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 Jusqu'aux sommets des montagnes

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Jusqu'aux sommets des montagnes - Page 2 EmptyJeu 19 Oct - 7:34
    Elles étaient des milliers, massées en contrebas d’une colline, leur souffle saccadé condensait dans le froid matinal, formant des milliers de petits nuages brillants derrière lesquels brillaient des prunelles iridescentes. La brume recouvrait les sommets enneigés et nappait le décor d’une lueur diaphane, bleuâtre et irréelle, à peine dérangée par les rayons du soleil qui tentaient d’imposer leur ordre en ce monde. Elles étaient venues pour eux, pour qui d’autre? Le barde observa les légions immobiles qui leur promettaient l’annihilation dans un silence irréel que seul le vent osait troubler. Drôle d’épitaphe se dit-il, puis avisant la corne encore ensanglantée qui reposait dans le creux de sa main, il soupira et regarda Aurore qui se préparait comme lui à faire face à son destin.

    Les chèvres chargèrent dans un tonnerre de hurlements outragés tandis qu’Odard se réveillait en sursaut au son d’un bêlement à l’extérieur de la maison. Il faisait déjà jour et s’il avait manqué le coq il n’aurait pas pu rater ce cri là. Il pouvait presque encore sentir le vent des montagnes sur sa peau et s’assit sur son lit en se massant les tempes. C’était à se demander si ce rêve était un mauvais présage et s’il devait fuir à toutes jambes, ou bien s’il était vraiment le dernier des idiots doté d’un esprit bien trop imaginatif pour son propre bien.

    Autant pour chasser ces divagations narquoises de son esprit fertile que pour ne pas manquer de respect à ses hôtes le barde finit par se lever et enfila des vêtements propres avant de descendre à la salle à manger où le couple Seraphon profitait tendrement l’un de l’autre à la lueur mourantes du feu de la nuit. Il s’inclina et fit mine de tirer son chapeau avant de réaliser qu’il ne le portait pas - les vieilles habitudes ont la vie dure - et tâcha pour une fois d’être bref afin de ne pas trop perturber ce moment rare bien qu’habituel chez ce couple.

    Bien le bonjour nobles hôtes, j’espère que notre escapade d’hier soir ne vous a pas trop importunée, je tenais à vous remercier pour le thé et les serviettes. Votre attention a été fort appréciée et s’est avérée aussi utile qu’agréable sachez le!”

    Si Alderic restait la plupart du temps de marbre sa femme rit doucement en se détachant des bras de son mari pour mieux lui faire face.

    Bonjour Monsieur Coursang. Mon mari a toujours eu le don de prendre soin des siens. Et comme vous êtes un ami de notre fille... D’ailleurs celle-ci vous attend près des chevaux. Tâchez de ne pas la faire attendre, Odard.”

    Même pour un comédien aguerri comme Odard il était difficile de rester de marbre face à tant de sous entendus, proférés à grand renfort de sourires rieurs et de regards pétillants. La manière dont Eléanore avait insisté sur son prénom voulait tout dire et si le barde en était un peu gêné il n’osait pas imaginer ce qu’en penserait Aurore. Les parents sont tous les mêmes, pétris de bonnes intentions, mais tous les mêmes. Le barde bafouilla une excuse et tâcha de fuir ces sourires lourds de sous entendus.

    Mais absolument gente dame, qu’il serait grossier de ma part de laisser une jeune femme attendre seule en proie à tout ce qui peut rôder dehors, d’autant que nous avons fort à faire! Je vous souhaite une bonne journée noble dame, à vous également messire Alderic!”

    Et il fut dehors en une révérence et un battement de paupières. Le soleil était levé depuis une bonne heure mais il faisait toujours frais et la rosée n’avait pas encore fini de sécher. Des nappes de brume persistaient ça et là dans la campagne environnante à l’abri d’arbres aussi fiers qu’imposants. Il faisait beau et la journée s’annonçait chaude même si pour l’instant simplement vêtu d’une chemise de lin blanche le barde n’en menait pas large.

    De loin la scène paraissait banale, deux chevaux regardaient la jeune femme avec toute la curiosité dont ils peuvent faire preuve tandis que celle-ci leur parlait. S’il ne pouvait pas encore entendre ce qu’elle leur disait il appréciait les gens qui prenaient le temps de parler avec leurs montures, même si celles-ci ne comprennent pas tout elles aiment l’attention qu’on leur témoigne et la rendent la plupart du temps bien. Le bruit de ses pas fit relever la tête d’un des deux animaux qui renâcla en le voyant arriver. De joie ou de surprise? Difficile à dire mais la bête ne semblait pas hostile, Odard flatta l’encolure des deux chevaux et sourit de toutes ses dents à la belle Aurore qui, au contraire du barde, ne semblait pas souffrir de la fraîcheur.

    Bien le bonjour très chère! J’espère que vous avez bien dormi? Ma foi cette journée s’annonce magnifique et nous avons du pain sur la planche! Par quoi commençons-nous?”

    Il avisa la jument qui venait de lui mettre un petit coup de museau et contempla la bête en la couvrant d’attentions, visiblement appréciées. Elle était d’un brun clair sur la tête et le dos tandis que son ventre et ses pattes étaient blanc parsemé de petites tâches plus sombres. Un bel animal, sympathique et pas timide qui devait logiquement être sa monture pour la journée et le voyage à venir.

    Et à qui ai-je l’honneur? C’est un bien bel animal que voici ma mie, quel est son nom?”

    Un bêlement un peu plus loin le replongea un instant dans rêve et il frissonna autant de fraîcheur que de la vision de ces hordes d’animaux prêts à les anéantir. Il secoua la tête, tâchant de chasser ses sombres pensées et reporta son attention sur la jeune femme toujours occupée à seller les chevaux.

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Jusqu'aux sommets des montagnes - Page 2 EmptySam 21 Oct - 10:06
Aure était concentrée sur ses gestes, vérifiant que chaque tapis de montures était soigneusement placé, ne risquait pas de glisser sous le poids du cavalier ou sous la sueur de l’animal. L’intérêt n’était pas réellement de trouver un meilleur équilibre, loin de là, c’était plus pour le confort du mage le montant, mais aussi pour la monture qui n’aurait pas à ressentir en permanence le frottement des cuisses sur sa peau directement. Plaçant les différentes lanières qui supporteraient l’équipe, la rouquine coula un regard à Alezane qui ne semblait pas du tout affolé par tout l’attirail, bien trop occupé à se sustenter de ce qu’elle trouvait. Terminant de position les sacs, la mage dans un geste presque naturel et bien trop habituel avait replacé son arc et ses flèches dans son dos. Sa dague était dans sa botte comme à l’accoutumance et son épée courte pendouillait à l’une de ses hanches. Un jour elle apprendrait à s’en servir, un jour peut-être. La voix du barde la fit presque sursauter et Aure se maudissait intérieurement de ne pas faire suffisamment attention à son entourage.

- «  Bonjour Odard » dit-elle en pivotant légèrement pour lui faire face «  Ma nuit fut agréable, merci, j’espère que la vôtre fut reposant et sans mauvais rêve. »

Un petit sourire en coin sous-entendait généreusement qu’elle avait dû l’entendre s’agiter dans la chambre non loin de la sienne. La rouquine n’était peut-être pas toujours attentive, mais celle-ci n’était en tout cas pas sourde. La petite taquinerie passée, la jeune femme avait abandonné du regard le jeune homme, passant sous la tête de sa propre monture pour rejoindre l’autre animal, préparé de la même manière. Elle laissa couler ses doigts le long de la crinière de l’animal jusqu’à venir caresser sa tête en douceur.

- «  C’est Focus. Il est tout autant agréable qu’Alezane. Quoi que peut-être un poil plus têtue. » Aurore avait senti son client se perdre un peu dans ses pensées, elle avait donc forcé un peu sur sa voix «  Odard ? Est-ce que ça va ? J’étais en train de vous dire que vous pouvez accrocher vos affaires ici, si vous le souhaitez. »

Elle avait indiqué les lanières, puis l’avait abandonné quelques instants. C’était important, du moins, du sens d’Aure que le barde et l’animal s’appréhendent un peu en autonomie, sans quoi, tous deux risquaient quelques mauvaises surprises sur le chemin.  Durant ce laps de temps, plutôt court tout de même, la jeune femme avait flatté l’encolure de sa monture, murmuré quelques mots doux à l’oreille de celle-ci avant de se hisser sans grande difficulté sur son dos. L’aventure n’allait pas tarder à commencer, chose qui mettait la mage de très bonne humeur.

- «  Si vous êtes prêts, nous allons pouvoir aller au village, le temps d’acheter de quoi s’alimenter, vous avez rempli vos gourdes d’eau ? »

Mentalement, la préparatrice vérifiait qu’elle n’avait rien oublié, que ce soit au niveau des armes, des choses à prendre, difficile pour elle d’être certaine de n’avoir fait l’impasse sur aucun élément. Haussant doucement les épaules, elle abandonna l’idée de vérifier indéfiniment et claque doucement sa langue contre son palais, signe pour la monture qu’il était temps de se mettre en route. Si le barde n’avait pas fait de même, il était fort probable que Focus par réflexe se soit mis en route de manière autonome afin de suivre Aurore et Alezane. Si Aure adorait sa monture, elle restait parfois dépitée devant la gourmandise de celle-ci, à peine quelques pas réalisé au petit trot que la jument c’était arrêté net, pour engloutir une herbe encore luisante de la rosée matinale. La mage avait lâché un soupir mi- amusé, mi- agacé avant de reprendre le commandement pour se diriger vers le petit village le plus proche. La rouquine avait donc repris la parole, histoire de faire un petit point sur les événements proches à venir :

- « Nous allons commencer par faire quelques achats. Nourriture, couverture, de quoi rester au chaud là-haut. » Elle tourna légèrement la tête vers le barde « Vous avez des vêtements plus…chauds rassurez moi ? Sinon, il va falloir en acheter. »

De son côté, la jeune femme semblait avoir préparé minutieusement ses affaires, plusieurs gourdes remplies pendaient du côté gauche de l’animal, au-dessus, un sac avec de quoi monter un campement de fortune. De l’autre côté, un sac avec diverses flèches de rechanges, cordes, vêtements. Il ne restait réellement que l’alimentation et là encore, la rousse avait des idées plutôt précises à l’esprit. Pas de viande, ou très peu, bien enroulé des linges humides, des fruits et des légumes toujours dans un linge forcement humide. Quelques fruits secs et des choses rapides faciles à emporter et qui ne risque pas de perdre la vie avant de se retrouver dans l’estomac des deux aventuriers. Le pas de la monture s’était fait légèrement plus intense, hors de questions aux yeux de la mage de perdre trop de temps dans la réalisation des achats. D’ailleurs, le petit village constitué globalement de gens de passage s’offrait déjà à la vue des deux jeunes gens. Une fois à proximité, la rouquine avait fait ralentir le rythme à Alezane, jusqu’à le stopper au pied d’un arbre entouré de verdure, de quoi satisfaire la jument goulue. Se laissant glisser sur un côté, Aure n’avait pas tardé à mettre pied à terre, visiblement satisfaite et toujours aussi enjoué à l’idée de chasser la chèvre. Elle n’avait pas pris la peine de dire au revoir à ses parents, choses finalement plutôt communes chez elle. Avisant le barde, la jeune femme semblait néanmoins plus sérieuse, adoptait une posture un peu plus professionnelle qu’enfantine, à ses yeux, bien que la mission était pour l’heure plutôt simple, elle était aussi primordiale pour éviter tout accident ou d’estomac grognant de faim.

- «  Bien, je propose qu’on se rejoigne ici dans une heure, une heure quinze tout au plus. Les deux ventres sur pattes ne devraient pas bouger au vu de la quantité d’herbe et de feuillage. Pour les achats, de l’alimentation, vêtement chaud, couverture idéalement. Rien de trop gros cependant, on doit pouvoir tout transporter à pied, au cas où. Enfin, tout ce que vous voulez du moment que ça tiens sur le dos, ça vous convient ? » elle fit un petit sourire discret « On évite d’acheter une flûte, on va bientôt pouvoir vous en faire une parfaite. »

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Jusqu'aux sommets des montagnes - Page 2 EmptyMar 24 Oct - 22:13
    Fort de sa contenance Odard ne bougea pas plus qu’il ne rougit sous cette petite taquine somme toute bien innocente, mais intérieurement il s’imaginait gémir dans son sommeil en tentant d’échapper à des chèvres enragées. Cela aurait pu être un brin embarrassant s’il s’était agi de quelqu’un d’autre qu’Aurore, heureusement la jeune femme n’était pas du genre à tourner ses ouailles en ridicule. Duquel on disait qu’il ne tuait pas, mais bien sûr tous ceux qu’il avait pu tuer avaient sombré dans l’oubli, alors qui pouvait vraiment affirmer qu’une telle chose n’était pas dangereuse? Personne. Et surtout pas Odard.

    Ma nuit fut pour tout vous dire... Riche en cornes et en yeux rouges! Mais qu'à cela ne tienne! Je suis ravi ma mie que vous ayez pu profiter d’un brin de sommeil réparateur, c’est que nous aurons besoin de toutes nos forces pour affronter ce qui nous attend n’est-ce pas?”

    Il répéta le nom du cheval à voix haute, s’attirant l’attention de celui-ci. Il était important que la monture se sente incluse et appréciée, et ne pas parler aux chevaux était l’erreur que commettaient en général les cavaliers morts ou en passe de l’être. Un ami et fidèle destrier sera capable de beaucoup tandis qu’une vulgaire mule éperonnée à tout bout de champ n’hésitera pas à envoyer son porteur valser dans les airs. Et tant pis si celui-ci se casse le cou, les risques du métier disait-on… C’est qu’être stupide était peut-être le risque ultime, le danger de tous les instants que couraient tous les hommes quels qu’ils soient. La différence était de savoir résister à l’appel des sirènes du néant mental afin de s’élever, ou tout du moins de vivre assez longtemps pour accomplir quelque chose. Focus. Ce nom sonnait vivement, comme un claquement de langue. Cela devait être une bête rusée et intrépide, et si elle avait un peu de caractère eh bien le jeu n’en serait que plus stimulant.

    Mais parfois les sirènes de la stupidité laissent place aux démons du jour, cruels et sans répit. Celui d’Odard était l’inattention qui le guettait comme un voleur tapi dans les ombres, prêt à se saisir de lui à chaque instant. Et après cette nuit agitée l’esprit du barde était embrumé, enclin aux escapades impromptues et rarement bien choisies. Il espérait qu’Aure ne s’était pas vexée, mais devant son regard perdu dans le lointain il était difficile d’imaginer qu’il ne l’écoutait volontairement pas. Aussi se rattrapa-t-il vivement, tachant de faire bonne figure et de chasser de son esprit ses sombres pensées.

    Oh je suis confus très chère, je crains que le manque de sommeil n’ait raison de ma lucidité, je me suis égaré un bref instant dans un songe très déplaisant. Mes plus plates excuses ma mie. Et d’ailleurs ce cheval est fort bien nommé, j’espère me montrer à la hauteur de ce que son patronyme m’inspire!”

    Le barde s’inclina aussi bas qu’il le put et entreprit de déposer ses affaires sur les sangles de la selle. Ainsi délesté de son barda il saisit le licol de Focus et fit quelques pas en sa compagnie, l’animal se laissa faire ravi à la fois de l’attention qu’on lui portait et de pouvoir se dégourdir un peu les pattes. Le courant semblait bien passer entre les deux, quoi qu’en matière de chevaux les sautes d’humeurs n’étaient pas rares mais celui-ci n’avait pas l’air fourbe ou versatile. À voir en chemin se dit-il, mais sans réelle appréhension.

    Ils firent ensemble l’inventaire de leurs possessions et le barde constata qu’en dehors de son Luth et d’une dague dont il ne savait pas se servir il était comme nu. Il venait d’enfourcher sa monture et feignant une moue gênée tira ses poches afin de montrer qu’elles étaient vides et rit doucement. Quel piètre aventurier faisait-il.

    Je crains ma mie de n’avoir que mon Luth et mon couteau. Ce qui me suffit d’habitude amplement je vous l’assure! Néanmoins j’ai assez d’or pour palier à ce, léger, manque afin que nous voyagions dans les meilleures conditions. Loin de moi l’idée d’être un frein pour vous très chère, loin de là. Ah ça non! Que nenni ma mie!”

    Pourtant bourlingueur Odard était habitué à un certain niveau de confort. Tout d’abord il voyageait par caravane quand il le pouvait, quand c’était impossible il attendait les beaux jours et évidemment jamais de nuit. Autant dire qu’il était perdu, n’avait jamais fait de feu et encore moins cuisiné, alors de là à dormir à la belle étoile… Cette expédition était un vrai bouleversement pour un être qui s’avérait par moments très précieux et pas vraiment débrouillard.

    Focus s’était mis en route sur un signe d’Aurore, signe d’un bon dressage et aussi qu’entre eux deux il irait naturellement vers Elle. Ce qui semblait normal après tout, mais le barde ne s’était pas attendu à ce que le cheval démarre de son propre chef et s’était subitement penché sur la corne de la selle afin de ne pas perdre l’équilibre.

    Il était temps d’avouer à son amie son expérience en matière d’aventures et de solliciter ses précieux conseils. Elle qui semblait plus au fait des arcanes du monde sauvage que lui, finalement plus habitué aux tavernes et aux fêtes.

    Pourquoi ne ferions-nous pas nos emplettes ensemble très chère? Je mhhh… Je crains à ma grande honte de ne pas savoir qu’acheter ni à quel prix. J’ignore pour ainsi dire tout de ce que le vaste monde requiert afin d’être exploré en toute quiétude. Je m’en remettrai pour l’heure à vos sagesses en la matière, qui sont visiblement plus étendues que les miennes. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient bien sûr!”

    Un petit sourire gêné, il était parfois difficile d’être mis face à sa condition de troubadour précieux, même si cela devait certainement se voir à sa manière de se comporter. Mais il faisait confiance à Aurore pour se montrer indulgente, même si elle réaliserait au même moment qu’il ne lui serait probablement d’aucune utilité dans leur chasse. Au moins pourrait-il se révéler bon conseiller et chanteur au coin du feu. Pas sûr que cela suffise.

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Jusqu'aux sommets des montagnes - Page 2 EmptyVen 27 Oct - 11:26
Aurore s’était contentée d’étirer un semblant de sourire, léger, mais efficace. Sa nuit avait été reposante, mais pas forcement réparatrice, les deux éléments n’étant pas forcement indissociable. Terminer d’attacher ce qui le devait, la jeune femme retient une petite grimace à l’idée de devoir conserver des forces pour réaliser le projet qu’il avait à présent en commun. Se pinçant la lèvre, elle aurait voulu se montrer rassurante, annoncer fièrement que tout ceci ne serait qu’une merveilleuse aventure, sans la moindre difficulté à l’horizon. Malheureusement, la réalité serait certainement toute autre.

