Cela faisait longtemps mademoiselle Terasu

Chafouin se tenait devant cet appartement du centre de Cerka et il se demandait si c’était une bonne idée de venir finalement.

Il se le demandait car après tout son périple à Rathram, il avait entendu parler d’une ingénieure résidant dans la ville, aux cheveux blancs et avec deux prothèses. Il n’avait pas mis longtemps à faire le lien avec la jeune Allys avec qui il avait passé une nuit torride voilà quelques mois auparavant.

Mais il se demandait si c’était une bonne idée de se représenter devant le pas de cette porte aujourd’hui. Après tout, il avait été le premier à mettre les voiles au matin alors qu’elle était encore endormie. Puis, il ne l’avait pas recroisé à Prorig, il doutait d’ailleurs qu’elle ait pris la peine de le chercher là-bas.

Même lui était surpris de vouloir la retrouver, allez chez une fille avec qui il avait couché, ce n’était pas vraiment dans ses habitudes. Et puis, qu’est ce qui indiquait qu’elle serait ravie de le revoir ? Elle l’avait sans doute oublié depuis le temps. Et de toute manière, de quoi pourraient-ils bien discuter ? Enfin, discuter n’était ce qu’il comptait faire principalement en revoyant Allys. Il avait en tête un autre genre d’activité pour cette soirée qui s’annonçait.

De plus, cet appartement semblait assez spacieux vu de l’extérieur. Enfin comparé à son appartement étriqué de Prorig, tout pouvait sembler spacieux pour Chafouin. Il tira une autre bouffée de sa cigarette qui commençait à arriver sur la fin et se rendit compte que cela faisait pas mal de minutes qu’il restait devant la maisonnée en la fixer. Et puis mince, s’il ne faisait pas le premier pas, il ne saurait jamais ce qu’il avait pu rater. Il jeta alors sa clope et alla frapper à la porte. Un long moment de silence suivi ce bruit et il pensa à toutes les phrases d’accroches qu’il pourrait lui sortir, elle avait toutes l’air plus nazes les unes que les autres à bien y réfléchir. Et il n’avait pas décidé laquelle utiliser alors que la porte s’ouvrit. Il regarda, sans réagir la personne en face de lui.

-Heu, excusez-moi, est-ce que Allys Terasu habite ici ?

Ce n’était donc pas une femme, mais bien un homme qui se tenait devant lui, vérole, il avait pourtant bien vérifié que c’était la bonne maison, qu’est ce qui se passait au juste ?

Bien loin de l'ingénieure c'était un homme à la chevelure brune et à la barbe fournie qui vint ouvrir la porte. Il était torse nu, la peau luisant de sueur.

" Heu, excusez-moi, est-ce que Allys Terasu habite ici ? "

L'homme à la porte toisait Chafouin avec une moue hautaine, lui signifiant clairement que sa présence l'avait dérangé. Haussant un sourcil, il croisa les bras avant de daigner lui répondre.

"Oui. Elle est occupée."

Il soutient le regard de Chafouin, observant sa réaction sans une once de remord, presque même avec satisfaction face à la gêne de son interlocuteur. Et puis finalement, avant que le cendré ne décide de faire volte face il ajouta :

"Et vous êtes ?" Il laissa à Chafouin le temps de répondre. ""Et bien, si vous êtes là pour affaire monsieur… Chafouin… L'atelier de madame est à deux rues d'ici et n'ouvre pas aujourd'hui. Mais si vous êtes une connaissance de mademoiselle Terasu… Je suppose que vous pouvez entrer."

Le portier de circonstance se détacha de l'embrasure de la porte mais il fixait toujours de ses yeux bleu profond le pauvre technologiste. Il le faisait de mauvaise grâce et rien n'indiquait la raison de sa rapide capitulation, ce qui devait être d'autant plus troublant pour son interlocuteur.

"Je vais vous conduire au salon, mais ne vous avisez pas de nous déranger. Sous aucun prétexte. Je n'en ai pas fini avec elle et cela me hérisse déjà les poils d'avoir dû m'interrompre."

Sans plus un mot, l'homme retourna à l'intérieur, laissant à Chafouin le loisir de le suivre ou non.

L'intérieur de l'appartement, si l'on pouvait vraiment le qualifier de tel tant il était grand, n'était pas de prime jeunesse mais avait l'air d'avoir subit de nombreux travaux au fil des années. L'endroit était de toute évidence chargé d'histoire. Si le petit couloir d'entrée ne possédait pas bien plus qu'une peinture d'une bicoque en pleins désert et un placard contenant chaussures et manteaux, le salon dans lequel ils entrèrent était littéralement surchargé.

Un grand canapé et des coussins étaient disposés devant une cheminée, à leur centre une table basse. Quelques meubles apposés aux murs étaient agrémentés de babioles décoratives et de portraits de famille, certains étaient même des esquisses dessinées à la main. Dans un coin se trouvait un grand bureau et des établis littéralement recouverts de croquis, de maquettes et de pièces mécaniques, si bien qu'on voyait à peine la boiserie en dessous.

Et puis, au fond de la pièce, assise devant un établi rempli d'engrenages complexes et d'outils se tient Allys, son bras dynamique étendu sur le bois frais du meuble. Celui-ci avait semble-t-il très mauvaise mine ce qui expliquait qu'il soit ouvert. Quant à l'ingénieure, elle avait le regard perdu dans le vague.

""Tu as de la visite."
"Huhum…"

Marmonna-t-elle, peu convaincue. Qui pourrait bien être venu pour elle ? Beaucoup trop faisaient partis des abonnés absents… Et ce ne devait certainement pas être son ingrate de demi-sœur.

