."

Valen Hypolis, maître chroniqueur de Dyen, 863.



Cité-Etat de Dyen, le 11 avril 927

Après avoir ôté ses sandales, Kazushi masse doucement ses pieds fatigués et les étend dans l'herbe fraîche en soupirant d'aise. Ici, à l'orée de la forêt qui borde le plateau de Dyen, c'est le lieu idéal pour se reposer. Loin de l'agitation de la porte, loin des routes encombrées de chariots et loin du marché sur lequel il n'a guère hâte de se rendre, le guerrier respire la paix et la nature le berce dans ses bras de mousse. Il s'est installé sous un immense hêtre dont les feuilles bruissent avec joie sous la brise légère. Il aime ce son. Il est paisible et scintillant. Il lui rappelle le courant d'une rivière.
Après un dernier coup d'oeil à Janma, son petit cheval de somme qu'il a attaché à un jeune bouleau un peu plus loin au milieu des anémones immaculées, il sort son outre et boit avec délectation le vin sirupeux qu'elle contient. Sa soif apaisée, il range le précieux liquide et laisse son chapeau sur son paquetage avant de s'allonger pour de bon contre le tronc râpeux de l'arbre, son katana entre les jambes, posé sur son épaule gauche. Au travers du feuillage printanier, le soleil coule sur lui en gouttelettes agitées. L'astre brûlant est déjà haut dans le ciel et sa chaleur a rendu sa tâche plus difficile qu'il ne l'aurait cru. Passer la douane n'est pas grand chose, mais la longue route qui mène au plateau est pénible. A cause des dragons, Janma rechigne toujours à la tâche aux pieds de cette cité, et il a de nouveau fallu qu'il lui mette des œillères et une muselière pour qu'il daigne avancer. Le guerrier l'aurait bien laissé en bas, au niveau du portique, mais sans lui il ne pourrait pas amener les couvertures de sa mère au sommet et espérer les vendre...L'ombre de ce hêtre est décidément la bienvenue.
Kazushi ferme les yeux, à l'écoute des oiseaux qui s'agitent dans les branches alentours et il se met à méditer un peu. Il songe qu'il doit racheter du papier et des mines de carbone pour ses croquis, ainsi que du vin pour remplir ses deux outres. L'homme n'oublie pas qu'il doit également trouver un nouveau licol pour sa monture pour remplacer celui qu'il vient de briser et de rafistoler avec un lacet de cuir. Cela ne tiendra pas longtemps. Il lui faudrait aussi quelques carottes et une paire de pierres à affûter.
Janma s'ébroue. Kazushi ouvre un œil et l'observe. Le petit cheval est toujours agité. Même sous les frondaisons, à l'abri des dragons et du soleil, il ne peut oublier cette odeur d'écaille qui marque l'atmosphère des lieux. Bah, du moment que les couvertures sont bien attachées sur son dos et que lui-même est bien lié au bouleau...
Le ronin oublie un peu sa monture et ferme à nouveau les yeux. Il a besoin de dormir, ne serait-ce qu'un petit quart d'heure. Son voyage a été long depuis Koulem Yalänn et il n'a pas trouvé le sommeil la nuit d'avant à cause du vent. Aujourd'hui, le temps est plus clément, autant en profiter. Kazushi s'affaisse un peu et laisse son esprit errer dans les limbes de son imagination. Ses muscles se détendent et son visage s'apaise. Son souffle devient bientôt régulier et seule la brise dans ses longs cheveux noirs lui donne encore un semblant de vie.

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[Terminé] Le Prix du silence [Kazushi et Adramus] [11/04/927] EmptyDim 16 Avr - 14:32
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Le prix du silence
Kazushi et Adramus
Le déshonneur est pareil à une cicatrice sur un arbre que le temps, au lieu d'effacer, agrandit tous les jours. - Un Samouraï

Certains soirs, on se surprend à rêver à des cimes de montagnes qu’aucun homme n’a jamais touché du doigt peu importe où l’on regarde dans l’Histoire. Seulement nous, petit être pas plus solide ni plus pérenne qu’une fleur, on croit pouvoir être le premier de ces hommes. Comme tout un chacun, Adramus était de ces rêveurs intrépides, surtout en cette année 927. Durant cette époque sombre, le jeune homme avait laissé derrière lui cet indescriptible charnier. Les restes d’une guerre anonyme, contre un peuple illettré, et sur une contrée loin de tout. On ne pouvait faire terreau plus riche pour un rêve. Malheureusement, le vœu le plus cher de ce guerrier signifiait que beaucoup de sang allait être versé par les gens qui seraient contre lui, mais aussi avec lui. Révolté par le spectacle immonde que représentait l’asservissement des dragons de Dyen, Adramus fit en sorte de pouvoir se trouver face à face avec le roi de ce pays de mécréants. Il lui lança, seul, au milieu de tous ces regards hostiles et de ces lances luisantes au soleil, une déclaration de guerre. Puis il fuit le combat. Il n’était pas bête, à l’époque, au point de se laisser mourir après une telle déclaration, et l’usage premier des arcanes aéromanciennes c’était l’escapade. Malheureusement, le déshonneur de la fuite est sévèrement puni par la nature, lorsque le guerrier qui s'est éloigné de la voie ne se corrige pas lui-même. C'est ainsi que nous le retrouvons, quelques temps plus tard, dans la forêt en contrebas de la cité des dragonniers.

Enveloppé d’une épaisse cape, surmontée d’une capuche, on ne peut apercevoir de son visage que sa barbe laissée libre de pousser comme elle le souhaite, ainsi que ses lèvres asséchées ne laissant paraître aucun affect particulier. De la cape ne dépasse qu’un bras à l’épaisse musculature, recouvert d’un impressionnant tatouage courant jusque sur l’avant-bras, et représentant l’un de ces reptiles pour lesquels Adramus avait voué son destin à une immense souffrance et à une fin certainement proche. S’aidant d’un bâton, le voyageur ainsi habillé ne cherchait qu’un moyen de partir de cette région vivant. Sa chute des murs de Dyen, quoique spectaculaire, s’était soldée par un atterrissage désastreux dans un arbre impossible à éviter. Sous cette cape, en réalité, la peau d’Adramus était couverte d’écorchures, de contusions, et une branche plus téméraire que les autres avaient réussi à ouvrir une longue estafilade, d’une honorable profondeur, sur le ventre et la moitié de la hanche gauche de notre guerrier. Il avait réussi à correctement la traiter, mais si l’on essayait de percer du regard la pénombre à l’intérieur de sa cape, on pouvait voir une main fébrile serrer de temps à autre l’endroit où la blessure sévissait, cachée sous une tunique de lin aux manches depuis longtemps amputées.

Le ronin endormit, quoique toujours aux aguets, comme il était sage de l’être, n’aurait eu aucun mal à discerner les pas lents, mais surtout lourds, du voyageur encapuchonné à travers les broussailles. Il n’était pas des plus prudents de voyager sur la route lors d’une fuite aussi mal menée, aussi Adramus avait pris le risque d’éloigner considérablement l’heure de sa délivrance, pour au moins augmenter ses chances de la voir arriver un jour. Il déboucha, non sans surprise, dans la clairière ou le marchand de couvertures se reposait à l’ombre d’un arbre. La tête baissée, à l’ombre de sa capuche, il avisait cependant avec intérêt le profil de ce voyageur tranquille, pourtant correctement armé d’une paire de sabre qu’il gardait auprès de lui, même dans le sommeil. Voilà un homme préparé au pire, peut-être même un peu trop pour le bien d’Adramus. Qu’à cela ne tienne, il n’était plus à ce risque près de se faire tuer. Le fugitif prit donc le temps de s’approcher de la docile mule de l’inconnu, et d’en caresser la tête de sa main gauche. Elle portait un sacré paquet de marchandises sur le dos, de bonne facture, mais qui ne semblaient pas avoir été confectionnées par un maître en la matière non plus. « Il ne doit pas avoir la vie facile, cet homme. » Songea Adramus en continuant de contenter l’âne qui s’ébrouait à intervalle régulier.  



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Kazushi Ito
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[Terminé] Le Prix du silence [Kazushi et Adramus] [11/04/927] EmptyLun 17 Avr - 11:58
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Le Prix du silence

Kazushi Ito et Adramus
"Si tu tends la main à l'étranger nécessiteux, il peut te la serrer ou te la couper.
Dans des deux cas, toi, tu n'auras rien à te reprocher."

Erik Jörn, philosophe de Aildor, 874.


Cité-Etat de Dyen, le 11 avril 927

Cela faisait un moment que Kazushi observait cet homme tout droit sorti des fourrés. Il l'avait entendu arriver de son pas lourd et chancelant, appuyé sur son bâton comme s'il revenait d'une longue marche au travers des monts Tsagaan. Sous ses mèches noires, le ronin avait entrouvert les yeux pour tâcher de discerner à qui il avait affaire. Ami ou ennemi ? Tout était possible dans cette forêt. Même si Dyen était réputé pour être une ville plutôt sûre, Kazushi était d'un naturel méfiant. Sa prudence l'avait sauvé bien des fois...
L'étranger s'était arrêté devant Janma, dont il caressait maintenant le museau avec douceur. Analysant ses gestes, sa posture et ses vêtements, le ronin tâcha de s'en faire une idée rapide. Sa haute silhouette encapuchonnée jetait une ombre sur les anémones à ses pieds. Il avait l'allure d'un mendiant, le dos presque courbé, et pourtant sa carrure ne mentait pas : c'était un homme fort, un bûcheron ou un guerrier, peut-être un dragonnier. Le bras qui dépassait de sa cape était d'ailleurs couvert d'un immense tatouage qui représentait un de ces grands lézards volants. Qui était-il ? Que faisait-il ici ainsi mystérieusement vêtu ?
Le petit cheval ne bronchait pas face au grand barbu. Il n'était guère farouche avec les hommes, mais la proximité des dragons le dérangeait toujours et il s'ébrouait encore en donnant quelques coups de tête en arrière. L'étranger semblait doux avec l'animal, ce qui rassura quelque peu Kazushi. Ne dit-on pas que l'on peut connaître le cœur d'un homme en l'observant auprès des animaux ? Mais le ronin ne pouvait pas pour autant lui faire confiance. Et s'il détachait Janma pour s'enfuir avec ? Inutile de prend le risque de voir s'échapper sa monture et ses marchandises. Kazushi ouvrit donc pleinement les yeux et se redressa un peu contre le hêtre qui lui servait de dossier. Il était temps d'intervenir.

- Vous feriez bien de vous méfier, elle mord plus souvent que je ne le voudrais... fit-il avec nonchalance sur un ton aimable. La menace sous-entendue était cependant évidente.

Le ronin se leva lentement et rattacha son katana à sa ceinture avant de se diriger vers l'étranger. Il se composa un sourire agréable et s'arrêta à quelques pas du grand homme. Posant sa main sur l'échine du petit cheval, il dévisagea l'étranger.

- Si vous désirez des couvertures, je peux vous en vendre à bon prix. proposa-t-il en désignant de la tête les marchandises qui reposaient sur l'animal.

Le regard du mercenaire glissa entre les pans de la cape sombre que portait l'étranger. Bien vite, il constata qu'il se tenait la hanche. Était-il blessé ? Il fronça les sourcils, intrigué et inquiet. Son bâton l'aidait donc à tenir debout ? Kazushi s'avança un peu en lâchant sa monture.

- Mais...vous êtes blessé ? D'où sortez-vous donc ?

Il ne le connaissait pas et ignorait ce qu'il lui était arrivé. Sa présence dans cette forêt devenait très suspecte. C'était aussi bien un dragonnier un peu trop zélé qu'une anomalie...C'était peut être un bandit, un criminel, un meurtrier...Mais qu'importe ? Kazushi soupira. Un homme blessé reste un homme blessé. Pour l'heure, le ronin ne voyait qu'une chose à faire : lui apporter un peu de réconfort.