- «  Il est vrai que nous allons devoir être particulièrement attentifs. La différence entre les plaines et les montagnes, c’est qu’une fois là-bas, il n’y aura certainement personne pour nous venir en aide si besoin. »

Sa phrase ne s’était pas voulue si dure, du moins, pensée, elle n’avait pas donné l’impression d’être une mise en garde. Une fois formulée, s’était un poil différent. Lâchant un bref soupir, la jeune femme tâcha de ne pas se faire trop exigeante ou tout du moins, trop prudente. L’aventure n’était pas faite uniquement pour repousser ses limites, mais également pour prendre un peu de plaisir, retrouver ses origines, se ressourcer. Devant son air sincèrement navré suite à son absence, la rouquine avait simplement haussé les épaules, ce n’était pas bien grave, après tout, c’était elle la responsable de la mission, donc uniquement à elle d’assurer la sécurité du barde. Cependant, bien qu’elle n’en dise rien, cela ne la rassura guère pour la suite des événements, difficile de faire confiance quand on n’a pas l’habitude, d’autant plus à une personne qui risque d’être ailleurs à un moment fatidique. Elle allait réellement devoir faire très attention.

- « Ce n’est rien. » Dit-elle dans une certaine douceur «  En revanche, cessez donc de m’appeler ‘ma mie’ les habitants du coin vous finir par se faire des idées, et je dois admettre préférer largement qu’on me nomme par mon prénom. »

Une nouvelle fois aucune provocation dans sa voix, ou mauvaise intention, c’était juste dit à titre d’indication sans aucune volonté de nuire ou de mettre mal à l’aise son interlocuteur. Se hissant sur sa monture, qu’elle montait sans selle, juste avec le tapis qu’elle avait déposé sur celle-ci, ainsi que les sangles la maintenant pour supporter l’équipement. La suite de la conversation avait laissé la jeune femme pour le moins, beaucoup plus dubitative, un instrument et un couteau ? C’était tout ce qu’il possédait pour voyager ? Son sourcil s’était relevé en sa direction, une pointe d’inquiétude dans le fond des yeux, comment avait-il fait pour voyager autant, tout en ne possédant que si peu ? Soit sa magie était d’une force redoutable, soit il avait eu énormément de chance.

- « Eh bien, les petits achats avant le départ vont être parfaits pour pallier à ce manque » dit-elle de façon bienveillante.

Le duo un peu particulier avait continué sa progression tout en douceur, sans brusquerie, jusqu’à atteindre le village le plus proche. Un petit groupe de nomade s’était installé ici des années auparavant et de ce petit groupe était née une ville respectant l’environnement. La population n’était pas immense, même plutôt réduite, mais ici tout fonctionnait plutôt bien et tout était généralement accès sur le libre-échange. Le principe du donnant, donnant faisait du lieu un véritable petit bijou pour qui souhaitait s’offrir une nouvelle vie, parfois, sans dépenser quoi que ce soit. Glissant de sa fidèle monture, la mage donna ses instructions, sans s’attendre une seule seconde aux révélations qui allaient suivre celle-ci. Si son regard ne dévoila rien de ce qu’elle avait du penser sur l’instant, son esprit lui commençait déjà à s’inquiéter très légèrement. Un barde pouvait-il réellement voyager autant, sans n’avoir connu le moindre tourment ?

- «  Aucun problème, nous n’avons cas faire les achats ensemble. » Cette fois-ci la voix de la jeune femme plus directe que d’habitude avait dû trahir sa surprise.

Tapotant l’encolure de sa jument, elle l’abandonna finalement là où l’herbe et le feuillage étaient le plus verts. Certaine que les deux compères seraient bien trop occupés à se remplir le ventre, qu’à galoper partout. Bienveillante, la rouquine avait offert un sourire au barde, finalement aucune des révélations ne lui avait donné envie de renoncer ou de poser des questions qui auraient pu sembler soit jugeant, soit provocateur. Se mettant doucement en route vers le lieu de tous les achats, elle se permit néanmoins une indélicate interrogation.

- «  Vous ne savez pas vous battre, pas vrai ? »

Ce n’était nullement une provocation, nullement un acte de guerre déclarée officiellement. Simplement une question dont elle se devait de connaître la réponse afin d’anticiper toute idée peu lumineuse que le barde pourrait avoir pendant l’excursion. Pivotant légèrement vers lui, elle s’autorisa un nouveau sourire, bienveillant, plus doux. Il y avait des choses qu’il fallait impérativement savoir avant de mettre en danger quelqu’un, tout comme il fallait accepter le fait que réaliser ce genre d’aventure à deux, aller forcement autoriser l’autre à connaître certain détail du binôme, sur sa vie, sa façon de penser, d’être. Puis, dans un petit hochement de tête, Aure l’avait invité à le suivre, conservant cette mine plus ou moins satisfaite de l’expédition qui attendait les deux jeunes gens. Les quartiers, peu nombreux n’étaient pas encore pleinement animé, des petites têtes saluaient régulièrement les deux individus. Si le village n’était pas grand, cela impliquait forcément que tout le monde se connaissait. Poussant la porte d’une boutique nommée « La trouvaille des hiboux », Aurore s’arrêta dans l’entrée avisant avec des yeux brillants la multitude d’arme, de sac, d’outil divers nécessaire à l’aventure.

- «  Aurore, quelle belle surprise ! » dit une voix, sortie tout droit de derrière le comptoir en bois.

Si l’homme à la trentaine approchant était visiblement ravi de voir la jeune femme, la réciprocité ne semblait pas crever les yeux. Une grimace très furtive traversa le visage de la rouquine, qui tenta tant bien que mal de conserver les apparences.

- «  Ton père n’est pas là ? »
- « Non c’est moi qui tient la boutique aujourd’hui. Tu ne nous présentes pas ? »
- « Super… » grommela-t-elle «  Odard, je vous présente Lucas, Lucas, je te présente Odard. »

Voilà qui avait été très expéditif, ce qui avait tiré un sourire franchement amusé du tenancier. Si Aurore semblait déjà être passée à autre chose, le jeune homme lui semblait franchement décidé à en savoir davantage. La rouquine abandonna, le barde, le laissant vaguer à ses occupations, pendant qu’elle, cherchait à acheter l’essentiel. Passant devant les armes, elle ne s’autorisa pas d’en choisir une plus adaptée pour le musicien, cependant, ses deux perles émeraude s’arrêtèrent sur un arc à la beauté remarquable, tout comme visiblement à sa qualité. Ses doigts effleurèrent le bois parfaitement taillé, avant de se raisonner, se forçant à se concentrer sur les vêtements chaud, les cordes solides et de quoi réaliser un campement plus ou moins confortable. Pendant qu’elle semblait remplir ses bras de tout un tas de choses utiles, le tenancier s’était rapproché du barde, visiblement prêt à enquêter sur la raison de la présence des deux individus ici.

- «  Vous êtes un client, je suppose ? Vous allez où exactement, longtemps ? Vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas. Notre ville est charmante vous ne trouvez pas ?  »

Un large sourire bienveillant, deux billes noires brillantes d’intensité, l’homme devaient être un très bon marchant. En revanche, il ne semblait pas très à l’aise sur le terrain de la discrétion.  Ce qui n’échappa pas une seconde à la rouquine, qui les bras chargés de choses diverses avait pivoter vers les deux hommes :

- «  Lucas, au lieu de chercher à savoir où on va et donner un mal de tête certain à Odard, tu ne voudrais pas faire ton travail, simplement pour une fois ?! »

Piquante. Cette fois-ci, nulle bienveillance dans sa voix, nulle délicatesse ou subtilité. Même si la tonalité de ses cordes vocales ne s’était pas élevée, tout laissé à croire que la rousse était tout à fait capable de se mettre en rogne. Cependant, il n’eut rien de plus, hormis un éclat de rire du gérant. D’un léger coup de coude vers le barde, il lui avait murmuré :

- « J’adore la mettre en rogne, je la connais depuis qu’elle est petite. Un sacré numéro vous ne trouvez pas ? »

Contractant sa mâchoire, la rouquine déposa dans un raffut pas possible le tout sur le comptoir. Elle n’était pas sourde, loin de là. Deux couvertures chauffantes, suffisamment grandes pour accueillir deux individus, un sac en cuir pouvant se porter en bandoulière ou sur le dos avec une capacité suffisamment grande pour contenir les couvertures, deux gourdes, des silex pour allumer un feu en toute circonstance, un bonnet, des tenues chaudes masculines et féminines des flèches de meilleure qualité que ce qu’elle pouvait avoir jusqu’à là et un grappin pour gravir les montagnes  

- « Il ne manque que votre arme, Odard. Vous n’avez que l’embarras du choix. Lucas, tu aurais de quoi entretenir le bout des flèches, ainsi qu’un mélange de plantes pour accélérer la cicatrisation des blessures. Oh et aussi une pâte pour mettre sur la peau et les lèvres, afin de l’aider à supporter l’air froid ? »

L’homme avait abandonné le barde, pour se réfugier derrière son comptoir préparant les différentes substances manquantes, sans poser la moindre question. Aurait-il de toute manière suffisamment vite les réponses à ses questions au passage de la mère de la jeune femme.

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Jusqu'aux sommets des montagnes - Page 2 EmptyMer 1 Nov - 22:04
    Qu’est-ce qu’un homme, qu’est-ce qu’une barde sans ses petites excentricités? La repartie de la jeune femme l’avait pris de court, le laissant désarmé face à une gêne qu’il pouvait ressentir parfois et qu’il comblait de compliments, de petits sobriquets. Ou tout simplement la plupart du temps pour s’amuser, et il avait conscience qu’il pouvait parfois en faire trop et devenir fatiguant mais ces choses là étaient devenues avec le temps une extension de lui-même et sa marque de fabrique en somme. L’exercice s'annonçait difficile mais il s’y adonnerait avec autant de vigueur qu’il avait d’affection pour sa compagne d’infortune. Puisque c’était ça le fond de l’histoire, la pauvre s’était embarquée dans une dangereuse chasse avec un jeune freluquet à peine capable de tenir une épée et encore moins de s’en prendre volontairement à quelque monstre ou bandit qui pourraient croiser leur route.

    Tâchons dans ce cas ma m… Très chère Aurore! De vous trouver un surnom qui sera à la hauteur de vos espérances et n’induira pas ces bonnes gens en erreur, qu’en dites-vous? Quelque chose de court, vif et pimpant à votre image très chère! Que pensez vous d’Aumie? Un savoureux mélange d’Aurore et de ma mie! Ainsi nous serons tous deux satisfaits!”

    Ils étaient dans de beaux draps. Et si la jeune femme accepta sans broncher de s’occuper des fournitures en sa compagnie elle semblait légèrement plus inquiète que lorsqu’ils avaient quitté la demeure familiale, comme si la perspective d’affronter les montagnes et les choses qui les peuplaient sans aide extérieure s’avérait finalement une idée folle. Stimulante, mais complètement folle.

    D’autant très chère que ces petites emplettes seront bien plus agréables en duo n’est-ce pas? Quoi qu’il en soit je vous remercie de prendre cette peine et sachez que je tâcherai de me montrer à la hauteur de vos espérances. Concernant votre question eh bien…”

    Se battre? Oh certes il avait vu suffisamment d’ivrognes se sauter à la gorge à grands renforts de chopes, tabourets et plus simplement de gros poings calleux pour savoir à peu près de quoi il retournait mais l’exercice semblait bien trop douloureux pour qu’il ait jamais tenté de s’y adonner. D’autant que l’on perdait à tous les coups! Celui qui ne finissait pas la mâchoire de travers voyait ses phalanges rougies et parfois déchiquetées. L’idée même le répugnait. Elle avait posé sa question avec douceur, sans sembler attendre quoi que ce soit de lui ni le juger de quelconque façon, mais il se sentit tout de même piqué d’une pointe d’embarras. Le barde se voyait mal se réfugier derrière elle au moment fatidique pendant qu’elle défendrait chèrement leurs vies de l’épée qu’elle portait à la ceinture. Puisque c’était ça le véritable fond de la question, il n’était pas question de bagarres d’ivrognes ou d’un banal combat qu’un coup de chance ou de manche de pioche achève en général rapidement. Il était question d’armes et de savoir s’en servir, à cette pensée Odard toucha du bout de ses doigts la garde de la dague qui reposait à sa ceinture, la lame lui avait servi à tout sauf à se défendre, c’était un bon coupe ongles et elle était passable quand il s’agissait de couper de la viande mais jusqu’ici elle lui avait surtout servi à se rendre plus impressionnant qu’il ne l’était vraiment.

    Je me suis bien battu une fois lorsque je devais avoir une quinzaine d’années, malheureusement ma fougue n’a pas fait long feu très chère et ces malandrins m’avaient presque occis lorsque j’ai perdu connaissance. Vous imaginez aisément la suite, quelques semaines de soupe tiède et l’idée de m’en prendre à mes semblables ne m’a plus jamais traversé l’esprit. Mais il ne s’est jamais agi que de moi-même et j’ignore comment je pourrais réagir si d’aventure c’est vous qui étiez menacée ma m… Pardon. Aurore! Je vais néanmoins faire l’acquisition d’une épée courte et qui sait, peut-être daignerez vous m’apprendre quelques passes d’armes? Quoi que nous devrions peut-être commencer avec des morceaux de bois si je ne m’abuse? Loin de moi l’idée ou l’envie d’endommager un si joli minois très chère!”

    Le petit village dans lequel ils avaient posé le pied regorgeait de petites ruelles pour l’instant assez calmes et respirait le bon vivre et la prospérité. La trouvaille des hiboux était une belle enseigne au nom plus qu’évocateur, le barde s’imagina un instant quelques pies chouettes et hiboux parcourir le monde en quête d’objets brillants qui seraient ensuite vendus aux clients de passage. Rien de tel qu’un nom qui fasse rêver les clients pour pousser ces derniers à l’achat, et c’est un barde rêveur qui pénétra dans l'échoppe, se demandant quelles folles histoires pouvaient se cacher derrière chacun des objets exposés.

    Eh bien voilà une boutique qui ne manque pas d’âme très chère, je…”

    Il fut interrompu par un éclat de voix qui lui était aussi pénible qu’il avait l’air de l’être pour la jeune femme. Le marchand semblait en pincer pour Aurore, ou bien c’était tout simplement un de ces êtres trop curieux et insupportables que l’on a vite envie de baillonner. Quoique l’un revenait souvent à l’autre, ainsi le barde n’aurait pas su dire quel trait ressortait le plus chez ce Lucas. Une fois les présentations faites un tonnerre de questions posées par quelqu’un dont le débit de parole excédait le sien acheva de parfaire l’opinion qu’il en avait. Odard décida de brouiller les pistes sans envoyer valser le marchand, chose qui lui vaudrait à coup sûr une hausse drastique de ses prix et peut-être même un vol plané à travers la vitrine.

    Mère? Par les Saints Rognons comment est-ce possible? Que faites vous là dedans?”

    Odard fit le tour de l’homme, un air de fausse surprise peint sur le visage, il le toucha même du bout du doigt comme pour s’assurer qu’il était bien réel. Il observa ensuite le bout de son propre doigt et le palpa de son autre main, pour s’assurer qu’il était lui aussi bien réel.

    Oh toutes mes excuses messire, vous m’en voyez confus mais j’ai pensé que quelqu’un capable de poser autant de questions et aussi vite sur des sujets qui ne le concernent en rien ne pouvait être que ma très chère mère. Je suis navré messire, vraiment.”

    Aurore semblait aussi agacée par le comportement du marchand qu’il ne l’était et tandis qu’elle pouvait se permettre de l’envoyer ballader le barde était tenu lui à une certaine mesure, bien que la notion lui soit très relative. Il n’eut pas le temps de répliquer que la jeune femme venait déposer quantité de choses sur le comptoir, le tout dans un vacarme assourdissant mais ô combien plus agréable à l’oreille que les tentatives de commérage de Lucas. Odard ouvrit de grands yeux à la vue de toutes ces choses, il ne s’était pas fait une grande idée des étendues sauvages, mais aucune de ces idées ne comprenait une charrette de matériel. À sa grande honte tout ce qu’Aurore achetait paraissait logique et il se demanda un instant comment il aurait pu survivre en pleine montagne avec une simple chemise et un Luth.

    Bigre, nom d’un tagta très chère! Je m’attendais à une épée et une scie, mais je dois avouer que tout cela me rassure au plus haut point, je constate que vous prenez l’affaire au sérieux et vous m’en voyez ravi, vraiment! Puis-je suggérer d’emporter des cordes? Je me suis toujours imaginé de nobles aventuriers munis de cordes sans fin, bien que celles-ci aient évidemment une fin sans quoi leur transport s’en trouverait dramatiquement complexifié. Mais je m’égare…”

    Il ne manquait plus que son arme, alors que son âme d’artiste et d’enfant le poussait vers une magnifique claymore ornée d’une tête de lion dorée bien trop lourde pour lui, une petite épée simple à double tranchant parlait davantage à son côté raisonnable. Elle était un petit peu plus longue que son avant bras, droite et pratique, pas trop large pour rester maniable mais pas assez fine pour avoir l’air d’un jouet. Il s’en saisit et effectua quelques moulinets maladroits avant de la reposer avec un air penaud, la lame était passé à quelques pouces d’une corde qui retenait la lourde roue de charrue qui servait de plafonnier. Encore une fois le désastre n’était pas passé loin.

    Je pense que celle-ci fera parfaitement l’affaire, qu’en dites vous très chère?"

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Jusqu'aux sommets des montagnes - Page 2 EmptyVen 3 Nov - 12:18
Aussi surprenant que cela pouvait paraître le barde avait fini par accepter de la nommer autrement que ‘ma mie’. L’amélioration était certes légère et pouvait prêter à sourire, mais c’était toujours ça. La rouquine se contenta d’étirer des traits plus joyeux sur son visage, visiblement amusée par la situation. Aure avait repris doucement son engouement et un large sourire s’était fixé sur ses lèvres. Aumie. Un drôle de surnom, qui convenait cependant à la rousse. Le reste de la conversation aurait eu de quoi la démoraliser, mais il n’en fut rien. A ses yeux l’honnêteté était la chose la plus importante, le reste n’était que des futilités légères, ou presque. Elle allait devoir s’adapter au fait d’être la seule à pouvoir défendre le duo, du moins en compétence physique, le barde n’en restait pas moins un mage et un adepte de Khugastaa.