"Un certain Chafouin."
" Cha…" Commença-t-elle avec le même détachement avant de s'interloquer brusquement. "Quoi ?!"
"Pas Chaquoi mais Chafouin."

Elle se redressa dans le même temps, balayant d'un mouvement le matériel posé sur la table alors qu'elle se tournait vers les deux arrivant. Les yeux ronds de surprise, elle sentit le rouge lui monter aux joues lorsqu'elle aperçut l'homme cendré.

" Chafouin ?!... Mais... Comment tu…?"
"La forme ? Et les enfants ça va ? Blablabla…" Railla le brun. ""Putain Allys t'as foutu en l'air tout mon matos, si j'avais su je l'aurai laissé dehors ton Jules. De toute façon vous discuterez plus tard, j'ai pas fini."

La jeune femme émit un début de protestation mais c'était de toute évidence peine perdue.

"Ton ami n'a qu'à s'asseoir sur le canapé en attendant ou n'importe où tant que j'ai la paix."

Allys reposa son bras abîmé sur le meuble, lançant un regard appuyé à son drôle d'ami, lui signifiant très clairement de s'y remettre au plus vite dans ce cas.

Elle était troublée, son cœur battant plus vite qu'à l'ordinaire, se posant mille questions. Que faisait Chafouin ici ? Comment l'avait-il retrouvée ? Et qu'est-ce que cela voulait dire ? Est-ce que c'était juste pour une raison professionnelle ou bien…?

Quoi que ce soit, elle mourrait d'envie de le savoir mais Nikolas, son prothésiste et ami n'arrêtait pas de siffler aux moindres signes de volonté de communiquer, autant s'y plier. Et alors qu'il avait remit de l'ordre dans ses affaires et s'échinait à réparer la prothèse, Allys ne pouvait pas s'empêcher de jeter des coups d'œil à son amant d'un soir, n'attendant qu'une chose : de se retrouver enfin seule avec lui, quelle que soit la raison de sa venue.

Chafouin toisa du regard ce type à moitié dont la tête ne lui revenait pas. Occupée, comment ça occupée ? Mais il n’avait pas besoin de chercher bien loin pour imaginer à quoi elle était occupée. Il fronça les sourcils alors que le type lui demandait qui il était.

-Chafouin. Lui dit-il d’un ton sec. Le gaillard ne dû pas apprécier son ton non plus. Vu la sécheresse de sa réponse. Et bien, si vous êtes là pour affaire monsieur… Chafouin… Pas de Monsieur, juste Chafouin.

Mais ce genre de détail ne devait être que le cadet des soucis de cet importun salopard. Coupé dans ce qu’il était en train de faire et dont Chafouin préférait ignorer la nature. Il se décolla néanmoins de l’entrée avec une lenteur de limace, comme s’il acceptait l’entrée de cet inconnu dans la maison de mauvaise grâce. Chafouin se mit alors à ignorer le type quelques instants pour découvrir l’endroit où vivait Allys. L’entrée était simple, mais rien que le salon devait au moins contenir trois fois plus de richesse que ce que Chafouin avait dans son appartement étriqué. Il y avait un canapé devant une cheminée donnant un air qui aurait été confortable et chaleureux sans ce brun à la barbe de merde pour gâcher le tableau d’ensemble. En parlant de tableau, il y en avait plusieurs, la plupart représentant des personnes, sans doute des proches d’Allys. Pas mal de babioles sur plusieurs meubles de bonne facture, mais rien d’assez brillant pour faire tilter les sens de voleur de Chafouin.

Et surtout, au fond de la pièce, se trouvait une jeune femme à la crinière blanchâtre. Rien qu’à la vue de cette tignasse, Chafouin sentit son cœur se réchauffer, mais l’inconnu au t-shirt manquant vint bien vite lui barrer la vue de la personne pour laquelle il était venu, continuant ainsi d’alimenter son aversion pour cet inconnu au bataillon.  L’homme indiqua néanmoins à Allys qu’elle avait de la visite et elle bondit sur ses pieds quand elle entendit son nom, ou plutôt surnom. De plus, Chafouin vit clairement le rouge lui monter aux joues et son visage s’illumina en voyant cela.

" Chafouin ?!... Mais... Comment tu…?"

-Les services secrets daënars m’ont fourni ta localisation. Répondit-il sur le ton de l’humour. Non, en fait tu es plutôt populaire dans le coin Lys, c’est pas compliqué de te trouver. Fini-t-il avec un sourire.

Et voilà que l’autre brun luisant de sueur reprend de sa voix agaçante. Tiens ça serait un bon surnom pour lui ça, le luisant. Donc le luisant se remet à déblatérer qu’il a du travail à terminer, malgré les protestations de Lys. Ce qui les laissent dans une situation assez gênante. Que Chafouin pourrait régler sans problème s’il n’avait pas cette connerie de loi républicaine qui l’empêchait de tuer en public les connards qui ne lui revenaient pas. À chaque murmure, il répondait par un sifflement irrité. Jusqu’à ce que Chafouin décide de commencer la discussion pour de bon.

-En fait si je suis venu…

-Bon ça suffit. Le coupa directement Nikolas. Je ne peux pas me concentrer avec autant de bruit. Allys, je finirais le travail sur ton bras demain. Il est partiellement réparé pour l’instant, mais je préfère te laisser tranquille avec ton… Sudiste. Fit-il en toisa de nouveau Chafouin.