- Vous feriez bien de vous asseoir...J'ai du vin si vous voulez.

Kazushi hésita : devait-il laisser son cheval attaché au bouleau, au risque que l'homme ne s'en empare dès qu'il aurait tourné le dos, ou devait-il l’emmener avec lui ? Il décida de l'emmener. Après tout, c'était la source de ses maigres revenus et le village comptait sur lui. Il ne pouvait pas se permettre de le perdre. Ainsi, il frôla l'inconnu pour délier le licol et conduire son cheval à sa suite.

- Venez...

Rejoignant son hêtre, Kazushi y attacha Janma avec soins avant de se pencher sur son paquetage. Il en sortit une de ses outres de vin, en tira le bouchon de liège et la tendit aussitôt à l'étranger.

- Ça ne pourra que vous faire du bien par cette chaleur. fit-il en souriant.

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[Terminé] Le Prix du silence [Kazushi et Adramus] [11/04/927] EmptyLun 17 Avr - 13:03
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Kazushi et Adramus
Un son dérangeant, le frottement d’un tissu contre l’écorce rêche d’un arbre. Le propriétaire de la mule s’était manifestement réveillé. Avant qu’il ne prononce le moindre mot, Adramus avait déjà cessé de caresser la tête de l’animal, et il replaçait sa seconde main sous sa cape. Fatigué, il était tout de même satisfait de savoir que ses sens ne lui faisaient pas encore tout à fait défaut. Adramus ne jeta pas le moindre regard au ronin lorsque celui-ci le mis en garde, quelques mètres plus loin. Il pivota légèrement pour pouvoir aviser celui qui s’approchait de lui, l’arme à la ceinture. Il lui proposa une des couvertures attachée à la mule. L’esprit du guerrier était si rempli de brume qu’il n’avait guère le loisir de réfléchir à quoi pourrait bien lui servir une couverture.

- Je n’ai pas besoin de couverture. Tenta-t-il de prononcer distinctement, mais sa gorge desséchée ne put produire qu’un grognement rauque.

Kazushi s’approchait, toujours plus, il devina en un regard que l’homme qu’il avait en face de lui n’était pas en pleine possession de ses moyens, qu’il était vulnérable. Ce constat déclencha un réflexe de survie chez le voyageur, qui eut un mouvement  de recul significatif, tout en s’apprêtant à se servir de la seule arme dont il disposait alors, et qui l’aidait jusqu’ici simplement à marcher sans trop de difficultés. Etrangement cependant, le marchand ne mena pas l’enquête plus en avant, il soupira simplement, et demanda aimablement à Adramus de s’asseoir. Une proposition qui, sans endormir la méfiance du guerrier, le soulagea tant et si bien qu’il n’eut guère l’envie de refuser. Il accompagna donc l’homme, sans un mot, progressant à l’aide de son compagnon le plus cher en cet instant. Lorsque tous deux arrivèrent au pied du hêtre où Kazushi se reposait un peu plus, il fit tous les efforts du monde pour ne pas simplement s’écrouler contre l’arbre, mais s’assit calmement en tailleur. Son soulagement n’en était pas moins grand. Le fugitif blessé qu’il était avait tout de même encore besoin de son appui pour ne pas risquer de perdre pied à un moment propice. Le vin allait soulager la douleur, certes, mais surtout lui endormir encore un peu plus l’esprit. Rien de tout cela n’était prudent, mais il avait bien trop mal à la hanche, aux bras, aux pieds. Une chose inconnue frappait à intervalle régulier à l’intérieur de son crâne. Il voulait assommer ce tas de souffrance, ne serait-ce qu’un peu.

- Merci… vous êtes généreux, monseigneur. Dit-il en attrapant l’outre pour en boire immédiatement quelques gorgées, toujours à l’abri de sa capuche.

L’effet de la vinasse fut presque immédiat. Les multiples flammèches qui semblaient lui brûler la peau à bon nombre d’endroits s’éteignirent, ou du moins se calmèrent drastiquement pour la plupart. Le tambourinement dans sa tête, lui aussi, baissa son rythme et la puissance de ses coups à mesure que l’alcool passait les lèvres d’Adramus. Evidemment, sa gorge s’adoucit aussi considérablement, et peut-être parviendrait-il à enfin parler, et non plus grogner comme le dernier des ours. Après s’être offert ce plaisir peu onéreux, mais de tout de même salvateur, il rendit la gourde à son propriétaire, sans pour autant lever les yeux de l’herbe devant lui. Il ne comptait pas un seul instant dévoiler à cet étranger le visage de l’homme déshonoré qui avait pensé échapper à son destin et s’en était retrouvé immédiatement puni.

- Je ne saurais comment  vous remercier mieux qu’avec de simples mots, je n’ai plus grand-chose à offrir. Pardonnez-moi. Expia-t-il, la voix juste un peu moins bestiale, mais toujours aussi enrouée.



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[Terminé] Le Prix du silence [Kazushi et Adramus] [11/04/927] EmptyMar 18 Avr - 12:22
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Le Prix du silence

Kazushi Ito et Adramus
"Le guerrier qui médite en silence est bien plus éloquent qu'un Novsh qui fait sa cour. D'un côté l'honneur, de l'autre l'orgueil."
Alma Palest, saltimbanque de Shüren, 841.


Cité-Etat de Dyen, le 11 avril 927

La voix de l'inconnu était rauque, terriblement rauque. Il semblait souffrir. Manque de sommeil ? Alcool ? Blessure...Son mouvement de recul lorsque Kazushi l'approcha près de son cheval fut celui d'un animal blessé. Le ronin constata d'un coup d'oeil qu'il se maintenait le flanc. Que lui était-il donc arrivé ? Qu'importe, il avait besoin de réconfort et c'était tout ce que Kazushi pouvait lui apporter. S'il arrivait à amorcer un semblant de conversation, peut-être qu'il pourrait en savoir plus. Mais pour l'heure, le pauvre homme devait se reposer et boire un coup. Le mercenaire avait un peu de vin et le cœur sur la main : la notion de partage était des piliers de son éducation.
L'étranger accepta son offre et le suivit, non sans méfiance, jusqu'au hêtre où il avait posé son paquetage. Une fois qu'il eût attaché sa monture à l'arbre, le ronin revint vers l'homme pour lui offrir son vin. Ce dernier, qui s'était assis en tailleur, le remercia de sa générosité et l'appela même « monseigneur » avant de boire son content de boisson.

- Ne m'appelez pas « monseigneur », je ne suis qu'un humble marchand de couvertures... fit Kazushi en lui souriant d'un air quelque peu amusé.

Par pudeur, et parce qu'il voyait bien que l'inconnu ne souhaitait pas dévoiler son visage, le ronin détourna le regard tandis qu'il buvait. Ses yeux bruns glissèrent sur les fleurs blanches alentours et il soupira en s'asseyant en tailleur aux côtés de l'étranger. Il devait se mettre à sa hauteur, question de principes, mais il garda cependant une distance respectable entre eux, histoire de rester prudent. Après tout, ils ne se connaissaient pas. Son katana, décroché d'un coup de doigt habile, revint se placer contre son épaule pour ne pas le gêner. Il ne comptait pas s'en servir et il espérait bien ne pas avoir à le dégainer.

- Buvez ce que vous voulez, j'en ai une deuxième... dit-il doucement d'un ton aimable, tout en prenant position sur son assise.

Une fois que l'homme eut terminé sa dernière gorgée, Kazushi récupéra l'outre qu'il lui tendait et y replaça le bouchon qu'il tenait toujours dans sa main gauche. Abandonnant l'objet entre eux, dans l'herbe près d'une racine, le ronin jeta un coup d'oeil à son « invité » et hésita. Il était curieux mais il ne souhaitait pas non plus lui paraître insistant. L'étranger semblait un peu apaisé grâce au vin, mais Kazushi savait d'expérience qu'un homme blessé était toujours plus délicat à interroger...

- Je n'attends rien en retour, ne vous inquiétez pas...répondit-il lorsque l'inconnu lui exprima une fois encore sa profonde gratitude. Je m'appelle Kazushi Ito, je viens de Koulem Yalänn, au Nord-Est de Dyen. continua-t-il d'une voix tranquille pour se présenter le premier. Je ne sais pas si vous connaissez ce village ? Comme vous le voyez, je suis là pour vendre des couvertures. C'est ma mère qui les tisse. A cette époque de l'année, je ne fais guère d'affaires, mais les nuits restant fraîches, j'ai quand même bon espoir d'en céder quelques unes à bon prix.

Kazushi savait que ce genre de palabre n'avait pas d'intérêt, mais il tentait d'être aimable et de montrer à cet homme qu'il ne lui voulait aucun mal. Ses attentions éminemment pacifiques l'aideraient peut être à se confier un peu.

- Vous êtes dragonnier ? demanda-t-il d'un ton qu'il voulait détaché. Il ramena son regard sur lui. C'est une de ces créatures qui vous a fait ça ?

Le ronin restait prudent mais il désirait quand même savoir d'où venait cet homme. On ne se promène pas en plein jour dans la forêt de Dyen, appuyé sur un bâton, blessé au côté, encapuchonné...sans raison. Il avait peut être été passé à tabac par quelques soudards à qui il devait de l'argent...Il pouvait aussi avoir tenté de tricher aux cartes dans une taverne la veille et avoir été jeté dehors avec un peu de véhémence...Peut-être qu'il était tout juste arrivé aux portes de la ville après avoir rencontré un groupe de Muursülds affamé...
Préférant garder un moment le silence pour laisser à l'inconnu le loisir de se détendre et de s'exprimer, Kazushi se tue et ramena son regard sur la nature devant lui. Les feuilles du bouleau d'où il avait détaché Janma frétillaient sous la brise légère. La paix régnait sur cette clairière et le guerrier espérait qu'elle durerait.

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Crédit image: Birch-trees de Mashami

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[Terminé] Le Prix du silence [Kazushi et Adramus] [11/04/927] EmptyMer 19 Avr - 14:23
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Kazushi et Adramus
Une toux subite et brève agita la gorge d’Adramus alors que son bienfaiteur bavardait amicalement avec lui. Le voyageur gardait le silence, même s’il portait un peu d’intérêt à ce que Kazushi racontait sur lui. C’était un simple négociant, venu d’un village sûrement tranquille, dans une région qui vivait noblement sur le dos de ces majestueuses créatures. Mais dans un tel état, blessé, épuisé, le guerrier n’avait pas cœur à nourrir un peu plus sa colère envers Dyen, ou même à en faire naître une à l’encontre de ce personnage qui, de toute évidence, n’avait rien à voir avec le désastre qui avait lieu au sommet de cette butte. Toujours attentif, Adramus s’autorisa cependant de jouer avec quelques brins d’herbe sous ses yeux. Il en arracha une poignée d’un geste vif et incontrôlé lorsque le bretteur lui demanda d’où venait sa blessure, et par-dessus tout s’il était un dragonnier de métier. Ce fut le seul emportement qu’il concéda à sa colère sourde, et il répondit finalement à Kazushi d’un ton étrangement calme, teinté d’une grande lassitude.

- C’est ma bêtise qui a provoqué cette blessure… Un acte irréfléchi, déshonorant, que Möchlog, l’Architecte qui façonne notre destin à tous, a bien fait de punir.

Il laissa passer un moment, se remémorant avec dégoût cette fuite lâche, qu’il avait même eut l’impudence de programmer dès son projet de provocation du Roi-Père de Dyen. Un guerrier de sa trempe, que tous respectaient, qui avait délibérément fuit le combat. Certes, il était perdu d’avance, mais où était l’intérêt de rester en vie couvert de cette honte jusqu’à ce que la mort nous rattrape ? Elle rira au nez d’Adramus, et ça il le savait très bien. Voilà pourquoi il était plus las qu’en colère, à cet instant. Son destin venait de basculer, et il le devinait avec clairvoyance.