Aurore était cependant restée silencieuse, ne préférant pas mettre davantage le barde en difficulté. Devait-il suffisamment culpabilisé de ce projet commun de récupérer une corne, alors que seul, il en était tout simplement incapable. La boutique se dessinait déjà un peu plus loin, et c’est avec un engouement à peine dissimulé que la rouquine avait passé la porte d’entrée. Généralement, c’était un établissement de vente agréable, avec des éléments de qualités. Sa famille venait exclusivement ici pour faire des achats, du moins, jusqu’à le fils du gérant ne commence à se rapprocher trop dangereusement d’Aure qui instinctivement avait fui le lieu. La jeune femme en avait perdu son sourire en découvrant Lucas, très heureux de la voir, prêt à enquêter et à obtenir un maximum d’information sur la nouvelle destination du contrat.

Soucieuse de l’ignorer comme toujours, elle avait effectué des présentations sommaires, avant de se concentrer sur le matériel à acheter pour l’expédition. Il ne lui semblait d’ailleurs avoir rien oublié, ou presque. Amusée par les propos du barde, elle avait à peine retenu un rire, rire d’autant plus difficile à conserver devant la mine déconfite de Lucas qui semblait largement dépassé par la répartie du ménestrel. Le brave homme vexé jusqu’au fin fond de son… être, abandonna sans un mot Odard pour revenir derrière son comptoir. Il commencer à compter les articles, à préparer le tout dans des sacs, tout en sortant les dernières demandes de la rousse, sans piper un seul petit mot. Satisfaite, Aurore ne pouvait désormais plus quitter son petit sourire en coin, difficile d’admettre que pour une fois, le Barde s’était montré bien utile et qu’elle n’oublierait pas de sitôt le visage dépité de Lucas.

Odard avait par la suite semblé s’intéresser à une épée courte, il effectua quelques mouvements afin de vérifier la qualité de celle-ci, manqua de réaliser la plus grosse catastrophe des dernières années, dans la boutique puis revint la déposer sur le comptoir. Aurore avait doucement secoué la tête de droite à gauche, perplexe. Cet homme était véritablement plein de surprises et pas toujours de très bonne.


- « Elle est parfaite. Je suis certaine qu’avec un peu d’entraînement, vous parviendrez à la manier de façon très habile et performante. Après tout, n’êtes-vous pas un travailleur sérieux et hors pair. » Puis se tournant vers Lucas elle avait ajouté « Tu me rajouteras trois cordes, de la longueur la plus grande que tu puisses avoir. Puis, je crois que ça sera tout ! Oh non, un autre sac en cuir, suffisamment grand pour pouvoir contenir un peu de tout ça.»
- « L’arc qui t’a fait de l’œil ne t’intéresse pas ? Je te fais un prix si tu veux. »
- « Non, j’ai une entière confiance en mon vieil arc. Je ne change jamais mes habitudes. »

L’homme fronça doucement les sourcils, ne comprenant visiblement définitivement pas l’attachement qu’elle pouvait avoir pour cette vieille chose, certain que celui-ci ne tarderait plus à lui faire défaut. Ronchonnant dans sa barbe il avait fini par pousser le tout jusqu’à elle. Avant de payer, Aurore s’attarda à ranger les affaires dans les deux sacs. Un pour Odard, avec l’épée courte attachée sur le côté, une corde, un grappin, une gourde, des vêtements chauds masculins divers, une tante pour s’installer et des couvertures particulières chaudes. Puis le reste dans le nouveau sac qu’elle venait d’acquérir pour elle-même, rangeant le tout de la même façon. Elle déposa une bourse, qui devait contenir largement de quoi payer le tout, puis se retourna fièrement vers le barde en lui tendant son désormais sac.

- « Voilà pour vous. » Dit-elle « Cadeau de la maison pour vos futures explorations solitaires ou avec d’autres personnes. Il faudra en prendre soin. Bien, en route, nous n’avons définitivement pas de temps à perdre. » Son regard se déposa sur une veste plutôt chaude, masculine, qu’elle attrapa des doigts pour la jeter sur la tête d’Odard « Et mettez ça tout de suite, ça vous éviterez d’attraper froid. Lucas, tu mets sur la note, merci à plus tard ! »

À peine avait-elle terminé sa phrase, qu’elle avait pris la direction de la sortie, laissant la porte de la boutique se refermer derrière elle. Une fois dehors, elle prit une longue bouffée d’air frais, prête pour le grand départ. Du moins avait-elle l’impression de n’avoir rien oublié, ce qui lui procurait une satisfaction complète. Avisant d’un p’tit coup d’œil la présence du barde, elle avait pris une nouvelle fois le chemin vers les montures afin de cette fois-ci, partir pour de vrai, directement la chasse à la chèvre, la grosse chèvre.

- « Vous savez, je ne doute pas une seule seconde de votre capacité à vous battre. Il y a une différence entre affronter un homme et affronter une bête. Il y a toujours notre volonté de vivre qui finit par prendre le contrôle de notre être. Vous serez certainement surpris de voir ce que vous êtes en mesure de faire, juste pour continuer à remplir vos poumons de l’air environnant. »

Se hissant sur sa monture, Aurore fit quelques petits appels de langue afin de se mettre en route. Le trajet s’annonçait plus long. Il ne restait qu’à trouver un sujet de conversation et la réalisation d’une stratégie. Le premier jour allait certainement être plutôt calme, bien trop, la fin de soirée serait l’installation du campement ou la location d’une chambre ou deux pour la nuit, en fonction de la progression des deux jeunes gens :

- « En maintenant une allure convenable, nous devrions atteindre Variel juste avant la nuit. Cela nous permettrait de louer une chambre pour conserver un certain confort, de manger un repas bien chaud et de faire quelques achats d’autres alimentaires en plus que ceux que nous avons déjà. » Elle avisa le barde un instant « Est-ce que cela vous convient ? Sinon, nous pouvons couper ce trajet en deux en faisant une pause et dormir en extérieur. »

L’aventure ne faisait que commencer après tout.

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Jusqu'aux sommets des montagnes - Page 2 EmptyLun 6 Nov - 22:37
    Échec et mat! Le vil courtisan s’était incliné face à un verbe plus acéré que le sien, une répartie plus fine et un talent naturellement plus brillant. Était-il vexé? Humilié? Le barde jubilait intérieurement et se contenta de laisser ses yeux scintiller en guise de triomphe. Aurore n’avait rien dit mais la même brillance dans son regard témoignait de l’amusement qu’elle en avait tiré, ce n’est pas tous les jours qu’un coq se fait remettre à sa place et c’est chose encore plus rare qu’il accuse le coup sans mot dire. Une victoire? Certes, mais la bataille ne faisait que commencer.

    Un travailleur sérieux et hors pair oui, un gaffeur maladroit et malchanceux aussi. Une vraie épée en acier coupant est un bel outil quand on se fiche éperdument de ce que l’on peut trancher, et dans le cas d’Aure il n’avait aucune envie de répandre ses entrailles. Celles de Lucas peut-être, et encore. Il n’avait pas été capable de châtier le meurtrier de sa douce lui-même, la justice locale c’en était chargée de manière plutôt expéditive mais le résultat était là et le sang qu’il n’avait pas sur les mains n’en appelait pas d’autre. Odard restait pur à sa manière, incapable de faire autre chose que souhaiter du mal et si d’aventure son souhait se voyait exaucé il en serait le premier attristé. Il passa son pouce sur le fil de l’épée, assez doucement pour ne laisser qu’une fine entaille dans l’épaisse corne qui recouvrait ses doigts rongés par les cordes. Cette arme était bien trop dangereuse pour lui, mais il l’accepta néanmoins, bien conscient que leur vie pouvait se jouer à ce genre de détails.

    Il avait écouté la jeune femme allonger leur commande et le marchand tenter d’en rajouter une couche. Vieux saligaud se dit-il, attends voir… Mais il n’était pas encore temps de frapper, les deux acolytes avaient encore à faire dans cette boutique avant de déclencher les hostilités.

    Messire?” Il n’en fallait pas moins pour détourner l’attention du marchand des prunelles d’Aurore. “Ah messire! Ajoutez-donc à tout cela deux épées d’entraînement en bois. Voyez il serait de très mauvais ton d'abîmer le visage d’une si jolie jeune fille, et nous avons tous vu ce que mes talents de bretteur valent. Je préfère jouer la sécurité messire et investir dans du matériel apte à prodiguer de sains enseignements de manière tout à fait sûre.”

    Un coup porté saurait être un hasard, ou un simple coup de sang. Un deuxième signifiait la guerre, et en la matière on pouvait difficilement trouver plus fourbe et vicieux qu’un barde agacé.

    J’aimerais aussi messire acheter une fiole de poudre de silence, celle qui se trouve juste derrière vous mon bon seigneur.” Devant l’air ahuri du Lucas et le bruit d’étonnement qu’il produisit le barde laissa jaillir son doigt en direction de la bouche du jeune homme, barrant celle-ci d’une manière bien nette. “Pssst. Aah voilà qui est parfait messire! Ne changez rien!”

    Le barde qui culpabilisait toujours de la pièce qu’il avait dissimulé chez Aurore ouvrit de grands yeux à la vue de la bourse qu’elle déposa naturellement sur le comptoir, voilà que la générosité de la jeune femme était à la hauteur de la personne qu’elle était. Non pas qu’il ne s’y soit pas attendu, mais le geste était cavalier, restait à trouver une manière de contribuer à cette aventure sans vexer cette dernière. Nul doute qu’il y parviendrait, bien que pour le moment le barde était, pour une fois, muet d’admiration. Oh il aurait pu insister, argumenter ou bien même déposer son propre or sur le comptoir et voir qui des deux Lucas offenserait. Quelques petits détails lui suggéraient que le marchand serait ravi de lui retourner l’insulte, aussi s’abstint il pour le moment.

    Eh bien je ne sais quoi dire Aumie, voilà qui est fort généreux de votre part, sachez que si je ne peux argumenter au risque de provoquer votre ire je saurais contribuer à ma manière à notre aventure! Et pas seulement par mes frasques et mes pitreries, même si en la matière vous pouvez vous attendre à être servie! Je vous remercie très chère, sincèrement!”

    Aussitôt Aurore était sortie tandis qu’Odard se battait encore avec la veste qui s’était échouée sur sa tête. Une fois le vêtement proprement enfilé il se tourna vers le marchand et lui jeta un regard mi-sournois mi-amusé avant de lui jeter une pièce qu’il avait placée sur son pouce. Celle-ci tournoya lentement en tintant dans les airs en direction du jeune homme. L’illusion qu’avait jeté le barde sur la pièce était telle qu’une fois tombée dans la main de son destinataire le visage frappé dans l’or se leva pour se tourner et se défaire de ses chausses, exposant ainsi son postérieur gigotant.

    Tenez mon brave, mettez ça sur ma note.”

    Et il sortit pendant que la pièce continuait d’insulter son porteur, se régalant intérieurement de l’effet produit mais avec une certaine appréhension pour ce qu’Aurore pourrait en penser. Lucas n’avait rien fait d’autre qu’être un peu lourd, et il en pinçait clairement pour elle, mais pour un barde habitué à la finesse et aux cours subtiles ses méthodes étaient trop à supporter. Alors il se permettait parfois un brin de méchanceté, d’acidité gratuite qui n’étaient finalement pas si étranges au vu de son caractère.

    Mais ils avaient une chèvre à chasser, une grosse, moche, méchante et cornue avec laquelle il faudrait batailler. La foi d’Aurore était touchante, et elle avait certainement raison quant à l’instinct de survie des uns et des autres, mais en serait il vraiment capable? C’était une chose de convoiter la corne d’un animal dans un but aussi égoïste qu’y percer des trous pour souffler dedans, c’en était une autre de lui enfoncer une épée dans le coeur et de ripailler de sa chair le soir venu. Il se savait plein de ressources et avait déjà dégainé sa dague à quelques reprises, mais sans d’autre but que celui d’effrayer la chalanderie. Ça n’avait pas toujours été efficace et il avait pris sa part de coups, mais il n’avait jamais tué et craignait de découvrir l’effet que ça faisait.

    Vous avez probablement raison Aumie, ce qui m’inquiète néanmoins c’est ce que la bête elle-même aura en réserve. Nul doute que la vie sauvage et l’intellect aliéné de ces animaux leur prodiguent une grande force. Mais nous avons de quoi nous entraîner désormais très chère! Et il me tarde de découvrir quelles passes d’armes magistrales vous dissimulez!”

    Le chemin se dessinait à l’horizon des deux montures qui broutaient encore paisiblement, quand un dernier détail vint frapper l’esprit du barde passablement affamé par ce début de journée.

    Mais j’y pense! Que mangerons-nous très chère? Souhaitez-vous chasser pour nous ou bien me permettrez vous d’honorer ma part du marché en nous achetant des victuailles goûtues? De sublimes gâteaux secs et des saucisses fumées bien grasses? À votre guise Aumie! Mais s’il vous tente de faire de cette expédition une aventure gustative eh bien il ne vous reste plus qu’à nous mettre sur le chemin du fameux épicier qui à n’en pas douter tient boutique ici!”

    Qui irait chasser le ventre vide après tout? Personne! Et surtout pas Odard!

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Jusqu'aux sommets des montagnes - Page 2 EmptyMer 8 Nov - 10:02
Aurore avait légèrement pivoté vers Odard, surprise de le voir demander des épées en bois. Aurore n’était pas une femme de combat purement physique, du moins, au corps à corps. La distance était quelque chose de plus simple à son sens, de moins complexe, de plus évident. Sa musculature n’était pas faite pour supporter des assauts de force pure. Quoi qu’il en soit la rousse ne s’attarda pas à l’expliquer, encore moins devant le vendeur qui se serait fait un malin plaisir de souligner à quel point il était en mesure de la protéger, lui. La jeune femme s’était contentée d’opiner lentement de la tête, se promettant d’avouer cette faiblesse à son client plus tard, satisfaite de ne plus avoir l’attention de Lucas portée sur sa petite personne. Laissant le barde s’amuser, comme il aimait si bien le faire, Aure s’était contentée de commencer son rangement, afin de ne pas perdre de temps. Le marchand avait récupéré deux épées en bois, celles qu’on donne généralement aux enfants, un sourire un peu moqueur sur les lèvres. La suite des événements était légèrement plus incompréhensible, autant pour la rousse que pour le jeune homme apportant le matériel. De la poudre de silence ? Les sourcils de la rouquine s’étaient légèrement froncés, alors que son regard se portait à présent de nouveau sur le duo d’homme. Un combat de coqs, c’était ça qu’elle entrevoyait entre les joutes verbales de l’un et les sourires et regards moqueurs de l’autre. Un bref soupir avait fini par fuir ses lèvres, visiblement dépitée et gêné  par la situation.

Amusée, Aure s’était contentée de secouer doucement la tête, son client était finalement un grand enfant, un très grand enfant. Plutôt rassurée, la jeune femme avait terminé son rangement, tendant chaque objet à chacun. La suite des événements allait enfin pouvoir se mettre en place, enfin, fallait-il encore que le barde réussisse à enfiler sa veste. La mage avait fini par sortir, abandonnant Lucas et Odard à l’intérieur du bâtiment, prenant une grande bouffée d’air frai, elle semblait soulagée de ne plus avoir à tempérer le comportement des deux jeunes hommes. Difficile pour elle de percevoir ce qui pouvait se jouer dedans, en revanche au regard de son client, elle comprit presque immédiatement que le jeune homme avait dû encore s’amuser d’un quelconque tour de passe-passe.


- «  Qu’est-ce que vous avez fait, monsieur Odard ? »

À l’intérieur, Lucas semblait s’enrager tout seul, visiblement vexé voir peut-être un peu humilié du petit jeu du barde. Aure ne sembla guère s’en attrister ou même s’offusquer, loin de là. Une nouvelle fois, la rousse se contenta de secouer doucement la tête avant de prendre la direction des deux montures, imaginant déjà le petit jeu de chasse à laquelle elle allait pouvoir s’abandonner pour se détendre et manger. Ses pas s’étaient néanmoins stoppés quand l’homme évoqua ses capacités magiques ou physiques, la jeune femme s’arrêta définitivement en pivotant légèrement vers son client.

- «  Je ne suis pas bonne au corps à corps, je suis plutôt sur la distance. De toute façon, il est inutile d’attaquer un animal comme celle que vous souhaitez chasser de front. » Elle afficha un sourire «  Quand à mes capacités magiques, mon cœur balançant entre Amisgal et Khugastaa, je ne peux pas dire que je suis capable de réaliser des choses extraordinaires… Mais je suis contente d’avoir accepté mes deux aspirations. » Elle souffla doucement «  Quand à la bête, ne vous inquiétez pas, tout ne va pas s’appuyer sur sa capacité de survivre, mais bien sur notre capacité à le surprendre et à ne pas manquer d’imagination pour notre chasse. »

Elle avait fini par se remettre en route, lentement, tout en écoutant attentivement les paroles de son partenaire. Il avait visiblement envie de faire encore quelques achats avant de partir définitivement sur le chemin menant à sa chèvre, enfin surtout les cornes de la chèvre. La jeune femme avait encore avancé en direction des montures, avant de se stopper. Si il souhaitait acheter de l’alimentaire, la direction n’était pas du tout la même. Aure se pinça les lèvres, hésitante entre l’envie de réaliser une chasse ou celle de se contenter des achats de son client. Peut-être était-il en mesure de la surprendre vis-à-vis de ses choix culinaires :

- «  C’est d’accord, vous n’aurez cas choisir ce qui vous faits envie, pour deux. Mais il ne faut vraiment plus traîner, sans quoi, ce sera un campement obligatoirement qui nous attendra pour passer la nuit et le non le confort d’une chambre d’auberge. »

La rousse avait pivoté vers la droite, laissant derrière elle les deux montures pour reprendre la direction de la petite ville. Il fallait de nouveau passer devant la boutique de Lucas, boutique qui semblait toujours sujette à la colère du fils du gérant. Celui-ci ne devait nullement avoir l’habitude de se faire malmener ainsi, allait-il avoir quelque difficulté à digérer la chose. Longeant quelques habitations, la jeune femme se contentait d’observer devant elle, ne s’attardant aucunement sur les maisons, les décors ou l’ambiance que ceux-ci pouvaient dégager. Un peu plus loin, une boutique colorée se laissait entrevoir, à l’extérieur de multiples fruits et légumes, ainsi que divers morceau de viande et aliments, tous plus appétissants les uns que les autres. Aurore fut surprise d’entendre son ventre gargouiller bruyamment, signe que la vision de denrée avait toujours ce même effet sur la gourmande qu’elle était. La mage avait coulé un regard vers le barde, lui offrant un nouveau sourire avant de le laisser choisir ce qu’il fallait emporter. Se stoppant juste devant l’entrée :

- «  J’ai choisi l’équipement, je vous laisse choisir l’alimentation. » Son sourire ce fit légèrement plus large «  Je vous fais confiance, je suis certaine qu’un homme qui voyage autant que vous doit savoir trouver la nourriture la plus adaptée pour notre expédition. » Elle lui lança un petit regard taquin «  Je vous suis. Et pas de petit tour désagréable pour les commerçants cette fois, ce sont des gens bien ici. »

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Jusqu'aux sommets des montagnes - Page 2 EmptyMar 14 Nov - 22:07
    Dire qu’il se sentait coupable aurait été trop exagéré, mais très peu. Odard ressentait une pointe de malaise mêlée d’une jubilation presque totale, le regard désabusé de Lucas valait à cet instant précis tout l’or du monde mais il ne pouvait s'empêcher de se demander si ses frasques ne finiraient pas par coûter aux Seraphon. Il ne l’aurait pas souhaité, pas plus qu’il n’aurait souhaité voir le marchand se donner sauvagement la mort après cette humiliation. Et si ça devait arriver eh bien sa culpabilité ne serait, heureusement, que de courte durée.