L’homme cendré lui lança un regard assassin et froid, irrité qu’il le caractérise ainsi. L’espace d’un instant il vit le regard du luisant exprimer une inquiétude avant que celui-ci ne passe le pas de la porte. Bon, ce n’était pas la meilleure des arrivées, mais au moins il était seul avec Allys maintenant.

Pourtant, il ne se sentait pas vraiment mieux maintenant. Il ne savait pas trop quoi penser de ce qu’il venait de se passer. À vrai dire, l’idée qu’elle puisse fréquenter d’autres hommes ne le dérangeait pas vraiment, il faisait bien de même et il ne se voyait pas dicter sa vie à une femme. Mais pourquoi la vue de ce type lui avait-elle donné une envie de meurtre ? L’espace d’un instant, il songea fortement à partir. Mais son regard se porta sur le bras mécanique d’Allys, toujours posé sur l’établi.

-Attend, je vais t’aider pour ça.

Il vint apporter le bras à sa détentrice et l’aida à le refixer. Ses doigts se laissèrent alors aller sur la surface métallique, l’effleurant pensivement, toujours perdu dans ce qu’il comptait faire ensuite. Il en sursauta presque quand il sentit les doigts métalliques s’activer et venir serrer sa main qui s’était perdue sur la paume d’Allys. Il plongea son regard dans le sien. Désormais plus déterminé. L’existence de Luisant déjà presque oublié, seulement la fille aux cheveux cendrés comptait en cet instant. Et puis merde, autant il ne se considérait pas courageux, autant il était hors de question d’avoir fait tout ce chemin pour repartir maintenant, même s’il ne se sentait pas à sa place.

-Tu veux que je reste, pour cette nuit ? Demanda-t-il en serrant la main d’Allys.

Tandis que son insupportable prothésiste faisait régner le silence en rafistolant le pauvre bras abîmé, les deux autres se dévoraient du regard. Allys regrettait son tempérament de feu bien plus en cet instant qu’à l’ordinaire. Si elle n’avait pas cédé à la colère quelques jours plus tôt, son horripilant ami ne serait pas venu en catastrophe lui remettre son bras en marche. Mais le fait est qu’elle ne traversait pas des périodes heureuses depuis un an et elles commençaient à s’accumuler. Mettre en hospice son frère cadet avait été la cerise pourrie sur le gâteau. La rage contenue avait donc fini par éclater et le mur dans la cuisine portait les marques de sa frustration. D’où les quelques dégâts sur son membre de métal et la présence de son vieil ami… Qu’elle était actuellement tentée de demander le départ.

Elle n’eut cependant pas à le faire car les deux hommes s’en chargèrent très bien à sa place, se jaugeant comme s’ils allaient se sauter dessus dans un duel à mort. C’était aussi malaisant qu’étrangement excitant… Enfin, disons que l’idée de percevoir de la jalousie chez son sudiste, comme l’avait appelé Nikolas, emballait le cœur de la jeune femme. Elle resta pourtant immobile, presque impassible durant l’échange bien que cela ne s’efface dès l’instant où ses yeux se reposèrent à nouveau sur Chafouin. Un instant elle se demanda si elle n’était tout bonnement pas en train de rêver ou que son esprit n’était pas sous l’effet de l’alcool pour produire une illusion qu’elle avait souvent espéré. Pourtant Allys était parfaitement sobre, ce qui excluait cette dérive.

Il était bien là, debout dans son salon. Cela faisait quoi ? Six mois, depuis la dernière fois ? Ça n’avait durée que le temps d’une soirée et pourtant c’était suffisant pour qu’il ait laissé une marque indélébile. Et le fait qu’il soit venu jusqu’ici… C’était pourtant lui qui avait mit les voiles le premier, la laissant seule dans ce grand lit qui n’était pas le sien. Elle ne lui en avait pas tenu rigueur et d’ailleurs cela ne l’avait pas empêchée de quitter la citée, mais une part au fond d’elle-même avait espéré que ce ne soit pas la dernière fois. Malgré l’influence de l’alcool, elle avait senti le courant passer entre eux. Peut-être l’avait-il ressenti lui aussi. Avec un peu de chance…

Brisant le silence, il traversa le salon et vint l’aider à replacer sa prothèse. L’ingénieure serra les dents un instant lorsqu’elle sentit les liaisons se refaire entre sa chaire et le métal mais ce n’était plus qu’une question d’habitude pour elle et elle ne s’en préoccupa pas plus, se contentant de remuer ses articulations pour vérifier que tout fonctionnait. A vrai dire à part l’esthétique, le principal avait été réparé. Elle n’aurait sans doute même pas besoin de son prothésiste pour le reste. Tant mieux. La seule main qu’elle appréciait voir effleurer son bras était déjà présente et c’est même d’instinct qu’elle referma ses doigts sur celle-ci. Loin de la repousser, il plongea son regard dans le sien.

« Tu veux que je reste, pour cette nuit ? »
« Tu peux même rester jusqu’au matin. »

La dernière fois il lui avait confié être trop vieux pour tourner autour du pot, alors elle ne comptait pas le faire non plus. Lys n’était pas du tout l’envie de le chasser d’ici. Ce n’est que sa fierté mêlée de crainte de se voir repousser qu’elle n’était plus revenue à Prorig… Mais cela n’avait jamais été la volonté qui lui avait manqué pourtant. Et là tout de suite elle mourrait d’envie de bien des choses, à commencer d’effleurer à son tour le visage hâlé de l’homme à la chevelure cendré qui lui faisait bien trop tourner la tête pour qu’elle n’ait d’autre idée en tête que de venir l’embrasser.