- Et… non, je ne suis pas un dragonnier. Ajouta-t-il au bout d’un moment.

Désireux de ne pas voir la conversation s’étaler sur les raisons qui l’ont amené dans cet état, il n’avait aucune envie de les confier à un inconnu, le vagabond entreprit de changer de sujet, et avisa le duo de sabres qu’exhibait fièrement son interlocuteur. Pour cela il fut contraint de pivoter un peu la tête vers Kazushi, mais il ne pourrait de toute façon pas masquer éternellement sa face honteuse et striée d’éraflures.

- Vous vous battez, mon ami ? Je sais les routes dangereuses, mais des armes aussi admirables ne semblent tout de même pas à leur place à votre ceinture… Loin de moi l’idée de vous offenser, évidemment.

Puisque son bienfaiteur ne souhaitait pas être nommé par le titre qu’il méritait aux yeux d’Adramus, ce dernier s’autorisa un peu plus de familiarité. Bien que son débit de parole, toujours lent et d’une gravité exacerbée par les maux de sa gorge, ne s’accordait pas beaucoup avec son discours.



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[Terminé] Le Prix du silence [Kazushi et Adramus] [11/04/927] EmptyMer 19 Avr - 22:11
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Le Prix du silence

Kazushi Ito et Adramus
« Méfiance excessive assassine la confiance. Le père ne reconnaît plus le fils, l’ami devient l’ennemi, et toutes les guerres s’en retrouvent injustement justifiées. »

Sophia Desperanz, poète de la famille Yüen, manuscrits de Losos, 823.


Cité-Etat de Dyen, le 11 avril 927
De peur d’offenser l’étranger, Kazushi avait pris des pincettes pour s’adresser à lui. Il avait évité de le regarder avec insistance, employé un ton neutre, si ce n’était amical, et évité de le questionner trop rapidement et trop intensément au sujet de ses blessures et de sa présence dans la forêt. Malheureusement, malgré ses nombreuses précautions, le ronin sentit que ses dernières interrogations avaient raidi son interlocuteur. Le son de l’herbe que ce dernier arracha d’un coup sec lui fit tourner brièvement la tête et baisser les yeux sur ses grandes mains. Une erreur…Il aurait dû attendre encore un peu avant de s’intéresser à sa vie personnelle, ou tout simplement le laisser y venir de lui-même. Tant pis, le mal était fait. Il ne pouvait plus revenir en arrière.
L’homme grogna qu’il devait ses blessures à sa bêtise, à un « acte irréfléchi » et qu’il l’avait bien mérité. Kazushi ramena son regard sur les bouleaux. Il ne savait que répondre et sans doute valait-il mieux qu’il ne réponde rien. Il se contenta donc d’un grognement à peine perceptible et d’un hochement de tête, histoire de lui signifier qu’il l’avait bien entendu et compris. En vérité, à défaut d’être satisfaite, sa curiosité venait d’être ravivée. Mais que pouvait-il bien dire à cet homme ? Il ne pouvait pas lui demander en quoi son acte avait été honteux, ni lui dire qu’il ne croyait pas en la puissance de Möchlog. A part le mettre mal à l’aise ou exciter sa colère, il n’en tirerait rien de bon.
L'étranger s’était tue et Kazushi se sentit dans une impasse. Il songea que son voisin n’avait même pas daigné lui donner un nom en échange du sien. Décidément, il faisait tout pour cacher son identité et cela devenait de plus en plus suspect. Le ronin était maintenant presque certain qu’il était recherché pour quelque larcin ou meurtre…Entre sa tenue, ses blessures, sa voix rocailleuse et son manque de conversation, il ne donnait pas envie de s’attarder en sa compagnie. D’ailleurs, Kazushi songeait à partir. Après tout, le vendeur qu’il était n’avait pas besoin de s’intéresser à cet homme. Il avait à faire en ville et forcer un pauvre erre à bavasser n’était pas dans ses habitudes. Il voulait garder ses secrets ? C’était son droit. Il voulait simplement s’asseoir, boire un coup, se reposer et repartir sans discuter ? C’était également son droit. Finalement, éviter de le fréquenter trop longtemps pourrait lui éviter d’avoir des problèmes.
Mais alors que le ronin allait se lever pour souhaiter bonne route à l’inconnu, ce dernier se réanima. Kazushi ne bougea pas. Il l’écouta lui dire qu’il n’était pas un dragonnier. Le guerrier lui jeta un coup d’œil en biais. Mais qu’était-il alors ? D’où venait-il ? Où allait-il ? Comment avait-il fini dans un état pareil ? Comme s’il eut accès à ses pensées, l’étranger tourna un peu son visage vers lui. Kazushi vit qu’il était couvert de fines estafilades, comme s’il était passé au travers d’un buisson d’épines. Il fronça les sourcils tandis que son regard glissait sur son katana. A sa question, le ronin se détendit un peu. Son ton avait été plus amical et il semblait réellement intéressé par l’arme.

- Oui, on peut dire ça...répondit-il en souriant. Je pratique le sabre depuis mon enfance. C’est mon maître qui m’a offert ces lames lorsque j’ai décidé de voyager entre mon village et Darga. fit-il tranquillement en tendant un peu son arme devant lui pour montrer sa garde travaillée. C’est un katana de bonne qualité. Mon maître savait que je risquais de tomber sur des animaux peu commodes, voire pire, des hommes peu scrupuleux…

Le regard de Kazushi se fit plus profond alors qu’il plongeait enfin ses yeux bruns dans ceux de son interlocuteurs. Pendant quelques secondes, le ronin resta muet, comme s'il cherchait à sonder les yeux de l'inconnu. Enfin, il lui sourit de nouveau.

- Dites-moi, mon ami, comment dois-je vous appeler ? Il avait fait exprès de reprendre le terme utilisé par l'inconnu pour appuyer un peu sur l'étrangeté de la situation. Vous comptez traverser Nislegiin avec ce bâton ? ajouta-t-il en désignant d'un coup de tête ce qui lui servait d'appui.

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Adramus
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[Terminé] Le Prix du silence [Kazushi et Adramus] [11/04/927] EmptyMar 25 Avr - 18:51
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Le prix du silence
Kazushi et Adramus
Le vagabond encapuchonné n’avait pas peur de rester un peu avec le ronin, si tant est qu’il parvenait à le faire demeurer, lui, à ses côtés. Sa fatigue, sa colère, sa douleur, lui pompaient tellement d’énergie qu’il ne pouvait en sauvegarder que bien peu pour répondre à Kazushi. Conscient du malaise qu’il commençait doucement à installer à travers son attitude, il entreprenait de rendre la conversation plus intéressante, tant bien que mal. Le fait que, en plus de tout ça, les chuchotements que le vent lui rapportait avaient de quoi inquiéter. Plusieurs chevaux arrivaient au trot, et se rapprochaient de la clairière où les deux hommes se trouvaient. Dans quelques minutes, ils seraient là. Adramus n’avaient pas du tout envie d’impliquer Kazushi si combat il y avait, mais au moins y aurait-il un témoin de sa mort, quelqu’un pour la raconter quelque part, sur les routes, et qu’au moins le patronyme de cet absurde et inconscient serviteur d’Amisgal survive un peu après lui. Il glissa les yeux vers le visage bienveillant du marchand itinérant, et lui rendit son sourire, bien qu’avec moins d’enthousiasme.

- Appelle-moi Adramus, cher Kazushi. Et ne t’en fais pas pour moi, ce bâton est solide et fiable, parfait pour moi. Dit-il avec ironie.

Le son des sabots qui claque était de plus en plus proche, mais le ronin semblait ne pas l’avoir encore perçu. Ou alors il l’ignorait. Le guerrier, d’un geste lourd et pesant, entreprit cependant de se lever en se hissant péniblement grâce à son arme de fortune. Ce bref repos lui avait redonné un peu de vaillance, et le voilà qui enlevait enfin sa capuche pour exposer son visage épuisé, marqué de fines éraflures, mais qui exprimait néanmoins une conviction puissante. Ses longs cheveux tombèrent derrière sa tête en une queue de cheval désordonnée. Maladroit sur ses jambes, il retrouva cependant rapidement son équilibre, si bien qu’on n’aurait eu du mal à le croire blessé au premier coup d’œil. Le vin avait endormi les spasmes électriques de sa hanche, et il pouvait désormais parfaitement feindre la pleine santé. Tranquillement appuyé contre sa troisième jambe, il avait les yeux rivés vers le chemin qui allait probablement être la porte d’entrée des cavaliers.

- Je vais te dire pourquoi je suis ici, lança-t-il avec solennité. Je suis poursuivi. J’ai tué un garde, menacé un autre pour qu’il me conduise jusqu’au Roi-Père de ce pays, et je lui ai déclaré toute l’animosité que j’avais pour son ordre de dragonniers. Après quoi, me sachant mort dans les trois secondes, j’ai sauté à travers une fenêtre pour pouvoir me réceptionner, en douceur, un peu plus bas. Sauf que j’ai atterri dans un arbre, voilà pourquoi je me suis dit puni par Möchlog.

Il fit une pause. Cette fois-ci, on entendait clairement les cavaliers et leurs montures tonitruantes. Adramus dût hausser le ton pour terminer son récit.

- J’ai fui le combat, j’ai fui mes responsabilités et les conséquences de mon geste inconscient. Maintenant, je vais en assumer pleinement les conséquences. Mais, écoute bien, mon frère, je compte bien me battre jusqu’au bout contre ces esclavagistes qui rendent les dragons, les fils bien-aimés d’Amisgal, aussi serviles que de simples mules. Regarde, et contemple les dernières heures de l’idiot que je suis.

C’est à ce moment-là, à cet instant précis, que quatre cavaliers pénétrèrent dans le petit carré dégagé au milieu des bois. Sûrement alertés par la voie reconnaissable d’Adramus, ils avaient accélérés la cadence de leur trot jusque-là tranquille. Ils cernèrent complètement les deux hommes contre l’arbre qui leur servait d’ombrelle, et la mule du marchand paniqua à la vue des armures saillantes et des lances effilées. Tous étaient parés de l’armure en acier emblématique des gardes de Dyen, mais l’un d’entre eux arborait une toute autre apparence. Vêtu d’une fine tunique blanche, et recouverte par un long surcot noir sans manche et ouvert au centre, il avait bien plus l’air d’un noble que d’un combattant. Néanmoins, son long sabre courbé pendant à sa ceinture ne laissait aucun doute sur l’attrait du personnage pour les combats et la violence. Plusieurs cicatrices lui barraient le visage. Des griffures autrefois profondes. Les restes d’une éducation longue pénible de ce qui, alors qu’il ne réclamait que liberté, devait désormais être son serviteur ailé. Adramus ne poussa même pas un soupir, mais lança un regard empli de haine à ce dragonnier qui le dominait de toute la hauteur de son cheval moreau.



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Spoiler:

Amisgal
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[Terminé] Le Prix du silence [Kazushi et Adramus] [11/04/927] EmptyMer 3 Mai - 18:13
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Néliam était un homme plein de contradictions. Certes, son statut social lui avait permis d’obtenir aisément le rang de dragonnier, mais il n’avait pas pour autant ménagé ses efforts pour mériter son titre par la suite. Altruiste, pensez-vous ? Que nenni, l’homme était plutôt calculateur et ne nourrissait que peu de tendresse à l’égard du genre humain. Seul son dragon, Balaschist, semblait faire naître en lui un semblant d’amour, un respect de la vie que la plus charmante des femmes n’avait jamais réussi à éveiller chez lui. Il fallait dire que sa propension à se conduire comme un animal brutal lui donnait de nombreux points communs avec sa chère monture. Il accompagnait ce mélange déjà corsé d’une pointe d’ambition qui auréolait le moindre de ses actes d’une rapide évaluation. Son but utopique n’était autre que d’atteindre un jour le poste révéré de Roi-Père, ou du moins de s’assurer une place au chaud au sein du Conseil. Tâche qui n’était pas facile, même pour quelqu’un de très argenté.