    C’était une notion qui perdait souvent le barde, si des souvenirs étaient voués à être perdus comment pouvait-on en avoir conscience à cet instant? Un fil qui se délite sera toujours plus insaisissable qu’une corde robuste, donc ce souvenir serait dores et déjà perdu et la notion même du marchand n’aurait pas lieu d’être. Alors aussi alambiqué que soit son raisonnement, le barde en conclut que Lucas vivrait et il quitta l’établissement un sourire en coin vissé sur le visage et le début d’une migraine qui pointait le bout de son nez.

    Et comme il ne s’était caché en rien de l’hostilité qu’il éprouvait envers Lucas son manège n’était pas passé inaperçu. Oh la jeune femme ne semblait pas en colère, simplement curieuse de savoir ce qui s’était tramé en son absence. Alors bien sur les détails de cette farce pouvant être drôle ou non suivant la personne le barde se garda bien de les dévoiler totalement, et puis un tour perd tout son charme lorsque l’on en révèle le truc. Il eut un petit mouvement d’épaules nonchalant, comme si tout ça finalement était terriblement banal, anodin et peu digne d’intérêt.

    Eh bien voyez-vous très chère, l’ami Lucas s’est montré particulièrement curieux au sujet de l’école de l’illusion et du Grand Khugatsaa! Alors rassurez vous Aumie je n’ai rien dévoilé de vos aspirations, n’ayez aucune crainte à ce sujet! Mais j’ai senti qu’il était de mon devoir de lui faire une démonstration de toute la magnificence de cet art, du splendide, du panache d’une illusion réussie! Et sa mine déconfite ne peut être due à autre chose qu’une jalousie féroce et une soudaine mise en lumière des talents médiocres qu’il possède dans son propre domaine n’est-ce pas?”

    Tout bien réfléchi il ne se voyait pas foncer tête-bêche dans un troupeau de Yamaanys, ni même dans un Yamaany isolé, fut-il blessé ou malade. Aurore avait raison, il faudrait surprendre la bête, l’amener à prendre des décisions stupides, rire de sa démise et enfin l’achever au besoin d’une flèche salvatrice. Les épées qu’ils avaient achetées ne serviraient probablement à rien mais si le besoin de se défendre survenait ils ne seraient jamais trop préparés. Leurs sabres en bois serviraient à la fois d'entraînement et de divertissement, de quoi occuper les quelques longues nuits qu’ils devraient certainement passer à la belle étoile. Le barde n’imaginait pas les montagnes peuplées d’auberges à chaque col, et le matériel qu’avait acheté Aurore en attestait. Pour une fois il ferait face à la vraie nature, sauvage et sans pitié et pas une caravane bien gardée à la belle saison. Sa faim le tenaillait toujours et si la jeune femme était tout à fait capable de chasser il pouvait quand même contribuer à sa manière à cette expédition.

    Ils avaient presque retrouvés leurs montures, trop occupées à désherber le pied d’un arbre pour se rendre compte de quoi que ce soit, quand Aurore avait pivoté, lui indiquant le chemin d’un marchand de mets fins et non sans lui rappeler que le temps passait. Mais un barde ne serait pas vraiment lui-même s’il n’avait pas la tête dans les nuages, autant dire que leurs emplettes risquaient de prendre un certain temps et si jamais la nuit tombait avant qu’ils n’aient atteint une auberge et bien ils avaient suffisamment de matériel pour passer une nuit confortable. Au moins les basses terres étaient-elles exemptes de neige.

    N’ayez crainte Aumie, tout cela ne devrait prendre qu’une minute ou deux, tout au plus quelques instants très chère! À vrai dire je m’étonne que ne nous soyions pas déjà revenus, c’est dire!”

    Leurs pas les avaient reconduits devant la boutique de Lucas qui semblait toujours aussi furieux, sans savoir vraiment quoi dire, visiblement peu habitué à être insulté de la sorte. Odard avait envie de se jouer encore un peu de lui, une petite illusion qui innonderait sa boutique d’une fumée noire serait du plus bel effet s’il ne risquait pas de se faire embrocher au passage, l’homme était à bout mais il pouvait toujours se permettre un petit quelque chose sans prendre trop de risques. Il décida d’ignorer totalement le marchand qui fulminait dans sa boutique et regarda droit devant lui, pour dandiner son arrière train au moment où il disparaissait de son champ de vision. Juste un petit rappel du statu quo en place.

    La caverne aux merveilles. Le nom à lui seul résumait l’idée qu’Odard s’en fit alors qu’ils s’approchaient. Une odeur d’épices et de viande fumée les cueillit à quelques pas du seuil où trônaient fruits et légumes, la porte ouverte laissait apercevoir des bacs à saumure où flottaient des olives et leurs épices tandis que de l’autre côté pendaient saucisses fumées et saucissons, accompagnés de viandes séchées et d’un étal de fromages. Le barde sourit jusqu’aux dents, d’autant qu’il avait carte blanche et comptait bien démontrer que s’il ne connaissait rien à l’aventure il avait en revanche le palais fin. Il jeta un oeil au sac qu’il portait désormais et évalua la place qu’il lui restait pour stocker ces victuailles.

    Votre confiance me ravit Aumie! N’ayez crainte, je suis bien meilleure fourchette qu’aventurier! Nous mangerons à notre faim très chère ça je peux vous l’assurer! Et dussiez vous tirer quelque gibier que nous aurons de quoi l’accomoder, et plutôt deux fois qu’une! Voyons voir ça!”

    Il pénétra dans la boutique des étoiles pleins les yeux et le nez à jamais marqué par les parfums exquis qui y flottaient, il en avait presque le goût dans la bouche et salivait d’avance à l’idée des festins de Rois qu’ils pourraient se faire. Et si tout allait mal, et bien la nourriture n’était-elle pas d’un grand réconfort? Ses bras tombèrent le long de son corps comme si ce qu’il voyait était à peine réel, ça l’était, mais pour s’en assurer il allait falloir goûter!

    Par les Saints Rognons…”

    Le marchand qui attendait derrière son comptoir semblait plus poli et avenant que Lucas, et il s’était engagé à se montrer exemplaire cette fois-ci. Il s’avança, le regard perdu dans cette immensité culinaire et cette démangeaison dans la mauvaise main qui lui indiquait qu’il allait dépenser beaucoup, beaucoup d’argent.

    Bien le bonjour messire! Cette caverne est vraiment merveilleuse, chapeau bas pour ce nom qui ne manque pas de mordant!” Il s’inclina et fit semblant de tirer un chapeau imaginaire, après tout le symbole ne réside-t-il pas dans le geste plus que dans l’objet? “Je suis Odard Coursang messire, et voici mon amie Aurore Seraphon! Je vais pour une fois être bref monseigneur, clair et limpide afin qu’aucune méprise ne soit possible!”

    Il jeta un nouveau coup d’oeil à leurs sacs et hocha la tête, visiblement satisfait.

    Je voudrais tout, deux fois, avec beaucoup de sauce!”

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Jusqu'aux sommets des montagnes - Page 2 EmptyMer 15 Nov - 16:18
Les pas de la rouquine avaient quelque peu ralenti, son grand regard d’un vert pâle détaillant le barde, un sourire figé sur le coin des lèvres. Aurore n’était pas naît de la dernière pluie, elle avait parfaitement conscience qu’il ne lui disait pas tout, qu’il embellissait les choses de façon à mieux faire passer sa petite taquinerie. Odard n’était pas barde pour rien, tout chez lui respirait cette notion de liberté frappée par un soupçon d’inconscience. Pas de responsabilité, pas d’obligation, pas d’apparence soignée et chaleureuse à conserver, non, il ne se souciait de rien, hormis le fait d’être en adéquation avec lui-même, ses pensées propres. Aurore s’était contenté d’afficher un sourire en coin, elle aurait apprécier un jour, effleurer du bout de doigt cette confiance en soi qu’il dégageait, cette manière de s’exprimer, de paraître aussi fort et puissant à la fois juste en usant des bons mots. Haussant doucement les épaules, la jeune femme sembla balayer cette idée utopique d’un mouvement d’épaule et de tête, alors que sa marche avait simplement repris. Prenant la direction des deux montures. Aure ne semblait pas remettre en doute les propos d’Odard, même si intérieurement, elle avait parfaitement conscience de la réalité de la chose. A quoi bon débattre, la vie n’était-elle pas un large et vaste terrain de jeu après tout ?

- «  N’exagérons rien Odard, chaque architecte à sa forme de puissance. Je ne doute pas une seconde des capacités que celui choisi par Lucas lui permettent de faire de grande chose. Cependant, comme vous l’avez si justement souligné, c’est un homme… lourd et pas forcément très… aguerri intellectuellement. » Elle soupira doucement «  Cela n’en reste pas moins quelqu’un de bien, disons qu’il n’a pas suffisamment de recul pour comprendre qu’un non, ne peut pas évoluer en oui. »

Secouant doucement la tête, la rouquine n’avait visiblement pas dans l’idée dans dire davantage. Elle ne jetait pas la pierre à Odard pour son comportement, tout comme elle n’était pas en mesure d’accepter qu’on puisse réduire un architecte à une puissance moindre d’un autre, que ce soit via le pouvoir qu’il octroie à ses fidèles ou simplement à sa manière d’intervenir dans l’environnement ou encore à la médiocrité d’un de ses croyants. La conversation avait naturellement fini par dévier sur l’alimentation. Le barde semblant être un véritable ventre sur patte. Amusée, la rouquine avait accepté l’idée de faire un détour pour acheter le nécessaire en denrées pour l’expédition, du moins le début, il était improbable de prendre suffisamment pour une aventure dont la durée n’était pas réellement délimitée. Quoi qu’il en soit, l’homme semblait satisfait de la réaction de la rouquine, qui avait donc changé de direction afin de se rendre à la caverne aux mille merveilles. Un établissement simple, sans chichi, qui regroupait énormément de fruits, de légumes, d’épices, de fromages, même si les prix n’étaient pas toujours abordables, cela restait un établissement de qualité qui formait un véritable régal tant pour les yeux, que pour les papilles.

- «  Une minute ou deux, vraiment ? » dit-elle d’une voix taquine

La jeune femme n’était pas dupe, commençant à connaître le barde, il n’y avait que très peu de chance que l’achat dur en effet aussi peu de temps. Si Aurore ne s’en offusqua pas et sembla même amuser par cette situation, elle ne put néanmoins s’empêcher de se demander comment un homme à l’histoire si sombre pouvait rester aussi joyeux, aussi léger, aussi agréable avec les autres. Légèrement perdue dans ses pensées, elle ne remarqua qu’après coup l’émerveillement dans les yeux de son binôme, il semblait avoir déjà l’eau à la bouche rien qu’en découvrant la multitude de choix. Cette fois-ci, plus aucun doute n’était permis, ils allaient passer un temps fou et non négligeable dans cette boutique. Lâchant un léger soupir, elle se contenta d’un petit signe de main en guise de salutation vers le marchand qui se voyait devenir riche grâce  à ce cher barde et ses lumières dans les yeux. S’appuyant contre un poteau, Aurore ne sembla pas s’impatienter autre mesure, elle laissait ses deux prunelles savourer le mélange de couleur, la beauté des fruits, des légumes, des épices et de la viande.

- « Je ne sais pas pourquoi, mais je n’ai aucun doute vis-à-vis de votre talent pour déguster les plats… » dit-elle de nouveau particulièrement taquine, les yeux un peu plus brillants de malice.

Elle le laissa vagabonder comme bon lui semblait, toujours suivi de près par le gérant, qui voyait en Odard le lingot d’or d’une mine, peut-être même le diamant. Soucieuse de ne pas le voir embarquer toutes les denrées présentes, la rouquine avait fini par entrer afin de vérifier les achats de son client, ses yeux n’eurent qu’à peine le temps de s’écarquiller en entendant les paroles de celui-ci. Tout, deux fois ?! Elle eut un petit éclat de rire, nerveux, amusé, peut-être même un peu dépassé par la situation, alors que le marchand la regardait à présent avec une pointe d’interrogation dans les yeux.

- «  Deux fois, c’est peut-être un peu… » ses émeraudes détaillaient la silhouette du barde, comprenant au même instant qu’avec lui certaines choses ne seraient pas négociables « parfait… » dit-elle « Mais il nous faudra des sacs pour faciliter le transport de tout ça sur nos montures… D’ailleurs… Hm… Je suis certain que monsieur est mort de faim. » Dans un sourire plus que taquin elle poursuivit «  Vous devriez faire goûter notre baie du coin, n’est-ce pas ?! » insista-t-elle devant la surprise du marchand. « Allez, je suis certaine que monsieur Odard va adorer. »

L’homme écarquilla davantage les yeux, préparant un petit mélange de baies dans une assiette en terre cuite, avant de s’approcher du barde, tendant le tout. Durant le temps de la dégustation, il s’éloigna pour préparer la commande, tachant quand même d’appuyer plusieurs fois le regard vers Aurore, afin d’obtenir confirmation. La rouquine se contenta de sourire, confirmant ainsi l’étendue de la demande, si c’était la volonté du barde, qu’il en soit ainsi. Il devrait manger la totalité des choses pour éviter la perte, le gâchis n’était vraiment pas une notion acceptable pour la jeune femme. La baie qui semblait tant préoccuper le marchand était une baie du coin à utiliser en très petite quantité pour épicer les plats. L’avaler entièrement était un peu dans la même idée que boire quelque chose de très très très épicé sans avoir aucune possibilité de soulager la sensation de brûlure qui prenait possession de sa bouche. Une petite taquinerie, dont elle était certaine que le barde lui pardonnerait la maladresse, c’était une façon de l’embêter quelque peu, mais aussi de le faire réfléchir sur la quantité qu’il venait de commander, sans réellement avoir pris la peine d’analyser les besoins et le moyen de transport.

- « Alors Odard ? » demanda-t-elle plus amusée que jamais en direction de l’adepte de Khugatsaa qui devait certainement avoir goûté à présent à la fameuse baie.

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Jusqu'aux sommets des montagnes - Page 2 EmptyVen 17 Nov - 21:47
    “Peut-être trois très chère, mais guère plus! Dans les pire des cas nous permettrons-nous une petite dégustation, mais il s’agirait plus d’expérimentations que d’une réelle perte de temps! Qui oserait mourir sans avoir essayé tout cela? Certainement pas moi Aumie! Ça non!”

    C’était le genre d'échoppes où tout semblait sublime, le barde passait d’un étal à un autre sans cesser de jeter des regards émerveillés à tout ce qu’il voyait, notant ça et là ce qu’il désirait le plus. Sa remarque avait fait rire la jeune femme qui se demandait s’il était vraiment sérieux, et il aurait pu l’être en d’autres circonstances, mais l’occasion était trop belle. Le marchand lui ne savait que penser, et c’était pour le mieux.

    Mais vous avez absolument raison Aumie! Deux fois, mais c’est bien trop peu! Messire nous prendrons tout trois fois, avec naturellement toujours autant de sauce et un soupçon de merveilleux! Que dis-je? D’extase, de superbe!"

    Et ce qu’Odard appréciait le plus était que quoi qu’il raconte, peu importe les énormités qu’il pouvait déblatérer, on le prenait toujours au sérieux en mettant cela sur le compte de son âme d’artiste. Très pratique, et très drôle! Alors tant qu’à s’amuser, autant jouer avec le répertoire qu’il connaissait finalement le mieux, celui des mots. Mais comment mieux le distraire qu’en flattant à la fois sa curiosité et son estomac? Une baie locale inconnue, comment aurait-il pu résister? Tant par gloutonnerie que pour l’attrait de la nouveauté il se jeta sur l’occasion sans réfléchir. La réaction d’effarement du marchand ne pouvait que témoigner de l'extrême rareté du produit, et les choses rares n’étaient elles pas les plus fines, les plus raffinées? Il ouvrit de grands yeux à l’arrivée de la petite assiette, à l’intérieur plusieurs baies de la taille de noisettes, plus allongées et plus claires avec des reflets cuivrés. Elles ne dégageaient pas d’odeur et sous leurs atours d’une affligeante banalité le barde savait qu’il se cachait un met de choix, de luxe, qu’il ne pouvait se permettre de laisser filer.

    Des baies dites-vous Aumie? Voilà ma curiosité piquée au vif! Comment se nomment ces merveilles messire? Je suis certain qu’elles coûtent la rançon d’un Roi mais sachez monseigneur que je vous paierai rubis sur l’ongle jusqu’à la dernière miette de ces joyaux!”

    Il tenait toujours la baie du bout de ses doigts devant son visage, la soulevant comme un trophée et l’observant sous tous les angles quand le marchand s’en alla préparer ce qui devait être pour lui la commande la plus énorme et la plus improbable qu’on lui ait jamais passée. Le barde le rappela avant de goûter à la baie, conscient que les meilleures plaisanteries ont une fin.

    Messire? Ah ne partez pas si vite messire! Je crains d’avoir quelque peu forcé le trait et laissé mes ardeurs prendre le pas sur ma raison, veuillez m’en excuser noble marchand! Mais quand bien même aurais-je souhaité toute votre boutique, trois fois avec beaucoup de sauce. Comment aurait il été possible que vous me prépariez trois fois ce que vous possédez? Vous n’avez cette échoppe qu’en un seul exemplaire n’est-ce pas messire? Alors quoi qu’il en soit cela aurait été impossible, à moins que vous ne soyiez un maître des arcanes culinaires et que vous puissiez conjurer des monceaux de merveilles à loisir? C’est tout le mal que je vous souhaite messire, mais que je sache cela est impossible. Mais je m’égare messire, je crains que la vue de cette splendide petite baie ait totalement chamboulé mon esprit.”