Pourtant, Allys se retint. Ce n’était peut-être pas ce qu’il souhaitait et d’ailleurs il n’avait même pas eut le temps de s’expliquer sur sa présence. Bien que ce soit surement d’une évidence aussi visible que le nez sur un visage, la jeune femme voulait en être certaine, aussi idiote que soit la question.

« Tu n’as pas eu le temps de finir ta phrase tout à l’heure, tu es venu pour… ? »

C’était bête, mais il se sentait particulièrement rassuré que Lys lui dise de rester jusqu’au matin, il avait un certain temps nourri le doute qu’elle ne souhaite pas le revoir. Mais au regard qu’elle lui lançait, il se rendait bien compte qu’il s’était mépris sur son ressenti.

Il la laissa effleurer sa joue en savourant cette douce sensation, il pensait qu’Allys allait se rapprocher de lui, mais elle se contenta de lui poser une question tout à fait pertinente. Chafouin la regarda avec un sourire quelque peu gêné, la raison de sa présence oui… Il regarda le canapé et lui fit signe de le suivre. Quitte à raconter une histoire, autant être bien installé. Il aurait bien aimé un bon feu de cheminée aussi, remarque il pouvait très bien en profiter à cette période de l’année. Il désigna la cheminée à Allys ?

-Je peux ?

Evidemment, l’ambiance serait déjà bien plus chaleureuse avec un bon feu de cheminée. Il se mit alors au travail et profitant des premières flammèches, sensation de chaleur qu’il n’avait eu que peu l’occasion de ressentir dans sa jeunesse, il retourna s’assoir sur le canapé.

-Au début du mois, on m’a contacté pour une enquête, une femme avait disparu du jour au lendemain. J’ai fini par la retrouver avec une enquête assez rapide. Suite à quoi j’ai récupéré une somme assez confortable. J’avais alors le choix, soit je restais dans le coin pour profiter des merveilles de la ville et de son alcool, ou alors je rentrais chez moi pour retrouver un patron avec des missions à la con.

Il écarta alors les bras pour se désigner lui-même.

-Je suppose que tu devines ce que j’ai choisi. Peu de temps après, il y a eu cette attaque sur le village de Duncork. Tu as dû en entendre parler, c’est arrivé il y a quelques semaines. Ils ont monté une expédition punitive pour tenter de secourir les prisonniers qu’on fait les pirates. Eh bien, devine qui était dans l’expédition punitive ? Fini-t-il avec un air fier.

Il avait l’habitude de se vanter sur ce qu’il faisait d’habitude. Surtout si cela pouvait amuser la galerie. Mais là, l’enjeu était d’autant plus intéressant, s’il voulait impressionner Lys. Enfin, il se demandait si une ingénieure renommée pouvait être impressionnée par ce genre de broutille.

-En résumé, j’ai eu des semaines plutôt chargées à Ratham. Et alors que j’allais songer à partir, voilà que j’entends parler d’une ingénieure aux cheveux cendrés, vivant dans les beaux quartiers. Alors, je me devais de vérifier ça n’est-ce pas ? Il s’approcha plus près d’elle, jusqu’à toucher sa joue avec sa main. En fait je crois que ce qui ma donner l’envie de ne pas repartir.

Il maintint son approche et l’embrassa.

-Je crois bien que c’est pour retrouver cette sensation que j’ai décidé de rester encore un peu.

C’était une raison bien suffisante pour lui.

La question désarçonna Chafouin sur le coup mais il reprit son air assuré en lui faisant signe de se mettre plus à l'aise sur le canapé. Allys lui rendit un sourire, se levant de la chaise étriquée d'où elle était depuis presque une heure. Retrouver le confort de coussins moelleux en aussi bonne compagnie serait effectivement appréciable. D'autant plus avec le feu de cheminée qu'il lui proposait. Elle acquiesça à sa demande, allant se poser sur le canapé. La bâtisse était fraîche, l'isolation n'étant plus de prime jeunesse et il fallait bien avouer que c'était idyllique de se retrouver blottis devant un bon feu.

Allys écouta alors avec intérêt le récit de son invité surprise. Il se trouvait à Cerka depuis un certain temps, sans doute même plus longtemps que la jeune femme. Elle avait passé une bonne partie de ces six derniers mois à effectuer des travaux dans la vieille bâtisse, plus pour s'occuper l'esprit que réelle envie de lui redonner sa prestance d'antan mais elle s'était rendue chez son frère deux mois plus tôt. Un psychopathe avait ravagé son village et sa compagne avait été tuée. Il ne s'en était pas remis, cela l'avait anéanti et rendu fou. À tel point que son aînée n'avait pas eu le choix que de le placer dans un asile. Ce n'est qu'à ce moment là que Lys avait reprit le train pour Cerka.

Quoi qu'il en soit Allys était ravie d'être finalement rentrée, tout autant que de savoir que malgré quelques aventures mouvementées, Chafouin avait décidé de rester. Elle avait effectivement entendu parler de l'attaque de pirates et pour s'y être déjà frotté elle pouvait aisément comprendre la fierté du cendré. D'autant plus qu'elle s'était toujours imaginé Chafouin vivre d'aventures. Loin de s'en inquiéter elle trouvait cela fascinant, elle qui était attirée comme un papillon par le danger.