Aussi n’avait-il guère hésité lorsque le bruit avait couru qu’un indésirable malappris s’était introduit dans les sacro saints murs de Dyen pour débiter on-ne-savait quelles insondables inepties. Lui qui avait le sang plus bouillant qu’un bassin de lave et qui ne rechignait jamais à distribuer une kyrielle de coups bien placés, se sentit grandir l’âme d’un héros. Il n’était pas fou néanmoins, et si la plupart de ses combats avaient laissé des traces immuables sur son corps, ce n’était qu’uniquement parce qu’il l’avait bien voulu. N’allez pas pour autant vous tromper, car malgré ses hauts cris dans le but de s’affirmer fin bretteur, il avait simplement l’art de se trouver au bon endroit au bon moment. Ainsi, il ne disputait jamais des combats qu’il pensait perdre à plates coutures, et faisait attention tout au contraire à faire croire que chacune de ses rixes avait été fort épique… D’où les profondes cicatrices qui lui barraient la silhouette. Comment le prendrait-on au sérieux s’il ne se taillait pas une apparence de vétéran dangereux, revenu de mille et un combats risqués ?

Il escomptait bien aligner la victoire de ce jour au nombre de ses prouesses. Quelle difficulté pourrait bien représenter un va-nu pied imbu de lui-même et visiblement sénile… ? A ce titre, il lui avait paru stratégiquement nécessaire de laisser Balaschist à sa sieste au soleil. L’honneur disparaissait croissant avec la proximité de son aide reptilienne. Il était bien mieux de s’en sortir avec sa propre puissance.

« Toi, là ! Comment oses-tu te tenir à proximité de Dyen la merveilleuse après de tels actes éhontés ?! Par Amisgal et sa divine volonté, n’escompte pas échapper à ton châtiment ! »

Il sortit de selle du geste de celui habitué à démonter plus gros animal qu’un équidé servile.

« Messire, vous ne devriez pas… »

Néliam interrompit les inquiétudes de l’un des gardes d’un rapide mouvement impérieux de la main, jouant le rôle qu’il s’était tissé depuis tant d’années.

« N’intervenez pas s’il-vous-plaît, je mènerai ce combat dignement et avec honneur. Cela apprendra à cet impertinent ce que représente la vraie mentalité d’un homme, et non pas celle d’un couard qui non content de fuir s’en prend au tout venant. »

Alors seulement son regard fier dériva sur le marchand de couverture, et l’un de ses sourcils se haussa d’une nuance d’incrédulité.

« Le chacal ! Il avait donc un complice dans ses méfaits ! »

L’attention menaçante que les trois gardes portèrent soudain sur Kazushi lui prouva qu’il avait tout intérêt à expliquer très vite sa situation s’il ne désirait pas souffrir d’un quiproquo. A moins qu’il ne choisisse de prendre entièrement le parti de cet inconnu poussiéreux… ?



[Hrp : Voici donc le début de mon intervention MJ ! Bon courage à chacun. Very Happy ]

Kazushi Ito
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[Terminé] Le Prix du silence [Kazushi et Adramus] [11/04/927] EmptySam 6 Mai - 10:53
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Le Prix du silence

Kazushi Ito et Adramus
"Justice n'est justice que si les deux partis adhèrent au même système judiciaire."
Sonïr Dural, sage de Koulem Yalänn, 910.


Cité-Etat de Dyen, le 11 avril 927

Un sourire, un regard et un nom : le dialogue commençait enfin à prendre forme. Après ces silences et ces méfiances respectives, il était agréable que voir que les deux voyageurs pouvaient encore nouer quelques liens. Ravi de voir l'étranger s'ouvrir un peu, Kazushi lui rendit son sourire et prit note du patronyme qu'il venait de lui donner. Il ne l'avait jamais entendu. Ce n'était donc pas un homme de réputation, bonne comme mauvaise, et il ne pouvait partir d'autres à priori que ceux qu'il se forgeait à partir de son apparence et de son langage. C'était mieux ainsi.
Au loin, des chevaux arrivaient au galop. Cela faisait un moment que l'air apportait leur hennissements et le son de leurs sabots, mais le ronin ne s'en n'était pas préoccupé pour la simple et bonne raison qu'il n'avait rien à craindre d'une telle troupe. Il était évident qu'elle était composée de quelques hommes d'armes de Dyen : eux seuls pouvaient ainsi se promener à cheval le long des murailles sans craindre les dragons. Kazushi n'avait rien à se reprocher et ce ne serait pas la première fois qu'il croiserait des dragoniers en pleine mission de reconnaissance. D'habitude, il se contentait d'être cordial, de décliner son identité quand on ne le reconnaissait pas et de les saluer. Pourquoi s'en préoccuper aujourd'hui ?
Près de lui, Adramus enleva sa capuche : autre signe qu'il se sentait un peu plus à l'aise en sa présence. Kazushi en fut heureux. Même s'il évita de le dévisager, il ne put s'empêcher de lui jeter un coup d'oeil pour le découvrir enfin dans son entier. Le visage d'Adramus était dur mais pas dénué de beauté. C'était le visage d'un homme qui avait combattu pour sa vie et qui avait longtemps vécu sur les routes. Il paraissait avoir une trentaine d'années, peut être un peu plus. C'était un guerrier farouche et déterminé. Alors qu'il l'observait sans mot dire, le ronin le vit se lever avec difficulté. Au lieu de l'aider, ce qui l'aurait sans doute offensé, il demeura assis, attentif à ce qu'il voulait lui dire.
Adramus lui expliqua alors qu'il avait tué un garde et qu'il s'était rendu jusque dans la salle du trône du Roi-Père pour cracher sa haine des dragoniers avant de s'échapper par une fenêtre. Kazushi blêmit soudain.

- Tu as quoi ?! s'exclama le ronin en écarquillant les yeux de stupeur et d'effroi.

Son regard suivit celui que le guerrier portait sur la troupe de cavaliers qui approchait et il fit bien vite le lien entre ces hommes et son compagnon. Son cœur fit un bond : ils étaient à sa poursuite et venaient le récupérer ! Adramus continua alors sa diatribe en exposant son envie de laver sa honte dans le combat. Combat qu'il dit vouloir mener jusqu'à sa mort...

Mais...c'est pas vrai... soupira Kazushi en se passant une main sur le visage d'un air atterré.

Le ronin n'en revenait pas. Celui qu'il avait pris pour un simple voleur ou bagarreur de taverne s'avérait être en réalité un meurtrier...et pas des moindres ! C'était un homme qui venait de tuer un soldat de Dyen et d'attenter à l'honneur, voire à la vie, du Roi-Père en personne ! Il venait d'attenter le pire crime qui soit au cœur d'une Cité-État ! Le vendeur de couverture sentait son cœur battre à tout rompre dans sa poitrine. Mais qu'avait-il donc bien pu faire pour mériter ça ? Maintenant, il devinait aisément que les cavaliers qui arrivaient venaient pour capturer ce dangereux individu et rendre leur jugement. En lui offrant son amitié, il venait de se faire complice de ses actes...

- Imbécile... murmura-t-il sombrement en se relevant à son tour.

Quatre cavaliers les encerclèrent. Kazushi resta paisible d'apparence, même si son regard alla de l'un à l'autre pour juger de leur force. Il se contenta de remettre à sa ceinture son katana et se tint droit face aux nouveaux arrivants. Son chapeau reposait dans son dos au bout de sa ficelle. Non loin de lui, son petit cheval s'ébroua une nouvelle fois. La voix forte de l'homme qui venait de sauter de selle le perturbait.
Kazushi revêtit le masque de l'innocent qui ne comprend pas ce qu'on lui reproche. Il avait laissé Adramus s'avancer et était resté un peu en retrait. Un terrible choix s'imposait à lui : soit il aidait le guerrier et devenait criminel lui-même, soit il aidait les cavaliers et rompait ce moment d'amitié qu'il venaient de partager. N'importe qui aurait choisi de se placer du côté des soldats, ne serait-ce que pour sa propre survie, mais Kazushi était un homme d'honneur et de principes. Certes, il n'était pas d'accord avec les méthodes qu'avait employées le guerrier mais il comprenait sa révolte face aux dragoniers et à leur façon de traiter les dragons. Lui-même ne s'en préoccupait guère, mais il avait déjà remarqué, au cour de ses pérégrinations, que ces créatures n'étaient pas toujours perçues à leur juste valeur, voire parfois maltraitées pour les rendre plus dociles. Kazushi détestait ceux qui ne respectaient pas la vie. Il détestait également faire des choix...

- Vole mon cheval...Je vais les occuper...fit-il discrètement à Adramus en se mordant les lèvres.

Lorsque le dragonier balafré se rendit compte de sa présence et qu'il l'associa au fugitif, Kazushi leva les mains pour montrer qu'il n'avait aucune intention belliqueuse et fit un pas de côté pour s'éloigner d'Adramus tout en lui jetant un regard de méfiance absolue à l'instar de celui qui découvre qu'il vient de frayer avec un serpent.

- Messieurs, vous vous méprenez, je ne connais cet homme que depuis cinq minutes. Je n'ai fait que lui offrir un peu de vin pour lui être aimable. J'ignore ce que vous lui reprochez et je ne veux rien avoir à faire dans cette histoire.

Le ronin espérait que le guerrier n'aurait pas la mauvaise idée de s'attaquer au dragonnier. Avec ses blessures, il n'avait aucune chance de s'en sortir. Par contre, s'il volait son cheval et s'enfuyait à bride abattue, il aurait peut être l'occasion de sauver sa peau. Kazushi soupira intérieurement : adieux Janma, adieux couvertures...Comment ferait-il ensuite ? Dyen le dédommagerait-il ? Il avait des doutes...même s'il aurait pour le coup quatre témoins qui attesteraient du-dit vol.
Son regard se porta sur les cavaliers toujours en selle. Non...il n'en connaissait aucun...Pas un ne pourrait reconnaître le marchand qu'il était...Quelle plaie ! Il n'aurait pas pu tomber sur un aimable vendeur de savates ou une belle diseuse de bonne aventure ? Non ! Il avait fallu qu'il tombe sur l'homme le plus recherché de la Cité...Une sourde colère animait maintenant Kazushi de l'intérieur. Il ne pouvait prendre le parti d'aucun des hommes ici présent. Pour lui, aucun ne le méritait et, de toute façon, il n'avait rien avoir avec leur querelle. Ce n'était qu'une malheureuse coïncidence s'il se retrouvait là en compagnie d'Adramus. Une chose était certaine, tant que l'on attenterait pas à sa propre vie, il ne sortirait pas ses armes. Pacifique et neutre, il ne comptait pas se mettre à dos les autorités de Dyen et ainsi compromettre ses échanges et sa liberté. Il avait encore quelques années de commerce devant lui et Koulem Yalänn comptait sur lui.