    Odard leva sa baie comme on lève son verre pour porter un toast et hocha la tête avec respect et gratitude envers ses compagnons.

    Nous discuterons des détails de notre commande après ce petit encas on ne peut plus appétissant, et à n’en pas douter des plus savoureux. Mes bons seigneurs, soyez bénis!”

    Et jugeant qu’il n’avait que trop tergiversé, il croqua la baie d’un seul coup franc et net. Celle-ci était plutôt salée avec un goût qui tirait sur la canelle avec un petit quelque chose de piquant, puis à mesure que ses dents broyaient la chair tendre et que celle-ci se répandait dans sa bouche la petite chose révéla sa vraie nature. Un feu semblable à celui des armes Daënars fusa dans sa bouche, pour se diffuser dans sa gorge et ramper centimètre par centimètre jusqu’à son estomac. De surprise il en avala le tout et toussa sans autre résultat que celui de refaire voyager la baie dans son oesophage, le brûlant encore un peu plus.

    P… Par les Saints Rognons… De… De l’eau…”

    Malgré la panique qui le gagnait il reconnut enfin ce fameux arrière goût piquant, c’était celui d’un petit poivron du sud de Zolios que les nomades utilisaient pour parfumer leurs plats, et qui aidait à les conserver. Ils appelaient ça du Khorkhoi, en rapport avec la forme d’aiguillon de scorpion du poivron. Et tout compte fait Odard trouvait que le nom était parfaitement trouvé, un peu trop d’ailleurs. Nul doute qu’avec une telle arme la nourriture se conservait mieux, aucun germe ou aucune mouche n’aurait pu survivre à un tel raz de marée, alors un barde…

    Il commença à courir en tous sens, rouge vif et ruisselant de sueur et entendit à peine le marchand lui conseiller de ne pas se toucher les yeux, pour l’instant il était trop occupé à se frotter la langue pour penser à ses yeux mais le conseil valait la peine d’être écouté. Il aurait du mal à chasser la chèvre à moitié aveugle, déjà que la nuit risquait d’être longue.

    Une petite jarre trônait sur une étagère, bien trop en évidence pour que le hasard ait quoi que ce soit à voir avec, c’était de toute évidence un don des Architectes, une bénédiction qui lui permettrait d’en finir avec le feu démoniaque qui lui ravageait la bouche. Il arracha le large bouchon de liège d’un coup de dents impatient et en engloutit le contenu sans se poser plus de questions. Ce que c’était? Aucune idée, pour l’instant le breuvage n’avait aucun effet sur le feu et il était absolument incapable d’en sentir le goût. Alors il pria que ça ne soit pas un nouveau coup du destin et ferma les yeux quelques instants, tâchant de se persuader qu’il avait encore une langue et qu’elle n’avait pas fondu.

    Impossible cependant d’en vouloir à Aurore, pas après le cirque qu’il avait fait chez Lucas, et surtout pas au beau milieu de leur amitié naissante. Et puis comment aurait-elle pu savoir qu’il était sensible aux épices? C’était une bonne plaisanterie, du genre de celles qu’il aimait bien faire. Il aurait ri s’il n’avait pas eu autant envie de pleurer mais le coeur y était. Il tâcha de rassurer la jeune femme d’un regard qui malgré lui était rouge vif et brillant mais se voulait confiant. Il vivrait, les heures à venir s’annoncaient difficiles mais il survivrait. Ne dit-on pas “qui aime bien châtie bien” ? Et comme il avait beaucoup d’affection pour elle, il s’imagina une petite revanche bonne enfant qui les ferait sans doute beaucoup rire. Mais après coup seulement.

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Jusqu'aux sommets des montagnes - Page 2 EmptyDim 19 Nov - 11:14
Trois fois. Trois fois, se répéta mentalement la rouquine à plusieurs reprises, sans réellement saisir la chose. Ses deux prunelles détaillaient maladroitement l’étalage de fruits, de légumes, d’épices et charcuterie, sans parvenir à imaginer ce que trois fois pouvaient bien signifier en quantité, à quel point cela devait être imposant. Les yeux du marchand manquaient de sortir de leur orbite sous la surprise et le poids d’une telle commande. Impossible de déterminer avec certitude que l’homme faisait preuve d’un humour dérangeant, ou qu’il était entièrement sérieux et s’attendait à voir son vœu se réaliser dans la minute. Une légère goutte de sueur avait dévalé du haut du front du gérant, qu’il avait essuyé d’un revers de main, alors qu’il avisait désespérément la silhouette féminine à la chevelure flamboyante. Aurore n’avait pu lui offrir comme unique réconfort, qu’un sourire faiblard, incertaine elle aussi de la réalité de la chose. Le barde lui semblait reparti dans son engouement habituel avec cette facilité de langage, de manipulation, d’extrême à tous les niveaux, son exubérance faisant le reste pour lui. L’unique solution que la jeune femme semblait avoir imaginé pour faire redescendre la pression trop importante dans les artères de son binôme était de rentrer dans son jeu, de jouer à son niveau. La taquinerie et la provocation étant maître mot dans son vocabulaire, Aure se lança dans cette catégorie. Trouvant l’idée de la baie, tout à fait excellentes et ceux, malgré les regards inquisiteurs que lui lançait l’homme derrière son comptoir, le visage pâle. Oh, elle savait parfaitement déjà ce qu’il allait lui dire : Aurore, ce n’est pas sérieux ; Aurore enfin, tu sais que c’est très fort, il va en faire un malaise ; Aurore, tu n’es plus une enfant. Quel bonheur cependant de conserver cette pointe d’insouciance enfantine.

- «  Une baie exactement, délicieux fruit de tous les interdits, promesse d’une effusion de saveur inoubliable, un orgasme gustatif, à ne pas en douter une unique petite seconde. » Affichant un sourire en coin sur les lèvres, un regard légèrement plus provocateur « Ici, on se l’arrache à prix d’or, je suis surprise que monsieur ici présent en possède encore à cette heure si avancée de la journée. »

La fréquentation du barde semblait déjà l’avoir influencé dans sa façon de s’exprimer, fut-elle la première surprise de cette facilité à l’embobiner tout en conservant son innocence propre, celle qui incite à lui faire confiance. Qui pourrait se douter que derrière ses deux perles insouciantes se cachaient un esprit tout aussi taquin, qu’un barde en pleine compétition de joute verbale. Elle fut néanmoins gagnée à son tour par la surprise, comprenant en même temps que le marchand que le jeune conteur n’avait jamais eu l’intention d’acheter une si grande quantité de denrées, elle fut animée par un petit vent de culpabilité en le voyant la fameuse baie en main. Son hésitation avait fini par lui couper la possibilité de revenir en arrière, puisqu’au moment où elle avait ouvert les lèvres pour lui notifier sa petite boutade, il avait mis en bouche la précieuse petite boule rouge. Trop tard. C’était trop tard. La réaction mit cependant quelque seconde à se mettre en place, d’abord une mastication intense, puis la prise de conscience de ce qu’était en réalité cette magnifique baie aux saveurs quelque peu piquantes. Le barde eut des sueurs froides, une agitation soudaine alors qu’il courait à la recherche d’un liquide afin de soulager le feu qui s’agitait au niveau de ses papilles. Si la rouquine trouva cela particulièrement drôle dans un premier temps, affichant des yeux brillants d’amusements, ainsi qu’un sourire trahissant sa complicité vis-à-vis de l’acte presque criminel, elle n’avait pas tardé à perdre cet ensemble de réactions pour exprimer rapidement toute autre chose.

L’homme attrapa un finalement un liquide aux saveurs thérapeutique, qu’elle reconnut au premier coup d’œil, a sa couleur vert pâle. C’était utilisé généralement pour soulager les intestins, pour faciliter le transit après un repas un peu plus lourd qu’habituellement. Si par miracle il avait pu offrir un quelconque réconfort au barde, Aurore ne doutait pas une seule seconde qu’il allait très prochainement devoir assumer les autres effets de ce qu’il venait d’avaler de son propre chef. Elle attrapa une cruche en terre cuite, la tendant au pauvre marchand qui regardait la scène d’un regard incrédule, presque gêné. Décidément, le duo avait un don pour mettre un véritable bazar dès qu’il entrait quelque part.

- «  Vous devez bien avoir du lait quelque part, non ? » dit-elle sévèrement à l’intention du gérant «  Remplissez la cruche de lait et rajoutez quelque feuille de camomille, cela devrait soulager son inflammation, voire peut-être l’irritation de ses yeux. » Devant la non-réaction de l’homme, elle haussa quelque peu la voix « Eh bien, allez y quelque vous attendez ?! »

Sursautant, il avait fini par se précipiter en direction de son arrière-boutique afin de réaliser le fameux mélange. La rousse avait fini par lâcher un soupir en le voyant faire avant de s’activer en direction du barde, tirant une chaise, elle l’incita à s’installer, dessus, s’excusant dans une certaine douceur de la maladresse qu’elle avait commise.

- «  Odard, je suis désolée… Je ne savais pas que votre réaction allait être aussi… » extrême ? Étrange ? Drôle ? « Installez-vous là, le lait et la camomille vont vous soulager, c’est promis. Je crains que nous allons devoir prendre une chambre pour la nuit… Nous partirons demain matin, la nuit risque d’être… agitée…. » elle n’osa pas lui faire part de la révélation vis-à-vis du premier mélange ingurgité, se contentant d’avoir cette mine particulièrement confuse.

Le gérant n’avait pas tardé à faire son apparition, servant un verre du mélange lait/camomille qu’il tendit à la jeune femme, qui elle-même le tendit au barde. Heureusement qu’elle avait quelques connaissances dans le domaine des plantes, sans quoi, elle n’aurait même pas été en mesure de réparer partiellement sa bêtise. Ne restait-il plus qu’à savoir, si cela allait suffire ou pas ? La rouquine attendait sagement d’observer une amélioration, préférant se concentrer sur le gérant du lieu avant de ne pas dévoiler le stress qui commençait à la gagner.

- « Vous nous préparerez la commande pour demain matin, à la première heure, rien qui risque de se perdre trop vite, nous avons un long voyage qui nous attend. De quoi boire, mais aussi manger… sans les Khorkhoi évidemment, je pense qu’Odard en a suffisamment mangé pour cette année… Vous n’aurez cas tout déposé à l’auberge de la ville, je vais y prendre deux chambres pour la nuit. »

Parce qu’elle avait bien ciblé que l’homme avait besoin d’un minimum de confort, surtout avec la nuit agitait qui l’attendait. Le gérant avait opiné vivement de la tête, cela restait une commande tout à fait honorable, qui lui rapporterait certainement pas mal d’argent. La famille de la rouquine restait après tout, ses plus fidèles clients, surtout la jeune femme qui partait de plus en plus souvent en expédition. La mage, reporta rapidement son attention vers le barde, s’autorisant enfin la fameuse question, dont elle n’était pas réellement certaine de vouloir connaître la réponse :

- « Est-ce que vous vous sentez mieux Odard ? Vos yeux, ça va aussi ? Ils sont bien rouges tout de même… Non, non, ne touchez surtout pas… »

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Jusqu'aux sommets des montagnes - Page 2 EmptyDim 19 Nov - 21:46
    Inutile de dire que de tels éloges au sujet d’un produit qu’il ne connaissait pas ne pouvait que le pousser à se jeter dessus sans réfléchir. Une saine plaisanterie, qui comme souvent avait échappé aux mains innocentes de sa créatrice, le breuvage miraculeux n’avait eu aucun goût pour lui mais maintenant que le calme lui revenait il ne pouvait que s’interroger sur son aspect médicinal et verdâtre. Un sirop pour la toux? Trop tôt pour ce genre de choses, et ces derniers sentaient généralement aussi fort que l’alcool qu’ils contenaient brûlaient la langue. Non il n’y avait pas la moindre goutte d’alcool dans ce breuvage, l’effet de la baie en aurait été décuplé. Un frisson le traversa à cette simple pensée. Le temps apporterait une réponse à ses questions, peut-être s’agissait il d’un simple jus de navets, mais là encore qui aurait idée d’ingurgiter une telle horreur? Il repensa à ce peuple de nomades qui se régalait de pissenlits et de décoctions d’herbes sauvages quand lui se disait qu’un cuissot de Mogoï devait être un délice à la hauteur de la dangerosité de l’animal. Ça devait être ça, un jus de pissenlits qui dans le meilleur des cas lui retournerait les boyaux, dans le pire lui donnerait envie de manger des fleurs et des algues pendant quelques temps.

    Oui, des pâquerettes, un jus d’algues, ça ne pouvait être… Son estomac fit soudainement le bruit d’une porte qui grince, mais une porte de manoir ou de château, celles qui font plusieurs mètres de haut et pèsent autant que vingts hommes. Le genre de porte dont le grincement peut faire fuir les oiseaux de tout un village et que les chats observent toujours avec prudence et circonspection.

    Une main sur son giron et l’autre sur sa bouche, tout en essayant de ne pas se toucher les yeux, le barde se figea comme un lièvre qui vient de repérer un aigle. Du jus de pâquerette? Quelque chose au fond de son esprit lui disait qu’il allait passer une nuit encore plus longue et difficile que ce qu’il avait imaginé. Il leva une petite main timide avant que le marchand qui ne savait plus où se mettre ne s’éclipse préparer un second et plus approprié breuvage. Et agita légèrement la jarre désormais vide.

    Qu’...est-ce donc…?”

    Sa gorge le brûlait toujours et il aurait aimé dire à son amie, puisque malgré la relative jeunesse de leur relation il en venait à la considérer comme telle, que tout allait bien et qu’il avait vu pire, bien pire. Mais les seuls sons qui sortaient de sa bouche étaient rauques et saccadés, presque indignes d’être prononcés et un peu trop âpres pour l’instant. Nul doute que le verre de lait promis aiderait à adoucir le tout, le sauvant d’une extinction de voix qui aurait représentée pour lui le pire châtiment possible et imaginable. Il lui passa la main sur le bras dans un geste qui se voulait rassurant et tenta quelques mots hésitants et pas très jolis à l’oreille, mais il était absolument incapable de s’empêcher de parler, même si chaque mot lui donnait l’impression de mâcher des cosses de châtaignes.

    N’ayez crainte ma mie, cela aura été une expérience… Enrichissante!”

    Il tenta un petit sourire que ses yeux rougis devaient rendre étrange, avant que le verre de lait tant attendu n’arrive. Oh cela n’avait duré que quelques instants, mais avec une telle quantité d’épices dans la bouche chaque seconde qui passait savait se faire apprécier pleinement et entièrement. C’était bon, doux et légèrement sucré. D’un parfum léger qui allié au lait semblait rincer sa bouche des morceaux de baie qui s’y trouvaient encore, alors ce n’était pas miraculeux et il sentirait sa bouche pendant au moins plusieurs heures, mais c’était déjà nettement mieux. De quoi parler un peu plus et d’une manière plus fluide, ses yeux en revanche restaient irrités et ne demandaient qu’une bonne nuit de repos. S’il parvenait à ne pas se les frotter, ce qui était tout sauf gagné.

    Aurore s’inquiétait sérieusement et les grondements inhumains qui s’échappaient du barde ne faisaient rien pour la rassurer, de son côté lui n’en menait pas large. Une nuit à la belle étoile? Pas de problème! Mais une nuit à gonfler des voiles? Voilà qui était bien moins attrayant. Le problème avec les épices, c’est… les épices! Et tout ce qu’elles impliquent. Soudainement les idées de festins qui l’avaient poussé à entrer dans la Caverne aux Merveilles ne l’attiraient plus du tout, pire il commençait à se sentir fébrile et nauséeux, un contrecoup de la baie certainement. Et dire qu’il avait un instant effleuré l’idée d’en manger plusieurs d’un coup…

    Je… Je pense que ça ira très chère, n’ayez crainte je...” Un nouveau grondement. “Oh par les Saints Rognons!”

    Si ce n’étaient que les prémices de l’orage à venir, ils allaient devoir faire vite. Et à cette pensée le barde s’empourpra, comment conserver un semblant d'aplomb quand l’image que vous renvoyez est celle d’un malade qui gronde aussi fort qu’un Aimshgiin? Certes les gens étaient tous fondamentalement les mêmes et il était certain que son image n’en serait pas entachée, du moins auprès d’Aurore, mais cela restait gênant. Très gênant.

    Auriez vous messire quelque chose que je puisse avaler pour calmer la fureur de mon estomac? Un crouton de pain fera parfaitement l’affaire, juste de quoi… Mes ailleux!”

    Il en était rendu à sursauter à chaque bruit sourd qu’il sentait pourtant venir quelques secondes à l’avance, tant pis pour la grandiloquente commande qu’il avait prévu de passer, le marchand avait très bien vu que ces deux-là partaient en expédition et saurait quoi leur fournir. Il déposa quelques pièces sur le comptoir, de quoi payer le tout et un petit supplément pour le dérangement. Ce n’est pas tous les jours que quelqu’un entend dévaliser votre boutique avant de s’intoxiquer, et ce n’est pas forcément bon pour les affaires. Alors même si la commande était importante et assurerait au marchand un certain pécule, une petite compensation était de mise.

    Odard se leva en s’assurant que le sol ne se dérobait pas sous ses pieds puis une fois sûr de son équilibre il s’élança. Un peu fébrile et gêné par la lumière mais finalement en moins mauvaise posture qu’il ne l’aurait cru. Il asséna une petite tape derrière l’épaule de la jeune femme en souriant au marchand qui semblait finalement vraiment soulagé que ces deux-là s’en aillent.

    Allons-y Aumie! Je vous rejoins sur le fait qu’une nuit à la belle étoile n’est pas forcément la meilleure des idées, néanmoins je me sens déjà bien mieux. Je suis certain que nous finirons par en rire, oui, c’est même certain très chère.” Un nouveau sursaut. “Mais pour l’heure je dois dire que je me sentirais bien mieux dans le confort d’une auberge…”

    Il se tourna vers le marchand avant de quitter l’échoppe.

    Quant à vous messire, je vous remercie pour cette expérience… Innatendue! Mais néanmoins inoubliable je vous l’assure! Sachez que je ne vous en tiens pas rigueur et que je tâcherai de garder un bon souvenir de votre noble commerce et vous souhaite une bonne journée.”