« Oui j'en ai entendu parlé, heureusement j'étais bien loin de tout ça… Quoique te voir à l'œuvre ne m'aurait pas déplu. »

Un sourire espiègle esquissé, Lys était littéralement plongée dans le regard perçant qui lui faisait face, subjuguée autant par le récit que simplement par ce visage qu'elle n'avait jamais oublié. Son cœur rata un battement lorsqu'il effleura sa joue et tout son corps s'immobilisa alors qu'il rapprochait son visage. Le souffle suspendu, elle abaissa les cils dès l'instant où leurs lèvres se touchèrent.

Le baiser était le déclic parfait pour faire cesser cette sensation de gêne qui pesait dans la pièce depuis son arrivée. C'était comme s'il les remettait en osmose, à l'endroit même où ils en étaient restés la dernière fois. Allys le savait déjà, elle était attirée tel un aimant par son homologue cendré. Et c'était un sentiment réciproque. Ce n'était pas de l'amour, peut être pas encore, mais cela restait suffisamment fort pour qu'ils ne puissent, de toute évidence, pas se passer l'un de l'autre.

« Je crois bien que c’est pour retrouver cette sensation que j’ai décidé de rester encore un peu. »
« Je ne te pensais pas sentimental. » Avoua-t-elle, sur le ton de la taquinerie. « Mais je crois que… »

Elle se pencha à ton tour, laissant glisser le dos de sa main sur la joue de Chafouin tandis qu'elle le contemplait avec intensité, avant de lui rendre un long et doux baiser.

« ... Cela me manquait à moi aussi. »

Confia-t-elle tout bas. C'était sans doute un sentiment égoïste mais Lys savait qu'il n'attendait rien d'elle, pas plus que de passer du bon temps ensemble. Et après tout ce qu'elle avait subi en quelques mois, la jeune femme n'avait plus la force ni l'envie de s'investir dans quoi que ce soit de compliqué… Mais cela ne l'empêchait aucunement de profiter de l'instant présent. Qui pourrait bien lui reprocher d'avoir adoré cette nuit au Tyorum avec cet homme aussi passionné et fougueux ? Qui pourrait la blâmer de le trouver si diablement attirant qu'elle ne puisse s'empêcher de fantasmer depuis ce jour-là ? Oui elle le désirait, tout simplement.

« Ces derniers mois j'ai vu ma famille partir en lambeaux et je… Je ne sais pas pourquoi mais c'est de penser à toi qui m'a fait tenir. Je sais c'est idiot, mais je suis heureuse que tu ne m'ait pas oubliée. »

La jeune femme pointa du doigt l’un des croquis dessiné à la main qui reposait sur la desserte près de la cheminée. Il y avait plusieurs dessins mais l’un d’entre eux représentait un couple et à bien y regarder il s’agissait tout simplement d’un souvenir de leur folle nuit à Prorig.


« Je pensais que c’était un fantasme dû à l’alcool et à la situation, mais de te voir ici, je… J’ai juste envie d’être encore à toi ce soir. »

Les joues de la jeune femme se colorèrent. Elle n’avait pas pour habitude de faire de telles déclarations mais elle n’avait pas souvent rencontré d’hommes capables de lui faire autant d’effet non plus.

Les paroles de la jeune autant que la main passée sur sa joue le firent sourire de plus bel. Alors que la voix d’Allys s’éteignait, il renchérit d’une voix tout aussi calme.

-Ça m’arrive aussi de faire des exceptions.

Les bons souvenirs refaisaient surface alors qu’il regardait intensément la cendrée. Elle lui expliqua que sa famille s’était dissoute ces derniers mois, pour lui qui n’avait jamais pu éprouver l’expérience d’avoir une famille et surtout de la perdre, il eut du mal à se mettre à la place d’Allys. Mais une partie de lui se sentait comme gonflé à l’idée que la jeune femme ait pu tenir en s’accrochant au souvenir qu’elle lui avait laissée. Il aurait pu lui exprimer son soutien, mais le manque d’empathie qu’il avait souvent éprouvée pour ceux qui subissaient la misère ainsi que son incapacité à trouver les bons mots le firent taire. Se contentant de regarder Lys et de l’écouter avec toute l’attention dont il était capable. D’une certaine façon, il était heureux de pouvoir être la lumière vers laquelle Allys avait cherché à se diriger dans ses moments de peine.

Quand elle pointa le croquis sur la cheminée, il ouvrit la bouche dans un bruit muet de surprise. C’était lui et elle qui étaient représentés. Avec un trait montrant le talent de la jeune cendrée pour le dessin, il en fut estomaqué, non seulement il ne s’attendait pas à un tel niveau de détail, mais surtout il ne pensait pas avoir laissée un si grand effet dans le cœur d’Allys. Certes il n’aurait pas douté qu’elle se souvienne de lui, mais de là à laisser un souvenir si vivace…

-Wow. Lâcha-t-il se sentait vraiment sur un petit nuage.

Comme elle le lui expliqua, il pensait effectivement que l’alcool aidant, leur rapprochement n’avait été que le fruit d’une envie débridée fortement motivée par un état d’ébriété avancé. Mais ce n’était pas le cas au final, lui aussi avait souvent ressassé ces souvenirs, allant jusqu’à penser qu’il aurait bien aimé la faire rester une nuit de plus à Prorig. Mais il n’avait jamais envisagé le fait que c’était réciproque, les zochs avaient le sang chaud c’était bien connu, elle avait du passé à autre chose, alors il l’avait fait aussi.

Et en parlant de sang chaud, la dernière phrase prononcée par Allys le laissa l’occasion de satisfaire son désir de l’avoir de nouveau entre ses bras.

-Alors tais-toi et laisse-moi faire. Répondit-il en l’embrassant.