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[Terminé] Le Prix du silence [Kazushi et Adramus] [11/04/927] EmptyMer 10 Mai - 21:25
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Le prix du silence
Kazushi et Adramus
Des grognements lourds s’échappaient de la bouche du mage alors qu’il voyait s’approcher l’immonde chevalier et sa troupe de suivants. Ainsi donc, un homme entrainé pour grimper sur le dos des plus belles créatures d’Irydaë venait à lui sur un simple cheval, qui pouvait aussi bien être une mule couverte de peinture. Cela relevait d’une arrogance presque équivalente à celle d’Adramus lorsqu’il eut l’idée saugrenue de défier le roi de cette grande cité. En cela, ils se ressemblaient assez, mais c’était bien l’unique proximité qu’ils avaient l’un et l’autre. Jamais un être ne sembla plus détestable aux yeux du guerrier. La suffisance qui suintait des pores de sa peau épaisse ne lui était que plus insupportable tandis que, de son côté, la prudence était de mise avec autant d’adversaires et une blessure handicapante. De surcroît, la réaction de Kazushi ne l’aidait pas, même s’il avait pu la prévoir depuis un moment. Evidemment que ce pauvre marchand de couvertures n’allait pas en revenir d’une rencontre si infortunée, même s’il eut tout de même un geste de grande bonté en proposant à Adramus de s’enfuir grâce à sa monture. Et tandis que le bélître brayait, aboyait et peut-être même bramait sur les deux voyageurs, le trentenaire en profita pour glisser un petit mot à son aimable hôte.

- Crois-moi, je ne vais pas fuir alors qu’une occasion de racheter mon honneur se présente en grandes pompes. Toi, prends ton cheval et enfuis-toi. Je trouverai bien un moyen de te rejoindre pour te signifier ma reconnaissance, mon ami, sinon c’est que je serais mort…

En prononçant ceci, il avait posé sa main sur l’épaule du marchand, tout en défiant du regard le fanfaron et sa suite de menines en armure. Toujours appuyé sur son bâton, Adramus fit quelques pas en avant histoire de faire face, comme il était de coutume, à celui qui voulait tant montrer sa bravoure à ses fiers hommes en armes. D’un geste, il défit la corde de sa cape qui tomba lourdement sur le sol, révélant à tous la stature imposante qui était la sienne, mais qui pourtant trouvait écho dans celle de son adversaire, tout aussi puissamment bâti. Ce fut ensuite autour de l’auxiliaire en bois d’Adramus de toucher le sol afin de laisser au mage les mains entièrement libres d’exprimer leur art.

- Tu veux montrer ton honneur, maraud ? Si seulement les dragonniers en avaient encore. Tu vas comprendre que sans l’aide des dragons, vous ne valez tous guère mieux que les gosses qui apprennent à se battre avec des branches. Tire ton épée, chevalier ! Voici la mienne... Lança-t-il avec aplomb.

Soudain, les yeux les plus attentifs pouvaient apercevoir que l’herbe autour d’Adramus s’animait d’une agitation peu commune alors qu’il n’y avait pourtant pas plus qu’une brise dans l’air. Elle semblait repoussée en arrière, de tous les côtés du guerrier, comme si il émettait lui-même ce qui devint bientôt un vent un peu plus remarquable qu’un courant d’air ordinaire. Ses mains puissantes se joignirent, devenant le foyer d’une lumière vive, qui devint petit à petit un rayon étrange, s’animant de lui-même, et formant une lame de lumière qui grandit de plus en plus depuis la poigne du mage. Un simple murmure d’Adramus, et là où, un instant auparavant, s’ébattait le vide, était apparu un long sabre semblable à celui que Kazushi portait à la ceinture, mais d’un blanc presque aveuglant, et ouvragé avec une finesse et un style qu’on ne connaissait d’aucun peuple.

Le regard d’Adramus semblait tirer des éclairs à l’intention de son adversaire. Il s’était mis en position de combat. Prenant appui sur sa jambe droite, la lame perpendiculaire à son buste, en face de lui, il n’avait plus qu’à serrer les dents en sentant la blessure de son flanc le brûler comme un fer chauffé à blanc et attendre que messire Néliam se prépare à mourir. Tout se jouait maintenant. Soit Adramus assumait ses fautes, son impétuosité et la puissance qu’Amisgal lui avait octroyé pour vaincre cet ennemi de sa si tendre déesse des vents… soit il mourrait, ici et maintenant, sous les yeux d’une poignée de gardes, d’un effroyable parvenu au sourire goguenard, et d’un marchand de couettes. Inutile de dire qu’il donnerait tout ce qu’il aurait dans cette bataille.  



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[Terminé] Le Prix du silence [Kazushi et Adramus] [11/04/927] EmptyLun 15 Mai - 18:48
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Les gardes, qui n’étaient pas de mauvais bougres et pouvaient se montrer par moment fort consciencieux, dévisagèrent durant plusieurs interminables secondes la moue innocente de Kazushi. Ils n’avaient aucune preuve néanmoins que les deux hommes se connaissaient, et quand bien même un interrogatoire plus approfondi aurait pu leur permettre de démêler cette insondable situation, le Dragonnier ici présent se proposait déjà d’apporter un point final radical à cette histoire. Tant mieux s’il pouvait achever ici et maintenant l’objet du délit et le fauteur de troubles, la tranquillité du Roi-Père n’en serait que plus préservée ! Et puis, après tout, les circonstances que ce marchand de tapis dépeignaient étaient tout à fait crédibles : le criminel ne s’était guère enfui depuis très longtemps, et tout portait à croire qu’il avait fait cavalier seul. Nul ne se serait aventuré avec tant d’audace et d’impudence dans l’enceinte de Dyen autrement – il fallait forcément avoir un grave souci psychologique. Comment aurait-il pu faire équipe avec autrui… ?

« Si ce que vous dîtes est vrai alors veuillez reculer de quelques pas et venir vers nous, annonça d’une voix claire le soldat visiblement en charge. En tant que citoyen vous êtes également sous notre protection, et nous ne voudrions pas que le combat dégénère vers vous. »

Son ton n’était pas plus hostile qu’amical. C’était celui d’un professionnel malgré tout habitué à gérer des foules, des dragons incontrôlables et des dragonniers souvent capricieux. C’est qu’il fallait savoir contenter tout le monde, et protéger les uns des autres. Cela, quand ils ne décidaient pas tous ensemble de pourrir la vie de cette pauvre garde uniquement armée de lames et de chevaux ! Pour illustrer ses propos, Menkir, soldat habilité depuis une dizaine d’années, descendit à son tour de sa monture et se positionna de sorte à ce que Kazushi puisse se placer à ses côtés. Il croisa alors les mains dans son dos en une attitude martiale, et s’immergea patiemment dans l’observation du combat à venir. Il n’en retenait pas moins toute une série de questions routinières qu’il ne s’empêcherait nullement de poser au vendeur de tapis dès lors que celui-ci l’aurait rejoint. Les contrôles d’identité étaient toujours primordiaux lorsque le doute flottait.

Pendant ce temps, Néliam contemplait son adversaire avec une égale animosité. Deux joyeux lurons au tempérament fiévreux et à la volonté problématique. L’auraient-ils voulu, qu’ils ne seraient pas mieux tombés l’un en face de l’autre. Néanmoins, s’il y avait bien quelque chose que Néliam n’avait pas prévu, fut la maîtrise de l’air dont fit preuve le vagabond dissident. Ses prunelles aiguisées firent ainsi l’aller-retour vif entre la lame luminescente que son adversaire avait invoquée et le visage fermé de ce dernier. Quelque chose d’agressif passa sur ses traits. Un retroussement subtil des lèvres comme un animal qui s’apprête à mordre, et qui vint dessiner de légères ridules au bord de ses sourcils tel le roulement lointain de tonnerre. Il était considérablement irrité. Agacé par ce personnage outrecuidant qui se permettait de sortir un lapin de son chapeau une fois seulement que la déclaration de guerre avait été lancée. Impossible pour lui désormais de se rétracter, de prétexter un assaut commun : il passerait pour faible et lâche. Et cette absence subite de choix, l’impression d’avoir été contraint à une situation qu’il n’avait pas désiré et qu’il avait peu de chances de contrôler, lui vrillait les nerfs comme la piqure agaçante d’une guêpe.

Il se reprit pourtant. Il ne maîtrisait certes aucun tour de passe-passe et la perspective que cet imbécile puisse maîtriser l’un des arts divins de leur Architecte Amisgale lui retournait les entrailles, il était toutefois très loin d’être sans défense. Mieux encore, il se méfierait à présent, alors même qu’une poignée de secondes plus tôt il se serait élancé bêtement. Il dégaina donc d’un geste souple la longue épée qui ceignait ses hanches et se mit en garde à son tour. Et puisque chaque seconde de réflexion supplémentaire était au bénéfice du mage des vents, il s’élança d’une détente énergique, faisant tracer à son arme une arabesque vers le flanc droit d’Adramus. Le but n’était autre que de l’obliger à parer dans une position très inconfortable à cause de l’allonge de son sabre, le poignet tordu avec un peu d’espoir pour contrer cet assaut si direct et frontal. Il ne venait pourtant pas immédiatement avec l’intention de tuer, trop conscient des potentielles capacités de son adversaire pour ne pas d’abord le tester.

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[Terminé] Le Prix du silence [Kazushi et Adramus] [11/04/927] EmptySam 27 Mai - 1:06
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Le Prix du silence

Kazushi Ito et Adramus
« Il n'y a parfois aucun choix satisfaisant, fils, et lorsque l'entre-deux n'est pas possible, alors tu devras écouter ton cœur ou ta raison. »

Ikeda Tadoshi, maître d'arme de Koulem Yalänn, 915.


Cité-Etat de Dyen, le 11 avril 927

Kazushi était un homme jute et bon. C'était un homme d'honneur, élevé dans un village dont les plus sages pouvaient se targuer de transmettre les principes d'éducation les plus bienveillants et agréables qui soient. Il avait ainsi hérité de la patience, du respect et de la moralité impeccable de ses parents. Il connaissait la compassion, cultivait la générosité et ne jugeait autrui que sur des actes qu'ils avait lui-même vus de ses propres yeux. Il ne faisait pas de différence entre un paysan et un seigneur. Son sabre ne lui servait qu'à défendre le plus faible ou à garantir sa vie face aux dangers qu'Irydae mettait sur sa route. Jamais il ne tuait sans raison, jamais il ne gaspillait la vie, qu'elle soit végétale, animale ou humaine. Sa fierté et son courage ne se changeaient jamais en orgueil ou en témérité. Il préférait courber l'échine devant un brutal et lui enseigner la vertu plutôt que de serrer le poing et de répondre aux provocations par la violence. Pour lui, la franchise était l'apanage d'un esprit éclairé, ouvert au monde et à tout ce qu'il pouvait offrir de beau et de bon. Il ne connaissait ni le mensonge malveillant, ni le dédain, encore moins l'injustice, l'envie au dépend d'autrui ou la cruauté.

Malheureusement, il se retrouvait aujourd'hui face à un cas de conscience que la vie lui avait épargné jusque là et que ses beaux principes gênaient dans son élucidation. Adramus était un inconnu, un étranger qu'il venait tout juste de rencontrer au hasard de ses pérégrinations. C'était un homme blessé qui avait eu besoin d'un peu de réconfort. Kazushi lui avait tendu la main, comme il l'aurait fait pour n'importe quel autre être humain, My'trän ou Daenar, homme ou femme, jeune ou ancien. Il lui avait offert à boire, une simple lampée de vin, histoire de soulager sa soif et, peut-être, de délier sa langue quant aux circonstances de sa présence et de son état. Il n'avait pas réfléchi plus loin. Même s'il avait rapidement compris que le guerrier avait des choses à se reprocher et qu'il était sans doute criminel aux yeux de la justice de Dyen, il n'avait pas été jusqu'à imaginer qu'il avait surgi dans la salle du trône pour menacer le Père de la cité-État après avoir tué un garde...Maintenant que les dragoniers venaient le chercher, le destin lui laissait le choix : devait-il le sauver de ces soldats, ou devait-il l'abandonner à son propre sort ? Où était la bonne décision ?