    La question qui le turlupinait maintenant était de savoir s’ils devraient repasser devant chez Lucas pour se rendre à l’auberge, jamais au grand jamais il ne se montrerait dans cet état devant celui qu’il avait si scrupuleusement humilié. Alors dans le doute et sans oser poser la question, il lança un petit sort pour paraître normal, à l’exception de ses yeux qui devaient encore briller un petit peu, mais trois fois rien. Il se sentait un déjà mieux une fois présentable, malgré les bruits atroces qu’il produisait à une fréquence alarmante, pour ces derniers aucune illusion ne pouvait faire quoi que ce soit. Alors il pria Khugatsaa silencieusement pour qu’ils ne rencontrent personne, du moins personne d’important ou susceptible de trouver matière à en rire. Que deviendrait il si l’on disait de lui que le seul instrument qu’il maîtrisait parfaitement était l’estomac? Il serait humilié et devrait probablement quitter My’trä pour Daënastre ou bien Zochlom, et qui là bas l’écouterait chanter à part des lézards et du sable?

    Tout va bien Aumie? J’espère que vous ne vous êtes pas trop inquiétée? Sachez que je ne vous en veux absolument pas, vraiment! Cela aurait pu être innocent si je n’avais pas englouti cette baie comme le Mogoï vorace que je suis! Vraiment très chère ne vous inquiétez pas, je pense que tout ira bien. Je pense que oui... Oh!”

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Jusqu'aux sommets des montagnes - Page 2 EmptyLun 20 Nov - 18:48
Une expérience enrichissante ? La jeune femme n’eut qu’à peine le courage de le regarder. Son cœur manqua un battement, sujet à la culpabilité. Comment avait-elle pu s’abaisser à ce genre de taquinerie ? Cela aurait pu être plus grave, beaucoup plus grave, comment aurait-elle pu savoir qu’il était sensible ? Comment ? Elle fronça doucement les sourcils, alors qu’elle s’appuyait contre le comptoir, ses doigts entrelaçant le rebord en bois de celui-ci. Difficile pour elle de digérer cet état fait, d’imaginer à quel point une simple plaisanterie digne d’un grand enfant aurait pu tourner de la mauvaise manière. Impossible pour elle de regarder son client, impossible de formuler autre chose qu’une possible excuse. Elle aurait voulu rentrer dans un trou de souris, se faire oublier, disparaître, s’enterrer la tête dans le sable avec l’illusion de croire que plus aucune personne ne pourrait la voir. Le ventre du barde commençait à s’agiter avec toujours plus de force, émettant des sons presque inhumains. Le pauvre gérant était venu lentement déposer un morceau de pain pour le barde, essayant tant bien que mal de conserver une belle assurance.

La jeune femme s’était simplement redressée, opinant vers le ménestrel. Le jeune homme n’était pas en forme, les yeux toujours rouges, des bruits étranges provenant de son ventre brisait le silence du lui. L’homme était sujet à des sursauts de crainte, qui s’animait à chaque fois que le grognement retentissait. La rouquine prenait doucement conscience qu’il allait falloir s’installer dans une auberge et surtout obtenir un surplus de pot de chambre. Une fois le barde debout, dans un équilibre précaire, mais tout de même présent, la rousse lui indiqua d’un signe de tête la porte menant vers la sortie. Espérant certainement que l’air extérieur allait lui faire du bien, inconsciemment la jeune femme aurait souhaité être témoin d’un véritable miracle, malheureusement pour elle, ce ne serait pas pour aujourd’hui. Möchlog ne semblait pas soulager tous les maux, du moins, pas soudainement et sans présence d’adepte.


- « Allons-y, l’auberge n’est pas très loin, si vous avez besoin…. » elle soupira lentement « de faire des pauses, vous n’aurez cas me faire signe. À demain monsieur Bre’ Tzel. »

Aurore avait fini par pousser délicatement la porte, laissant Odard passer devant et respirer un peu. L’environnement n’avait visiblement aucun impact positif ou négatif sur le jeune homme. Autant avancer en espérant que rien ne s’échappe d’aucun orifice que ce soit. L’attention que le professionnel des mots semblait avoir pour la rouquine la toucha, bien qu’elle semblait toujours autant gênée.

- « Ne vous en faites pas pour moi Odard, nous sommes bientôt arrivés. Je suis certaine que la nuit sera plutôt calme, nous en reparlons demain. Je suis sincèrement désolée pour ma petite…taquinerie. Je ne pouvais pas me douter de votre sensibilité. » Elle grimaça légèrement « Ca va aller ? » elle afficha enfin un léger sourire « Vous êtes quand même un sacré glouton en effet, depuis combien de temps n’aviez vous pas mangé ?! Si vous n’aviez pas dîné en notre compagnie hier soir, je jurerais que cela faisait bien trop longtemps que rien n’était arrivé dans votre estomac. »

En parlant de loup, un grognement atroce venait de nouveau de retenir en provenance du ventre du barde. La jeune femme secoua doucement la tête, roulant un tantinet des yeux en avisant l’illusion mise en place. Ce n’était certainement pas si dramatique si son client avait encore suffisamment d’énergie pour se soucier de son apparence. Aaaaah, les ménestrels. Quoi qu’il en soit, la direction empruntée était différente que celle utilisée pour aller dans la boutique de Lucas, les chevaux ne risquaient pas grand-chose, Aurore en avait parfaitement conscience, aussi prit-elle la décision de laisser les deux canassons s’amuser librement dans le coin. Un bâtiment plus imposant que les autres n’avait pas tardé à faire son apparition, dévoilant une architecture en bois, renforcé par la présence de pierre. La bâtisse devait être ancienne, mais suffisamment entretenue pour rester agréable à l’œil. La présence de fleurs aux fenêtres, ainsi que pour accompagner le chemin vers l’entrée devait y être pour quelque chose. La rousse offrit un sourire soulagé à son compère, reprenant la parole d’une voix douce, pleine de légèreté :

- « Nous y sommes. C’est une auberge agréable ici, elle est entretenue par une femme et sa fille. Il y a toujours des chambres de libres et les deux gérantes sont très à l’écoute. Si vous revenez un jour dans le coin, c’est ici qu’il faut séjourner, croyez-moi. »

Les pas de la rousse avaient fini par se stopper, son buste pivotant légèrement vers son interlocuteur. Si elle semblait plus détendue, elle n’en restait pas moins légèrement soucieuse de l’état de son ami. Difficile de croire qu’elle avait finalement réussi à lier d’amitié avec une autre personne qu’Althéa et pourtant. Un sourire s’était incrusté sur ses lèvres, sourire qui se voulait plus rassurant qu’autre chose. Aurore s’assurait simplement en un coup d’œil, qu’il n’était pas déjà sujet aux effets du merveilleux mélange qu’il avait ingurgité à toute hâte. Les hommes et l’instinct de précipitation. Un nouveau soupir s’échappa de sa bouche, alors qu’elle essayait de se reconcentrer :

- « En route, monsieur DarDard » souligna-t-elle un soupçon d’amusement dans la voix.

La jeune femme n’avait pas tardé à pousser la porte, dévoilant un établissement agréable, toujours autant fleuri qu’à l’extérieur. L’intérieur était tout de bois, chaque table agrémentée d’un bouquet de fleurs, des rideaux d’un rose pâle à chaque fenêtre. Tout ici semblait respirer bon vivre. À peine les deux jeunes gens à l’intérieur que deux voix féminines venaient leur souhaiter la bienvenue, avant de se renseigner sur ce dont il avait besoin.

- « Deux chambres les filles, s’il vous plaît, pour une nuit, peut-être deux... »
- « Je suis navrée Aure, il ne nous reste qu’une chambre, vous pouvez peut-être partager ? »
- « Mhrf, d’accord… C’est laquelle ? Monsieur est un peu… malade, il nous faudrait au moins deux fenêtres »

La plus jeune des deux femmes, dont la longue chevelure brune était remontée en une queue de cheval haute avisa un instant le barde. Il n’avait à ses yeux, rien de quelqu’un de malade. Afin de ne pas mettre mal à l’aise la rouquine, elle ne formula pas sa pensée se contentant de tendre une clé.

- « La deuxième tout au fond du couloir. »
- « Merci… »

La rouquine récupéra la clé dans la main de son interlocutrice, affichant un petit sourire avant de monter les marches menant à l’étage. S’assurant qu’Odard la suivait toujours. Une fois en haut, la jeune femme s’engouffra dans le petit couloir jusqu’à ouvrir la porte menant à leur chambre, elle le laissa entrer afin de découvrir le lieu qui était tout aussi charmant que l’établissement. Aurore entra en deuxième, laissant l’homme prendre ses marques dans son nouvel environnement.

- « Je vais nous chercher une bassine, ou quelque chose.. Au cas où, puis de l’eau… Vous n’avez cas vous installer en attendant… »

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Jusqu'aux sommets des montagnes - Page 2 EmptyMar 21 Nov - 22:07
    Le marchand ne lui avait adressé qu’un regard navré en guise de réponse, comme un prélude muet au drame à venir. Inutile d’en faire d’avantage, les yeux expriment souvent plus que les langues et dans ce cas ce qu’ils avaient à dire n’était ni beau ni digne d’être prononcé. Le barde avait doucement secoué la tête, comprenant qu’il ne s’agissait ni d’un jus de pâquerettes ni d’une infusion pour dormir. Et les bruits ignobles qui montaient de ses entrailles confirmaient ses doutes. “Bon sang” Se dit-il, du vin aurait au moins eu le mérite d’être amusant… Il remercia Bre pour son honnêteté d’un regard entendu et quitta la boutique en compagnie d’Aurore tout en s’interrogeant sur le nom de son tenancier, définitivement quelqu’un dont la voie culinaire était toute tracée, qu’aurait il pu faire d’autre après tout? Bre’Tzel le forgeron? Certainement pas!

    L’air extérieur était frais et doux, avec un petit vent qui séchait la sueur qui perlait encore au front du barde sous son voile d’illusion. Un peu de marche lui ferait du bien, mais quelques mètres plus tard le constat était tout autre, chaque pas lui faisait un mal de chien et les sursauts qui accompagnaient chaque grondement donnaient l’impression d’un déséquilibré marchant sur des charbons ardents.

    Par chance, ou à défaut de chance cela sauvait au moins l’honneur, il fut pris de nausées sur le chemin de l’auberge. Du genre de celles qui vous plient en quatre et font de chaque respiration une torture qui fait souhaiter la mort à chaque instant.

    Je vous remercie pour votre sollicitude Aumie, et c’est quelque chose dont je fais grand cas sachez le. Je…”

    Penché comme il l’était derrière un arbre heureusement assez large pour le dissimuler à la vue des passants, le barde se souvint de l’histoire de cette armée de sauvages dont on disait qu’ils étaient tellement sales et sentaient tellement fort qu’à chacun de leurs pas l’herbe mourrait et refusait de pousser à nouveau. Il sut à cet instant que l’herbe au pied de cet arbre ne repousserait plus jamais, mais qu’était un carré de verdure quand l’honneur était sauf? La dédoction avait l’effet escompté, mais pas celui qu’il avait imaginé, peut-être était-ce là un effet des baies? Impossible à savoir. Mais aussi mal qu’il était il se sentait profondément soulagé, ce n’était pas vraiment le genre de choses que l’on montrait à ses amis, fussent-ils stoïques et aussi humains qu’un autre. Chaque homme, chaque barde a sa fierté, et Odard peut-être encore plus qu’un autre.

    Mais la jeune femme ne perdait pas son naturel et se confondait en excuses, une part de lui se dit qu’il aurait pu faire la même blague, tandis qu’une autre se dit qu’il aurait pu goûter la baie avant de l’engloutir comme le Mogoï qu’il était.

    J’ai bien peur très chère d’avoir une nouvelle fois fait les frais de ma gloutonnerie, j’ai pourtant un solide appétit que je prends bien garde à satisfaire en tous temps. Appelons ça un penchant pour l’excès et une aversion pour la retenue! Cela me servira de leçon cela dit, et plutôt deux fois qu’une! Mais ne soyez pas si navrée Aumie, après tout, la plaisanterie était vraiment bonne!”

    Et c’était sincère, pour s’être amusé autrefois à dissimuler des épices ou des sauces douteuses dans les auges de quelques amis ou connaissances, il savait que le jeu en valait la chandelle. Qu’il était difficile de se retenir de pouffer tandis que l’autre ingurgitait goulûment assez de poivre pour tuer un cheval. Et quelle crise de rire quand ce dernier se mettait à courir en rond en cherchant une eau qui ne lui apporterait aucun réconfort. Oui c’était drôle, cruel, mais terriblement drôle. Et dans le fond il ne pouvait que s’en prendre à lui-même et à son estomac fragile, en même temps qui aurait eu l’idée d’avaler la baie?

    Ils en arrivaient aux petits surnoms, et celui-ci était unique. On l’appelait parfois Dodo, Dada ou encore Tête de Noeud mais en général c’était quand il commençait à pleuvoir des coups et il s’en formalisait rarement. DarDard était unique et cela serait son titre à elle, et à aucun autre, après tout il l’appelait bien Aumie et même s’ils n’étaient qu’au tout début de leur aventure ils avaient déjà dépassé un certain stade. Celui où les surnoms deviennent parfois taquins et où les blagues dégénèrent de temps à autre. Aurait il imaginé tout ça trois jours auparavant? Non, il n’y aurait pas cru, le destin était parfois bon et vous poussait vers les bonnes personnes. Finalement il n’était pas à plaindre, au contraire.

    DarDard hein? Je vois que nous avons franchi un cap ma mie! Et vous m’en voyez ravi! Alors en route, si cette auberge est au moins à moitié aussi agréable que ce que vous en dites, je pourrais bien y hiberner un mois complet!”

    Il avait souri de toutes ses dents, ravi de cette complicité naissante. Aussi ignobles que ces remontées pouvaient être il commençait à se sentir mieux, et l’arrivée à l’auberge était providentielle, pas de Lucas, pas de passants, juste deux tenancières qui ne prêtèrent pas vraiment attention à lui et se contentèrent de leur indiquer leur chambre. Pour une fois il avait fait profil bas, soucieux de ne pas attirer l’attention sur la mine atroce qu’il affichait, illusion ou pas il faisait peur à voir et le sort lui demandant un effort constant il l’avait petit à petit laissé s’affaiblir, le laissant avec un teint grisâtre et des cernes sombres sous son front luisant.

    Une seule chambre. Heureusement que le breuvage agissait dans le mauvais sens... Mais elle était spacieuse et confortable, juste ce qu’il fallait pour passer la nuit avant de pouvoir enfin prendre la route des montagnes et de leur tant attendu trophée.

    Odard s’allongea quelques instants sur le lit proche de la fenêtre le temps que la jeune femme revienne. Et sombra sans s’en rendre compte dans une drôle de léthargie, où ses pensées se mêlaient à la réalité dans un résultat confus et incompréhensible. Combien de temps était-elle partie? Il n’aurait su le dire mais se rassit doucement en entendant la porte s’ouvrir, les yeux encore embués de sommeil et rouges des effets de la baie.

    Oh veuillez m’excuser j’ai dû m’assoupir quelques instants, ou bien était-ce quelques années? Je ne saurais dire! Tout va bien très chère?”

    Il allait se frotter les yeux quand il se souvint des conseils qu’on lui avait donné et se ravisa, observant son amie à travers un flou épais.

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Jusqu'aux sommets des montagnes - Page 2 EmptyVen 24 Nov - 14:04
Aurore avait également écouté les arguments du barde, du moins, les phrases qu’il avait prononcées avec plus ou moins de difficultés. La rouquine était parfaitement consciente de la situation, parfaitement consciente de la gêne de son partenaire, difficile de savoir jusqu’où il préserverait les apparences, jusqu’où il tiendrait en maintenant l’illusion. La my’tränne s’était contentée d’être naturelle, comme souvent, de ne pas changer sa façon d’être, de se comporter. De toute manière, elle n’avait jamais eu l’intention d’agir différemment. Si sa gêne était palpable, c’était uniquement vis-à-vis de son sentiment de culpabilité, de cette petite voix lui murmurant qu’elle s’était laissé influencer par le caractère quelque peu exubérant du futur joueur de flûte. Aurore était restée silencieuse, préférant s’offrir le temps de réflexion, mais surtout d’éviter d’encombrer l’esprit de son client inutilement. C’est après un petit temps de marche, ponctué par de nombreuses pauses, que les deux jeunes gens avaient finir par franchir le palier de la porte de l’auberge. Un sourire en coin, Aurore avait tenté de faire bonne figure, expliquant simplement les choses, sans laisser l’une des dernières phrases du barde trop parasiter son esprit. Après un petit moment de négociation, le duo avait fini par obtenir une chambre. Une chambre, pour deux. L’idée n’emballait guère la mage, qui s’était cependant contenté d’opiner. Il n’y avait pas grand-chose à dire après tout, c’était ça, ou rien. Montant les marches en douceur, Aure avait fini par trouver la chambre et l’ouvrir, laissant le malade y entrer pour prendre possession du lieu, sans forcément tout retapisser. La rouquine avait refermé derrière eux, déposant ses affaires dans un coin, ou plutôt abandonnant lourdement les affaires sur l’une des chaises du lieu. Ses doigts étaient rapidement venus kidnapper la poignée de la fenêtre pour l’ouvrir, alors que son regard, légèrement inquiet avait avisé l’homme allongé sur le lit.

- «  Reposez-vous Dardard. »

Un dernier regard dans l’encadrement de la porte et la jeune femme était descendue à l’étage inférieur. Avisant les deux jeunes dirigeantes qui la regardaient avec des yeux pleins d’interrogations.  Qu’est-ce que c’était fatigant de vivre dans des petites villes, qu’est-ce que c’était fatigant d’être reconnue et de fournir les différentes auberges. La rouquine avait simplement levé une main, se renfrognant sur elle-même, comme elle avait l’habitude de le faire quand quelque chose l’agaçait. Tirant une chaise, elle se laissa retomber quelque peu sur celle-ci, étalant ses jambes, s’appuyant plus que nécessaire contre le dossier du meuble qui lui permettait de se reposer.

- «  S’il vous plaît, ne me noyez pas dans une montagne de questions. Odard est un client. On passe la nuit ici, on partira demain matin pour notre chasse. En attendant, vous n’auriez pas un récipient suffisamment ancien pour pouvoir tout supporter ? De l’eau aussi… Et une infusion bien chaude. »

La plus jeune des deux responsables s’était mise à rire, reconnaissant visiblement parfaitement l’être à la chevelure flamboyante dans sa réaction. D’un commun accord avec celle qui semblait être sa mère, elle était venue rejoindre Aurore tout en douceur, pendant que la plus ancienne s’affairait à réaliser la demande avec un entrain à faire pâlir le plus dynamique des bambins.