Le réveil fut plus douloureux que prévu, Chafouin se réveilla avec une Lys allongée à ses côtés, entièrement nue. Lui aussi n’était pas en reste, mais une douleur le fit bouger plusieurs fois dans le lit. Il reprit peu à peu ses esprits, mais la douleur dans son dos le força à se lever, une fois debout il comprit mieux la source de sa souffrance, son dos était parcouru de griffures, souvenir de la nuit passée. Il jeta un regard sur la jeune femme, paisiblement endormie et remit la couverture qui s’était légèrement échappé laissant apparaitre la vision d’un agréable fessier qui disparut néanmoins de son regard quand il couvrit sa partenaire.

Il n’allait pas partir comme il l’avait fait à Prorig, cependant les petites brulures qu’il ressentait au dos lui intimait de ne pas rester au lit pour éviter les frottements douloureux. Il décida alors de partir en exploration de la maison, pour découvrir un peu mieux le quotidien de la jeune femme. Bon, c’était peut-être aussi ses habitudes de voleur qui le poussaient à s’aventurer dans cette maison remplie d’objet de valeur, mais bien sûr, l’idée de chaparder quelque chose ne lui avait pas traversé l’esprit, pas encore du moins.

En se baladant dans la maison, il repassa devant les portraits qu’Allys avait dessiné, il repéra ce qui semblait être sa mère et son père. Il se demanda comment ils étaient en vrai. Un autre portrait montrait Allys avec une… fille ? C’était étrange, vu la manière dont elle l’avait dessiné, Chafouin doutait que ce soit un dessin d’elle et d’une bonne amie. La cendrée n’était pas portée que sur les hommes ? Chafouin s’attarda sur ce dessin, circonspect, il haussa finalement les épaules et s’éloigna. Les coussins du canapé avait été chamboulé la nuit dernière. Il en profita pour les remettre dessus et passa un coup pour les épousseter. Son regard se porta sur une porte menant à l’atelier à Allys bricolait toutes ses inventions.

Encore une fois il fut impressionné par l’incroyable diversité des créations présentes dans la pièce, tant de créations mécaniques qu’il en fut bien incapable de les dénombrer ou même d’en comprendre le fonctionnement. Mais il comprit d’emblée pourquoi la jeune ingénieure était si réputée en ville. Ces merveilles devaient couter des milliers d’irys, oui certainement même plus ! En se rendant compte de cela, une lueur s’alluma dans son regard.

*Non, surtout on ne part pas d’ici en emportant quelque chose avec nous tu m’entends ?!*

Ah cette maudite conscience, cependant elle avait raison, pas question de chaparder quelque chose chez Allys, simple question de respect, chez n’importe quelque autre personne il n’aurait pas éprouvé autant de remords, mais il ne trouvait pas ça juste de chaparder chez une femme avec qui il avait couché deux fois. Cependant rien ne l’empêchait d’être curieux. Son regard se porta sur une drôle de création en forme d’œuf, il ne risquait rien à y jeter un coup d’œil non ? Peut-être même qu’il pouvait essayer d’en comprendre le fonctionnement…

Ses mains levaient déjà l’objet en l’air quand il se demanda s’il devait demander l’autorisation à Allys avant de le manipuler, bon trop tard, le mal était déjà fait. Mais tourner et regarder l’objet sous tous les angles ne l’aidèrent point à comprendre le fonctionnement de l’objet, si fonctionnement il y avait. Toutefois, alors qu’il manipulait l’objet, il pensa de plus en plus à sa relation avec Allys et comment celle-ci allait continuer.

-Et si je restais un peu plus longtemps…

Un bruit de porte le fit sursauter et se rappelant qu’il se baladait en tenue d’adam, il porta la seule chose qui pouvait le couvrir, à savoir l’œuf devant son entrejambe. Allys se tenait à l’entrée de la pièce. Chafouin se rendant compte de la situation ne sut plus où se mettre.

-Heu, heu… Heu… Un silence gênant s’installa pendant quelques secondes. J’avais assez mal au dos à cause de cette nuit alors je suis descendu et j’ai… été curieux ? Tu as bien dormi toi ?

Bien loin de se douter de l’effet de ses paroles sur son interlocuteur, Allys s’était simplement sentie apaisée. Non pas qu’elle ait spécialement eut le besoin de se plaindre, ce n’était dans sa nature, mais lui parler était si facile, si évident. Elle n’avait pas besoin qu’il lui dise quoi que ce soit ou tente de la réconforter. Il était là, présent auprès d’elle et l’écoutait, c’était bien suffisant. Le sourire paisible et heureux qu’il lui adressait valait bien plus que tous les regards de pitié qu’on lui avait assénés dernièrement. C’est tout ce dont elle avait besoin. Et qu’elle désirait, tout simplement.

Répondant à sa demande, Chafouin l’intima alors au silence avant de l’embrasser à nouveau. La jeune femme referma d’instinct ses bras autour du corps puissant qui la faisait littéralement chavirer. La suite ne fut que désir et passion. Un cocktail enivrant qui n’avait rien à envier leur premières étreintes à Prorig… Parce que l’alcool n’avait en réalité rien à voir avec leur attirance mutuelle.


Aucune insomnie ne vint briser le sommeil de la jeune femme cette fois. Une longue et réparatrice nuit comme elle n’en connaissait plus lui avait laissé l’esprit embrumé au réveil. Doucement, elle se mit à papillonner des cils avant de se redresser sur les bras, les paumes à plat contre le matelas. Ses pensées se remettant progressivement en place, elle glissa ses doigts dans son indisciplinée chevelure, sentant ses joues se réchauffer au souvenir de la veille.