Kazushi se souvenait des sages paroles d'Ikeda Tadoshi, son maître d'arme et précepteur. Son aîné l'avait toujours guidé sur le droit chemin, aiguisant ses sens, sa lame et son esprit. C'était sur ses conseils qu'il bâtissait toute son idéologie guerrière et les principes fondamentaux qui maintenaient son être tout entier sur pieds. Qu'aurait-il fait à sa place ? Fallait-il suivre son cœur et aider le guerrier à s'enfuir au risque de tout perdre ? Ou valait-il mieux suivre sa raison et rester du côté de la justice des lieux ?
Kazushi aurait aimé pouvoir rester totalement neutre, car il l'était réellement. Pour lui, Adramus ne représentait qu'un badaud qui ne lui avait pas été hostile et Dyen représentait uniquement un point de passage pour son commerce de couverture. Il ne s'était jamais attardé sur les dragons et les conditions de leur élevage, et le combat pour lequel le guerrier s'était autant exposé lui était ainsi fort étranger. Il ne pouvait le suivre par conviction. De la même manière, il n'avait pas assisté à son intervention auprès du Père et ne pouvait par conséquent se ranger du côté des soldats de Dyen. Il ne leur devait rien. Après tout, cette cité n'était pas la sienne...
La seule solution qui lui apparut fut celle de laisser Adramus lui « voler » son cheval afin de lui offrir une porte de sortie sans pour autant réellement l'aider. Ainsi, il ne s'opposait pas aux dragoniers et ne laissait pas non plus le guerrier se faire massacrer par ces derniers. C'était la seule idée qui lui parut valable. Mais Adramus refusa de s'enfuir et se prépara au combat. Kazushi ne pouvait plus rien pour lui. Le choix, c'était le vagabond qui venait de le faire à sa place...

Je n'ai besoin d'aucune reconnaissance...souffla-t-il aux dernières paroles que le guerrier lui marmonna.

Mains levées, pour bien indiquer qu'il ne les portait pas à sa ceinture où ses armes demeuraient accrochées, le ronin se dirigea vers les dragoniers qui lui demandaient de se placer sous leur protection en tant que citoyen. Quelle autre perspective avait-il ? Se battre aux côtés du meurtrier qu'était Adramus n'avait pas de sens pour lui. Même si cette situation lui laissait un goût amer de honte, l'homme considéra qu'il avait fait son possible. Le reste ne dépendait plus de lui.
Se rangeant donc docilement du côté des soldats, Kazushi s'écarta un peu de ces derniers pour leur laisser de l'espace et pouvoir observer le combat qui s'annonçait sans risquer de gêner qui que ce soit. Il remit son chapeau de paille tressée sur ses cheveux tirés en arrière en une longue queue et soupira. Son arrivée à Dyen allait s'avérer finalement plus mouvementée que ce qu'il avait espéré. Lui qui goûtait au charme de cette clairière quelques instants auparavant se retrouvait désormais impliqué dans une bien sordide histoire.

Le dragonier qui voulait en découdre avec Adramus semblait particulièrement imbu de sa personne. Hautain et sûr de lui, il s'avança vers le guerrier en le provoquant. Ce dernier fit tomber son lourd manteau, révélant sa carrure massive et ses blessures. Il laissa tomber l'épais bâton qui le soutenait jusqu'à présent et s'avança à son tour pour répondre à son adversaire. Kazushi fronça les sourcils. Il lui semblait que la brise se concentrait autour de son compagnon d'infortune et qu'elle faisait frissonner l'herbe à ses pieds. Était-ce une illusion due au soleil qui perçait les feuillages des arbres alentour ou Adramus était-il un de ces fameux magiciens qui peuplaient My'trä ? Cela ne plaisait pas au ronin qui n'avait jamais apprécié l'utilisation de la magie. Pour lui, elle n'était qu'une source de mort, un dangereux mystère dont il préférait rester loin. Alors qu'il plissait les yeux pour observer avec attention les mouvements d'Adramus, Kazushi aperçut soudain une étrange lueur émaner de ses paumes. La lumière grandit et dessina un arc : Adramus venait de matérialiser un sabre ! Kazushi n'en revenait pas. Ébahi, il ouvrit la bouche de surprise avant de la refermer pour se concentrer sur le combat qui débutait. Décidément, cet homme était surprenant...

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Adramus
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[Terminé] Le Prix du silence [Kazushi et Adramus] [11/04/927] EmptyDim 11 Juin - 13:59
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Kazushi et Adramus
Un duel à mort, comme au bon vieux temps. Si Adramus n’était pas considéré comme violent par ses proches, force est de constater qu’il avait une vision du combat bien à lui. Le voyageur possédait un appétit étrange pour ce genre d’évènements où l’on jouait sa vie comme mise ultime sur la table des cartes. Dans sa tribu native, bien évidemment, les fils et filles d’Amisgal ne s’adonnaient pas à des activités aussi meurtrières et inutiles. Seulement, la vie d’un nomade amène son lot de surprises, et bien souvent Adramus avait été obligé de défendre son honneur et la pérennité de son existence par la voie de l’épée et de la magie. Bandits cupides, mages ambitieux, ou bien simplement cibles de contrats que le vagabond avait été obligé d’exécuter tant les grondements de son estomac se faisaient puissants. On ne pouvait donc lui retirer son expérience du combat, mais il demeurait tout de même un sentiment de plénitude qui le rendait d’autant plus dangereux que la mort ne l’effrayait pas. Tout le contraire de ce chevalier impudent, qui suintait l’appréhension de cet affrontement qui devait sûrement ne pas se passer comme il l’avait prévu de prime abord. Cela ne faisait que commencer, d’ailleurs.

L’homme s’élança vivement, prêt à taillader le flanc encore valide de son adversaire d’un coup rapide et précis. Serait-il puissant, seulement ? Vu la carrure de l’homme, on pouvait s’y attendre. Voilà pourquoi Adramus n’escomptait pas parer cette frappe sans d’abord pivoter sur le côté, afin de prendre l’impact de face pour ne pas faire trop travailler sa hanche sanguinolente qui supporterait mal de devoir se plier face au sabre du dragonnier. Avec une rapidité surprenante, le bretteur tourna le talon et plaça sa lame perpendiculaire à celle qui projetait alors de lui exposer les côtes. La force de Neliam était, comme il l’avait pressentit, très honorable. Il n’avait pas pris beaucoup d’élan, mais un homme normal comme Kazushi aurait déjà eu du mal à arrêter un tel impact. Adramus, blessé et assez fatigué, devait s’avouer que lui aussi peinait à bloquer son adversaire, mais il avait désormais une bonne ouverture pour contre-attaquer.

Foudroyant le dragonnier du regard, Adramus repoussa l’épée de ce dernier en poussant un grognement d’effort. Ce n’était qu’un instant de répit, mais dont le mage comptait bien se servir pour égaliser les chances avec cette masse d’arrogance en pleine santé. Faisant pivoter son sabre entre ses deux mains habiles, il était désormais dans la posture adéquate pour trancher, du bout de la lame, la hanche gauche du chevalier grâce à un vif mouvement en arc de cercle. Ainsi, ils étaient maintenant sur un pied d’égalité, mais ce mouvement l’avait rendu vulnérable à une riposte, voilà pourquoi Adramus préféra ne pas savourer les prémices de sa victoire et replaça rapidement son sabre éclatant en position de garde, bien perpendiculaire à son buste, et recula de quelques pas pour se remettre hors de portée de Neliam.

Loin d’afficher l’arrogance que ce serait autorisé son adversaire s’il avait réussi à porter une telle frappe, le vagabond restait concentré sur le combat, tournant très lentement autour du combattant sans cesser de le quitter des yeux, et sans rompre sa garde. Néanmoins, son regard était parfois dirigé vers la plaie rougeoyante qui ceignait le flanc du dragonnier. Lui aussi souffrait, cependant, et il fallait vite terminer cette affreuse besogne avant qu’il ne s’écroule définitivement. Impossible de trop cligner des yeux, la sueur qui s’amassait dans ses sourcils l’aveuglerait instantanément. Quelle journée de malheur…



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Amisgal
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[Terminé] Le Prix du silence [Kazushi et Adramus] [11/04/927] EmptyMar 11 Juil - 18:13
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« Tu penses m’avoir traîné à ta hauteur, démon vagabond, cracha Néliam qui n’était pas dupe, mais tes tours de passe-passe t’auront épuisé bien avant que le sang n’ait manqué dans mon corps ! »

Il n’avait pas tort sur ce point, le bougre, malgré ses airs de bourgeois hautain un peu trop irascible pour un combat au sommet. Son mauvais tempérament ne l’avait pas privé d’un sens de l’observation fonctionnel ainsi que de déduction. Avant cela, lorsque lui-même se reposait en pleine santé contre les écailles chaudes de Balaschist, ce chiendent courrait la ville à la recherche d’une échappatoire : autant de temps que son hémorragie avait pris d’avance sur celle de Néliam. Et il n’osait même imaginer combien d’énergie avait dû lui coûter cette fuite éperdue par l’une des tours et la magie qu’il avait déployée pour survivre à sa chute. Mieux encore, il comptait fermement sur cette singulière différence de traitement ces dernières heures pour annihiler un ennemi autrement impossible à atteindre. Car il ne se leurrait pas. Cet individu, malgré tous ses défauts, étaient bien plus habiles que lui en pleine santé. Néanmoins ses folies allaient lui coûter cher, puisqu’elles l’entraînaient justement à la portée de Néliam…

« Cette lame dont tu es si fier sera ta perte, il te faudra bien trouver l’énergie pour l’entretenir… Risible pour un soi-disant fidèle de notre aimée Amisgal ! »

Leurs pas presque harmonisés traçaient dans le sable des circonvolutions poussiéreuses, à l’image d’un couple de félins échangeant un tango venu d’un autre temps. Derrière eux et ce cercle implicite que leur rage et leur ferveur traçaient dans l’air, quelques curieux commençaient à s’amonceler, stoppant les charrettes et hélant les soldats présents dans l’espoir d’une réponse. Cette curiosité morbide allait, sans qu’il ne le sache encore, provoquer la future richesse de Kazushi si sa bonne étoile lui permettait de sortir indemne de cette histoire. Car voilà qu’on le désignait du doigt, lui, l’homme qui devait probablement connaître tout le fin mot de cette rixe sans en être pour autant l’instigateur, puisque l’adjoint lui parlait calmement en retrait du combat. L’on avisa le petit cheval de somme tout aussi sage que son maître, et les couvertures toujours harnachées sur son dos. Des étrangers… ?

« Veuillez décliner votre identité s’il-vous-plaît, poursuivit donc Menkir d’un ton aussi rôdé que celui d’une machine. Vous exercez la profession de marchand ? Tisserand ? Pour quelle raison vous rendez-vous dans nos murs ? »

Pendant ce temps, bien loin de cette paisible conversation, Néliam avait fait un premier pas dans son jeu favori du chat et de la souris. Il avait tôt fait d’apprendre à profiter de sa hargne naturelle, et cette énergie sans cesse renouvelée lui donnait la capacité d’harceler incessamment les flancs de son opposant. Tel un danseur sur le fil, il ne cessait d’alterner des demi-pas d’une rare rapidité pour titiller du bout de sa lame le corps adverse, et ainsi éprouver la patience de ce désagréable rônin du vent. Il s’enorgueillissait d’être sage et impassible ? Allons voir jusqu’où sa tolérance pouvait le mener, lorsqu’il avait affaire à un véritable maître dans l’art de pousser à bout le plus impavide des fidèles d’Amisgal !