- «  Tu sais » débuta-t-elle en tirant la deuxième chaise «  Je crois que je ne t’imagine pas avec quelqu’un un jour, tu es trop… »
- « Indépendante » hurla la seconde de derrière son comptoir
- « Exactement. Ne t’inquiète pas, promis, pas de questions. M’enfin, tu devrais quand même songé qu’un jour, il sera… » devant les gros yeux et le soupir plus que perceptible de son interlocutrice, elle s’était ravisée « Qu’est-ce qui lui arrive à ton client, il n’a pas l’air en forme quand même ? »
- « Une… Rien de grave, un coup de chaud. Ça ira mieux demain. »

Aurore récupéra l’infusion, la bassine et l’eau qu’elle tenta de conserver habilement dans le grand récipient, sans s’offrir l’occasion de tout renverser. Ou presque. Maladroitement, elle était montée marche par marche, les yeux rivés sur ce qu’elle tenait entre les mains, persuader, que peu importe la manière de faire, elle ne parviendrait à ramener tout en vie jusqu’à la chambre. S’accrochant cependant à son maigre espoir de réussite, c’est dans un miracle improbable qu’elle avait fini par pousser la porte. Avisant le barde qui semblait émerger un peu, elle afficha un sourire plus doux, plus sincère, alors qu’elle refermait derrière elle.

- « Pas encore suffisamment à mon avis. J’ai de l’eau,  deux infusions et..mh… Une bassine juste au cas où. » Elle déposa le tout sur le petit meuble à côté du lit récupérant une tasse bien chaude « Il faut qu’on se repose ce soir, cette nuit. Le voyage va être long demain… » dit-elle avec simplicité.

Aurore s’était appuyée en douceur contre la fenêtre, frissonnant au contact de la paume de sa main sur la tasse bien chaude. Elle resta un instant dans le courant d’air, avisant le barde encore un peu ailleurs, encore bien trop pâle pour inspirait une forme importante. La phrase qu’il avait pu prononcer plus tôt, vis-à-vis du passage d’une étape la hantait encore, aussi, souhaita-t-elle éluder ce mystère en abordant le sujet.

- « Dites-moi Odard, qu’avez-vous voulu dire vis-à-vis du passage d’une étape ? C’est parce que vous n’appréciez pas votre surnom ? Dardard ? Je le trouvais plus adapté, moi. »

Elle roule des épaules, laisse un soupir s’échapper de ses lèvres, alors qu’elle vient s’installer dans l’unique fauteuil de la pièce. Elle s’installe sur ses jambes, repliées sous elle, alors qu’elle avise une deuxième fois l’homme toujours sur le lit.

- « Est-ce que vous vous sentez un peu mieux ? Vous voulez quelque chose de particulier ? A manger, à boire ? »

Aurore doutait très fortement du fait que le barde souhaitait manger, il allait très certainement se reposer, afin d’être de nouveau plein d’entrain au petit matin. Se relevant, elle était venue ouvrir la grande armoire du lieu, se hissant sur la pointe de ses pieds pour attraper une couverture qui s’y trouvait au plus haut niveau. La chose n’avait pas tardé à lui tomber sur la tête, provoquant un ronchonnement impressionnant de la rouquine. Elle s’installa par la suite de nouveau sur le fauteuil, s’emmitouflant dans la couverture de façon à ne laisser plus que ses yeux de visibles, elle retenu un soupir de confort, alors que la fatigue semblait la gagner tout doucement, elle gardait cependant un œil sur le barde, juste au cas où. Aurore n’était pas très bonne pour faire la conversation, au fond, elle n’espérait plus qu’une chose que cette mésaventure n’allait pas porter préjudice à la chasse qui attendait les deux gens. Parfaitement emmitouflé, Aurore n’avait pas fini par sombre délicatement dans le sommeil, cependant toujours en alerte aux moindres bruits suspects.

- ♠️ - ♠️- ♠️  -

À peine les premiers rayons levés, la rouquine s’était éveillée, jetant un coup d’œil au barde, elle était descendue tout en douceur à l’étage inférieur, avait quitté le confort de l’auberge pour faire face à la fraîcheur du petit matin. Difficile de savoir combien de temps elle avait mis, mais Aurore avait fini par ramener les deux montures devant l’établissement, attendant sagement le retour du marchand. Celui-ci n’avait pas tardé à faire son apparition tout sourire, il avait évidemment questionné sur l’état de santé du barde, alors qu’il aidait Aurore à installer le tout sur les montures. La jeune femme l’avait rassuré avec simplicité avant de le remercier. Aure était de nouveau rentrée, s’installant à une table, savourant un thé bien chaud, la nuit n’avait pas été particulièrement réparatrice, mais tout de même suffisamment agréable pour lui épargner les cernes sous les yeux. Il ne lui restait à présent, plus qu’à attendre que Odard, se réveil tranquillement, sans les nausées, il faut l’espérer.

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Jusqu'aux sommets des montagnes - Page 2 EmptyDim 26 Nov - 21:47
    C’est à peine s’il l’avait entendue parler avant de quitter la chambre, son corps malmené ne réclamait que l’oubli d’une nuit de repos et il s’était endormi sans s’en rendre compte, finalement soulagé que son estomac ait décidé de se reposer lui aussi. Pour l’instant. Et si quelques minutes seulement semblaient s’être écoulées il s’éveilla sur un constat aigre-doux mais néanmoins des plus plaisants. C’est dans ces moments, sur des paroles simples et douces prononcées sans arrières pensées qu’il réalisait combien il était seul. Malgré son train de vie, ses connaissances et sa jovialité, les bouffons ne sont-ils pas finalement les plus tristes? Il ne se cachait pas tant que ça, et son caractère l’aidait à prendre la plupart des choses de la vie à la légère, mais c’est allongé sur ce lit qu’il réalisa la bénédiction que pouvait être une amitié, fut elle toute récente.

    Il avait connu son lot de faux-frères, de jeunes femmes avides de profiter du succès d’un artiste itinérant, d’amis d’un jour qui disparaissaient aussi vite qu’ils étaient apparus. Et malgré ça il n’avait jamais perdu l’espoir. Il était certes seul, mais les Architectes ne manquaient décidément pas de ressources et certaines rencontres valaient largement de traverser un désert avant qu’elle n’adviennent.

    Le barde s’assit sur le bord du lit, souriant à travers le flou qui couvrait toujours ses yeux et laissa ses mains posées sur ses genoux, pensant que cela le dissuaderait de se gratter les yeux jusqu’au sang. Et la jeune femme avait tout prévu, une bassine en prime. Aussi gênant que cela puisse être il lui en était reconnaissant mais suppliait intérieurement son corps et Khugatsaa de ne pas lui imposer cette humiliation.

    J’ai cru m’être assoupi des mois durant Aumie, mais je vois que vous avez pensé à tout. Je ne sais comment vous remercier, je ne sais pas ce que j’aurais fait sans vous très chère. Je vous suis redevable et je tâcherai de vous rendre la pareille si jamais une de ces fameuses baies devait malencontreusement s’échouer dans votre repas!”

    Après tout ils avaient dépassé le stade du trop plein de politesse et même si ses principes et sa galanterie étaient inébranlables il se sentait désormais libre de taquiner. Et dans ce cas il trouvait que l’idée de laisser planer une possible revanche était amusant, même s’il n’oserait jamais renvoyer cette balle là à Aurore. Le contact de la tasse chaude était réconfortant et la vapeur qui s’en échappait soulageait un peu ses yeux meurtris, il souffla dessus avant d’en apprécier le contenu, chaud et non épicé, sans brûlure aucune et sentit que si l’infusion ne le remettait pas sur pieds elle ne pourrait lui faire aucun mal.

    La question d’Aurore le laissa un instant interloqué, il eut peur de s’être mal exprimé quand le petit surnom qu’elle lui avait trouvé lui avait fait le plus grand des plaisirs. Parfois toutes ses facéties et extravagances pouvaient perdre ceux qui l’entouraient. Le barde s’en sentir gêné et tenta de rassurer aussi bien la jeune femme que lui-même, toujours sans cesser de sourire même s’il devait avoir l’air un peu idiot à sourire dans le vide puisqu’il ne voyait toujours pas grand chose.

    Ce surnom est parfait très chère, c’est juste une évolution, une marque de confiance. C’est un honneur immense que vous me faîtes et en retour je suis heureux de pouvoir vous compter aux rang des miens. J’espère que vous n’avez pas cru m’avoir vexé ou avoir été trop loin Aumie. Bien au contraire cette amitié naissante tient toutes ses promesses et il me tarde de découvrir où l’avenir nous ménera! En attendant mangez donc si le coeur vous en dit très chère, le mien n’est pas à la fête je le crains. Un peu de repos et je serais un barde neuf, prêt à parcourir le monde!”

    Elle s’était installée dans un fauteuil, visiblement lasse de ce contretemps et sans doute un peu malmenée par les idées qui avaient traversé son esprit. À tel point que la couverture qu’elle tenta de décrocher lui tomba sur le râble, provoquant un concert de raleries de cette dernière et un rire étouffé du barde. S’il ne pouvait pas se fier à sa vision il s’amusait beaucoup du spectacle qu’elle lui offrait en se débattant avec sa couverture, et ses ronchonnements étaient juste le petit détail qui rendait la chose si hilarante.

    Il me semble que celle-ci vous en veut terriblement très chère, que lui avez vous donc fait? Rien de trop incommodant j’espère?”

    Son combat remporté la jeune femme s’était emmitouflée jusqu’au sourcils et installée dans son fauteuil. Mais n’était-ce pas un rôle qu’il devait assumer? La galanterie et l’étiquette lui interdisaient de laisser une dame dormir ailleurs que dans le confort d’un lit douillet, aussi se leva-t-il tant bien que mal.

    Ah mais très chère vous ne comptez tout de même pas dormir là j’espère? Ah non! Non non non! Que nenni ma mie, je vous somme de vous lever! Sans quoi je raconterai de terribles choses à votre sujet à cette couverture et nul doute que la position dans laquelle vous vous trouvez lui laissera toute latitude pour faire de vous ce qui lui chantera! Venez donc je…” Son orteil rencontra le coin du lit dans un craquement sonore sec. “Ah nom d’un violon rôti! Mon pied! Par les Saints Rognons n’a-t-on pas idée de mettre autant de pieds à une chose aussi triviale qu’un lit? Bigre…”

    Il ne voyait que ses yeux mais imaginait qu’elle devait bien rire sous sa fameuse couverture, l’arroseur arrosé disait on? Dans ce cas là il s’était fait prendre à son propre piège, et ce n’est pas comme s’il n’était pas persuadé qu’elle aurait refusé de prendre le lit dans tous les cas. Mais cette mésaventure scellait son combat avant même qu’il ne commence. Bon gré mal gré il se rassit sur le lit, prêt à céder sa place si elle le souhaitait et trop fatigué pour se battre si elle refusait de céder du terrain. Ils devaient être au moins aussi têtu l’un que l’autre, les négociations risquaient de prendre un temps fou, et ne dit on pas “Ce que femme veut” ? Alors il se rangerait de son côté, quoi qu’elle décide.

    C’était le dernier chapitre d’une journée mouvementée, pas de leur histoire, cette dernière ne faisait que commencer. Mais il était certain qu’il s’en souviendrait toute sa vie, du moins espérait il vivre assez longtemps pour éprouver les limites de sa mémoire. Le barde adressa un dernier sourire un peu vague à son amie qu’il ne distinguait que partiellement, et ponctua d’un geste de salut de la main.

    Eh bien très chère je vous souhaite une bonne nuit, nul doute qu’avec cette infusion et un peu de repos je serai frais et pimpant dès l’aube! Et si votre couverture s’en prend de nouveau à vous vous n’aurez qu’à me réveiller très chère, je la pourfendrai au premier mot de votre part soyez-en certaine!”

    Sans même qu’ils ne s’en rendent compte le sommeil avait happé les deux jeunes gens, un sommeil lourd et réparateur qui ne survient que lorsque l’on en a vraiment besoin. Un sommeil sans rêves pour le barde, juste la masse écrasante de sa propre fatigue et le poids des rêves et des espoirs qu’il nourrissait à l’égard de cette expédition. C’était de loin la chose la plus osée et intrépide qu’il avait entrepris, si on oubliait la fois où ivre mort il avait déclenché une émeute et vidé sa vessie sur la foule du haut d’un toit. Mais cette histoire avait failli lui coûter très cher et il s’était promis de rester aussi calme que possible depuis. C’est la dernière pensée qui lui traversa l’esprit et il s’endormit en souriant légèrement.

*  *  *  *  *

    Il s’éveilla doucement, constatant d’un regard que le voile qui recouvrait ses yeux hier s’était évanoui dans la nuit, et qu’Aurore était déjà sortie. Le soleil était déjà bien haut dans le ciel et tout homme qu’il était il avait dormi une bonne partie de la matinée. Qu’à cela ne tienne, ils auraient le temps d’avancer convenablement avant que la nuit ne tombe. Mais il lui restait un dernier détail à régler avant le grand départ.

    Son estomac semblait apaisé même si quelques aigreurs subsistaient, ses yeux devaient encore être un peu rouges et il s’imaginait avoir un teint à faire fuir un nécromancien. Mais en dehors de ça il se sentait bien, d’une humeur égale à celle qu’il affichait habituellement. Prêt à rendre son prochain fou et à s’amuser comme il savait si bien le faire.

    Elle l’attendait à une table dans le salon de l’auberge, les mains lovées autour d’une tasse de thé fumant, les matins d’été sont toujours frais sans être glaciaux, mais le soleil était présent et la journée s’annonçait chaude et belle! Il lui sourit et vint se planter devant elle avant de s’incliner, décidément de très bonne humeur.

    Bien le bonjour Aumie! Comment allez-vous de si bon matin? Ou bien devrais-je dire de si bon midi? Rassurez moi je n’ai pas dormi une journée entière si? Plusieurs? Bigre! Cela explique pourquoi j’ai si faim, pour peu qu’il ne soit pas épicé je pourrais avaler un âne, peut-être même deux!”

    Il s’assit en face d’elle et commanda une tasse de thé à la jeune femme qui aidait sa mère à tenir l’auberge et qui semblait amusée par les frasques de ce dernier. Peut-être espérait elle un quelconque rapprochement des deux clients? Le petit rire qu’elle eut en quittant la salle n’échappa à personne, surtout Aurore.

    Que prévoyez-vous donc pour aujourd’hui très chère? Je suis pour ma part comme neuf ou presque, rien qu’un bon repas ne saurait corriger! Ensuite je suis à vos ordres et à votre disposition ô grande aventurière!”

    Le thé était chaud et si un bon repas s‘accompagnait en général de vin ou de bière il n’était pas certain qu’infliger ça à son estomac soit une si bonne idée. Alors il se contenta de sa tasse et apaiserait ses viscères tourmentées avec de l’eau fraîche pendant le repas. Jetant un coup d’oeil dehors il aperçut les deux montures, chargées autant qu’elles pouvaient l’être de la quantité astronomique de victuailles qu’il avait commandé la veille, un grand sourire illumina son visage. Il avait faim, et cette journée s’annonçait splendide!

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Jusqu'aux sommets des montagnes - Page 2 EmptyLun 27 Nov - 20:09
Le combat remporté avec la couverture, Aurore lança un regard semi-amusée en direction du barde. Aveugle comme il était, il n’avait certainement pas dû pouvoir profiter pleinement de la situation. Heureusement, sans quoi la taquinerie sur l’événement l’aurait très certainement poursuivi toute sa vie. S’installant sur le fauteuil, la rouquine le surveillait du coin de l’œil, certaine que l’homme n’allait nullement accepter de se faire dicter sa conduite de cette manière. Elle ne s’était pas trompée, Odard commençait à débattre sur son idée de profiter du fauteuil, haussant un sourcil de derrière sa couverture. Il était hors de question d’offrir le fauteuil à celui qui était malade, elle préférait largement le voir tapisser le sol au pied du lit, que de la privée du petit courant d’air de la fenêtre. Par chance, elle semblait avoir les meubles de son côté, puisque le barde heurta de son petit orteil un coin. Il se tordit dans une douleur non feinte, avant de se rabattre sur le lit, frottant le petit être endolori. La rouquine ne put s’empêcher de sourire, essayant de conserver son rire. Son visage avait fini par se détendre, notant cependant mentalement la menace qui planait, elle ne manquerait pas de vérifier chacun des aliments qu’elle porterait à sa bouche. Aurore n’était pas encore prête à cracher du feu, oooooh que non.

- « Cessez vos enfantillages DarDard, vous dormirez beaucoup mieux que le lit, l’avantage de la maladie. Ne comptez nullement sur moi pour vous offrir davantage de faveurs, la prochaine fois, ça sera le sol dur de la terre dans la nature. »

Sa voix était douce, taquine, son regard bienveillant, signe que malgré les apparences, la rouquine conservait un semblant d’inquiétude vis-à-vis de l’homme de nouveau allongé. Difficile de comprendre à quel point elle pouvait se sentir coupable de sa mauvaise blague. Se réinstallant confortablement dans son fauteuil, confortablement enroulé dans sa victoire précédemment remportée, la rouquine tâchait de conserver un œil sur l’homme aux mille mystères. Il n’avait pas tardé à sombrer, elle n’avait pas tardé à en faire autant.

- « Bonne nuit, Odard, que les architectes vous apportent le réconfort dont vous avez besoin. »

C’était tout, tout ce qu’elle avait ajouté avant de sombrer, avant de laisser la noirceur des songes envahir son esprit.

♦️ ♦️ ♦️


L’homme avait fini par descendre de son perchoir, de son nid douillet visiblement agréable pour qu’il n’ait jusqu’alors pas forcément envie de l’abandonner. Elle avait calmement détendu ses muscles, s’étirant en avisant la silhouette masculine qu’elle commençait à connaître, offrant un sourire agréable à celui qui venait de la rejoindre. Dans sa salutation, la jeune femme n’avait vu qu’une nouvelle occasion de le taquiner légèrement, ses deux prunelles brillants d’une intensité légèrement, définitivement rassurée de constater que son client se portait beaucoup mieux.

- « Eh bien pour être complètement honnête avec vous, cela fait très exactement trois jours. Un adepte de Möchlog est même venu à votre chevet pour vérifier que votre état de santé ne se dégradait pas…
» elle se pinça les lèvres « Quand je lui ai demandé le nom du mal qui vous rongez, il n’a pas su réellement me dire autre chose que… » ses deux émeraudes le détaillèrent un instant « le plaisir du confort remplace tous les maux. »

Un petit éclat de rire n’avait pas tardé à se faire entendre alors qu’elle poussait du bout des doigts sa tasse désormais vide. Un bref coup d’œil en direction de l’extérieur lui avait déjà permis d’évaluer l’heure approximative, ainsi que le temps qu’ils avaient perdu. Rien de grave, rien de non rattrapable, une prolongation légèrement de l’aventure qui se dessinait toujours autant palpitante. Aurore n’avait pas pu s’empêcher de rouler des yeux devant l’amusement de la serveuse qui s’empressait déjà de revenir les mains chargées d’un délicieux repas. Des omelettes, une salade, un petit morceau de fromage visiblement fait maison. De quoi tester l’endurance du barde tout en douceur, tout en plaisir gustatif. L’agréable gérante avait déposé une assiette après l’autre devant chacun des individus, souhaitant une bonne dégustation avant de disparaître, non pas sans laisser en évidence un petit morceau sur lequel il était noté ses horaires, justes au cas où que cela puisse donner des envies à son client.