« Merde, reprends tes esprits au lieu de rougir comme une imbécile. » Se sermonna-t-elle, un sourire idiot étirant ses lèvres.

Le seul bémol à sa béatitude fut le vide apparent de l’autre côté du lit. La jeune femme eut un pincement au cœur un instant avant de réaliser que les vêtements débarrassés à la hâte la veille traînaient encore un peu partout sur le sol. Non, Chafouin ne devait pas être parti cette fois-ci. Il n’irait pas bien loin, nu de la tête aux pieds. L’inquiétude de l’ingénieure laissa alors place à un soulagement et une mimique qui voulait tout dire quant à ses pensées. Il y avait donc un homme nu quelque part dans sa maison. L’imaginer n’était pas des plus déplaisant.

Sur ces pensées aguichantes, Allys décida de se lever à son tour. Elle se dirigea vers la penderie, tendant une main machinalement vers une tenue standard avant de s’immobiliser. Jetant un regard par-dessus son épaule elle envisagea plutôt de se saisir de la chemise de son compagnon, celle-ci lui arrivant en haut de la cuisse et attrapa simplement un dessous de sa penderie. Le résultat lui convenait bien mieux… Bien qu’elle se surprenne d’une telle initiative. Peut être poussée par l’envie de le faire rester un peu plus cette fois-ci. S’il voulait s’en aller, il allait devoir la lui reprendre.

« Allys, t’es pire qu’une adolescente. » Se dit-elle, gloussant légèrement.

Fière d’elle, Allys descendit à son tour les escaliers avec une certaine bonne humeur. Elle fureta rapidement dans les pièces, cherchant où son compagnon avait bien put se rendre… Jusqu’à s’immobiliser à l’entrée de son atelier. A l’intérieur se trouvait un Chafouin bel et bien en tenue d’Adam, en train d’ausculter avec curiosité les créations de la jeune femme. Celle-ci resta un moment silencieuse, l’observant manipuler sa pourtant plus importante création sans en comprendre le mécanisme.

Elle trahit pourtant sa présence en entendant les paroles que le cendré venait de prononcer à voix haute pour lui-même. Le mouvement de la jeune femme fit grincer la porte contre laquelle elle s’était tenue. Face à elle, Chafouin fit volte face, brandissant aussitôt l’œuf devant sa virilité avant de bafouiller des explications à la va-vite. Le résultat était terriblement adorable en réalité.

« Très bien. Ce qui est plutôt rare pour être honnête. »

La jeune femme se détacha de l’entrée, rétrécissant les quelques mètres qui la séparaient de Chafouin. Elle déposa un bref baiser sur les lèvres de son amant, n’émettant pas de commentaire pour l’instant sur sa tenue pour le moins minimaliste, préférant aborder l’objet de son aventure au rez-de-chaussé.

« Attends, fais-voir ton dos. » L’air soucieux, elle posa le regard sur la peau rendue à vif par sa fougue de la veille. « Mince, j’ai été un peu trop excessive, excuses-moi. Cela dit j’ai une idée pour me faire pardonner : Que dirais-tu de monter à l’étage prendre un bain relaxant tandis que je pourrais appliquer une lotion apaisante sur ces vilaines griffures ? »

Le tout sans arrières pensées. Sauf s’il en avait envie bien sûr… Décidément Allys était irrécupérable mais cela lui faisait un bien fou. Depuis quand n’avait-elle pas flirté avec un homme ? Ou plutôt, l’avait-elle déjà fait ? Sa précédente relation s’était faite différemment. Bien plus dans l’opposition et le conflit. Il n’y avait aucune comparaison au final. Il ne se jouait pas les mêmes enjeux non plus. Allys voulait plaire et c’était totalement volontaire cette fois-ci. Baissant le regard, elle accompagna son mouvement en apposant la main sur l’œuf qui masquait fort bien son entre-jambe.

« C’est toi qui vois. Mais il faudrait tout même reposer cet œuf à sa place tu ne penses-pas ? »

Les traits de Chafouin s’adoucirent quand Allys lui répondit par l’affirmative, loin d’être embêtée qu’il se soit introduit dans son atelier, elle-même l’air amusée par la situation. La jeune femme s’approcha pour déposer un baiser sur ses lèvres, il remarqua qu’elle portait sa chemise et se sentit bizarre, c’était comme si une partie de lui n’était plus sous son contrôle, pour l’instant il n’arrivait pas à déterminer si cela lui plaisait ou non.

Cependant, la proposition qu’Allys lui fait en inspectant son dos lui plaisait bien plus. Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas pris un bon bain avec une jolie femme s’occupant de lui. Et de plus, oui il avait vraiment besoin d’un traitement, Allys n’y étais pas allée de mainmorte, pas qu’il s’en soit plaint, mais bon, il valait mieux guérir ses plaies.

-En effet il faudrait que j’enlève cet œuf avant.

Cependant, il maintint le menton d’Allys d’une main pour l’empêcher de regarder plus bas tandis qu’il remettait l’œuf à sa place de l’autre main, ce n’était pas évident vu la taille de l’engin, mais il réussit sans le faire tomber.

-Et de plus, avant qu’on aille dans ta salle de bain. Je dois récupérer ce qui m’appartient. Débuta-t-il alors qu’il déboutonnait sa propre chemise des épaules d’Allys, tout en maintenant son regard dans le sien. Ce ne fut que quand il lui retira la chemise et la mit sur son épaule qu’il s’éloigna avec un sourire.