« Au nom de notre mère Dragonne ! entonna-t-il à pleins poumons comme un véritable chant de guerre, possédé tout entier par un second souffle de vie. Guide ma lame à travers les tempêtes, permet-moi de frapper de foudre tes ennemis ! »

Puis soudain, la détente et la morsure du serpent, un énième geste répété, identique aux précédents, et pourtant… A l’ultime instant, Néliam dévia son épée et s’accroupit soudainement pour venir tenter de faucher les gambettes si allègres de cet estropié. Si la moindre ouverture se présentait, il escomptait bien pouvoir enchaîner sur un superbe coup de coude dans les entrailles, puisant dans l’énergie de sa colère pour ignorer une poignée de secondes encore la souffrance qui commençait à poindre de sa propre hanche. Si les Architectes le désiraient, sans doute lui offriraient-ils l’opportunité de planter une bonne fois pour toutes cet horrible malappris dans la foulée !

Kazushi Ito
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Le Prix du silence

Kazushi Ito et Adramus

« Si ton reflet dans ce miroir te déplaît alors brise-le :
il y toujours d'autres chemins à emprunter pour satisfaire ton coeur. »

Bolmyr, ménestrel itinérant, 925.


Cité-Etat de Dyen, le 11 avril 927

Impuissant. Voilà ce qu'était Kazushi: frustré car impuissant. Le combat que menaient désormais le dragonier de Dyen et Adramus ne le regardait pas, mais il crevait d'envie d'intervenir pour leur demander de cesser cet étalage ridicule de magie et de violence. L'un faisait état de zèle envers son souverain-père, l'autre voulait prouver sa grande valeur guerrière une dernière fois avant de rejoindre ses ancêtres...Pour le samouraï errant, les deux hommes faisaient surtout preuve d'orgueil et cela commençait à l'échauffer, d'autant que la magie du vent qu'utilisait Adramus l'inquiétait étrangement. Kazushi n'avait jamais aimé la magie...En sa présence, il se sentait toujours en danger pour la simple et bonne raison qu'il ne la connaissait pas encore suffisamment et qu'il ne la pratiquait pas lui-même. L'inconnu fait toujours peur, surtout lorsque l'on a conscience de sa puissance...

Un peu à l'écart, l'enfant de Koulem Yalänn écoutait maintenant un dénommé Menkir qui l'interrogeait. Il ne lui semblait pas particulièrement hostile, mais ses questions l'agacèrent étrangement vite. Était-ce la situation qui le tendait à ce point ? Ou prenait-il simplement ombrage de ce que l'homme insiste aussi durement, comme si son innocence était très loin d'être prouvée ? Heureusement, malgré son irritation, Kazushi avait appris la patience. Il répondit avec calme et amabilité, autant que se faire se pouvait tandis que le combat continuait non loin d'eux. Souvent, ses yeux verts revenaient sur Adramus et son adversaire.

- Je me nomme Kazushi Ito. Je viens de Koulem Yalänn, à une journée et demi de marche au Nord-Est d'ici. Cela fait près de quatre ans que je voyage, depuis mon village jusqu'à Darga, en passant par Dyen, Reoni et Eoril, pour vendre les couvertures que ma mère tisse. Je suis marchand, oui, et herboriste, ajouta-t-il en sortant un petit carnet de sa manche de kimono pour le tendre au guerrier suspicieux. Comme je vous l'ai dit, je ne connais cet homme que depuis une demi heure. Je lui ai offert à boire, c'est tout. Je n'ai rien à voir avec vos histoires...

C'était sans doute un peu sec, mais Kazushi ne comptait pas non plus tolérer longtemps l'interrogatoire du soldat. Pendant que ce dernier feuilletait son carnet de croquis, son attention était entièrement portée sur le combat qui dégénérait peu à peu. Le ronin craignait pour la vie des deux hommes.

- Je ne vois pas où tout cela va mener...murmura-t-il pour lui-même.

Bientôt, des exclamations fusèrent derrière eux: des curieux se rassemblaient peu à peu à l'orée de la clairière pour observer à leur tour le duel. Kazushi leur jeta un regard inquiet. Ils chuchotaient et montraient du doigt Malta, sa monture, en s'excitant comme des enfants. Lentement, le guerrier replaça son chapeau de paille sur sa tête et soupira. Il récupéra d'un geste un peu brusque son carnet et le rangea à sa place habituelle.

- Vous devriez éloigner les civils...grogna-t-il à Menkir. Il risque d'y avoir des blessés à ce rythme...

Joignant la parole aux gestes, Kazushi recula encore un peu, pour élargir le cercle des combattants et éviter un mauvais coup. Sous ses mèches noires, il jeta un nouveau regard sombre aux badauds qui tendaient le cou pour mieux voir le spectacle. La violence l'avait toujours écœuré. Le désir macabre d'assister à ce genre de chose le dépassait. Le sang versé était-il donc si beau ?

- Monsieur Ito ? C'est vous ? Mais qu'est-ce qu'il se passe ?

Kazushi sursauta presque lorsqu'il sentit qu'on l'attrapait par le bras. Une main sur le manche de son sabre, il laissa son regard tomber sur un vieil homme à moustaches blanches, vêtu d'une toge mauve à bordure jaune. C'était Albuin Soudrinor, le père de Jonas Soudrinor, un de ses plus grands clients. Albuin était un homme bon et généreux, qui n'avait pas hésité à lui offrir l'hospitalité dans ses premières années de commerce et qui l'avait même aidé à rassembler le nécessaire pour traverser l'isthme.

- Monsieur Soudrinor !? Mais qu'est-ce que vous faites là ?

Le vieil homme montra d'un coup de tête un jeune garçon qui observait le combat avec un intérêt particulier. C'était comme s'il fut fasciné par Adramus qu'il ne quittait plus des yeux.

- J'appends au jeune Bénérith à reconnaître les arbres autour de Dyen. Voyez comme vous nous avez laissé quelques habitudes...ah ah !

Kazushi était heureux de voir que le vieil homme se portait bien et il se trouvait véritablement honoré de constater que ses conversations avec Jonas avaient été jusqu'à le pousser à laisser son jeune fils arpenter les forêts avec son grand-père. Pourtant, il ne parvenait guère à sourire. C'était dangereux de traîner dans les parages, surtout maintenant.

- C'est un duel qui va mal finir, si vous m'en croyez. Je vous conseille de raccompagner votre petit-fils à l'intérieur de la ville, Maître Soudrinor...

Le ronin jeta un regard un peu appuyé au dragonier pour lui faire comprendre que les badauds n'avaient rien à faire là, surtout pas les enfants. Bérénith devait avoir à peine 9 ans...

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[HRP/ Vous faites ce que vous voulez de mes PNJ Wink /HRP]


Dernière édition par Kazushi Ito le Lun 21 Aoû - 11:28, édité 1 fois

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[Terminé] Le Prix du silence [Kazushi et Adramus] [11/04/927] EmptyMer 2 Aoû - 14:09
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Kazushi et Adramus
Le combat devait se finir, rapidement. L’énergie d’Adramus filait entre ses doigts comme le sable d’un sablier, celui qui se vidait de toute la vivacité qui animait le guerrier. Il était certains que, bientôt, il ne disposerait plus du moindre grain, et c’en serait fini de lui. D’ordinaire, il faisait face à l’idée de mourir avec indifférence, repoussant l’idée loin devant lui, promettant à son esprit fanatisé une existence longue et vertueuse. Aujourd’hui, aux portes de la fin, ce qui le faisait combattre n’était rien de plus que le désir primaire de vivre un peu plus longtemps. Il priait Amisgal, non pas pour la gloire de cette dernière, mais pour qu’elle le sauve de cette épreuve.

S’épuisant de plus en plus à cause de la fourbe technique du dragonnier, le mage arrivait tant bien que mal à parer les coups précis et rapides de son adversaire. Jamais il n’avait vu une telle manière de combattre, si mesquine, si opportuniste. Petit à petit, c’était la colère qui lui donnait l’énergie pour manier son sabre, et non plus l’orgueil. Néliam était la quintessence de tout ce qu’Adramus réprouvait. Il asservissait un des enfants les plus directs d’Amisgal pour assouvir ses ambitions de mortels, il ne combattait pas avec honneur, mais le simple désir de victoire, peu importe à quel prix il devait vendre ce qui lui restait de bravoure et de crédibilité. Un homme lâche et pragmatique à l’extrême, animé par l’unique désir d’accroître sa puissance et son confort.

Un tel homme devait mourir.

- Au nom de notre mère Dragonne ! Guide ma lame à travers les tempêtes, permet-moi de frapper de foudre tes ennemis !

La vue d’Adramus se brouilla un instant, c’était comme si on injectait dans son crâne un liquide épais, qui faisait gonfler son cerveau et lui empêchait la moindre réflexion. Ses pupilles sombres le brûlaient. Il lui semblait qu’il serait bientôt capable de cracher de la lave, tant la haine qui l’animait avait atteint un niveau jamais égalé. La douleur, la fatigue, et maintenant ça. Ce pleutre, cet apostat, le plus vil des êtres humains invoquait la bénédiction de l’Eclatante Amisgal. Comme une manifestation du ce qui lui brûlait la gorge, Adramus ne fit même pas attention à la passe d’arme habile de son adversaire et poussa un hurlement de rage tout projetant sa main gauche vers l’avant. Une onde de choc retentit dans toute la clairière, faisant sursauter de peur et de surprise tous les témoins de la scène. Les couvre-chefs s’envolèrent, ainsi que quelques épines des pins alentours.

Un nuage de poussière et de brins d’herbe soulevé par la puissante magie retomba quelques instants plus tard, laissant les témoins découvrir que Néliam avait été projeté plusieurs mètres en arrière, et qu’il essayait désormais de se relever avec grande peine. Le renégat, quant à lui, avait vu une autre blessure s’ajouter à son catalogue, car l’épée du dragonnier reposait désormais à côté de sa jambe qu’elle avait commencé à trancher. Heureusement, il n’avait eu le temps que d’entailler un demi-centimètre de sa chair, mais au vu de son état c’était déjà beaucoup. Malgré tout ça, la force de la foi pouvait faire des miracles. Les curieux, ainsi que les gardes qui accompagnaient l’impétueux dragonnier, et Kazushi qui avait assisté à toute la scène, pouvaient regarder, impuissants, Adramus s’approcher en boitant du guerrier défait. Aucune pitié ne pouvait lui être accordée, même blessé, même désarmé, même suppliant. Pour le dernier point, au moins restait-il assez de bravoure à Néliam pour accepter son sort en silence. Sur ses genoux tremblants, il lança néanmoins un dernier regard à Adramus, lui faisant comprendre une chose simple : Coupez une des têtes de l’hydre, et il en repoussera deux.

Mais aujourd’hui, le glorieux dragonnier Néliam, maître du puissant dragon Balaschist, fut exécuté par décapitation dans cette clairière sans nom, à l’ombre de Dyen.

Le cadavre sans tête du chevalier tomba sur le côté, faisant s’écouler des litres de sang vermeil sur le sol. Adramus, quant à lui, se laissa tomber, un genou à terre, sur la pointe de son épée. Si les deux hommes qui accompagnaient Néliam avaient suffisamment de trempe, il leur serait facile d’achever celui qui avait mené ce combat dans un état de faiblesse alarmant, et qui était, à cet instant, aussi vulnérable qu’un dragonnet sorti de l’œuf.

- Amisgal n’est pas… votre mère…. C’est la nôtre ! C’est ma mère ! Cria-t-il, la tête baissée vers le sol rougeoyant.

Il avait eu le temps d'apercevoir la sécheresse dans les yeux de Kazushi, sa réprobation d'un tel combat. Il savait que des enfants avaient vu ce brave guerrier se faire trancher la tête, mais plus rien ne pouvait le sauver, alors, à quoi bon penser à tout cela ?