- « Allez-y doucement tout de même » souffla la rousse « Inutile de tout engloutir tout d’un coup. »

La rouquine ne s’attarda que très peu sur le petit papier en peau, préférant se concentrer sur la délicieuse et appétissante assiette qu’elle avait sous les yeux. Sans s’empresser de tout avaler, elle prit le temps de mastiquer chaque petit morceau, savourant le plaisir de manger à une table, dans un calme agréable en bonne compagnie. C’était quelque chose qu’elle ne prenait pas suffisamment le temps de faire.

- « Je pense qu’après ce repas, nous pourrons récupérer nos affaires à l’étage et se mettre en route. Nous avons tout ce qu’il faut. En revanche, ne vous attendez pas à passer la prochaine nuit dans un confort aussi présent qu’ici. Nous dormirons très certainement à l’extérieur. C’est même une évidence. »

La jeune femme termina son assiette, sans réellement accélérer le rythme. L’instant était agréable, elle ne doutait pas une seconde que la suite et le début de la chasse seraient beaucoup plus complexes. Elle avait fini par se relever en douceur, abandonnant l’homme pour qu’il termine son plat :

- « La note est pour vous. » Dit-elle d’une voix joueuse, certaine que son client ne s’en offusquerait nullement « Je vais récupérer mes affaires à l’étage, pensez à emprunter une bassine si vous sentez un monstre parler à l’intérieur de votre ventre. »

Un nouveau petit pic, simple, affectueux, puis sa silhouette avait disparue en montant les marches. La jeune serveuse n’avait pas loupé l’occasion pour revenir débarrasser, s’intéressant davantage à son désormais interlocuteur.

- « Est-ce que ça vous convient ? Vous avez bien dormi j’espère ? Normalement nos chambres sont agréables, nous avons l’habitude de recevoir des gens de passages comme vous. Je suis certaine que vous n’avez abordé plus ravissante auberge que la nôtre. » Elle récupéra l’assiette vide de la rouquine, les couverts, poussa la chaise et avisa une nouvelle fois l’homme « J’espère bien avoir la chance de vous revoir, évidemment en meilleure forme qu’hier soir, la fatigue semblait vous avoir largement gagné. Si vous avez besoin de quoi que ce soit avant votre départ…. Surtout n’hésitez pas, hein, vraiment, vraiment, vraiment pas. »

Elle lui offrit un clin d’œil complice avant de disparaître les bras chargés par la vaisselle utilisée. Ne restait plus grand-chose, juste à terminer la préparation pour se mettre en route.


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Jusqu'aux sommets des montagnes - Page 2 EmptySam 2 Déc - 11:33
    Il y a des jours où rien ne va. Et d’autres en revanche où tout semble possible. Des journée idylliques où les matins frais sont enrichis par la chaleur d’un repas entre amis, d’un thé et d’un sourire. Et où finalement les maux de la veille semblent bien insignifiants, les petites taquineries prennent le pas sur la fatigue et c’est un bonheur naturel qui s’installe. Le barde savourait son thé tout en écoutant son amie lui raconter comment il s’était approché jusqu’aux portes de la mort, pour en revenir transfiguré, ou du moins exempt de toute nausée. Il rit de la planterie d’Aurore, faisant semblant d’y croire tandis que la jeune serveur approchait les bras chargés de victuailles et le regard pétillant d’une autre sorte de faim…

    Trois jours? Par les Saints Rognons Aumie mais par quel miracle ai-je survécu?! Assurément votre guérisseur doit avoir autant de talent que je suis robuste et m’accroche à la vie, sans quoi vous vous seriez réveillée aux côtés d’un cadavre inconnu. Splendide, certes, mais dont vous auriez ignoré jusqu’au nom. Et je n’ose imaginer l’angoisse que c’eût été très chère. Vraiment, je vous remercie d’avoir veillé sur mon humble carcasse!”

    C’était un repas tout sauf frugal, agrémenté de tout ce qui pouvait ravir un homme, excepté la bière. Et d’un petit papier soigneusement plié. Ah comme elle était loin l’époque des petits mots doux glissés sous la table, des regards en coin qui en disaient tant. Cette légèreté qui ne l’avait finalement jamais quitté se retrouvait dans le regard frivole de la serveuse. Aurore roula des yeux tandis que le barde se fendait d’un clin d’oeil appuyé à sa courtisane d’un jour. Chaque chose en son temps, un homme ne saurait être lui-même le ventre vide, surtout après les événements de la veille. Si son amie savourait chaque bouchée de son repas, lui malgré ses conseils engloutit le tout à une vitesse alarmante, tentant de restaurer un estomac bien malmené qui ne demandait qu’à resplendir à nouveau. Tout était parfait, des oeufs au fromage en passant par les courbes gracieuses de l’écriture de la serveuse, courbes parfaitement en accord avec celles qu’elle arborait naturellement.

    Mais l’heure n’était pas aux grivoiseries, celles-ci viendraient en leur temps. Après les préparations et le plan de bataille du jour. S’il fut refroidi un bref instant par la perspective d’une nuit sur un sol dur et froid il se dit qu’il était le moins à plaindre des deux, ayant dormi comme un loire dans un lit douillet tandis qu’Aurore s’était contentée d’un fauteuil. Et puis que serait une aventure sans nuit à la belle étoile? Il était l’homme des feux de camps et des chansons au clair de lune, alors les nuits seraient peut-être courtes et fraîches mais il ne manquerait pas de les égayer autant qu’il le pourrait.

    Ah très chère c’est comme si je n’avais rien mangé depuis des lustres! Mais peut-être ai-je dormi des années, sommes-nous vieux et frippés Aumie? Mhh non les regards que me jette cette jeune serveuse semblent écarter la thèse des rides et des dents qui tombent… Je dois dire que ce repas est fantastique, simple mais pourtant tellement efficace! De quoi se remettre en selle avant de prendre la route! Et vous, avez vous bien dormi de votre côté? Je dois avouer que j’éprouve toujours une pointe de culpabilité à l’idée de vous avoir condamnée à dormir dans ce fauteuil. Comment puis-je vous retourner la faveur très chère?”

    Il avait terminé son repas bien avant elle mais hors de question de se lever de table pour autant, manger est un acte sacré qui se respecte et demande du temps. Lui l’aurais bien pris s’il n’avait pas eu l’impression que chaque minute sans manger le rapprochait un peu plus du trépas. Alors il savoura l’eau fraîche et pure qu’on leur avait servi et appréciant de se sentir pleinement revigoré avant d'entamer leur périple vers les montagnes.

    Ah vous me faites là le plus grand plaisir Aumie! Enfin un peu d’or à dépenser! Il semblerait que le monstre ait fini par se calmer, du moins pour l’instant. Je pense que nous sommes tranquilles un moment, à moins qu’une nouvelle baie tombe par inadvertance dans mon assiette, auquel cas je ne pense pas être en mesure de survivre. Je vous attends ici-même très chère, j’ai juste un petit quelque chose à régler avant que nous partions… Rien de bien grave n’ayez crainte!”

    Aussitôt Aurore partie la jeune serveuse s’était présentée, toute en sourires et en compliments et vêtue d’un nouveau chemisier particulièrement serré qui laissait peu de choses au hasard et à l’imagination. Le barde lui sourit et se dit qu’après tout ce genre d’opportunités ne courent pas les rues, bien que les artistes aient en général le vent en poupe auprès de ces dames.

    Eh bien je dois dire ma mie que si j’ai rarement vu plus charmante auberge, je n’ai jamais vu plus charmante aubergiste! Et croyez-moi très chère j’ai suffisamment bourlingué pour affirmer que vous resterez dans mes souvenirs. Je vais bien mieux rassurez vous et suis ravi de mon séjour ici ma mie, soyez certaine que je repasserai pour vous saluer dès que j’en aurai l’occasion!”

    Et elle disparut, les joues légèrement rougies du sursaut d’audace qu’elle venait d’avoir et de la réaction du barde qui n’était comme elle l’avait espéré pas insensible à ses charmes. Lui resta là quelques instants, avant de voir la patronne quitter les cuisines visiblement très occupée. Une fois certain qu’elle ne reviendrait pas il se leva et s’engouffra dans la porte entrouverte à la poursuite de la jeune femme. Elle se retourna à son arrivée, finalement pas si surprise que ça en s’apprêtait à ouvrir la bouche quand il posa un doigt sur ses lèvres.

    Shhh. Tâchons de ne pas nous faire entendre très chère! Je suis certain que vous avez un endroit où vous vous rendez quand vous avez besoin d’être seule, un endroit calme et isolé, je meurs d’envie de faire plus ample connaissance avec vous très chère…”

    Ses yeux s’étaient écarquillés un instant sous le coup de la surprise et le rouge lui était monté aux joues avant qu’elle ne pose le verre qu’elle essuyait machinalement depuis quelques minutes et lui prenne la main pour murmurer simplement d’une voix sensuelle et basse.

    Suivez moi.”

*  *  *  *  *

    Le barde franchit la porte de l’auberge et emplit ses poumons d’un grand bol d’air frais, il espérait ne pas avoir fait perdre trop de temps à son amie qui attendait près des montures, prête à prendre la route. C’était définitivement une belle journée, pleine de promesses et de richesses qui n’attendaient que d’être saisies, croquées à pleines dents. Sa monture visiblement ravie de retrouver son cavalier renifla en le voyant arriver, le son fit lever les têtes d’Aurore et Alézane. Lui en voudrait elle d’avoir abusé de son temps? Il ne l’espérait pas et avisa le soleil pour tenter de mesurer le temps qui passe, il eut un léger soupir de soulagement en constatant que la matinée était à peine entamée et qu’ils pouvaient encore parcourir bien du chemin avant que la nuit ne tombe. Il s’inclina devant son amie et enfourcha Focus avant de se saisir de son Luth. Quoi de plus agréable qu’un petit air de musique chemin faisant?

    Veuillez m’excuser de ce contretemps Aumie, cette jeune serveuse et moi avions fort à discuter, j’espère que tout cela n’aura pas pris trop de temps. Mais je vois que le temps est radieux et que la journée s’annonce magnifique! Ainsi donc Variel est notre prochaine étape? Je suis prêt en ce qui me concerne très chère, et je m’excuse encore du retard occasionné.”

    Encore quelques jours et il retrouverait son Khurmag natal, pas forcément pour le meilleur, mais cela aurait au moins le mérite de les rapprocher de leur Architecte. Et c’était bien le moins qu’il pouvait faire pour Aurore. Peut-être que ce voyage la conforterait dans son admiration de Khugatsaa, peut-être que se rassurer d’avoir choisi le bon chemin était tout ce qui lui fallait pour s’épanouir pleinement. Il lui sourit franchement en grattant quelques accords et porta son regard au loin, vers l’Ouest.

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Jusqu'aux sommets des montagnes - Page 2 EmptyLun 4 Déc - 20:27
Une fois à l’étage, Aurore était de nouveau rentré dans la chambre, récupérant ses affaires, montant sa longue chevelure rousse en une queue de cheval haute. La jeune femme semblait plus enjouée que jamais, l’idée de fouler les terres de son architecte avait quelque chose d’apaisant, d’agréable. Elle n’avait nullement envie de traîner, nullement envie de perdre du temps inutilement, non, la my’tränne semblait désireuse de partir vite. Son sac sur le côté, l’arc et son carquois bien accroché elle avait redescendu rapidement les marches un large sourire aux lèvres et les yeux pétillants, pour découvrir une salle….Vide. Instinctivement, ses prunelles vertes avaient détaillés le lieu, cherchant la silhouette masculine maintenant connue, sans jamais la percevoir. Ses sourcils s’étaient quelque peu froncés lorsqu’en jetant un œil vers l’extérieur elle n’y avait nullement vu le jeune ménestrel. Des bruits suspects avaient fini par attirer son attention, lasse elle avait lâché un soupir en s’approchant quelque peu, poussant la porte menant dans l’arrière de l’établissement. Cette fois, aucun doute n’était possibilité sur l’activité en cours. La rouquine enragea quelque peu avant de sursauter en entendant la deuxième fois féminine du lieu :

- « Tu cherches quelque chose Aurore ? »
- « Mon client. »
- « Oh… Il a l’air d’en avoir pour un moment… »
- « Certainement… »

La rouquine n’avait pas vraiment laissé le temps à la responsable du lieu de la retenir ou de faire la conversation. Un nouveau soupir bruyant avait filtré de ses lèvres alors qu’elle faisait chemin inverse. Jalouse ? Absolument pas. Simplement déçu de constater que finalement, un homme restait un homme avec des besoins et qu’un battement de cil et un derrière en croupe suffisaient largement à le détourner de ses priorités. La responsable semblait très amusée par la situation, quoiqu’un peu gênée aussi, presque autant que la chasseuse. De nouveau dans le salon, la jeune femme s’était resservi une tasse d’infusion, cherchant à canaliser cette contrariété naissante. Une heure s’était écoulée, une heure qu’elle était installée dans un fauteuil, une jambe repliée contre le rebord, une tasse chaude dans une main attendant sagement que le client décide de cesser son sport. Sa tête légèrement en arrière, Aurore semblait même avoir eu le temps de compter chacune des lattes de bois du plancher de l’étage supérieur, ainsi que les poutres maintenant le tout, plusieurs soupirs avaient fini par se faire entendre avant qu’elle se décide à abandonner sa position.

De nouveau dehors, la jeune femme câlinait délicatement sa jument, lui murmurant à l’oreille des mots que seule la brave bête pouvait entendre, elle avait vérifié au moins quatre fois que tout était en place, avant de montrer une nouvelle fois quelque signe de son agacement. Odard. Sacré Odard. La seconde monture avait finalement, relevé la tête de son sceau rempli de quelques pommes pour sentir l’air environnant et surtout surveiller l’avancée du barde qui semblait soudainement de très bonne humeur. Aurore avait avancé d’un bas, avisant cet homme qui était en train de lui mentir sans le moindre scrupule, sans la moindre gêne, s’excusant sans en penser un mot. Elle fronça les sourcils, détailla de haut en bas la silhouette masculine, tâchant de mettre de côté la colère qui commençait à bourdonner en elle.


- « J’espère que cette ‘discussion’ en valait la peine. » Dit-elle froidement, alors qu’elle se hissait sur Alezane, sans prêter davantage à son interlocuteur « C’est plutôt pour vous. Plus le temps s’écoule, plus votre budget pour l’expédition sera important. » Souligna-t-elle afin de remettre le contexte, mais surtout de conserver cette distance si protectrice. « Vous avez-je dis que je ne supportais pas le mensonge ? J’y suis particulièrement sensible et allergique. »

Une phrase lancée avec une simplicité déconcertante, une information déposée là, juste comme ça, cherchant certainement à signifier qu’il ne valait parfois mieux rien dire que mentir. Allait-il se lancer dans une justification puérile ou simplement se contenter de conserver le silence ? Quoi qu’il en soit, Aure n’avait pas attendu qu’il soit en seul pour donner le départ. Quelques coups de langue et la jument s’étaient mis en route, quelques pas avant de partir au trot, cavalière et monture semblaient tout aussi déterminés à avancer et rattraper le temps perdu. Les sabots semblaient remuer la terre humide à une rapidité déconcertante alors qu’Aurore semblait enfin commencer à se détendre, heureuse d’avoir pris le chemin de Variel.

- « Tâchez de rester attentif Odard. Nous allons sortir des chemins empruntés régulièrement, je ne serais pas surprise de croiser une ou deux bestioles. »

Sa voix avait repris sa tonalité habituelle, ne restait plus qu’à progresser vite. Malgré le départ en milieu de matinée, la jeune femme doutait fortement du fait que le duo arriverait avant la tombée de la nuit. Elle poussait donc sa monture plus que nécessaire, habituée de toute manière à ne jamais traîner trop longtemps en chemin. Ne pas s’arrêter, ne pas se perdre dans la contemplation, traverser les pleines verdoyante de la région de Suhury pour petit à petit découvrir la froideur de la région de Khurmag. Adieu arbre feuillu, bonjour, sapin et épine. Après plusieurs heures de voyage, sans que celui-ci ne soit forcement animé par de longues discussions ou débat philosophique. La nuit avait fini par délicatement tomber alors que le dôme de Variel commençait lentement à faire son apparition. Finalement, malgré l’obscurité, le duo un peu particulier était arrivé à destination, du moins devant les portes de la ville. Les gros murs tout en rondeur étaient à présent parfaitement perceptibles et c’est donc naturellement que le rythme avait fini par ralentir, jusqu’à même venir descendre de la monture pour déposer pied-à-terre.

- « Nous y sommes » souffla la my’tränne un peu fatigué « Nous avons eu de la chance, la route c’est plutôt bien passé…. Hormis la fraicheur du changement de région évidemment. Nous devrions finalement pouvoir dormir dans un établissement, vous pouvez être heureux, les prochaines nuits seront certainement bien, bien, bien différentes… Vous connaissez ce lieu, une auberge peut-être ? »

Longeant délicatement, du bout des doigts l’encolure de sa monture jusqu’au licol pour la tirer vers l’intérieur de la ville, la jeune femme semblait plus déterminer que jamais à trouver un lieu chaud où se reposer. L’ambiance était différente ici qu’ailleurs, la nuit était bien présente, peu d’individus osaient frôler les ruelles. Le vent soufflait fort, refroidissait les visages, les mains et même les pieds, mieux valait être parfaitement bien enroulé dans une multitude de tissus pour ne pas se retrouver entièrement congelé. Cependant, au moins, la neige n’était pas encore présente, heureusement, malheureusement difficile à dire ? C’était la première fois qu’Aure mettait les pieds en Khurmag, son regard analysait le moindre recoin, la moindre structure, tout passait sous des prunelles brillantes, désireuses d’en voir davantage, de découvrir plus, toujours plus. Ici rien ne ressemblait à ce qu’elle avait pu voir avant, rien.

- « C’est…étrange. »

D’être ici ? Enfin ? De réaliser que finalement le lieu n’est pas si loin que ça. Est-ce que son cœur à choisi le bon architecte, pourquoi lui ? Au fond, Aure espérait obtenir des réponses… Vraiment. De comprendre les raisons qui la poussaient toujours vers Khugatsaa.

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