-Allez, montre-moi le chemin, que je puisse t’admirer.

Chafouin avait toujours été joueur, c’est juste que d’habitude il ne jouait pas à ce genre de jeu, mais la situation l’amusait tout autant que ses parties habituelles, voir même plus. Quand ils entrèrent dans la salle de bain, Chafouin jeta la chemise et alla remplir la baignoire pour ensuite se mettre dedans. Il laissa Allys jeter un coup d’œil à son dos et appliquer son onguent. Malgré les petites douleurs que cela lui procurait, il laissa son esprit vagabonder et profiter de la situation avant qu’une question ne lui vienne à l’esprit pour relancer la conversation.

-Au fait, j’ai remarqué un portrait de toi au rez-de-chaussée. Tu y étais avec une jeune femme blonde. Elle fait aussi partie de ta famille ? Vous sembliez assez proche sur le portrait.

Il aurait pu choisir un autre sujet de conversation, mais cette interrogation l’intriguait. S’il s’était douté de la réponse…

Le visage taquin de la jeune femme se changea en une moue boudeuse devant l’attitude pudique de Chafouin. La main chaste qu’il avait apposée contre son menton n’était pourtant qu’une feinte pour mieux reprendre à la jeune femme sa chemise. Allys fit mine de protester mais il fallait bien avouer que ce petit jeu entre eux lui plaisait. Sentir les mains puissantes glisser le long de son corps pour déboutonner le vêtement tout en gardant le regard plongé dans le sien provoquait en elle une douce sensation de chaleur. Avec un clin d’œil complice, elle accéda à sa requête.

« Profites bien de la vue… Je ne me gênerai pas de te rendre la pareille. »

C’est avec un déhanché assuré que la jeune femme frôla le cendré avant de le dépasser. L’idée qu’il en profite largement pour la contempler du regard la rendait d’autant plus provocante, c’est donc avec une démarche exagérément sensuelle qu’elle le guida jusqu’à la salle de bain.

Pendant qu’il s’occupait du bain, Allys s’affairait à préparer l’onguent. L’ingénieure n’était de toute évidence pas une spécialiste en la matière mais elle connaissait un spécialiste dans ce domaine de longue date. Il l’avait aidée lors de son accident qui avait faillit lui coûter la vie et depuis elle lui rendait souvent visite. Etant le genre de femme absolument tête brûlée, il fallait bien avouer qu’elle s’était très vite entourée de professionnels capables de réparer son corps meurtri dont elle ne prenait de toute évidence pas suffisamment soin. C’est donc après avoir scrupuleusement suivit les instructions habituelles qu’elle revint munie d’un bol dont s’échappait ses odeurs de plantes médicinales.

Allys laissa ses mains glisser avec légèreté sur le dos meurtri avant de se mettre au travail. Tandis qu’elle entreprenait d’apaiser les plaies superficielles mais dérangeantes de son invité, elle ne put s’empêcher d’être songeuse. Il s’agissait de son idée mais elle se rendait compte de l’aspect insolite de la situation… N’étant d’ordinaire que peu avenante, elle devait bien avouer qu’il lui était tout aussi agréable et étrange de se laisser ainsi aller à ce genre d’attention. Elle pourrait bien s’y habituer.

Chafouin resta un moment silencieux, profitant des mains douces qui lui massaient le dos, mais il finit pourtant par rompre le silence en posant une question qui, bien qu’innocente, allait mettre sur le tapis un soucis que la jeune femme tentait d’étouffer sous des briques depuis des mois.

« Au fait, j’ai remarqué un portrait de toi au rez-de-chaussée. Tu y étais avec une jeune femme blonde. Elle fait aussi partie de ta famille ? Vous sembliez assez proche sur le portrait. »

« Une femme bl… Oh ! Ah, non non ! » Elle laissa échapper un éclat de rire. « Ce n’est pas une femme, mais j’avoue l’avoir coiffé ce jour-là exprès juste pour l’embêter, ça m’avait bien fait rire… Lui beaucoup moins. »

Le souvenir lui était apparut de façon vivace. Elle avait toujours été particulièrement piquante et effrontée, d’autant plus à leurs débuts. Ses cheveux longs et son visage fin lui avaient souvent valut ce genre de réflexions et Allys s’en été amusée. Bien décidée à lui montrer à quel point il était mignonne, elle lui avait détaché les cheveux et coiffé, affirmant haut et fort qu’il était une sublime poupée. C’était un souvenir agréable et amusant mais pourtant son regard s’assombrit quelque peu.

« Mais tu as raison, nous étions proches. Hex était un idiot exaspérant et tête brûlée mais… Je l’aimais énormément, bien assez pour accepter de l’épouser. » Allys inspira une bouffée d’air avant de la relâcher dans un soupire. « Mais c’était un soldat. Il est… Décédé en mission. »

Les mains de la jeune femme se figèrent sur le dos de Chafouin. Tout était parfait jusque là et voilà qu’elle en était arrivée à évoquer son ex-fiancé disparu. N’aurait-elle pas mieux fait de se taire ? Il lui avait posé la question et l’ingénieure était franche de nature mais c’était embarrassant. Allys avait une fêlure dans la poitrine, une fragilité à laquelle Chafouin avait été sensible à leur première rencontre et si cela ne lui avait posé aucun problème à ce moment-là, Allys n’avait à présent pas l’intention qu’il interprète son intérêt réciproque comme un simple moyen de passer à autre chose. L’idée qu’il se sente utilisé, une simple passade, ne plaisait pas à la jeune femme.