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Amisgal
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[Terminé] Le Prix du silence [Kazushi et Adramus] [11/04/927] EmptyJeu 17 Aoû - 19:50
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Un vent de mort tomba sur la foule comme une chape de plomb. Un silence, profond et plus puissant que le genre humain, celui de la stupéfaction totale et de l’horreur mêlées. Leurs yeux égarés tracèrent un chemin de la tête décapitée qui trônait dans l’herbe rase vers la silhouette avachie du guerrier vainqueur. Etait-ce bien possible… ? La mort de l’un des leurs, l’une des figures les plus connues de Dyen ces dernières années, un vaillant dragonnier ? Tout cela par la faute de cet étranger dont l’unique justification était de vouloir mettre à mal leur organisation ancestrale, ce qu’ils s’étaient évertués à construire depuis tant d’années. Sous le choc, Albuin Soudrinor porta une main rapide sur l’épaule de son petit-fils, ne sachant trop ce qui allait advenir de cette scène surréelle. Puis, très lentement, des cris commencèrent à résonner dans la foule comme une traînée de poudre.

« On se calme, que personne ne bouge ! ordonna Menkir dont la voix sèche et impérieuse écrasa toute panique alentour. Que l’on mette en sécurité les enfants, le danger n’est toujours pas sous contrôle. »

Courageux, et beaucoup plus vaillant que feu Néliam, il n’hésita pas une seconde à faire un pas en avant, initiant par son geste le réveil des autres soldats présents. Il dégaina sa lame de son fourreau, et l’acier vint mordre d’une estafilade le cou d’Adramus :

« Tu es désormais sous arrestation, un seul mouvement de ta part et je te ferai subir le même sort qu’à ton adversaire. Puissent les Architectes avoir pitié de toi… »

Alors un étrange courant d’air vint encercler la silhouette épuisée d’Adramus en un étau plus solide que de simples chaines. La foule s’écarta pour laisser pénétrer à l’intérieur du cercle l’auteur de cette magie, un fervent fidèle d’Amisgal dont la toge portait fièrement les effigies de Dyen.

« Tout va bien Menkir, je l’ai sous contrôle à présent. Vu l’énergie qu’il a dépensée, je devrais être en mesure de bloquer ses talents. »

L’interpellé acquiesça, soulagé de ne pas avoir à faire face à la puissance monstrueuse que le guerrier avait déployée.

« Qu’on l’emmène pour son jugement. »

« Le vendeur de couvertures aussi ? »

« Non, répondit-il, portant cette fois-ci son regard sur Kazushi. Il m’a tout l’air d’être un honnête citoyen. »

L’enfant qui avait spontanément attrapé le pantalon du concerné, le visage enfoui dans les vêtements de son grand-père, témoignait pour lui de son innocence. Il avait visiblement des relations sur Dyen, et les gens le connaissaient. Il n’était pas l’un de ces étrangers liés à l’autre sabreur… Il lui offrit un maigre sourire fatigué, et c’est d’un pas pesant qu’il suivit le sinistre cortège qui mena Adramus dans l’antre du palais.


Deux heures plus tard la voix d’un crieur public s’éleva sur la place principale, claire et audible pour tous les intéressés :

« Un peu plus tôt dans la journée un ennemi de la magnifique Dyen a été arrêté après tentative d’assassinat sur la personne du Roi-Père et crime prémédité sur l’un de nos dragonniers, Néliam Oriumi, odieusement mis à mort aux portes de notre ville. Nos hommages et notre respect vont à sa famille qui devront souffrir cette nuit de l’absence d’un père, d’un mari, et d’un citoyen respecté qui s’est sacrifié pour la paix. Il sera enterré dans deux jours aux côtés de son dragon, Balaschist, qui s’est jeté du haut des tours sitôt après. »

Des murmures horrifiés parcoururent la foule. Quand bien même Néliam n’avait jamais été aucun des compliments qu’on lui affublait soudain, nul n’ignorait la souffrance d’un dragon dont le partenaire mourrait. Beaucoup devenaient fous sur les champs de bataille, lorsqu’ils ne se jetaient pas tout bonnement dans le vide pour mieux se fracasser contre le sol… Ce n’était pas pour rien que Dyen interdisait  toutes pratiques dangereuses aux dragonniers depuis des temps immémoriaux.

« Par ailleurs, et par respect du pacte passé entre Sir Oriumi et le responsable de ce drame, il a été décidé que ce dernier ne serait pas exécuté en place publique. En revanche, si nous mortels nous devons de respecter la conclusion d’un duel, le choix a été fait de le livrer aux griffes de notre révérée Architecte, Amisgal. Nulle sentence n’est plus absolue que la sienne. Il sera jeté demain en pâtures aux dragons sauvages qui règnent par-delà nos montagnes, si son destin le veut. »



[Hrp : Ce sera tout pour moi concernant cette intervention ! Adramus sera donc jeté sans arme ni nourriture dans les terres sauvages de Nislegiin, son destin entre les mains des Architectes. Une bonne continuation à vous deux !]

Kazushi Ito
Kazushi Ito
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[Terminé] Le Prix du silence [Kazushi et Adramus] [11/04/927] EmptyLun 21 Aoû - 13:07
Irys : 130128
Profession : Mercenaire / Vendeur de plantes et de croquis
Pérégrin 0
Le Prix du silence

Kazushi Ito et Adramus

« Lorsque la rivière se teinte de sang
N'y plonge pas les mains
Souviens-toi de mes enseignements
De la vie prends grand soin »

Altan Kamui, prêtre de Koulem Yalänn, 910.


Cité-Etat de Dyen, le 11 avril 927

La tension montait. Les gardes s'agitaient, les civils s'excitaient et les deux belligérants redoublaient d'efforts pour s'entre-tuer. Kazushi observait la scène d'un air désapprobateur. Près de lui, l'enfant de Jonas poussait des exclamations de surprise, d'admiration mais aussi parfois de peur. La magie qu'utilisaient les deux hommes et leur façon de manier leurs armes étaient à la fois impressionnantes et effrayantes. Tous retenaient leur souffle. Qui finirait transpercé par le fer de l'autre ? Lequel survivrait à cet affrontement spectaculaire ? Le guerrier errant ou le dragonier ? Ce duel était si violent que le cercle s'élargit de lui-même au fil du combat. Les paysans et marchands qui tendaient le cou murmuraient avec agitation tandis que les femmes tentaient de convaincre maris et enfants de s'éloigner davantage. Tous ces curieux qui ne pouvaient s'empêcher de dévorer des yeux cette lutte infernale dégoûtaient le ronin. Kazushi ne supportait pas ce type de spectacle. Certains adoraient se rendre aux arènes des bas-fonds pour parier sur les lutteurs et assassins de tout horizon, mais à ses yeux ce n'était qu'un jeu bestial, sans réelle teneur. Les hommes avaient besoin de sang...cela était dans leur effroyable nature...et il ne l'avait jamais accepté.

- Reculez... fit-il à ses amis d'une voix grave.Vous feriez mieux de rentrer avec le petit, Maître Soudrinor.

- Je suis pas petit ! s'exclama l'enfant en gesticulant un peu.

Kazushi soupira. Une grande clameur s'éleva alors. Le ronin ramena son regard sur le combat et blêmit soudain. Adramus venait de défaire son adversaire et se dirigeait maintenant sur lui pour l'achever. Malgré sa démarche quelque peu claudicante, il dégageait une telle puissance et une telle assurance que Kazushi frémit. Il serra les dents. Ne pouvait-on rien faire pour l'empêcher de commettre le crime qu'il s'apprêtait à exécuter du tranchant de sa lame ? Le voyageur espéra secrètement que les gardes allaient sauver leur compagnon. Mais lorsque la tête du dragonier roula sur le sol, sous le regard effaré des spectateurs, l'homme d'arme serra son poing sur le manche de son katana. Sa colère se refléta dans le regard noir qu'il lança à Adramus et dans la blancheur de ses phalanges.
C'était trop tard. Le mal était fait, doublement fait. Adramus avait osé pénétrer dans la salle du trône et menacer le Roi-Père, il avait tué pour s'enfuir, il tuait maintenant pour son honneur...Mais quel honneur était-ce donc là ? L'honneur d'un meurtrier qui ne sait exprimer ses opinions qu'en plongeant ses mains dans le sang n'a aucune valeur. Kazushi regrettait amèrement d'avoir servi cet homme-là. Il se sentait coupable. Et pourtant...au fond de tout son être vibrait une étrange sensation de malaise, comme si ses pensées n'étaient pas en accord avec elles-mêmes. Devait-il réellement regretter son geste ? Tendre la main au nécessiteux, quel qu'il soit, avait toujours été l'un de ses principes fondamentaux. Non...il n'y avait rien à regretter. Il avait joué le rôle pour lequel il avait été présent sur ces lieux.

- Quel gâchis...grogna-t-il pour lui-même.

Finalement, Adramus fut arrêté et conduit en ville. Kazushi lui jeta un regard triste, déçu et colérique. Mais il ne bougea pas pour le saluer ou l'aider. Il n'avait plus rien à voir avec lui. Lorsque les gardes s'intéressèrent à son cas, le ronin se tendit un peu. Heureusement, les autorités décidèrent de le laisser tranquille, convaincues de son innocence.

- Je crois qu'il est temps de se quitter, Monsieur Ito...fit le vieil homme près de lui.

Kazushi repoussa doucement le petit Bénérith pour le rendre à grand-père. L'enfant s'était accroché à son pantalon en croyant que les gardes allaient l'emmener lui-aussi. Son regard était humide de larmes, sans doute à cause du choc provoqué par la scène qu'il venait de voir. Après l'excitation du duel, la cruelle réalité de la mort avait soufflé sur le public un vent de conscience. L'horreur du geste et le sang qui souillait désormais la terre et l'herbe fraîche des lieux rappelait à tous que la vie n'était pas un jeu.

- Au revoir...Faites attention à vous...

Le ronin regarda le vieil homme et son petit-fils regagner la ville avec la foule qui suivait l'escorte des gardes et le mage. Tous se rassemblaient sur la place pour entendre la sentence échue à Adramus. Kazushi les suivit après avoir récupéré sa monture et vérifié que les couvertures étaient toujours bien accrochées. Malta soufflait fort des naseaux, inquiétée par l'odeur du sang qui s'était répandue dans l'atmosphère, mais elle le suivit docilement.
Kazushi arriva sur la place et se mit à hésiter. Devait-il rester-là et attendre le discours qui serait prononcé par le crieur public ou s'éloigner définitivement ? Il n'avait aucune envie d'assister à ça...Finalement, il se rendit sur le marché et commença son commerce de couverture, comme à son habitude. Plus morose que jamais, il marchanda avec quelques maladresses et ronchonna un peu contre sa monture qui ne tolérait pas le bruit et la foule du jour. Il ne vendit que deux couvertures, quoi qu'à bon prix.
Environ deux heures après l'incident, la population s'agita un peu. Kazushi comprit que le crieur public venait enfin donner des nouvelles de ce qu'il s'était passé. Il abandonna sa monture et ses couvertures à son voisin, qu'il connaissait de longue date, et se rendit sur la place pour écouter le discours. Quand il entendit que le dragon de Nelim s'était donné la mort, il fronça les sourcils, choqué de constater qu'un tel lien entre une bête et un homme puisse exister. Adramus avait raison quelque part: si ces magnifiques créatures dépendaient à ce point des hommes, alors il était urgent de revoir la façon de les élever. Enfin vint le verdict concernant le guerrier: il était condamné à être abandonné aux dragons sauvages, exilé dans les montagnes. Ainsi il vivrait ! Mais pour combien de temps...? Cette sentence était étrange et pourtant compréhensible aux vues des traditions. Amisgal aurait ainsi le destin de cet homme entre ses mains. L'Architecte serait son ultime juge.
D'un pas lent, Kazushi regagna ses couvertures. Il reprit sa vie en tâchant d'oublier ce qu'il venait de voir et d'entendre. Mais son coeur garderait longtemps en mémoire la figure balafrée d'Adramus, le tueur de dragoniers...

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[HRP/ Fin du rp avec Kazushi. Ce fut un plaisir! A bientôt! Wink /HRP]

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